République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 juin 2020 à 20h30
2e législature - 3e année - 2e session - 7e séance
PL 12725
Premier débat
Le président. Nous passons à notre urgence suivante, le PL 12725, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. le député Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek. La demande que j'avais faite précédemment concernait l'amendement, mais vous ne m'avez pas vu ou entendu... (Le député s'exprime hors micro, debout, en contrebas de l'estrade.)
M. Jean Romain. On n'entend rien !
Le président. Monsieur le député...
M. Pierre Vanek. C'était... (L'orateur hausse la voix. Rires.)
Le président. Non, Monsieur le...
M. Pierre Vanek. ...une demande de prise de parole sur le point précédent, parce que... (Remarque.) Je sais !
Le président. Monsieur le député...
M. Pierre Vanek. ...au moment du vote, le président a cru que c'était un amendement général de ma part... (Remarque.) ...et ce n'était pas le cas. Je voulais corriger ça, c'est pour ça que j'avais demandé la parole.
Une voix. Qui peut le plus peut le moins !
M. Pierre Vanek. J'ai entrepris de venir le lui dire discrètement, mais, à la demande générale, je m'exprime de manière plus large ! (Le député s'exprime toujours hors micro. Commentaires.)
Le président. Voilà. Monsieur le député, le vote ayant eu lieu, cette prise de parole est obsolète. Et, en général, on ne prend pas la parole après le Conseil d'Etat.
M. Pierre Vanek. Le président a pris mon amendement pour un amendement général. Mais ce n'est pas vrai ! Vous avez mal lu mon rapport ! (Commentaires.) Merci, Monsieur le président !
Le président. Monsieur Vanek, remontez à votre place et appuyez sur le bouton !
M. Pierre Vanek. Je suis en train d'y aller ! Mais on m'interpelle ! (Commentaires.)
Le président. Madame la députée Helena Verissimo de Freitas, vous avez la parole.
Mme Helena Verissimo de Freitas (S). Nous sommes bien au PL 12725 ?
Le président. Oui, mais M. Vanek n'avait pas l'impression que nous étions à ce point-là ! Madame la députée, vous avez la parole.
Mme Helena Verissimo de Freitas. Merci, Monsieur le président. Jusqu'à ce que ce virus nous tombe dessus, on ne parlait du droit à l'alimentation qu'en rapport avec des pays très lointains. Aujourd'hui, nous sommes obligés d'en parler, car c'est à Genève que ce droit est mis à mal. Bien que les activités économiques aient repris, la situation reste délicate pour toute une frange de la population et le restera encore quelque temps. Qu'elles soient sans papiers ou suisses, ces personnes vivaient jusqu'à maintenant, avant le coronavirus, tant bien que mal: travail au noir, contrats précaires, situations délicates. Un certain nombre d'entre elles n'a jamais fait appel à l'aide sociale, car cette demande peut mettre en péril l'obtention ou le renouvellement d'un permis de séjour; elles se retiennent donc. D'autres ne l'ont jamais fait par peur du regard que la société pourrait porter sur elles. Votons aujourd'hui cette aide nécessaire de 5 millions pour donner à manger à des gens jusqu'à la mi-juillet, mais à brève et à moyenne échéances, nous devrons nous pencher très sérieusement sur les causes de cette précarité. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'arrivée du covid-19 a révélé que ce que l'on savait bancal a tout simplement basculé, et pas du meilleur côté. Le projet de loi qui vous est proposé a été accepté à l'unanimité par la commission des affaires sociales - mais, pour être tout à fait honnête, non sans négociations, et des négociations rudes !
