République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 novembre 2020 à 20h30
2e législature - 3e année - 7e session - 36e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. François Lefort, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Mauro Poggia, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Jean Batou, Edouard Cuendet, Emmanuel Deonna, Marc Falquet, Yves de Matteis, Alessandra Oriolo, Charles Selleger, Salika Wenger et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Virna Conti, Sophie Desbiolles, Joëlle Fiss, Badia Luthi, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Esther Schaufelberger.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Nous avons reçu de M. Pierre Eckert et consorts la R 941 intitulée «Dissolution de la commission ad hoc instituée par la résolution 935»; l'ajout à l'ordre du jour, la discussion immédiate et l'urgence sont demandés. La parole est à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Je suis désolée, il y avait du bruit et je n'ai pas entendu si nous en étions déjà au point qui contient la M 2636.
Le président. Pas du tout.
Mme Marjorie de Chastonay. Très bien, toutes mes excuses.
Le président. Nous en sommes au point 4, «Discussion et approbation de l'ordre du jour». Pour ne pas laisser dans le doute les gens qui, comme vous, pourraient penser que nous en sommes à un autre point, je répète le titre de la proposition de résolution 941 de M. Pierre Eckert et cosignataires: «Dissolution de la commission ad hoc instituée par la résolution 935». Je pense que tout le monde sait maintenant de quoi nous parlons. Nous allons procéder aux votes successifs sur les trois modifications de l'ordre du jour demandées, l'ajout, la discussion immédiate et l'urgence. Je vous rappelle que la majorité des deux tiers est requise pour ces trois demandes. (Remarque.) Aucune prise de parole n'est possible concernant des modifications de l'ordre du jour.
Une voix. Motion d'ordre ! (Remarque.)
Le président. Une motion d'ordre ? Relisez l'article 79 sur la motion d'ordre, d'accord ? (Exclamation.) C'est bon ! Merci. (Rires. Commentaires.) Le vote est lancé.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour de la proposition de résolution 941 est adopté par 60 oui contre 23 non et 3 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Mise aux voix, la discussion immédiate de la proposition de résolution 941 est adoptée par 64 oui contre 23 non et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).
Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de résolution 941 est adopté par 62 oui contre 23 non et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).
Le président. Cet objet sera traité à la suite des urgences déjà acceptées, soit demain, soit vendredi prochain, après le budget. Monsieur Vanek, avez-vous une modification de l'ordre du jour à proposer ? (Remarque.) Non, très bien. Nous poursuivons et reprenons les débats sur le paquet d'objets concernant l'aide sociale, l'alimentation et le logement... (Remarque.) Madame Zuber-Roy ?
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Merci, Monsieur le président. Je présente une motion d'ordre pour demander que l'objet sur lequel nous venons de voter soit traité comme prochaine urgence. Il s'agit donc d'une modification de l'ordre du jour.
Le président. Je crois que nous avons déjà parlé du contenu de l'article 79, Madame Zuber-Roy.
Mme Céline Zuber-Roy. Absolument.
Le président. Vous pensez que nous pouvons faire cela ? (Rires.)
Mme Céline Zuber-Roy. On peut essayer ! (Rires.)
Le président. Je ne crois pas. Monsieur le sautier, vous nous confirmez que dans le cadre de l'article 79...? (Commentaires.)
Une voix. Interruption de séance !
Le président. L'article 79 permet deux choses: la suspension des débats et le vote immédiat ou la suspension de séance. Avez-vous une proposition conforme à l'une de ces possibilités ? Je ne crois pas. Monsieur Pierre Vanek, je vous donne la parole.
Mme Céline Zuber-Roy. Est-ce qu'on peut faire une modification de l'ordre du jour, alors ?
Le président. On peut faire une modification de la loi, aussi !
Mme Céline Zuber-Roy. Alors je propose une modification de l'ordre du jour pour que ce point soit avancé de quelques numéros dans les urgences ! Ce n'est pas une motion d'ordre, Monsieur le président, c'est une modification de l'ordre du jour, excusez-moi.
Le président. Ce n'est pas possible, parce que la modification de l'ordre du jour, nous venons de la faire ! Monsieur Vanek, la parole est à vous.
M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, vous avez apporté la réponse qui convenait. Il faudra aussi que le Bureau se réunisse pour définir la catégorie du débat. Par défaut, le débat sur cette proposition de résolution révocatoire de l'erreur que certains auraient commise est le débat libre: c'est évidemment un peu problématique; je pense que l'idée d'un renvoi en commission est supérieure, parce qu'elle permettrait de tenir ces échanges entre soi et de gagner du temps en plénum, ce qui est un objectif partagé par tous les groupes dans cette enceinte. (Applaudissements.)
Le président. Monsieur le député, vous avez entièrement raison; le Bureau se réunira à 23h pour prendre une décision sur la catégorie du débat. (Hilarité. Applaudissements.) Monsieur le député Thierry Cerutti, vous avez la parole.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est quand même assez incroyable qu'on vienne aujourd'hui avec une proposition de résolution pour revenir sur une décision votée à l'unanimité hier. (Commentaires.) Vous pouvez faire «ouh !» comme les enfants qui sont incultes, qui ne vont pas à l'école... (Rires.)
Le président. Monsieur le député...
M. Thierry Cerutti. ...vous pouvez le faire, c'est votre droit. Toujours est-il que c'est quand même assez rare pour le relever. Ça veut dire qu'aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, au sein de ce parlement, n'importe qui pourra revenir sur une décision comme ça, on fera des résolutions parce qu'on n'est pas d'accord avec un projet de loi par-ci, un projet de loi par-là. C'est assez scandaleux, vous êtes tous et toutes en train de parler de démocratie, de respect des minorités, de justice sociale et autres bêtises du même style... (Rires. Protestations.) ...et pourtant, aujourd'hui, vous êtes totalement dans le déni de la démocratie. (Commentaires. Le président agite la cloche.)
Le président. Laissez le député s'exprimer, s'il vous plaît.
M. Thierry Cerutti. Et ce n'est pas le retors qui est en face de moi qui me contredira ! Merci. (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Thierry Cerutti. Non, mais c'est vrai, quoi ! C'est pas vrai ?
Le président. Nous reprenons.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du premier débat
Le président. Nous reprenons nos débats et revenons aux objets liés sous l'intitulé «Aide sociale (alimentation, logement)». Nous sommes toujours en catégorie II, nonante minutes. Après avoir traité le PL 12821 du Conseil d'Etat, nous arrivons à la M 2636. Je donne la parole à Mme Marjorie de Chastonay, qui remplace Mme Oriolo, auteure de ce texte.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je serai très brève. Les Verts ont demandé l'urgence sur cet objet afin de le renvoyer à la commission des affaires sociales, pour qu'enfin cette commission puisse étudier notre proposition d'un mécanisme financier cantonal et intercommunal sur l'aide alimentaire. Cet objet a été déposé en avril 2020; par manque de temps, son traitement a été repoussé jusqu'à aujourd'hui. Je demande donc le renvoi à la commission des affaires sociales. Merci.
Le président. Merci. La parole n'étant pas demandée, nous allons voter.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2636 à la commission des affaires sociales est adopté par 86 oui et 3 abstentions.
Une voix. Bravo, Marjorie, tu as été convaincante !
Le président. Nous passons à la M 2701... (Des députés discutent vivement. Le président agite la cloche.) Pour les disputes, je vous préviens, c'est dehors, dans les couloirs ! Nous reprenons le cours des débats. La parole est à Mme la députée Patricia Bidaux, auteure de la M 2701. (Des députés continuent de discuter vivement.)
Mme Patricia Bidaux (PDC). Monsieur le président, je ne sais pas s'il est sage que je... (Le silence revient.) Voilà, le calme est à nouveau là.
Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'arrivée de la deuxième vague de la covid-19 montre ce que nous avons appris ou pas. Pour ce qui est de l'accès à l'alimentation, nous avons appris que s'il y a un besoin qui ne peut attendre, c'est celui de manger. Il ne s'agit ni d'un concept politique, ni d'un sujet de gauche ou de droite, il s'agit de transmettre ensemble au Conseil d'Etat qu'il doit anticiper le problème, car la précarisation d'une partie de la population ne disparaîtra pas comme par magie le 1er janvier 2021, ce d'autant plus qu'une troisième vague semble inéluctable.
Cette proposition de motion appelle à ne pas attendre le mois de mars 2021 pour élaborer un projet de loi libérant un crédit unique, selon un montant calculé au plus près des besoins mais également avec la retenue nécessaire vu l'état des finances de notre canton. Pour le PDC, il ne serait pas soutenable que Genève se retrouve dans le même scandale des heures de queue qu'on a vu au début de la pandémie ! Ce crédit unique pour 2020, comme le spécifiait le PL 12725, arrivera à son terme le 31 décembre. Nous avions parié que cela suffirait, à tort.
Les travaux en commission, ceux de cette noble assemblée et ceux du Conseil d'Etat ont été rondement menés dans le cadre de ce projet de loi. Aujourd'hui, nous pouvons, en acceptant cette motion, donner le ton pour 2021. Il n'est pas supportable que la malnutrition... Car lorsqu'on ne mange que des pâtes, du riz ou des pommes de terre pendant des semaines, il s'agit d'une mauvaise alimentation; certes, les calories sont là, mais les carences aussi, et cela s'appelle de la malnutrition.
Accepter cette motion, c'est ne rien demander d'autre que ce que le PL 12725, fruit d'un large travail consensuel de la commission des affaires sociales, avait porté devant notre parlement et qui avait reçu un large soutien. Ainsi, la banque alimentaire Partage a su s'adapter, développer de nouvelles compétences pour répondre à la demande du parlement. C'est fait, elle saura sans aucun doute et dans un moindre délai continuer ce qui a été mis en place.
Accepter cette motion, c'est transmettre au Conseil d'Etat qu'au travers d'un nouveau crédit unique, nous souhaitons que les associations qui sont sur le terrain puissent faire face à ce qui s'est malheureusement maintenu, soit le recours à une aide alimentaire. 2021 ne se dessine pas sous de meilleurs augures, une troisième vague étant même attendue.
Enfin, et comme je l'avais soulevé en juin, j'ajouterai que ce que fait émerger la catastrophe covid-19, c'est que si nous savons faire face à l'urgence sanitaire, nous ne sommes toujours pas équipés pour faire face à l'urgence sociale.
Mesdames les députées, Messieurs les députés, le PDC vous invite à soutenir largement cette motion afin que le Conseil d'Etat travaille de manière anticipée à l'élaboration d'un nouveau projet de loi octroyant un crédit unique pour une aide à l'alimentation. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole échoit à M. le député Murat-Julian Alder. (Un instant s'écoule.) Monsieur Alder, vous avez la parole.
Des voix. Il n'est pas là !
Le président. Il n'est pas là, je passe donc la parole à l'orateur suivant, M. Didier Bonny.
M. Didier Bonny (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le 4 juin dernier, notre Grand Conseil a voté une subvention de 5 millions à la fondation Partage, destinée à assurer le droit à l'alimentation. Six mois plus tard, cette subvention est presque totalement dépensée, ce qui n'est pas surprenant, compte tenu de la violence de la première vague du covid, qui a frappé durement les plus vulnérables de notre société et qui continue de les frapper. En effet, les conséquences de cette première vague étaient toujours bien présentes quand la deuxième vague a fait son apparition, et avec elle une aggravation de la situation, non seulement pour les personnes déjà fortement touchées au printemps - qui a oublié les files d'attente aux Vernets pour obtenir un cabas d'une valeur de 20 francs ? - mais également pour celles et ceux qui avaient pu surnager. Le droit à l'alimentation, comme celui au logement, est un droit bien évidemment fondamental et il doit avoir la place qu'il mérite dans notre constitution, comme le projet de loi constitutionnelle de Mme Verissimo de Freitas le propose.
La proposition de motion de Mme Bidaux, qui demande au Conseil d'Etat de revenir devant notre Grand Conseil avec un crédit permettant de poursuivre l'aide à l'alimentation accordée au mois de juin, est donc frappée au coin du bon sens. Concernant un sujet qui relève des besoins vitaux de l'être humain, les collectivités publiques ont la responsabilité et surtout le devoir de ne laisser personne sur le bord de la route. Cela dit, il ne faut pas oublier que la précarité dans laquelle se trouve une partie de la population genevoise n'est pas nouvelle; elle était simplement plus ou moins cachée avant la crise du covid. Cette crise a entraîné un élan de solidarité bienvenu, mais qui ne doit en aucun cas exempter les collectivités publiques de leur devoir de venir en aide aux plus précarisés de notre société, également hors des périodes de crise. Les Verts soutiendront par conséquent avec conviction ce texte et comptent sur le Conseil d'Etat pour qu'il revienne très rapidement devant notre parlement avec un projet de loi qu'ils ne manqueront pas de soutenir. Merci.
Mme Helena Verissimo de Freitas (S). Bien entendu, le groupe socialiste soutiendra la M 2701. Pour rappel, le parti socialiste a déposé le 8 mai 2020 le PL 12710 demandant la création d'un fonds garantissant le droit à l'alimentation. Ce texte s'est transformé en projet de loi de commission, le PL 12725 octroyant une aide de 5 millions à la fondation Partage pour l'achat de denrées alimentaires.
Nous avons vu les longues files d'attente aux Vernets, nous ne les voyons plus aujourd'hui, mais elles sont toujours là, éparpillées dans le canton. L'accès à une alimentation adéquate reste un problème et le restera, tant qu'on ne se préoccupera pas du problème sur le fond. Une alimentation adéquate l'est par la qualité et la quantité. Comme on l'a dit à plusieurs reprises, votons des aides pour pallier l'urgence et attelons-nous dès maintenant à travailler ensemble pour que ce qui s'est passé cette année ne se reproduise plus. Merci. (Applaudissements.)
