République et canton de Genève

Grand Conseil

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RD 1339
Rapport de la commission législative concernant l'application de l'article 113 de la Constitution de la République et canton de Genève à l'épidémie du virus Covid-19 et l'examen des arrêtés du Conseil d'Etat liés à l'état de nécessité
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 11 et 12 mai 2020.
Rapport de majorité de M. Diego Esteban (S)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)
R 916
Proposition de résolution de Mmes et MM. Diego Esteban, Cyril Mizrahi, Pierre Vanek, Céline Zuber-Roy, Danièle Magnin, Edouard Cuendet, Dilara Bayrak, Jean-Marc Guinchard constatant l'état de nécessité en raison de l'épidémie du virus Covid-19 et approuvant les arrêtés du Conseil d'Etat adoptés dans le cadre des circonstances liées au Covid-19
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 11 et 12 mai 2020.

Débat

Le président. Nous passons à notre première urgence, le RD 1339 accompagné de la R 916. Nous sommes en catégorie II, septante minutes. La parole est au rapporteur de majorité, M. Diego Esteban.

M. Diego Esteban (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, lorsque l'on prévoit des outils constitutionnels en cas de catastrophe, on espère ne jamais devoir les utiliser. L'épidémie de covid-19 nous oblige malheureusement à y recourir. L'article 113 de la constitution cantonale étant dépourvu de lois d'application, le Grand Conseil comble ce soir une lacune. Cette disposition prévoit que «le Conseil d'Etat prend les mesures nécessaires pour protéger la population» et «en informe le Grand Conseil». En d'autres termes, le Conseil d'Etat peut intervenir en dehors de la procédure législative ordinaire, lorsque les circonstances l'y obligent, mais doit chercher à préserver l'ordre constitutionnel, autant que possible. Les mesures qu'il adopte doivent viser à protéger la population en raison de la situation extraordinaire et dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.

En premier lieu, le Grand Conseil doit constater la situation extraordinaire. Même tardive, cette constatation a un objectif bien précis, à savoir fixer un cadre temporel aux compétences extraordinaires du Conseil d'Etat. Cela implique que le Grand Conseil constatera également en temps utile la fin de la situation extraordinaire. Au terme de ses travaux, la majorité de la commission a constaté une telle situation extraordinaire en raison de l'épidémie de covid-19.

En second lieu, les mesures prises par le Conseil d'Etat en vertu de la situation extraordinaire doivent être examinées par le Grand Conseil. Il s'agit d'une composante fondamentale de son pouvoir de surveillance. Les mesures du Conseil d'Etat peuvent être approuvées ou rejetées par le biais d'une résolution. Le Grand Conseil n'ayant pas la compétence d'adopter des arrêtés, il ne peut pas les modifier. Il peut, en revanche, sans porter atteinte à la séparation des pouvoirs, adopter des dispositions transitoires par le biais d'un projet de loi ordinaire dans la législation pertinente. Dans ce cas, ces dispositions priment sur les arrêtés du Conseil d'Etat.

La majorité de la commission a approuvé l'entier des 37 arrêtés relevant de l'article 113 de la constitution cantonale adoptés par le Conseil d'Etat entre le 11 mars et le 29 avril 2020, date de la dernière séance de la commission. Cette décision implique à tout le moins une reconnaissance de leur conformité au droit supérieur, qui inclut notamment les principes de la légalité, de la primauté du droit fédéral, de la subsidiarité et de la proportionnalité. Un seul arrêté relevant de la compétence du Grand Conseil a été adopté depuis cette date et il fera l'objet d'un nouveau rapport lors d'une prochaine session, le Bureau ayant renouvelé son mandat auprès de la commission législative.

Pour la majorité de la commission, il est important d'analyser les arrêtés du Conseil d'Etat à la lumière du contexte prévalant au moment de leur adoption. Si plusieurs arrêtés initialement controversés ont finalement été approuvés, c'est en raison des arrêtés postérieurs qui les ont modifiés, dans le sens des critiques émises au sein de la commission. Tel est par exemple le cas du fonctionnement des autorités communales. Ces améliorations sont notamment le fruit du contrôle parlementaire exercé avec diligence par la commission. On est bien loin d'un rétropédalage du Conseil d'Etat, pour reprendre les termes du rapport de minorité.

La commission a constaté que le canton ne disposait parfois d'aucune marge de manoeuvre, ce qui limitait les possibilités du Conseil d'Etat dans certains domaines. Le Conseil fédéral semble en effet vouloir coordonner la gestion de la crise de la manière la plus centralisée possible. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a par exemple dû revenir sur son premier arrêté relatif aux chantiers. Dans d'autres cas, dans des domaines où il paraissait justifié que Genève ne fasse pas cavalier seul, la marge de manoeuvre était plutôt limitée par les décisions d'organes intercantonaux.

La majorité de la commission s'accorde sur le fait que le Conseil d'Etat a agi en préservant l'ordre constitutionnel dans la mesure du possible. Aucun arrêté n'est apparu aux yeux de la commission comme étant manifestement inopportun ou contraire au droit fédéral; si un arrêté avait perdu de sa pertinence avec le temps, il a été modifié ou abrogé.

Pour toutes ces raisons, la majorité vous recommande de prendre acte du RD 1339 et de la R 916. Pour conclure, je tiens à remercier en particulier Mme Tina Rodriguez, secrétaire scientifique du secrétariat général du Grand Conseil, ainsi que M. Fabien Mangilli, directeur des affaires juridiques de la chancellerie d'Etat, pour leur contribution inestimable aux travaux de la commission. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe maintenant la parole à M. le député Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le... (Commentaires.) Le rapporteur de minorité, oui ! Où est-il ?

Le président. Le rapporteur de minorité est-il inscrit ? Il n'a pas demandé la parole. (Commentaires.) Monsieur Pfeffer ? (Remarque.) Je vous passe la parole.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, le RD 1339 relatif à l'application de l'article 113 et la R 916 concernant la gestion de crise et les arrêtés suscitent des interrogations et des problèmes. Le Conseil d'Etat a, d'une manière générale, mal géré cette crise, et beaucoup des arrêtés sont très discutables.

Pour rappel, le mardi 10 mars, la Slovénie et l'Autriche annoncent la fermeture partielle des frontières. Un jour plus tard, une ordonnance fédérale interdit les manifestations de plus de 1000 personnes. Trois jours plus tard, soit le vendredi 13 mars et durant notre dernière séance du Grand Conseil, l'arrêté n° 3 confirme l'ordonnance fédérale sur l'interdiction de manifestations de plus de 100 personnes. Il était inacceptable que, malgré ces mesures imposées, des rassemblements avec des quantités de personnes très largement supérieures aux normes autorisées aient encore eu lieu à l'aéroport. Ces concentrations illégales ont persisté encore plusieurs jours après leur interdiction.

Le Conseil d'Etat a manqué de leadership. Il n'a pas respecté ce qu'il imposait à d'autres - sans oublier la gestion catastrophique de la sécurité, respectivement l'interdiction du port du masque dans les pharmacies, pour les policiers et d'autres collaborateurs. Les conducteurs des TPG n'ont été protégés à l'aide d'une chaînette et de désinfectant que quatre semaines après le début du confinement.

Contrairement au Conseil fédéral qui a réussi à intervenir avec crédibilité et avec une large adhésion de la population, le Conseil d'Etat genevois n'a pas été à la hauteur. Il y a eu plusieurs ratages et des mesures incompréhensibles, notamment les rétropédalages liés à la fermeture des chantiers et des crèches - Genève les avait fermés et rouverts dans la confusion, allant ainsi à l'encontre des exigences fédérales; l'aide de l'Hospice général aux indépendants validée environ deux semaines après son entrée en vigueur; et plusieurs arrêtés confus et contradictoires, dont ceux qui proposaient l'exact contraire s'agissant de la tenue des réunions des Conseils municipaux et des conseils d'administration d'instituts de droit public. Pour montrer le flou et la confusion de ce Conseil d'Etat, je cite la sommation envoyée à la présidente du Conseil municipal de la Ville de Genève le 8 mai 2020: «Le Conseil d'Etat rappelle à la Ville que les séances du Conseil municipal sont en principe interdites, et, pour obtenir une dérogation, il faudrait que les points traités possèdent un intérêt prépondérant autre que celui prévalant pour les objets ordinaires.» Une telle démarche relève d'une véritable bêtise, voire d'une stupidité. Autre exemple: contrairement au Conseil fédéral et aux autres cantons, notre Conseil d'Etat a régulièrement pris des décisions sans visibilité et sans évaluation des coûts. Notre Conseil d'Etat a démontré qu'il n'avait ni de cap ni d'objectif.

Le Conseil fédéral, lui, avait défini avec clarté les bénéficiaires, soit les salariés, les entreprises, les indépendants, les salariés dirigeants et les chômeurs. Surtout, le Conseil fédéral avait délimité le champ de son intervention: il a accordé des fonds non remboursables en lien avec des dommages causés par des interdictions de travail, il a accordé des crédits remboursables pour l'effondrement conjoncturel et il avait, en tout cas dans un premier temps, exclu les aides pour d'éventuels changements d'environnement ou structurels. Un exemple concret: Genève propose une indemnité pour les loyers commerciaux. Cette démarche est évidemment nécessaire et salutaire. Mais concerne-t-elle tous les commerces ? S'agit-il d'un dédommagement pour ceux qui ont dû fermer ou d'une autre aide ? Le critère principal du projet du Conseil d'Etat précise à l'article 3, lettre f: «Sur la base de sa propre évaluation et par déclaration sur son honneur, le locataire est en difficulté financière en raison des conséquences de la crise sanitaire du coronavirus (COVID-19) et n'est pas en mesure de payer le loyer du mois concerné.» Avec une telle approche, il n'existe aucune différence entre un cabinet médical qui a suspendu les actes non urgents et un magasin de souvenirs qui a été obligé de fermer, a perdu toute sa clientèle et aura un avenir très compliqué. Cette approche est superficielle, irresponsable et représente un gaspillage des fonds de nos contribuables.

