République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 juin 2020 à 18h15
2e législature - 3e année - 3e session - 15e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h15, sous la présidence de M. François Lefort, président.
Assiste à la séance: M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Pierre Nicollier, Alessandra Oriolo, Souheil Sayegh, Vincent Subilia, Salika Wenger et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Joëlle Fiss, Jean-Charles Lathion, Patrick Malek-Asghar, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier et Esther Schaufelberger.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de M. Sébastien Desfayes. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (M. Sébastien Desfayes entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur Sébastien Desfayes, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de député au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: M. Sébastien Desfayes.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de M. Jean-Charles Lathion. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (M. Jean-Charles Lathion entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur Jean-Charles Lathion, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de député suppléant au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: M. Jean-Charles Lathion.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez vous asseoir. (Un instant s'écoule.) Nous reprenons le traitement des urgences et passons au PL 12739, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz qui va vous présenter l'essence de ce projet de loi.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Nous avons entendu le souhait de votre parlement, respectivement de sa commission législative, que l'on s'écarte de l'ajout, de la discussion immédiate et de l'urgence - le gouvernement en a pris acte et travaille à ce que le processus ordinaire reprenne son cours. Or il se trouve que sur ce projet de loi nous les demandons, tant il est vrai que la situation des personnes concernées est particulièrement difficile. La crise sanitaire a complètement fait chuter les chiffres - on parle d'une baisse de 40% pour les vins suisses - et le Conseil d'Etat désire trouver des solutions pour les viticulteurs et les viniculteurs genevois.
La Confédération a certes pris acte d'un certain nombre de propositions, mais Genève voulait trois mesures immédiates. La première est une subvention cantonale pour le déclassement des vins, la deuxième vise à octroyer une subvention cantonale à la surface cultivée et il s'agit enfin, avec la troisième mesure, de promouvoir les vins genevois - tout cela pour un montant sollicité de 2 millions. Nous souhaitons par ailleurs pouvoir procéder à des réallocations entre les trois volets, dans la limite du crédit global, afin d'être le plus agiles et le plus efficaces possible.
Permettez-moi de revenir rapidement sur ces trois mesures. La première d'entre elles vise donc au déclassement: la gestion du surplus permettra en effet aux vignerons-encaveurs d'éviter un dumping sur le prix du marché des vins AOC. Dans ce but, nous voulons en outre travailler sur une baisse du rendement d'environ 10% pour les trois cépages principaux que nous connaissons: le gamay, le chasselas et le riesling. L'enveloppe souhaitée est là de l'ordre de 1 million de francs.
La deuxième mesure concerne l'aide à la surface cultivée: elle s'adresse aux producteurs de raisin, sur la base de la surface de raisin cultivée et non de la quantité de raisin produite. Ainsi, nous avons prévu trois paliers, comme vous avez pu le lire dans le projet de loi, avec une enveloppe de 700 000 francs.
A travers la troisième mesure, à laquelle le Conseil d'Etat tient particulièrement - non seulement pour elle-même mais aussi pour soutenir de manière durable les vins genevois - il s'agit de compléter, de prolonger la campagne «Swiss Wine Summer» avec des bons, destinés au secteur HORECA, de 200 francs pour 1000 francs de vins genevois achetés. Si vous nous suivez, nous pourrons donc faire en sorte que soient achetés des kits de base pour les exploitations qui accueillent du public - tout cela en collaboration avec l'OPAGE, les hôtels et les restaurants. Nous avons imaginé qu'un montant de 300 000 francs serait nécessaire pour cette troisième mesure, de sorte que nous remplissons ainsi notre objectif d'un soutien immédiat de 2 millions pour l'ensemble des trois mesures. Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vous remercie d'ores et déjà de votre soutien à ce secteur particulièrement touché par la crise sanitaire actuelle.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, en tant que vigneronne et en référence à l'article 24 de la LRGC, je vous informe que je n'interviendrai ni ne voterai sur ce projet de loi. Merci.
M. Eric Leyvraz (UDC). Il est clair que je ne voterai pas sur ce sujet puisque je suis viticulteur, mais je me permets quand même de prendre la parole. Je remercie le Conseil d'Etat d'avoir pensé à notre profession: si beaucoup de corps de métier sont en difficulté, certains peuvent fermer boutique et mettre leur personnel en RHT. La vigne, elle, continue à pousser et il nous faut continuer à travailler à cent à l'heure pour avoir de bons raisins d'ici la récolte et de bons vins. Ce n'est pas un problème genevois, il est général: dans ce journal français, on nous signale que le gouvernement hexagonal a décidé de faire distiller 200 millions de litres de vin, soit deux fois la production suisse. (L'orateur tient un journal à la main.) Le problème est donc général, tout comme cette mévente.
Je pense que le coronavirus nous montre combien l'agriculture de proximité est indispensable, combien il faut la pérenniser. Il faut absolument sortir les produits agricoles des règles de l'OMC: la concurrence est trop déloyale. Mesdames et Messieurs, on manifeste contre le racisme - c'est très bien - on tague des statues de personnages morts il y a deux cents ou trois cents ans parce qu'on les accuse d'avoir été des esclavagistes, mais je ne vois aucune manifestation pour dénoncer un esclavagisme moderne que l'on trouve aux portes de notre pays. Nos grands groupes de distribution achètent dans le sud de l'Espagne des fruits et des légumes produits dans des conditions honteuses; nous le dénonçons depuis des années avec des ONG et des organisations paysannes, mais rien ne change !
J'adore l'Italie mais ce pays a ses côtés sombres: on estime que 500 000 personnes y travaillent comme des esclaves dans différents secteurs, notamment ceux de l'agriculture et de la viticulture. Certains courageux le dénoncent: on a vu, il y a une dizaine de jours, un article dans «Le Temps» sur la population sikhe, importante en Italie, qui travaille dans la viticulture pour un salaire de 1,50 euro de l'heure - un véritable scandale ! Je pense qu'il est donc temps d'y mettre le holà, de manifester contre cet esclavagisme du XXIe siècle pratiqué à nos portes - il est, pour moi, juste impensable - et de dénoncer les grands groupes de distribution qui vous proposent des vins italiens en magasin à 1,99 franc la bouteille; c'est une véritable honte sociale ! Je vous remercie par conséquent de soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Claude Bocquet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le secteur vitivinicole est particulièrement touché par la crise sanitaire due à la covid-19: les vignerons ont perdu une grosse partie de leurs revenus avec la fermeture des cafés-restaurants et l'annulation de toutes les manifestations. Si les restaurants ont pu rouvrir depuis quelques semaines, 50% des hôtels restent fermés et toutes les grandes manifestations sont annulées pour encore de nombreux mois. La nature, elle, se fiche complètement de la pandémie: les vignes ont continué à pousser, comme chaque année, ce qui demande beaucoup de main-d'oeuvre. Les vignerons doivent donc assumer les salaires de leurs employés alors qu'ils n'ont plus de liquidités vu l'effondrement de leurs ventes de vins.
Ce projet de loi comporte trois mesures immédiates: une subvention cantonale pour le déclassement du vin de 2 francs par litre, conditionnée à une baisse de rendement d'environ 10% pour les trois cépages principaux - soit le gamay, le chasselas et le riesling-sylvaner - et subsidiaire à la mesure fédérale, pour un montant de 1 million; une subvention à la surface cultivée destinée aux producteurs de raisin pour un montant de 700 000 francs; enfin, une subvention visant à promouvoir les vins genevois auprès du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, en collaboration avec l'OPAGE, par le biais de bons de 200 francs pour tout achat de 1000 francs de vins genevois, pour un montant de 300 000 francs. Dans la limite de ce crédit global de 2 millions, il sera possible de procéder à des réallocations de montants entre ces trois mesures, selon les besoins.
Les vignerons se démènent pour se maintenir à flot, ouvrant un magasin en ville, organisant des caves ouvertes chaque samedi jusqu'au 30 novembre pour accueillir du public et pallier l'annulation de la journée «Caves ouvertes» du mois de mai, qui attire des dizaines de milliers de consommateurs. Les caves sont pleines et une belle récolte est en train de mûrir. Les vignerons ont un besoin urgent de soutien, c'est pourquoi le PDC votera ce projet de loi. Merci.
M. Philippe Poget (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le projet de loi que nous allons voter a fait l'objet d'une présentation à la commission de l'environnement et de l'agriculture, qui l'a accueilli très favorablement, et je crois qu'on ne peut que soutenir les propos de mes préopinants, Mme Bocquet et M. Leyvraz. Ce texte va apporter une aide subsidiaire à celle de la Confédération, mais surtout une aide immédiate à un secteur très durement touché, comme l'ont déjà dit mes deux collègues. C'est vrai que la suppression des grands événements et les fermetures dans le secteur HORECA ont fortement contribué à baisser les revenus, avec une perte estimée à 40% au niveau suisse.
Ce projet de loi va apporter une aide conjoncturelle et probablement insuffisante au vu de la concurrence que l'importation des vins étrangers crée pour le secteur vitivinicole, et nous sommes bien conscients qu'une négociation des quotas d'importation doit se faire à un autre niveau - sur le plan fédéral - si nous voulons que le secteur puisse continuer à vivre de sa production. Ce texte va permettre de soutenir l'économie locale - tant les encaveurs que le secteur de l'hôtellerie-restauration et les exploitants - mais également la qualité de la production, puisqu'il tiendra compte non pas de la quantité de raisin produite mais bien, par la mesure de soutien à la surface, de la qualité. Ainsi, ceux qui ont diminué leur rendement seront favorisés par rapport à ceux qui produisent plus de raisin. La mesure pour les vins déclassés exige par ailleurs une baisse du rendement de la vigne de 10%.