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Le groupe PLR votera aussi cette proposition de motion, dans le prolongement du vote du PL 12725 qu'on a déjà largement évoqué. Le but de ce texte que nous soutenons est d'octroyer un crédit unique pour une aide à l'alimentation à l'expiration du crédit de 5 millions précédemment accordé, sous réserve d'un manque de ressources et en concertation, bien entendu, avec les associations oeuvrant sur le terrain. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC est sceptique quant à l'utilité même de cette motion, notamment en raison du vote du PL 12725, déjà évoqué, qui est par conséquent devenu une loi. Le Conseil d'Etat est revenu lors de cette session avec des projets de lois visant la reconduite d'aides et des aides complémentaires; d'où l'inutilité de cette motion, puisqu'il peut très bien agir de la sorte avec la loi 12725, s'il y a un manque. Pour nous, cette motion n'apporte donc rien de concret. Il faudrait plutôt faire un bilan de la portée de la loi 12725 pour voir son utilité dans le temps et son efficacité. Cette motion pourrait être le bon moyen de le faire: le groupe UDC propose donc de la renvoyer à la commission sociale. Le Conseil d'Etat pourra ainsi venir devant la commission pour faire un bilan ou un demi-bilan de la loi 12725. Peut-être qu'alors il présentera directement une demande d'aide supplémentaire ou de reconduite du crédit, ou je ne sais quoi; mais voter comme ça un chèque en blanc qui de toute façon, a priori, ne sert à rien, nous n'y sommes pas favorables. C'est pourquoi je demande le renvoi à la commission sociale. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je ferai voter sur cette demande à la fin du débat. La parole est à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra la M 2701 et s'opposera avec force au renvoi en commission proposé par M. Florey.
Ses auteurs l'ont précisé, cette proposition de motion s'inscrit dans la foulée du PL 12725 adopté en juin dernier. D'après les informations fournies par le conseiller d'Etat chargé de ce sujet, nous savons que ce premier crédit extraordinaire de 5 millions arrive presque à épuisement, ce qui répond d'ailleurs partiellement à la question que posait M. Florey, «à quoi ça sert ?». Eh bien, ça sert juste à continuer d'assurer une prestation indispensable à une population qui se trouve aujourd'hui dans une grande précarité. Sans rallonge significative, les distributions alimentaires ne pourront plus avoir lieu ou seront drastiquement diminuées. Cela provoquera non seulement des drames humains et sociaux intolérables et injustifiables humainement et politiquement, mais cela induira en plus une détérioration de la situation des personnes concernées qui s'avérera particulièrement préjudiciable pour celles-ci mais également particulièrement coûteuse pour la société.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, indispensable, cette dépense l'est; elle est incontournable. Rappelez-vous le choc de la découverte de ces files d'attente de la honte au printemps dernier. Une honte imposée à ceux qui se sont trouvés contraints de mendier de quoi couvrir leurs besoins essentiels en denrées de première nécessité, et la honte d'une société qui n'a pas su, qui n'a pas voulu éviter cela. Pour ces motifs, le groupe Ensemble à Gauche vous invite à soutenir cette motion et à la voter sur le siège - je vous rappelle qu'il ne s'agit que d'une motion et que le Conseil d'Etat devra présenter un projet qui la concrétise; la renvoyer à la commission des affaires sociales aujourd'hui n'a aucun sens, si ce n'est mettre en place une manoeuvre dilatoire. Je vous remercie de votre attention.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il ne s'agit en effet que d'une motion, je pense qu'il faut la voter sur le siège. Ça amènera le Conseil d'Etat à venir, s'il l'estime nécessaire, avec une proposition étayée et un bilan. Je pense que ça ne sert à rien de la renvoyer en commission: on perdrait du temps. Autant la voter sur le siège; s'il l'estime nécessaire, le Conseil d'Etat viendra avec un projet et les justificatifs nécessaires. Je vous invite donc, au nom du MCG, à accepter cette motion.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Je signalerai juste à M. le député Florey - vous transmettrez, Monsieur le président - qu'à l'article 4 de la loi 12725, il est mentionné: «Le Conseil d'Etat présente un rapport écrit en ce sens au Grand Conseil, au plus tard 6 mois après l'expiration du crédit.» Sa demande fait partie de cette loi, il s'agit avec cette motion d'aller un petit peu plus loin et de dire que ce qui a été fait est renouvelable et qu'on doit porter attention à ceux qui, actuellement, n'ont pas de quoi s'alimenter. Merci, Monsieur le président.
Ah, j'ajouterai, si vous le permettez, que le PDC refusera bien évidemment le renvoi en commission. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous pouvons voter sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2701 à la commission des affaires sociales est rejeté par 81 non contre 9 oui.
Mise aux voix, la motion 2701 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 87 oui contre 1 non et 5 abstentions.
Le président. Nous passons au PL 12831, présenté par Mme Léna Strasser, à qui je donne la parole.
Mme Léna Strasser (S). Merci, Monsieur le président. Comme disait l'une de mes préopinantes sur la motion précédente, la précarité ne disparaîtra pas comme par magie, abracadabra ! Ce projet de loi n'est pas sorti telle une colombe d'un chapeau de magicien, Mesdames et Messieurs les députés. Vous en connaissez le contenu: il ressemble fortement au projet de loi présenté par le Conseil d'Etat et travaillé longuement à la commission des affaires sociales pour finalement être combattu par un référendum quelque peu douteux. La différence réside dans sa temporalité: il est lié à la deuxième vague qui vient de déferler.
Voici donc le deuxième acte, pour mettre en lumière le constat suivant: les travailleurs et travailleuses qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts à cause de la situation sanitaire doivent être soutenus. C'est le cas de Fanny, étudiante: elle a perdu son job d'appoint, un CDD qui lui permettait de payer ses frais courants. A 24 ans, elle vit à nouveau aux crochets de ses proches, s'est résolue à demander du soutien au service social de la HES, alors qu'elle était totalement indépendante. Depuis quelques semaines, elle complète les aides avec un sac de nourriture venu de La FARCE. Elle commence d'hésiter à arrêter ses études.
C'est le cas de Fred, un artiste reconnu, diplômé d'une haute école d'art, père de famille. Il gagne habituellement sa vie avec son art, un salaire fluctuant d'environ 3000 francs par mois, pas assez haut pour obtenir un statut d'indépendant - c'est en tout cas ce qui lui a été répondu lorsqu'il a fait les démarches, il y a quelques années. Il paie des impôts, loue un atelier pour travailler. Fred n'a rien touché depuis mars, à part un petit soutien de Suisseculture de quelques centaines de francs par mois, et il n'est pas sûr d'avoir droit à d'autres soutiens au vu de son statut non reconnu. Devra-t-il vider toutes ses économies et résilier le bail de son atelier ?
C'est le cas de Christina, prof de Pilates dans sa propre SÀRL. Micro-entrepreneure, elle loue un studio. Ses cours marchent bien, elle a engagé une collègue. Depuis mars et la première vague, elle se réinvente: cours à cinq dans son studio - qui permet d'habitude d'accueillir une quinzaine de personnes - puis cours en ligne, un temps; certains élèves ont suivi, mais la fréquentation a drastiquement baissé. Après une brève reprise en septembre, la deuxième vague vient de la mettre à terre. Sa régie ne veut pas négocier de réduction de loyer et le délai de paiement octroyé n'est pas suffisant. Après avoir vidé ses économies, elle s'attend à mettre la clé sous la porte, à perdre son outil de travail.
Trois situations, trois statuts, beaucoup de stress, d'incompréhension, de souffrance, de difficultés à savoir comment s'en sortir aujourd'hui; Mesdames et Messieurs les députés, trois statuts parmi bien d'autres, une population de travailleuses et de travailleurs avec des contrats précaires, atypiques, parfois oraux, des indépendants aux revenus trop bas, de faux indépendants, des travailleurs sur appel, des personnes en mission temporaire. Ils et elles n'ont pas besoin d'aide, habituellement, parce qu'ils se démènent pour se maintenir à flot, seuls et debout. Malheureusement, le système d'aide a des failles actuellement trop larges. Certains d'entre eux se retrouvent sans logement ou sont à deux doigts de le perdre. Les places de logements d'urgence ne suffiront d'ailleurs peut-être pas, cet hiver.
Aujourd'hui, debout encore, ils et elles ont besoin d'un coup de pouce pour ne pas perdre leur outil de travail, ne pas sombrer, ne pas couler mais rebondir demain, quand la troisième vague sera peut-être passée. Ils vous en sauront gré, et de notre côté, vous l'aurez compris, nous ne sommes pas prêts à les laisser tomber. C'est pourquoi j'aimerais vraiment que nous puissions voter ce projet de loi d'indemnisation. (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, oui ! Oui, nous aussi, nous avons osé ! Nous avons osé déposer un deuxième projet de loi pour soutenir les personnes précaires, un deuxième projet de loi sur l'indemnité pour perte de revenus en soutien aux personnes en situation de travail précarisée par le covid-19. Oui ! Nous faisons confiance à nos autorités fédérales et cantonales qui scandent: «Personne ne sera laissé au bord du chemin !» Oui ! Il faut passer de la parole aux actes maintenant, parce qu'il y a urgence, parce que nous devons penser à tout le monde. En effet, comment voter des projets de lois - cas de rigueur - pour sauver des entreprises, pour sauver des emplois, pour sauver des secteurs, et ne pas voter ce projet de loi ? Comment sauver certains secteurs et ne pas sauver certaines personnes ? Ici, il ne s'agit pas de faire pitié, d'avoir pitié ou de demander l'aumône. Il s'agit simplement d'être juste, solidaire et équitable, parce qu'il s'agit d'une réalité.
Un grand nombre de travailleuses et de travailleurs échappent à l'aide, et pourtant, ils en ont besoin. Les dispositifs d'aide déjà déployés présentent des lacunes. Nos assurances sociales ne sont pas suffisantes pour protéger ces milliers de personnes qui travaillent à Genève, qui travaillent pour Genève ! Parce que tout simplement ils et elles vivent de petits jobs, de missions temporaires, auxiliaires, sur appel, ou encore sont au bénéfice de CDD. Ils et elles travaillent dans la coiffure, le bâtiment, la culture, les loisirs ou de nombreux autres secteurs. Malgré une grande perte de leurs revenus suite aux mesures covid, ils et elles ne peuvent bénéficier d'aucun plan de sauvetage, d'aucun plan de relance ! Ne pensons même pas à leur proposer un plan de reconversion professionnelle ! Non, ils et elles subissent la double peine car tel est le système ! Un système qui touche à ses limites. Oui, car ne pas aider la population active, rémunérée, quelle qu'elle soit, montre les limites d'un système incapable de répondre à l'urgence sociale et économique, et je dirais même à l'urgence alimentaire. Alors, avant que toutes ces personnes ne se précarisent encore davantage, avant qu'elles ne sombrent dans une spirale de surendettement, avant que la société genevoise n'ouvre enfin les yeux sur la réalité de la détresse que vivent ces personnes, osons ! Soyons dignes et aidons autant les personnes précaires que les secteurs économiques en situation de détresse ! Genève peut le faire pour ses employés car, je le rappelle, ce sont des personnes qui bénéficiaient d'un revenu et qui ont beaucoup perdu.
Un référendum honteux a attaqué le premier projet de loi consacré aux personnes dans la précarité, le PL 12723. Nous voterons en mars, et j'espère que la population sera équitable. La deuxième vague a à nouveau fait des dégâts. Avant que ces dégâts ne coûtent cher à notre système du fait de la prise en charge sociale, utilisons tous les moyens qui sont à notre disposition pour les soutenir; soutenons-les sans discrimination, sans exclusion ! Merci. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Sur le fond, nous sommes tous d'accord: il est clair qu'il faut voter quelque chose pour les personnes précarisées. Si on vote quelque chose pour les entreprises, il doit y avoir une symétrie des efforts. Il est essentiel qu'on vote quelque chose pour aider ces gens précarisés.
Je rappelle que le PDC s'est battu pour le premier projet de loi, qui malheureusement n'a pas eu la clause d'urgence et est attaqué par un référendum - mais c'est la démocratie qui le permet. Nous nous sommes battus en commission; nous avions demandé un renvoi en commission, où nous avons travaillé très rapidement pour revenir immédiatement en plénière avec un texte que nous avons pu voter.
Nous n'aimerions pas qu'on recommence avec ce projet de loi: cet argent, on en a besoin, il doit être voté. Mais pour qu'il soit voté, il faut qu'on ait une majorité certaine, qui permette aussi de voter la clause d'urgence. En l'état, ce soir, nous n'aurons pas la majorité pour voter la clause d'urgence - le PDC la votera, c'est sûr, mais nous n'aurons pas la majorité. On risque donc de se retrouver avec le même problème que ce printemps.
Si on veut apporter rapidement de l'argent, il faut retourner en commission. Je formule donc cette demande. Je vous signale que le Grand Conseil est convoqué jusqu'à samedi midi de la semaine prochaine: nous pouvons travailler sur ce projet de loi mardi à la commission des affaires sociales et revenir avec une urgence jeudi, vendredi ou samedi prochains. Nous aurions donc très bien le temps de voter, lors de cette session même, ce projet de loi. Nous devons retourner en commission, nous devons discuter de détails, simplement pour obtenir cette majorité qui permettra de voter la clause d'urgence. Sans quoi, ce sera de nouveau reporter la décision au mois de janvier - il y aura les jours fériés de Noël entre-temps, puis la votation du mois de mars sur le premier projet de loi: cet argent ne sera donc pas débloqué. Si les socialistes veulent - et nous tous le voulons - que cet argent soit débloqué immédiatement afin d'être utilisé très rapidement, il faut un retour en commission pour pouvoir en rediscuter ici entre jeudi et samedi prochains. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez tourné autour de ce renvoi en commission: demandez-vous le renvoi à la commission des affaires sociales ?
M. Bertrand Buchs. Je demande en effet le renvoi à la commission des affaires sociales.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, déposer un nouveau projet de loi pour instaurer une indemnité pour perte de revenu en soutien aux personnes en situation de travail précarisée par le covid-19, effectivement, c'est nécessaire. Il s'agit d'un texte qui n'empiète pas sur le champ de la loi 12723, il faut le rappeler, qui ne concernait que la première vague et sur laquelle les citoyens devront se prononcer en mars. A ce propos, je rappelle à ceux qui prétendent que le dépôt de ce projet de loi fait fi d'un référendum que ledit référendum a été obtenu par des méthodes particulièrement discutables.
Mais surtout, il faut bien se souvenir que la loi 12723 proposait une indemnité limitée à deux mois, alors que la crise sanitaire a empêché et empêche encore ces travailleurs précaires de travailler sur une période beaucoup plus longue, depuis le 16 mars 2020, et que de toute façon, un nouveau texte se serait imposé avec l'arrivée de la deuxième vague.
