République et canton de Genève

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RD 1379
Rapport de la commission législative concernant l'application de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève à l'épidémie du virus Covid-19 et l'examen des arrêtés du Conseil d'Etat liés à l'état de nécessité (arrêtés adoptés le 1er et le 18 novembre 2020)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 25, 26, 27 novembre, 3 et 4 décembre 2020.
Rapport de majorité de Mme Céline Zuber-Roy (PLR)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)
R 940
Proposition de résolution de Mmes et MM. Céline Zuber-Roy, Jean-Marc Guinchard, Christian Bavarel, Edouard Cuendet, Diego Esteban, Danièle Magnin, Cyril Mizrahi, Pierre Vanek constatant l'état de nécessité en raison de la 2e vague de l'épidémie du virus Covid-19 et approuvant les arrêtés du Conseil d'Etat adoptés le 1er et le 18 novembre 2020 avec réserve
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 25, 26, 27 novembre, 3 et 4 décembre 2020.

Débat

Le président. L'urgence que nous traitons maintenant est classée en catégorie II, quarante minutes. La parole est demandée par M. le député Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek. Mais est-ce que l'auteure ou la rapporteuse ne devrait pas s'exprimer avant moi ?

Le président. Veuillez m'excuser, Monsieur le député, Mme Céline Zuber-Roy, qui est rapporteure, a en effet demandé la parole. Veuillez appuyer à nouveau, je vous la donnerai ensuite. Madame Zuber-Roy, c'est à vous.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. En effet, je vais rapporter les travaux de la commission. La commission législative s'est réunie à trois reprises - les 6, 13 et 20 novembre - pour étudier les trois arrêtés du Conseil d'Etat pris en lien avec l'état de nécessité décidé à cause de la deuxième vague de l'épidémie de covid-19. Tout d'abord, nous avons constaté la situation extraordinaire au sens de l'article 113 de la constitution et nous vous proposons de faire de même en votant la résolution. Il y a eu une explosion du nombre de contaminations et d'hospitalisations avec cette deuxième vague et la commission a jugé qu'il se justifiait de refaire appel à l'article 113 de la constitution.

Ensuite, nous avons analysé les trois arrêtés du Conseil d'Etat; deux points en particulier ont attiré l'attention de la commission. Tout d'abord, le 13 novembre, nous avons parlé de la question de la suspension des délais pour la récolte de signatures pour les initiatives et référendums en cours, tant au niveau cantonal que communal. La commission a jugé à l'unanimité que dans les conditions de début novembre, qui prévalent toujours, il n'était pas possible de récolter des signatures. Par le biais d'un communiqué de presse, nous avons donc demandé au Conseil d'Etat de suspendre ces délais, uniquement pour les initiatives et référendums en cours, je précise: les délais continuent à courir pour les lois et délibérations communales qui n'auront pas fait l'objet d'une demande de référendum, ce qui permettrait que ces textes entrent en vigueur. Cette demande de la commission a été entendue par le Conseil d'Etat: le 18 novembre, celui-ci a pris un nouvel arrêté allant dans le sens de la commission et suspendant les délais de récolte de signatures. Avec la proposition de résolution d'aujourd'hui, nous vous invitons à valider cet arrêté qui répondait à notre demande.

Deuxième objet qui nous a occupés, la fermeture des commerces et des services à la personne. La commission a, là encore, fait une analyse: la proposition du Conseil d'Etat nous a semblé disproportionnée. En effet, il n'a pas été établi que c'est dans les commerces que la contamination survient. Le Conseil d'Etat nous a expliqué que la volonté était d'éviter les déplacements et de faire passer un message à la population. Nous pensons toutefois que l'atteinte était trop importante, en tout cas pour l'ensemble des commerces et des services à la personne. Là encore, une majorité de la commission a rédigé un communiqué de presse pour dire sa position au Conseil d'Etat, et le 18 novembre, nous avons été partiellement entendus puisque les services à la personne ont pu rouvrir samedi passé. Finalement, cet après-midi, le Conseil d'Etat a annoncé que l'ensemble des commerces pourrait rouvrir dès samedi prochain, évidemment sous réserve du respect des plans de protection.

