République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 29 octobre 2020 à 20h30
2e législature - 3e année - 6e session - 29e séance
PL 12620-A
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, soit le PL 12620-A, que nous traitons en catégorie II, cinquante minutes. Je donne la parole à Mme Sylvie Jay.
Mme Sylvie Jay (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Le présent projet de loi s'inscrit dans le cadre des démarches entreprises depuis 2016 pour renforcer le dispositif d'intervention en matière d'incendies sur le territoire cantonal. Une réorganisation de l'actuel système de sauvetage et de lutte contre le feu s'impose en effet pour des raisons principalement sécuritaires: le concept «Sapeurs-pompiers 2015» exige un respect des temps de référence dans 80% des missions, soit un délai de dix minutes dans les zones à forte densité de constructions et de quinze minutes dans les périmètres plus faiblement habités. Or la centralité des casernes au sein de la ville et l'importante urbanisation du canton rendent l'accès aux sites plus difficile, avec pour conséquence des temps de référence respectés en moyenne dans 60% des cas seulement.
La Cour des comptes a relevé une inefficience dans l'utilisation des moyens d'intervention au vu de l'emplacement des casernes dans le canton ainsi que la nécessité d'adapter le dispositif actuel et de définir clairement les modalités de la participation financière des communes au coût de fonctionnement du SIS, actuellement administré par la Ville de Genève. Dans ses recommandations, elle préconise notamment la construction de deux nouvelles casernes à l'extérieur du territoire de la commune de Genève.
A ce jour, les organes de lutte contre les sinistres comprennent le SIS - service permanent formé de sapeurs-pompiers professionnels qui interviennent en priorité, 24 heures sur 24 - les corps de sapeurs-pompiers volontaires communaux, le service de sauvetage et de lutte contre les incendies aéroportuaires de même que les services de défense internes des entreprises. Historiquement, le SIS fait partie de l'administration municipale de la Ville de Genève; il est chargé des missions définies par la loi sur la prévention des sinistres, l'organisation et l'intervention des sapeurs-pompiers, de même que par des bases réglementaires et conventionnelles, et ce sur l'ensemble du territoire cantonal ainsi que dans les régions limitrophes.
Ce projet de loi apporte des modifications législatives pour une réforme de la gouvernance afin de mettre en oeuvre un nouveau concept opérationnel, lequel répond indéniablement à une urgence, à savoir intervenir dans les délais prescrits. Cette révision totale de la LPSSP prévoit des obligations nouvelles des communes à l'égard du SIS, qui va devenir un groupement intercommunal, et définit les caractéristiques spécifiques de celui-ci: nature juridique, mode de constitution, missions et règles régissant son financement et son organisation. Au sein de ce conseil, chaque commune disposera d'un nombre de voix équivalant à sa part de contribution exprimée en francs ainsi qu'à sa responsabilité et à sa garantie. En commission, la Ville de Genève a exprimé la volonté d'une participation financière plus conséquente des communes, celles-ci souhaitant en contrepartie un pouvoir décisionnel plus important au regard de l'engagement attendu.
Vu la nécessité de répondre aux délais prescrits en matière d'interventions, d'améliorer dans son ensemble le dispositif actuel à des fins d'efficience et d'apporter un meilleur équilibre touchant au financement et à la gouvernance entre les partenaires, soit la Ville de Genève et les communes, la majorité de la commission des affaires communales, régionales et internationales vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à ce projet de loi, parce qu'urgence il y a. Merci beaucoup.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, comme je le mentionne dans les premières lignes de mon rapport de minorité, nous convenons qu'il est nécessaire, et ce depuis des années, de revoir la conception et l'organisation des services de secours. Il s'agit d'une aide primordiale pour la population. Malheureusement, si je remercie la rapporteuse de majorité pour son rapport très bien fait, je dois dire que celui-ci occulte une partie des opinions. C'est précisément ce qui a motivé notre rapport de minorité, à savoir que le texte tel que présenté et étudié en commission ne représente pas l'unanimité; bien des discussions ont eu lieu, bien des ajustements ont été opérés. Remarquez également la question du timing: on nous a tout de suite dit au début des travaux que le timing était très important, le Conseil d'Etat entendait obtenir une solution pour la nouvelle législature communale qui débutait suite aux votations de la fin du printemps.