Les effets à moyen et long terme de la première et de la deuxième vagues ont donc rendu le dépôt de ce projet de loi nécessaire, d'autant plus que le flot de précaires, loin de se tarir, augmente; participe d'ailleurs à cette augmentation la fin, le 1er septembre, de l'extension des RHT aux travailleurs temporaires.
Vous le savez, ce projet de loi s'adresse en majeure partie aux travailleurs précaires domiciliés, résidant ou séjournant dans notre canton qui ne peuvent bénéficier des aides ou soutiens divers prévus par le filet social. La situation de ces personnes démontre bien combien les mailles de ce filet sont larges et comment il est simple d'échapper à toute protection, cela dans un des cantons les plus riches de Suisse, à Genève. Cela a déjà été dit, il s'agit principalement de travailleurs de l'économie domestique, de faux indépendants, de travailleurs et travailleuses du sexe, d'étudiants et étudiantes exerçant de petits jobs, et plus largement, de tous les travailleurs et travailleuses qui vivent habituellement d'emplois et de missions temporaires, ou d'emplois sur appel.
Alors oui, un certain nombre de ces personnes n'ont pas de contrat de travail en règle ou de statut légal. A qui la faute ? A l'employeur qui tient le couteau par le manche et bénéficie d'un effet d'aubaine, ou à l'employé en situation irrégulière qui, lui, se situe malencontreusement du côté de la lame et n'a, pour l'heure, pas d'autre possibilité que de vendre sa force de travail à bas prix ? Notre groupe est conscient du fait que cette population en dérange certains ici, mais nous sommes convaincus que nous ne pouvons occulter cette réalité économique de notre canton, qui bénéficie de cette force de travail et de son apport économique sans donner en contrepartie la sécurité, la stabilité dont ces personnes ont besoin pour vivre sans crainte, sans risque de se voir pénalisées ou exploitées plus encore.
En sus de cette réalité qu'il s'impose de prendre en compte, il y a les 90% ou 95% d'autres travailleurs précaires en situation irrégulière qui seraient lésés, comme ils l'ont déjà été par le référendum cité qui les aura privés de l'aide d'urgence dont ils avaient absolument besoin pour éviter de sombrer. Vous le savez, un nombre important de personnes s'endettent, sont en passe de perdre leur logement, ne sont pas à jour dans leurs multiples charges, notamment avec leur caisse maladie. Il faut donc agir rapidement, le temps n'est plus aux palabres. D'où l'impérieuse nécessité d'endiguer cette dégradation et de permettre aux travailleuses et travailleurs précaires affectés par la crise du covid-19 de maintenir leur situation à flot. C'est pourquoi notre groupe vous invite à voter ce projet de loi et à accepter la clause d'urgence. Nous sommes plus partagés sur le renvoi en commission, nous aurions souhaité que ce texte au contenu relativement limpide soit voté sur le siège; s'il faut un renvoi en commission pour le préserver, nous nous y résignerons. Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Pour le MCG, il est important d'aider les personnes précaires, de faire en sorte de leur donner un soutien financier dans la période difficile que nous traversons. Mais il ne faut pas financer le travail illégal. C'est la grande difficulté que nous avons eue ce printemps avec le précédent projet de loi; c'est pour cela que le MCG, avec l'UDC, a lancé un référendum contre une loi qui indemnise ce travail clandestin. Pour nous, c'est inacceptable, c'est la loi de la honte, la loi qui finance le travail au noir.
Le présent projet de loi est un peu sur ce modèle, malheureusement - pas tout à fait, il est un peu moins grave, heureusement. Malgré tout, il est ambigu. Il pose le problème du travail clandestin. Deux ou trois éléments ne nous semblent pas très clairs dans le texte. Le groupe MCG ne veut pas le voter sur le siège, il préfère un retour en commission afin de l'améliorer et d'en faire un texte que nous pourrions voter et, surtout, dont nous pourrions voter la clause d'urgence. Mais pour ce faire, nous devons en enlever toute ambiguïté. Si nous avons lancé ce référendum... Ce référendum a abouti, ce qui veut dire qu'il y a eu une réponse de la population genevoise, une inquiétude face au développement du travail au noir, face au développement de ces clandestins qui sont les nouveaux esclaves de la société genevoise, élément que nous n'acceptons pas: être dans la situation où se trouve Genève est très néfaste pour l'avenir de notre république et nous ne pouvons absolument pas l'accepter.
Nous voulons, bien évidemment, aider les précaires, mais pas n'importe comment. C'est pour cela que le groupe MCG votera le renvoi à la commission des affaires sociales, comme l'a proposé le député Buchs. Nous espérons qu'il y aura une majorité pour aller dans ce sens, afin de faire un travail sérieux, afin d'aider les personnes précaires, celles d'ici, qu'elles soient suisses ou étrangères, mais des personnes qui globalement respectent la légalité. On pourrait se montrer un peu généreux pour ceux qui ne sont pas nécessairement dans la légalité, mais il ne faut pas que ce soit une caution, un soutien, un encouragement au travail clandestin: cela, le MCG s'y opposera de manière catégorique aussi longtemps qu'il pourra le faire. Nous verrons d'ailleurs au mois de mars comment le peuple tranchera cette question. Nous vous donnons donc rendez-vous au mois de mars, et avant cela, nous espérons que ce projet de loi sera très nettement amélioré en commission. Merci de votre écoute.
M. André Pfeffer (UDC). L'aide aux personnes en situation de précarité et leurs besoins ne sont pas contestés. Mais ce texte pose de réels problèmes, notamment celui du travail illégal ou non déclaré. Le travail illégal et le travail non déclaré sont un fléau pour nos entreprises. Ils donnent lieu à une distorsion de concurrence, mais aussi à une prime pour ceux qui trichent. Pour les travailleurs, surtout les plus précaires et les plus faibles, le travail illégal est aussi un fléau. Favoriser ce fléau augmente la précarité, le dumping salarial et l'appauvrissement. Toutefois, il existe déjà plusieurs types d'aides pour celles et ceux qui travaillent. Les outils sont premièrement les APG - je rappelle que les APG sont destinées aux indépendants qui ont des revenus annuels de 2000 à 90 000 francs: même les tout petits indépendants peuvent en bénéficier. Evidemment, il y a aussi les RHT: les apprentis, les travailleurs à temps partiel, les travailleurs illégaux mais déclarés peuvent en bénéficier. De plus, les délais pour les chômeurs ont été rallongés. Celles et ceux qui ne sont pas sur le marché du travail doivent évidemment être assistés via l'aide sociale ou l'aide d'urgence. Je rappelle également qu'à Genève, l'aide sociale et l'aide d'urgence sont tout de même parmi les plus généreuses du pays.
Le groupe UDC ne soutient pas l'approche que propose ce projet de loi et votera le renvoi en commission. Merci pour votre attention.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Nous sommes face à un projet de loi complexe, relativement long - il est composé de vingt articles - et qui nous arrive aujourd'hui sans traitement en commission. Il ressemble en effet beaucoup au PL 12723, mais ce n'est pas tout à fait le même. Il est essentiel que nous puissions traiter ce texte de manière approfondie, même si nous devrons avancer rapidement. La commission des affaires sociales avait travaillé avec grand sérieux et dans un esprit très constructif sur le PL 12723: il sera donc possible d'avancer rapidement sur le texte qui nous occupe aujourd'hui. Le groupe PLR soutiendra dès lors le renvoi en commission et vous demande de faire de même. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Stéphane Florey pour quatre minutes vingt.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, je crois qu'il faut être clair, il faut dire les choses franchement: que ce soit Mme X, M. Y, Z, 0 ou ce que vous voulez, ceux qu'a cités Mme Strasser, ce projet de loi concerne les mêmes personnes que la loi 12723, à savoir des sans-papiers, il faut le dire clairement ! Arrêtez de tourner autour du pot, mentionnez vraiment les personnes que vous visez avec votre projet, qui est, disons-le également - la population a le droit de le savoir - un copier-coller de la loi 12723, à laquelle vous avez changé trois mots, ajouté deux virgules et un point. Grosso modo, c'est à peu près ça. Alors ne venez pas dire aujourd'hui que c'est un nouveau projet de loi, que c'est la suite, tout ça; vous voulez simplement court-circuiter les droits démocratiques dans ce canton, ça, il faut l'avouer, dites-le franchement ! Là, vous paraîtrez à peu près crédibles vis-à-vis de la population qui nous regarde aujourd'hui. Parce que c'est ça, la réalité: à force de tourner autour du pot, vous ne trompez personne ! C'est un copier-coller, et ça, il faut le dire.
Donc oui, renvoyons ce projet de loi en commission, mais effectivement, il faudra l'améliorer. On peut espérer que vous reviendrez un peu plus à la réalité de la situation actuelle et que vous voterez les excellents amendements que le PLR avait proposés lors du vote du 12723, dont l'idée était de dire: oui, on va les aider, mais il y aura des sanctions ! Parce que c'est aussi ça, la réalité, vous ne pouvez pas payer à fonds perdu indéfiniment des profiteurs, des gens qui travaillent illégalement chez nous, qui sont illégaux dans notre pays, qui ne paient pas d'impôts, qui contreviennent donc à une multitude de lois, ce qui n'est pas admissible. Alors renvoyons ce projet de loi en commission. J'espère que les députés PLR de la commission sociale redéposeront leurs amendements et que vous aurez l'intelligence de les voter; comme ça, même l'UDC - et ça, je peux vous le garantir - pourrait voter le projet de loi, mais, je le répète, avec les amendements qui avaient été déposés sur le PL 12723. C'est le minimum qu'on doit aux personnes qui résident légalement chez nous, qui paient leurs impôts, qui font des efforts, qui participent à l'effort de la collectivité comme tout citoyen. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député François Baertschi pour trois minutes vingt-neuf.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est vrai que le fléau du travail au noir est largement sous-estimé par les auteurs de ce projet de loi, qui sont, quelque part, irresponsables de proposer à nouveau le principe de la perte de gain. Je pense qu'ils font fausse route; il faudrait instituer, à mon sens, une aide sociale complémentaire, trouver une formule. Le groupe MCG avait fait des propositions lors de précédents débats parlementaires, propositions qui n'ont malheureusement pas été entendues. J'espère que ce sera entendu cette fois et qu'on prêtera attention à l'amendement PLR repris de l'amendement du député Gander en commission, sauf erreur. Cet amendement peut avoir un certain sens, il faudrait le soutenir. D'une certaine manière, il ne faut pas donner carte blanche, il faut qu'on fasse preuve d'une véritable exigence et ne pas faire du grand n'importe quoi. Avec ce projet de loi, en l'état, j'ai l'impression que nous avons du grand n'importe quoi. Une certaine précarité existe, nous ne le nions pas, mais il faut impérativement qu'on trouve de bonnes solutions et qu'on ne continue pas dans cette voie très nocive pour notre société genevoise, c'est-à-dire de favoriser le travail au noir, un véritable fléau genevois. Nous devons aller contre ce qui serait une loi de la honte, parce que nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir une loi de la honte qui favorise le travail au noir. Merci de votre écoute.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Jocelyne Haller pour une minute.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, mais si c'est le temps qui reste pour tout le groupe... C'est bien cela ?
Le président. Oui, c'est le temps qui reste au groupe.
Mme Jocelyne Haller. Alors je renonce. Merci.
Mme Léna Strasser (S). Je voulais juste répondre. D'abord, bien sûr, je l'ai d'ailleurs dit, ce projet ressemble beaucoup à celui du Conseil d'Etat, mais il est axé sur la deuxième vague. Ce n'est pas un projet à fonds perdu, ceux qui disent ça ne l'ont pas lu. Ce n'est pas un projet indéfini dans le temps, le temps est délimité. Et puis, si, durant la première vague, nombre de femmes de ménage - parce que c'est bien d'elles qu'on parle quand on évoque les personnes sans statut légal - ont été empêchées de travailler et n'ont pas reçu de salaire à cause d'employeurs qui ne les ont pas payées pendant cette période, ce n'est pas le cas durant cette deuxième vague. Ça ne veut pas dire que les personnes sans statut légal sont exclues de ce deuxième projet de loi, je ne vais pas le cacher; par contre, il y en aura certainement beaucoup moins. Mais beaucoup, beaucoup de personnes qui ont un statut sont parmi celles que ce projet de loi va aider.
De plus, ce n'est pas parce qu'on n'a pas un statut légal qu'on n'est pas quelqu'un qui travaille et apporte sa part à la collectivité. Je pense aux gardes d'enfant: c'est assez utile à certains d'avoir quelqu'un qui s'occupe des enfants, fait le ménage, etc. Pour la plupart, ces personnes ne sont pas des travailleurs au noir, mais au gris: elles paient des impôts, etc.
Pour moi, c'est trop facile de dire - comme on l'a fait à propos du premier projet de loi - «ça ne s'adresse qu'à..., c'est un texte qui soutient le travail au noir», parce que c'est faux, et j'espère que quand on votera sur le premier projet de loi du Conseil d'Etat en mars, la population le comprendra et aura l'intelligence d'aller de l'avant en soutenant le texte. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12831 à la commission des affaires sociales est adopté par 62 oui contre 30 non et 2 abstentions.
Le président. Nous passons au dernier objet de ce paquet concernant l'aide sociale, le PL 12832 de M. Batou et consorts. Je cède le micro à M. Jean Burgermeister, qui, je suppose, représente l'auteur du projet de loi. Monsieur Burgermeister, vous avez la parole en tant qu'auteur.
M. Jean Burgermeister (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Effectivement, je remplace M. Batou qui n'a pas pu être présent. Je ne vais pas trop m'attarder sur les conséquences sociales de la crise, dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter hier et aujourd'hui. Je mettrai simplement en avant, comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant, l'inégalité des aides proposées par le Conseil d'Etat et votées par ce parlement, qui ciblent beaucoup les entreprises, mais pas les salariés, pas les travailleuses et les travailleurs, qui mettent de côté aussi une grande partie - la majorité, probablement - des indépendantes et des indépendants et beaucoup de petits entrepreneurs.