La large majorité disposée à accepter ces arrêtés est surtout motivée pour des raisons de connivence, de copinage et de protection envers le ou les magistrats de leur parti. Les partis gouvernementaux représentent plus de quatre cinquièmes du Grand Conseil; pour leurs représentants, il est évident qu'une non-validation de ces articles poserait un sérieux problème. Durant tous les débats, les divergences et les désaccords entre les uns et les autres étaient constants, or à la fin, tous les commissaires des partis gouvernementaux ont accepté l'intégralité de ces arrêtés. Ceux-ci ont été acceptés sans réserve et sans discussion. Toutefois, la logique voudrait que le Grand Conseil refuse ce rapport et cette résolution. Merci de votre attention.

M. Pierre Vanek (EAG). J'interviendrai tout à l'heure sur mon amendement concernant la séance du Conseil municipal de la Ville de Genève, où le grief que je formule à l'égard du Conseil d'Etat est de ne pas avoir respecté précisément l'un de ses propres arrêtés.

Mais enfin, sur l'ensemble de cette affaire, on a raison de constater que nous étions dans un état d'impréparation manifeste. Le travail de la commission législative qui a abouti ici est le reflet de cette impréparation, puisque en fait, la commission n'avait aucune espèce de mandat légal - et on pourrait même discuter de la légitimité du fait que le Bureau a mandaté la commission pour lui faire examiner tous ces arrêtés. L'article 113 a été voté par les constituants dans la joie et la bonne humeur, persuadés que jamais on ne serait amené à l'appliquer, et il pose des problèmes d'interprétation. Quant à savoir ce qui se passe quand le Grand Conseil refuse une mesure prise en état de nécessité par le Conseil d'Etat - et il y aurait un chantier législatif à ouvrir pour clarifier les règles du jeu en la matière...

Mais enfin, cette impréparation-là n'était pas très grave. L'impréparation principale porte sur ce que tous nos concitoyens ont pu constater: le déficit de kits de tests qui auraient permis de traquer ce virus au sein de notre population, d'isoler et de confiner de manière ciblée les porteurs de ce virus. On exportait ces tests aux Etats-Unis, on n'en disposait pas ici pour faire front quand l'incendie était en train de s'allumer, et on a attendu en effet un peu tard pour prendre des mesures de confinement, avec les résultats que l'on connaît. Les masques et les solutions hydroalcooliques... J'ai grandi dans un pays qui a investi des milliards dans le béton des abris de protection civile avec des stocks dans tous les ménages, etc., et là... Des masques en papier ! Coûtant dix centimes chacun ! On n'en avait pas assez ! Et puis, on nous a menti - avant, il y avait des stocks à l'hôpital ! On en produisait ici ! Tout cela pour des raisons d'économie ! Le néolibéralisme étant passé par là, on ne les avait plus, alors que c'est une évidence qu'il aurait fallu les mettre à disposition de la population. On a inventé des arguties sur le fait que cela ne servait pas à grand-chose et que c'était plutôt contre-productif, etc. Le gel qu'on nous distribue généreusement aujourd'hui était complètement indisponible durant toute la première période de cette crise, et le seul point dans les arrêtés du Conseil d'Etat qui évoque ce gel, c'est un plafonnement des prix du gel, parce que des entreprises privées en ont fait cadeau aux pharmacies et parce qu'on ne voulait pas qu'il soit possible de spéculer de manière excessive dessus. Mais enfin, la prise en main de la situation consistant à faire produire des masques, à faire produire du gel, à en faire un monopole public, à le distribuer et à avoir une politique de tests, eh bien ça n'existe pas ! Et on ne peut pas désapprouver ou approuver cette absence dans ce qui nous est soumis aujourd'hui.

Ce que le Conseil d'Etat a fait, grosso modo, on peut l'approuver. Il y a simplement un point sur lequel j'interviendrai, c'est la question des chantiers. Il y a eu un rétropédalage, et là, le Conseil d'Etat aurait dû avoir le courage de maintenir sa décision initiale ! Il était sur le terrain, face au Conseil fédéral, il aurait dû dire - et il y avait un accord avec les partenaires sociaux: «On maintient cette interdiction !» Cela aurait été la moindre des choses. Or le Conseil d'Etat a fait marche arrière, puis il a introduit cette autodéclaration pour les maîtres d'ouvrage attestant qu'ils s'engageaient à respecter un certain nombre de mesures sanitaires; et même l'article introduisant cette déclaration qui restait d'ordre symbolique a été supprimé dans un arrêté récent ! Et juste pour vous donner la mesure du type de contrôle que nous exerçons sur ces arrêtés, le représentant du Conseil d'Etat a déclaré à la commission législative, par rapport aux chantiers - je cite le procès-verbal: «La seule chose qui change est la fin du formulaire» - donc de déclaration de réouverture - «en revanche, les mêmes contrôles [...] sont toujours là» ! On nous a dit ça ! Pour ma part, j'ai dit que si rien ne changeait, il faudrait garder l'arrêté antérieur, et en effet, on a supprimé cette déclaration. Or deux jours plus tard, dans la «Tribune de Genève», on apprend que les chantiers ne sont plus sous le régime d'exception, que le bâtiment est sorti de son régime d'exception, que les chantiers peuvent rouvrir sans tutelle particulière et que le dispositif de contrôle qui prévalait jusqu'alors a été levé, comme l'indique la directrice de l'office des autorisations de construire ! Ce qu'on lit dans la «Tribune de Genève» est le contraire de ce que le représentant du Conseil d'Etat a indiqué à la commission législative, probablement de bonne foi. Sur ce point, il y a eu un vote en commission pour condamner la levée de cette disposition minimale et symbolique; nous avons été minorisés, et je crois que notre collègue Cyril Mizrahi, qui a voté avec moi contre la levée de cette disposition, va proposer un amendement pour permettre à ce Grand Conseil de se prononcer sur ce point-là, où manifestement, peut-être sans le vouloir, on a induit la commission législative en erreur. Je reprendrai la parole sur la question de la Ville de Genève et de sa séance tout à l'heure. (Applaudissements.)

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Le PLR constatera évidemment l'état de nécessité qui a justifié le recours à l'article 113 de la constitution. J'entends les critiques qui ont été émises sur le travail du Conseil d'Etat par l'UDC. On est toujours beaucoup plus intelligent après. Je me permets de rappeler qu'ici même, lors de la dernière session, notre parti avait proposé, par une motion d'ordre, que nous arrêtions de siéger pour des extraits et des objets à l'ordre du jour ordinaire et qu'une majorité de ce Grand Conseil n'avait pas jugé utile de lever la séance. Je suis sûre que si nous devions revoter maintenant, nous le ferions différemment. C'est pourquoi il est important de juger les actes du Conseil d'Etat à l'aune des circonstances et des connaissances du moment. Raison pour laquelle, dans l'ensemble, le PLR salue le travail du Conseil d'Etat et des HUG ainsi que de l'ensemble du personnel médical.

Il nous paraît aussi important de saluer l'ensemble des citoyens et citoyennes qui ont permis de traverser cette crise sanitaire qu'on espère être plutôt derrière nous. C'est à tous les niveaux: l'Etat a fonctionné, mais on rappelle que beaucoup de privés étaient également présents pour assurer le suivi. On peut penser aux boulangers, aux agriculteurs, aux caissiers, aux personnes de la voirie. Toutes ces personnes-là ont été indispensables pour permettre à la société de continuer de fonctionner.

Le PLR approuvera les arrêtés du Conseil d'Etat. Nous souhaitons nous exprimer sur quatre points en particulier. Tout d'abord, sur les questions d'ordre médical: nous saluons particulièrement la collaboration très rapidement mise en place entre les HUG et les cliniques privées. Le PLR se bat depuis longtemps au sein de la commission de la santé pour intensifier cette collaboration. On a constaté que, heureusement, elle a été mise en place rapidement, ce qui a permis d'augmenter considérablement les capacités hospitalières et d'éviter la surcharge tant redoutée. A l'inverse, bien entendu, nous devons regretter le manque de matériel que nous avons connu et qui a déjà été évoqué précédemment. Nous pensons cette fois qu'il faut regarder vers l'avenir, analyser quels ont été les problèmes et en tirer les leçons. Il va notamment falloir produire nos équipements - masques, gel, médicaments de base - et donc réorienter certaines chaînes de production.

Nous souhaitons aussi nous intéresser au département de l'instruction publique. Cette crise a clairement confirmé la place prépondérante de l'éducation dans la société, et, pour une très large majorité, nous avons pu compter sur nos enseignants, qui ont fait preuve de souplesse et d'implication pour un passage au numérique et surtout pour un maintien du contact avec les élèves. Toutefois, tout n'est pas rose. On relève des problèmes de communication du DIP, surtout au début - pour les parents, cela a été compliqué - ainsi qu'un manque d'harmonisation globale. Les réussites de l'enseignement en ligne ont été très aléatoires. Nous avons eu des retours très très différents, et là, nous pensons que les directions avaient un rôle à jouer pour assurer un minimum pour chacun; ce rôle n'a pas été tenu.

Nous regrettons aussi, comme nous l'avons relevé en commission, la suppression de toutes les évaluations pour la fin de l'année, alors qu'il restait encore six semaines de cours. En six semaines de cours, nous pensons qu'il est possible de continuer à procéder à des évaluations. Des évaluations ont eu lieu avant le confinement et elles ne sont pas prises en compte. C'est regrettable, car c'est important pour la motivation des élèves. On rappelle quand même que cela couvre une période de près de trois mois à partir de mars sur une année scolaire. Malgré cette suppression de toute évaluation, on remarque que les titres certifiants vont quand même être délivrés - maturité gymnasiale, maturité professionnelle, certificats ECG - comme si de rien n'était, alors qu'on a supprimé toutes ces évaluations. Finalement, nous souhaitons que le DIP profite de ces six semaines de cours - en tout cas pour ce qui est de l'école obligatoire - et des probables quelques semaines qui resteront pour le postobligatoire pour déjà évaluer s'il existe des besoins en rattrapage et essayer de les mettre en place cet été. Il ne faut pas attendre septembre pour regarder où se trouvent ces besoins. L'école en ligne a creusé les inégalités et il ne faut pas attendre pour essayer d'y remédier.