Je n'emploierai pas des termes trop durs, mais nous avons bâclé le travail, nous en avons en tout cas omis une bonne partie prétendument en raison de contingences temporelles. Par ailleurs, et je le dis textuellement, il y a encore des gens qui maintiennent de vieilles rancunes en raison d'autres projets ayant échoué et qui avancent l'argumentation suivante: par rapport à tout ce que l'on dit, à tout ce que l'on veut, notamment l'intégration du corps des sapeurs-pompiers de l'aéroport, nous allons à l'échec. Mesdames et Messieurs les députés, nous essayons de faire ce que nous pouvons, une bonne partie des autres projets de lois sur ce sujet sont tournés vers l'avenir, vers ce qui se passe, visent à résoudre les nouveaux problèmes et non pas à faire ressurgir d'anciennes chicaneries.
Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, Mesdames et Messieurs les députés, des auditions capitales ont été refusées, notamment celle - il faut que les gens comprennent bien - du service d'incendie de l'aéroport. Ce sont plus de 130 personnes, des professionnels du feu qui détiennent le même brevet que les autres, et pour l'Union démocratique du centre, pour notre minorité, il est dommage, voire inapproprié - c'est carrément du gaspillage - de mépriser ces gens comme le fait somme toute ce projet de loi, si vous en examinez bien la teneur.
Mesdames et Messieurs, je vous demande de renvoyer ce texte en commission pour que nous puissions rapidement entendre les personnes concernées, notamment M. le conseiller d'Etat Dal Busco qui est responsable de l'aéroport et d'autres, ainsi que je l'ai noté. Vu l'importance du sujet, les répercussions potentielles, la nécessité pour notre canton de disposer d'un système efficient de protection contre les sinistres, nous ne pouvons décemment pas nous permettre de ne pas mener toutes les auditions, de ne pas prendre quelques décisions qui engendreront certainement la modification d'une ou deux dispositions. En l'état, Monsieur le président, je demande le renvoi en commission de ce projet de loi. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur. Puisque vous sollicitez le renvoi en commission, je donne la parole aux autres rapporteurs, puis au Conseil d'Etat, afin qu'ils s'expriment sur cette proposition. Monsieur Pagani, c'est à vous.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais me prononcer sur le fond, mais bon... Ce que je tiens à dire en préambule de l'intervention d'Ensemble à Gauche, que je représente ici, c'est qu'il n'est pas question de remettre en cause le travail formidable des sapeurs-pompiers de l'aéroport, que j'ai eu l'occasion d'accompagner au feu il y a très longtemps en tant que secrétaire syndical. Le projet, et je soutiens ce qu'a dit M. Lussi, avait des ambitions très élevées, notamment la fusion des deux corps de...
Le président. Monsieur le rapporteur, concentrez-vous sur le renvoi en commission, vous pourrez reprendre la parole par la suite.
M. Rémy Pagani. Mais vous m'interrompez, Monsieur le président, vous me faites perdre du temps ! (Exclamations.) A moins que vous ne décomptiez ce temps, Monsieur le président !
Le président. Bien sûr que non !
M. Rémy Pagani. Alors laissez-moi finir, Monsieur le président !
Le président. Je vous ai demandé de vous prononcer sur le renvoi en commission, vous reprendrez la parole...
M. Rémy Pagani. Il y a déjà suffisamment de restrictions en ce qui concerne le temps, j'aimerais pouvoir m'exprimer sur la nécessité de renvoyer ce projet en commission !
Je reprends donc mon exposé, Monsieur le président, si vous le permettez, à savoir qu'il y avait des objectifs extrêmement ambitieux, notamment celui d'avoir deux casernes. M. Pierre Maudet avait proposé de ne construire qu'une seule caserne cantonale à l'aéroport, de fusionner les deux entités, parce que les sapeurs-pompiers de l'aéroport ne font rien, si ce n'est ouvrir et fermer les portes de l'aéroport à cinq heures du matin; ça fait vingt ans qu'ils trépignent d'impatience de pouvoir aller au feu, eux aussi.