Il fait suite au PL 12710 déposé par le parti socialiste pour un droit à l'alimentation, un texte qui ancrait de manière pérenne la somme de 4 millions par année pour le droit à l'alimentation, mais qui ne proposait pas de clause d'urgence. Le PDC avait, lors de la plénière du mois de mai, proposé un amendement général pour permettre la mise à disposition du montant annoncé par le parti socialiste en urgence. Malheureusement, au vu du nombre d'urgences à traiter lors cette session-là, nous ne sommes pas arrivés jusqu'à ce point. Le renvoi à la commission des affaires sociales du PL 12710 a permis, en deux séances de travail conséquent, sur la base de l'amendement général, de vous proposer ce soir le PL 12725.
Le fait que des personnes fassent la queue pour avoir accès à un simple cabas d'une valeur de 20 à 30 francs en produits de première nécessité ne devrait pas être d'actualité, et pourtant: partout relayée dans les médias, la réalité n'est plus cachée ! Dois-je rappeler le nombre de bons distribués par les Colis du coeur, le nombre d'heures de queue, le nombre de personnes formant ce ruban ? Ce nombre, c'est: trop !
A ce «trop», la population genevoise a répondu en se mobilisant, en témoignant de beaucoup de générosité, soit en offrant des biens matériels, soit du temps sous forme de bénévolat. C'est une population qui reste en droite ligne avec le choix fait en 2017, par l'acceptation de l'ajout de la notion de sécurité alimentaire dans notre Constitution fédérale, une population qui agit pour la sécurité alimentaire de tous. Qu'elle soit ici vivement remerciée !
Face à ce «trop» et face à ce «beaucoup», qu'allons-nous ajouter, nous, parlement ? Mesdames et Messieurs, il y a urgence. Nous pouvons choisir d'y répondre en soutenant financièrement à hauteur de 5 millions pour l'année 2020 la banque alimentaire genevoise, soit la fondation Partage, déjà compétente et active dans ce secteur. Cette banque alimentaire fait partie d'un réseau européen de banques alimentaires, qui fixe les principes et valeurs portées par les fondations, dont est tirée la doctrine suivante: pas de fonctionnement au travers d'une distribution de bons, mais uniquement des colis alimentaires. C'est vers cela que tend ce projet de loi. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est donner à la banque alimentaire Partage les moyens de fournir la prestation en colis alimentaires.
La question de la suite, celle de la précarité sociale, ne devrait pas faire partie d'un traitement en urgence. Ce qu'il se passe aujourd'hui met en lumière le fait que si nous avons su faire face à l'urgence sanitaire, nous ne sommes pas équipés pour faire face à l'urgence sociale.
Ainsi, l'après-covid mérite une réflexion plus large. La transversalité qu'impose le thème de la précarité, et qui, je le rappelle, était chère à nos conseillers d'Etat au moment de leur élection...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Patricia Bidaux. ...nécessite un travail conséquent sans tabou. Pour toutes les raisons que j'ai citées, je vous remercie de répondre urgemment par la positive à ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Madame la députée Jocelyne Haller, vous avez la parole.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. La commission des affaires sociales, suite à ses travaux sur le projet de loi 12710, a repris à son compte la préoccupation exprimée par ce dernier, à savoir répondre à l'urgence du droit élémentaire à l'alimentation, par une subvention unique de 5 millions de francs. L'unanimité s'est rapidement formée sur la nécessité de répondre à l'un des besoins les plus immédiats, celui de l'alimentation, pour les plus nécessiteux. C'est dire si l'indignité des files d'attente de milliers de personnes en quête de distribution alimentaire a frappé les esprits ! Ensuite est venue la question de la manière la plus opportune de débloquer rapidement des fonds nécessaires, pour assurer une réponse à ces besoins élémentaires de celles et ceux, d'une part, qui vivaient déjà dans la précarité et que les mesures sanitaires ont privés d'accès aux points usuels de distribution, et de ceux, d'autre part, que la crise a mis en difficulté et qui ont vu leur précaire équilibre financier basculer vers l'indigence.