En conclusion, la commission vous propose de ratifier l'arrêté du 1er novembre ainsi que celui du 18 novembre qui modifie le premier arrêté, sous réserve de la question de la fermeture des commerces que la commission demandait de réexaminer. Dans les faits, ce réexamen a déjà été effectué puisque, comme je vous l'ai dit, le Conseil d'Etat a modifié la situation à partir de samedi prochain. Je pense que ce message de la commission législative doit être entendu, y compris dans l'éventualité d'une troisième vague. Réellement, la fermeture totale de l'ensemble des commerces et des services à la personne ne nous semble pas proportionnée et devrait être évitée à tout prix. Je vous invite donc à soutenir notre proposition de résolution.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la gravité de cette pandémie et les conséquences de cette deuxième vague ne sont contestées par personne. La perturbation de notre système de santé tout comme la possibilité d'être un éventuel vecteur de ce virus et de contaminer des aînés ou d'autres personnes à risque sont insupportables pour l'immense majorité d'entre nous. Toutefois, si la gestion d'une crise peut nécessiter une limitation de notre démocratie ou la restriction de droits fondamentaux de nos citoyens, elle doit être cadrée et proposer une réponse proportionnée en représentant l'unique option possible. Cette règle est nécessaire pour que la population y adhère. Pour la minorité, l'intégralité de ces exigences n'est pas remplie et la gestion de la crise est problématique.

Un: après la première vague, les nouveaux arrêtés se basaient sur l'ordonnance fédérale et non sur notre constitution. Emettre des arrêtés se basant tantôt sur l'ordonnance fédérale, tantôt sur notre constitution crée des confusions indignes d'une bonne gestion.

Deux: il y a eu une cacophonie caractérisée par l'absurdité de certaines décisions lors de la première vague, avec des arrêtés confus et contradictoires qui imposaient des sanctions que l'Etat n'appliquait pas.

Trois: certaines actions sont incompréhensibles: même si les commerces peuvent rouvrir ce samedi, pourquoi fermer les petites boutiques alors que les bus et trams sont bondés ? Est-ce l'attractivité des petits magasins ou plutôt celle des marchés et des grands centres commerciaux qui augmente la fréquentation dans nos quartiers et dans nos rues ? Est-ce que l'Etat réalise qu'il y a une distorsion de traitement entre les grands groupes et les petits commerçants ? Est-ce qu'il y a une pesée d'intérêts entre le risque sanitaire objectivement très faible et les conséquences économiques dramatiques ?

Quatre: certaines mesures n'ont pas été communiquées et il est heureux que le Conseil d'Etat s'informe actuellement auprès des communes pour savoir quels sont les lieux publics où le port du masque est obligatoire.

Pour finir, une impression largement répandue démontrait que les coups d'annonce auraient été privilégiés par rapport à l'efficacité des mesures. En plus, si certains propos tenus par le Conseil d'Etat et rapportés sur les plateaux de télévision - tels que courriers consternants ou sanctions populistes irresponsables - s'avéraient exacts, il ne serait alors plus possible de parler d'impression mais d'incompétence effective. L'UDC regrette le refus d'évaluer les dysfonctionnements de la gestion de la première vague ainsi que l'échec de notre demande pour une session extraordinaire au début de ce mois. La gestion est et a été médiocre: une analyse sérieuse des erreurs de la première vague, une ouverture au dialogue et une discussion entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil auraient apporté une nette amélioration.

La partie minoritaire rejette aussi l'arrêté du 1er novembre: ces mesures ne sont pas proportionnées et n'ont pas été prises après une évaluation globale de la situation; elles n'ont pas été discutées avec les partenaires concernés et, surtout, elles ont créé une forte confusion et un mécontentement de notre population. Pourquoi est-ce que Bâle-Ville gère cette crise beaucoup mieux et obtient des résultats bien meilleurs ?

Le président. Vous êtes sur le temps du groupe, Monsieur le député.

M. André Pfeffer. A Bâle, il y a quarante lieux de testage et l'attente serait au maximum de trois heures. Chez nous, c'est deux centres de test et une attente minimale de trois jours ! A Bâle, deux conseillers d'Etat siègent au sein de l'état-major de crise et le Conseil d'Etat bâlois peut agir en deux heures. Encore à Bâle, des mesures ont été prises lors de l'augmentation des cas d'infection et non après l'augmentation des hospitalisations. Toujours à Bâle, la protection dans les EMS a été réglée dès la première vague: les patients positifs ont été isolés ou transférés à l'hôpital. A Genève, les visites dans les EMS ont été maintenues, même après la limitation du nombre de personnes dans les lieux privés, après la fermeture des commerces, après l'obligation du port du masque dans les lieux publics. Bref, dans les EMS à Bâle, il y a six fois moins de patients positifs au covid qu'à Genève !