La crise actuelle nous fait prendre conscience de l'urgence d'évoluer dans tous les secteurs de la société pour que le monde d'après soit plus heureux pour tous. Nous nous sommes dès lors demandé, dans le cadre de ce projet de loi, si ce n'était pas l'occasion de favoriser également les reconversions vers des modes de production plus sobres et ayant un impact moindre sur l'environnement, tout en constatant les efforts déjà réalisés par un nombre croissant de producteurs de raisin. Cela étant, vu les délais extrêmement courts pour la mise en oeuvre de ce texte et le niveau de soutien total finalement assez faible, on va dire, il nous a paru pertinent de ne pas tenter d'alourdir ce projet de loi, sachant qu'il existe d'autres moyens pour la promotion d'une viticulture qui évolue. C'est par ce type de moyens que nous devrons renforcer les soutiens à l'évolution de la viticulture, par exemple à travers des paiements directs, conditionnés à une réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires.
Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts soutiendra cet objet et vous invite à faire de même avec enthousiasme.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, bien que j'aime et que je consomme du vin genevois, comme beaucoup d'entre vous, je ne vais pas invoquer l'article 24. Cela dit, beaucoup d'entre nous auraient certainement pu le faire lors de ce débat ! Plus sérieusement, nous savons que ce secteur est particulièrement touché par la crise engendrée par le covid, tout comme l'hôtellerie et la restauration, des branches qui sont justement liées à la production vitivinicole et qui offrent à leurs clients la possibilité de consommer les vins locaux.
Notre Grand Conseil a eu la sagesse de voter hier soir les chèques cafés-restaurants et bars qui permettent aux Genevoises et aux Genevois de consommer plus local et de retourner dans ces établissements sans avoir peur, cela pour relancer l'économie. C'est pour cette même raison que le parti socialiste soutiendra également ce projet de loi, qui s'inscrit dans une politique économique de solidarité et apporte une vision anticyclique de l'économie en investissant - en jouant peut-être sur la dette, c'est vrai. Mais les investissements permettent de relancer l'économie et de faire en sorte que personne, dans le tissu économique et social, ne soit abandonné. De nombreux emplois sont aussi concernés.
Le secteur du vin genevois est un secteur important, en plein essor. Il s'est développé de manière quantitative - c'est un aspect - mais surtout de manière qualitative, puisque ces dernières années les vins genevois prennent le dessus en matière de qualité. Je ne m'attarderai pas davantage; j'espère que notre parlement votera unanimement ce projet de loi. Pour conclure, vous me permettrez de reprendre le langage quelque peu guerrier du président français, Emmanuel Macron, en déclarant que le secteur «viti-vini-vicicole» triomphera du covid ! (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vois que M. Dimier fait des émules ! Madame Barbier-Mueller, vous avez la parole.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Monsieur le président. Pour étayer un petit peu les propos de mon préopinant, M. de Sainte Marie, je précise que les Suisses se classent au quatrième rang mondial pour la consommation annuelle de vin par habitant. Cette consommation s'estime à peu près à 250 millions de litres, dont presque 100 millions sont exclusivement suisses. Genève est le troisième canton viticole de Suisse et celui qui connaît la plus forte densité du pays. Grâce notamment à des conditions favorables, un microclimat particulier et des sols variés, il offre une qualité de vin allant crescendo dans le goût, qui peut être qualifié d'extrêmement délicieux. (Rires.)
Pourquoi faut-il soutenir cette subvention ? Je ne reviendrai pas sur les trois mesures ni sur les autres points mis en avant par mes préopinants puisque j'adhère complètement à leurs arguments, mais il faut aussi souligner que le vin apporte différents bienfaits. Comme le disait Lord Byron, un fervent résident de la commune de M. le député Cuendet, «le vin console les tristes, rajeunit les vieux, inspire les jeunes, soulage les déprimés du poids de leurs soucis». Le vin offre de nombreux bienfaits: selon des études du MIT notamment, il favorise la perte de poids, prévient la démence et les maladies dégénératives, et augmente la production d'endorphines. Il relaxe, donc ! Il permet en outre de nettoyer les caillots et par conséquent de prévenir les crises cardiaques. (Rires. Applaudissements.) C'est important de le soulever ! (L'oratrice rit.)
Je ne reviendrai pas sur son histoire, qui est riche et variée; le vin n'a fait que croître en qualité grâce notamment à des personnalités historiques comme Charlemagne. Au XVIIe siècle, on a inventé la bouteille; au XIXe siècle, Louis Pasteur a permis la pasteurisation. Et le vin en est donc là aujourd'hui ! Il faut sauver ce secteur et une subvention de 2 millions n'est qu'un faible mal par rapport à la crise que l'on a subie. En effet, le vin est un symbole de convivialité mais également de fertilité; il est par conséquent le symbole du renouveau post-covid. (Exclamation.) C'est pour toutes ces raisons que le PLR vous invite, Mesdames et Messieurs, à soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole échoit maintenant à M. Thierry Cerutti.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Je cède mon tour de parole à mon collègue Patrick Dimier.
Le président. Merci. Monsieur Dimier, vous recevez la parole de la part de votre collègue. Le micro est à vous.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Par rapport à ce que disait notre collègue de Sainte Marie tout à l'heure concernant le secteur «viti-vini-vicicole», si on est à Vichy, faisons attention à ce que les carottes ne soient pas cuites ! (Exclamations.)
A Genève, nous nous sommes longtemps plaints - longtemps plaints - de ce que nos viticulteurs produisaient du mauvais vin. (Exclamations.) Ils ont énormément travaillé, ce qui fait qu'ils sont aujourd'hui montés en «gamay» ! (Rires. Exclamations. Commentaires.) Mais ce n'est pas parce que ça coule de source que ça ne saoule pas de course, vous voyez ce que je veux dire ! Il ne faut donc pas exagérer, mais on doit être motivé jusqu'au bout pour soutenir nos viticulteurs, qui fabriquent un vin fantastique. Et attention: il n'y a rien de pire que le «ceptique» !
Une voix. Oh !
M. Patrick Dimier. Eh oui ! Parce que quand le «cep tique», on se défausse, et ce n'est pas possible. Nous devons soutenir nos viticulteurs pour de nombreuses raisons, et comme vous avez cité les plus pertinentes d'entre elles, je peux me permettre un peu de galéjades. Je pense sincèrement que nous sommes tous très attachés à notre terroir, et ce n'est pas parce que nous sommes de «chasse las» que nous allons nous arrêter ! Au contraire, il faut les soutenir, parce qu'ils nous font boire de bonnes choses. Vive notre viticulture ! Je vous invite donc vraiment à voter unanimement ce projet de loi avec enthousiasme. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Quand vous parlez d'un peu de galéjades, vous êtes modeste ! Je passe maintenant la parole à M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Suite à l'intervention de notre collègue Leyvraz, j'aimerais lui dire que les altermondialistes ont déjà dénoncé tout cela, dans les années 1990, et manifesté contre l'Organisation mondiale du commerce. C'est votre groupe, l'UDC, et les libéraux qui ont imposé et introduit, à Berne, tout ce libéralisme au sein de l'OMC. Je suis donc étonné que vous fassiez aujourd'hui une proposition pareille, alors que vous pourriez dire à votre groupe à Berne d'arrêter ce libéralisme constant, d'arrêter l'Organisation mondiale du commerce ! Or jamais vous n'avez dit ça ! Jamais !
Je m'excuse, mais ce que vous subissez aujourd'hui a été mis en place dans les années 1970 ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous l'avons constamment dénoncé et vous avez constamment refusé de nous écouter. Et maintenant vous tenez un discours social et critiquez la gauche de n'avoir rien fait ! Mais, Mesdames et Messieurs, nous organisons des manifestations depuis vingt ou trente ans et nous avons justement dénoncé l'OMC comme étant une organisation qui a mis à bas tous les pays du Sud, mis à bas tout le commerce !
Le président. Merci.
M. Alberto Velasco. Vous demandez qu'on favorise le commerce indigène...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. ...mais qu'en est-il en Inde, Mesdames et Messieurs ! Qu'en est-il en Afrique ! En Amérique du Sud, on a détruit ces économies...
Le président. Monsieur Velasco, c'est terminé.
M. Alberto Velasco. ...et là vous ne disiez rien du tout ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Je passe la parole à Mme Françoise Nyffeler. (Un instant s'écoule.) Madame Nyffeler, c'est à vous.
Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. Il faut que je rappuie sur le bouton ?
Le président. Non, c'est bon.
Mme Françoise Nyffeler. Merci, Monsieur le président. Evidemment, nous soutiendrons cette subvention afin d'aider un secteur en difficulté qui, comme vous l'avez relevé, a son rôle à jouer à Genève - un rôle important. Nous voulons néanmoins accompagner ce soutien d'un encouragement adressé aux vignerons et vigneronnes qui recourent encore à l'utilisation de produits chimiques et phytosanitaires pouvant être nocifs pour l'environnement, pour la biodiversité, mais aussi pour la santé de ceux et celles qui travaillent avec et des personnes qui les consomment. Nous encourageons donc ces vignerons et ces vigneronnes à développer une production écologique, biologique, du vin et du raisin genevois.
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Stéphane Florey, vous avez la parole pour vingt-trois secondes.
M. Stéphane Florey. Je renonce, merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. C'est la première fois que nous reprenons la tradition de donner quelques secondes à cet océan des secondes perdues, et je vous en remercie, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous sommes maintenant en procédure de vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12739 est adopté en premier débat par 83 oui et 3 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 19.