Nous souhaitons aussi nous exprimer sur la question des Conseils municipaux. Je sais que M. Vanek va présenter son amendement plus tard, mais comme ça, nous aurons déjà traité de la question. Nous avons évidemment compris l'interdiction de siéger qui a été faite aux Conseils municipaux en mars. Il est salutaire que le Conseil d'Etat leur ait ensuite, sous conditions, permis de reprendre des séances dès mai. L'arrêté qui a été prononcé est une bonne base de travail. Nous le saluons. Maintenant, nous souhaitons une application raisonnable de la part de toutes les parties de cet arrêté - et par «toutes les parties», on entend les communes: non, nous ne sommes pas convaincus qu'une commune ait besoin de siéger six soirées avec quatre-vingts personnes, en comptant les trajets, au mois de mai. Certes, il faut tenir quelques séances pour pouvoir terminer la législature, traiter les objets urgents, mais ces six soirées sont probablement exagérées. A l'inverse, nous appelons le Conseil d'Etat à faire preuve de respect envers les communes, qui sont une collectivité publique, un organe institutionnel, et qui méritent du respect, de la politesse et un peu de diplomatie dans les échanges. Toutefois, nous pensons que ce n'est pas le rôle du Grand Conseil de vérifier la mise en oeuvre dans le détail des arrêtés du Conseil d'Etat. Pour cette raison, nous ne voterons pas l'amendement de M. Vanek.

J'interviens également sur l'amendement concernant les chantiers présenté par M. Mizrahi pour souligner que nous saluons le travail mis en place par le Conseil d'Etat. Il faut savoir que pendant la crise, sur les 3000 chantiers ordinairement ouverts à Genève, 1000 chantiers ont continué à travailler, et sur ces 1000 chantiers, 300 contrôles ont été effectués. Seuls dix chantiers ont été fermés, ce qui est la preuve que les privés ont bien fait leur travail et ont protégé leurs employés.

Pour ces raisons, le PLR votera la résolution telle que sortie de commission. Les arrêtés ont été corrigés quand cela a été nécessaire, notamment pour mieux respecter les droits fondamentaux des Genevois et des Genevoises. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Je tiens en préambule à saluer la qualité du rapport de majorité qui est entre vos mains et à regretter le côté inutilement agressif, voire injurieux, du rapport de minorité, qui ne reflète pas l'objectivité des procès-verbaux des discussions de la commission législative, qui a examiné en plusieurs séances de vidéoconférence les différents arrêtés adoptés par le Conseil d'Etat.

J'aimerais faire avec vous un peu d'histoire. Sans remonter jusqu'à la peste noire ou à la grippe espagnole, je rappellerai qu'en 1968-1969, nous avons connu une épidémie de grippe, dite de Hong Kong, qui a provoqué en deux mois 35 000 morts en France, 50 000 morts aux Etats-Unis et, à l'issue de l'épidémie, environ 1 million de morts dans le monde entier. A l'époque, les journaux n'ont pratiquement pas parlé de cette épidémie. On se concentrait sur la conquête de la lune, sur la crise du Biafra et sur d'autres aspects de l'actualité, mais en tout cas pas sur cette pandémie. Depuis, le paradigme a changé, parce que notre rapport à la mort a évolué: nous ne la tolérons plus, ou en tout cas moins, nous n'aimons pas l'échec et nous préférons la sécurité, non pas l'incertitude. C'est un nouveau paradigme qui nous a conduits - ou qui a conduit les autorités fédérales et cantonales - à choisir de ne pas surcharger les hôpitaux et de protéger les plus faibles d'entre nous, c'est-à-dire les personnes âgées et très âgées.

Le travail du Conseil fédéral et du Conseil d'Etat, qui s'est fait en concertation avec les cantons, voire avec la France voisine, s'est appuyé sur des avis d'experts. Vous aurez constaté que ces avis d'experts ont évolué, qu'ils ont changé et qu'ils ont parfois été contradictoires. Ce qui m'amène à vous dire que nous nous trouvons là dans le domaine du non-savoir, dans un domaine où l'on apprend chaque jour, parce que, chaque jour, de nouvelles incertitudes apparaissent, de nouvelles dispositions apparaissent. Cela devrait nous inciter à pratiquer deux qualités qui ne le sont pas souvent dans cette enceinte, à savoir l'humilité et la modestie. On peut rappeler aussi les paroles de Blaise Pascal qui disait qu'il y a de la grandeur à reconnaître qu'on est petit, et que la menace peut conduire à trouver de nouvelles ressources.

Il y a eu des couacs, certes. Ils ont été rectifiés, je ne reviendrai pas dessus. Il s'agira de procéder à des évaluations, de voir ce qui n'a pas marché et de faire en sorte qu'à l'avenir, nous soyons prêts à affronter peut-être une deuxième vague, mais en tout cas de façon certaine, une nouvelle pandémie quelle qu'elle soit, d'ici les cinq à dix prochaines années, parce qu'on y reviendra.

Je profite également de saluer le courage des personnes qui ont continué à travailler, de saluer les initiatives publiques et privées qui ont été prises ainsi que l'ensemble des actions des soignants, des forces de sécurité, des caissières, des boulangers, des artisans qui sont restés ouverts, mais également la discipline de la population, dont j'espère qu'elle restera constante à partir d'aujourd'hui afin que nous ne risquions pas de repartir dans une nouvelle flambée qui pourrait être beaucoup plus grave.

Cela m'amène à relever en conclusion que le Conseil d'Etat, en fonction des informations dont il disposait, en tenant compte du fait que son début de législature a été un peu chaotique, a montré qu'il savait gérer une crise, qu'il l'a fait, qu'il a répondu à nos questions, qu'il a abrogé des arrêtés qu'il avait adoptés parce qu'ils n'étaient plus d'actualité, qu'il en a prolongé certains, et je pense qu'on ne peut pas lui adresser les reproches qui lui ont été adressés par le rapporteur de minorité.

Une dernière chose peut-être: le président du Conseil d'Etat, en rappelant ses sources, a parlé d'un marathon. La seule différence, c'est que, lorsqu'on décide de courir un marathon, on connaît le lieu de départ et on connaît le lieu d'arrivée, tandis que dans cette situation, c'est une incertitude générale qui règne, et je tiens à saluer l'esprit et l'efficacité du Conseil d'Etat.

Le groupe démocrate-chrétien vous recommande donc de refuser les deux amendements qui vous sont proposés - dans la mesure où, si l'on veut corriger un rapport divers, il s'agit simplement de remplacer des arrêtés par des projets de lois, or ce n'est pas ce que font les personnes qui proposent ces amendements - de prendre acte du rapport divers avec satisfaction et d'accepter le plus largement possible la résolution qui vous est présentée. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean Rossiaud (Ve). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, un mot sur la forme tout d'abord. Je ne sais pas si vous avez lu ce rapport de commission, mais, même s'il est bien rédigé, ce n'est pas un rapport politique. La politique a disparu dans un langage juridico-administratif et il est impossible de savoir ce que les commissaires et les groupes ont dit de chaque mesure. La richesse du débat a été engloutie par un discours ayant pour objectif de produire un consensus mou, et nous le regrettons - en tout cas, personnellement, je le regrette.

Sur le fond: en premier lieu, c'est l'article 113 de la constitution genevoise - cela a été dit - qui définit l'état de nécessité et qui, dans son alinéa 1, autorise le Conseil d'Etat à «prendre les mesures nécessaires pour protéger la population» et à en «inform[er] le Grand Conseil». Effectivement, c'est ce qu'a fait le Conseil d'Etat. Nous devons le reconnaître. La majorité des Verts pense qu'il a pris des décisions globalement raisonnables, alors qu'il se trouvait, à l'instar du Conseil fédéral, dans une très grande incertitude. Le Conseil d'Etat a fait ce qu'il a pu. La marge de manoeuvre que laissaient les directives fédérales était d'ailleurs assez restreinte.

Passons ensuite à l'alinéa 2 de l'article 113 qui précise que «s'il peut se réunir, le Grand Conseil constate la situation extraordinaire». Or nous n'avons pas pu le faire et nous pouvons le regretter. Certains députés ont immédiatement émis l'avis que nous aurions pu et aurions dû nous réunir plus vite, alors que des grandes salles comme celles-ci ou des auditoires universitaires étaient disponibles, en raison de la cessation des activités liées aux mesures de confinement.

Enfin, l'alinéa 3 précise que «les mesures prises en état de nécessité restent valables lorsque le Grand Conseil les approuve». C'est ce que nous sommes en train de faire, et les Vertes et les Verts prendront acte de ce rapport divers et accepteront cette résolution.

Les travaux de la commission législative ont porté sur l'examen de la conformité des arrêtés du Conseil d'Etat avec le droit supérieur, y compris notamment les principes de la légalité, de la primauté du droit fédéral, de la subsidiarité et de la proportionnalité. La question de savoir si ces examens devaient porter également sur la gestion par le Conseil d'Etat de la situation extraordinaire a été débattue. Elle est restée ouverte, et nous pensons que la commission de contrôle de gestion devrait s'en saisir dans les plus brefs délais. En effet, lors de son audition, le président du Conseil d'Etat, M. Hodgers, a reconnu que la Suisse était mal préparée à un risque de pandémie, bien que le niveau élevé de ce risque fût reconnu de tous. La pandémie était une catastrophe annoncée et les membres de la commission de contrôle de gestion l'avaient relevé pas plus tard qu'il y a quelques mois. Les épidémies comme les autres risques sanitaires et environnementaux ne sont pas pris en compte et encore moins évalués dans la matrice des risques de l'Etat de Genève. Il n'y a donc aucun contrôle interne, à aucun échelon politique ou administratif, s'agissant des procédures à mettre en place ou pour une évaluation des coûts financiers de ces mesures. Le confinement, évidemment, est une de ces mesures.

Devant prendre ces directives sans aucune préparation, le Conseil d'Etat, à l'instar du Conseil fédéral, s'est vu dans l'obligation de laisser les décisions politiques être prises par des experts, qui sont, par définition, incompétents pour traiter des problématiques d'une manière globale, c'est-à-dire hors de leur champ d'expertise. Qui pourrait aujourd'hui reprocher cette attitude au Conseil d'Etat ? Personne. Qui pourrait la reprocher aux experts ? Personne. C'est l'état d'impréparation qui a généré l'incertitude, et c'est ce que devra étudier la commission de contrôle de gestion.

