République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12662
Projet de loi de MM. Yvan Zweifel, Jean-Luc Forni, Christo Ivanov, Sandro Pistis modifiant la loi générale sur les zones de développement (LGZD) (L 1 35)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.

Premier débat

Le président. Nous traitons à présent le projet de loi 12662 en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à l'auteur du texte, M. Yvan Zweifel.

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi fait suite à un débat que nous avons tenu dans cette même salle, il n'y a pas très longtemps - c'était le 17 octobre 2019, il y a quelques mois seulement. Il portait, vous vous en souvenez certainement, sur la LGZD, la loi générale sur les zones de développement, et en particulier son article 4A, qui, pour rappel, définit la proportion des types de logements que l'on peut construire dans les zones de développement.

Nous étions ce jour-là saisis de deux textes. Le premier était le PL 12093 du Conseil d'Etat qui visait à modifier cet article 4A LGZD, donc à modifier cette proportion de logements constructibles en zone de développement. Le deuxième était le PL 12477, signé par plusieurs partis et emmené par le PDC, qui proposait tout simplement de prolonger l'article 4A tel qu'il existait, puisqu'il avait fait la démonstration de son efficacité.

Le parlement s'est prononcé de manière extrêmement claire et démocratique: il a refusé le projet de loi du Conseil d'Etat et a accepté celui du PDC, en prolongeant donc ce qui existait depuis 2006, puisqu'il s'agit du fruit d'un accord politique extrêmement large, l'accord du logement porté à l'époque par le conseiller d'Etat Mark Muller. Le projet accepté a fait l'objet d'un référendum. Il se trouve que, le 26 février, ce référendum a abouti. Or, puisque l'article 4A LGZD, dans sa teneur précédente, avait une date de péremption au 31 juillet 2019, il existait jusqu'au vote un certain vide juridique. Le Conseil d'Etat a donc logiquement appliqué une directive pour combler ce vide juridique.

Mesdames et Messieurs, quelle aurait dû être la logique de cette directive ? Cela aurait été de prolonger ce qui existait depuis dix-sept ans déjà, et surtout de prolonger ce qui finalement avait été accepté par ce parlement. Qu'a fait le conseiller d'Etat Antonio Hodgers ? Il s'est assis sur le vote du parlement ! Il a dansé sur le ventre de notre parlement, en décidant d'une directive qui modifiait cette proportion de logements, mais pas du tout dans le sens de ce qui existait déjà, pas du tout dans le sens de ce que ce parlement avait voté, mais comme il l'entendait, lui, sans écouter ce que voulait la majorité des députés, créant un vide juridique encore plus important, puisque la question se pose: quels sont les promoteurs qui aujourd'hui se lanceraient dans un projet, alors que, précisément, on n'est pas certain de ce qui va se passer, puisque le vote populaire doit encore avoir lieu ?

Mesdames et Messieurs, ce projet de loi demande simplement au Conseil d'Etat d'appliquer ce qui existait déjà et qui a fonctionné et d'appliquer la volonté de ce parlement en maintenant l'article 4A LGZD tel qu'il existait jusque-là. Le premier pouvoir de ce canton, c'est le Grand Conseil, pas le Conseil d'Etat ! M. Hodgers, avec les méthodes qu'il applique, a envie, j'imagine, de revenir à l'époque où le Conseil d'Etat ne s'appelait pas le Conseil d'Etat, mais le Petit Conseil. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi et à inviter le Conseil d'Etat à respecter la volonté de ce parlement. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne reviendrai pas sur les détails, qui ont été très bien expliqués par mon préopinant, ni sur le fait que le parlement, en octobre dernier, au lieu de choisir le projet de loi du Conseil d'Etat, a en effet accepté celui du parlement - proposé par mon éminent collègue M. Cerutti - puisque c'était un bon projet de loi. Il proposait simplement de continuer avec un système de catégorisation de logements qui avait fait ses preuves depuis 2007 et qui avait fait l'objet d'un accord entre toutes les parties prenantes.