Malheureusement, ce projet fondamental pour l'avenir a échoué, parce que la commission a bâclé son travail, donc je redemande et je soutiens le renvoi en commission. J'espère que j'ai été clair, Monsieur le président ?
Le président. Oui, vous avez été tout à fait clair, Monsieur. Vous vous exprimerez sur le fond par la suite, mais là, vous avez déjà consommé beaucoup de votre temps. Je passe maintenant la parole à Mme la rapporteure de majorité pour qu'elle s'exprime à son tour sur la proposition de renvoi en commission.
Mme Sylvie Jay (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je rappelle que le concept «Sapeurs-pompiers 2015» a été publié en 2009 et préconise le respect des temps de référence pour les interventions dans 80% des cas. Depuis 2016, un travail conséquent de négociation a été mené entre les 45 communes et le canton pour qu'un concept opérationnel cantonal de défense voie le jour. Je répète qu'il y a urgence et qu'il est préconisé un respect des délais dans 80% des cas - actuellement, ceux-ci ne sont observés en moyenne que dans 60% des missions. Voter rapidement ce projet de loi et les modifications législatives qu'il introduit, c'est permettre la mise en oeuvre d'un concept opérationnel cantonal, c'est respecter les délais d'intervention, c'est garantir à notre population un service qu'elle est en droit d'attendre. Dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à rejeter la demande de renvoi en commission. Merci.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je dirais qu'il y a le feu, si vous me passez l'expression. Cela fait maintenant dix ans que nous travaillons sur ce projet, parce qu'on nous dit qu'il faut absolument réorganiser le service d'incendie et de secours pour répondre aux défis de notre société moderne et de la nouvelle agglomération genevoise. Comme cela a été rappelé très justement - je remercie à cet égard Mme la rapporteure de majorité - voilà plus de quatre ans que nous avons trouvé un accord avec l'Association des communes genevoises pour cette réforme majeure.
Je souhaiterais impérativement... Enfin, ma volonté a peu d'importance, je ne fais ici que porter celle de l'ensemble des acteurs du terrain: il faut que nous puissions nous organiser et instaurer ce nouveau dispositif dans les plus brefs délais, il faut que ce texte de loi pour lequel les rapports ont été déposés il y a peu soit voté par votre parlement afin que toutes celles et ceux de bonne volonté qui ont oeuvré à ce projet puissent le mettre à exécution. Je vous prie donc instamment de rejeter la demande de renvoi en commission, proposée par une arrière-garde qui vous dira constamment qu'elle est tout à fait convaincue qu'il faut faire quelque chose, mais surtout pas de la manière dont nous voulons le faire. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous procédons au vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12620 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 64 non contre 16 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons les débats. La parole échoit à M. Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, je veux d'abord contester la thèse de l'urgence, Monsieur le président. J'imagine que M. Poggia est au courant que la Ville de Genève, faute de disposer de terrains qui auraient pourtant dû lui être proposés par le Conseil d'Etat afin d'y installer deux casernes, a mis en place un dispositif opérationnel 24 heures sur 24, que ce soit aux Asters ou à Frontenex. Ces deux casernes sont aujourd'hui parfaitement en mesure de fournir les prestations. On veut nous faire croire qu'il est urgent d'en changer, mais elles répondent tout à fait aux normes fédérales, donc il n'y a pas lieu de s'inquiéter quant aux capacités du SIS qui, je le rappelle, est un corps admirable que nous ne remettons pas en cause, bien au contraire.
La rapporteuse de majorité a signalé que les communes allaient passer à la caisse, mais elle a oublié de préciser que ce ne serait pas avant dix ans; en revanche, elles auront la majorité alors que la Ville de Genève, de son côté, continuera à payer une somme extraordinairement importante par rapport à la contribution des communes, y compris au bout de dix ans, mais en perdant sa majorité. Or le fonctionnement actuel du SIS n'est à déplorer nulle part dans notre canton, je n'ai jamais entendu personne se plaindre des prestations du service d'incendie et de secours, tout à l'inverse.