Sur les mesures spécifiques, je ne parlerai ni de la question de l'aéroport, ni du gel hydroalcoolique, ni du manque de masques, ni du manque de tests. Je prendrai simplement deux exemples. Premier exemple: les Vertes et les Verts ont regretté le pas en arrière, le recul qu'a fait le Conseil d'Etat en levant l'obligation pour les maîtres d'ouvrage d'annoncer la reprise des chantiers. Cette obligation permettait d'effectuer le contrôle des mesures sanitaires prises sur les chantiers. Elle était simplement raisonnable. Deuxième exemple: l'interdiction temporaire pour les Conseils municipaux de siéger était une mauvaise idée. Bien que la mesure ait été nécessaire au tout début de la crise, nous avons déploré au cours des débats en commission que le Conseil d'Etat n'ait pas laissé aux autorités communales elles-mêmes la liberté de décider de siéger, si elles avaient la possibilité de mettre en place les mesures nécessaires.

Enfin, nous lisons dans le rapport que le président du Conseil d'Etat Antonio Hodgers a annoncé en commission que la sortie définitive du covid-19 ne se ferait pas sans vaccin généralisé. Or une grande partie des Verts n'est pas favorable aux mesures de vaccination généralisée, et ce type de mesure mérite un large débat démocratique.

Malgré ces préventions, le groupe des Verts, dans sa majorité, décide de prendre acte de ce rapport divers et d'accepter cette résolution. J'aimerais terminer en saluant le civisme de chacun et de chacune d'entre nous, notamment des professionnels qui auront été et sont encore en première ligne. Ils et elles ont déjà été beaucoup applaudis, à juste titre, quotidiennement; ils se reconnaîtront. Je vous remercie.

Mme Danièle Magnin (MCG). J'aimerais pour ma part en premier lieu aborder la question de l'état de nécessité. Il nous a paru que c'était une évidence et qu'il n'y avait pas besoin de revenir sur ce point en particulier. Ensuite, le MCG souhaite adresser ses remerciements au Conseil d'Etat, en particulier à M. Poggia, qui a géré l'aspect santé de cette crise, ainsi qu'à tous les soignants à tous les niveaux, des hôpitaux, des cliniques, aussi bien des privés que des publics, qui ont traité - je sais qu'il y en a eu... Les HUG, les Trois-Chêne, etc., se sont donné énormément de peine, tout comme les pharmaciens, les médecins, les généralistes. Tous se sont donné une peine folle en prenant des risques pour leur propre santé.

S'agissant du rapport proprement dit, j'avoue ma déception personnelle quant à sa rédaction, qui, effectivement, ne permet pas de savoir ce que chacun des membres de la commission législative a pensé. Je voudrais vous signaler seulement trois points particuliers qui ont retenu notre attention, étant donné que, par la suite, certains arrêtés ont annulé des arrêtés antérieurs, ce qui fait que les questions ne se posaient plus et qu'on pouvait les valider de façon générale.

Ce qui nous a posé le plus grand problème, c'est la manière «totalitaire», entre guillemets - ou même sans guillemets - de supprimer les Conseils municipaux. Imaginez un Conseil municipal dans une petite commune qui ne compte que cinq sièges et qui est dotée d'une grande salle communale ou d'une grande salle de mairie: il n'y avait pas de raison sanitaire d'empêcher ces personnes de se réunir. La seule question, c'est de contrôler ce que font les communes. Et il y a bien d'autres Conseils municipaux aux tailles intermédiaires qui pouvaient aussi siéger. Quant au Conseil municipal de la Ville de Genève, dont six séances viennent d'être annulées, il est difficile de se prononcer exactement. Il semble que cela ait été fait à la demande du PLR. Il semble que la salle Obasi n'ait pas été considérée comme adéquate. Je ne sais pas, je ne dispose pas des rapports sur les aspects sanitaires de cette salle; je sais seulement qu'elle comporte 275 sièges et qu'il y a quatre-vingts conseillers municipaux et au moins une dizaine de collaborateurs. Supprimer ces séances paraissait donc dans un premier temps vraiment trop radical. Je crois que M. Vanek va déposer un amendement de sorte que nous pourrons nous prononcer sur ce point-là.

Les chantiers sont aussi une des questions importantes. On peut concevoir qu'il faille aller de l'avant, parce que les entreprises perdent énormément d'argent à ne pas travailler, mais en même temps, il faut que les ouvriers, les intervenants et les manoeuvres soient protégés et que leur vie ne soit pas en danger quand ils viennent travailler pour leur patron.

Maintenant, je voudrais aussi vous parler du DIP. A titre personnel - je suis une mère de famille, j'ai élevé deux enfants et j'ai vécu le cursus de l'enseignement public genevois à travers eux - je ne vois pas pourquoi, s'agissant des élèves ayant eu congé - je ne sais pas exactement durant combien de semaines, mais il me semble durant deux mois - on ne mettrait pas à profit une partie des huit semaines de vacances d'été, qui seront tout simplement la continuation d'une période sans activité «intellectuelle», entre guillemets, pour les enfants. Moi, je n'ai pas compris pourquoi on nous a dit: «C'est comme ça parce que c'est comme ça, parce que c'est difficile à envisager autrement !» A mes yeux, les enfants doivent pouvoir rattraper la scolarité dont ils n'ont pas bénéficié pendant les interruptions dues à l'épidémie de coronavirus. A mon avis, il est vraiment stupide et inutile de dire que des vacances sont programmées ou Dieu sait quoi ! Dans une situation de nécessité et d'exception telle que nous la vivons, selon moi, on doit pouvoir enseigner aussi pendant les semaines d'été. Voilà.

Je voulais aussi signaler qu'en ce qui concerne notre Grand Conseil, il est très facile de siéger en visioconférence - nous l'avons fait. Nous pouvons notamment utiliser un type de logiciel ou un autre sans réserver de salles, sans nous mettre en danger, nous déplacer, voyager, etc. - parce que certains viennent de différents endroits du canton. Il est absolument regrettable de balayer tout simplement, d'un trait de plume, cette possibilité qui est aisée, facile à mettre en place et peu coûteuse. S'agissant de la confidentialité, puisqu'il s'agit un petit peu de confidentialité, je voudrais signaler que tout ce qui est mis sur internet est possiblement lu et que, par ailleurs, la teneur des propos que nous tenons en séance de commission se retrouve dans des procès-verbaux qui sont mis en ligne et ensuite dans des rapports qui les résument et qui sont à la portée de tout le monde, puisqu'ils sont publiés de façon ouverte.

Voilà, j'ai dit l'essentiel, ou presque, parce que, au final, nous ne pouvons tous que déplorer la délocalisation de toutes nos activités. Savez-vous que les gels alcooliques que nous utilisons pour fabriquer ces produits désinfectants viennent d'Argentine ? Pourquoi ? Parce qu'apparemment, la régie fédérale des alcools ne gère plus la quantité d'alcool à disposition dans le pays. Ce n'est bien sûr qu'un tout petit aspect de la question: nous avons délocalisé nos entreprises précieuses, nous avons laissé partir à l'étranger - peu importe où - des entreprises sous diverses menaces et sous diverses pressions. Il faut maintenant que nous pensions à rattraper cela. Ce n'est pas possible de continuer ainsi. Je vous rappelle que pendant la guerre, nos parents sont allés à Genève cultiver les pommes de terre dans nos parcs; qu'aux Bastions, dans le parc Bertrand, partout, on cultivait des pommes de terre ou d'autres denrées dont on avait besoin pour survivre. Maintenant, on se trouve dans une situation où on a laissé partir les produits qui servent à fabriquer nos médicaments et la fabrication des médicaments elle-même; on reçoit des tests dont la validité est mise en cause - je l'ai lu dans plusieurs médias; on reçoit des masques dont la capacité à empêcher la projection de petites gouttes de salive est mise en doute aussi. Donc, s'il vous plaît, n'achetons pas tout en Asie, fabriquons chez nous et vivons avec nos produits ! Merci.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Pour un travail de cette envergure et d'importance, mon groupe trouve vraiment que le rapport de majorité est succinct et largement incomplet. Il donne l'impression que la commission a travaillé dans l'urgence, à la va-vite. Il manque foncièrement de détails. Il aurait mérité que l'ensemble des arrêtés soit mis en annexe pour qu'on sache de quoi on parle, plutôt que d'être noyé dans une multitude d'annexes que personne ne lira. C'est le premier constat.

En lisant ce rapport, on constate encore qu'il est émis beaucoup de regrets. Chacun y va de son petit regret personnel, mais, je suis désolé, il n'y a pas de débat de fond ! Après, on vient nous dire dans la presse que la maturité - du reste, mon collègue Jean Romain a écrit un excellent billet sur le sujet - pose problème. Le Conseil municipal ne peut pas siéger: ça pose un problème. Il y a eu un problème avec les chantiers. Il y a eu des problèmes s'agissant de la gestion de nombreuses entités subventionnées, dont les TPG. Il y en a eu plein d'autres et, finalement, à la lumière de ce rapport, je suis désolé, mais il n'y a rien qui ressort de tout ça ! Ce n'est pas seulement le groupe UDC qui le dit: allez écouter un peu la population, comment elle ressent l'application de tous ces arrêtés ! Visiblement, personne n'a fait l'exercice de se poser cette question, car ce que nous exprimons ici, ce ne sont pas nos craintes personnelles, ce sont les craintes de la population, l'avis de la population, et c'est de ça qu'il est question aujourd'hui - ce qu'exprime très justement le rapporteur de minorité. Ce sont ces avis-là qu'il aurait fallu mettre en avant; il aurait fallu aller vraiment au bout des choses, plutôt que de dire, comme on a pu l'entendre: «Alors moi je regrette que, par rapport à telle ou telle situation... Là, c'est pas normal !» C'est un peu le bal des chialeux, je suis désolé ! Mais à un moment, soit on fait le boulot correctement... (Rire. Commentaires.) ...soit on ne le fait pas et on ne dit rien !