Le président. Je vous invite à vous prononcer sur l'article 20 relatif à la clause d'urgence. Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 20 est adopté par 86 oui et 4 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12739 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 86 oui et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Notre prochaine urgence, la M 2662, est classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à l'auteur de ce texte, M. Jean-Marie Voumard.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Merci, Monsieur le président. Après la discussion sur les vignerons, je vais vous parler des taxis et des forains. Je rappelle tout d'abord que beaucoup de manifestations ont été annulées: les fêtes des écoles, les fêtes sur le pourtour de la rade ou encore notre fête nationale du 1er août. Ces annulations ont un effet direct sur le salaire et le revenu des forains du canton. Ces derniers n'ont pas pu aller ailleurs en Suisse ou à l'étranger pour monter leurs manèges ou leurs stands, la situation sanitaire y étant la même. Pourtant, aucun soutien ne leur a été proposé par quiconque, alors que leurs installations sont souvent acquises grâce à des leasings et qu'ils doivent supporter des charges importantes en toute circonstance. Les forains genevois ont été privés de toute ressource depuis la mi-mars 2020 et il est probable que leur activité ne pourra pas reprendre avant la fin de l'année.
Cette proposition de motion porte également sur les taxis. Les chauffeurs de taxi ont eux aussi perdu leur clientèle, mais ils ont reçu un petit coup de main de la Confédération qui leur a accordé des allocations perte de gain de mi-mars à mi-mai pour autant qu'ils aient cotisé aux assurances sociales. Cela dit, aucune prestation ne leur a été versée depuis la mi-mai alors que les frontières avec l'Union européenne n'ont été rouvertes que le 15 juin 2020. Le retour du tourisme et les manifestations se feront encore attendre de nombreux mois. Ces chauffeurs de taxi indépendants assument pourtant un service public au profit de la population et des touristes.
Cette proposition de motion invite donc le Conseil d'Etat à présenter en urgence un projet de loi visant à prendre en charge cette perte de revenu, tant pour les forains que pour les taxis, dont il est fait mention dans les invites que je vous cite. La première demande de «déposer une loi avec clause d'urgence afin d'octroyer aux forains domiciliés sur le territoire du canton de Genève une indemnité correspondant à leur perte de revenus du 17 mars au 31 août 2020, prolongeable au vu de la situation épidémiologique».
La deuxième invite demande d'«accorder également, dans ladite loi, en faveur des chauffeurs de taxis genevois qui ont bénéficié des APG du 17 mars au 15 mai 2020, une indemnité pour perte de gain à charge du canton, égale aux APG reçues, pour la période du 16 mai au 31 août 2020, prolongeable au vu de la situation épidémiologique». Dans la mesure où il est d'ores et déjà exclu que les activités de ces deux professions reprennent complètement d'ici fin août, je vous recommande de voter cette proposition de motion qui comprend en outre une clause de prolongation.
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, comme l'a dit le premier signataire de cette motion, ce sujet est important; il concerne les forains et les taxis, qui vivent en ce moment une situation plus que dramatique et bien pire que celle évoquée hier pour les sans-papiers. Le projet de loi scandaleux voté hier soir va donner à ceux-ci - je dis bien donner ! - 80% d'un salaire irréaliste, tenez-vous bien ! Or les forains - les quelques forains qui ont été indemnisés à ce jour, parce qu'il y en a quand même - n'ont eu droit qu'à 60% de leur revenu par le biais des allocations pour perte de gain alors qu'ils paient des impôts, qu'ils participent à l'économie de notre canton. On leur a dit: «Non, dans votre cas, c'est 60% !» C'est un véritable scandale, on vient dire à des gens qui travaillent, qui sont indépendants et qui emploient un certain nombre de personnes qu'ils n'ont droit qu'à des clopinettes correspondant seulement à 60% de leur salaire !
C'est exactement la même chose pour les taxis. Là aussi, tous n'ont pas eu droit à des indemnisations correctes: la plupart des indépendants ont reçu des APG allant de 50% à 60% de leur revenu. Ces deux secteurs doivent être correctement indemnisés, d'autant plus qu'ils paient des charges, qu'ils paient les prestations sociales qu'ils doivent: c'est un juste retour des choses. Ce que demande la proposition de motion, c'est de leur donner une indemnité correspondant à leur perte de revenu et non pas les aides misérables que leur octroie l'Etat en ce moment, en comparaison avec les profiteurs dont on a parlé hier soir ! Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le parti socialiste va vous proposer de renvoyer ce texte en commission. On comprend que, pour certains partis, certains secteurs méritent d'être aidés et d'autres pas. C'est pourquoi ces partis se sont prononcés contre le projet de loi que nous avons voté hier pour aider les travailleurs et travailleuses les plus fragiles de ce canton. Ce n'est tout simplement pas très sérieux et on ne comprend pas non plus pourquoi il est question de ces secteurs-là: ce ne sont pas les seuls indépendants qui font face à des charges qu'ils doivent continuer à payer, Monsieur Florey ! On ne comprend pas pourquoi ces secteurs-là devraient bénéficier d'un traitement spécifique. Nous ne sommes pas du tout opposés à ce que les dispositifs votés prévoient des mesures complémentaires, mais il faut le faire sur une base sérieuse, pas uniquement avec une motion rédigée sur un coin de table parce qu'on n'a pas eu le temps de préparer un projet de loi, qu'il faudrait en plus voter sur le siège !
Tout cela n'est pas très sérieux et je pense que ces secteurs d'activité méritent un tout petit peu plus de considération qu'un débat en plénière à l'arrache - si vous me passez l'expression ! C'est pourquoi le groupe socialiste demandera le renvoi en commission.
Le président. Merci. Vous n'avez pas précisé la commission, mais je suppose qu'il s'agit de la commission de l'économie ?
M. Cyril Mizrahi. Tout à fait, Monsieur le président !
Le président. Très bien. La parole est maintenant à M. Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Après notre collègue Cyril Mizrahi, nous allons nous aussi proposer le renvoi à la commission de l'économie pour plusieurs raisons. A mon avis, cette motion porte sur deux secteurs différents. On a la problématique des taxis et celle des forains, et ce n'est pas forcément dans le même texte qu'il faut les traiter, si besoin est. Il devrait aussi y avoir une évaluation de la situation sanitaire et il faudrait peut-être entendre les associations de chauffeurs de taxi qui n'ont pas eu l'occasion de se prononcer dans d'autres dossiers, comme celui de la place Cornavin, on l'a rappelé hier. On pourrait ainsi savoir comment ils voient leur avenir professionnel, notamment en termes de volume de chauffeurs. Il faudrait procéder de la même manière avec les forains. Il conviendrait d'avoir une vision plus précise de la période allant de septembre à décembre, s'agissant par exemple des éventuelles manifestations qui seraient autorisées. Je pense qu'un passage sain et rapide à la commission de l'économie serait utile afin que l'on obtienne des informations sérieuses et concrètes, de manière que la motion soit appuyée par une majorité relativement solide des commissaires. On a réussi à le faire hier pour les hôtels et les restaurants; les points de convergence étaient plus ou moins similaires. Un passage en commission permettrait si nécessaire d'aboutir à un texte beaucoup plus solide et plus large, raison pour laquelle je vous invite à suivre les recommandations de mon collègue Mizrahi.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, j'aimerais quand même relever ici que le troisième considérant est parfaitement mensonger. Il y est fait mention du «dépôt, par le Conseil d'Etat, d'un projet de loi visant à accorder un soutien financier aux résidents sans papiers». Lors du débat qui s'est tenu hier, on a essayé de vous expliquer que ce n'était pas du tout le cas et que seule une minorité de personnes dans cette situation était concernée par ce projet de loi. Ça ressort actuellement, mais ce n'est pas vrai du tout !
Maintenant, en tant que Verts, nous sommes prêts à soutenir tous les secteurs de l'économie qui ont besoin d'une aide, y compris les forains et les taxis. Je rappelle aussi que nous considérons que les taxis peuvent être assimilés à du transport public. Ainsi, nous les soutenons volontiers. Il y a du reste déjà eu des explications pour les deux secteurs mentionnés. Les forains ont été touchés par la crise de façon indirecte et même directe, parce qu'ils n'avaient pas le droit d'exercer du tout pendant la période concernée. Je vois bien que pendant la période à venir ils vont être touchés de façon indirecte, puisqu'on a annulé toutes les fêtes des promotions, les Fêtes de Genève, etc. Je ne sais pas exactement si la perte est directe ou indirecte, c'est justement un élément qu'il faudra étudier en commission. Il en va de même pour les taxis qui ont été touchés de façon indirecte. Il faudrait qu'on procède à un état des lieux de la situation réelle de ces secteurs, et je pense que c'est à la commission de l'économie qu'on pourra le faire le mieux. Je propose donc moi aussi le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'économie.
M. Thierry Cerutti (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez ceci à notre collègue Cyril Mizrahi: il n'est pas sérieux de renvoyer cette proposition de motion en commission. Nous avons voté hier en urgence un projet de loi pour aider la restauration et le milieu hôtelier - à juste titre, d'ailleurs. Nous avons aussi voté à une majorité extrêmement faible un budget de 15 millions de francs pour les personnes les plus précarisées de notre canton, notamment les sans-papiers. Il s'agit juste de gens qui sont en situation illégale, je vous le rappelle ! Si l'un d'entre vous emploie une personne illégale et qu'il se fait contrôler et arrêter, il sera condamné et devra payer une amende. Je m'interroge donc sur ce que fera le Ministère public à l'égard de l'Etat lorsque celui-ci versera des indemnités aux personnes sans papiers, mais je ferme la parenthèse.
