République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2079-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour la création de places publiques dans nos quartiers (Fontenette, Tambourine, Grosselin, Tours, Noirettes, PAV)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.
Rapport de majorité de M. Stéphane Florey (UDC)
Rapport de minorité de M. Sylvain Thévoz (S)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons aux pétitions. Un seul texte figure à l'ordre du jour: il s'agit de la P 2079-A dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. Stéphane Florey, rapporteur de majorité.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette pétition demande au Grand Conseil de statuer sur la création de places publiques dans plusieurs quartiers de Carouge: Fontenette, Tambourine, Grosselin, Tours, Noirettes et PAV. Le problème, c'est que ce domaine relève exclusivement de la compétence communale. La majorité de la commission estime que le Grand Conseil n'a pas à intervenir sur cette question, qu'il revient à la Ville de Carouge d'être plus à l'écoute de ses habitants, que ce n'est pas à notre parlement de faire la police en la matière. Contrairement à ce que soutient le rapporteur de minorité, ce n'est pas un mépris du droit démocratique, c'est simplement du bon sens: quand le Grand Conseil n'a pas la compétence d'agir, il ne s'arroge pas un droit supplémentaire.

Laissons les compétences communales là où elles sont. Les municipalités se plaignent déjà assez régulièrement de ne pas en avoir suffisamment, alors si le rapporteur de minorité s'amuse en plus à leur en enlever... S'il y tient absolument, qu'il dépose un projet de loi spécifique là-dessus, mais dans l'intervalle, ne perdons pas de temps avec de telles requêtes. Oui, je l'admets, c'est inscrit dans le rapport de minorité, j'ai dit qu'avec ce type de pétition, on touche le fond, parce qu'on a vraiment perdu trop de temps sur ce sujet. Je vous remercie.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Tout à l'inverse, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité vous invite à soutenir cette pétition, c'est-à-dire à la renvoyer au Conseil d'Etat. Le texte formule une demande très simple: davantage d'espaces publics pour se rencontrer en bas des immeubles, moins de béton. Il s'agit, notamment pour les aînés, de disposer de lieux de rencontre où ils peuvent se réunir.

Le rapporteur de majorité nous dit que ce domaine ne relève pas de la compétence du Grand Conseil, que cela ne concerne que la commune; nous ne sommes pas de cet avis, nous pensons que face au réchauffement climatique... (Exclamations.) ...face au manque d'espaces verts dans les quartiers, cette problématique touche tout le monde et exige une réponse collective, tant aux niveaux communal, cantonal que fédéral. C'est une évidence pour une majorité de la population - malheureusement pas pour celle de la commission des pétitions. Il est pourtant de notre responsabilité de donner un signal politique fort, il appartient évidemment aux députés - c'est bien pour cela qu'ils ont été élus - de porter de telles initiatives.

Ces habitants nous disent tout simplement la chose suivante: «Nous souhaiterions un peu de verdure en bas de chez nous, nous aimerions pouvoir traverser la rue sans être menacés par des voitures. S'il vous plaît, relayez notre pétition, renvoyez-la au Conseil d'Etat !» Il existe de nombreuses arènes où le gouvernement pourra servir de relais - l'Association des communes genevoises, par exemple - et exhorter la Ville de Carouge à prendre en main cette thématique.

Les représentants de la minorité ont été touchés par les personnes qui sont venues témoigner en commission, personnes qui vivent dans des logements étroits, qui manquent de place, qui souffrent de la chaleur en été, qui sont éprouvées par des conditions de vie difficiles. Nous avons aussi été marqués par le phénomène des inégalités territoriales: les plus précaires subissent davantage le réchauffement climatique et l'absence de verdure que d'autres citoyens résidant dans des communes plus prospères, plus vertes, avec plus d'espace. Il s'agit d'une question de justice sociale, il faut relayer cette pétition pour que tout un chacun, où qu'il soit, où qu'il vive dans notre canton, bénéficie du même droit à un environnement sain, dispose de conditions de vie favorisant la santé - c'est tout de même inscrit dans notre constitution.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs, nous vous appelons de tout coeur à soutenir cette pétition, à la renvoyer au Conseil d'Etat afin que celui-ci invite la commune de Carouge à prendre des mesures toutes simples: davantage de végétalisation, moins d'espaces dévolus à la voiture et au béton en bas des barres d'immeubles. Merci. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Cette pétition nous laisse songeurs: elle provient de milieux de gauche et conteste la politique menée par la Ville de Carouge, commune à majorité de gauche tant au Conseil administratif qu'au Conseil municipal. La municipalité a donc mal fait son travail, et on nous dit, à nous: «Vous êtes les méchants de droite qui ne faites pas votre boulot !» - et puis on assimile le MCG au passage, on prétend que nous sommes alliés avec ces gens. Franchement, nous ne savons pas que penser de tout ça !