La commission législative avait justement reçu mandat du Bureau d'examiner la portée de l'article 113; c'est ce qu'elle était censée faire. Eh bien, encore une fois, c'est une déception, car oui, elle constate qu'il y a l'état de nécessité, mais il n'y a pas besoin d'être membre de la commission ni même député pour comprendre que, vu la situation, il y a un état de nécessité ! Ça, c'est une évidence pour tout le monde ! Le simple citoyen vous le dira. Mais pour le reste... Je suis désolé, mais vous auriez mieux fait de dire: «On passe à autre chose, on vote, on ferme les yeux sur tout ce qui a été voté et on en reste là !» Finalement, le travail de fond n'a pas été effectué, et c'est pour ça que le groupe UDC refusera de prendre acte de ce rapport et refusera la résolution.

Dernière remarque: proposer maintenant des amendements, alors que tout le monde jusqu'à présent s'est gaussé et s'est félicité du travail accompli... Pour faire quoi ? Juste pour donner une petite tapette au Conseil d'Etat en disant: «Oui, on va quand même désapprouver le fait que les Conseils municipaux ne peuvent pas siéger !» Là, on apprend encore qu'un amendement portant sur les chantiers va être déposé. Ça va changer quoi ? Arrêtez de rigoler ! Si vous vouliez vraiment montrer votre désapprobation, le seul moyen, et vous le savez très bien, c'était de déposer des projets de lois d'abrogation. Voilà, ça, ça a une portée politique ! Ce n'est pas du blabla à la limite du blabla électoral - ce que vous êtes en train de faire ! C'est pour ça, je le répète, que l'UDC refusera de prendre acte de ce rapport et ne votera pas la résolution. Je vous remercie.

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'ai bien écouté ce que nous a dit notre collègue de l'UDC. Mais que propose l'UDC ? Rien. (L'orateur est interpellé.) L'UDC ne propose aucun projet de loi. Elle propose de ne même pas se prononcer en l'occurrence sur cette question cruciale du contrôle des arrêtés du Conseil d'Etat. C'est ça, le refus de la résolution ! C'est juste le néant. Il n'y aura absolument rien comme position du Grand Conseil et celui-ci n'aura pas effectué son travail de contrôle en vertu de l'article 113. Oui, la commission a choisi une autre optique, qui se reflète dans ce rapport, à savoir une optique de soutien critique par rapport à l'action gouvernementale. Parce que, cela a été dit, on est toujours beaucoup plus intelligents après, mais l'urgence exigeait que le Conseil d'Etat agisse par voie d'arrêtés, et l'originalité du système de l'article 113 - qui n'est pas parfait s'agissant de sa rédaction, il faut le reconnaître - c'est quand même de permettre un contrôle, et un contrôle sérieux. Je ne suis pas sûr - on a eu quelques échanges précédemment lors de cette séance avec le président du Conseil d'Etat - que nous pourrons nous passer totalement de l'article 113.

Je dirai quand même un mot par rapport à l'avalanche de projets de lois que nous avons reçus du Conseil d'Etat et des groupes, avec des demandes de discussion immédiate et d'urgence, et que nous avons votés en grand nombre. C'est bel et bon, mais ce n'est pas ainsi que fonctionne un parlement ! Un parlement doit pouvoir se pencher un minimum sérieusement sur des objets, comme nous l'avons fait dans cette commission, ne vous en déplaise, Mesdames et Messieurs de l'UDC ! Ce n'est pas en votant des projets de lois avec des crédits de plusieurs dizaines de millions ou des projets de lois - pour certains - complexes sur le siège que nous exerçons notre compétence de contrôle d'une manière sérieuse. Il y a donc des questions à se poser là-dessus. Il serait davantage souhaitable que le Conseil d'Etat, plutôt que d'amener des projets de lois pour obtenir un complet respect formel de l'ordre constitutionnel, présente ces textes, même si les commissions n'en sont pas encore saisies formellement, sans attendre la plénière, devant les commissions thématiques ! Parce que, finalement, le résultat, c'est qu'en respectant formellement l'ordre constitutionnel avec ces projets de lois votés sur le siège, on arrive à un contrôle bien moindre qu'avec le travail que nous avons effectué dans cette commission législative.

J'en viens maintenant au fond. Pour le groupe socialiste, effectivement, il s'agit d'un soutien de l'action gouvernementale dans une situation très difficile, et nous remercions bien sûr les différents acteurs et actrices qui nous ont permis de traverser en partie cette crise, notamment le gouvernement, mais également tous les travailleurs et travailleuses, qui ont dû continuer leur activité dans le domaine des soins, du nettoyage, de l'alimentation, dans des tas d'autres domaines, pour que notre société puisse continuer à fonctionner durant cette période difficile.

C'est un soutien, mais un soutien également critique de l'action gouvernementale, car le droit d'urgence, Mesdames et Messieurs, pour paraphraser une formule bien connue d'un éminent conseiller fédéral socialiste, doit être aussi respectueux des libertés que possible et aussi protecteur à l'égard de la santé de la population que nécessaire.

Quelques remarques maintenant sur les différentes thématiques, où nous avons pu nous montrer çà et là critiques durant les travaux de commission. Sur la question de l'école, tout d'abord, nous avons été moins critiques que d'autres groupes. Nous avons entendu les critiques formulées notamment par le PLR, mais, en définitive, la solution qu'a choisie la conseillère d'Etat est la solution du moindre mal ! C'est la solution, Mesdames et Messieurs, qui surtout garantit l'égalité de traitement; parce qu'avec la situation de l'école à distance, il n'était pas possible, pour la dernière période de l'année, de garantir cette égalité de traitement, en raison des différences qui peuvent exister dans l'accès à l'enseignement à distance.

Je dirai deux mots également sur les crèches. Nous aurions souhaité une attitude un tout petit peu plus interventionniste de la part du Conseil d'Etat dans ce secteur. Elles ont été fermées, mais, apparemment, certaines crèches, notamment des privées, ont continué de facturer des prestations alors qu'elles ne pouvaient pas être fournies, ce qui est complètement contraire au droit des obligations. Comme l'activité des crèches est quand même une activité soumise à la surveillance de l'Etat, nous nous serions attendus, tout de même, à ce que l'Etat formule des directives un peu plus claires sur ces questions de facturation.

J'en viens maintenant à la question des communes. Là, cela a été dit, le Conseil d'Etat a tardé à réinstaurer la possibilité de siéger des Conseils municipaux, et l'ensemble nous paraît quand même frappé d'une vision quelque peu jacobine et quelque peu péjorative aussi, non seulement du rôle des communes, mais également, à l'intérieur des communes, des Conseils municipaux. Le Conseil d'Etat a, par exemple, bien avant d'assouplir le régime pour les Conseils municipaux, permis aux commissions officielles ainsi qu'aux conseils d'administration des institutions de droit public de procéder par voie de vidéoconférence, sans poser de conditions particulières. Mais, pour les communes, il a jugé bon de mandater l'ACG, qui représente les exécutifs des communes, pour mettre en place un système de vidéoconférence maison, dont en définitive on ne peut vraiment pas être sûr qu'il présente des garanties supérieures quant à la protection des données. Le tout a donc empêché plus longtemps... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) J'en viens à ma conclusion, Monsieur le président. ...les Conseils municipaux de siéger. On leur a dit qu'ils n'avaient même plus besoin de leur fonction d'approbation des comptes, qui est quand même une fonction essentielle du contrôle de l'activité de l'administration municipale.

Et puis, j'en finirai par là, Monsieur le président, si vous me le permettez, s'agissant de la question des chantiers, cela a été dit par mon collègue Vanek, une information contradictoire nous a été donnée...

Le président. Merci...

M. Cyril Mizrahi. Je finis, Monsieur le président. ...raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement, car nous estimons qu'il est important... (Commentaires.) ...de maintenir un contrôle accru sur ces chantiers en période de covid-19, pour protéger la santé des travailleurs et des travailleuses sur ces chantiers. Je vous remercie de votre attention. (Commentaires. Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le député Christo Ivanov pour deux minutes.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Je voulais indiquer à mon préopinant, M. Mizrahi, qui a vraisemblablement des problèmes de lecture, que le groupe UDC a déposé une résolution et deux motions sur le covid-19, dont une demandant la création d'une commission d'enquête parlementaire... (Remarque.) Oui, l'UDC a déposé des textes, mais ce plénum les a refusés. C'est ainsi et c'est la démocratie. Nous nous inclinons, ce n'est pas le problème.

Par conséquent, je m'inscris en faux contre les propos de mon préopinant socialiste, M. Mizrahi, qui a stigmatisé le travail du groupe UDC. En plus des trois textes déposés, notre groupe a déposé quatre questions urgentes écrites en lien avec le covid-19 et ses conséquences. Ainsi, dans un premier temps, le groupe UDC acceptera l'amendement déposé par le groupe Ensemble à Gauche, car il faut reconnaître que les communes ont été méprisées par le Conseil d'Etat, spécialement la Ville de Genève. Je vous remercie, Monsieur le président, j'ai dit.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le député Pierre Vanek, à qui il reste cinquante-trois secondes, le temps de présenter son amendement.

M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Ne pas voter cet amendement serait donner un blanc-seing au Conseil d'Etat quant à une mesure particulièrement - quelqu'un a parlé de totalitaire, ce n'est peut-être pas du totalitarisme, mais enfin - antidémocratique: la suspension pendant tout un mois du Conseil municipal de la Ville de Genève décrétée par la plume d'un conseiller d'Etat, en violation de l'arrêté même du Conseil d'Etat concernant les Conseils municipaux, en posant des exigences d'intérêt... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...public prépondérant spécial qui ne figurent nulle part dans l'arrêté du Conseil d'Etat, en niant le fait qu'il y a un plan sanitaire pour les séances prévues qui a été élaboré - et qui relève d'ailleurs de la responsabilité de l'exécutif municipal... Donc, Mesdames et Messieurs, Stéphane Florey a parlé de tapes sur les doigts du Conseil d'Etat; en effet, si ce Grand Conseil n'est même pas...

Le président. Monsieur le député, il vous faut terminer.

M. Pierre Vanek. ...fichu de taper sur les doigts du Conseil d'Etat, quand il ne respecte pas ses propres arrêtés en la matière, eh bien...

Le président. Merci, Monsieur le député, il vous faut terminer.