Dès lors, ce qui est incompréhensible de la part du Conseil d'Etat dans cette situation où un vide juridique a été créé - puisqu'un référendum a été opposé au projet de loi - c'est, au lieu de continuer avec un système qui fonctionnait et de le prolonger quelques mois jusqu'au référendum, d'avoir fait passer par la petite porte son propre projet de loi, qui avait été refusé par le parlement. C'est cette manière de faire qui n'est pas acceptable. Faire fi de la volonté du Grand Conseil, faire passer un texte sans aucune concertation - qui par ailleurs entraîne une incertitude juridique et cela pour quelques mois, alors qu'il y a un référendum... Non !

Ce que nous vous demandons aujourd'hui, avec ce projet de loi, c'est de revenir à quelque chose de raisonnable. De continuer encore quelques mois, au moins jusqu'au référendum, avec un système qui a fonctionné depuis 2007 et qui pourrait encore se poursuivre quelques mois. Ce serait la voie raisonnable, contrairement à la manière de faire un peu à la hussarde, il faut le dire, du Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, je serais tentée de dire «bis repetita». Une nouvelle fois, le parti socialiste refusera ce projet de loi. Sur le fond, d'abord: effectivement, cela a été rappelé, l'article 4A LGZD est issu d'un consensus, d'un accord, mais celui-ci date de 2007. Or, depuis, on a largement eu le temps de se rendre compte que les modalités de cet accord ne permettaient pas de répondre aux objectifs édictés dans ce même accord, notamment à celui d'arriver à 20% du parc de logements qui soient des logements d'utilité publique. Cette période a également permis d'arriver au constat absolument criant qu'il manque aujourd'hui à Genève un parc locatif pour loger la classe moyenne.

Or aujourd'hui, s'acharner sur cet article 4A LGZD et les ratios de logements - parce que c'est véritablement un acharnement auquel se prête la majorité de droite - alors qu'on a pu faire le constat absolument évident qu'il ne répond ni aux attentes de la population ni à l'intérêt général, ni même aux objectifs de l'accord passé en 2007, c'est soit idiot, soit c'est simplement qu'on se fiche de l'intérêt général, de l'intérêt et des besoins de la population, et qu'on s'attache plutôt à défendre ceux des particuliers, à savoir ceux des promoteurs qui ont tout intérêt à maximiser le nombre de PPE construites, pour des raisons évidentes de maximisation des profits. Il se trouve que j'ai la faiblesse de pencher plutôt pour la deuxième option.

Quant à la forme, Mesdames et Messieurs les députés, certes, le projet de loi qui maintient les catégories de logements de l'article 4A LGZD a été voté par une majorité de la plénière, mais il se trouve qu'il a été contesté par référendum, ce qui est le signe que ce texte n'est pas accepté par tous et qu'il existe une contestation. C'est un projet que la droite a décidé de faire passer en force, sans concertation, sans recherche de consensus. Vous connaissez les règles et vous vous êtes sciemment exposés au risque de référendum. Le référendum entraîne le gel de cette disposition jusqu'au vote populaire.

De plus, le projet de loi, tel qu'il est présenté ce soir, est un double déni démocratique: admettons que le référendum aboutisse, et donc que la population ne veuille pas des catégories de logements prévues dans l'ancien article 4A. Qu'est-ce que cela signifie ? Avec ce projet de loi, ces catégories demeureraient, c'est donc un déni démocratique, un déni du choix populaire, tout comme l'est la décision de soumettre cette loi à une clause d'urgence. C'est simplement une injure à la démocratie, c'est fouler aux pieds les droits populaires ! Il s'agit d'une mesure qui doit être absolument exceptionnelle. En l'occurrence, nous ne nous trouvons pas dans cette configuration et nous refuserons tant ce projet de loi que la clause d'urgence. Je vous remercie. (Brouhaha.)

M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a indiqué ma préopinante, ce projet de loi est la suite d'un bras de fer engagé par la droite en juin 2019 sur l'article 4A LGZD, celui qui détermine la répartition de logements dans les nouveaux quartiers, à savoir la part de PPE, de loyers libres et de logements subventionnés. Nous n'en serions pas là si les partenaires historiques de l'accord du logement avaient réussi à discuter de façon sereine à partir de la proposition du Conseil d'Etat, le PL 12093.

