République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 janvier 2021 à 17h
2e législature - 3e année - 8e session - 47e séance
PL 12261-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous passons aux objets liés PL 12261-A, PL 12076-A et R 838-A... (Brouhaha.) C'est dommage, Mesdames et Messieurs, je ne suis pas invité à vos discussions, autrement je descendrais volontiers parlementer avec vous ! Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Il y a cinq rapporteurs différents, je vais leur donner la parole successivement; ensuite, nous lèverons la séance pour aller dîner...
Une voix. Déjà ?
Le président. Eh oui, déjà ! ...et nous reprendrons les travaux demain, après les urgences. Je cède donc la parole tout d'abord au rapporteur de majorité, M. Jean Rossiaud.
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la commission législative s'est réunie au cours de vingt-trois séances jusqu'au 17 mai 2019. Lors de sa séance du 18 mai 2018, elle a décidé de lier le traitement de ces trois objets. La R 838 «NON à la délation anonyme !», déposée par un certain nombre de députés, s'adresse à la Cour des comptes et l'invite à désactiver immédiatement sur son site internet la possibilité offerte aux dénonciateurs de se voir garantir l'anonymat. Aucune majorité ne s'est dessinée pour ce texte.
En ce qui concerne le PL 12261 du Conseil d'Etat, à savoir celui sur lequel nous avons décidé de travailler en commission, la première question concernait... Ah, pardon: j'ai oublié le PL 12076 de M. Thomas Bläsi sur lequel nous avons choisi de ne pas entrer en matière ou plutôt dont nous avons préféré repousser la discussion pour la mener en même temps que celle sur le texte du gouvernement.
La première question, donc, concernait le titre: celui-ci a soulevé passablement d'interrogations, car la volonté du Conseil d'Etat était de mettre en oeuvre l'article 26 de la constitution genevoise:
«Art. 26 Liberté d'opinion et d'expression
1 Toute personne a le droit de former, d'exprimer et de diffuser librement son opinion.
2 Toute personne a le droit de recevoir librement des informations, de se les procurer aux sources généralement accessibles et de les diffuser.
3 Toute personne qui, de bonne foi et pour la sauvegarde de l'intérêt général, révèle à l'organe compétent des comportements illégaux constatés de manière licite bénéficie d'une protection adéquate.»
Cette disposition vise «toute personne», et pas uniquement «toute personne travaillant pour le grand Etat», ce qui fait que nous avons déjà dû modifier le titre. En effet, le projet de loi ne porte au fond que sur une partie de la problématique, c'est-à-dire la protection des lanceurs d'alerte au sein de l'administration publique.
Ensuite, l'article 1 sur le but a été âprement discuté. En normalisant les mécanismes de protection des lanceurs d'alerte au sein de l'Etat, le Conseil d'Etat voulait permettre le signalement de comportements illégaux; nous avons jugé que c'était excessif, trop restrictif, et avons préféré opter pour le terme d'«irrégularités» qui est plus extensif.
L'article 2 relatif au champ d'application a été débattu encore davantage. Aujourd'hui, le texte s'applique, et c'est très important, à l'administration cantonale, au Grand Conseil, au Pouvoir judiciaire, à la Cour des comptes, aux entités visées par la loi sur l'organisation des institutions de droit public, à l'Université de Genève, à la Haute école spécialisée de Suisse occidentale ainsi qu'aux autorités communales et aux services et organismes de droit public qui en dépendent. La BCGE et les Rentes genevoises ont été exclues du périmètre, ce que regrettent le PS, les Verts et Ensemble à Gauche.
L'article 3 «Définition» a également donné pas mal de fil à retordre aux commissaires. Au final, voici ce qui a été retenu: «Est un lanceur d'alerte au sens de la présente loi le membre du personnel qui, de bonne foi et pour la sauvegarde de l'intérêt général, sur la base de soupçons raisonnables, a signalé à sa hiérarchie ou à toute autre entité compétente en la matière des irrégularités constatées» - et non, comme le souhaitait le Conseil d'Etat au départ, des «comportements illégaux» - «de manière licite dans l'exercice de ses fonctions [...].» Au troisième débat, l'exécutif a proposé de protéger également les témoins via un amendement, lequel a été rejeté par la commission.