Vous avez raison, Monsieur Eckert, les taxis sont en danger aujourd'hui: ils travaillent dix à douze heures par jour, pour des sommes extrêmement modestes, touchant bien moins qu'une femme de ménage ou que des personnes qui oeuvrent dans d'autres activités. Monsieur Eckert, c'est sûr que depuis qu'Esther Alder ne prend plus le taxi, le manque à gagner est encore plus grand, puisqu'il est bien connu qu'elle était extrêmement consommatrice de taxis. Plus sérieusement, ces deux corps de métier - les taxis et les forains - ont vraiment vécu la crise de plein fouet, avec des activités quasiment réduites à zéro, au même titre que l'hôtellerie et la restauration. Or renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'économie signifie que nous ne prendrons pas de décision avant septembre. Et si, par le plus grand des hasards, nous obtenons une majorité absolue, eh bien au final on subviendra aux besoins de ces gens en octobre, voire en novembre de cette année. Mais c'est aujourd'hui qu'ils ont besoin d'aide, pas en octobre ou en novembre !
M. Jean Burgermeister (EAG). Monsieur le président, Ensemble à Gauche soutient évidemment les aides à celles et ceux qui souffrent le plus durement, celles et ceux qui souffrent de la crise de manière générale. J'entends tout à fait que ça puisse comprendre les forains et les taxis. On sait que pour les taxis la période est très compliquée et que ça va durer encore un moment. Cependant, on est quand même surpris par le soutien à géométrie variable du MCG, appuyé par l'UDC. On a entendu des allégations absolument détestables du député Stéphane Florey, qui parle de profiteurs alors qu'il s'agit de travailleuses et travailleurs qui ont perdu leurs revenus ! Le MCG et l'UDC se sont opposés à ce que ces personnes-là soient indemnisées; ils ont voulu les plonger dans la misère ! Parce qu'on n'a pas pu voter la clause d'urgence, elles ne recevront d'ailleurs ces indemnisations qu'à la fin de l'été. En attendant, elles et ils sont appelés à se débrouiller tout seuls dans des situations absolument indignes. C'est une honte pour ce Grand Conseil d'avoir refusé cette demande et temporisé ! Je rappelle d'ailleurs que le vote sur le siège avait été refusé lors de la dernière plénière alors que l'urgence ne faisait aucun doute. Ce n'étaient pas des gens insuffisamment indemnisés: c'étaient des gens qui n'étaient pas indemnisés du tout !
Evidemment, nous pouvons travailler à étendre le dispositif à d'autres personnes, mais enfin, quand j'entends M. Cerutti nous dire qu'il est urgent de le faire et qu'il faut voter cette motion, ce n'est simplement pas sérieux ! Si le MCG avait pris ce sujet au sérieux, il aurait rédigé un projet de loi plutôt qu'une proposition de motion ! Même si elle est acceptée, qui nous dit que cette motion amènera une solution un tout petit peu convaincante d'ici septembre ? Vous laissez six mois au Conseil d'Etat pour donner une réponse, sur laquelle le Grand Conseil sera appelé à se prononcer. C'est simplement de l'agitation pour faire plaisir à des secteurs que vous avez certainement ciblés électoralement, mais vous démontrez que vous ne prenez pas au sérieux la crise sociale qu'il y a en ce moment dans notre canton, y compris pour les chauffeurs de taxi et les forains !
Nous appuierons le renvoi à la commission de l'économie. Je pense qu'il est important d'étudier sérieusement des soutiens concrets et satisfaisants pour toutes celles et ceux - travailleuses et travailleurs - qui se sont retrouvés dans la misère à cause de cette crise ! (Applaudissements. Huées.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Sandro Pistis pour une minute.
M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Monsieur le président. Je pense qu'il serait plus raisonnable de renvoyer cette proposition de motion à la commission des finances, puisque c'est l'une des commissions qui siégera encore la semaine prochaine, de telle façon que nous puissions nous positionner clairement sur ce texte. Des attaques ont été formulées par le député d'Ensemble à Gauche, mais je rappelle juste que ce parlement a voté plusieurs millions de francs sur le siège pour la problématique du covid. Vous aurez compris que ce monsieur nous fait du cinéma - du cinoche ! Son attitude n'est pas acceptable eu égard aux montants votés. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le groupe MCG s'est effectivement refusé à voter ces fameux 15 millions de francs parce que nous ne tenions pas à soutenir le travail au noir. Il est exclu pour nous que l'Etat subventionne ce genre d'activités illégales, mais nous avons systématiquement voté les montants nécessaires pour venir en aide aux plus démunis. Je vous rappelle donc juste que faire le clown, ce n'est pas pour nous ! On le laisse faire ! Qu'il continue comme ça et nous reprendrons systématiquement la parole.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter cette proposition de motion soit sur le siège - ce qui donne une amplitude au Conseil d'Etat pour débloquer un certain montant...
Le président. Merci, Monsieur le député !
M. Sandro Pistis. Le cas échéant, je fais une demande pour un renvoi à la commission des finances, puisque celle-ci siégera mercredi prochain.
Le président. C'est noté. La parole est maintenant à M. le député Serge Hiltpold pour une minute quinze.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. J'aimerais tout d'abord réagir aux propos de M. Pistis: la commission des finances siégera effectivement de 9h à 19h, mais je crois que c'est pour discuter des comptes de l'Etat, et le planning est déjà bien plein.
Maintenant, sur le contenu: pour les deux lois qu'on a discutées concernant l'aide d'urgence, on a voté le renvoi à la commission des affaires sociales, ce qui a permis certains amendements nécessaires après débat. Le projet de loi sur le soutien au tourisme a aussi été renvoyé en commission où il a été passablement amendé, avant de l'être à nouveau en séance plénière. Un passage en commission est toujours constructif; cela permet d'affiner et de calibrer au mieux un texte. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) S'agissant du secteur vitivinicole sur lequel nous avons voté tout à l'heure, on a aussi eu droit à une présentation à la commission des finances. Quoi qu'il en soit, je pense qu'on ne peut pas s'épargner le travail de faire les choses correctement: s'il y a des points à examiner, on le fait en commission et on ne s'écharpe pas en séance plénière ! Je soutiens donc ce renvoi à la commission de l'économie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Cyril Mizrahi, vous avez la parole.
M. Cyril Mizrahi (S). Pour combien de temps, Monsieur le président ?
Le président. Une minute trente !
M. Cyril Mizrahi. Merci. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais quand même compléter en deux mots mon propos et surtout répondre à mon préopinant Thierry Cerutti qui, à l'image de son parti, n'a de cesse d'opposer les uns aux autres; on sait que c'est un peu le fonds de commerce de ce MCG. Monsieur Cerutti, vous commencez par laisser entendre que l'Etat serait criminel en versant de l'argent à ces personnes. Or, séjour illégal ne veut pas dire absence de droits ! Ici, on parle simplement de garantir un minimum vital à ces gens qui n'ont pas été payés pendant un certain temps, qui n'ont pas touché de revenu. Pourquoi ce que vous voulez proposer pour les uns, vous le refusez pour les autres ? Personne n'est illégal ! On peut être en séjour illégal et quand même avoir droit à une certaine protection de la part de l'Etat ! (Applaudissements.) Je vous vois venir, vous allez bientôt remettre en cause le droit des enfants de pouvoir fréquenter l'école ! C'est ça la prochaine étape, Monsieur Cerutti ? Sincèrement, c'est totalement scandaleux ! C'était le premier point.
Deuxièmement, il y a quand même une différence avec les précédents projets de lois. Ici, vous proposez simplement une motion et vous faites croire aux gens que la voter sur le siège va changer les choses, mais c'est tout simplement de la poudre aux yeux ! Si vous aviez voulu faire un travail sérieux, vous auriez rédigé un projet de loi... (Commentaires.) On l'aurait renvoyé en commission et à ce moment-là on aurait pu agir efficacement pour ces groupes professionnels ! Le dernier élément...
Le président. Merci, Monsieur le député. C'est terminé !
M. Cyril Mizrahi. Le renvoi à la commission des finances n'apporte rien ! (Commentaires.) La commission de l'économie aussi va se réunir, et il ne s'agit pas ici d'une question financière.
Le président. C'est vraiment terminé !
M. Cyril Mizrahi. Il faut donc renvoyer ce texte à la commission de l'économie !
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. le député Stéphane Florey pour vingt-trois secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. On s'aperçoit que ce Grand Conseil n'a aucune considération pour les forains et pour les taxis - pas plus que le Conseil d'Etat, finalement ! S'il avait fait son boulot correctement, ce n'est pas par sectorisation professionnelle qu'il aurait déposé une multitude de projets de lois, mais il en aurait rédigé un pour l'ensemble de l'économie genevoise - ce qui aurait inclus les forains et les taxis ! Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Jean Burgermeister pour quarante secondes.
M. Jean Burgermeister (EAG). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Pistis qu'il raconte des contrevérités honteuses: le MCG a voté les yeux fermés, non pas les aides aux plus démunis, mais bien celles accordées aux cadres d'entreprises ou au Salon de l'auto ! Pour ça, il n'a pas hésité à débloquer des dizaines de millions de francs de l'Etat ! En revanche, il a précisément refusé l'aide qui allait aux plus démunis: c'est le projet de loi que nous avons voté hier pour les travailleuses et les travailleurs qui avaient perdu leur revenu. Il le justifie par la lutte contre le travail au noir, mais je rappelle ici que c'est l'UDC et le MCG - avec leurs amis de la droite - qui ont supprimé les postes prévus dans le budget pour l'OCIRT !
Le président. Il vous faut terminer !
M. Jean Burgermeister. Ils ont empêché précisément le canton de se mettre aux normes légales en matière d'inspection du travail !
Le président. La parole est maintenant à M. Jean-Marie Voumard pour vingt secondes.
M. Jean Burgermeister. Ils ont encouragé le travail au noir et, maintenant, ils viennent se plaindre ! (Applaudissements. Exclamations.)