M. Pierre Vanek. ...il ne sert à pas grand-chose. Je vous invite donc à voter cet amendement. (Applaudissements.)

Le président. Merci. La parole est maintenant à M. Pierre Eckert pour une minute quarante-trois.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas faire long. Je voulais juste embrayer rapidement sur les propos de mon collègue Guinchard, que je partage totalement, concernant l'humilité dont nous devons faire preuve devant cette situation. Celle-ci a été marquée par une très grande incertitude, et j'aimerais saluer l'ensemble des autorités cantonales et fédérales pour avoir communiqué de façon extrêmement claire sur l'incertitude qui régnait dans cette situation. Cela contraste assez fortement avec les communications que nous avons pu entendre dans des pays voisins de langue française, où on a fait appel à un vocabulaire plutôt militaire. Je salue donc cela.

J'aimerais juste commenter encore rapidement l'amendement proposé par M. Vanek, que nous pourrions soutenir, mais que nous ne soutiendrons pas, parce qu'il est trop orienté sur la Ville de Genève, et je pense que nous devons avoir une considération pour l'ensemble des Conseils municipaux et des communes du canton de Genève. Un certain nombre de Conseils municipaux et de communes a décidé soit de ne pas siéger, soit de mettre à l'ordre du jour, dans une séance, un certain nombre de sujets vraiment importants et urgents. Inscrire six séances à l'ordre du jour du délibératif de la Ville de Genève nous paraît excessif. Nous appelons le service de surveillance des communes ainsi que la Ville de Genève à trouver un accord sur ce point-là et à trouver la possibilité de siéger peut-être une fois pour régler un certain nombre de cas urgents et se dire au revoir, comme c'est le souhait de la présidente.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de minorité, M. André Pfeffer, pour trente secondes.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Evidemment, je me joins aux remerciements adressés à tous les collaborateurs et travailleurs qui sont restés actifs, notamment les soignants. Les HUG et les cliniques privées ont largement réussi à éviter tout débordement et saturation. La capacité des trente places en soins intensifs - avant la crise - a pu être multipliée par trois en un temps record, ce qui est remarquable.

Le président. Vous êtes sur le temps du groupe.

M. André Pfeffer. Mais ici, nous parlons de la gestion de crise et des arrêtés du Conseil d'Etat. Nous parlons d'erreurs du Conseil d'Etat, notamment l'ouverture au-delà de la date autorisée de l'Aéroport international de Genève; nous parlons d'arrêtés du Conseil d'Etat qu'il n'a lui-même pas respectés; nous parlons de mesures contradictoires, par exemple, celles qui concernent l'ouverture ou la fermeture des conseils d'administration des instituts de droit public ou des Conseils municipaux. Pour une même mesure, on a pris des décisions qui sont l'exact contraire. C'est cela que nous dénonçons et c'est là que nous ne comprenons pas qu'il y ait une si grande majorité de ces députés qui - à notre avis, il faut le dire, pour des raisons de connivence et de copinage - défendent les conseillers d'Etat de leur parti. (Vifs commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est pour finir à M. le rapporteur de majorité Diego Esteban. (Un instant s'écoule.) Monsieur Diego Esteban, vous avez la parole !

M. Diego Esteban (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je ne vous cacherai pas ma profonde reconnaissance de voir que ce rapport a été lu de manière aussi attentive. Cependant, vous transmettrez à MM. Rossiaud et Florey que la commission législative a eu le plaisir de travailler de manière consensuelle sur ces arrêtés. Lorsque des points étaient controversés, ils ont fait l'objet de propositions de votes, votes qui sont bel et bien mentionnés dans le rapport. Il n'aura pas échappé à leur vigilance que la controverse apparaît seulement en fin de rapport, plus précisément dans la dernière heure de la dernière séance, ce qui ressort également du rapport. Contrairement à eux, je salue le consensus qui a guidé les travaux de la commission.

Vous rappellerez également à Mme Magnin, Monsieur le président, que le temps pour rédiger ce rapport a été court - une semaine pour être précis - et il méritait mieux qu'un simple copier-coller de procès-verbaux de commission. Une synthèse était indispensable. D'ailleurs, les rapports présentés au sein de l'Assemblée fédérale ne mentionnent pas les groupes politiques des intervenantes et des intervenants, sans que cela pose de problème.

Mesdames et Messieurs les députés, le vote auquel nous allons procéder ne met en rien un terme aux débats autour de la gestion de la crise par le Conseil d'Etat, qui auront lieu au plus tard lors de l'examen du rapport de gestion pour l'année 2020. En revanche, refuser cette résolution, comme le propose le rapporteur de minorité, revient à renoncer au contrôle parlementaire que la constitution nous demande d'exercer sur cette situation. Cela équivaudrait également à nier le caractère extraordinaire de la période que nous vivons, ce qui, vous en conviendrez, est particulièrement absurde.

La majorité de la commission vous enjoint donc de prendre acte du rapport divers et d'adopter la proposition de résolution.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais, au nom du Conseil d'Etat, d'abord remercier la majorité pour son soutien.

Une voix. Tu dois t'asseoir, sinon on ne te voit pas à la télé !

M. Mauro Poggia. Ah, pardon ! (L'orateur s'assied.) Excusez-moi ! J'ai pris de mauvaises habitudes qui pour moi sont des bonnes; c'était par respect pour votre assemblée que je m'étais levé. Je resterai donc assis. Je voudrais remercier, comme je l'ai dit, la majorité pour les propos qu'elle a tenus.

Nous sommes au milieu d'une crise. Nous ne sommes pas à la fin d'une crise. Nous vivons une crise sanitaire, et elle n'est pas terminée. Nous avons connu - et nous nous trouvons en plein dedans - une crise économique qui va encore se poursuivre, et voilà que nous entendons dans cette assemblée des propos qui sont évidemment difficiles à percevoir pour des conseillers et conseillères d'Etat, qui, depuis deux mois et demi, sept jours sur sept, travaillent, sont sur le pont, pour faire en sorte que les conséquences de cette crise soient les moindres possibles. Quand j'entends certains propos, il est vrai que cela me fait mal. Cela me fait mal, non pas vis-à-vis de nous, car en tant que conseillers et conseillères d'Etat, cela fait longtemps que nous n'attendons pas de gratitude de la part du parlement. Nous avons fait notre job, comme on dit vulgairement, et nous continuerons à le faire. Mais cela me fait mal à l'égard de ces citoyennes et citoyens qui nous écoutent et qui peuvent avoir le sentiment que le travail a été mal fait, que leur vie a été mise en danger, alors qu'au contraire, le travail a été mené avec une grande conscience.

Regardez derrière vous: qui, en débouchant le champagne le 1er janvier, aurait imaginé une seconde que nous nous retrouverions là où nous sommes aujourd'hui ? Personne ! Qui aurait pensé, même à mi-février, que nous nous trouverions dans cette situation ? Personne ! Avec une rapidité qui n'a eu d'égale dans aucun autre canton suisse, Genève a réagi et a donné l'exemple. Souvent, elle a été le moteur des décisions prises par le Conseil fédéral, avec des arrêtés que nous avons adoptés et qui n'ont déployé des effets que durant six heures, car immédiatement déjà les discussions qui avaient lieu avec le Conseil fédéral ont amené une approbation et une adhésion aux décisions que nous avions prises. Encore une fois, nous n'attendons aucune gratitude, nous attendons simplement l'objectivité de vos propos et de votre analyse.

Regardons à travers quoi nous sommes passés, mais n'oublions pas que nous sommes encore au centre du problème. Nous le savons, aujourd'hui est le premier jour de ce déconfinement - comme on l'appelle - mais, on le sait bien, un retour en arrière, voire un passage à quelque chose d'encore plus strict que ce que nous avons traversé nous guette à chaque instant. C'est la discipline - ou l'indiscipline, au contraire - de chacun qui fera la différence. On peut évidemment tout imaginer, on peut tout mettre en place, mais si chacune et chacun d'entre nous n'observe pas cette discipline, un retour en arrière peut arriver.

Je n'entrerai pas dans le détail de tous les commentaires que nous avons entendus dans cette salle. Je peux vous dire qu'en ce qui concerne mon département, nous tenons un agenda extrêmement précis de tout ce qui a été effectué. Je pense qu'il faudra qu'un jour soit établi un rapport du Conseil d'Etat sur tout ce qui a été décidé, en le remettant évidemment en perspective des jours, voire de l'heure de la journée à laquelle la décision a été prise. Un travail immense a été réalisé; nous l'avons fait avec conviction et, je pense, avec les résultats que nous souhaitions. Nous avons pu, en l'espace de quinze jours, avec une volonté incroyable de l'ensemble des acteurs de cette belle institution que sont les HUG, transformer les HUG pour qu'ils deviennent exclusivement un hôpital consacré au covid-19. Nous avons créé un seul hôpital sur tout le territoire genevois, avec l'adhésion - et je les remercie ici - de l'ensemble des cliniques privées, qui sont devenues des correspondants directs pour recevoir tous les patients qui n'étaient pas touchés par le coronavirus. Tout ce que nous n'aurions pas été capables de réaliser en plusieurs années, nous l'avons fait en quelques jours, Mesdames et Messieurs les députés. Non pas parce que nous seuls, conseillères et conseillers d'Etat, avions la volonté de le faire, mais parce que nous avons pu obtenir l'adhésion de l'ensemble des acteurs de ce canton.

Nous ne sommes pas hors d'affaire, et c'est vrai que l'on peut formuler certaines critiques - j'en ai entendu concernant l'aéroport. Permettez-moi tout de même d'attirer votre attention sur le fait que l'aéroport ne peut pas être fermé par le canton. C'est la Confédération qui gère les aéroports de ce pays. En revanche, il est vrai qu'à un moment donné, entre ceux qui se sont précipités à l'aéroport pour quitter notre pays ou la France voisine, où ils passaient des vacances d'hiver, et regagner leur domicile, et ceux qui, ne sachant pas dans quelle situation ils arrivaient, voulaient immédiatement repartir après avoir atterri à Genève, il y a eu du désordre. C'est vrai qu'il y a eu à un certain moment du désordre, et cela, nous le reconnaissons volontiers. Mais regardez: le but premier de tout ce qui a été mis en place était d'éviter que nos hôpitaux ne soient mis sous tension, d'éviter d'être placés devant ces choix terribles qu'ont connus les Italiens, où il fallait choisir qui avait le droit de vivre et qui pouvait mourir. Nous n'avons pas eu besoin de faire ces choix, parce que nous avons prévu les structures nécessaires: de trente lits aux soins intensifs, nous avons prévu une capacité allant jusqu'à 110 lits. Nous sommes montés à 65, heureusement pas au-delà, et ce grâce à la discipline mise en place, mais aussi grâce aux messages et aux structures mises sur pied pour rappeler à chacun quelle était la discipline qu'il fallait adopter.