Nécessiteux, indigence: des termes que l'on croyait dépassés, tout comme ces files d'attente de plusieurs heures pour recevoir un cabas de produits alimentaires. Oui, on a vu cela en 2020, dans l'une des villes les plus riches d'un des pays les plus riches du monde. Troublant ? Certainement, compte tenu de l'ampleur de la crise. Mais pas vraiment étonnant. Depuis combien de temps les acteurs de terrain nous alarmaient-ils sur l'augmentation de la pauvreté et de la précarité ? Sur l'explosion des épiceries sociales ? Sur l'accroissement alarmant de l'exclusion sociale ? Sur le creusement des inégalités ? La crise du covid-19 a décuplé la gravité de cette situation et nous confronte à de nombreux défis. Celui de la nécessité de faire face à la deuxième vague, non pas du virus, mais de la crise sociale et économique qu'il a engendrée et qu'il engendrera encore.
Ainsi, au moment où nous nous apprêtons à voter un crédit important pour un besoin urgent et incontournable, il nous incombe de prendre une certaine distance et de prévoir une réponse plus adéquate, plus respectueuse des personnes, des dispositifs; en somme, une réponse plus à même de fournir à ces personnes les moyens de pourvoir elles-mêmes à leurs besoins, sans avoir à faire la queue pour obtenir de quoi se nourrir. Cela implique de mettre en place des plans de création d'emplois et, à défaut, des dispositifs de prestations compensatoires ainsi qu'un système de sécurité sociale mieux adapté aux nouveaux besoins de la population.
Par ailleurs, l'octroi à la fondation Partage d'un crédit de 5 millions la conforte finalement dans sa fonction de banque alimentaire du canton. Cela nous donne l'occasion de mettre en lumière la question de l'emploi, et notamment celle de la revalorisation des emplois de solidarité, qui constituent la majorité des postes de travail de cette fondation. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Car si la fondation Partage constitue le pivot de la distribution de denrées de première nécessité, alors ces employés devraient être reconnus à leur juste valeur. C'est le minimum que nous leur devons. C'est aussi une question d'honnêteté et de cohérence. Nous demandons donc que cette question soit remise à l'ordre du jour, à l'occasion de l'octroi de ce crédit.
Enfin, parce qu'on peut admettre qu'il faille, sous la pression de l'urgence, accepter et alimenter un système de distribution de nourriture paternaliste, que nous voudrions voir révolu, et pour autant que...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. ...l'on se donne les moyens de construire une réponse plus durable et plus respectueuse...
Le président. Il vous faut terminer.
Mme Jocelyne Haller. ...nous voterons ce projet de loi. Cela étant, nous annonçons d'ores et déjà que nous refuserons l'amendement présenté par M. Gander, qui ne nous paraît pas adéquat. Si des dons devaient aujourd'hui...
Le président. Merci.
Mme Jocelyne Haller. ...s'ajouter, ils devraient permettre... (Commentaires.)
Le président. Merci, c'est terminé, maintenant.
Mme Jocelyne Haller. ...d'améliorer le système. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Les queues de personnes attendant pour recevoir... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur s'exprime hors micro. Commentaires. Un instant s'écoule.)
Le président. Monsieur Pfeffer, vous aviez la parole. Je vous la redonne. (M. André Pfeffer s'exprime hors micro. Commentaires.) Votre micro ne marche pas encore. Rappuyez sur le bouton ! (Commentaires.)
M. André Pfeffer. Vous m'entendez ?
Le président. Maintenant, oui ! Vous pouvez y aller.
M. André Pfeffer. Les queues de personnes attendant pour recevoir un colis aux Vernets ont choqué tous les Genevois. L'augmentation énorme des bénéficiaires pour un bon alimentaire de 50 à 150 francs par semaine, qui passe du 31 mars au 21 mai de 2726 à 11 823 bénéficiaires, est évidemment inquiétante et pose des problèmes. Il est aussi surprenant qu'à partir du 11 mai, date du déconfinement progressif, le nombre de bénéficiaires de ces bons alimentaires ait encore progressé d'environ un tiers.