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Merci, Monsieur le président. Je suis triste et désolé qu'un tel objet provoque un scandale entre la gauche et la droite. Cette proposition de motion a été déposée dans un but - pour qu'on la vote et qu'on prenne une décision ! Je vois qu'il y a des attaques de part et d'autre. J'en suis fortement surpris et désolé, surtout que ce texte n'a pas été rédigé sur un coin de table. Je n'ai pas l'habitude de travailler sur un coin de table, mais sur un bureau, Monsieur Mizrahi ! Je pense qu'il faudra voir la suite des débats: si ça continue ainsi, ça ne pourra pas durer longtemps !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Thierry Cerutti, le MCG n'a plus de temps de parole. Je vais donc mettre aux voix la première demande, soit le renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2662 à la commission de l'économie est adopté par 77 oui contre 19 non.
Débat
Le président. Nous poursuivons nos travaux avec l'urgence suivante, soit la M 2513 que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. le député Thierry Cerutti.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président, mais c'était pour le débat précédent: le temps imparti à mon groupe était épuisé et vous avez oublié d'annuler ma demande de parole.
Le président. Très bien. Je cède donc le micro à M. Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. En votre absence, je vais essayer de défendre cette proposition de motion. Mesdames et Messieurs, le début de mon intervention est librement inspiré d'un billet de Mme Rinny Gremaud diffusé sur les ondes de la RTS le 27 avril 2020 et que je vous conseille vivement d'écouter en intégralité.
Savez-vous, chères et chers collègues, que la démocratie est directement liée à notre consommation de parfums, de voitures et de vols pour Barcelone ? Le bon fonctionnement de notre système politique est dépendant de la circulation d'une information de qualité, vérifiée et sourcée. Or qui produit ce type d'information ? Ni les réseaux sociaux ni le café du commerce local, mais bien les médias classiques comme la presse écrite. Et qui finance les médias la plupart du temps ? Ce sont précisément les marchands de parfums, de voitures et de vols pour Barcelone ! L'existence d'une information de qualité est donc subordonnée à la consommation. Sans consommation, pas de publicité; sans publicité, pas d'information; sans information, pas de démocratie.
L'absurdité de ce montage n'a jamais été aussi criante que durant la crise sanitaire, lorsque plus personne ne pouvait acheter de parfums et que les recettes publicitaires ont donc chuté, mais que tout le monde avait besoin d'une information vérifiée et sourcée. J'aimerais d'ailleurs mentionner - et ce n'est pas une flatterie à votre égard, Monsieur le président - que l'auteur de la motion était un grand visionnaire, puisqu'il écrivait en novembre 2018, soit plus d'une année avant l'irruption du covid-19, que les «fake news» sur l'hygiène des mains pouvaient avoir comme conséquence des millions de morts dans le monde !
Que pouvons-nous entreprendre ? Au niveau national, des mesures de soutien aux médias ont été votées: gratuité des frais postaux pour les quotidiens et hebdomadaires qui bénéficiaient jusqu'alors d'une simple réduction, rabais pour les publications tirées à plus de 40 000 exemplaires, aide aux secteurs de la radio et de la télévision. Ces mesures sont temporaires et visent à assurer une transition, mais laquelle ? Entre-temps, le dépôt de bilan de l'hebdomadaire «Le Régional», annoncé au début du mois de mai, a retenti comme un coup de tonnerre dans un ciel déjà sombre. Cette perte n'est pas la première - on pense à la disparition de «L'Hebdo» et de la version papier du «Matin» - mais pas non plus la dernière. Il s'agit plutôt des débuts d'une série noire en cette période de crise.
On pourrait passer par une demande d'aide urgente, comme nous venons de le faire pour un certain nombre d'autres domaines, mais nous préférons nous inscrire dans la durée. La présente proposition de motion suit un modèle un peu différent, un modèle utilisé par certaines communes, par exemple pour Léman Bleu. Il s'agit de prévoir «un financement par contrat de prestations de l'information citoyenne, locale et régionale dans la presse écrite diffusée sur le canton de Genève».
Je donne encore mon avis sur la demande d'amendement du MCG qui consiste à favoriser la presse éditée à Genève et le pluralisme d'opinions. Cette proposition ne nous semble pas forcément pertinente, puisque de nombreux médias disponibles à Genève ne sont pas imprimés sur notre territoire; nous préférons l'idée concrète d'un mandat de prestations à la formulation relativement vague - «favoriser la presse» - de cet amendement. Je vous remercie.
Le président. Merci à vous, Monsieur le député, pour ces paroles sucrées à mon égard ! La parole va maintenant à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la survie et la diversité de la presse sont devenues des enjeux majeurs. Je ne ferai pas l'inventaire des diverses mutations qui ont affecté les médias ces dernières années, notre Grand Conseil s'est penché à plusieurs reprises sur cette thématique et l'exposé des motifs de la proposition de motion les rappelle. Et cela, c'était encore avant la crise du covid-19 et son impact sur les activités et le financement de la presse écrite. Très souvent, nos débats se sont conclus par des déclarations de soutien aux médias en péril, mais ils n'ont pas été assortis de propositions concrètes. Il est vrai que le financement public de la presse peut interroger, mais le fait-il davantage que la concentration en mains privées des principaux instruments de formation de l'opinion ?
Les signataires de ce texte ne le pensent pas; ils estiment que la question de l'indépendance de la presse se pose, quels qu'en soient les modes de financement, quelles que soient les mains qui en détiennent les principaux titres. C'est une question de déontologie, une question de principe dont l'Etat devrait être le garant. La pluralité des médias est en danger, tout comme le métier de journaliste, à l'heure où chacun croit produire de l'information alors qu'il ne fait qu'exprimer sa propre opinion sur les réseaux sociaux. Il faut lutter contre une certaine forme de déprofessionnalisation de l'activité journalistique; dans la jungle des médias et de la recherche d'audience à tout prix, il faut absolument préserver le journalisme d'investigation et la diversité de la presse.
C'est précisément ce que vise la proposition de motion 2513. En vertu du droit à une information suffisante et pluraliste tel que défini à l'article 28, alinéa 4, de la constitution genevoise, elle invite le Conseil d'Etat à soutenir la diversité de la presse en proposant un financement par contrat de prestations de l'information citoyenne, locale et régionale diffusée dans le canton de Genève. La libre formation de l'opinion est un principe inscrit dans notre constitution, c'est un droit que l'Etat doit garantir à la population; l'accès à l'information répond à un besoin essentiel d'ouverture et de compréhension du monde qui nous entoure et des événements qu'il traverse. Les médias actuels ne parviennent plus à remplir cette mission et, à terme, risquent de voir leurs moyens se réduire encore. Il est impératif que l'Etat intervienne, c'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter la proposition de motion 2513 sur le siège et à la renvoyer au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, selon Reporters sans frontières, la Suisse fait - encore ! - partie des pays où la liberté de la presse est la mieux protégée, mais une grave inquiétude règne cependant au sein des médias helvétiques. Leur situation économique est très mauvaise. D'après la faîtière Schweizer Medien, les pertes publicitaires des éditeurs pourraient s'élever jusqu'à 400 millions de francs, et ce malgré les aides d'urgence décidées par le Parlement. Concentration des titres, tarissement de la manne publicitaire: ces phénomènes s'aggravent de façon irréversible. Nous assistons ainsi à une réduction alarmante de la diversité de l'offre médiatique locale et régionale.
Ces dernières années, les autorités ont été impuissantes face aux vagues de licenciements dans la presse genevoise et régionale, elles n'ont pas réussi à éviter les délocalisations de plusieurs rédactions en dehors du canton de Genève. Notre exécutif devrait prendre conscience de l'urgence de la situation et proposer des mesures ambitieuses pour soutenir ce secteur.
En réponse aux demandes du Parlement, le Conseil fédéral a adopté des mesures pour toutes les catégories de médias: dans une première ordonnance, les radios et télévisions privées sont soutenues à hauteur de 30 millions; pour la presse écrite, une deuxième ordonnance prévoit un élargissement de l'aide indirecte actuelle à la presse. Avec sept autres organisations, le syndicat Impressum a sollicité un montant supplémentaire de 100 millions de francs, mais cette aide n'a pas été accordée. Les acteurs de la presse régionale demandent maintenant une modification de la LRTV qui leur permettrait de toucher une partie de la redevance.
Mesdames et Messieurs les députés, la formation de l'opinion publique constitue un enjeu crucial dans une démocratie, et c'est d'autant plus vrai dans notre démocratie directe. Si notre pays prévoit de nombreuses possibilités de s'engager dans le débat public, on déplore toutefois un certain désintérêt pour la chose publique ainsi qu'un manque de relève au sein du personnel politique. La crise du covid illustre une nouvelle fois le rôle de service public des médias et leur importance en tant que relais d'information dans les cantons. Le parti socialiste, qui s'est déjà engagé en faveur d'une fondation publique d'aide aux médias écrits, vous recommande vivement d'approuver cette motion qui propose des contrats de prestations pour la presse locale et régionale. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet (PLR). Personne ne conteste les grandes difficultés que traverse l'industrie médiatique: tout comme d'autres secteurs, elle se trouve confrontée à la nécessité de réinventer son modèle d'affaires, notamment pour tenir compte d'une digitalisation galopante. Il n'est pas non plus contesté que la diversité de la presse est importante pour la formation de l'opinion.