En 2007, notre Grand Conseil a adopté par un large consensus la loi sur les logements d'utilité publique, qui donne à l'Etat des outils et des moyens pour soutenir le développement de logements abordables, avec un objectif de 20% du parc de logements du canton. Que s'est-il passé depuis 2007 ? La pénurie de logements a-t-elle disparu ? Non: nous sommes à 0,54% de taux de vacance. Les loyers ont-ils baissé ? Non: les augmentations de loyer en cas de changement de locataires sont en moyenne de 10% depuis dix ans. Avons-nous atteint nos objectifs de LUP ? Non: la part de LUP est péniblement passée de 8,5% en 2007 à 10,6% en 2018.

Pour toutes ces raisons, les catégories de logements dans les nouveaux quartiers doivent être adaptées pour mieux correspondre aux catégories socio-économiques du canton. La loi actuelle doit donc être adaptée pour aller dans ce sens; cet avis se perçoit régulièrement dans les urnes. En effet, la population genevoise vient de fournir un signal très clair: à Genève, 60% de la population s'est prononcée en faveur de l'initiative «Pour des logements abordables», qui visait justement à soutenir des logements d'utilité publique et les coopératives. J'appelle donc la majorité de droite de ce soir à s'ouvrir à une négociation sur les catégories de logements en zone de développement, à revenir à la table des négociations entamées en 2018 et à écouter les demandes récurrentes de la population pour plus de logements locatifs abordables et notamment pour plus de coopératives d'habitation. L'entêtement de la droite pour le maintien du statu quo est regrettable. La population aura le dernier mot sur ce dossier, puisque nous voterons dans le courant de l'année 2020 sur le référendum de la gauche contre la loi 12477. Elle confirmera certainement, comme elle l'a fait pour le PAV par 61% de oui, que la politique de soutien aux logements abordables du canton est la bonne. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je vais essayer de vous expliquer pourquoi les députés PLR sont au mieux amnésiques, au pire complètement malhonnêtes. Je suis très surpris de découvrir ce projet de loi, puisque, comme cela a été dit, nous avons débattu pendant trois ans d'articles de lois qui prévoyaient ou contestaient une nouvelle répartition des types de construction dans les zones de développement. J'étais effectivement du côté de ceux qui pensent qu'il faut loger toutes les catégories de personnes, y compris les plus pauvres. Le PLR a continué à défendre, comme à son habitude, les plus riches, les promoteurs et les spéculateurs. (Commentaires.) Il n'y a pas de nouvelle jusque-là !

Mais, dans le cadre des travaux de commission, un député PLR a dit: «Attention, on prend trop de temps ! Il faut absolument clarifier le cadre légal, au cas où nous n'aurions plus de loi à un moment donné !» Sur demande du PLR toujours, M. le conseiller d'Etat est venu nous dire, très objectivement, que s'il n'y avait plus de cadre légal à un moment donné, il appliquerait telle directive. Toute la commission l'a entendu, toute la commission a été d'accord avec cela. On a joué le jeu. Puis, le 17 octobre, la droite est évidemment passée en force avec son projet pour maintenir les privilèges de ses petits amis, et nous l'avons combattu en référendum. Comme d'habitude, nous avons réussi à faire aboutir ce référendum et, comme d'habitude, nous allons les battre dans les urnes. Mais non, eux reviennent avec une loi pour prolonger quelque chose alors qu'ils avaient accepté autre chose en commission.

Donc, en plus de protéger les riches, ces messieurs piétinent leurs propres paroles, méprisent le travail de la commission, méprisent le travail du conseiller d'Etat - et ce n'est pas souvent que je dis ça ! - et snobent le vote populaire. Pour toutes ces raisons, je vous prie de refuser ce projet de loi. Merci.

M. André Pfeffer (UDC). Une fois de plus, le Conseil d'Etat applique un règlement administratif qui n'est pas conforme à un vote du Grand Conseil. Certes, le projet de loi voté par le Grand Conseil fait l'objet d'un référendum, mais cette pratique administrative ne respecte ni ce vote législatif ni la loi en vigueur depuis 2007 qui avait obtenu un large consensus politique.