Bien que ces éléments soient tragiques, ce projet de loi n'apporte pas de réponse. L'analyse relative aux bénéficiaires est très lacunaire, voire fausse. Il est dit que des travailleurs ne cotisant pas suffisamment longtemps n'auraient pas droit au chômage technique. Cela est faux ! Tout travailleur qui était en poste en mars 2020 peut bénéficier des RHT. Il est également faux de dire que des bénéficiaires d'une aide liée au covid-19 auraient des problèmes pour le renouvellement d'un permis de travail. Au sujet des principaux bénéficiaires, soit les personnes sans papiers et les travailleurs au noir licenciés du jour au lendemain, ce projet de loi n'apporte pas non plus de réponse. Pour l'immigration illégale, le Conseil d'Etat s'était engagé, avec le projet Papyrus, à la diminuer et à combattre sévèrement le travail au noir. Chaque Genevoise et chaque Genevois sait que ce n'est évidemment pas le cas. Est-ce qu'une aide alimentaire très ponctuelle à des personnes sans papiers et travaillant au noir, employées par des employeurs irrespectueux, ou sous-louant des appartements à d'autres qui en font souvent un bénéfice, résoudra le problème ? La réponse est non ! Ces employeurs indélicats doivent évidemment respecter leur engagement, tout comme les locataires qui sous-louent. Même les personnes sans papiers bénéficient de ce droit. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Les promesses que le Conseil d'Etat nous avait faites lors de l'opération Papyrus, il y a déjà trois ou quatre ans, doivent évidemment être appliquées. L'Etat de Genève mélange l'aide d'urgence, l'immigration illégale, l'assistance sociale et le problème du chômage. A Genève, il existe une aide d'urgence. Comme le mentionne l'exposé des motifs...
Le président. Merci, Monsieur le député, il vous faut maintenant terminer.
M. André Pfeffer. ...11 823 personnes reçoivent un chèque alimentaire de 50 à 150 francs, chaque semaine. Je poursuis.
Le président. Non, vous ne poursuivez pas, il faut vraiment terminer ! (Remarque.)
M. André Pfeffer. S'agissant du chômage, je rappelle qu'en calculant avec les critères BIT ou de l'Union européenne, notre taux de chômage était, avant la crise, de...
Le président. Très bien. Merci, Monsieur le député, c'est terminé. Monsieur le député Florian Gander, vous avez la parole. (Un instant s'écoule.) Monsieur Florian Gander, vous avez la parole !
M. Florian Gander (MCG), député suppléant. Voilà ! Merci, Monsieur le président. Chers collègues, comme cela a été dit, les discussions ont permis d'aboutir à un projet de loi de commission. Cependant, entre le moment du vote de ce projet de loi et la dernière séance, le groupe MCG a obtenu des informations qui ont été dévoilées aujourd'hui dans la presse - c'est pour cela que j'ai déposé un amendement - selon lesquelles les grands commerces - Migros, Coop, Aldi, etc. - se sont engagés à reverser une certaine somme pour participer à la distribution de vivres et à l'aide alimentaire. Le groupe MCG a soutenu ce projet de loi et le soutiendra encore aujourd'hui, parce que notre groupe ne veut pas voir des gens mourir de faim. Mais le MCG ne soutiendra en revanche pas le travail au noir. Là, c'est une situation d'urgence. On ne peut pas voter tout et n'importe quoi pour une urgence. En l'occurrence, là, il s'agit d'aide alimentaire. Pour ces raisons-là, le groupe MCG ne peut que soutenir ce projet, mais évidemment, c'est mettre un pansement sur une jambe de bois, car le problème est toujours là et le sera toujours demain. Il faudra qu'on trouve des solutions pour ces personnes qui se trouvent aujourd'hui en difficulté, mais qui le seront tout autant demain, lorsqu'elles pourront retourner travailler pour des salaires misérables et pour des personnes qui ne les déclarent pas. Ça, c'est le problème qui se cache derrière. Donc aujourd'hui, oui, nous soutiendrons ce projet de loi, mais nous espérons que vous soutiendrez aussi l'amendement que j'ai déposé, qui demande simplement que toute somme qui sera versée par des tiers - donc des dons - soit déduite du montant de ce projet de loi. Pour toutes ces raisons, le MCG vous invite à soutenir le projet de loi et l'amendement. Je vous remercie. (Commentaires.)
