République et canton de Genève

Grand Conseil

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Déclaration du Conseil d'Etat relative au COVID-19

Le président. Je donne la parole à M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président du Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, le coronavirus a changé nos vies: il a changé notre conception de la normalité, il a changé la vie publique, il a changé les relations sociales, il a changé notre façon de nous rencontrer. Il a tout remis en question. En mars dernier, pratiquement du jour au lendemain, les travailleurs ont cessé de se rendre au travail, les écoliers ont cessé d'aller à l'école, les restaurants ont cessé d'accueillir des clients, théâtres et cinémas ont fermé leurs portes, tout s'est arrêté. Plus grave encore, la pandémie a touché les libertés au coeur. Les mesures nécessaires à la lutte contre le virus ont limité certains droits fondamentaux. Sachez que le Conseil d'Etat n'a pris aucune décision le coeur léger. Il a soumis chacun de ses arrêtés à une délicate pesée d'intérêts. Surtout, il a toujours placé la protection de la population genevoise au coeur de ses réflexions et de ses actions.

Mesdames et Messieurs les députés, ces dernières semaines, l'urgence de la situation vous a privés de votre rôle d'acteur de la vie démocratique. Il est important que vous soyez à nouveau réunis aujourd'hui. Cette reprise des travaux du Grand Conseil le 11 mai, date de la deuxième étape du déconfinement national, est très symbolique. Elle est le signe d'un retour à une certaine normalité; je dis bien «certaine», car le chemin à parcourir pour une sortie de crise sanitaire est encore long. Cette crise, seule une union des forces nous permettra de la surmonter. A votre tour, vous devez pouvoir agir dans l'intérêt des citoyens, vous devez également pouvoir interroger les décisions du Conseil d'Etat. Un tel examen est souhaitable: il nous aidera à tirer les enseignements de la crise sanitaire et nous accompagnera dans la gestion de la crise économique qui, elle, ne fait que commencer.

Cette pandémie est source de questions et de défis. De mémoire de fonctionnaire, l'Etat de Genève n'a jamais été confronté à ce type de situation. Il n'y a donc pas de mode d'emploi. Il a fallu décider vite et bien, sachant qu'attendre d'avoir des certitudes ou de pouvoir maîtriser tous les détails était la meilleure manière d'échouer. Bien sûr, le recul encourage à l'autocritique, chacun repère des moments où il aurait pu faire différemment, mais le Conseil d'Etat assume ses choix et ses responsabilités. Dès le départ, il a pris la situation au sérieux, il l'a suivie de près. Puis, il a intensifié son engagement, il a augmenté le rythme de ses décisions. En proclamant la situation extraordinaire, le Conseil fédéral a ensuite pris la main, mais le gouvernement genevois n'a jamais cessé de faire entendre sa voix pour défendre les intérêts locaux, à Berne comme en France, d'ailleurs, et nous poursuivrons dans cette voie.

Je le disais, les défis ne sont plus seulement sanitaires, mais de plus en plus économiques et sociaux. Entrepreneurs, employés, indépendants: plus de la moitié des actifs de notre canton ont subi des pertes financières. Nous sommes à leurs côtés, nous devons être à leurs côtés, la solidarité est de mise. Cette crise interroge ainsi nos priorités: sans doute devons-nous nous diriger vers des modes de vie plus sains, vers un développement plus soutenable, vers une production locale de notre économie qui offre une meilleure résilience, davantage de souveraineté.

Mesdames et Messieurs, où en sommes-nous aujourd'hui ? La levée progressive des mesures constitue un nouveau défi. Nous le savions. Cette levée, ce n'est pas le jour de la libération avec un défilé et des personnes jetant des fleurs depuis les balcons; c'est un déconfinement qui s'opère par étapes, progressivement et difficilement, c'est un équilibre fragile. Il y aura certainement des retours de flamme, il nous faut de la prudence. Nous devons désormais apprendre à vivre avec la covid-19 sur le moyen terme. Puisqu'il s'agit d'un nouveau virus, nous devons accepter les zones d'ombre, nous devons accepter l'incertitude, y compris l'incertitude scientifique. Cela ne doit pas nous empêcher de gouverner, de décider, mais l'incertitude est partie prenante de la gestion de crise.

N'oublions pas que derrière les statistiques, il y a des femmes et des hommes; derrière le nombre de cas dont nous prenons connaissance quotidiennement, il y a des partenaires, des mères, des pères, des grands-parents, des Genevoises et des Genevois qui sont décédés. Nous avons une pensée pour les familles que la pandémie a touchées de près. Ces semaines de confinement ont été éprouvantes pour les personnes âgées, pour les plus vulnérables, pour les parents, pour les élèves, pour les enfants; nous sommes conscients qu'elles ont provoqué un sérieux état de fatigue mentale. A cet égard, la population mérite notre gratitude. C'est grâce à son fort sens civique que nous avons réussi à maîtriser la propagation du virus. Nous remercions en particulier toutes celles et ceux qui sont restés en poste dans les transports, les commerces, l'alimentation, le nettoyage, l'informatique et d'autres services essentiels, ainsi que la presse et les journalistes qui sont restés sur le terrain et qui, partant, ont permis aux autorités locales et nationales de se faire entendre et comprendre par les citoyens.

Et bien sûr, je veux encore souligner le travail si précieux du personnel hospitalier: les médecins et les soignants, celles et ceux qui, en plus d'horaires surchargés et d'une cadence de travail infernale, ont pris les premiers risques pour leur santé personnelle en accueillant les malades de la covid-19 alors que, dans le même temps, l'Italie enterrait une partie du personnel soignant qui avait géré les premiers cas du virus. Souvenez-vous: à cette époque, on ne savait pas comment la maladie allait nous frapper. Il est important de rendre hommage à ces personnes qui ont mis en jeu leur santé, voire - avec le recul, on peut le dire - leur vie. Les politiques ont un rôle fondamental à jouer dans toute société démocratique, mais face à une urgence sanitaire majeure, ce sont les professionnels de la santé qui sont en première ligne.

Mesdames et Messieurs, le Conseil fédéral l'a dit: nous courons un marathon, pas un sprint. Sachons économiser notre souffle, garder le rythme, éviter les dépenses d'énergie inutiles; c'est ainsi que nous parviendrons à la ligne d'arrivée. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)