Mais c'est bien la disposition ayant trait au signalement qui a généré le plus de controverses, c'est la question de l'anonymat. L'article 4 tel que rédigé par le Conseil d'Etat a été vivement remis en cause, en premier lieu parce que le signalement n'est pas anonyme - l'objectif du Conseil d'Etat était d'éviter la délation - en deuxième lieu parce qu'il se fait en priorité à la hiérarchie. Ces deux éléments ont donné lieu à énormément d'échanges.
L'anonymat et la confidentialité, c'est ce qui va être examiné aujourd'hui à travers les amendements qui seront présentés à la fois par le Conseil d'Etat et Ensemble à Gauche - M. Vanek l'avait annoncé en commission - c'est ce qui constitue le point central du projet. La proposition du Conseil d'Etat que le signalement s'effectue en priorité à la hiérarchie a été très contestée. Le gouvernement estime que la confidentialité quant à l'identité du lanceur d'alerte suffit à le protéger. Au sein des groupes, les avis sont tranchés entre d'une part les députés socialistes, Verts et d'Ensemble à Gauche tout à fait favorables à l'anonymat, comme il se pratique dans d'autres contextes similaires, et d'autre part les représentants du PLR qui y sont farouchement opposés. La position de l'UDC est plus nuancée. Quant au PDC, il a changé de camp au cours des travaux et s'est rallié au PLR.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, le point sur lequel nous devons statuer aujourd'hui. La commission n'a pas pris la mesure de l'anonymat, il est donc important de le mettre en discussion. L'objectif partagé par les commissaires était de ne pas encourager les dénonciations anonymes, mais de les maintenir possibles si elles sont requises; autrement, comment trouver un équilibre entre l'incitation à la délation et la protection des lanceurs d'alerte ? La version issue du deuxième débat préservait ainsi la possibilité de l'anonymat.
Le président. Vous êtes sur le temps du groupe, Monsieur.
M. Jean Rossiaud. Au troisième débat, le Conseil d'Etat est revenu avec un amendement rétablissant l'interdiction de l'anonymat: «Le signalement n'est pas anonyme [...] et l'identité du lanceur d'alerte est confidentielle.» Proposition qui a finalement été acceptée et sur laquelle nous devons voter maintenant. Nous reprendrons cette question lors des débats sur les amendements.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs, la commission vous invite premièrement à accepter le projet de loi tel qu'issu des travaux de commission, deuxièmement à refuser en l'état le texte du député Bläsi - non qu'il soit mauvais, mais l'essentiel de son contenu a été inclus dans celui que nous avons élaboré - troisièmement à rejeter la proposition de résolution qui entre en parfaite contradiction avec les projets de lois. Instaurons une pratique utile pour Genève et pour les lanceurs et lanceuses d'alerte, une pratique qui permette aux institutions de résister aux irrégularités et autres illégalités qui fleurissent en leur sein. J'interviendrai à nouveau plus tard sur le reste de mon temps pour donner la position des Verts sur ces objets. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur. Je laisse maintenant la parole à M. Pierre Vanek, rapporteur de première minorité sur le PL 12261-A.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mon rapport ne vise pas à contester le projet de loi dans son ensemble, même si c'est un rapport de minorité, donc d'opposition, mais concerne la problématique circonscrite de l'anonymat qu'a évoquée le rapporteur de majorité. Pour nous, il faut être parfaitement clair: il y a de très bonnes raisons de permettre à des lanceurs et lanceuses d'alerte de rester anonymes s'ils le désirent. Cela étant, ce n'est pas une obligation. Pour des personnes en position subordonnée, soit en posture de faiblesse structurelle par rapport à des responsables - leurs supérieurs, leurs employeurs - la protection offerte par l'anonymat garantit contre d'éventuelles représailles ou mesures de rétorsion, c'est indispensable. Ce n'est pas qu'on se félicite de l'usage de l'anonymat, mais il s'agit d'une protection nécessaire du faible face au fort.
Ensuite, la dénonciation anonyme: on a eu droit à des discours avec des trémolos dans la voix et des évocations du régime de Vichy et de Dieu sait quelle Gestapo... Bon, il se trouve que la dénonciation anonyme représente un problème quand elle s'adresse à une autorité qui est antidémocratique, qui ne respecte pas le droit, mais quand on sollicite l'Etat de Genève, on devrait pouvoir le faire en sachant que celui-ci se comportera correctement; sinon, il y a un problème ailleurs, et il faut le régler ailleurs.