Bien sûr, sur le fond, nous sommes d'accord avec certaines idées, comme le fait qu'il faut plus de verdure, plus de tables, mais c'est le job de la commune ! Elle a mal fait son travail, et ce serait à nous, élus du canton, de le lui reprocher ? Il faudrait lui dire, à la Ville de Carouge, commune à majorité de gauche: «Vous êtes des incapables !» Est-ce vraiment à nous de lui transmettre ce message ? Je ne sais pas. Comme cette pétition nous a laissés très songeurs, nous nous sommes abstenus en commission et nous poursuivrons dans l'abstention aujourd'hui. Je ne vois pas ce qu'on peut dire d'autre. (Rires. Commentaires.)

Mme Patricia Bidaux (PDC). La demande des pétitionnaires est clairement énoncée... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Patricia Bidaux. ...dans l'intitulé de cette pétition: «pour la création de places publiques dans nos quartiers». Si davantage de vie sociale en plein air pour des personnes de tout âge constitue une évidence, pour la majorité de la commission, il est clair que les plus à même de trouver des lieux favorables à ce genre d'activités, eh bien comme le disent les pétitionnaires, ce sont les quartiers, donc les communes !

Par ailleurs, Carouge, commune faite de places, commune construite avec des cours intérieures, ombragées qui plus est, ne me semble pas offrir des conditions de vie si pénibles que cela. Les raisons pour lesquelles le PDC encourage les pétitionnaires à se référer à leur commune et qui ont été largement évoquées jusqu'à maintenant sont aussi les raisons pour lesquelles le PDC soutiendra le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Pierre Bayenet. (Exclamations.)

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Stéphane Florey. Il est aussi candidat à Carouge ! (Rires.)

M. Pierre Bayenet. Quoi ?

Le président. Un instant, Monsieur Bayenet ! (Commentaires.) Un peu de silence ! Allez-y, Monsieur.

M. Pierre Bayenet. Je vous remercie, Monsieur le président, pour la poigne avec laquelle vous faites régner l'ordre dans cette assemblée !

Pourquoi faut-il soutenir cette pétition, pourquoi faut-il la renvoyer au Conseil d'Etat ? Parce qu'il est faux de prétendre que tout cela est du ressort des communes. Prenons la première invite: les pétitionnaires demandent des places publiques aménagées avec des bancs. Nous savons très bien, Mesdames et Messieurs les députés, que pour créer une place publique, il faut généralement diminuer le nombre de parkings. A Genève, de nombreux espaces sont occupés par des aires de stationnement... (Brouhaha.) ...et pour pouvoir supprimer celles-ci et y installer à la place, comme le souhaitent les pétitionnaires, des bancs, des tables et de vrais arbres apportant ombre et fraîcheur, eh bien on ne peut pas les enterrer, non - si on fait ça, on ne pourra pas planter de vrais arbres en surface - il faut donc réduire petit à petit l'emprise de la voiture sur notre territoire. Or cette démarche, les communes ne peuvent pas l'entreprendre sans un soutien cantonal fort. Il faut que le Conseil d'Etat comprenne que c'est la voie à suivre, c'est ce que réclament les pétitionnaires.

De même en ce qui concerne le réaménagement de l'espace public et la diminution du trafic motorisé: les communes ne peuvent pas agir seules dans ce domaine. Il se trouve que les communes sont en lien direct avec les citoyens... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Un instant, Monsieur Bayenet ! J'aimerais qu'il y ait plus de calme dans cette salle. (Un instant s'écoule.)