Il est légitime de se poser la question: est-ce que la gestion catastrophique de cette crise à Genève a un lien avec notre taux d'infection dramatique, qui est le plus élevé de toutes les régions d'Europe ? Pour toutes ces raisons, le rapporteur de minorité vous invite à refuser l'état d'urgence et l'arrêté du 1er novembre 2020.

M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, je ne comprends pas bien ce qu'on vient d'entendre. On nous dit que la situation sanitaire a été récemment la pire d'Europe. C'est vrai et c'est un scandale; c'est un problème et il faudra faire un bilan pour savoir comment on en est arrivé là ! Dans la foulée, le député en question de l'UDC veut refuser de déclarer l'état d'urgence qui donne autorité au Conseil d'Etat pour prendre des mesures. Or, des mesures devaient être prises et un certain nombre de mesures ont été prises par le Conseil d'Etat ! On peut bien sûr discuter de l'opportunité de celles-ci. Surtout, on peut se dire que la deuxième vague qui a relancé encore plus fortement le covid à Genève - plus haut que la première vague - aurait peut-être pu être évitée si nous avions maintenu le cap d'un serrage de vis durant l'été, si nous n'avions pas levé le pied de manière probablement trop optimiste, si la Confédération avait assumé ses responsabilités de coordination. Les mesures posent évidemment problème quand elles s'arrêtent à Versoix et que, de l'autre côté de la frontière, les mesures vaudoises sont toutes différentes: ça ne va pas et c'est incompréhensible !

Enfin, sur le fond, sur la nécessité de voter l'état d'urgence et de reconnaître qu'il y a un état d'urgence et que des mesures peuvent être prises au nom de l'article 113, la réponse ne peut être que oui !

Je rejoins quand même le député de l'UDC, rapporteur de minorité, sur l'idée de faire un bilan, avec une commission d'enquête qui établisse le bilan des éventuelles erreurs commises, non pour pendre les responsables, on n'est pas comme ça, mais pour en tirer les conséquences et ne pas refaire les mêmes erreurs. C'est évidemment nécessaire et il faudra sans doute en passer par là, à terme. Il faut en effet un dispositif de contrôle critique de l'activité du Conseil d'Etat. La commission législative qui rapporte ici avec cette résolution en est un pan; la commission de contrôle de gestion est un autre pan; la commission ad hoc que proposent le MCG et Patrick Dimier sera probablement un troisième élément.

J'ai très peu de temps mais je ferai encore trois observations, la première sur les droits politiques. C'est bien que le Conseil d'Etat ait reconnu la nécessité de suspendre l'écoulement des délais pour la récolte de signatures. On a dû le bousculer un peu, mais enfin, il l'a fait ! C'est la mécanique du contrôle parlementaire de mettre parfois le Conseil d'Etat un peu sous pression. J'aimerais dire sur ce point que le Conseil d'Etat a bien agi. Il y a un service après-vente de cette décision en direction de la Confédération: il faut évidemment demander à la Confédération de faire de même à l'échelle du territoire national. Il y a 26 cantons et si on ne peut pas récolter les signatures dans un de ces cantons, on ne peut pas considérer que les droits politiques à l'échelle nationale sont respectés.

Encore brièvement un point sur l'assouplissement annoncé aujourd'hui par le Conseil d'Etat. Il y a quand même un souci: le Conseil d'Etat prend une série de mesures sans en référer à personne et nous courons derrière avec la commission législative ainsi que d'autres. De ce point de vue, ça ne répond pas à la résolution que nous allons voter puisque celle-ci demande de réexaminer l'obligation de fermeture des commerces genevois en vue d'une réglementation plus différenciée tenant compte aussi des indicateurs objectifs d'évolution de la situation de pandémie...

Le président. Merci, Monsieur le député, c'est terminé !

M. Pierre Vanek. ...pour autant que ces commerces respectent un plan de protection. Vous me permettez dix secondes pour terminer ma phrase, Monsieur le président ?