Si un véritable plan d'urgence de garantie de l'emploi et des revenus n'est pas mis rapidement en place dans ce canton, il existe un risque très réel de voir basculer dans la pauvreté et la précarité de larges couches de la population. Cela pourrait advenir de manière durable, avec des coûts sociaux terribles et aussi, naturellement, des coûts économiques. C'est pourquoi Ensemble à Gauche a proposé un fonds de solidarité pour indemniser les personnes qui ont perdu une partie de leur revenu: les salariés qui bénéficient des RHT, c'est-à-dire qui perdent 20% ou plus de leur salaire, voire qui ont perdu la totalité de leur revenu; les travailleuses et les travailleurs précaires; des personnes qui ne peuvent pas aller au travail parce qu'elles sont vulnérables ou en charge de personnes vulnérables, d'enfants qui ne peuvent pas être scolarisés, ou autre. Ce fonds de solidarité doit aussi permettre de prolonger les aides pour les personnes en cours d'études qui, en raison de la crise, vont se retrouver dans l'obligation de prolonger la durée de leurs études alors que les aides sont limitées dans le temps.
A mon sens, ces aides sont assez raisonnables. Elles permettent d'enrayer l'explosion absolument effrayante de la pauvreté et de la précarité, contre lesquelles ce Grand Conseil n'a pour l'instant pas proposé de réponse concluante. Et puis, contrairement à la plupart des dépenses que nous votons ici, nous avons pris le soin de prévoir un financement de ces dépenses nécessaires en proposant une contribution unique plafonnée à 1% sur la fortune imposable qui dépasse les 2 millions, c'est-à-dire une contribution de solidarité pour les grosses fortunes de ce canton qui devrait permettre de dégager 600 à 700 millions, soit largement de quoi indemniser celles et ceux qui sont dans le besoin.
Même si d'autres personnes de mon groupe ou moi-même avons déjà eu l'occasion d'en parler, il vaut la peine de s'attarder sur la situation de la fortune à Genève.
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe. Il vous reste une minute.
M. Jean Burgermeister. Je vous remercie. Une étude publiée par l'administration fiscale fédérale montrait que la fortune croît à une vitesse folle à Genève - en moyenne 7,7% par an - alors que les revenus de l'impôt sur la fortune croissent, eux, seulement de 4,9% par an en moyenne. Une grande partie de la fortune échappe donc à l'impôt. Par ailleurs, Genève est le canton qui a la répartition de la fortune la plus inégalitaire. On assiste à un véritable mouvement de concentration de fortunes colossales, qui croissent très rapidement, entre un nombre très restreint de mains. Les plus riches, Mesdames et Messieurs, vont bien, vont même très bien, même en période de crise, ce sont celles et ceux qui souffrent le moins ou qui ne souffrent pas de la crise. Ils et elles ont les moyens de participer à l'effort solidaire et collectif...
Le président. Il vous faut terminer.
M. Jean Burgermeister. ...pour un véritable plan de sortie de crise. C'est ce que nous proposons avec ce projet de loi.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez vraiment terminé «picobello», ce qui est rare. Je passe la parole à M. le député Sébastien Desfayes.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Merci, Monsieur le président. La position du PDC est totalement contraire à celle d'Ensemble à Gauche, ça ne surprendra personne. Nous considérons que si on veut garder des emplois à Genève, favoriser l'embauche, la dernière chose à faire est d'augmenter les impôts. On ne relance pas une économie affaiblie en procédant à une augmentation fiscale. Ici, il ne s'agit pas de n'importe quelle augmentation fiscale, c'est une augmentation de 100% de l'impôt sur la fortune, impôt qui existe à Genève et qui est le plus élevé de Suisse. D'ailleurs, en Suisse, l'impôt sur la fortune est une particularité: aux alentours, il n'existe pas. En Allemagne, il a été supprimé par la cour suprême, il n'existe plus en France, il est totalement inconnu dans les pays anglo-saxons.
On veut donc augmenter cet impôt sur la fortune de 100% et on vient nous dire: «C'est une augmentation unique, pour une année, ça ne durera pas.» Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, depuis 1915, date de l'introduction de l'impôt de guerre qui est l'ancêtre de l'IFD, le PDC ne croit plus au caractère provisoire, extraordinaire d'un impôt. Ce qu'il faut aussi dire, c'est que cette augmentation d'impôt prétend frapper les grandes fortunes, mais ce ne sont pas les grandes fortunes qui sont frappées ici: ça peut tout à fait être de petits propriétaires qui n'ont pas de revenus importants mais qui ont un bien immobilier. Et puis surtout, ça peut être des entrepreneurs. On prétend défendre les entrepreneurs; or, ceux qui sont propriétaires de leur petite entreprise sont imposés, quant à la fortune, sur la valeur de cette même entreprise, et loin de protéger les petits entrepreneurs, on vient - excusez-moi du terme - les flinguer avec un nouvel impôt.
Si on veut attirer, créer des emplois à Genève, on doit avoir une fiscalité prévisible et visible, et force est de constater que ce texte s'éloigne fortement de ces principes.
Enfin, et surtout, il est extraordinairement douteux que cette augmentation d'impôts fasse croître les recettes fiscales. C'est exactement le contraire qui risque de se passer. A Genève, moins de 1% des contribuables paient 64% de l'impôt sur la fortune. On ne peut pas se permettre de voir un exode de contribuables à Genève. Le départ de grands contribuables peut avoir des conséquences dramatiques pour les finances du canton. Donc vraiment, ne jouons pas avec ça, c'est bien trop dangereux.
Au PDC, nous avons une autre solution, c'est aussi une contribution extraordinaire, mais il s'avère qu'elle est volontaire ! J'espère que nous aurons l'occasion d'en discuter ce soir. C'est une contribution extraordinaire pour aider les emplois et les entreprises. Bertrand Buchs en parlera. Merci, Monsieur le président.
M. Yvan Zweifel (PLR). Je vais parler dans la droite ligne de mon excellent collègue Sébastien Desfayes. Concentrons-nous d'abord sur ce que demande ce projet de loi, Mesdames et Messieurs. Il demande des choses que nous avons déjà refusées ce soir: par exemple, le financement de 100% du salaire des personnes en RHT a été refusé. Dès lors, comment accepter un projet qui irait à l'encontre de notre décision ? Je sais que dans ce parlement, depuis hier, on a l'habitude de se tromper en votant et de changer le vote ensuite, mais si on pouvait arrêter de faire ça, ce serait bien.
Que demande encore ce projet de loi à l'article 236A, alinéa 7 ? C'est assez intéressant: «La gestion du fonds sous la responsabilité du Conseil d'Etat est contrôlée par une commission ad hoc élue par le Grand Conseil et composée de sept députés, soit un député par parti représenté au Grand Conseil.» On demande donc d'augmenter les impôts pour faire quoi ? Pour payer des jetons de présence supplémentaires à des députés dans une commission. Mesdames et Messieurs, c'est se fiche du monde !
Concentrons-nous maintenant sur le financement proposé. De quoi parle-t-on ? L'impôt sur la fortune représente 810 millions de recettes fiscales pour le canton de Genève. Sur ces 810 millions, 659 millions, c'est-à-dire 81,4%, sont payés par 3% des contribuables, c'est-à-dire exactement 8611 personnes - les mêmes que le parti socialiste, Ensemble à Gauche et d'autres encore souhaiteraient évidemment voir quitter ce canton. Mais que nous proposent-ils ici ? Un fonds de solidarité. Bonne nouvelle, Monsieur Burgermeister, il existe déjà et s'appelle l'impôt sur la fortune, puisque précisément, c'est à Genève que l'impôt sur la fortune est le plus élevé, c'est à Genève que les contribuables qui paient cet impôt paient le plus, et donc participent le plus au ménage de l'Etat: nous sommes le canton le plus solidaire. Au lieu de remercier ces 8611 contribuables qui permettent précisément de payer toutes les dépenses que vous votez à longueur de journée, vous voulez leur cracher dessus en leur demandant de cracher encore plus au bassinet. Mesdames et Messieurs, c'est tout simplement honteux.
Et puis, M. Desfayes l'a dit à juste titre, à juste titre: la majorité de ces personnes ne sont pas des Balthazar Picsou dont la fortune est composée de pièces et de billets qu'ils ont amassés et enferment dans un coffre-fort. Effectivement, dans ce cas de figure, si je viens avec mon seau étatique récupérer 1% de plus, qui verra la différence ? Non, Mesdames et Messieurs, M. Desfayes a raison: la majorité de ces gens, qui sont-ils ? Ce sont des propriétaires immobiliers, et souvent, de petits propriétaires, dont la fortune, en fait, est composée de leur bien immobilier. Ce que vous leur demandez, c'est de vendre leur bien immobilier ! Il s'agit également de patrons, notamment de patrons de PME, qui sont imposés sur la fortune au titre du fait qu'on valorise leur entreprise. Permettez-moi de vous signaler que cette valorisation a tendance à augmenter avec le temps, précisément parce qu'elle est calculée selon un système totalement archaïque qui est la CSI 28, la directive de la Conférence suisse des impôts n° 28... (Brouhaha.) ...qui précise qu'on doit diviser le rendement par un taux d'intérêt: or, ce taux a tendance à baisser, et si votre entreprise fait exactement le même bénéfice, exactement le même chiffre d'affaires, a exactement le même nombre d'employés, exactement la même activité, parce que le taux d'intérêt baisse, l'Etat considérera que votre entreprise vaut davantage. Est-ce que vous, vous avez des francs, des billets, des pièces en plus ? La réponse est non. Mais Ensemble à Gauche vous dira: «Bah, ce n'est pas grave, vous n'avez qu'à vendre une partie de votre entreprise !» Et quand le même patron licenciera quelqu'un parce qu'il devra payer cet impôt de solidarité, les mêmes personnes d'Ensemble à Gauche crieront, hurleront, vociféreront, comme le fait admirablement mon estimé collègue Burgermeister, pour dire: «Ah, ces salauds de patrons !» Et tout ça, ce sera la faute de qui ? Des mêmes qui hurlent, qui crient, qui vocifèrent, c'est-à-dire d'Ensemble à Gauche.
Mesdames et Messieurs, il faut évidemment refuser ce projet dans le canton qui taxe le plus les plus grandes fortunes, dans le canton où elles sont déjà le plus solidaires. Accepter ce projet, Mesdames et Messieurs, c'est revenir à dire, comme Michel Audiard: «Avec Ensemble à Gauche» - ça, c'est mon petit ajout à moi - «le jour est proche où nous n'aurons plus que les impôts sur les os.» (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. La barre est haute ! (Rires.) Je passe la parole à Mme la députée Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, depuis de nombreuses années, on assiste, malheureusement, à une aggravation de la précarité dans notre canton - c'est étayé par plusieurs rapports, émanant notamment du Conseil d'Etat. Ce phénomène a encore été accéléré par la crise du covid-19. Certains et certaines de nos concitoyens et concitoyennes ont perdu une partie de leurs revenus; certains, qui sont passés tout droit entre les mailles du filet, en ont perdu la totalité. Cette crise du covid a donc engendré un nombre incalculable de besoins, besoins en soutiens, en aides, simplement pour maintenir à flot un certain nombre de nos concitoyens. Le constat malheureux que nous devons tirer aujourd'hui est que ce sont les travailleuses et les travailleurs de notre canton qui paient le plus lourd tribut à cette crise, alors que les personnes qui bénéficient - tant mieux pour elles - de très hauts revenus et de grandes fortunes sont très fortement épargnées. J'en veux pour preuve un article publié dans «Le Temps» le 7 octobre dernier, qui montre que le covid a augmenté le nombre de milliardaires en Suisse. Cette crise sanitaire, qui s'est transformée en crise économique et sociale, est véritablement le catalyseur d'un phénomène que l'on connaissait déjà, mais qui s'est aggravé avec cette situation de crise, soit l'accroissement des inégalités. D'ailleurs, les chiffres évoqués notamment par M. Zweifel, qui nous dit que l'écrasante majorité de l'impôt sur la fortune n'est payée que par 3% des contribuables, étayent la thèse selon laquelle nous assistons aujourd'hui à Genève à un accroissement de ces inégalités, notamment en matière de possession de la fortune.
Or, cette crise sanitaire, justement, cette crise économique et sociale, fait émerger de très nombreux nouveaux besoins, notamment parce qu'on observe une augmentation du chômage, une augmentation de la sollicitation d'aide sociale: nous avons des besoins nouveaux d'aides ponctuelles, besoin d'un développement de nouvelles prestations; d'un développement, aussi, des services publics et de nouvelles prestations à la population rendues nécessaires par cette crise du covid: pour cela, il faut trouver de nouveaux financements. C'est pourquoi le parti socialiste soutient ce projet de loi qui demande de mettre à contribution de manière exceptionnelle, ponctuelle, unique, celles et ceux qui s'en sortent le mieux dans le cadre de cette crise sanitaire, celles et ceux qui sont les plus fortunés de notre canton.