Il y a un autre problème à relever, c'est l'ensemble de cette armée mexicaine qui existe dans les communes et que M. le conseiller d'Etat Longchamp avait pointée du doigt en mettant un terme à l'achat de camions rutilants - dont certains magistrats municipaux font leurs délices - avec les indemnités d'un corps qui n'intervient plus. De fait, la majorité des sapeurs-pompiers volontaires communaux habitent la ville, et quand ils arrivent sur le lieu d'un sinistre après avoir été alertés, le feu est généralement déjà éteint parce que le SIS, lui, intervient dans les quinze, voire dix minutes.
Voilà la réalité de ce corps de sapeurs-pompiers qui, à notre sens, mérite mieux, beaucoup mieux, notamment de bénéficier du soutien des 150 pompiers de l'AIG qui sont des professionnels très qualifiés et qui aujourd'hui, je le répète, ne font qu'ouvrir et fermer les portes de l'aéroport. Ce sont les gardiens du tarmac, mais ils n'interviennent pas, sauf une fois tous les vingt ans - enfin, il faudrait se rappeler la dernière fois qu'a eu lieu un incident d'aéronef, personnellement je ne m'en souviens pas - alors que, encore une fois, ils sont l'arme au pied.
Nous sommes pour faire preuve d'ambitions politiques, mais malheureusement, c'est une gouvernance croupion qui va surgir, c'est-à-dire une couche supplémentaire. Tant du point de vue du redéploiement de l'ensemble du corps de sapeurs-pompiers avec deux casernes, l'une sur la rive gauche, l'autre sur la rive droite, qu'en ce qui concerne les sapeurs-pompiers volontaires, qui doivent être affiliés...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Rémy Pagani. Oui, je sais, Monsieur le président, j'emprunte du temps sur mon groupe !
Le président. Je vous l'indique de façon très urbaine, Monsieur !
M. Rémy Pagani. Et je vous réponds de manière tout à fait urbaine également, Monsieur le président ! Pour conclure, donc, je trouve que les ambitions politiques qui sont à la base de ce projet de loi ne sont pas du tout convaincantes, eu égard notamment aux exigences de la Cour des comptes. C'est pourquoi nous nous rallierons aux propositions d'amendements qui visent à améliorer autant que faire se peut le lien entre les sapeurs-pompiers de l'aéroport et ceux de la Ville de Genève - jusqu'à nouvel ordre, ils s'appellent encore les sapeurs-pompiers de la Ville de Genève - ainsi qu'à celle qui consiste à supprimer la notion de supervision de l'Etat, à laquelle nous préférons celle de surveillance. Je vous remercie, Monsieur le président, pour votre compréhension et votre attention.
M. Boris Calame (Ve). Voilà trente ans - trente ans ! - que l'on discute pour intégrer la structure existante du SIS dans une organisation intercommunale. Nous avons ici à voter, et nous espérons que cela se fera à une très forte majorité, un projet de loi qui instaure cette collaboration intercommunale dans des proportions que Genève n'a encore jamais connues. Le texte qui sort de commission a été travaillé avec grand sérieux au sein de l'ACG comme de la députation.
Les Verts, après lecture et examen attentif des amendements proposés, vont en suivre un certain nombre. A nos yeux, la modification la plus importante est celle de l'article 22, alinéa 1: nous ne souhaitons pas une supervision du Conseil d'Etat, ce qui constituerait une forme d'ingérence dans l'autonomie des communes, mais bien une surveillance, tout comme celle-ci s'applique à des établissements de droit public. Si vous nous rejoignez dans notre analyse, Mesdames et Messieurs, nous vous encourageons par ailleurs à supprimer l'alinéa 2 de l'article 21, ce qui évitera une trop grande intrusion de l'Etat dans le fonctionnement de ce nouveau groupement intercommunal.