Le président. Non, vous avez déjà eu ces dix secondes !

M. Pierre Vanek. Or, la mesure prise n'est pas différenciée, elle est généralisée... (Le micro de l'orateur est coupé.)

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, lorsque j'entends le rapporteur de minorité, j'ai l'impression que nous n'avons pas assisté aux mêmes séances de la commission législative - ça vient peut-être de l'organisation par vidéoconférence ! J'aimerais tout d'abord remercier Mme la rapporteure de majorité pour son rapport complet et détaillé rendu dans des délais records. La commission législative, conformément à la mission qui lui incombe, a examiné les trois arrêtés que le Conseil d'Etat a transmis à notre Grand Conseil, datés des 1er et 18 novembre 2020.

La commission a souhaité communiquer deux prises de position par voie de presse sur l'arrêté du 1er novembre, l'une concernant la fermeture des commerces et l'autre sur les délais impartis pour la récolte de signatures pour les référendums ou les initiatives. Ce dernier point a été pris en compte par le gouvernement avec son arrêté du 18 novembre, puisque les délais précités ont été suspendus. En ce qui concerne l'ouverture des commerces, la décision du Conseil d'Etat n'a pas changé et l'arrêté du 18 novembre s'est contenté d'autoriser les pratiques couvrant les soins à la personne. Cette divergence de vues entre la commission législative et l'exécutif montre bien les difficultés d'interpréter les avis des experts concernant notamment une arrivée de cette seconde vague, certes prévisible et annoncée, mais d'une ampleur inattendue, avec pour conséquence une surcharge importante de nos réseaux de soins, qu'ils soient publics ou privés.

Cette situation difficile, due vraisemblablement à un certain relâchement de la discipline collective durant les beaux jours de l'été, montre à nouveau à quelles énormes incertitudes nous faisons face dans ce domaine, incertitudes qui ne seront calmées que lorsqu'un vaccin sera enfin disponible. Le cerveau humain gère assez mal les incertitudes et apprécie plutôt la prévisibilité. C'est face à ce dilemme que s'est trouvée la commission législative qui, dans son communiqué de presse, réclamait du Conseil d'Etat la révision de sa position et la réouverture immédiate des commerces.

Dans le présent rapport et cette proposition de résolution, la commission montre plus de retenue en demandant au Conseil d'Etat - et c'est la réserve exprimée par rapport à l'article 11 de l'arrêté - de réexaminer régulièrement la situation de la façon la plus fine et la plus posée possible, ce qu'il a fait.

Dans ce contexte difficile, il s'agit avant tout de serrer les rangs, d'assumer une responsabilité collective et de protéger les plus faibles, mais aussi de préserver notre système de soins ainsi que de garantir aux entrepreneurs qui se trouvent dans des situations dramatiques les aides financières nécessaires. Il serait aussi judicieux que le Conseil d'Etat assume une communication adéquate et redondante pour expliquer encore et encore la gravité de la situation que nous traversons et réussir ainsi à obtenir l'adhésion de la population quant aux mesures prises. Il faudrait par exemple éviter ce qui s'est passé cet après-midi quand, dans le communiqué de presse du Conseil d'Etat, aucune mention n'était faite de la réouverture des cafés et restaurants alors que, quelques minutes plus tard, une conseillère d'Etat vaudoise annonçait que les cantons romands allaient rouvrir leurs restaurants le 10 décembre, ce qui a finalement été confirmé par le département de M. Poggia. Nous aurions préféré une communication du Conseil d'Etat !

Le groupe démocrate-chrétien vous recommande d'approuver ce rapport divers et cette proposition de résolution.

M. Patrick Dimier (MCG). Monsieur le président, je n'ai pas participé à ces travaux puisque je ne siège pas dans cette commission, mais, à entendre le rapport de minorité de l'UDC, j'ai l'impression qu'on n'utilise pas la même constitution - même pas du tout ! Si on lit correctement et attentivement l'article 113, surtout les alinéas 2 et 3, on comprend qu'ils ont été prévus précisément pour assurer au parlement un suivi et un contrôle de ce que fait l'exécutif. Et, à entendre les diverses interventions, c'est bel et bien ce qui s'est passé ! A lire le texte qui nous est soumis, c'est bien le but visé et j'aimerais préciser que la proposition de résolution sur laquelle nous travaillons maintenant ne doit pas être confondue avec la R 935 dont je suis le modeste auteur. En effet, le texte que j'ai déposé vise à concentrer l'ensemble des travaux covid dans une commission ad hoc spécifique, mais celui sur lequel nous travaillons maintenant a un tout autre objectif: cette proposition vise précisément à faire contrôler l'activité du Conseil d'Etat par le législatif.