Un dernier mot, Monsieur le président, pour répondre à M. Zweifel, qui joue des violons pour nous faire pleurer, en nous disant que les petits propriétaires seraient contraints de vendre leur villa à cause de ce projet de loi: je rappelle que celui-ci propose une augmentation de l'impôt sur la fortune, oui, mais pour les personnes qui ont une fortune évaluée à plus de 2 millions de francs. Avec un parc immobilier largement sous-évalué actuellement, parce que la droite a mis des bâtons dans les roues autant qu'elle le pouvait depuis dix ans pour éviter sa réévaluation, on ne parle pas là de petits propriétaires comme des personnes âgées qui n'ont qu'un petit bien immobilier, il s'agit de personnes qui ont plus de 2 millions d'euros... (Exclamations.) ...de francs de fortune, ce sont de très grands propriétaires. Ce sont précisément ces personnes qu'il faut mettre à contribution pour payer le financement des prestations nécessaires, de manière qu'on ne laisse pas complètement couler une grande partie de nos concitoyennes et de nos concitoyens. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey pour une minute et trente-quatre secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Bien évidemment, le groupe UDC refusera ce projet. J'aimerais vous rappeler quelques chiffres. J'avais déposé une question écrite urgente et j'en avais parlé lors de l'étude des comptes 2019. Les chiffres étaient clairs: aujourd'hui, les nouvelles arrivées de grosses fortunes ne compensent même pas celles qui sont parties. A force de vouloir voter ce genre de projets de lois et d'augmentations d'impôts, l'exode va continuer, ce qui fait qu'on aura encore moins de recettes. Il faudrait une fois être clairs, Mesdames et Messieurs des rangs d'en face: dites franchement si vous voulez que ce soient les petits revenus qui subissent de fortes augmentations d'impôts - parce que je vous rappelle que 35% de la population n'en paie pas justement grâce au fait que les grosses fortunes en paient pour eux. Mais finalement, un jour, on risque d'y arriver ! Il faudra vous en mordre les doigts, parce que vous serez entièrement fautifs. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député François Baertschi pour une minute quarante.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est vrai qu'avec ce projet de loi d'Ensemble à Gauche, il y a quelque chose de très prévisible: chaque fois, on attaque les grandes fortunes, comme si c'était... (Remarque.) ...comme si ces grandes fortunes étaient une ressource inépuisable, alors qu'on oublie qu'elles sont mobiles. Même si elles sont constituées en partie de biens immobiliers, ces grandes fortunes peuvent quitter le canton, les gens peuvent vendre leurs biens, c'est une réalité. Comme l'a bien dit le député Yvan Zweifel, 1% des contribuables versent plus de 80% de l'impôt sur la fortune: nous dépendons de très peu de personnes. En agissant de cette manière, on est en train de tuer la poule aux oeufs d'or. S'attaquer aux grandes fortunes, c'est vraiment la voie de la facilité. Ce qu'on risque d'obtenir, c'est un appauvrissement de Genève. Et ce n'est pas en appauvrissant les riches qu'on va enrichir les pauvres. Je vous demande donc de refuser ce projet de loi.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Si j'entends bien, il s'agit de prélever de façon provisoire et unique une ponction de 1% sur les fortunes de plus de 2 millions de francs, cela pour des besoins très urgents. Quelle est la voie choisie pour ce faire ? Rien de moins qu'un projet de loi constitutionnelle, ce qui, vous en conviendrez, Mesdames et Messieurs, ne répond pas très bien à l'urgence, puisqu'une telle loi doit évidemment passer devant le peuple. Il ne suffit donc pas que votre Grand Conseil l'adopte, encore faudrait-il organiser des votations et que le peuple se prononce.
Mesdames et Messieurs, nous sommes face à un geste politique, à un étendard: on ne veut plus de ces grosses fortunes, elles doivent payer pour la précarité et pour la crise du covid. Le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion de s'exprimer à ce sujet. La solution d'augmenter les impôts n'est pas une bonne solution, encore moins dans une période de crise économique, sanitaire et sociale comme celle que nous vivons.
Nous l'avons vu ce soir, Mesdames et Messieurs, la solution est de s'adresser au Grand Conseil: c'est que le Grand Conseil prenne ses responsabilités de manière unie pour aider celles et ceux qui ont besoin d'aide, pour aider les précarisés, l'emploi, les entreprises; la solution n'est en aucun cas d'augmenter l'impôt sur les plus grosses fortunes, dont on sait qu'elles sont déjà, à Genève, le plus fortement taxées par rapport au reste de la Suisse, voire à l'ensemble des autres pays.
Mesdames et Messieurs, je m'interroge sur la vraie volonté de l'extrême gauche aujourd'hui: elle ne consiste certainement pas à aider celles et ceux qui en ont besoin, car il y a d'autres chemins plus rapides. Je vous recommande de refuser ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous procédons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12832 est rejeté en premier débat par 56 non contre 33 oui et 2 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous passons à l'ensemble d'objets liés sous le label «Soutien aux commerces / à l'économie», constitué d'un projet de loi et de six propositions de motions, que nous traiterons en catégorie II, cent quatre-vingts minutes. Nous commençons par le PL 12804; la parole est à son premier auteur, M. le député Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi a été déposé le 3 novembre 2020. Il aurait dû faire l'objet de ce que nous avions demandé, à savoir une session parlementaire; son vote aurait purement et simplement évité tous les débats que nous avons eus entre hier et aujourd'hui et ceux que nous aurons encore demain. Ce texte voulait revenir sur l'article 11 de l'arrêté du Conseil d'Etat du 1er novembre et autoriser l'ouverture des commerces qui ont été contraints de fermer - une partie va rouvrir, certes, mais disons que c'était là l'idée de départ.
Il est clair que la situation a largement changé: les commerces non essentiels vont rouvrir samedi et les cafetiers-restaurateurs, du moins une partie, pourront rouvrir le 10 décembre. Au vu de cette situation qui, il faut le reconnaître, évolue assez rapidement dans le bon sens - même si ce mois a été très long et très difficile pour ceux qui ont été contraints de fermer, et nous en sommes conscients - le PLR, lors des discussions que nous avons eues, nous a proposé un amendement général à notre projet de loi pour cibler uniquement les commerces.
Comme je l'ai dit en introduction, les commerces vont rouvrir dès samedi; cet amendement, que nous allons bien évidemment soutenir et que nous vous demandons de soutenir également, cible vraiment ces commerces et les autorise justement à ouvrir, mais avec des règles précises. L'amendement prévoit aussi une modification de la LHOM puisque, vous l'avez certainement vu, les commerces pourront ouvrir jusqu'à 20h mais uniquement le samedi: cette disposition va également dans le bon sens mais, pour nous, ce n'est tout simplement pas assez ! C'est pourquoi nous voudrions vous proposer d'ouvrir toute la semaine jusqu'à 20h, et cela pour deux raisons. Comme vous le savez, novembre et décembre sont les deux mois de l'année cruciaux pour les commerçants.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Stéphane Florey. C'est là qu'ils font la grande majorité de leur bénéfice annuel, et cette mesure devrait leur permettre de se rattraper un peu sur ces deux derniers mois de l'année. Mais l'avantage d'étendre légèrement ces heures d'ouverture, c'est aussi d'éparpiller le plus possible la clientèle ! L'avantage de prolonger ne serait-ce que d'une heure en semaine et même de deux heures le samedi - actuellement, la fermeture est à 18h - c'est que vous étalez vraiment la clientèle sur une durée plus longue, ce qui réduit fortement les risques au vu de la pandémie actuelle. En définitive, nous vous remercions de faire un bon accueil à ce projet de loi et à l'amendement qui lui sera adjoint. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, mon préopinant, auteur de ce projet de loi, vient lui-même de dire que celui-ci ne sert plus à rien, vu l'actualité. Je ne m'attarderai donc pas davantage sur le sujet puisque l'auteur a avoué que l'objet est caduc. Concernant l'amendement du groupe PLR, visiblement soutenu par l'UDC, le covid a quand même bon dos !
Il a bon dos, le covid, pour étendre les horaires d'ouverture; tout est prétexte à la droite pour arriver à ses fins - on sait qu'elle cherche, année après année, à étendre les horaires d'ouverture des magasins. Est-ce qu'en l'occurrence l'horaire d'ouverture élargi des magasins est réellement la solution aux problèmes économiques que connaît effectivement le secteur du commerce ? Non ! La réponse est clairement non. Pourquoi ? D'une part, le premier facteur dont souffre aujourd'hui le commerce, c'est purement et simplement la concurrence en ligne. Les consommateurs et consommatrices ont en effet pris l'habitude de consommer en ligne alors que les magasins sont fermés, et c'est peut-être là l'un des principaux concurrents directs au commerce local.
L'autre facteur, qui a été prouvé par la Fédération romande des consommateurs notamment, ce sont les achats en France voisine, mais pas à cause des horaires d'ouverture des magasins - absolument pas ! Ce sont les prix qui font la différence - c'est la différence de prix entre la France voisine et Genève ! Est-ce qu'ouvrir les magasins plus tard va changer quoi que ce soit aux achats en France ? Absolument pas ! Absolument pas, et si la question primordiale aujourd'hui, ce sont les prix, eh bien qu'est-ce qui se cache derrière ? Les salaires et le pouvoir d'achat, Mesdames et Messieurs les députés ! L'enjeu est bien là et voter des projets de lois pour aider les personnes les plus précaires contribue aussi à relancer l'économie en permettant à celles-ci de consommer dans les commerces genevois ! Aider les salariés à toucher non seulement leur 80% de RHT mais le 100% de leur salaire est le meilleur moyen pour relancer l'économie ! C'est le meilleur moyen pour aider les commerces genevois ! Précariser la population, c'est le meilleur moyen d'envoyer cette même population faire ses achats en France voisine puisque la différence de prix est conséquente.
Cet amendement est donc une fausse bonne idée, Mesdames et Messieurs. Le covid est un prétexte pour étendre les horaires d'ouverture des magasins, ce qui a toujours été la volonté de la droite. Et pourtant, l'exemple du jeudi soir est parlant: regardez le nombre de commerces qui ouvrent véritablement jusqu'à 21h le jeudi soir ! Il n'y en a quasiment pas, cette extension des horaires d'ouverture des magasins ne sert en réalité pratiquement à rien puisque ce n'est pas ça le facteur qui favorise le commerce genevois.
Enfin, on peut vraiment s'interroger aussi sur son utilité en matière d'emploi ! Au vu de la situation du secteur, est-ce que les magasins vont réellement pouvoir embaucher davantage de personnel pour assurer des ouvertures plus tardives ? Non ! La réponse est non: ils sont aujourd'hui en mode survie. C'est véritablement le cas et c'est pourquoi nous leur octroyons des aides. Nous avons donc réellement à craindre que les conditions de travail, déjà précarisées par les RHT, empirent avec une ouverture élargie et un contexte encore difficile. On peut notamment penser aux mères ou aux pères de famille, qui se verraient obligés de travailler le soir jusqu'à 20h alors qu'il est aujourd'hui de plus en plus difficile de faire garder les enfants - je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que les crèches fonctionnent avec un personnel réduit, ce qui est un vrai problème.
En réalité, il s'agit ici d'une très mauvaise idée du PLR: cet amendement général prend le prétexte du covid pour étendre les horaires d'ouverture des magasins. Il faut par conséquent s'opposer à cet amendement et au projet de loi, et c'est ce que fera le groupe socialiste.
M. Jacques Béné (PLR). A la commission de l'économie, nous avons déjà eu le débat actuel sur l'ouverture des magasins à plusieurs reprises. Contrairement à ce qu'a dit M. de Sainte Marie, tout n'est pas prétexte pour ouvrir les magasins et essayer d'imposer une chose avec laquelle ni la population ni les magasins ne seraient d'accord: l'idée de ce projet de loi résulte en fait d'une demande des commerces. M. Romain de Sainte Marie a mentionné le jeudi; pourquoi est-ce que le jeudi ne marche pas ? Eh bien tout simplement parce qu'il y a quatre horaires différents dans la semaine, les gens ne savent donc plus quel jour on est... (Protestation.) ...quel jour il faut aller faire ses courses... (Protestation.) ...c'est juste épouvantable ! En France voisine, les horaires sont à peu près identiques tous les jours de la semaine et c'est bien ce qui pousse les Genevois à aller y faire leurs achats - on sait très bien que ce ne sont pas les prix. (Protestations.)
Et si ça vous fait si peur que ça, Monsieur Romain de Sainte Marie, quel est le risque à essayer ? Si vous avez lu l'amendement, vous savez qu'il s'agit de permettre aux commerces d'ouvrir pendant une durée égale à celle durant laquelle ils ont fermé ! C'est donc simplement pour compenser une petite partie de leur manque à gagner suite à la fermeture. Où est le risque ? C'est un test ! C'est un essai ! On ne demande pas de généraliser cette mesure indéfiniment: il s'agit vraiment d'une mesure temporaire justifiée par l'état de nécessité. Le gouvernement l'a très bien compris et nous sommes satisfaits de voir qu'il a accepté l'ouverture du samedi jusqu'à 20h.
Et puis il y a un autre argument - il y en a plusieurs, Mesdames et Messieurs, mais un des arguments, c'est le télétravail: il permet aujourd'hui d'avoir dans les entreprises des équipes qui ne se croisent plus, d'avoir des personnes qui terminent plus tard le soir et d'autres qui commencent plus tôt le matin. Les habitudes sont donc en train de changer, notamment parce que l'accès à la consommation s'est aussi considérablement modifié avec internet. Vous l'évoquiez: vous disiez que les gens se sont habitués - les gens se sont habitués parce que les magasins étaient fermés ! Ils ne s'y sont pas habitués uniquement parce qu'il y a internet, mais également parce que le dimanche, par exemple - nous en avons débattu à la commission de l'économie - vous ne pouvez pas vous rendre dans les commerces même si vous voulez quelque chose. Vous avez un peu de temps, vous allez sur internet et vous commencez à naviguer, à regarder ce que vous avez envie d'acheter et vous le commandez sur Amazon, Zalando, etc. ! Les plus friands, ce sont les jeunes; c'est donc aussi pour eux qu'il faut aujourd'hui essayer d'élargir ces horaires d'ouverture.
Je sais que le partenariat social et la négociation sont effectivement problématiques; si nous procédons ainsi, c'est parce qu'on voit bien que le partenariat social a pas mal de plomb dans l'aile dans le commerce. Cette solution permettra à tout le monde de se remettre autour de la table pour déterminer dans quelles conditions ce genre de mesure peut être mis en place. Pour nous non plus, il n'est clairement pas admissible qu'on impose aux employés des commerces de travailler tous les soirs jusqu'à 20h pendant un mois - c'est comme ça et vous n'avez rien à dire ! Il y a là une négociation à mener et Unia Berne, la centrale, l'a très bien compris puisqu'il n'y a pas de demande de compensation dans les cantons où cela va certainement se pratiquer.
Le dernier argument concerne l'affluence. Il faut que les normes sanitaires que nous exigeons aussi avec cet amendement soient strictement appliquées; c'est de la responsabilité des exploitants. Et si ces normes sanitaires sont respectées, il faudra réguler l'affluence pour qu'il y ait moins de monde dans les commerces.
Nous pensons qu'essayer une fois, faire un test en période de crise est le meilleur moyen de voir si les conditions sont acceptables aussi bien pour les exploitants que pour les employés. Je vous remercie par conséquent de faire bon accueil à cet amendement. L'état de nécessité a été décrété et l'exécutif peut donc l'appliquer ou pas, mais le voter signalera clairement qui défend vraiment le commerce dans ce parlement. Je vous remercie.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, honnêtement, je suis surpris et profondément choqué par la proposition du PLR ! Surpris, je ne le devrais pas depuis le temps, mais je suis malheureusement surpris et choqué: sous prétexte d'une crise sanitaire, d'une pandémie mondiale où les morts s'empilent, où les gens se retrouvent au front dans des conditions très difficiles, les PLR essaient de faire le forcing pour imposer en catimini, en douce, l'extension des heures d'ouverture des magasins. M. Béné l'a d'ailleurs bien dit: il s'agit d'un test ! Profitons de cette pandémie pour tester, pour voir si on peut faire travailler plus, ouvrir plus et écraser encore plus le temps libre des travailleuses et des travailleurs ! C'est tout simplement inadmissible !