Cela étant, comme indiqué dans l'exposé des motifs de cette motion, la commission de l'économie de notre Grand Conseil a déjà été saisie de nombreux textes - le PL 12307, la M 2411, la M 2444 - proposant toutes sortes de structures bizarres pour soutenir la presse écrite de manière directe, et il est ressorti de nos travaux que les aides directes aux médias par les autorités publiques conduisaient immanquablement à une perte d'indépendance. L'exemple le plus frappant - il y a en effet un triste précédent - est sans conteste le subventionnement de la page «Solidarité» du «Courrier», qui était devenue une sorte d'organe de propagande pour l'extrême gauche militante, et ce jusqu'à la caricature. Il a fallu intervenir de manière musclée pour faire cesser cette dérive, parce qu'il ne s'agissait plus de presse indépendante, et il a fallu stopper le soutien étatique.
En prévoyant des aides directes, la proposition de motion 2513 va malheureusement dans la même direction. On pourrait carrément la renommer «motion "Pravda"» ! Je rends ici hommage à notre collègue Guy Mettan - vous transmettrez, Monsieur le président - qui est signataire du présent objet avec la gauche élargie, laquelle s'étend du PDC à Ensemble à Gauche. On nous propose donc un subventionnement direct de l'information citoyenne - dont, soit dit en passant, on n'offre pas de définition - qui se limite à la presse diffusée à Genève et doit passer par un contrat de prestations. Nous voilà à nouveau devant une motion «Courrier», le but étant évidemment de soutenir ce titre indépendant !
Il se trouve que la Confédération a compris l'urgence de la situation. A cet égard, il faut souligner que la solution ne peut être que nationale et doit passer par des aides indirectes. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) En effet, seules des aides indirectes peuvent assurer la liberté de la presse et l'indépendance dans la formation de l'opinion des citoyennes et des citoyens. La Confédération a très bien compris le problème et le Parlement a pris ses responsabilités avec différents paquets de mesures qui ont été évoquées par mes préopinants. C'est pourquoi il ne faut pas voter cette motion.
Je me plais à relever que tout à l'heure mon collègue Mizrahi disait - vous transmettrez, Monsieur le président - qu'il était invraisemblable d'adopter sur le siège une motion pour les forains et les taxis...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Edouard Cuendet. ...sans un travail approfondi en commission, et on nous demande maintenant de voter sur le siège une loi «Pravda» qui portera gravement atteinte...
Le président. Voilà, merci.
M. Edouard Cuendet. ...à la liberté de la presse. Je vous remercie.
Le président. Je donne la parole à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Il est vrai que la presse locale romande vit un bouleversement depuis des années. Les journaux «Le Matin», «L'Hebdo» et d'autres ont disparu tandis que les titres dits genevois sont rédigés à Lausanne, à l'exception des publications gratuites «Tout l'immobilier» et «GHI», ainsi que du «Courrier». Le transfert des rédactions de Genève à Lausanne n'est pas uniquement dû à la cannibalisation des ressources publicitaires par Google et Facebook.
Cela étant, une subvention directe pour des informations sur les activités politiques, culturelles ou sportives locales ne représente pas une solution. Le défi des médias régionaux, c'est l'adaptation à leur environnement et aux attentes des lecteurs. La demande d'information est en constante progression. Pour que la presse conserve sa place, elle doit proposer un journalisme de qualité avec des travaux d'investigation et cibler les besoins des citoyens.
Aux Etats-Unis où la presse locale souffre tout autant qu'ici, les journaux qui parient sur la qualité, la proximité et les articles de fond se développent et contribuent pleinement à l'offre en matière d'informations régionales, répondant ainsi aux attentes toujours plus importantes des lecteurs qui cherchent à comprendre les enjeux de leur région. En conclusion, le groupe UDC ne soutiendra pas cette proposition de motion. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Stéphane Florey pour une minute vingt.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Celui qui a présenté cette proposition de motion - vous transmettrez, Monsieur le président - se trompe de débat lorsqu'il fait la comparaison avec Léman Bleu. Cette chaîne de télévision touche de l'argent public, certes - c'est le cas pour la retransmission des séances du Grand Conseil - mais on paie pour une prestation, pas pour de la diffusion d'informations. Il faut bien faire cette distinction, ça n'a rien à voir avec le subventionnement de la presse écrite.
Je voudrais encore dire que c'est vous, Mesdames et Messieurs de la gauche, qui avez tué la presse écrite en la faisant passer à l'e-paper, en privilégiant la diffusion sur internet, en restreignant un maximum la publicité. Vous avez tué l'offre en version papier ! Tout ça fait qu'aujourd'hui la presse locale ne s'en sort plus, et il ne faudrait pas l'oublier. Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je me réfère aux propos de notre collègue M. Cuendet: ce n'est pas la première fois que nos cousins du PLR nous classent à gauche de cette assemblée, mais ce soir cela me va assez bien.
La Confédération a injecté à peu près 40 millions pour soutenir la presse; il s'agit d'une aide directe et publique, mais elle est ponctuelle et ne durera pas sur le long terme. A la commission de l'économie, le PDC s'est toujours refusé à entrer en matière sur les différents textes - propositions de résolutions, de motions ou projets de lois - qui ont éclos à l'occasion de la disparition de «L'Hebdo» et du «Matin» ainsi que des problèmes rencontrés par l'ATS suite aux nombreux licenciements qu'elle a connus.
L'aspect intéressant de cette motion, c'est qu'elle propose une solution sur le long terme grâce à la négociation et à l'adoption par le Conseil d'Etat et ce Grand Conseil d'un contrat de prestations. Celui-ci fixerait un certain nombre d'objectifs et de critères à atteindre, garantissant la pluralité de la presse et s'attachant surtout au côté local et régional d'une information qui relaterait - c'est là une dimension importante également - les débats politiques se tenant dans les communes et au sein de notre parlement, cela afin de forger l'opinion politique des citoyens de notre canton.
Pour le groupe démocrate-chrétien, cette proposition de motion mérite une discussion approfondie, et je vous invite à la renvoyer à la commission de l'économie où elle pourra être traitée de façon sérieuse. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Le MCG est attaché à Genève, le MCG est attaché au rayonnement de notre canton, le MCG est attaché à une presse genevoise forte. Il faut ouvrir les yeux: Lausanne est en train de nous chiper tous nos médias ! La RTS s'apprête à y déménager, en tout cas sa division dédiée à l'information, tandis qu'une large part de la rédaction de la «Tribune de Genève» y a été déplacée. Quelques journaux résistent encore: «Le Courrier», «GHI», «Tout l'immobilier» et d'autres; il faut les soutenir, c'est fondamental.
Nous avons déposé un amendement à la proposition de motion qui demande que la presse écrite éditée dans le canton de Genève soit favorisée dans le respect du pluralisme des opinions. La formule présentée par M. Eckert pourrait nous convenir aussi, à savoir l'idée d'un contrat de prestations qui stipulerait, si j'ai bien compris, que les médias auront certains devoirs envers le canton de Genève. C'est un concept qui nous va également et que nous pouvons tout à fait soutenir.
Le plus important, c'est de ne pas commettre à nouveau les erreurs que Genève fait depuis des décennies et des décennies, pour ne pas dire depuis un siècle. Je rappelle en effet qu'il n'y a pas si longtemps, notre canton comptait encore cinq ou six quotidiens; aujourd'hui, on se retrouve avec un demi-quotidien d'information commerciale - la «Tribune de Genève» - et un journal qui fonctionne selon un mode, disons, associatif - «Le Courrier» - et qui résiste vaillamment.
Nous manquons de pluralité, et on doit faire tout ce qu'on peut pour disposer de médias forts; c'est important pour Genève, pour notre économie, pour notre vie politique. Il s'agit également de raconter la vie des Genevois, d'effectuer des tâches d'utilité publique, comme rapporter ce qui se passe dans les tribunaux; actuellement, en effet, il est difficile d'obtenir des informations à ce sujet. Tout cela doit nous inciter à voter la présente motion ainsi que l'amendement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Guy Mettan pour une minute trente.
M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais les propos de M. Cuendet m'y incitent. La Confédération n'est pas seule habilitée à prendre des mesures pour soutenir la presse à l'échelle nationale; je rappelle que le canton de Vaud a voté un fonds de 6 millions dans ce but et je trouve absolument ridicule que Genève ne s'associe pas à ce genre de démarche et ne fasse pas la même chose.
Je souligne également que si la gauche porte une responsabilité - peut-être, je l'ignore - dans l'échec de certains journaux, la droite n'en manque pas non plus, puisque certains amis de M. Cuendet, par imbécilité, ont coulé le «Journal de Genève»... (Applaudissements.) ...alors que ses comptes étaient proches de l'équilibre. Evidemment, quand on contribue à torpiller ses propres publications, il n'est pas étonnant qu'ensuite on n'accepte pas les textes qui visent à soutenir la presse écrite !
Il est tout à fait possible de soutenir les médias via des contrats de prestations sans inciter à la diffusion. L'Etat de Genève lui-même dépense des millions pour communiquer des informations aux citoyens, on reçoit des courriers et des publications dans nos boîtes aux lettres qui coûtent très cher, et rien n'empêche qu'une partie de ces dépenses passent par le canal de la presse genevoise pour atteindre la population que l'Etat cherche à informer. Il n'y aurait même pas besoin de budget supplémentaire pour cela.
Mesdames et Messieurs, je vous invite éventuellement à voter l'amendement, mais surtout à adopter cette proposition de motion qui me paraît indispensable pour que Genève cesse de se ridiculiser devant la Confédération. Notre canton est l'un des plus riches du pays, mais nous sommes malgré tout incapables de faire vivre des quotidiens en notre sein.
Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Emmanuel Deonna pour quarante secondes.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Les propos de M. Cuendet sur la presse de gauche sont totalement caricaturaux. Aujourd'hui, les journaux de qualité sont plus que jamais attachés à la diversité des sujets et des points de vue. Avec le changement climatique, la numérisation, l'intelligence artificielle, la biotechnologie, nous sommes confrontés à des défis cruciaux pour lesquels une presse diverse et de qualité est indispensable. Il est d'ailleurs tout à fait regrettable et déconcertant que certaines entreprises de médias versent des dividendes pendant la pandémie tout en affaiblissant leurs rédactions pour des raisons économiques. Comme l'a rappelé mon préopinant Guy Mettan, Genève peut et doit s'engager plus nettement en faveur de l'aide à la presse locale et régionale.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur Pfeffer, l'UDC n'a plus de temps de parole. Avant de procéder au vote, j'ai le plaisir de saluer dans le public M. Louis Serex, dit Loulou ! (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission de l'économie que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2513 à la commission de l'économie est adopté par 54 oui contre 37 non.
Débat
Le président. Nous passons à la prochaine urgence: la R 917-A. Cet objet est traité en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à Mme Marjorie de Chastonay... Ah non, excusez-moi: elle revient d'abord à la rapporteure, Mme Jocelyne Haller. Madame de Chastonay, merci de rappuyer sur votre bouton pour que je puisse vous donner la parole après. Allez-y, Madame Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse. Je vous remercie, Monsieur le président. J'ai fait le tour des groupes, nous nous sommes plus ou moins entendus pour prononcer des interventions courtes, de sorte que ce projet qui nécessite d'être voté tout de suite pour déployer ses effets puisse aboutir.
La crise du covid-19 a violemment mis en lumière la réalité d'une pauvreté préexistante dans notre canton ainsi que la fragilité de certains habitants, qui vivent dans des conditions de grande précarité et peuvent à tout moment basculer dans l'indigence. Depuis des années, de nombreux acteurs du terrain alertent les autorités sur l'explosion de la misère sociale et la fragilisation de plusieurs groupes de population; les incontournables mesures sanitaires liées au covid-19 et les dispositions subséquentes ont précipité et décuplé ces phénomènes. Ainsi s'est créée une situation inédite et révoltante: des milliers de personnes ne disposant plus de quoi se nourrir sont obligées de patienter dans d'interminables files d'attente pour obtenir chaque semaine un cabas rempli de denrées de première nécessité. La misère cachée s'est trouvée exposée au grand jour, les gens sont passés de la précarité à la pauvreté; ces images d'un indécent dénuement, mis à nu dans l'une des villes les plus riches du monde, ont fait le tour de la planète.
La mobilisation des associations et des autorités a permis, dans un premier temps, de dégager des fonds pour couvrir le coût des aliments distribués. Diverses propositions parlementaires allant dans ce sens ont été déposées. Lors de notre dernière session, nous avons voté un crédit de 5 millions pour prendre en charge ces dépenses durant quelques mois et, hier encore, une prestation compensatoire pour les travailleurs précaires. Cependant, ces dispositions concernent le financement des mesures elles-mêmes, alors que rien n'a été avancé pour couvrir les frais de fonctionnement supplémentaires induits pour les intervenants lors des distributions de nourriture et pour leur appui dans différentes démarches.
C'est l'objectif de cette proposition de résolution, qui invite le Conseil d'Etat à déposer dans les meilleurs délais des projets de lois ouvrant des crédits extraordinaires, au titre de subventions cantonales de fonctionnement, en faveur des organisations concernées. Il s'agit d'associations actives notamment dans les domaines de l'action sociale, de l'aide alimentaire, de la santé, de l'asile ou de la lutte contre les violences sexistes, qui sont engagées dans la prise en charge des besoins sociaux et sanitaires des populations précarisées ou fragilisées par la crise économique et sociale que nous connaissons aujourd'hui et qui va s'accentuer. Il convient d'aider ces organismes qui travaillent déjà à flux tendu depuis des années.
Face à une situation exceptionnelle, il faut des moyens exceptionnels. L'idée est aussi de leur donner la possibilité d'organiser d'autres actions, voire de démultiplier les lieux de distribution pour éviter que les gens viennent à 4h du matin et s'agglutinent dans des queues de plus de 2000 personnes afin de recevoir des articles de première nécessité. C'est contraire à la dignité humaine, cela requiert d'autres réponses. Devant la perspective d'une aggravation majeure de la situation économique et sociale, et d'un accroissement de la demande sociale qu'elle va provoquer, il est impératif de soutenir les acteurs sociaux, car il faut absolument éviter de mettre à genoux les organismes d'aide. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales a voté cette résolution à l'unanimité moins une abstention et elle vous recommande d'en faire autant. Je vous remercie de votre attention.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution a été lancée en réaction à la crise sanitaire, devenue crise économique et sociale. Il s'agit de soutenir les soutenants, celles et ceux qui oeuvrent au front pour accueillir les «invisibles», entre guillemets. En effet, de nombreuses associations sont impliquées. Le texte invite le Conseil d'Etat à jouer son rôle et à déposer des projets de lois ouvrant des crédits extraordinaires, comme l'a bien expliqué la rapporteure, en faveur des organisations actives sur le terrain, en lien direct avec les personnes précarisées ou fragilisées par la situation actuelle. Cela concerne autant les domaines de l'aide alimentaire, de la santé, de l'asile que de la lutte contre les violences sexistes.
Hier, jeudi 25 juin 2020, nous, députés au Grand Conseil, avons décidé de considérer ces «invisibles», de les placer sous le feu des projecteurs, elles et eux qui se cachent toujours dans l'ombre pour travailler, que ce soit au noir ou de façon déclarée. Hier soir, nous avons voté cette fameuse indemnisation unique à hauteur de 15 millions; un symbole fort ! Non pas pour encourager le marché noir ou gris, mais pour soutenir les gens quand c'est nécessaire, sans faire porter le fardeau du système aux victimes.
La suite reste à venir et l'avenir s'annonce difficile pour de nombreuses personnes à Genève. Les organismes du terrain répondront présents, j'en suis certaine, mais ils ont besoin de moyens pour faire face aux difficultés futures. Au vu de la période exceptionnelle que nous traversons, il est indispensable de venir en aide, à travers une forme de subventionnement cantonal, aux personnes qui oeuvrent en première ligne pour que les plus précaires et les plus fragilisés ne tombent pas plus bas, ce qui serait encore pire pour l'Etat en termes d'aide sociale. Nous, les Vertes et les Verts, soutiendrons cette proposition de résolution avec force et conviction. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il faudrait recadrer un peu le débat. Ce que je constate, tout d'abord, c'est que les associations en question ne sont pas demandeuses. Oui, elles font leur travail, mais elles oeuvrent avec des bénévoles et reçoivent énormément de dons. Ensuite, il faut dire pour qui elles font ce travail: l'UDC refuse de subventionner des organisations qui soutiennent des illégaux ! C'est un encouragement au travail au noir, et on en revient au débat d'hier soir sur les 15 millions, c'est-à-dire qu'on ferme les yeux sur une réalité qui ne devrait pas exister; on donne de l'argent - de manière directe ou indirecte, c'est la même chose - à des illégaux, des personnes qui n'ont rien à faire sur notre territoire, des personnes qui devraient rentrer chez elles, des personnes qui profitent de notre système. Oui, je maintiens et je répète ici ce que je dis: ces gens sont bel et bien des profiteurs !
En effet, avant la crise, non seulement ils touchaient des salaires, mais ils profitaient de toutes nos infrastructures. Or ils ne participent en rien à l'économie de notre canton ! Quand vous êtes un travailleur légal et que vous percevez un salaire, vous payez des impôts, c'est le juste retour des choses; ces gens n'en paient pas. Moi, si je peux me faire soigner à l'hôpital ou chez mon médecin, c'est parce que je paie une assurance-maladie; eux n'en paient pas, non, ils sont simplement pris en charge gratuitement par les HUG. Moi, à travers le versement de mes impôts, je participe au fait que l'école soit gratuite, je paie indirectement pour scolariser mes enfants; eux ne paient pas pour scolariser leurs enfants, ils profitent simplement des cons ici présents qui paient pour qu'ils puissent bénéficier de tous ces avantages. Voilà la réalité, Mesdames et Messieurs, il faut avoir le courage de le dire aujourd'hui.
Pour conclure, Monsieur le président, vous transmettrez ceci à M. Burgermeister au sujet des 15 millions: ces gens ne toucheront pas un centime d'ici la fin de l'été, et probablement pas avant la fin de l'année. En effet, quand le référendum aura été lancé et aura abouti, il faudra attendre, et le peuple tranchera lors des votations du mois de décembre. Je vous remercie.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le plus urgent a été accepté, soit la nourriture, c'est ce qui permet la survie. Suite à l'adoption du PL 12725 porté par le PDC et à l'excellent travail de la commission des affaires sociales, la fondation Partage a reçu un mandat de coordination afin d'assurer la distribution des colis alimentaires sur les différents sites du canton. Cette mission implique un travail avec les associations présentes sur le terrain, qui se trouvent ainsi allégées d'une partie de leurs tâches organisationnelles.
Concernant l'aide sociale, le PL 12723 devrait répondre aux besoins urgents; le groupe démocrate-chrétien relève toutefois que l'urgence, c'est aujourd'hui. Soyons honnêtes: s'il y a un délai de deux mois, on ne parle plus d'urgence. Au sujet des violences domestiques qui ont connu une augmentation durant le confinement lié à la covid-19, le PDC a soutenu avec conviction la M 2565, proposant des amendements afin d'assurer une prise en charge cohérente et bienveillante des victimes. Le rapport a été déposé en avril, et nous espérons qu'il recevra une réponse du Conseil d'Etat avant l'an 2021.