Pour ce qui est des pompiers de l'aéroport, du moment qu'ils ne dépendent pas d'une commune, nous vous recommandons de ne pas entrer en matière. Toutefois, l'obligation de conclure des conventions entre le SSLIA et le SIS nous semble avoir du sens. Si vous suivez notre raisonnement et êtes attachés au respect de l'autonomie communale, nous vous invitons enfin à refuser les amendements du Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, il s'agit effectivement d'un vieux débat. Le fait que les communes et la Ville de Genève se mettent d'accord sur une organisation collective de ce service me semble de bon aloi, surtout que cela fait bientôt vingt, voire vingt-cinq ans, qu'on en parle et qu'on n'arrive pas à s'entendre. Les frais sont partagés depuis bien longtemps entre les différentes municipalités et la Ville de Genève.
Mesdames et Messieurs, ce qui a été avancé par le rapporteur de deuxième minorité n'est pas acceptable; ce qui a été soutenu par celui de première minorité ne l'est pas non plus. Je rappelle que l'article 9 de la loi inclut le corps de sapeurs-pompiers de l'Aéroport international de Genève, le reconnaît comme qualifié.
Nous n'avons pas élaboré ce texte en pensant à toutes les éventualités; ce qui est important, c'est qu'un accord ait été trouvé. Cet accord existe aujourd'hui, il est devant vous, et je vous demande simplement d'accepter le projet tel que sorti des travaux de commission, tel qu'il a été négocié entre la Ville de Genève, les communes et l'Etat. Je vous remercie.
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, en tant que président de la commission des affaires communales, régionales et internationales, j'ai dirigé les travaux sur ce projet de loi et je ne peux pas laisser les deux rapporteurs de minorité nous dire et vous dire que nous avons bâclé le travail, que nous avons fait preuve de je-m'en-foutisme.
Tout au contraire, nous avons travaillé de façon ardue, nous avons pris le temps d'auditionner toutes celles et tous ceux qui le souhaitaient, bien naturellement. Le seul hic, c'est que l'état-major de l'aéroport, qui, en premier lieu, ne souhaitait pas venir, s'est finalement ravisé, mais la commission en a malheureusement décidé autrement et a choisi de se passer de le recevoir.
A part ça, Mesdames et Messieurs, le projet de loi n'est pas si parfait que veut bien le faire entendre notre collègue Olivier Cerutti. Preuve en est qu'il n'a pas été voté à l'unanimité de la commission, pour des raisons diverses selon les uns et les autres, mais notamment du fait du financement. A mon avis, il ne pourrait trouver une unanimité qu'à une seule et unique condition: que nous acceptions les amendements déposés par le Conseil d'Etat. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Ce projet de loi est important non seulement parce qu'il va régler le problème de l'organisation des pompiers du canton, mais surtout parce qu'il ne va pas le faire pour un, deux ou trois ans; non, il va le faire au minimum pour les vingt à trente prochaines années, et c'est dans ce sens-là qu'il est essentiel de le voter aujourd'hui, pour que les compagnies, pour que les communes puissent aller de l'avant avec ce nouveau dispositif. Par contre, ça ne signifie pas que le projet est bon. Certains détails doivent absolument être corrigés; des amendements seront d'ailleurs proposés, nous y reviendrons au deuxième débat.
Sur le fond, je suis désolé d'insister, mais si la CACRI a fait son travail, si elle a étudié ce projet de loi, elle ne l'a pas fait de façon complète, comme elle aurait dû. Au minimum, il aurait fallu entendre le SSLIA. Il y a eu des pressions énormes de la part du département, il faut le souligner ici. Ce n'est pas anodin que la direction de l'aéroport, qui avait pourtant accepté son audition, ait par la suite écrit pour dire qu'elle y renonçait. Ce n'est pas un hasard, et il faut le soulever ici, car on sait très bien qui a effectué ces pressions.
Maintenant, je prierai M. le président de dire à M. Poggia, eu égard à tout le travail qui a été réalisé dans le cadre de ce projet de loi, de rester poli vis-à-vis de l'ensemble des pompiers volontaires et professionnels de ce canton. En effet, traiter les gens de vieille garde ou de je ne sais quoi, ce n'est pas respectueux, et je vous demanderai de le lui rappeler, Monsieur le président !