Mme Véronique Kämpfen (PLR). La crise sanitaire a révélé au grand public la pauvreté dans laquelle vivent de nombreuses personnes à Genève. C'est une situation indigne, qui doit être combattue rapidement. C'est ce que demande ce projet de loi, qui met en place le versement de 5 millions de francs à la fondation Partage, pour venir immédiatement en aide aux plus démunis. Ce projet de loi reprend l'amendement général qu'avait préparé le PDC pour modifier le projet de loi 12710, qui aurait dû être traité lors de la dernière session, mais qui n'a pas pu l'être, faute de temps. Par conséquent, le PL 12710, qui demandait la création d'un fonds de 4 millions de francs en faveur de l'aide alimentaire et dont le dispositif était beaucoup plus lourd que celui du PL 12725, a été refusé en commission.
La crise du coronavirus a aussi mis en lumière la précarité liée à l'économie au noir. Le travail au noir est un fléau. Nous devrons en faire le bilan pour connaître ses raisons et son ampleur et pouvoir mieux le combattre. Le travail au noir est inacceptable. Il est source d'inégalités, de précarité et de concurrence déloyale. Aujourd'hui, nous vivons une période hors du commun. A situation extraordinaire, mesures extraordinaires. C'est la raison pour laquelle le groupe PLR vous demande de voter en faveur de ce projet de loi, qui donnera dans les meilleurs délais les moyens nécessaires aux associations qui oeuvrent en faveur de l'aide alimentaire aux plus démunis et que je tiens à remercier ici pour leur travail et leur engagement. Dans le futur, il s'agira cependant de combattre les causes de cette situation inacceptable en appliquant avec rigueur la loi contre le travail au noir.
Concernant l'amendement du MCG, bien que comprenant son cheminement intellectuel et les arguments qui ont poussé à son dépôt, le groupe PLR ne le soutiendra pas. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la crise liée au covid-19 n'a pas été sans conséquence pour une grande partie de la population genevoise - la population migrante en particulier, sans statut légal, les personnes n'ayant pas eu accès au chômage, les familles qui ont vu leurs dépenses augmenter, et toutes les personnes vivant dans une situation économique précaire. La Caravane de la solidarité s'est empressée de venir en aide aux personnes les plus démunies par la distribution de colis alimentaires. Un certain nombre d'autres entités, comme les Colis du coeur, la fondation Partage ou encore la Ville de Genève, se sont rapidement greffées au projet. Dans cet élan de solidarité, les particuliers ont aussi participé à cette action, par le biais de dons ou par engagement bénévole.
Au vu de cette situation extraordinaire, il a semblé évident à la commission des affaires sociales d'arriver rapidement à un consensus pour trouver un soutien d'urgence pour toutes ces personnes dans le besoin. L'heure était d'autant plus grave que l'action du canton avait été jusque-là quasiment inexistante, celui-ci mettant carrément des bâtons dans les roues de la Caravane de la solidarité lors de ses premières interventions, ce au nom des restrictions en vigueur en matière de manifestations, dans le cadre précisément de la pandémie de covid-19.