C'est vrai, s'agissant de la solution hydroalcoolique, nous n'avons pas été immédiatement prêts. Je dois dire qu'aujourd'hui encore, j'attends d'Alcosuisse, qui gère l'alcool dans notre pays, qu'il nous livre l'éthanol que nous attendons. Nous avons dû nous fournir en Amérique latine. Vous aurez évidemment le détail de tout cela. C'est vrai que, s'agissant des masques, nous n'avons pas été immédiatement prêts. Mais qui l'a été ? Aujourd'hui, nous sommes le canton suisse qui dispose du plus grand nombre de masques en réserve pour notre population, et dès aujourd'hui, nous avons commencé à les distribuer dans les transports publics. Quel autre canton l'a fait ? Encore une fois, nous n'attendons aucun remerciement, simplement un peu d'objectivité.

Voilà, Mesdames et Messieurs, en quelques mots, ce que j'avais à dire. Je pense que jusqu'ici, nous ne nous en sommes pas trop mal sortis. Regardons autour de nous et reconnaissons que ce qui a été mis en place a été exceptionnel, à la hauteur de la situation exceptionnelle à laquelle nous avons été confrontés. Mais le travail est encore devant nous, et nous dresserons, nous, vous, le bilan du travail qui a été réalisé, lorsqu'il sera l'heure de le faire, parce qu'à cette crise sanitaire succède maintenant une crise économique que nous allons devoir affronter pendant des mois, voire des années. Pour cela, nous devons être unis, et nous ne devons pas véhiculer dans cette enceinte des messages qui laissent penser à notre population que le gouvernement et le parlement ne sont pas ensemble pour lutter contre ce fléau. Merci. (Applaudissements.)

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. C'est plutôt en tant que magistrat chargé du département du territoire que je vais aborder brièvement la question des chantiers. Mes collègues parleront de l'école et des communes; nous allons donc essayer d'être relativement précis pour répondre aux doléances qui ont été exprimées.

Tout d'abord, sur l'accusation de rétropédalage du Conseil d'Etat sur les chantiers, je vous prie d'être précis et de vous référer à la séquence des décisions. Quand le Conseil d'Etat, le 18 mars, prend la décision de fermer les chantiers, sur proposition et sur demande des partenaires sociaux - tant de la FMB que des syndicats du bâtiment - l'ordonnance 2 du Conseil fédéral donnait toute la latitude aux cantons de décider ce qu'il advenait des domaines qui n'étaient pas inclus dans cette ordonnance; or les chantiers, le 18 mars, n'y figuraient pas. C'est donc en toute légalité et en vertu de sa compétence cantonale que le Conseil d'Etat a pris cette décision. Il se trouve que, le 20 mars, soit deux jours plus tard, le Conseil fédéral a décidé d'introduire un article 7d à l'ordonnance 2 stipulant que les chantiers devaient rester ouverts. Par conséquent, s'il y a eu un changement de position, Mesdames et Messieurs, c'est celui du Conseil fédéral. On ne lui en fait pas grief; on sait ce que c'est de gérer une crise et on sait ce qu'est la nécessité de prendre des décisions au quotidien. Mais vous comprenez que suite à cette décision du Conseil fédéral, le Conseil d'Etat n'a pas rétropédalé, il n'a pas changé d'opinion: il s'est simplement conformé à l'autorité supérieure qui avait déclaré la Suisse sous l'empire de la situation extraordinaire, système juridique qui donne tous les pouvoirs au Conseil fédéral.

A ce titre, il est un peu piquant d'entendre dans cette salle, alors que le parlement doit surveiller la légalité et la constitutionnalité des actes du Conseil d'Etat, que certains de ses membres lui reprochent de ne pas s'être opposé au Conseil fédéral et de ne pas avoir créé un désordre institutionnel en pleine crise sanitaire. Car si le Conseil d'Etat n'avait pas ajusté son arrêté au droit supérieur, que se serait-il passé ? Soit les entreprises auraient obéi au Conseil fédéral et on aurait donc - la belle affaire ! - envoyé des policiers genevois contredire les décisions de Berne - vous voyez le risque que représente, en pleine crise sanitaire, de créer une crise institutionnelle majeure ! - soit, si les entreprises avaient effectivement fermé les chantiers, alors que ceux-ci avaient le droit de rester ouverts de par les déclarations du gouvernement suisse, ces entreprises - et le Conseil fédéral avait été très clair - n'auraient pas eu le droit aux RHT, aux indemnisations. Les employés auraient reçu zéro franc ! Les entreprises auraient fait faillite et les gens que vous prétendez défendre se seraient retrouvés dans une situation catastrophique.

Par ailleurs, à ce moment-là, on ne savait pas très bien comment circulait le virus sur les chantiers. Nous avions présumé qu'il était difficile de garder les distances sociales. Nous avons mené des centaines de contrôles - plus de 400 contrôles sur plus de 1000 chantiers ouverts - et nous avons constaté que, dans l'essentiel des cas, les entreprises parvenaient à respecter les normes de distanciation sociale, de mise à disposition de savon, et d'autres normes fixées par l'OFSP et par le SECO au niveau fédéral. Même sur ce point, il y a eu quelques contrevenants; ils ont pu corriger la situation en installant du savon, etc., et l'activité des chantiers a pu se poursuivre.

Et même: si on s'était trompés, on le saurait aujourd'hui ! Si le virus avait circulé de manière massive sur les chantiers, la population ouvrière dans les hôpitaux ou parmi les gens testés positifs serait surreprésentée. Aujourd'hui, on peut le dire, parce qu'on se trouve à plus d'un mois de ces discussions: ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas - ni à Genève ni dans le reste de la Suisse. Il est donc cocasse qu'on reproche encore aujourd'hui, au mois de mai, une décision dont on sait que les effets sanitaires n'ont heureusement pas été négatifs, et alors qu'on sait qu'il n'y a pas eu de surreprésentation des ouvriers et des ouvrières dans les hôpitaux ni même au sein des personnes testées positives et qu'il n'y a finalement pas eu de problématique spécifique, ni à Genève ni dans les autres cantons qui n'ont jamais fermé les chantiers.

Vous voyez donc, c'est peut-être là que se trouve la modestie que certains députés évoquaient: le Conseil d'Etat, comme beaucoup d'entre vous, a pensé que les chantiers étaient un secteur à risque. Aujourd'hui, on le voit, pour autant qu'ils aient respecté les mesures d'hygiène, les chantiers sont viables sans être un secteur à risque. Il faut l'admettre. Le Conseil d'Etat l'a admis sur la base de la constatation sanitaire des faits hospitaliers et aussi sur la base des résultats statistiques. C'est dans ce sens que nous pouvons nous féliciter d'avoir respecté l'ordre fédéral en n'ajoutant pas une crise institutionnelle à la crise sanitaire et à la crise économique que nous vivons aujourd'hui.

Une voix. Bravo !

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, rappelez-vous: jeudi 12 mars, vous êtes à quelques pas d'ici, dans la salle de l'UIT, en session du Grand Conseil. Je suis présente, des sujets concernent mon département en particulier. Je regarde ma messagerie et je découvre par un e-mail provenant d'ailleurs de mon collègue Poggia que vraisemblablement, le Conseil fédéral annoncera le lendemain la fermeture des écoles, mais uniquement du secondaire II. Voilà comment les faits se sont déroulés. Et quand on parle de communication, il faut bien que vous compreniez comment les choses se sont produites, très pratiquement. Le soir ont lieu des discussions entre les cantons romands et latins, ainsi qu'avec le Conseil fédéral, pour décider comment procéder. On nous dit que oui, peut-être, peut-être, éventuellement, les écoles obligatoires seront également concernées, mais que tout cela sera confirmé le vendredi. Le vendredi après-midi, seulement une demi-heure avant sa propre conférence de presse, grâce au communiqué de presse que nous avons reçu sous embargo, nous avons eu la confirmation du Conseil fédéral qu'il fermait l'ensemble des écoles.

C'est ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, que pratiquement l'entier de cette crise a été géré par notre gouvernement. Nous avions très souvent les informations du Conseil fédéral en dernière minute. Au fil des semaines, il y a bien sûr eu un affinage. Il y avait des consultations et des discussions, mais toujours avec des changements de dernière minute. Il est donc difficile - je rebondis sur ce qui a été dit tout à l'heure - d'assurer une bonne communication auprès des parents dans ces conditions-là, quand le Conseil fédéral communique un vendredi après-midi à 15h qu'il va fermer l'ensemble des écoles de ce pays. Comment avons-nous essayé d'anticiper au mieux la situation ? Nous avions fait distribuer à tous les élèves du canton une lettre leur donnant un lien URL sur le site du département où ils auraient des éléments pratiques de réponse. Voilà pour ce qui était de la communication.

S'agissant de l'enseignement en ligne, il est vrai que cela a été difficile à mettre en place et qu'il y a eu de bonnes choses comme de moins bonnes, parce qu'il y a des enseignants probablement meilleurs que d'autres, tout comme il y a des députés plus ou moins bons dans certaines technologies, et effectivement, tout n'a pas été idéal. Mais imaginez qu'en l'espace de quelques jours, il a fallu inventer une autre école: une école sans enseignants et sans élèves en «présentiel», une école à distance. Nous avons fait au mieux, avec l'objectif de garder le lien avec les élèves et d'essayer, autant que faire se peut, de maintenir les acquis.