Comme son nom l'indique, le lanceur d'alerte, et ce sera mon troisième point, ne fait que lancer une alerte, ouvrant ainsi au mieux - potentiellement, mais pas obligatoirement - un processus d'investigation ou d'enquête qui doit aboutir à des conclusions sur la base d'éléments confirmatoires ou non, indépendants de la dénonciation.
Mon quatrième argument est très concret, c'est l'expérience de la Cour des comptes. Notre Cour des comptes genevoise a mis en place un système de signalement avec possibilité d'anonymat qui fonctionne, et elle revendique de pouvoir continuer à l'utiliser et qu'il ne soit pas affaibli à travers la suppression de l'anonymat. Signalons aussi, pour ne prendre qu'un exemple, que la FIPOI, qui a été confrontée aux graves problèmes que l'on sait - mon collègue Jean Batou, qui est ici, avait déposé la proposition de résolution 810 à ce sujet, laquelle a été votée par notre Conseil - a adopté en 2018, dans un règlement de son conseil de fondation, une disposition selon laquelle le comité d'audit peut être saisi de manière anonyme, tirant son expérience précisément d'une dérive problématique.
Lors des travaux de commission, nous avons entendu le représentant du Contrôle fédéral des finances, qui n'est pas a priori le bras armé d'un Etat totalitaire - on peut se montrer critique, et je figure sans doute parmi les plus critiques dans cette salle en ce qui concerne la Confédération helvétique, mais enfin, quand même. Il nous a indiqué que l'anonymat est indispensable au fonctionnement du contrôle financier, et la LPers fédérale, la loi sur le personnel de la Confédération, stipule d'ailleurs en son article 22a que des signalements anonymes peuvent être opérés. A noter aussi qu'Olivier Jornot, qui n'est pas à proprement parler mon camarade politique, s'est exprimé en commission et a cité le Contrôle fédéral des finances et ses règles en exemple. Bref, en interdisant l'anonymat aux lanceurs d'alerte, comme le fait le Conseil d'Etat dans son projet, le gouvernement s'engage dans un combat d'arrière-garde très discutable.
A ce propos, deux remarques, j'allais dire au nom du Conseil d'Etat - pas tout à fait, mais presque: le conseiller d'Etat Antonio Hodgers, avant d'être magistrat, quand il était encore dans son état, disons, normal, s'était exprimé très vigoureusement lors d'un débat de ce Grand Conseil sur l'article 10A de la LPA visant la suppression de l'anonymat, qui avait été imposé par la droite à l'époque. Antonio Hodgers, alors jeune député Vert, avait ferraillé contre Michel Halpérin - qui, la voix vibrante, prétendait vouloir défendre les petits contre les corbeaux de cette république - il avait indiqué: «Vous ne pouvez pas affirmer, comme vous le faites ce soir, que l'anonymat c'est mal et c'est honteux. L'anonymat est l'acte de faibles.» C'est une protection du faible, avait insisté Antonio Hodgers en revenant à réitérées reprises sur la question - vous retrouverez les citations dans mon rapport de minorité. Cette suppression de l'anonymat lui évoquait des dictatures diverses et notamment latino-américaines, et il en connaît quelque chose, Antonio Hodgers, pour les raisons que vous savez - sachant que la proposition provenait entre autres de M. Schifferli qui, lui aussi, connaît des dictatures d'Amérique latine, mais sous un autre angle. Dès lors, les choses sont claires: que le Conseil d'Etat vienne aujourd'hui remettre en cause l'anonymat, c'est déplacé. Déplacé, tout à fait déplacé !
Et je parlerai maintenant au nom d'un autre conseiller d'Etat, à savoir Mauro Poggia. Il se trouve que j'ai pris la parole à la commission législative sur les arrêtés covid - vous trouverez cela dans mon rapport - pour dire qu'il fallait une intervention plus ferme en matière de contrôle des entreprises, et la réponse que m'a donnée Mauro Poggia, c'est que concernant le covid, s'il y avait des dénonciations, même anonymes, quant à des sociétés qui violeraient ou dont il serait allégué qu'elles violent les dispositions sanitaires en vigueur, elles seraient investiguées. Un homme pragmatique comme Mauro Poggia...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe. Soyez bref, s'il vous plaît.
M. Pierre Vanek. Je m'arrête ! ...quand il est confronté à la question de savoir s'il faut donner suite à des dénonciations anonymes ou pas, il sait bien - et il l'a dit tout récemment à la commission législative - qu'il faut y donner suite. Je vous remercie.