M. Pierre Bayenet. Les communes sont en lien direct avec les citoyens, elles sont proches du terrain, proche des quartiers, mais elles ont besoin de l'aide de notre Grand Conseil, elles ont besoin de l'aide du Conseil d'Etat, car il faut de la souplesse, il faut leur accorder la possibilité de prendre des mesures pour diminuer le trafic motorisé. Vous savez que leurs compétences en la matière sont extrêmement restreintes, elles ont besoin de l'aide du Conseil d'Etat, elles ont besoin qu'il prenne connaissance de cette pétition et suive les invites qui y sont mentionnées. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais insister sur le fait que ce que demande cette pétition relève de la compétence communale. On parle ici d'une commune prétendument de gauche, une commune qui s'est lancée dans l'abattage de très nombreux arbres à Pinchat, et vous venez nous dire qu'il revient à l'Etat de régler ce problème ? Vous faites erreur ! Il y en a ici qui se revendiquent de l'héritage des places réalisées en ville de Genève par M. Pagani, des places sur lesquelles il n'y a pas un brin d'herbe ni même un arbre ! C'est quand même assez étonnant. Bien sûr, on peut approuver ce que réclament les pétitionnaires sur le fond, mais il faut laisser la commune réaliser ces aménagements. Profitez-en, ce sont bientôt les élections communales: j'appelle les électeurs carougeois à renverser la majorité de gauche qui coupe les arbres à Carouge ! (Exclamations. Rires.)

Le président. Merci. Je passe la parole à Mme Adrienne Sordet.

Mme Adrienne Sordet (Ve). Merci... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Adrienne Sordet. Merci, Monsieur le président. Certes, la commune de Carouge est concernée en priorité, mais la pétition mentionne aussi les fondations immobilières, dont certaines sont de droit public. Contrairement à ce que dit le rapporteur de majorité, à savoir que le canton va commencer à faire la police, il s'agit plutôt pour l'Etat d'envoyer des impulsions à la Ville de Carouge, impulsions qui seraient bienvenues. On parle ici d'espaces publics, de bancs, d'arbres, de tables, ce ne sont pas des demandes extravagantes, et je pense que ça pourrait nous aider à mener une réflexion globale quant au développement des quartiers.

Le groupe des Verts déplore le manque de travaux sur cette pétition, on aurait par exemple aimé entendre le département de la cohésion sociale à ce sujet. Voilà, les arguments étant relativement clairs, nous voterons contre le dépôt de cette pétition et pour son renvoi au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Le président. Merci bien. Je passe la parole à M. Rémy Pagani pour une minute huit.

Une voix. Tu vois ?

M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, comme j'ai été mis en cause sur la question des arbres et des bancs, j'en profite pour vous signaler que la Ville de Genève a acheté une quantité astronomique de bancs, bancs que les automobilistes s'amusent d'ailleurs à saccager sur le quai des Bergues ! J'invite la population à prendre la mesure des canicules qui sont devant nous; on assiste aujourd'hui au développement d'un phénomène mondial, le coronavirus, mais demain, il y aura un autre phénomène mondial, à savoir la dégradation du climat. A cet égard, les autorités tant fédérales, cantonales que communales doivent déployer des actions, par exemple en aérant la ville, en plantant des arbres, ceci afin que les gens puissent sortir de chez eux dans de bonnes conditions. Et des arbres, Mesdames et Messieurs, on en plante beaucoup en ville de Genève ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. La parole va à M. Daniel Sormanni pour cinquante-deux secondes.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne sais pas si vous y êtes allés, Mesdames et Messieurs, mais moi j'ai passé une bonne demi-journée au quai des Bergues: non seulement il n'y a pas beaucoup de verdure dans cet aménagement - il y en a même zéro - mais en une demi-journée, seules quatre voitures ont passé ! Alors quand on vient prétendre que les véhicules dérangent cette zone de rencontre ou saccagent je ne sais quoi... Une fois de plus, c'est une contrevérité ! Encore une fois, je vous invite à ne pas toucher aux compétences communales, à laisser le travail à ceux qui doivent le faire.

Une voix. Ah, merci !

Une autre voix. Bravo !