Il n'a jamais été question, dans un premier temps en tout cas, s'agissant de la possible durée de la suspension de l'école, d'avancer dans l'apprentissage. Très vite, après le début de la crise, nous étions en contact avec l'ensemble des cantons, et la particularité aussi de tout cela, c'est que, même si le domaine scolaire relève en principe de la souveraineté cantonale - quoique, vous le savez, la dimension intercantonale prenne de plus en plus d'importance - nous avons essayé d'harmoniser entre cantons les positions que nous allions adopter. Imaginez si entre Versoix et Coppet - la distance est faible - les décisions avaient été totalement différentes; imaginez que la reprise n'ait pas lieu au même moment, qu'elle ne se passe pas de la même manière, que d'un côté les examens soient maintenus et que de l'autre non. Nous nous sommes donc mis d'accord sur un certain nombre de points, et comme toujours lorsqu'il s'agit de décisions prises entre les cantons, des compromis aboutissent éventuellement à des consensus; chacun doit y mettre du sien - on a essayé de faire au mieux. C'est petit à petit que la majorité des cantons est arrivée à l'idée qu'il ne serait pas possible d'organiser les examens de type maturité, certificats d'ECG, etc. Croyez bien que je le regrette ! Je n'ai d'ailleurs - si vous avez suivi un peu la situation - jamais donné mon point de vue jusqu'au jour où la décision a été prise, parce que, peut-être un peu secrètement, j'espérais qu'on puisse maintenir ces examens. Puis, nous avons reçu des informations un peu en amont de ce qui pourrait se préparer et de ce qui va se préparer pour le 8 juin, concernant la reprise des élèves du secondaire II. Nous savons - en tout cas aujourd'hui - qu'il faudra maintenir la distance sociale entre les élèves. Nous savons qu'il faut éviter qu'il y ait une ruée de personnes dans les transports publics, par exemple. Comment voulez-vous organiser de manière équitable des examens pour environ 2500 élèves - si je prends simplement l'ECG et le collège - qui devraient se croiser en maintenant une distance sociale ? Ce n'était tout simplement pas possible. C'est pour cela que les cantons, dans leur grande majorité, ont choisi de ne pas faire passer ces examens, et ce sera le cas de l'ensemble des cantons romands ainsi que de Berne et du Tessin. Fribourg, qui à un moment donné avait annoncé garder ses examens de maturité, y a renoncé également.

Concernant le rattrapage et la suite, j'aurai l'occasion d'y revenir demain - j'ai vu que vous avez déposé des motions - mais sachez une chose extrêmement importante: il faut que tous les élèves aient la chance de réussir. Leur réussite ne peut passer que par le cadre scolaire. Si vous comptez sur les vacances, cela signifie que vous comptez sur les familles, et ce sera inéquitable. Donc, l'essentiel de l'effort que nous déploierons pour faire rattraper aux élèves ce qu'ils ont manqué se fera dans le cadre scolaire, d'ici la fin juin ou, si cela est nécessaire, par des appuis supplémentaires au mois de septembre. Cela ne signifie pas que les élèves peuvent ne pas travailler du tout pendant l'été; mais si on compte sur le fait qu'on leur donne du travail à effectuer pendant l'été, on sait que ce ne sera pas tout à fait équitable pour tout le monde.

J'ajouterai une dernière remarque concernant les vacances. Vous avez été plusieurs à demander: «Comment se fait-il qu'on ne prolonge pas l'année scolaire ?» Cela a fait l'objet d'une décision très rapidement prise par la CDIP, que nous avons choisi d'appliquer pour une raison bien simple: l'idée était que si on ne termine pas l'année scolaire dans un délai normal, la rentrée devra être décalée, et l'objectif n'est pas de perturber une deuxième année scolaire. On aimerait pouvoir commencer dans de bonnes conditions. L'idée était aussi de permettre aux élèves qui terminent leur formation de s'inscrire dans les hautes écoles ainsi qu'à ceux qui changent d'orientation, ceux qui se redirigent vers un apprentissage, de pouvoir s'inscrire également. Tout cela avait donc pour objectif de faire en sorte, autant que possible, que le système ne soit pas trop désorganisé. Nous avons fait au mieux et je me réjouis de voir qu'aujourd'hui, la rentrée - un peu particulière, à mi-temps pour la plupart des élèves de l'école obligatoire - s'est déroulée dans de bonnes conditions. Apparemment, très peu d'élèves ont été absents, et la rentrée a été tout à fait sereine. Elle présage de quelques semaines positives, pendant lesquelles les élèves pourront réapprendre un certain nombre d'éléments et probablement se mettre à niveau. Pour le reste des détails, vous les aurez certainement à l'occasion de l'examen des motions. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, beaucoup de rappels vous ont été adressés, et je vais me permettre de vous en adresser un pour terminer cette longue mais ô combien importante soirée.

Depuis le début de la crise, les autorités, qu'elles soient communales, cantonales ou fédérales, ne visaient que deux buts: protéger la population et protéger notre système hospitalier. Le point de départ, dès lors que le Conseil fédéral a pris le dessus sur les directives du canton, c'est une ordonnance fédérale. Ce qui me frappe dans vos différents débats, c'est que vous avez, pour la plupart d'entre vous - en tout cas les plus véhéments - oublié de lire cette ordonnance, en particulier son article 7. Que dit-il ? D'abord, l'ordonnance indique qu'il faut diminuer le risque de transmission du virus et lutter contre celui-ci. Pour que les manifestations puissent se tenir - puisqu'elles sont interdites - l'article 7 demande deux conditions cumulatives. La première, c'est qu'il y ait un intérêt public prépondérant. La deuxième, c'est qu'un plan de protection soit adopté par l'organisme et qu'il soit ensuite soumis au service du médecin cantonal. Quand j'entends le rapporteur de minorité nous dire qu'au fond, ce qui compte, c'est l'organisation d'une séance de Conseil municipal avec 270 points à l'ordre du jour, je dois hélas constater qu'il n'existe pas d'analyse de l'intérêt public prépondérant et que le plan de protection n'a pas été soumis au médecin cantonal. Il était nécessaire que nous puissions inviter le Conseil municipal de la Ville de Genève et son Bureau à faire le nécessaire pour respecter cette ordonnance fédérale. Quand j'entends que ce même député UDC veut contester une norme fédérale alors que son parti se veut le chantre de la légalité, j'ai quelques problèmes à suivre la cohérence du discours politique sur cette affaire.

Pour soutenir les communes dans l'exercice plein et entier de leur démocratie, auquel nous tenons toutes et tous beaucoup, le Conseil fédéral a adopté un arrêté le 23 avril, qui fixe les conditions-cadres dans lesquelles peuvent se tenir les Conseils municipaux, et des séances se sont effectivement tenues. Nous avons accompagné cet arrêté - très juridique, j'en conviens - d'une directive de plus d'une vingtaine de pages encadrant l'ensemble du processus de la vidéoconférence, jusqu'à l'adoption des comptes. Tout cela a été envoyé par messagerie, puis par courrier, pour que toutes et tous les membres des communes puissent être informés de l'organisation des Conseils municipaux. Car l'objectif désiré ardemment par le Conseil d'Etat est de faire en sorte qu'en effet nous soyons toutes et tous en capacité de protéger la santé des plus vulnérables. Et si nous revenons à l'exemple de la Ville de Genève, figurez-vous que 25% des conseillères et des conseillers municipaux sont âgés de 65 ans et plus, une catégorie de personnes que le Conseil fédéral a considérée comme étant vulnérable et, partant, à protéger. Depuis, le Conseil d'Etat a reçu une nouvelle proposition d'ordre du jour du Bureau du Conseil municipal, avec une nouvelle date et un ordre du jour resserré, conformément à l'arrêté du Conseil d'Etat. A mon sens, cet ordre du jour est conforme à l'esprit et à la volonté de notre gouvernement. Un plan de protection doit ensuite être soumis au service du médecin cantonal pour qu'à l'instar d'autres communes, cette séance du Conseil municipal puisse se tenir.

J'aimerais rappeler encore que le rôle des communes dans la crise sanitaire que nous avons vécue est à saluer. Beaucoup d'entre vous se sont exprimés sur la tenue des Conseils municipaux. Mais j'aimerais souligner à quel point l'engagement des élus dans les communes a été important, notamment dans la mise en oeuvre du plan de solidarité communal que le Conseil d'Etat a souhaité. Quarante-cinq communes se sont mobilisées pour permettre aux personnes les plus vulnérables et âgées de 65 ans et plus de bénéficier d'un incroyable mouvement de solidarité et de bénévolat, avec des collaboratrices et des collaborateurs pour les courses, pour les rencontres, pour les repas, et tout cela vise à s'assurer une fois encore que nous poursuivons notre but commun, à savoir celui de protéger la santé des plus vulnérables et des personnes les plus âgées.

Mesdames les députées, Messieurs les députés, on a souvent entendu, dans enceinte et ailleurs, parler de crise. Je dois malheureusement vous dire que nous nous trouvons dans des... (L'orateur insiste sur le mot «des».) ...crises: la crise sanitaire certes, la crise économique - M. Poggia en a parlé - et la crise sociale, auxquelles nous devons aujourd'hui faire face, d'une manière importante et urgente, mais surtout de manière durable, si nous ne voulons pas que les failles que cette crise sanitaire a créées soient aujourd'hui si insupportables qu'elles en fissurent notre république. Mesdames et Messieurs les députés, je compte sur vous pour que nous puissions garder une volonté et une énergie fortes dans un large consensus, dans une situation aussi importante et urgente que la nôtre. Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une bonne nuit. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes maintenant en procédure de vote.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1339.

Le président. S'agissant de la R 916, nous sommes saisis de deux amendements que vous avez reçus par messagerie. Le premier amendement, déposé par M. Cyril Mizrahi, modifie le texte comme suit:

«approuve:

les arrêtés du Conseil d'Etat, adoptés entre le 11 mars 2020 et le 29 avril 2020 sur la base de l'article 113, alinéa 1, de la constitution genevoise, à l'exception de l'art. 4 (abrogation) de l'ACE 2293-2020.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 63 non contre 19 oui et 3 abstentions.

Le président. Je vous fais à présent voter sur l'amendement de M. Pierre Vanek qui complète le texte ainsi:

«désapprouve néanmoins:

la mesure du Conseil d'Etat, prise en référence à son arrêté relatif au fonctionnement des autorités communales pendant la durée des mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 24 avril 2020 et communiquée au Conseil municipal de la Ville de Genève le 8 mai 2020 sommant celui-ci d'annuler toutes ses séances entre le 12 et le 28 mai 2020.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 22 oui et 7 abstentions.

Mise aux voix, la résolution 916 est adoptée par 73 oui contre 3 non et 12 abstentions.

Résolution 916