En commission, nous nous sommes rapidement rendu compte que nous pourrions trouver un terrain d'entente autour d'un crédit de fonctionnement unique au titre de subvention cantonale. Ainsi, nous proposons à l'ensemble de ce parlement de voter en faveur d'une somme de 5 millions pour l'année 2020, qui permettra d'assurer une distribution efficiente et suffisante de denrées alimentaires. Pour l'heure, ce projet de loi est nécessaire. A terme, il n'est cependant pas suffisant et il faudra que notre canton prenne des mesures d'aide alimentaire plus durables et, surtout, des mesures pour éviter à tout prix le phénomène des working poors, auquel notre pays n'échappe pas, et faire en sorte que les emplois abusifs qui s'apparentent parfois à des formes contemporaines d'esclavage soient détectés, proscrits et sévèrement punis. Je vous remercie de votre attention et vous invite bien sûr à voter en faveur de ce projet de loi et à refuser l'amendement MCG.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est maintenant à M. le député Thierry Cerutti pour une minute dix.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, afin de faire taire les esprits chagrins, je souhaiterais quand même expliquer que gouverner, c'est bien naturellement prévoir; gouverner, c'est anticiper. Le MCG n'a pas attendu - contrairement à celles et ceux qui sont assis dans cette salle - que des chaînes humaines se faufilent au parking des Vernets un samedi matin pour agir. Je vous rappelle que juste au début du confinement, lorsque celui-ci a été décrété par le Conseil fédéral, le MCG, dans une ville pas commune, qui est Vernier, a lancé l'initiative «caddie des seniors» et s'est organisé justement pour récolter des aliments pour les plus démunis, les gens se trouvant dans des situations de précarité. Etonnamment, Mesdames et Messieurs, vous étiez tous aux abonnés absents lorsque nous avons lancé cette démarche pour aider les plus pauvres d'entre nous ! Donc ne venez pas nous donner ce soir des leçons de générosité, tout en nous pointant du doigt sur l'amendement que nous déposons ! Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à Mme la députée Patricia Bidaux, auteure de ce projet de loi.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Merci, Monsieur le président, de me permettre de compléter ma présentation. Le 26 mai, la commission des affaires sociales, à l'unanimité, s'est engagée dans l'urgence. Sur la base de ce vote unanime, je vous demande de soutenir le projet de loi 12725 qui vous est proposé. La fondation Partage n'est pas une filiale des grands groupes. Il y a d'autres filiales. C'est une banque alimentaire qui récolte des invendus lorsqu'il y en a, qui négocie les prix des denrées qu'elle doit acheter, une banque alimentaire qui est l'objet d'une solidarité à plusieurs niveaux, de la part des citoyens, des entreprises, des agriculteurs du canton, des associations de la ville, et j'en passe.
Et pourtant, c'est une banque alimentaire qui aujourd'hui doit faire face à des dépenses inhabituelles, afin d'offrir l'accès à l'alimentation au plus grand nombre. Notre parlement, en acceptant ce projet de loi, donne un signal fort: manger est un besoin vital, et il n'est pas acceptable que l'Etat soit silencieux sur le sujet.
Le PDC ne soutiendra pas l'amendement proposé par le MCG. Le PDC fait confiance à la fondation Partage, aux valeurs qui en ont fait une banque alimentaire reconnue et au service des plus démunis. Le sens même du mot «partage» appelle d'autres valeurs basées sur un système de confiance. Partager, ce n'est pas abuser, c'est connaître les limites, ses limites et ses responsabilités. Alors, Mesdames et Messieurs, partageons, acceptons ce projet de loi, et refusons l'amendement du MCG ! Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Après une demi-heure de palabres et de contrevérités, et pour que ce parlement se pose sérieusement les bonnes questions, je demande le renvoi de ce projet de loi pour une étude sérieuse à la commission des finances. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le député Alberto Velasco pour une minute cinquante-deux.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Evidemment que nous devons voter ce projet de loi ! Mais on doit quand même relever, Mesdames et Messieurs, que l'image du cabas est assez détestable. Ce sont toujours les mêmes qui doivent aller chercher leur nourriture en cabas. Ce sont toujours les mêmes qui doivent travailler au noir ! C'est là toute l'hypocrisie de notre société, qui admet, pendant des mois et des mois, des années et des années, que des gens travaillent sans papiers, et dans laquelle les mêmes qui emploient ces gens-là, toute l'année, et qui ont des moyens, décident de ne pas les payer, en raison de cette crise. Et la solution, c'est de faire venir des cabas. Je me demande, Monsieur le président, pourquoi ce pays si riche n'aurait pas pu donner à ces familles 200 francs, par exemple. 200 francs ! Pourquoi ? Pourquoi on doit leur dire de venir chercher un cabas ? On verra que ceux qui cherchent ces cabas... Parce que ces cabas sont en plus stigmatisés avec un petit coeur: comme ça, on sait d'où ils viennent ! Ça, Mesdames et Messieurs, oui, c'est un problème ! On doit éviter cela. Chaque individu a le droit de préserver sa dignité, et la dignité, c'est pouvoir acquérir des denrées alimentaires comme tout un chacun, avec le revenu de son travail, avec l'assurance que, s'il n'a pas travaillé, c'est parce qu'il n'a pas pu.