Pour terminer, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à soutenir les amendements qui vous seront proposés, parce qu'il est important de remettre un tant soit peu à l'ordre le canton en ce qui concerne ses prérogatives: celui-ci doit jouer un rôle de surveillance et non de supervision. Je reviendrai après sur le reste. Merci.
Mme Beatriz de Candolle (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le PLR soutiendra résolument ce projet de loi tel qu'amendé par la majorité de la commission des affaires communales, régionales et internationales. Comme certains de mes préopinants l'ont dit, une réorganisation du SIS est devenue nécessaire pour apporter à la population une réponse claire et sécuritaire en matière de sauvetage et de lutte contre le feu. Ce dispositif législatif définit les caractéristiques juridiques du groupement intercommunal ainsi que les nouvelles obligations à charge des communes. Il s'agit ici de clarifier la gouvernance et le financement de notre service d'incendie professionnel. Ainsi que cela a été souligné, le travail a été très bien mené au sein de la CACRI, raison pour laquelle nous n'accepterons pas les amendements du Conseil d'Etat.
Mme Xhevrie Osmani (S). Je commencerai par dire qu'il faut saluer l'effort important déployé en matière de coordination et d'intercommunalité, comme la rapporteure de majorité l'a indiqué. Ce travail n'a certes pas abouti à un compromis idéal, en tout cas pas aux yeux du Conseil d'Etat, puisque celui-ci revient avec la même rengaine qu'en commission; il ne trouvera cependant pas écho auprès de notre groupe. Le transfert de compétences et de charges va sensiblement augmenter l'autonomie du groupement intercommunal, et il n'est pas envisageable de soutenir l'amendement du gouvernement qui prévoit une autre clé de répartition que celle définie en commission.
Maintenant, bien que le projet issu des travaux ait été largement plébiscité tel quel, notre parti ne reste pas insensible aux amendements proposés par l'UDC, pour les mêmes raisons que celles soulevées par mon collègue des Verts, notamment parce que l'un d'eux prévoit un cadre de collaboration contraignant entre l'aéroport et le groupement, ce qui aura l'avantage de définir qui paie quoi, par exemple en cas d'intervention des pompiers de l'aéroport. Nous sommes également sensibles au fait que l'autonomie conférée au groupement par le biais de ce projet de loi doit bénéficier de toutes les conditions nécessaires pour que le SIS puisse s'organiser comme il l'entend en tenant compte des contraintes organisationnelles que cela implique; nous réfutons donc la notion de supervision et privilégierons celle de surveillance. Merci.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Ce projet de loi a été plus que largement étudié à la CACRI, quoi qu'en disent certains députés, les mêmes qui dénoncent le prétendu langage indu de M. Poggia - je déplore ce procédé que je trouve désolant, ça ne se fait pas en plénière. Je suis également surpris par l'attitude du rapporteur de deuxième minorité qui critique le SIS alors qu'il a été conseiller administratif de la Ville de Genève ! Je pense qu'il a dû examiner le dossier à l'époque, donc je regrette aussi cette attitude. En l'état, ce projet de loi n'est pas si mal que ça, il y a des pour et des contre; au MCG, nous refuserons simplement les amendements de l'UDC et accepterons ceux du Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. Rémy Pagani pour trois minutes cinquante sur le temps de son groupe.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président, merci. D'abord, je ne peux pas laisser dire que je critique le SIS, c'est précisément le contraire: je sais les qualifications de ce corps et j'ai envie de le préserver, voire d'augmenter ses compétences avec l'apport des sapeurs-pompiers de l'aéroport. Ceux-ci ne demandent que ça, contrairement à la direction de l'AIG qui veut les contraindre à être aux ordres pour, je le répète, maintenir la sécurité de l'aéroport, ce qui n'est pas du tout leur objectif; comme vous le savez, leur mission est de protéger les passagers et les aéronefs. Voilà la première chose que je voulais souligner.