Les diatribes comme celles que nous avons entendues n'amènent rien au débat ! Je dirai même que, quand les vagues se succèdent, il ne faut pas aller contre le bateau, sinon il coule; si on veut tenir le bateau à flot, il faut au contraire être à côté de celui qui est à la barre. Or, le rôle de ce parlement dans cette posture spécifique qui lui est conférée par l'article 113 de la constitution est précisément d'assurer un contrôle démocratique, par le parlement donc, de l'action de l'exécutif. Cette proposition de résolution est bien sûr la bienvenue et ne doit pas être confondue avec la R 935 dont nous parlerons tout à l'heure, parce qu'elle permet à ce parlement d'assurer son rôle de «garde-fou» - entre guillemets - de l'activité gouvernementale, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat.

M. Cyril Mizrahi (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste n'a pas non plus vraiment compris le rapport de minorité de l'UDC. Au sein du groupe socialiste, nous estimons que ce contrôle des arrêtés a fonctionné. C'est pourquoi nous vous proposerons lors du prochain débat d'étendre ce mécanisme aux situations particulières avec une motion de commission, parce que ce mécanisme a fait ses preuves et a permis un dialogue entre le gouvernement et ce Grand Conseil. Nous soutenons donc cette proposition de résolution sur la question de la réouverture des commerces.

Sur ce point-là, nous avons trouvé que le communiqué de presse décidé par la majorité de droite de la commission était beaucoup trop absolu et qu'une réouverture immédiate de tous les commerces était prématurée. C'est pourquoi nous nous reconnaissons bien davantage dans la formulation de compromis trouvée dans cette proposition de résolution, et je crois que c'est vraiment le but de cette résolution. C'est pour ça que je ne comprends pas la position de l'UDC. Si on doit exercer ce contrôle, il faut le faire en adoptant cette résolution, en exprimant les points sur lesquels on n'est pas tout à fait d'accord ou sur lesquels on a des réserves; c'est ce qu'on a fait avec cette résolution. Ne pas la voter, c'est renoncer aussi à ce contrôle !

Le premier point positif pour le groupe socialiste, c'est que la commission a été suivie sur la question des droits populaires concernant les initiatives et les référendums et la suspension des délais de récolte des signatures.

De même, l'approche sur la réouverture des commerces est nuancée. Nous sommes tout à fait conscients de l'impact économique énorme et de la souffrance qui est celle de nos commerçants et restaurateurs. Nous devons y répondre par des mécanismes d'aide; nous ne pouvons pas seulement répondre en disant que tout doit rester ouvert en tout temps. Le groupe socialiste estime que c'est la raison pour laquelle il faut mettre en place des mesures pour apporter un soutien économique.

S'agissant de la réflexion sur le plus long terme, vous avez vu que Pierre-Yves Maillard est intervenu sur cette question de la gestion de la planification hospitalière. Je pense qu'on ne fera pas l'économie d'une réflexion sur le mécanisme de financement des places hospitalières, parce qu'on fonctionne toujours à flux tendu - c'est ce que les mécanismes de financement visent parce qu'il s'agit de financements à l'utilisation. On n'a donc pas de réserves de capacité et c'est vraiment problématique dans la situation que nous vivons actuellement. Sur le long terme, nous devrons mener une réflexion sur ce point aussi. Je vous remercie de votre attention et vous invite, au nom du groupe socialiste, à voter cette proposition de résolution telle qu'elle vous est présentée.

M. Christian Bavarel (Ve). Monsieur le président, je ne vais pas répéter ce qu'ont dit mes préopinants. Le groupe des Verts va simplement approuver cette proposition de résolution et nous vous invitons à faire de même.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de minorité, M. André Pfeffer, pour deux minutes quinze sur le temps de parole de son groupe.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Pour la minorité, il est de la responsabilité du Grand Conseil d'analyser le besoin de l'état de nécessité, sa pertinence et son efficacité. Comme déjà dit, une gestion de crise peut nécessiter une limitation de notre démocratie et une restriction des droits fondamentaux de nos concitoyens. Toutefois, si elle a lieu, cette limitation doit absolument être encadrée, proposer une réponse proportionnée et être l'unique option possible. Cette règle est absolument indispensable pour que notre population y adhère et pour que cet état de nécessité soit efficace.