Mesdames et Messieurs, comme nous l'avons dit aujourd'hui, on sait à quoi ces 5 millions seront affectés. Mais je pense que c'est le moment de nous poser la question de la raison pour laquelle ces individus, qui aujourd'hui vont chercher des cabas, se trouvent dans ces situations. Evidemment que nous allons refuser l'amendement du MCG, c'est normal, c'est évident. Mais je pense que ce Grand Conseil doit se pencher là-dessus et éviter une telle misère dans ce canton. Merci. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Un renvoi en commission n'est vraiment pas nécessaire, puisque la discussion a eu lieu avec tous les partis politiques à la commission des affaires sociales. Maintenant, j'aimerais simplement relever que les auditions et discussions que nous avons tenues ont démontré que Partage et d'autres organismes ont été débordés par la demande et que, comme l'a déploré M. Velasco, contrairement à ce qui se fait d'habitude avec des paquets alimentaires distribués de façon très discrète, ils ont été débordés, et on n'a pas vu venir le nombre de personnes venues réclamer 20 francs de produits alimentaires. On voit qu'on ne s'est pas rendu compte - et on va parler de cela probablement dans le cadre du projet de loi qui sera discuté aujourd'hui ou demain sur les 15 millions pour aider les personnes qui ont perdu leur travail - du nombre de gens qui se trouvaient dans une situation difficile à Genève, et c'est quand même sur ce point qu'il faudra réfléchir pour la suite. Il n'est pas normal que nous fonctionnions ainsi avec ces personnes. Nous savions - c'est une politique de navigation par beau temps - que des gens travaillaient au noir, que ces personnes s'occupaient de nos personnes âgées et de nos enfants; c'est maintenant qu'il faudra régler la situation, mais d'abord nous nous trouvons dans l'urgence et nous devons voter ces 5 millions. Je vous remercie.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous avons effectivement une volonté commune et je tiens d'emblée à remercier et à féliciter la commission des affaires sociales pour ses travaux. Il est vrai que quand nous avons travaillé sur ce premier projet de loi, le renvoi en commission a permis à celles et à ceux qui avaient besoin de se convaincre de la nécessité de trouver une solution, face à ces queues immenses qui se formaient chaque samedi, de pouvoir construire et co-construire une solution. Je tiens à le souligner, car trop souvent, on dit que la politique n'est pas capable de trouver des solutions. Le projet de loi unanime de cette commission des affaires sociales, tel que nous le discutons aujourd'hui, permet de le confirmer, et c'est un élément pour moi assez essentiel.