Ensuite, nous maintenons notre position qui est de dire que ces professionnels méritent mieux que ce projet qui, comme on l'a entendu, est plus ou moins bon, ce qui constitue tout de même un aveu de faiblesse. Voilà maintenant dix, quinze, voire trente ans que le Conseil d'Etat échoue lamentablement, parce que ses objectifs politiques ne sont pas portés, ou alors ils l'ont été par différents magistrats qui se sont succédé et qui, ne comprenant pas pourquoi leurs prédécesseurs avaient échoué, ont délaissé ce dossier ou se sont soumis aux exigences de l'aéroport - j'ai vu ça très concrètement, on l'a vu aussi en commission - alors qu'ils auraient dû imposer le point de vue de l'Etat qui est la réunification - ou plutôt l'unification - de notre corps de pompiers, comme cela s'est passé avec les ambulanciers: ils étaient séparés, et tout le monde se félicite aujourd'hui de la fusion des ambulanciers de notre canton, ça se passe très bien.
Voilà pourquoi nous soutiendrons les amendements proposés. Quant à ceux du Conseil d'Etat, après que celui-ci a délaissé ce dossier pendant des années, ils arrivent comme un cheveu sur la soupe ! Le gouvernement réclame maintenant une manne financière qui lui est en quelque sorte nécessaire pour superviser - ou plutôt surveiller - la question de la sécurité, mais le fait est qu'il est absent dans ce dossier et que notre parlement va décider de ne pas entrer en matière sur ses amendements. Je le regrette, et c'est pour cela que notre groupe s'abstiendra au final tout en sauvant au moins l'essentiel de ce projet de loi.
Toute une série d'autres objectifs politiques sont malheureusement laissés de côté, ont perdu de leur intérêt aux yeux d'un exécutif qui se voulait pourtant déterminé, par exemple dans l'idée d'avoir deux casernes, une sur chaque rive; malheureusement, on en est aujourd'hui réduit à avoir trois casernes qui sont utilisées par la Ville de Genève pour proposer un service 24 heures sur 24 dont j'ai participé à l'élaboration, Monsieur le président - on ne peut pas me reprocher de n'avoir rien fait pour le SIS.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Daniel Sormanni, vous avez la parole pour trois minutes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, des choses... (L'orateur est inaudible.) Excusez-moi, j'enlève mon masque ! Des choses absolument ahurissantes sont dites ici ! Il faut évidemment soutenir ce projet de loi et refuser les amendements proposés par l'UDC, car il est nécessaire de réformer ce service. Les communes autres que la Ville de Genève ne paient pas leur part depuis des années, contrairement à ce qui a été soutenu tout à l'heure, et de loin pas: elles s'acquittent de 20% ou de 25% des frais alors que 40% des interventions ont lieu sur leur territoire. Aussi, je pense que c'est une bonne chose que la répartition financière soit améliorée à terme.
Je rappelle par ailleurs qu'un actuel conseiller d'Etat, qui était à l'époque conseiller administratif de la Ville de Genève, à savoir M. Maudet, a tenté de réaliser une fusion avec le SSLIA de l'aéroport mais a complètement échoué, parce que c'est quasiment impossible. Il s'agit de deux missions totalement différentes: protection à l'aéroport d'une part et service à la population de ce canton par le biais du SIS d'autre part. D'ailleurs, cette tentative a coûté 6 millions de francs à la Ville de Genève pour rien du tout.
Non, la fusion de ces deux corps est impossible, ils ont des missions différentes, des salaires différents, des caisses de pension différentes - les pompiers sont à la CPEG, anciennement la CIA, tandis que les autres sont affiliés à une autre institution. C'est donc une intégration totalement impossible, et je crois qu'il faut maintenant arrêter de tergiverser: la création de ce nouveau groupement intercommunal est une nécessité, le projet de loi est excellent et je vous invite à le voter. Merci.
Le président. Je vous remercie. A présent, la parole va à M. Olivier Cerutti pour trois minutes.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, si on veut aujourd'hui ajouter l'unité de l'aéroport au concept qui a été négocié pendant des années, on va perdre notre temps. Ce projet de loi est tout à fait nécessaire, comme cela a été dit et redit. De toute façon, du moment qu'une loi est en vigueur, elle est toujours modifiable après coup, si les uns et les autres manifestent un jour l'envie de se rapprocher. Je vous remercie.