Le président. Merci. La parole revient à M. André Pfeffer, rapporteur de deuxième minorité sur le PL 12261-A et de première minorité sur le PL 12076-A.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'actualité nous montre que la protection des lanceurs d'alerte est absolument nécessaire. Il n'y a pas seulement les très médiatiques affaires internationales comme celles de MM. Edward Snowden ou Julian Assange, mais également plusieurs scandales genevois. La garantie d'une protection des lanceurs d'alerte existe depuis six ans dans notre constitution et il y a une unanimité pour la renforcer et surtout la rendre applicable.
Comme l'ont révélé nos travaux menés lors de nombreuses séances de commission, deux éléments divisent. Le premier, c'est la question de l'anonymat. Tout le monde est d'accord pour dire que l'anonymat est détestable et peut gravement nuire si des délations sont de mauvaise foi. Cela étant, la pratique démontre qu'une bonne partie des dénonciations auprès de la Cour des comptes sont anonymes. Celle-ci nous a expliqué qu'elle est obligée de traiter toutes les demandes, anonymes ou pas, et qu'en cas d'interdiction de l'anonymat, elle ne pourrait plus accomplir sa mission dans son ensemble. D'ailleurs, il n'est pas question de favoriser la délation, mais d'accepter les dénonciations anonymes exclusivement auprès de la Cour des comptes.
Le deuxième différend concerne l'ampleur des règles et prescriptions à établir pour remplir cette tâche. Sur ce point, notre Conseil d'Etat nous propose une véritable usine à gaz ! Son projet initial a été totalement remodelé en commission, car il ne convainquait personne. L'approche du gouvernement est de tout flécher et de tout planifier: il faut déterminer comment les signalements doivent se faire, il faut fixer des normes quant à la manière dont ils sont traités... Il décrit dans son projet les obligations, les conséquences et la protection des lanceurs d'alerte avec, au passage, une pub pour le groupe de confiance - je n'exagère pas, il y a réellement une disposition là-dessus ! - et il impose une hiérarchie des intervenants - supérieurs, groupe de confiance, Cour des comptes, etc.
Pour le groupe UDC, le texte du Conseil d'Etat est inacceptable. D'ailleurs, aucun groupe ne le trouve bon, et lors des votes en commission, beaucoup avaient hésité et voulaient voter blanc. Même en ajoutant l'anonymat pour les dénonciations à la Cour des comptes, ce que l'UDC avait proposé à l'origine, il demeure mauvais. Ce projet de loi constituerait certes l'application d'un article constitutionnel, mais il légiférerait aussi sur le fonctionnement et les liens entre collaborateurs de notre administration. Cette manière de procéder démultiplierait les actions juridiques et les interventions auprès des tribunaux.
De la même manière, le groupe UDC rejette fermement la proposition de résolution du groupe PLR qui veut désactiver la possibilité d'effectuer des dénonciations anonymes sur le site de la Cour des comptes. Si nous partageons le souhait du PLR de garantir la présomption d'innocence, cette proposition est irréaliste et inapplicable.
Pour finir, sans surprise, notre parti soutiendra le projet de loi UDC. Pour rappel, le PL 12076 prévoit que les lanceurs d'alerte puissent s'adresser à la Cour des comptes pour signaler tout type d'irrégularité. De plus, il stipule que les lanceurs d'alerte ne subissent aucun désavantage sur le plan professionnel ou personnel. Le projet UDC est conforme à la fois à la disposition constitutionnelle, à ce qui se pratique aujourd'hui et à ce que la Confédération met en oeuvre; et surtout, il a été recommandé par la Cour des comptes qui préconise même qu'il s'applique également aux communes et aux institutions de droit public.
Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, le groupe UDC vous recommande d'accepter le PL 12076 ainsi que l'amendement suggéré par la Cour des comptes. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie. La parole est à Mme Danièle Magnin, rapporteure de deuxième minorité sur le PL 12076-A et sur la R 838-A.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de deuxième minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. La Cour des comptes dispose en effet d'une procédure pour que l'on puisse dénoncer anonymement - en matière administrative, bien entendu - mais dans la mesure où son numéro de téléphone est publié sur le site, rien n'empêche quiconque de composer ce numéro, de demander un rendez-vous et de s'y présenter avec un dossier sans forcément demeurer anonyme.
Dans notre système juridique, le lanceur d'alerte est suffisamment protégé pour qu'il n'ait pas besoin de se cacher derrière l'anonymat. L'anonymat, selon nombre d'entre nous... Je citerai les études du professeur Tanquerel ainsi qu'un texte de M. Florian Irminger, qui a travaillé sur la nouvelle constitution genevoise et qui nous parle de la protection des lanceurs d'alerte en lien avec la délation anonyme.
