République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 913-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Christian Flury, Patrick Dimier, Sandro Pistis, Danièle Magnin, Florian Gander, Ana Roch, Francisco Valentin, André Python, Daniel Sormanni, Jean-Marie Voumard, Françoise Sapin pour que les assurances-maladie (LaMal) fassent preuve de solidarité avec les victimes du Covid-19 (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 29 et 30 octobre 2020.
Rapport de M. Bertrand Buchs (PDC)

Débat

Le président. Nous traitons maintenant la R 913-A. Le rapport est de M. Bertrand Buchs, à qui je passe la parole.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. En tant que rapporteur, j'aimerais juste dire à mes collègues que nous avons modifié les invites de cette résolution après un débat très intéressant sur l'accumulation des réserves des caisses maladie et leur utilisation. La première invite retenue est la suivante: «d'intervenir pour financer les frais de santé extraordinaires liés à la maladie COVID-19 (tests, hospitalisations,...) via une dissolution partielle des réserves des assurances-maladie». Nous demandons donc aux Chambres fédérales de permettre une dissolution partielle afin que l'on puisse rendre de l'argent aux cantons qui ont financé de gros frais pour leurs hôpitaux. Et voici la seconde invite: «de demander un gel, ou une baisse, des primes maladie pour les années 2022 et 2023». L'ensemble de la commission vous recommande de voter cette résolution. Je vous remercie.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la crise sanitaire liée à la covid-19 touche l'ensemble de la population helvétique, déployant ses effets sous la forme d'atteintes à la santé. Elle a également des répercussions sur les entreprises et commerces, qui se traduisent par des réductions des horaires de travail, du chômage, voire des pertes d'emploi. Une deuxième vague nous frappe actuellement, laquelle vient renforcer les dommages de la première qui ne sont pas encore cicatrisés, le pire restant probablement à venir.

Pendant ce temps, alors que les coûts de la santé pour 2020 sont en baisse par rapport aux dernières années, nos assureurs LAMal continuent à engranger des primes à plein régime. Au moment de la rédaction de cette résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale, nous souhaitions que ces mêmes assureurs fassent preuve de solidarité, notamment en libérant les assurés du paiement des primes pour trois mois, car elles pèsent très lourd, bien trop lourd, dans le budget des ménages. Cette exemption aurait permis à l'Etat, qui verse les subsides LAMal aux ayants droit, d'affecter ces finances à d'autres objectifs sociaux, tels que la distribution de nourriture et de produits de première nécessité à la part malheureusement toujours plus nombreuse de nos concitoyens en grande difficulté. Elle aurait pu être validée dans le cadre des mesures d'exception prises ce printemps, mais six mois se sont écoulés depuis lors et maintenant cette demande arriverait un peu comme la grêle après les vendanges. Le retrait de cette première invite par la commission de la santé est donc pleinement justifié, tout comme les amendements aux deux autres invites, qui ont été citées par mon préopinant M. Buchs. Nous relèverons simplement que les réserves accumulées par les assureurs LAMal se montent à un peu plus de 10 milliards de francs suisses; 10 milliards de réserves pour 8 millions d'habitants, soit deux fois plus que le minimum prescrit.

La seconde invite demande un gel, voire une baisse des primes d'assurance-maladie pour 2022-2023, car entre-temps les primes 2021 ont été publiées et elles comportent des hausses qui, même si elles sont minimes, restent inadmissibles dans le contexte actuel.

Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG vous remercie de soutenir cette résolution telle que sortie de commission. J'en ai terminé, Monsieur le président.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts soutiendront les deux invites restantes de cette résolution, parce qu'ils considèrent que la redistribution des réserves accumulées par les assurances-maladie, qui sont de l'ordre de 10 à 11 milliards, représente effectivement une alternative. Nous sommes en pleine crise sanitaire: elle nous a déjà touchés lors de la première vague et c'est à nouveau le cas avec la deuxième onde que nous subissons maintenant. Il y a eu de surcroît une augmentation des primes maladie; elle est certes faible, mais il s'agit néanmoins d'une hausse. Et même si les subsides d'assurance-maladie ont été élargis, ça ne suffit pas pour compenser les dégâts.

Face à un système qui ne fonctionne pas - on le voit avec les primes d'assurance-maladie qui augmentent sans cesse, de même que les réserves - nous appuierons bien évidemment cette résolution avec ses deux invites afin d'apporter aux plus défavorisés mais aussi à la population en général, qui se précarise, un léger soulagement en matière de primes maladie. Merci.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut que se réjouir de cette résolution amendée par la commission de la santé. Hier - vous transmettrez, Monsieur le président - M. Poggia déplorait qu'à Genève on ne sache pas se réunir autour des bonnes idées. Preuve en est qu'on sait le faire, et ce texte collectif demande des mesures qui sont à notre sens largement soutenues par la population.