M. Béné a aussi dit une chose très importante: la demande émane des magasins. Oui, c'est la demande des magasins - je vais quant à moi vous transmettre la demande des employés de la Migros, de la Coop et de toutes les personnes qui sont restées au front. Elles vous ont servis en étant payées 4100 francs par mois, vous ont livré vos courses ou permis de faire vos courses tranquillement malgré les problèmes d'accès aux masques au début de la pandémie et le manque de ressources humaines puisque des gens étaient malades. Ces personnes ont fait une demande: récupérer deux samedis d'ici la fin de l'année pour souffler un peu. Et vous proposez de leur répondre: non, vous allez travailler plus - deux heures de plus - chaque soir, chaque jour de la semaine.
Pourquoi est-ce que ce sont ces gens-là, ceux qui travaillent actuellement, qui vont travailler plus ? Parce qu'on ne va pas engager de personnel supplémentaire - ce n'est pas vrai ! Il existe deux types de travailleuses et de travailleurs - plutôt de travailleuses, malheureusement - concernés par la situation. Soit les commerces sont restés ouverts et ces gens ont été au front: ils ont fait des heures supplémentaires car il y avait des malades, des absents et ils ont dû compenser. Bien qu'ils aient accumulé un stock d'heures supplémentaires, ils seraient néanmoins appelés à travailler plus. Soit les gens étaient en RHT parce que l'entreprise a fermé, et leur solde d'heures est souvent négatif: vous le savez, la plupart des entreprises appliquent maintenant, selon les dogmes néolibéraux, une annualisation du temps de travail. Celui-ci n'est pas considéré par semaine mais annualisé et on peut donc leur faire compenser des baisses intermittentes par des augmentations du temps de travail sur d'autres périodes. Ils vont par conséquent devoir travailler tous les soirs.
Je le répète: une personne qui a un CFC de gestionnaire de commerce gagne exactement 4169,70 francs au début de sa carrière et 4283 francs après cinq ans d'expérience. C'est à ces gens-là que vous demandez un effort ? Ceux qui le demandent sont les mêmes qui disent à la fonction publique: vous êtes des privilégiés, regardez comme le privé se saigne et est au front, il a des baisses de salaire et a recours aux RHT ! Et c'est ainsi que vous remerciez ces travailleuses et ces travailleurs ? C'est un pur scandale, une pure honte; vous défendez uniquement les grandes surfaces - Manor, Coop - qui s'en mettent plein les poches pendant cette crise alors que des gens sont dans des situations dramatiques !
Je n'ai pas besoin de vous expliquer que le groupe Ensemble à Gauche refusera évidemment cet amendement et vous invite à le refuser également: c'est la moindre des choses, par solidarité envers les personnes qui ont maintenu l'activité essentielle durant cette crise. Je reprendrai par la suite la parole pour une deuxième intervention. Merci.
Mme Delphine Bachmann (PDC). L'UDC a déposé deux textes, une motion et un projet de loi, qui touchent à l'ouverture des commerces pour les semaines à venir. La motion demandait une chose contraire au droit fédéral, mais nous avons travaillé sur le projet de loi; au vu de l'amendement déposé par le PLR, nous soutiendrons ce projet de loi amendé. Je rappelle juste que nous nous dirigeons vers une période de l'année cruciale pour les commerçants - je n'ai pas besoin de vous expliquer pourquoi. Les mois de novembre et décembre totalisent 40% du chiffre d'affaires; les commerçants ont donc déjà perdu 20% de leur chiffre d'affaires annuel ce mois de novembre. Ce que nous demandons aujourd'hui, c'est une liberté de commerce après une deuxième période, cette année, de restrictions intenses qui a duré plusieurs semaines. Je rappelle que ce projet de loi ne prévoit strictement aucune obligation, pour les magasins, d'ouvrir jusqu'à 20h. En revanche, nous aimerions que ceux qui le souhaitent en aient la possibilité.
J'entends dire que notre seul objectif est de remplir les poches de la Migros, de la Coop, de Manor ou de Globus. Je crois que vous vous trompez de cible: ces entreprises ont pu continuer à fonctionner pendant la crise. En revanche, l'intégralité des petits commerçants ne l'a pas pu. Ils n'ont pas pu travailler et ont subi de lourdes pertes financières. Je ne vois donc pas en quoi la proposition de ce soir - élargir temporairement, pour une période déterminée, les horaires d'ouverture - est à ce point choquante ! Certes, on aide financièrement les commerçants, mais ceux-ci aimeraient surtout avoir la dignité de travailler, la dignité de ne pas faire faillite, la dignité de poursuivre une activité dans laquelle ils ont parfois tout mis ! S'il est important aujourd'hui de protéger les travailleurs, ce n'est pas incompatible avec un élargissement temporaire des heures de travail qui, je le rappelle, n'est pas obligatoire.
J'aimerais également revenir sur un deuxième élément. La situation sanitaire à Genève reste, il est vrai, compliquée: plus de 400 patients sont toujours hospitalisés aux HUG et les cliniques privées n'ont plus un seul lit disponible pour assurer les soins à la population. Il faudra rester prudent pour éviter une troisième vague, ce qui signifie que les mesures sanitaires doivent être renforcées ! Le fait d'élargir les horaires permet de mieux les faire respecter parce qu'on évite les queues, on évite des amas de gens dans une période de l'année particulièrement favorable à la circulation du virus. En élargissant les horaires, les flux seront donc aussi mieux répartis.
Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'à circonstances exceptionnelles, il nous faut parfois répondre de manière exceptionnelle. Ce projet de loi et l'amendement déposé par le PLR ne «bypassent» pas quoi que ce soit; ils ne signifient pas la fin des négociations ou une ouverture de ce type-là toute l'année. Par contre - par contre - la mesure permettra peut-être à celles et ceux qui en ont largement besoin d'avoir une bouffée d'oxygène pour que leur année, sur le plan financier, se termine un peu mieux qu'elle ne s'est déroulée. Je vous remercie d'avance de soutenir ce projet de loi et l'amendement du PLR.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je voudrais réagir à quelques-uns des arguments avancés. Tout d'abord, le télétravail a été mis en avant; on en parle ici spécifiquement sous l'angle de l'extension des horaires d'ouverture des magasins. La flexibilité du télétravail, qui permet de travailler le soir - ou peut-être la nuit, si vous avez envie - donne justement la possibilité d'aller dans les magasins pendant la journée. Ce n'est pas le cas si vous travaillez en présentiel puisque vous avez des horaires plus ou moins fixes et que vous allez alors dans les magasins plutôt en soirée. Pour moi, le télétravail n'est donc pas un argument pour étendre les heures d'ouverture des magasins.
Ensuite, il est quand même assez choquant pour moi et les Verts d'entendre dire: on a fermé les commerces pendant un certain temps et il faut par conséquent les ouvrir plus longtemps par la suite, simplement pour rattraper ce qu'on n'a pas consommé précédemment. Cette espèce de fuite en avant dans la consommation ne nous convient franchement pas; je ne vois pas pourquoi on doit rattraper ultérieurement ce qu'on n'a pas consommé pendant un moment. Je me rallie donc très clairement et très volontiers aux arguments avancés par mes préopinants Romain de Sainte Marie et Pablo Cruchon relatifs aux travailleuses et aux travailleurs employés dans les magasins, qui ne souhaitent pas cette extension des heures d'ouverture. Je pense qu'elle n'est pas du tout nécessaire et nous refuserons, du côté des Verts, toute extension des horaires d'ouverture des magasins.
M. Jacques Béné (PLR). Pour répondre à M. Cruchon, il ne s'agit pas de faire travailler les gens davantage, mais de faire travailler les gens différemment; il s'agit de permettre à ceux qui veulent travailler plus tard le soir de le faire. Je vous rappelle qu'il y a, dans la population, beaucoup de gens qui veulent une autre répartition du travail. Il y a des ménages, des couples, qui aimeraient justement qu'un des conjoints puisse travailler plus tard le soir pour s'occuper des enfants le matin, et l'inverse pour l'autre. On n'arrive pas à leur en offrir la possibilité parce que cette flexibilité-là manque. L'économie a aujourd'hui besoin de flexibilité - de flexibilité ! Internet impose de la flexibilité ! Avec internet, vous pouvez consommer quand vous voulez ! Alors laissons les magasins ouvrir de manière un peu plus large que ce que leur permettent les horaires actuels.
Et puis, Mesdames et Messieurs, c'est la seule mesure susceptible d'avoir une influence sur notre économie qui soit totalement gratuite ! C'est la seule mesure totalement gratuite que nous voterions ce soir, voire pendant toute la session. Elle n'impose strictement aucune dépense pour l'Etat, et le gouvernement l'a bien compris puisqu'il a déjà autorisé l'ouverture jusqu'à 20h. Tout à l'heure, nous avons voté des aides pour les restaurateurs; mais vous ne croyez pas que les restaurateurs aussi seraient contents d'avoir des gens dans les rues de Genève jusqu'à 20h ? Vous ne croyez pas ? De même qu'on nous avait dit, à la commission de l'économie, que les commerçants indépendants du marché de Plainpalais seraient ravis d'ouvrir tous les dimanches: au moins les gens sortiraient, les restaurants seraient également ouverts et toute l'économie en bénéficierait !
Je termine avec un dernier argument, qui est à mon avis l'argument phare. On a énormément critiqué les conditions de travail le dimanche, si on autorisait les magasins à ouvrir ce jour-là. On nous a peint le diable sur la muraille en nous disant que ça allait être un scandale, qu'on allait obliger les gens à travailler, qu'il n'y aurait pas de compensation, etc. J'attends encore aujourd'hui, malgré tous les dimanches qui ont déjà été ouverts dans le canton, les arguments, les critiques, les cas précis de personnes qui auraient été obligées de travailler contre leur gré le dimanche ! Au contraire - c'est le contraire qui se produit ! Tout comme il y a des gens qui sont d'accord de travailler les dimanches, il y a des gens qui sont d'accord de travailler le soir. Les étudiants aussi cherchent des places de travail le soir et le dimanche. Au vu de notre situation économique actuelle, de l'état de nécessité, la posture syndicale adoptée aujourd'hui par la gauche est totalement inique, Mesdames et Messieurs ! Totalement inique ! Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). La situation actuelle, telle qu'elle ressort des décisions prises par le Conseil d'Etat, satisfait tout à fait le MCG. L'ouverture jusqu'à 20h le samedi est en fait une sorte de compromis: elle permet à certains magasins de compenser légèrement les pertes de ces semaines de fermeture. Ce compromis est quand même assez lourd à porter pour les petits commerçants, qui voient leur vie de famille se détériorer un peu le week-end. C'est aussi le cas pour les employés de ce secteur, qui n'ont pas tous la possibilité de choisir les heures qu'ils font. La solution trouvée est donc bonne et nous la soutenons tout à fait. Ce projet de loi pose néanmoins un certain nombre de questions et nous verrions bien un renvoi à la commission de l'économie à l'issue des débats.
Le président. Vous demandez le renvoi de ce projet de loi à la commission de l'économie, c'est bien juste ?
M. François Baertschi. A l'issue des débats, oui.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, quelques remarques complémentaires, d'abord sur la flexibilité. J'aime beaucoup ce terme - j'ai la chance de pouvoir en profiter professionnellement - mais il est question de flexibilité seulement si l'employé a le choix ! Or j'ai déjà expliqué pourquoi les employés n'auront pas le choix: ils ont des heures négatives parce qu'ils ont été mis en RHT. Arrêtons donc avec cela !
Ensuite, M. Béné a parlé de la gratuité de la mesure. Ce n'est pas une mesure gratuite ! Si elle est gratuite pour l'Etat, elle va toutefois se payer par la santé et les heures de travail des collaborateurs. Pour M. Béné, c'est effectivement du travail gratuit, c'est facile, mais en réalité, pour les gens qui sont sur le terrain, qui travaillent et servent sans interruption depuis des mois malgré les difficultés de la pandémie, ce n'est ni gratuit ni évident.
J'aimerais également revenir sur la question des petits commerçants. On sait très bien que l'extension des heures d'ouverture des magasins ne favorise pas du tout les petits commerçants. C'est absolument faux ! Ce sont les grandes enseignes qui en bénéficieront au maximum. Il est par ailleurs beaucoup plus difficile de tenir des horaires de 10h à 20h ou 21h pour les petites boîtes familiales, par exemple: l'extension des heures d'ouverture est beaucoup plus difficile à assurer pour une ou deux personnes. Ces mesures ont tendance à concentrer les achats dans les grands magasins et donc à favoriser encore plus les grandes surfaces ou les grands centres au détriment des petits commerçants, à l'intention desquels nous avons défendu, ces derniers jours, des mesures d'aide. Alors un peu de cohérence, s'il vous plaît: soutenons les petits commerçants.
L'activité reprend, c'est très bien; votons des protections pour le revenu, des aides, mais s'il vous plaît, ne donnons pas dans les fausses bonnes idées comme l'extension de l'ouverture des magasins. Je soutiens d'ailleurs que ce n'est pas du tout une mesure sanitaire que propose le PLR - il n'en parle, de fait, que très peu dans ses interventions. Il s'agit vraiment d'un test: il l'a affirmé et il revient même là-dessus en nous disant de considérer le dimanche ! C'était un test, et il montre que les gens ont super envie de bosser le dimanche, que c'est génial de se déplacer pour 4000 francs par mois au salaire horaire pour un dimanche, que les gens n'attendaient que ça et qu'ils remercient M. Béné !