Pourquoi nous trouvons-nous dans une telle situation ? Cela a été évoqué, et je vais m'y arrêter quelques instants. Premièrement, il faut admettre que la crise sanitaire dans laquelle nous nous trouvons encore aujourd'hui a révélé au grand jour les faiblesses de notre système; un système de perte de salaires, où celles et ceux qui ont perdu du jour au lendemain leur revenu ont besoin de trouver des moyens nécessaires aux achats alimentaires, que la banque alimentaire Partage, les Colis du coeur ou les associations pouvaient compléter. Deuxièmement, Partage, qui fonctionne comme une banque alimentaire, a perdu quasiment l'ensemble des dons des invendus des grandes enseignes au moment de la crise. Il a donc fallu trouver, là aussi, des solutions pour permettre à Partage de poursuivre son travail. Troisièmement, les Colis du coeur, dont la moyenne d'âge des bénévoles approche les 70 ans, n'ont plus eu la possibilité d'assurer la distribution de ces colis alimentaires. Si on ajoute à cela le fait qu'avec la fermeture des écoles, les enfants n'ont plus pu bénéficier du - bien souvent - seul repas chaud de la journée servi au restaurant scolaire, il faut admettre que ces éléments ont provoqué, de façon cumulative, une affluence importante le samedi aux Vernets.
Heureusement, la Ville de Genève et la Caravane de la solidarité ainsi que les associations ont trouvé des solutions dans l'urgence. Il faut, Mesdames et Messieurs, travailler désormais sur une autre séquence, à savoir la proposition de décentralisation de la distribution de nourriture, et faire en sorte - c'est votre projet de loi qui le permettra - que la distribution des bons accompagne ensuite un retour plein et entier de la distribution de colis alimentaires.
La réponse de ce projet de loi est une réponse nécessaire, indispensable, essentielle à la dignité de celles et ceux qui ont été et qui seront encore pendant un long moment les plus vulnérables de notre société. La covid nous permet aussi de relever à quel point les élans de solidarité des bénévoles et de celles et ceux qui s'engagent tous les jours - le samedi en particulier - sont à l'ordre du jour. Les 65 lieux de distribution fonctionnant à l'ordinaire sont également tenus majoritairement par des bénévoles et il faut pouvoir, avec votre soutien, les remercier très chaleureusement. Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, n'est pas une réponse aux difficultés et problèmes que vous avez mentionnés. Il permet de retrouver une dignité absolument nécessaire. A défaut, un certain nombre de familles, de femmes, d'hommes, d'enfants, se retrouvent dans une crise alimentaire sérieuse, avec des choix évidemment impossibles à faire.
Vos propos ce soir nous encouragent à engager un débat de fond sur les raisons qui nous poussent aujourd'hui, votre parlement comme le Conseil d'Etat, à appuyer ce projet de loi. Quant à la proposition d'amendement de M. le député Gander, il imagine, suivant une réflexion qu'il avait déjà exprimée en commission, qu'il faut déduire de ce montant tout versement accordé par des tiers; cela veut dire qu'il faudrait déduire les quelque 240 000 francs accordés par les grandes enseignes. Mais cela signifie aussi que les dons de particuliers - car la Journée du partage a été annulée et remplacée par des dons en ligne - devraient également être déduits du montant prévu par le projet de loi. Cela n'est pas acceptable. Nous vous encourageons à faire en sorte que l'unanimité de la commission des affaires sociales puisse, dans votre plénum, pleinement se réaliser pour co-construire une dignité humaine nécessaire à Genève. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis tout d'abord d'une demande de renvoi à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12725 à la commission des finances est rejeté par 82 non contre 7 oui et 1 abstention.
Le président. Nous passons maintenant au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12725 est adopté en premier débat par 84 oui contre 5 non et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Gander à l'article 2. Il s'agit d'introduire un nouvel alinéa:
«Art. 2, al. 2 (nouveau)
2 Tout versement accordé par un tiers doit être déduit de la somme initiale.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 16 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 2 est adopté, de même que les art. 3 à 5.
Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 6 «Clause d'urgence». Selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 6 est adopté par 83 oui contre 7 non et 2 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12725 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 84 oui contre 5 non et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)