Et c'est là toute la difficulté, Mesdames et Messieurs: si on veut protéger toutes les personnes qui dénoncent anonymement, ça peut conduire à des catastrophes ! Rappelez-vous ce qui est arrivé au service des votations et élections: on a soupçonné des gens qui n'avaient absolument rien fait d'illégal. En revanche, ça a mis en évidence, et c'est en cela que ça n'aurait pas eu besoin d'être anonyme, le fait que certaines méthodes de surveillance n'étaient pas correctement mises en place au sein de ce service.
Bon, je sais que mon groupe ne partage pas forcément mon avis, mais en ce qui me concerne, j'ai une hypersensibilité à ce sujet: qu'on doive se cacher derrière l'anonymat m'inspire un dégoût profond, je pense que dans notre pays civilisé, les messes basses, les blabla et autres rumeurs derrière le dos des uns et des autres sont la cause de problèmes très importants qui génèrent également des dégâts économiques, parce que cela a un coût. A mon avis, quand on a quelque chose à déplorer ou à annoncer, il faut le faire en utilisant les voies prévues pour cela. Je rappelle que jusqu'à présent, toutes les dénonciations anonymes à l'Etat de Genève étaient traitées verticalement, et il serait vraiment regrettable que cela change. Je vous remercie.
Le président. Merci bien. Je passe enfin la parole à Mme Céline Zuber-Roy, rapporteure de première minorité sur la R 838-A.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. La première minorité soutient la protection des lanceurs d'alerte. Nous sommes heureux de voir la concrétisation de ce droit fondamental qui a été mis en place par la Constituante, qui joue un vrai rôle d'intérêt public, nous souhaitons protéger les gens qui effectuent des dénonciations dans l'intérêt commun. La contrepartie, c'est que ces dénonciations soient réellement faites dans l'intérêt commun, c'est-à-dire pas dans un intérêt personnel, pas pour porter préjudice à quelqu'un ou améliorer sa propre situation. Dans ce cas-là, ce ne serait pas une dénonciation de bonne foi et la personne ne mériterait pas la protection de l'Etat.
Outre le fait que les dénonciations doivent servir l'intérêt public, la protection des lanceurs d'alerte ne peut pas simplement se résumer à cacher leur nom, nous voulons une protection active, et c'est ce qui est prévu dans le projet de loi, notamment avec l'exclusion de toute sanction. Par définition, si on veut protéger activement les lanceurs d'alerte, il faut au minimum que l'autorité connaisse leur nom; de ce point de vue là, l'anonymat empêche une bonne protection. Si certaines révélations sont connues d'un nombre limité de personnes, une fois le dénonciateur identifié, il n'y aura plus de protection. C'est pourquoi nous soutenons plutôt le principe de confidentialité qui permet de protéger efficacement le lanceur d'alerte tout en assurant à l'Etat la possibilité d'intervenir plus largement s'il le faut. Nous comprenons l'intérêt de l'anonymat, par exemple pour la Cour des comptes, mais cela dénote surtout un manque de confiance envers l'Etat; c'est à l'Etat de montrer qu'il entend protéger efficacement les lanceurs d'alerte afin que ceux-ci n'aient pas besoin de se réfugier dans l'anonymat.
Je ne vais pas revenir sur les faits de l'histoire ni sur les risques que présentent l'anonymat et les dénonciations, mais nous avons évidemment un choix de société à opérer, Mesdames et Messieurs: voulons-nous des lanceurs d'alerte qui agissent dans l'intérêt public en faisant preuve d'un certain courage ou voulons-nous instaurer la protection de toute personne qui transmettrait des rumeurs ou opérerait des fuites dans son propre intérêt ? Pour le PLR, le choix est fait. Dès lors, nous vous invitons d'une part à soutenir la proposition de résolution déposée par Lionel Halpérin, d'autre part à maintenir le compromis qui avait été trouvé en commission sur le projet de loi du Conseil d'Etat. Si l'anonymat devait être étendu plus largement, nous devrions à regret refuser l'entier du texte. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame. Voilà, nous sommes arrivés au terme de la présentation de ces trois textes par leurs rapporteurs respectifs, nous en poursuivrons l'examen après le traitement des urgences, c'est-à-dire demain.