Maintenant, pour analyser l'efficacité de notre Conseil d'Etat, je le répète encore une fois, il faut simplement faire une comparaison entre Genève et la ville de Bâle ! Qu'est-ce que nous constatons ? A Bâle, dès la première vague, il y a eu quarante lieux pour réaliser des tests. Le délai d'attente était seulement de trois heures. A Genève, en contrepartie, nous avions seulement deux centres pour tester et le délai pour la réalisation des tests était de trois jours au minimum, voire plus ! Je donne un autre exemple sur la situation dans les EMS. Ce sont des faits, je le regrette, c'est comme ça ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Avec les mesures prises dès le départ, Bâle a jusqu'à six fois moins de cas de covid qu'à Genève dans les EMS. Le résultat est totalement différent, visiblement ils ont pris des mesures tout autres que ce que nous avons fait à Genève...

Le président. Merci, c'est terminé, Monsieur le député !

M. André Pfeffer. Pour ces raisons, je pense qu'il faut refuser l'arrêté !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il est difficile pour le Conseil d'Etat d'entendre M. le rapporteur de minorité assener pareilles contrevérités, qui ne résistent évidemment pas aux faits tels qu'ils sont exprimés non seulement par le Conseil d'Etat, dont vous êtes en droit de douter, mais par l'ensemble des analystes. La task force fédérale s'est encore exprimée hier et elle a reconnu le travail fait en Suisse romande et à Genève en particulier. Il suffit d'aller regarder la courbe de cette deuxième vague: sa descente a été tout à fait remarquable grâce aux mesures prises. C'est vrai, cela n'a pas été sans dommages pour certains secteurs de l'économie, qu'il faut ici remercier de les avoir supportés. Il ne s'agit pas de leur dire seulement merci, il s'agit d'être derrière eux et le Conseil d'Etat est bien sûr avec eux pour essayer de trouver des solutions. Vous verrez que le gouvernement prévoit encore des démarches dans ce sens pour faire en sorte que celles et ceux qui ont subi un préjudice dans l'intérêt commun ne restent pas sur le bord de la route.

Néanmoins, parlons ici des mesures du Conseil d'Etat: je pense qu'il s'agit avant tout d'un problème de compréhension, d'un problème d'écoute. En septembre déjà, le Conseil d'Etat avait proposé un contact avec votre parlement, pour une séance de questions-réponses et d'explications. C'est vrai que personne ne comprend les décisions prises dans l'urgence, ni pourquoi on les prend si tôt. Or, nous sommes constamment dans l'urgence. Quand on agit trop tard, c'est seulement avec le recul qu'on se dit qu'il aurait fallu prendre des décisions avant. Dans ce cas, tout le monde nous demande pourquoi nous ne les avons pas prises précédemment. D'ailleurs, on le voit ici, dans ce parlement où l'on entend tout et son contraire: certains nous reprochent de n'avoir pas maintenu un tour de vis pour éviter cette montée de la deuxième vague; d'autres nous reprochent d'avoir pris des mesures sans faire une pesée d'intérêts. C'est pourtant la préoccupation constante du Conseil d'Etat !

Vendredi de la semaine dernière, nous avions organisé une séance à laquelle l'ensemble des députés a été invité. Je veux bien croire que votre emploi du temps ne soit pas à la disposition du Conseil d'Etat. Néanmoins, il est un peu décevant que seuls quatorze députés, sur l'ensemble du parlement, soient venus entendre les explications et réponses du Conseil d'Etat aux questions légitimes que vous êtes en droit de vous poser. Merci à celles et ceux qui sont venus - je constate que les personnes présentes ont eu aujourd'hui des interventions beaucoup plus nuancées, beaucoup plus proches de la réalité des faits. Qu'ils en soient remerciés ici, au nom du Conseil d'Etat !