Il s'agit d'une part d'intervenir pour que les frais de santé extraordinaires liés à la maladie covid-19 soient financés via une dissolution partielle des réserves des assurances-maladie. Ces dernières, aujourd'hui estimées à 11 milliards, Mesdames et Messieurs, sont constituées des primes que les gens paient; les cotisations servent donc aux réserves des assurances-maladie.

Cette bonne résolution demande d'autre part un gel ou une baisse des primes maladie pour 2022 et 2023. Là encore, la population paie cette année des primes d'assurance-maladie qui la mettent chaque mois en difficulté, pour des soins de santé dont une partie ne bénéficiera pas du fait de services qui, pour certains, ne lui sont plus accessibles. Ce texte va donc dans le bon sens. Il a obtenu une large majorité, même l'unanimité, ce qui est un signal positif.

Vous transmettrez également à M. Poggia, qui n'est malheureusement pas là, que la Conférence suisse des directeurs de la santé - la CDS - a pour objectif de promouvoir la collaboration intercantonale et qu'on ne peut que l'inviter à favoriser plus fortement une union des cantons afin de faire bouger les lignes à Berne. En effet, celles-ci sont hélas figées et difficiles à faire évoluer, avec une majorité PLR-UDC, nous le savons, comportant encore trop de personnes qui sont certes élues - ce sont des députés du peuple - mais aussi payées par des caisses d'assurance-maladie pour empêcher que le système évolue et soit plus juste.

Il faut dès lors bien entendu soutenir ce projet, qui va dans la bonne direction, mais je rappelle que 1% seulement des résolutions qui arrivent à Berne sont acceptées par l'Assemblée, alors ne soyons pas trop fiers non plus: ce texte a peu de chances de faire bouger les lignes, mais il s'agit d'une première prise de conscience. C'est une position politique qu'il faut souligner, Mesdames et Messieurs les députés, mais le parti socialiste ne peut que vous rendre attentives et attentifs au fait qu'il conviendra ensuite d'être cohérent et conséquent. Nous devrons d'une part continuer à encourager M. Poggia à poursuivre le travail qu'il accomplit concernant les caisses d'assurance-maladie et d'autre part inviter la délégation genevoise, les députés au Conseil national et des Etats, à véritablement faire en sorte que les primes d'assurance-maladie baissent et que les réserves indécentes des caisses à 11 milliards reviennent dans les poches de celles et ceux qui les ont payées, c'est-à-dire les cotisants et les citoyens de Genève. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. Pierre Nicollier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais malheureusement pas aller exactement dans le même sens que mes préopinants, parce que de nombreuses idées - certaines ont été présentées durant les quelques minutes précédentes - qui courent concernant le fonctionnement de l'assurance-maladie sont fausses. Premièrement, si on veut faire baisser le tarif des primes d'assurance, il faut faire baisser les coûts supportés par l'assurance-maladie, c'est-à-dire les coûts de la santé. Deuxièmement, les assurances ne possèdent pas nos réserves: ce sont celles des assurés. Elles sont là pour permettre de garantir le paiement des prestations par l'assurance-maladie si les primes récoltées ne sont pas suffisantes. Il était nécessaire de commencer par clarifier ces points !

Le Conseil fédéral travaille sur la réduction des primes, et on doit en être très heureux. Si on veut avoir des prestations moins chères, il faut qu'il y ait de meilleures prestations et un peu de concurrence - en termes non seulement de prix, mais aussi de qualité et de continuité des soins - pour obtenir une prise en charge plus globale des patients, ce qui permet, à terme, de faire baisser les coûts.