Le PDC demande avec insistance au gouvernement de mettre en place un protocole d'urgence en cas de nouvelle pandémie ou d'autre catastrophe, la crise de la covid-19 ayant mis en lumière la fragilité sociale, économique et écologique de notre canton. Ecologique... un tout autre débat et pourtant, dans les champs, dans nos rues, les déchets liés au coronavirus s'accumulent sans vergogne; voilà qui questionne. Mais revenons à la proposition de résolution 917: soutenir les associations actives sur le terrain est primordial pour les personnes vivant dans la précarité. Ainsi, le PDC vous recommande d'accepter ce texte. Merci. (Applaudissements.)
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Mesdames et Messieurs, avec la crise sanitaire du covid-19, les besoins sociaux ont été mis en évidence de manière visible à Genève. Il est important de s'interroger sur les facteurs qui conduisent à la précarité. En effet, tous les textes que nous avons votés en lien avec le coronavirus s'attaquent aux conséquences plutôt qu'aux causes; il devient nécessaire de débusquer les vecteurs de cette situation et, à la suite de cette analyse, de prendre les mesures qui s'imposeront.
Aujourd'hui, nous vivons une période hors du commun. A situation extraordinaire, mesures extraordinaires. C'est pourquoi ce parlement a voté 5 millions pour l'aide alimentaire et 15 millions pour les personnes ayant subi une perte de revenu pendant la crise sans pouvoir être indemnisées; c'est pourquoi également la commission des affaires sociales s'est prononcée à l'unanimité moins une abstention en faveur de cette proposition de résolution.
Le Conseil d'Etat va cependant se trouver devant une tâche immense, puisque le texte ne demande rien moins que le lancement de projets de lois - je cite - «ouvrant des crédits extraordinaires, au titre de subventions cantonales de fonctionnement, aux organisations, notamment» - et non pas exclusivement - «dans les domaines de l'aide alimentaire, des aides sociales, de la santé, de l'asile ou de la lutte contre les violences sexistes, qui sont engagées dans la prise en charge des besoins sociaux et sanitaires des populations précarisées ou fragilisées par la crise économique et sociale» - fin de citation.
Il s'agira d'observer avec attention les propositions qui parviendront au Grand Conseil; elles devront être prises en considération sous l'angle non seulement de l'urgence, mais aussi et surtout de l'anticipation d'une éventuelle prochaine crise. Le groupe PLR soutient cette proposition de résolution - et vous propose d'en faire de même - tout en s'engageant à examiner les futurs projets du Conseil d'Etat avec acuité pour s'assurer qu'ils s'attaqueront non seulement aux conséquences, mais aussi aux causes multiples qui mènent à la précarité. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, les associations ont oeuvré en première ligne au cours de cette crise, engageant des sommes importantes, puisant dans des budgets qui n'avaient pas été prévus pour cela, mobilisant leur personnel pour assurer des permanences. Aspasie, par exemple, dès les premiers jours, a permis aux travailleuses du sexe qui étaient interdites d'activité de retourner au pays, de manger, simplement de survivre. Citons également les Colis du coeur - on en a beaucoup parlé - Partage, Caritas, le CSP ou encore Bateau Genève, qui a continué à fournir des petits déjeuners durant les mois de mars et d'avril. Il faut leur rendre hommage, évidemment, mais il faut surtout maintenant leur donner les moyens de poursuivre leur action.
Nous avons de profondes sources d'inquiétude, nous pensons que les violences familiales ont été sous-évaluées durant la crise. L'augmentation du nombre de familles monoparentales qui se retrouvent à la rue et viennent frapper à la porte des organismes d'aide nous alerte fortement. Mesdames et Messieurs, ce Grand Conseil a adopté plusieurs projets de lois dégageant des fonds pour soutenir successivement les vignerons, l'hôtellerie, le Salon de l'auto, l'économie, et vous noterez que la clause d'urgence a été acceptée pour l'ensemble de ces textes. Nous avons également voté 5 millions pour répondre à l'urgence alimentaire, 15 millions - on en a longuement débattu hier soir - pour indemniser les personnes ayant perdu leur revenu, mais il manque encore un maillon: les associations.
Celles-ci voient leurs charges exploser et leur personnel se fatiguer, mais doivent tout de même faire face à cette crise qui va se déployer durant les prochains mois. Les gens touchés ne sont pas des profiteurs, comme l'affirme le représentant de l'UDC, mais ceux qui s'occupent de nos enfants et de nos grands-parents, lavent notre linge, ramassent les déchets de tout un chacun, contribuent au bien-être de la collectivité; pour un grand nombre, ils paient leurs impôts. Pour que ces personnes puissent continuer à vivre et à travailler, il est important de soutenir les organisations qui leur viennent en appui, qui oeuvrent dans la durée.
Mesdames et Messieurs, la crise n'est pas derrière nous, elle n'est pas encapsulée entre les mois de mars et de juin 2020, ses effets vont malheureusement se propager et se faire sentir bien au-delà, nous n'en sommes qu'au début. La crise sociale est là, dévastatrice, et elle va durer. Les députés de ce parlement vont partir en vacances en juillet et en août, mais la situation des personnes va continuer à se péjorer. L'été et l'automne seront violentissimes, soyons-en conscients, et il faut aider les associations actives sur le terrain à affronter l'afflux supplémentaire de personnes qui perdront leur logement ou leur emploi, qui seront sous pression pour rembourser des emprunts.
Ce n'est pas «les nôtres et les autres», Mesdames et Messieurs les députés; il y a une seule barque, un seul bateau, et des associations qui rament pour le maintenir à flot. Nous devons absolument épauler ces organismes pour qu'ils poursuivent leur mission. Le parti socialiste votera donc cette proposition de résolution. Merci. (Applaudissements.)
Mme Ana Roch (MCG). Au MCG, nous sommes divisés, nous accorderons donc la liberté de vote à nos membres sur cette proposition de résolution. Nous remercions les associations qui oeuvrent sur le terrain pour répondre aux besoins sociaux engendrés par la crise sanitaire. Nous devons les soutenir, mais comme l'a relevé ma collègue du PLR, il faudra faire attention avec les projets qui émaneront du Conseil d'Etat. En effet, nous devons nous montrer prudents en ce qui concerne les finances, prudents en ce qui concerne les fonds qui pourraient être alloués à ces organismes. Ainsi, nous serons à l'avenir très attentifs quant aux propositions qui découleront de ce texte. Merci.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Madame la rapporteure, je vous cède la parole.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Je vais plutôt intervenir à titre de députée. J'aimerais juste préciser - et merci de transmettre à M. Florey, Monsieur le président - que si, parmi les personnes aidées par les différentes associations, il y en a sans doute un certain nombre sans statut légal, on recense en revanche beaucoup de résidents. Peut-être faudrait-il établir une fois pour toutes que le travail au noir, contrairement à ce que prétend M. Florey, ne fait pas que coûter à la collectivité, faute de quoi les employeurs n'y auraient pas recours; le travail au noir rapporte, il participe à l'économie, il fait partie de l'économie grise. Comme l'a indiqué tout à l'heure M. Thévoz, on parle de gens qui gardent vos enfants, qui pour certains paient des assurances sociales, mais surtout qui fournissent une plus-value, qui bénéficient indubitablement à l'économie, alors cessez de dire que ce sont des parasites qui ne font que coûter à la collectivité. Non, ils rapportent à l'économie de ce pays, et il serait temps non seulement de le reconnaître, mais surtout de leur donner la place qui leur revient. Le groupe Ensemble à Gauche votera cette proposition de résolution. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai promis à votre président de ne pas intervenir plus de trois minutes, je vais donc m'en tenir à quelques rapides propos. Premièrement, je dois constater que l'aveuglement de la haine ne permet pas à certains de voir ce qui constitue pourtant une réalité: parmi les personnes qui ont obtenu des colis alimentaires lors des différentes distributions aux Vernets, par exemple, 53% détiennent un permis, 10% sont suisses. En dressant les gens les uns contre les autres, on jette le discrédit sur l'ensemble du dispositif, et cela commence véritablement à suffire !
Deuxièmement, l'Etat joue et a joué son rôle; il serait faux d'imaginer que l'acceptation de cette proposition de résolution annulerait toutes les actions que le Conseil d'Etat a menées depuis le mois de mars. Il n'en demeure pas moins, et c'est mon troisième message, qu'il y a aujourd'hui un monitoring à opérer s'agissant des dégâts futurs auxquels nous serons confrontés. Dégâts il y a, et déjà maintenant; vous avez limité bon nombre d'entre eux grâce aux différents textes votés dernièrement, mais un automne difficile s'annonce encore pour les plus vulnérables de notre canton, et nous avons besoin d'un peu de recul pour que les propositions qui émanent des associations tout comme des institutions puissent être analysées, comprises et défendues. C'est en tout cas le sens de mon soutien à cette résolution.
Quatrième et dernier point: Mme la députée Kämpfen a relevé l'importance d'agir non seulement sur les conséquences - c'est ce que vous avez fait ces derniers temps - mais également sur les causes. Plusieurs projets, qui passeront notamment en votation populaire, nous permettront, je l'espère, de mettre en place un langage commun et de démontrer une volonté d'agir ensemble à la fois sur les causes et sur les conséquences.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Votre intervention a duré deux minutes et huit secondes, du jamais vu de la part d'un magistrat ! (Applaudissements.) A présent, Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mise aux voix, la résolution 917 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui contre 5 non et 7 abstentions.
Le président. Petite communication de la présidence, Mesdames et Messieurs: je vous recommande de laisser vos cartes dans les boîtiers, car nous retrouverons cette salle les 27 et 28 août pour la session des comptes. Par ailleurs, à l'occasion de la fin de nos travaux, vous êtes conviés par l'OPAGE à un apéritif en présence de représentants de l'Interprofession du vignoble et des vins de Genève. Je lève la séance et vous souhaite une bonne soirée !
La séance est levée à 19h55.