Nous constatons encore que la situation d'urgence n'est pas contestée en tant que telle; ce sont les mesures qui ont parfois été contestées. J'ai entendu aussi qu'il nous a été reproché de ne pas immédiatement communiquer la date d'ouverture des cafés et restaurants. Il s'agit d'une ouverture conditionnelle, bien sûr, puisqu'il est difficile de savoir quelle sera la situation épidémiologique dans une dizaine de jours - douze jours exactement - mais nous espérons évidemment que les choses iront dans le bon sens. Nous en appelons à la responsabilité individuelle et collective ces prochains jours en espérant que la levée progressive et partielle des restrictions ne nous amène malheureusement pas à devoir reprendre ensuite des mesures particulièrement préjudiciables à notre économie.

Si nous n'avons pas communiqué au sujet de la réouverture, c'est tout simplement parce que nous avions un accord avec l'ensemble des gouvernements de Suisse romande pour que la communication intervienne à 16h. Nous avons dit à ce moment-là que, pour les restaurants, la communication serait imminente. Elle l'a été puisque cette communication a eu lieu à 16h ! Je pense qu'il était important, pour une fois, puisqu'il y a eu tant de critiques justifiées en Suisse romande sur l'absence de cohésion et de cohérence dans les mesures prises, que les cantons romands soient capables de donner simultanément un message identique dans les cantons romands, à une branche de notre économie particulièrement touchée - et qui l'est encore - par les mesures prises suite à cette épidémie.

Donc, le Conseil d'Etat a pris des décisions nuancées qui ont porté leurs fruits, même si les mesures semblent évidemment injustifiées à celles et ceux qui en font l'objet. L'on comprend bien sûr cette réaction, mais il suffit de regarder les courbes pour se rendre compte que nous avons pu rattraper en quelques jours notre voisin vaudois et même retrouver une meilleure situation. Ne comparez pas Genève à Bâle-Ville ! Ne venez pas dire qu'on attendait trois jours pour se faire tester à Genève alors que ça n'a jamais été le cas ! Ne venez pas dire qu'il y a deux lieux de test alors qu'il y en a au minimum cinq à ma connaissance - j'ai fait le compte dans ma tête. Aujourd'hui, les personnes qui veulent se faire tester parce qu'elles ont des symptômes - aussi légers soient-ils - ont des lieux pour le faire où elles sont immédiatement reçues. Je ne peux d'ailleurs qu'encourager toutes celles et ceux qui nous écoutent à ne pas passer à côté d'un test: au moindre symptôme, c'est la seule façon efficace que nous avons de retenir un redémarrage de cette épidémie. Regardez à quelle vitesse l'épidémie a augmenté à partir de la mi-octobre ! Cela nous a obligés à prendre ces décisions très rapidement, début novembre.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, voilà ce que je voulais dire. Je pense qu'il est toujours plus facile de faire de l'analyse a posteriori; il est plus facile aussi d'être sensible à ce que vivent les commerçants qui souffrent lorsqu'on les entend. Ma collègue Nathalie Fontanet et moi sommes sensibles à leur situation et les avons reçus, bien sûr, mais il en va de la capacité de notre réseau hospitalier à répondre à une crise tout à fait exceptionnelle ! Aujourd'hui, alors que je vous parle, il n'y a toujours pas d'assouplissement dans les hôpitaux: il y a un effet de retard entre la diminution des cas journaliers et la diminution marquée des entrées à l'hôpital. Aujourd'hui, les cliniques jouent le jeu dans ce grand hôpital qui a été créé sur le territoire cantonal: les cliniques reçoivent elles aussi des patients covid. Nous devons absolument faire preuve de responsabilité individuelle, nous devons collectivement faire en sorte de ne pas stigmatiser non plus les personnes frappées par la maladie. Encore une fois, on sait qu'on peut très bien faire tout juste et malgré cela être touché par le virus; il s'agit d'être solidaires. Nous n'attendons pas un discours complaisant à l'égard du Conseil d'Etat: c'est votre droit et c'est votre devoir de poser les questions qui dérangent et c'est notre devoir d'y répondre, mais faites-le lorsque vous avez la possibilité de le faire ! Ne venez pas assener des critiques gratuites comme l'a fait ici le rapporteur de minorité ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1379.

Le président. Nous passons au vote sur la prise en considération de la R 940.

Mise aux voix, la résolution 940 est adoptée par 84 oui contre 8 non.

Résolution 940