Le second élément concerne les réserves. Oui, elles ont augmenté et augmentent encore parce que les primes maladie sont basées sur une projection des coûts de l'année qui suit. Lorsqu'on a prélevé trop de primes, on se retrouve avec un excédent qui fait croître ces réserves. Ça signifie qu'on doit changer le système: les primes doivent être calculées sur la base non plus d'une projection, mais des coûts réels. Ça signifie également que les réserves, qui appartiennent aux assurés, sont trop élevées. On peut donc se demander comment agir pour qu'elles retrouvent des proportions correctes. Comme nous sommes dans une situation exceptionnelle, il n'est pas inintelligent de se dire qu'on va utiliser ces réserves pour financer les coûts de la santé exceptionnels liés au contexte particulier qui est le nôtre actuellement. Ce n'est pas une résolution contre les assureurs, qui sont d'ailleurs nombreux à rendre une partie de leurs réserves aux assurés chaque année. Vous avez dû voir dans la presse hier et aujourd'hui les annonces faites par certains groupes romands. Ce ne sont pas des assureurs qui tentent d'accroître leurs réserves ! Nous avons un cadre strict, mais il engage malheureusement les assurances à augmenter leurs réserves année après année. Ces sommes existent donc, utilisons-les pour financer les frais de santé durant cette crise particulière et cessons de tenir des discours populistes et d'essayer de détruire le système. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Bertrand Buchs, qui s'exprime cette fois au nom du PDC.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Je pense que l'argument principal, s'agissant de ces réserves - et M. Nicollier a tout à fait raison sur le plan juridique - c'est qu'on nous a dit pendant des années qu'il était nécessaire de mettre de l'argent de côté pour pouvoir s'en servir en cas de situation médicale exceptionnelle, parce qu'à ce moment-là on aurait beaucoup de frais médicaux à rembourser. Eh bien les situations médicales exceptionnelles, ce sont en particulier les épidémies ou les pandémies mais, bing, le jour où on y est confronté, les assurances répondent: «Nous n'allons pas utiliser cet argent pour rembourser les coûts, c'est aux cantons et à la Confédération d'assumer.» Alors à quoi servent les réserves ? A quoi servent ces sommes qui sont mises de côté par les assurances et qui leur rapportent de l'argent ? C'est bien joli de dire que les réserves appartiennent aux assurés, mais ce n'est pas vrai: elles sont placées en bourse et rapportent de l'argent aux assurances ! Aucun audit n'a jamais été réalisé concernant l'utilisation des réserves et de leur profit par les assurances-maladie. Il faut que ça cesse ! Et lorsqu'on a besoin de cet argent dans des situations exceptionnelles comme c'est le cas cette année, la moindre des choses de la part des assureurs serait qu'ils annoncent qu'ils vont prendre en charge certains coûts, or vous avez vu que la majorité des frais liés aux hôpitaux universitaires ou cantonaux ont dû être assumés par les cantons. Ce sont des centaines de millions de francs supplémentaires qui pèsent sur leurs finances, et nous savons que les cantons ont de gros problèmes pour tenir leur budget: ils sont quasiment tous dans le négatif. C'est donc maintenant qu'il faut utiliser ces réserves; elles sont faites pour ça et pas pour autre chose, et nous devons vraiment aller à Berne pour exprimer notre mécontentement. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, critiquer la politique dominante des assurances-maladie, ce n'est pas tomber dans le populisme, c'est porter un regard critique sur un phénomène qui, depuis des années - il est d'ailleurs intervenu très peu de temps après l'introduction de la LAMal - est problématique et dommageable pour la population, pour les assurés.

M. Nicollier disait tout à l'heure qu'il existe un cadre strict, qui amène les assurances-maladie à constituer des réserves. Certes, mais lorsqu'on a dépassé le seuil fixé par l'OFSP, qu'on se trouve dans une situation de pandémie - soit l'un des critères à remplir pour l'utilisation de ces réserves - et que l'on voit que les assurances-maladie refusent de prendre en charge tous les coûts liés au covid, notamment les frais de dépistage et de prévention, eh bien on peut s'interroger, et ce n'est pas du populisme ni de la démagogie. D'autant qu'il faut quand même rappeler - et c'est paradoxal - que lors de la pandémie que nous avons subie ce printemps et que nous affrontons à nouveau aujourd'hui, les caisses maladie ont réalisé l'exploit de faire des économies !

Nous le savons depuis de nombreuses années, les assurés paient des cotisations trop élevées, tandis que le catalogue des prestations, lui, ne cesse de se réduire. Alors oui, il y a un mécontentement dans la population à l'égard des caisses maladie, mais vous admettrez qu'il est pour le moins légitime.

Je vous rappelle encore qu'on nous a annoncé triomphalement il y a quelques semaines que les cotisations d'assurance-maladie n'avaient que légèrement augmenté et qu'on devrait considérer qu'il s'agit d'une bonne nouvelle. Mais en réalité elles auraient dû diminuer ! Les réserves constituées vont bien au-delà du seuil minimum fixé par l'OFSP, ce sont donc des milliards qui sont actuellement consignés, et les quelques francs qu'on nous restitue n'y changent rien. Aujourd'hui, les cotisations d'assurance-maladie doivent baisser; les réserves permettent d'affronter la situation ! Parce que si on fonctionne, comme le disait M. Nicollier, par projections - et nous sommes contraints de le faire - mais qu'entre-temps on thésaurise, imposer des augmentations de cotisations aux assurés n'a plus aucun sens. Il faut donc soit revoir les projections, soit prendre en compte d'autres critères. Quoi qu'il en soit, les primes auraient dû diminuer.

Le texte qui vous est soumis propose de puiser dans les réserves pour financer les frais de santé extraordinaires liés à la maladie covid-19. Il demande en outre un gel ou une baisse des primes d'assurance-maladie pour les deux années à venir, et nous vous encourageons à y souscrire en votant cette résolution. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, je lance le vote sur cet objet.

Mise aux voix, la résolution 913 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 65 oui contre 3 non.

Résolution 913