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. En conclusion de ce débat, Mesdames et Messieurs, je répète que si vous acceptez cette pétition, vous allez tout simplement enlever quelques prérogatives aux communes. Clairement, la gauche demande d'inverser les rôles: ce ne serait plus aux communes de s'adresser au canton avec des plans d'aménagement et des demandes particulières, mais à l'Etat d'approcher les communes en leur disant: «Vous devez aménager votre place comme ci, vous devez fermer cette rue comme ça, vous devez améliorer la sécurité dans ce sens-là.» Au final, les communes n'auraient plus rien à dire. Ce n'est pas le rôle de notre Grand Conseil ! Je rappelle que la majorité recommande le dépôt pur et simple de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, sachant que ce n'est pas le rôle de notre parlement d'intervenir dans ce domaine. Je vous remercie.

M. Yvan Rochat (Ve). Je voudrais juste réagir à mon éminent préopinant, extrêmement qualifié en matière de compétences communales et cantonales. Soutenir qu'une pétition va enlever des compétences aux communes et les transférer au canton, c'est une vaste rigolade ! Il existe des lois qui fixent les compétences de chacun, tandis que les pétitions permettent de donner une impulsion à ceux qui prennent les décisions, par exemple à l'Etat lorsqu'il élabore des PLQ et omet d'aménager les espaces publics de manière intelligente d'un point de vue environnemental, en oubliant des bancs, en ne végétalisant pas assez... Là, en effet, une pétition est très utile. Dans le cas présent, le texte n'enlève aucune compétence à qui que ce soit, rassurez-vous ! Rassurez-vous, Monsieur Florey, rien de tout ça ! La commune ne sera pas flouée et surtout les habitants se sentiront écoutés, ce que vous ne semblez pas vouloir faire - mais bon, ça va dans la logique des choses ! (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste regrette les positions de la droite coulées dans le béton. On entend M. Florey dire: «Si vous votez cette pétition, vous allez retirer des compétences aux communes», on entend M. Sormanni faire une longue digression sur le quai des Bergues... Ici, on ne parle pas du quai des Bergues, on parle bien de la pétition «pour la création de places publiques dans nos quartiers (Fontenette, Tambourine, Grosselin, Tours, Noirettes, PAV)». Au final, la droite de ce Grand Conseil se défausse avec un «circulez, y a rien à voir». Ce n'est pas la première fois que des habitants viennent nous voir avec des demandes très concrètes - davantage d'espaces verts, davantage de convivialité, davantage de sécurité pour les enfants dans les quartiers - et ces pétitions sont régulièrement balayées.

Je rappelle que la pétition est un droit constitutionnel, précieusement défendu, et que la droite non seulement nie en partie ce droit en ne donnant pas suite aux requêtes, mais refuse aussi des auditions, ce qui est dommage. Nous avions par exemple proposé de recevoir M. Thierry Apothéloz pour les enjeux de cohésion sociale. Les inégalités territoriales ont été analysées dans un rapport, et on sait qu'à Genève, il y a des poches de précarité avec des gens qui vivent dans des conditions diamétralement opposées à celles de zones plus prospères ou de communes où il y a davantage d'espaces verts. C'est le cas ici, on parle de quartiers populaires, de secteurs où il manque de verdure.

Refuser à la fois d'auditionner des gens et de soutenir cette pétition n'a rien à voir avec les compétences communales, cela aura surtout pour effet que les citoyens se sentiront moins soutenus par l'Etat; or c'est le chemin que semble prendre la droite. Nous le regrettons et nous réitérons une dernière fois notre volonté de soutenir ces habitants qui, courageusement, sont venus exposer leur souffrance, leur situation, leurs besoins. Leur répondre «circulez, y a rien à voir», c'est regrettable. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. C'est étrange comme le calme revient soudain ! Je donne à nouveau la parole à M. Florey.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez mes remerciements à M. Rochat pour son intervention. Finalement, si on analyse bien ce qu'il vient de dire, les communes n'ont tout simplement pas besoin de cette pétition pour régler leurs problèmes d'aménagement; on peut donc aisément la déposer sur le bureau du Grand Conseil puisque, selon ses dires, elle ne sert à rien ! Mesdames et Messieurs, merci de suivre la majorité de la commission des pétitions et de voter le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Le président. Merci bien. A présent, je mets aux voix les conclusions de la majorité de la commission des pétitions, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2079 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 47 oui contre 33 non et 2 abstentions.