Le président. Merci. Monsieur Patrick Lussi, c'est à vous pour une minute vingt-cinq.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Beaucoup de choses ont été dites, il est clair que nous sommes dans un débat politique, cela a été souligné. Mon préopinant du MCG prétend qu'il s'agit de deux missions complètement différentes; c'est faire preuve d'une grande ignorance. En effet, ceux qui oeuvrent dans la région de Vernier, par exemple au sein du système Carbura, le savent: s'il y a d'importants sinistres, des opérations majeures à mener dans les gares d'à côté, le SSLIA est automatiquement réquisitionné par le SIS. Non, pour l'UDC, il y a juste une faille dans ce projet de loi, nous l'avons dit, je l'ai écrit dans mon rapport. Tout n'est pas mauvais, malgré ce que certains ont l'air de soutenir.
Maintenant, quand j'entends un préopinant PDC prétendre que si on intègre le service d'incendie de l'aéroport, on court droit à la catastrophe... Il s'agit tout de même de 130 pompiers, Mesdames et Messieurs qui nous écoutez, Mesdames et Messieurs les députés, 130 pompiers ! En somme, on met de côté, on méprise tout un corps formé. Vous en prendrez la responsabilité, nous tenons ici à le signaler.
C'est la raison pour laquelle nous demandons une modification de l'article 9 - nous en reparlerons après, Monsieur le président - mais uniquement, si vous lisez bien notre amendement, pour pouvoir placer le SSLIA sous la direction du SIS en cas d'intervention. Le but n'est pas de créer un système démocratique; il s'agit d'une organisation militaire dirigée par un chef, et dans le cas d'espèce, ce chef doit être le SIS. Je vous remercie.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je l'ai entendu: ce projet de loi est remarquable, car il met en place une structure nouvelle, le groupement intercommunal SIS, et je pense qu'il faut le saluer, c'est le résultat d'un travail important auquel ont participé l'ensemble des acteurs concernés. Sans doute n'est-il pas parfait, sans doute, comme tout projet de loi, n'est-il pas gravé dans le marbre, sans doute faudra-t-il y revenir dans quelques années - et en attendant moins longtemps que les trente ans depuis lesquels la loi actuelle est en vigueur - avec le fruit de l'expérience que nous aurons acquise, avec le retour du terrain également. Je ne sais pas pourquoi à Genève, nous n'arrivons jamais, lorsqu'il y a de beaux projets, à obtenir une unanimité. Cela aurait pourtant été un signe intéressant.
Il n'y a aucun mépris vis-à-vis de quiconque; vous transmettrez à M. le député Florey, Monsieur le président, que le combat d'arrière-garde auquel j'ai fait référence n'est pas une insulte, mais une expression française qui signifie «combat inutile, dépassé». C'est ce que je voulais dire pour répondre à la demande de renvoi en commission. Je ne comprends pas l'émotion exprimée par M. Florey à cet égard, émotion qui trahit probablement un manque d'objectivité sur le sujet que nous traitons aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, Mesdames et Messieurs, j'aurais souhaité une unanimité de votre part pour soutenir ce projet, malgré ses quelques imperfections qui constituent la marque de tout compromis. Par la force des choses, un compromis n'est jamais parfait pour l'ensemble des protagonistes qui se sont réunis autour de la table, chacun d'entre eux aurait espéré quelque chose de plus, mais c'est parce que tous ont été capables de renoncer à une partie de leurs exigences que le compromis existe et que le résultat final peut être acquis. Voilà la raison pour laquelle, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande d'entrer en matière sur ce projet de loi; nous discuterons sans doute demain des amendements déposés. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. En effet, Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de voter l'entrée en matière sur ce projet de loi, puis de suspendre les travaux jusqu'à demain.
Mis aux voix, le projet de loi 12620 est adopté en premier débat par 77 oui et 7 abstentions.
Le président. Nous reprendrons le traitement de cet objet demain à la séance de 16h, après les extraits.