Finalement, j'aimerais attirer votre attention sur la formulation de l'amendement, notamment de l'article 1 qui est particulièrement pervers dans sa formulation. Il dit que le Conseil d'Etat peut temporairement ouvrir... Excusez-moi, je reprends. «Au terme d'une période durant laquelle un état de nécessité a été déclaré» - soit après une période d'état de nécessité - «le Conseil d'Etat peut autoriser temporairement une ouverture [...] aux conditions suivantes»: le respect des règles de protection sanitaire conformément à l'OCIRT - c'est une banalité mais il vaut mieux le mettre pour les employeurs - et la «modification des heures normales de fermeture». C'est donc une condition sine qua non à la réouverture; ça signifie que si vous voulez rouvrir après une période de pandémie, vous devrez automatiquement appliquer la deuxième condition sine qua non, la condition b relative à la modification des heures normales de fermeture. On peut bien sûr aussi les réduire: la manière dont le texte est formulé n'oblige pas à les augmenter, mais, concrètement, disons qu'on doit obligatoirement les modifier. C'est d'ailleurs également précisé dans l'article 9A de la LHOM que l'amendement souhaite introduire, et l'obligation de modifier les horaires normaux d'ouverture des magasins lors d'une réouverture pose évidemment un problème.
Dernière information, dernier argument: le droit fédéral, notamment la loi sur le travail, indique que le personnel est consulté lorsqu'il s'agit d'une modification générale des heures de travail. Or nous aurions là une modification directe sans consultation du tout, ce qui contreviendrait au droit supérieur. Je vous remercie.
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe MCG, les deux arguments se tiennent. Et pour cela, nous solliciterions que les concernés aient quand même la parole, ce qui n'est pas le cas ce soir. La commission de l'économie serait idéale pour prendre en charge ce projet de loi; nous pourrons le traiter lundi 30 novembre et bien naturellement revenir en plénière le jeudi 3 décembre, soit la même semaine, avec des décisions fermes - nous avons jusqu'à présent réussi à trouver des accords sur tous les projets de lois covid. Je vous propose donc de renvoyer ce texte à la commission de l'économie: nous nous engageons à le traiter lundi et à revenir vers vous jeudi, en plénière.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne pensais pas reprendre la parole mais il y a quand même certains éléments qui sont assez forts. D'une part, concernant la création d'emplois, vous transmettrez à M. Béné, Monsieur le président, que je peux entendre cet argument en temps normal. Malheureusement, en période de crise, il est plutôt question de maintenir des emplois, ce qui n'est pas un mauvais argument en soi... (Remarque.) En effet, Monsieur Subilia, c'est déjà ça. ...mais par contre, on ne peut en aucun cas mettre en avant la création de nouveaux emplois.
En l'occurrence, lorsqu'on connaît un chômage fort, on sait que la pression sur l'emploi l'est malheureusement tout autant. Par conséquent, la liberté de l'employé, notamment dans le secteur du commerce, particulièrement touché, n'est pas si importante ! L'employé se doit d'accepter les conditions de travail imposées par son employeur, et c'est pourquoi on ne peut pas aujourd'hui - c'est une position syndicale - permettre une liberté de commerce absolue ! Ce sont les termes qui ont été mentionnés et je crois qu'ils reflètent ce projet de loi: sous prétexte du covid, on veut instaurer une liberté de commerce absolue et passer outre les conditions de travail ! Passer aussi outre le partenariat social alors qu'il nous est tant, tant rappelé par les bancs du PLR; ça a été notamment le cas durant les débats sur le salaire minimum: ils nous ont dit alors qu'on passait outre le partenariat social. Ce projet de loi et cet amendement passent purement et simplement outre le partenariat social !
Enfin, il a été question de flexibilité, de mesure gratuite; on entend justement ici la volonté purement libérale de flexibiliser les conditions de travail - d'adopter des mesures gratuites qui consistent en la flexibilité des conditions de travail pour tenter de relancer l'économie ! En réalité, c'est un leurre: ça va détruire les conditions de travail. Ça va peut-être relancer quelques grandes enseignes mais pas les petits commerces, et ça ne va en rien améliorer les salaires des personnes travaillant dans ces secteurs, qui sont parmi les moins bien payées de notre canton. Encore une fois, c'est une fausse bonne idée que d'étendre les horaires d'ouverture des magasins; on prend le prétexte du covid pour le faire et il faut par conséquent refuser cet amendement.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Il me semble que le partenariat social a été largement remis en question avec le débat sur le salaire minimum - bien avant ce soir et la question des horaires d'ouverture. Je souhaite juste dire une dernière chose: les patrons ne sont pas des espèces de salauds tortionnaires ! Je crois qu'ils veulent avant tout faire vivre leur outil de travail, donner ainsi du travail à la population genevoise et faire vivre les salariés. Je suis donc ravie qu'on pense ici que les patrons vont en profiter pour abuser de leurs employés et les faire travailler très tard pour gagner un maximum d'argent sur leur dos ! Si vous étiez capables de voir un petit peu ce que ces commerçants vivent au quotidien, je crois que vous réaliseriez que ce n'est nullement leur intention. Et non, Monsieur de Sainte Marie - vous transmettrez, Monsieur le président - ce n'est pas une mauvaise chose que de leur donner une marge de manoeuvre, un petit peu de flexibilité, un petit peu de liberté dans la manière dont ils peuvent piloter leur outil de travail. Le PDC s'opposera au renvoi en commission: il ne sert à rien si c'est pour que chacun campe sur ses positions la semaine prochaine. Il faut avoir le courage d'assumer ce soir si, oui ou non, on a envie de soutenir le petit commerce. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC). Vous me permettrez, Monsieur le président, de prendre la parole de Candide et pas la parole UDC.
Une voix. Ah !
M. Patrick Lussi. Une partie de la population n'a pas été prise en compte dans le discours dogmatique que nous avons entendu ce soir, qu'il soit de gauche ou de droite: c'est Monsieur Tout-le-Monde. Je rappelle quand même que si les commerces - les petits commerçants - veulent fonctionner, il faut que des gens se déplacent. Vous semblez complètement oublier que la population lambda commence à souffrir terriblement d'être cloîtrée chez elle, de ne pas pouvoir sortir. Et entendre M. Eckert dire qu'il faut qu'on arrête de consommer, qu'il faut qu'on devienne des amish et qu'on aille avec des... c'est terrible ! Mesdames et Messieurs les députés, prenons conscience ce soir qu'il y a aussi toute une partie de la population qui souffre de la situation actuelle, qui a peut-être simplement envie de sortir, de se distraire, d'aller se balader dans les magasins - en faisant bien entendu attention aux distances sociales ! Ne l'oublions pas.
Il est dommage que dans les discours entendus jusqu'à présent chacun campe sur ses arguties, reste sur ses dogmes - c'est sans doute justifié, mon Dieu, le problème n'est pas là ! Mais on a complètement oublié la population genevoise, qui est confinée malgré tout ce qui est dit et ne peut pas sortir, qui ne peut pas aller au restaurant, qui ne peut pas aller dans les magasins. Au-delà de toutes les arguties - et il est faux d'affirmer que nous voulons court-circuiter le dialogue social - une petite bouffée d'oxygène est donc nécessaire. Pensons à ces gens; ayons le courage ce soir, comme vient de le dire ma préopinante, de voter ce texte sur le siège. Ce n'est pas un projet de loi définitif: il répond à une situation exceptionnelle. Admettons qu'en situation exceptionnelle, on peut aussi prendre des décisions exceptionnelles de manière à favoriser la population - celle qui se déplace chez les petits commerçants ou dans les restaurants pour tout simplement consommer. Merci, Monsieur le président.
M. Thomas Bläsi (UDC). En tant que patron d'une petite entreprise, je considère être soumis à l'article 24 et je ne voterai pas sur ce texte. Je souhaitais néanmoins m'exprimer et dire qu'un petit patron d'une petite entreprise peut en réalité ouvrir quand il veut ! Il n'a aucun problème à le faire, et c'est d'ailleurs son avantage notable sur la grande distribution, mais il ne peut pas faire travailler des employés. Par contre, le patron qui travaille dans sa petite entreprise peut ouvrir quand il veut. C'est justement son seul avantage sur la grande distribution.
Je comprends qu'en période de pandémie, ou en temps de crise, le fait d'autoriser des ouvertures élargies peut avoir un phénomène compensatoire; je peux m'inscrire dans cette logique et la comprendre. Mais je dois avouer, au vu des arguments et des différents textes - et de la recrudescence des textes sur ce sujet-là - que je ne suis pas sûr que ce soit véritablement la situation qui impose ça. Je pense qu'il y a plutôt une sorte d'intention de généraliser la possibilité d'employer des gens à des horaires qui ne sont pas forcément acceptables pour les familles, qui ne sont pas forcément acceptables pour les personnes ni pour leur santé.
En tant que petit commerçant, je suis concerné par ce type de mesure: elle représente une concurrence directe pour moi. Aujourd'hui, si je veux, je peux en effet ouvrir ma petite pharmacie 24h sur 24 tant que je travaille seul dedans et que j'ai la capacité physique de le faire. Par contre, seules les chaînes pourront ouvrir le dimanche si on donne la possibilité de le faire, chaînes qui sont évidemment bien plus concurrentielles de par leurs capacités d'achat. A titre personnel, je ne suis donc pas favorable à ce texte... (Applaudissements.) ...je pense que les petits commerçants ne sont pas favorables à ce texte...
Des voix. Bravo !
M. Thomas Bläsi. ...et je pense que j'avais l'obligation de l'exprimer, même si j'ai aussi l'obligation de m'abstenir de voter. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le député Bläsi a parfaitement raison ! Etendre ces heures d'ouverture ne favorisera que la grande distribution: la Coop, la Migros, Manor, j'en passe et des meilleures ! Les petits artisans ne vont pas ouvrir; ils ne pourront pas ouvrir toute la semaine jusqu'à 20h, simplement parce qu'ils n'en auront pas la capacité. Je pense que ce ne sont pas eux qui vont profiter de cette mesure, mais qu'on va encore donner un coup de pouce à ces grands distributeurs alors qu'ils n'ont pas souffert de la pandémie - là-dessus, vous serez certainement d'accord avec moi !
Au final, on n'aiderait donc pas ceux qu'on voudrait en théorie aider, à savoir les petits commerçants. Ils seraient pénalisés par cette mesure. Ils n'ont d'ailleurs pas utilisé la possibilité d'ouvrir jusqu'à 21h le jeudi soir, sauf s'ils le font eux-mêmes en tant que patrons. Mais ils ne le font pas ! Personne ne vient ! Je crois qu'étendre les heures d'ouverture pour les petites et moyennes entreprises est finalement une fausse bonne idée: ça ne favorisera que les grosses - encore plus, encore elles !
Des voix. Bravo !
M. Adrien Genecand (PLR). J'ai l'habitude d'avoir ce débat avec Romain de Sainte Marie depuis quinze ans et la seule chose qui a changé depuis quinze ans, Monsieur le président, c'est que le cours de bourse d'Amazon a été multiplié par vingt ! C'est la seule chose qui change, dans ce débat ! On peut continuer ad vitam aeternam ces espèces d'arguties sur qui bénéficie de la question - est-ce que ce sont les petits commerçants ou les grands? - et puis vous pouvez regarder le cours de l'action d'Amazon qui livre à toute heure de la journée, dans presque tous les secteurs, à peu près n'importe quel produit, à toutes les personnes qui veulent acheter quelque chose.
Qui en sont les victimes ? Ce sont évidemment les employés du commerce de détail au sens large. Pourquoi ? Parce qu'ils perdent leurs emplois, parce qu'ils ont de moins bonnes conditions de travail ou alors ils doivent accepter des conditions de travail en vigueur dans d'autres pays du monde, de l'Allemagne aux Etats-Unis, ce qui implique aussi d'autres prestations sociales. Ce que vous faites, depuis quinze ans, c'est enlever aux commerçants de ce pays les armes pour vendre leurs produits - qu'ils ferment à 20h ou à 22h n'a aucune importance - et donc avoir des employés et payer des prestations sociales dans ce pays, au profit de groupes internationaux. Ça tombe bien, Amazon est dans toutes les caisses de pension de tous les employés de cette salle; on est donc tous très contents ! Mais - et c'est ce que j'ai compris aujourd'hui - il faut que vous assumiez, Monsieur Romain de Sainte Marie, que le PS et Ensemble à Gauche sont en fait, depuis quinze ans, les plus grands partisans d'Amazon dans ce pays !
Une voix. Bravo !
M. Jacques Béné (PLR). S'agissant du renvoi en commission - et j'ai aussi consulté mon groupe - je pense que si nous pouvons effectivement auditionner la Fédération du commerce genevois lundi à la commission de l'économie et revenir avec une position plus claire, qui pourra faire comprendre aux gens dans ce parlement que ce n'est pas uniquement une demande purement capitaliste du PLR mais qu'elle émane bien tant des employés que des commerçants eux-mêmes, nous arriverons peut-être à trouver une majorité la semaine prochaine en plénière. Je vous remercie.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Ce serait effectivement bien d'auditionner les petits commerçants, parce que celui qui se fait ici leur voix, leur porte-parole, et dit que cette mesure est inutile est pharmacien. Il n'a pas dû fermer sa boîte un seul jour pendant les restrictions et les périodes de fermeture, ce qui me fait quand même doucement sourire. Je pense que d'autres ont vécu des expériences différentes et que nous pourrions également les entendre au sein de ce parlement. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Je ne prendrai que quelques secondes pour vous dire, suite au plaidoyer de M. Genecand, que la moralité, si je comprends bien, c'est: touche pas Amazon ! (Rires.)
Une voix. Oh !
Le président. M. Zweifel reste imbattu ! Vous avez la parole, Monsieur Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste répondre à ce qui a été dit tout à l'heure sur Amazon. En France, les horaires d'ouverture des magasins sont à ma connaissance extrêmement libéralisés: on ouvre le soir jusqu'à 21h, voire 22h, on ouvre le dimanche. Pourtant, Amazon marche à mon avis tout aussi bien en France qu'en Suisse. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis de multiples demandes de renvoi à la commission de l'économie, j'invite l'assemblée à se prononcer à ce propos.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12804 à la commission de l'économie est adopté par 72 oui contre 16 non et 4 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Nous passons à la M 2698 et je donne la parole à son auteure, Mme Ana Roch.
Mme Ana Roch (MCG). Merci, Monsieur le président. Cette motion n'a pas pour but d'imposer quoi que ce soit dans les conventions collectives, mais bien d'amener les partenaires sociaux à la discussion. Verser 50% du treizième salaire en décembre et échelonner le solde sur les six mois suivants permettrait aux PME soumises à l'obligation de payer le treizième salaire en décembre de sauvegarder les liquidités et de prévenir ainsi d'éventuelles faillites, a fortiori la perte d'emplois. Pour ces raisons, le groupe MCG demande un renvoi à la commission de l'économie afin d'entendre les partenaires sociaux et de surseoir éventuellement à cette obligation de manière exceptionnelle. Merci.
