République et canton de Genève

Grand Conseil

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Présidence de M. François Lefort, président

Discours de M. François Lefort, nouveau président

Le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés,

Monsieur le président du Conseil d'Etat - il s'est excusé, il avait une interview -

Madame et Messieurs les conseillers d'Etat,

Je vous remercie pour la confiance que vous me témoignez en m'élisant à la présidence du Grand Conseil de notre République et canton de Genève, et pour l'honneur que vous me faites ainsi qu'à mon parti. Cet honneur m'engage. Il m'engage à être le président de toutes et de tous. Il m'engage à conduire nos débats avec sérénité et bienveillance. Il m'engage à vous représenter en toutes circonstances en tant que «primus inter pares».

En tant que député, c'est toujours avec émotion que je me rends aux séances du Grand Conseil, montant les ruelles de la Vieille-Ville - que nous retrouverons bientôt - ou maintenant les avenues du quartier des Nations. Avec émotion, parce que je sais que je vais y retrouver les élus de la république, toutes et tous animés de la même flamme, du même engagement au service de la population. Avec émotion, parce que c'est une grande responsabilité que de faire vivre la république dans la diversité de nos opinions. Avec émotion, mais aussi avec affection pour chacune et chacun dans cette salle.

Le discours du président élu est d'ordinaire un moment joyeux où, vous vous en souvenez peut-être, il est fait abondamment état de notre fonctionnement, de ses imperfections, de ce qui devrait être amélioré pour gagner en célérité et en efficacité. Mais mes prédécesseurs omettent le fait que nous sommes aussi très souvent d'accord, favorables ou défavorables à l'unanimité, sur un nombre considérable d'objets politiques qui peuvent représenter des investissements conséquents; nous décidons de leur sort ensemble sans disputes inutiles. C'est un fait que nous devons nous rappeler plus que d'autres alors que sont généralement mis en exergue les débats, conflictuels certaines fois, longs d'autres fois, mais nécessaires tant que la parole demandée est possible. C'est ainsi et ce n'est pas un mal; c'est la fonction normale d'un parlement que de débattre, et je ne vous demanderai pas de changer, parce qu'alors nous ne serions plus un parlement. Ce serait qui plus est réitérer un voeu pieux émis par tous les anciens présidents dont j'ai écouté les discours avant d'écrire celui-ci, et nous connaissons le destin des voeux pieux.

Le discours du président élu est d'ordinaire un moment joyeux, mais il ne peut l'être cette année car nous vivons, nous et notre canton, notre canton et notre pays, un moment étrange qui n'était prévu nulle part: une pandémie dont l'étendue nous a touchés par surprise et a suspendu ou paralysé les activités de pans entiers de notre société - l'éducation, les travaux publics et privés, le commerce, les loisirs - alors que le secteur de la santé était submergé par la crise sanitaire. Cette sidération n'a pas épargné le Grand Conseil, puisque la situation de nécessité a été déclarée par le Conseil d'Etat lors de notre dernière séance, le vendredi 13 mars, et que nous nous réunissons aujourd'hui pour la première fois depuis cette date. Ce genre d'événement est rare et ne trouve pas d'équivalent dans l'histoire récente de la république depuis 1847.

Face à cette situation exceptionnelle, face à la crise majeure que nous traversons, l'exécutif a été exemplaire dans sa conduite de l'Etat: il n'a eu de cesse de guider l'action gouvernementale dans l'unique souci de protéger la population et d'atténuer les effets sociaux et économiques désastreux; il s'est également montré exemplaire dans ses relations avec notre parlement pour garantir la continuité de l'Etat et l'application de mesures urgentes et spéciales. Je remercie donc le Conseil d'Etat pour son action déterminée dans cette situation extraordinaire. Mais je vous remercie aussi toutes et tous, députés de la commission législative, de la commission des finances et de la commission des travaux, qui avez accompagné et appuyé l'autorité du Conseil d'Etat depuis début avril, ainsi que vous, députés des autres commissions qui avez repris vos travaux depuis le 20 avril. Le parlement a toujours été là, mené en votre nom par son président et le Bureau, aux côtés du Conseil d'Etat, dans un esprit de fort soutien aux Genevoises et aux Genevois. Je saisis cette occasion pour remercier notre président sortant Jean-Marie Voumard qui, dans cette période agitée, a conservé son calme. Vous connaissez tous son caractère de Jurassien bernois, et je puis vous assurer qu'il a maintenu le cap du navire «Grand Conseil» sans dévier d'un seul degré.

La pandémie est toujours une réalité; ce virus inconnu il y a quatre mois est encore inconnu aujourd'hui quant à ses conséquences sur la santé à long terme, à sa contagiosité, à sa létalité, à l'immunité qu'il peut conférer ou non. Les scientifiques et les médecins ont beaucoup appris sur cette maladie, mais la lutte est encore incertaine. Quels médicaments, quels vaccins, quelles stratégies développer pour le futur ? Ce que nous savons de Genève, en revanche, particulièrement touché, c'est que le système de santé n'a pas été débordé au pic de la crise sanitaire et que notre canton est donc riche en infrastructures et en personnel pour soigner notre population.

Hier soir à 21h, comme beaucoup de Genevoises et de Genevois, j'ai encore applaudi: j'ai applaudi les soignantes et les soignants de tout ordre, bien sûr, en me rappelant qu'il s'agit majoritairement de soignantes, mais aussi les caissières, les employés des services de voirie, le personnel de police, toutes ces personnes engagées, toujours présentes dans la crise et l'urgence. Elles ont assuré des services essentiels; elles ont eu peur, aussi, et certaines ont été touchées dans leur santé. J'ai applaudi les membres du corps enseignant qui ont gardé tant bien que mal le lien avec leurs élèves, j'ai applaudi les paysans qui ont su faire face et poursuivre leur labeur grâce auquel nous pourrons nous nourrir cet été et à l'automne. Oui, comme tous les soirs, je vous ai applaudis, vous toutes et tous, Genevoises et Genevois, qui avez été solidaires, qui avez observé une discipline garantissant que la santé de tous passe par chacune et chacun. Vous n'avez cédé ni au découragement ni à l'abattement et vous vous êtes montrés patients.

Ce soir, le message du président élu est donc un message optimiste. La pandémie n'est pas terminée, mais le pire est derrière nous. Nous avons réussi le plus dur, alors continuons jusqu'à la disparition de cette maladie, car nous avons collectivement résisté. En tant que parlement, il faut maintenant que nous accompagnions la sortie de crise en votant des dispositions propres à panser les plaies sociétales urgentes, nombreuses, en soutenant les plus faibles et les plus fragiles, car comme notre Constitution fédérale nous le rappelle, la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres.

Ce premier moment passé, nous devons également réfléchir collectivement à ce qui nous est arrivé pour que la prochaine fois, lors de la prochaine crise, notre société soit plus résistante et plus résiliente. En effet, la prochaine fois est déjà là: la crise climatique que nous subissions et subissons encore, elle, ne disparaîtra pas avec le virus. Peut-être en est-elle même à l'origine ! La crise climatique porte en elle d'autres menaces, plus durables, auxquelles nous devons faire face pour le bien-être et la santé de notre population et des générations futures. Voilà donc les enjeux qui nous occuperont cette année, Mesdames et Messieurs les députés; je sais que vous serez assidus au travail pour trouver les meilleures solutions lors des débats sereins à venir, et je vous en remercie. Vive la République ! Vive Genève ! Vive la Suisse ! (Applaudissements.)