Présidence de M. Diego Esteban, premier vice-président
Le président. Merci, Madame la députée. Votre demande de renvoi à la commission de l'économie sera soumise au vote à la fin du débat. Monsieur Pierre Bayenet, c'est à vous.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion part peut-être d'une bonne intention - probablement - mais c'est tout de même assez particulier de vanter d'un côté les mérites du partenariat social, de prétendre que les employeurs et les employés tirent tous à la même corde, et d'imposer d'un autre côté par une loi une répartition différente et une violation des conventions collectives de travail. Parce que c'est bien ce que demande le texte, en réalité: que le Conseil d'Etat modifie l'application de la CCT de manière obligatoire et unilatérale. Alors qu'une CCT, qu'est-ce que c'est ? C'est le résultat d'une négociation entre partenaires sociaux. Par conséquent, si la CCT existe et si on veut qu'elle continue à exister, eh bien il ne faut pas imposer des modifications - en particulier des modifications en défaveur des travailleurs; ça ne pourra jamais passer. Pour ce motif, nous refuserons cet objet et nous refuserons également le renvoi en commission.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Ce texte dresse d'abord un bon constat: la situation extrêmement difficile de l'ensemble du tissu économique du canton et, nonobstant toutes les aides, toute l'injection de liquidités dans l'économie réelle genevoise, la casse énorme qui s'ensuivra. Et l'objectif poursuivi par cette motion est aussi excellent ! Nous pouvons nous retrouver dans l'objectif d'éviter des faillites et des licenciements de masse. Le problème, c'est le moyen de le mener à bien: le député Bayenet l'a dit, l'Etat n'a effectivement pas à s'immiscer dans les conventions collectives. L'Etat est un facilitateur de conventions collectives: il met les partenaires sociaux autour de la table pour négocier, et ce sont eux qui parviennent à un accord durement négocié, souvent après des semaines ou des mois, voire des années. Il n'appartient pas à l'Etat, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de remettre en cause ce qui a été durement négocié par les partenaires sociaux.
Le deuxième élément est aussi important; ça a été le leitmotiv de ces deux jours de session du Grand Conseil et Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet l'a dit: il ne faut pas opposer les patrons et les salariés, les employés et les employeurs. Ce que l'on constate aujourd'hui dans les sociétés genevoises, dans les PME du canton, c'est finalement une très grande solidarité entre les patrons et leurs employés. Et ce sont eux-mêmes, à notre sens, qui sont les mieux armés pour négocier et parvenir à des accords afin de convenir de délais de paiement si une entreprise a de graves problèmes de trésorerie.
Voilà donc les deux problèmes posés par cette proposition de motion. Cela étant, l'intention est louable et - on peut toujours espérer - peut-être qu'au travers de ce texte et de son renvoi en commission on provoquera des négociations entre les partenaires sociaux. C'est la raison pour laquelle le parti démocrate-chrétien n'a aucune objection à ce que cet objet soit renvoyé à la commission de l'économie. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC marquera le même scepticisme que nos collègues. Dire dans le débat d'avant qu'il faut absolument protéger les travailleurs, leurs intérêts et tout ce qui va avec, et nous demander ici qu'une entreprise puisse différer le paiement des salaires et, entre guillemets, faire des économies - en faisant ça, elle n'a pas besoin d'aller emprunter dans les banques - pour avoir des liquidités supplémentaires ! C'est franchement un discours qui me surprend, d'autant plus qu'on demande clairement aux employés de faire un sacrifice sur leur dos.
Nous sommes d'accord de renvoyer cet objet en commission parce qu'il y aurait éventuellement une piste à creuser, mais il faut malgré tout rappeler que nous avons voté, depuis le début de cette session et durant la précédente, plein de mesures en faveur des entreprises: des emprunts à taux zéro, des facilités de paiement, des paiements des loyers, des paiements de tout ce qu'on pourrait imaginer. Donc venir avec une proposition qui consiste clairement à demander un sacrifice aux employés alors qu'ils en ont déjà fait énormément - franchement, là, nous sommes quand même sceptiques ! Mais soit, renvoyons le texte en commission et celle-ci fera le travail. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). On ne peut pas parler de sacrifice: il n'y a aucune perte. Le treizième salaire est juste en partie - à moitié - décalé sur six mois et il y a donc zéro franc de perdu, contrairement à ce qui arrive à de nombreux employés quand ils sont placés en RHT. Il faut quand même bien rappeler qu'ils perdent alors 20% de leur salaire; c'est à ce niveau-là qu'il y a une perte. Là, il s'agit uniquement de faciliter la vie des entreprises et donc de défendre les entreprises, de défendre les postes de travail et par conséquent aussi les employés !
Beaucoup de gens se retrouvent dans des conditions très précaires et risquent de perdre leur emploi. C'est un point important et le MCG pense que cette motion propose une excellente solution. Il faut sortir du dogmatisme, sortir d'un juridisme étroit qui ne nous mène nulle part pour trouver des solutions - solutions en faveur à la fois des employés et des entreprises. C'est ce que nous vous proposons au travers de ce texte parlementaire et nous vous demandons de le soutenir en le renvoyant en commission.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, pour une fois je peux être d'accord avec mon collègue Stéphane Florey - pour une fois: nous avons effectivement voté, pendant cette séance, passablement de mesures pour les entreprises et je pense, du moins je l'espère, que ça devrait suffire. Nous avons aussi passé une partie de l'après-midi et de la soirée, avec nos collègues de gauche, à évoquer la protection des employés et pas seulement des employeurs, mais pas toujours avec succès. La mesure proposée ici risque de retomber sur les employés; je veux bien entendre que le paiement est différé, mais certains besoins sont quand même assez immédiats. Un treizième salaire peut être utile en fin d'année pour payer un certain nombre de charges, et je ne vois pas très bien pourquoi ça retomberait sur les employés.
Comme je l'ai dit, je préférerais qu'on utilise les aides que nous avons votées; nous, les Verts, nous avons voté la plupart des aides - quasiment toutes - qui ont été demandées tout à l'heure. Je ne pense pas que c'est utile que ça retombe d'une façon ou d'une autre sur les employés. Je ne tiens pas non plus à ce que le texte parte à la commission de l'économie: je crois qu'elle a déjà pas mal de choses à traiter et je ne souhaite pas qu'on finisse la séance à 23h, voire plus tard, lundi prochain. Il y a déjà passablement d'objets et je vous propose donc de refuser aussi bien la motion que son renvoi en commission.
Mme Ana Roch (MCG). J'aimerais juste rappeler certains faits. C'est vrai que nous avons voté entre hier et aujourd'hui, et peut-être même encore demain, des aides pour les entreprises, pour certains secteurs. Mais je vous assure que beaucoup d'entreprises, de PME, ne bénéficieront d'aucune de ces aides ! Pour l'aide au loyer, il faut par exemple l'accord du propriétaire, chose qui n'est pas acquise. Il y a aussi des entreprises qui n'ont pas totalement fermé mais dont le chiffre d'affaires a baissé de 10%, 20% ou 30% cette année. Toutes ces entreprises n'ont pas droit aux différentes aides que nous avons votées aujourd'hui.
Il y a des branches qui reçoivent la moitié du treizième salaire en juin et l'autre moitié en décembre sans que ça dérange qui que ce soit. Nous faisons cette demande pour des entreprises qui ont éventuellement bénéficié des crédits covid au printemps, mais qui n'ont plus rien; elles voient arriver le mois de décembre avec ses doubles paies - c'est un gros montant à sortir - et toutes les autres charges sans bénéficier d'aucun soutien. Cette mesure aidera donc les PME, c'est vrai, mais elle aidera aussi les employés à garder leur emploi. Merci.
M. Serge Hiltpold (PLR). Je voudrais quand même dire quelques mots dans le cadre de cette analyse de la fin de l'année, parce que le public devrait connaître certaines situations. En général, pour le monde de la construction par exemple, la période de facturation s'arrête le 5 décembre. Tout ce que vous faites entre le 5 et le 19 décembre sera facturé au mois de janvier et payé finalement en février - c'est la réalité des entreprises. Ensuite, vous avez les primes d'assurance RC entreprise, choses et voitures qui tombent fin décembre, et il faut dire que l'administration fiscale, tout comme les assurances, est généralement assez performante. Il y a donc un pic de liquidités à sortir à ce moment-là, ce qui malheureusement, pour certaines entreprises, est particulièrement délicat cette année.
S'agissant de ce texte, il serait aussi intéressant que la commission de l'économie sache que certaines entreprises répartissent le treizième salaire sur tous les mois et que d'autres le paient en une ou deux fois par année. Ça concerne chaque société, qui doit gérer son flux de capitaux, et je pense qu'il serait intéressant d'entendre à la commission de l'économie ceux qui ne sont pas au courant des possibilités déjà offertes par tous ces systèmes. Peut-être faudrait-il lancer une campagne d'information pour les entreprises qui ne connaîtraient pas ces pratiques, parce qu'une certaine flexibilité existe justement à l'heure actuelle. Je pense que ce serait intéressant d'entendre tout ça et je soutiens également le renvoi en commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs, je vous fais voter sur la proposition de renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2698 à la commission de l'économie est adopté par 48 oui contre 29 non.
Le président. Nous traitons maintenant la M 2699; la parole est à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président, c'est effectivement moi qui vais présenter la proposition de motion. Comme vous l'avez vu, nous avons déposé un amendement à cet objet puisque nous avons retravaillé le projet de loi traité précédemment pour cibler les besoins des commerçants. Avec mon collègue André Pfeffer, nous avons donc décidé de réorienter cette motion sur les cafetiers-restaurateurs, et ce pour une raison principale. Selon certaines informations que j'ai reçues aujourd'hui, la réouverture prévue le 10 décembre pose en effet un certain nombre de problèmes d'équité.
Je vous explique: prenons par exemple des bars aux Pâquis. Certains sont légalement inscrits comme restaurants; eux pourront ouvrir sans problème le 10 décembre alors qu'ils ne font pas spécialement de la restauration. A contrario, un bar qui n'est pas inscrit comme restaurant - qui n'est donc pas reconnu comme tel, mais qui fait un peu de restauration - ne pourra pas rouvrir. Fondamentalement, ils exercent pourtant exactement la même activité, à savoir que ce sont principalement des débits de boisson, des bars, et que les deux proposent un minimum de restauration. Ils font le même travail, ils ont le même statut, simplement ils sont inscrits au registre du commerce et reconnus sous deux appellations différentes. Et ça, ça nous pose un problème d'équité.
C'est pourquoi nous vous proposons un amendement au texte, qui reprend une partie du projet de loi que nous avions déposé et qui cible tous les débits de boisson. Le but est de ne faire aucune différenciation: du moment qu'un établissement est reconnu selon la LRDBHD et son règlement comme débit de boisson, que ce soit un bar, un restaurant, une buvette ou quoi que ce soit qui rentre dans cette loi, nous proposons qu'il puisse rouvrir à partir du 10 décembre, comme on le permet aux cafetiers-restaurateurs. Ce que nous vous proposons, c'est donc de mettre tout le monde sur un pied d'égalité et...
Le président. Vous parlez désormais sur le temps de votre groupe.
M. Stéphane Florey. ...et de régler ainsi le problème une fois pour toutes. Nous ne remettons bien évidemment pas en cause les mesures d'hygiène qui leur sont imposées - nous ne remettons absolument pas en cause ce principe: nous sommes bien d'accord qu'il est nécessaire. Le but est simplement de mettre tout le monde sur un pied d'égalité en tenant compte des mesures qui prévalent aujourd'hui. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote sur la proposition d'amendement général de MM. Florey et Pfeffer, que voici:
«Titre (modification)
pour une stratégie de lutte contre le COVID-19 incluant les installations et établissements offrant des consommations, notamment bars, cafés-restaurants, cafétérias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public.
[...]
invite le Conseil d'Etat
Première invite supprimée
Deuxième invite (modification)
- à étudier immédiatement des solutions permettant l'ouverture des bars, cafés-restaurants, cafétérias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public garantissant le strict respect des normes d'hygiène édictées par le Conseil d'Etat.»
Je cède la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président de séance. Mesdames et Messieurs les députés, puisque c'est un amendement général à la motion qui vous a été présenté, je souhaiterais quand même vous faire part de la position du Conseil d'Etat: il vous demande de rejeter cet objet. Le texte lui-même est d'ailleurs pour le moins particulier puisqu'il invite le gouvernement «à étudier immédiatement des solutions permettant l'ouverture», etc., etc. Il faut bien savoir que le Conseil d'Etat étudie toujours, constamment, jour après jour, en fonction de l'évolution épidémiologique, de quelle manière il peut alléger les restrictions - si possible alléger; il a malheureusement parfois fallu les durcir, mais nous espérons aller dans le sens d'un allégement et c'est en tout cas ce que nous avons prévu pour les cafés-restaurants. C'est vrai qu'il faudra voir de quelle manière cela va s'appliquer, Monsieur Florey; nous avons jusqu'au 10 décembre pour définir les modalités, en espérant que la situation épidémiologique continue d'ici là à aller dans le même sens que ces derniers jours.
Encore une fois, est-il nécessaire d'alourdir le travail de l'administration avec des motions qui finalement demandent à l'exécutif de faire ce qu'il fait et doit faire, c'est-à-dire examiner constamment la situation de telle sorte que les secteurs de l'économie encore touchés par des restrictions puissent voir ces mesures levées le plus vite possible, bien sûr avec toutes les cautèles sanitaires exigées ? Cette proposition de motion partait certainement d'une bonne intention, mais elle n'a aujourd'hui pas d'effet si ce n'est amener le Conseil d'Etat à faire ce qu'il fait déjà. Je vous remercie.
Présidence de M. François Lefort, président
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il vous a déjà été donné lecture de l'amendement général présenté par M. le député Stéphane Florey, nous passons maintenant au vote.
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 55 non contre 29 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 2699 est rejetée par 56 non contre 28 oui.
Le président. Nous allons arrêter pour ce soir nos travaux sur ces objets et nous les reprendrons demain à 16h, après la séance des extraits. Je vous souhaite une bonne nuit, et je demande au Bureau de me rejoindre pour une courte réunion.
La séance est levée à 22h55.