Ce n'est pas la première fois que notre Conseil d'Etat agit de la sorte. Le Grand Conseil avait voté le déplafonnement du prix pour les vendeurs de villas en zone de développement, cette décision n'a pas été appliquée par le Conseil d'Etat. Le Grand Conseil avait voté un développement partiel du projet des Corbillettes; le vote du Grand Conseil demandait le maintien d'une partie de la zone villas et que le solde soit développé en zone ordinaire, le Conseil d'Etat n'a pas non plus respecté ce vote. Il y a également eu plusieurs passages en force par le Conseil d'Etat pour des PLQ auxquels l'unanimité du Conseil municipal était opposée. Le récent moratoire en zones villas appliqué d'une manière arbitraire n'arrange rien à ce grand flou.

Cette pratique arbitraire de notre Conseil d'Etat aboutit à une insécurité et une instabilité juridiques. Elle démontre un manque de maîtrise des dossiers et, surtout, une incompétence qui favorise et multiplie les blocages de nos projets de construction. Pour ces raisons, le groupe UDC soutiendra ce projet de loi. Merci de votre attention.

M. Cyril Aellen (PLR). A la question de savoir si le Conseil d'Etat était habilité à édicter la directive qu'il a prononcée, il doit être répondu oui. Pourquoi ? Parce que, de par la loi, un texte aujourd'hui en vigueur a cessé d'être applicable le 31 juillet 2019. Il y avait eu un engagement, à savoir d'abord que le Grand Conseil effectue ses travaux d'ici la fin du printemps 2019, et ensuite qu'il y ait un vote en automne. Le parlement a tenu parole; la commission du logement s'est prononcée avant le 30 juin et le parlement s'est prononcé au début de l'automne. La première décision du parlement a été de prolonger l'article 4A LGZD. La deuxième décision a été de refuser la politique des trois tiers, qui fait l'objet aujourd'hui de la directive. Il est vrai que ce projet des trois tiers présentait aussi une autre problématique, les MOUP. Un référendum a été déposé contre un des deux projets de lois - pas sur celui des trois tiers. Personne, au sein de la population, n'a souhaité remettre en cause ce refus. En revanche, il a été décidé de combattre l'article 4A LGZD dans sa version actuelle.

Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que, si le peuple approuve les référendaires et que l'article 4A est abrogé, le Conseil d'Etat aura les pleins pouvoirs d'édicter, sauf loi nouvelle, une directive, pour faire ce qu'il souhaite. Mais, à défaut, il aura l'obligation d'appliquer l'article 4A LGZD. Donc, aujourd'hui, ce qu'il faut dire, c'est que, en procédant par directive à un changement, premièrement, le Conseil d'Etat revient lui-même sur un accord qui a été passé et qui n'a pas été modifié par les signataires de ce même accord. Deuxièmement, le Conseil d'Etat crée une insécurité juridique, parce qu'il part d'un côté sans savoir si on partira de l'autre, alors qu'on pourrait imaginer qu'il attende avant d'appliquer la directive qu'il a édictée et qu'il pourrait appliquer en cas de victoire des référendaires.

Alors, Mesdames et Messieurs, procéder ainsi, c'est mépriser ce qu'a fait le parlement, c'est s'impatienter, créer de l'insécurité juridique et vouloir imposer sa politique au contraire de la décision du Grand Conseil, et ce sans attendre l'expression de la volonté du peuple. Cette manière de faire n'est pas du tout conforme à nos institutions. C'est la raison pour laquelle nous sommes contraints de déposer et de voter ce projet de loi.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, l'historique qui a été dressé, notamment par le député Zweifel, doit être complet: en 2007, ce parlement adoptait une loi issue des accords sur le logement, qui avait pour échéance le 31 juillet 2017. En 2015 déjà, le Conseil d'Etat procédait, ainsi qu'il le devait, à une analyse, une évaluation des effets produits par cette loi. Qu'en était-il ? La classe moyenne, qui représente plus de 50% de la population, n'a été servie que par 17% des logements. Les logements LUP se concentrent essentiellement dans les quartiers périphériques, reproduisant ainsi les cités-satellites construites dans les années 1960 et 1970 et qu'on ne veut aujourd'hui plus créer, la concentration de logements sociaux étant trop importante. Suite à ce constat résultant d'une analyse profonde et basée sur des statistiques formelles, le Conseil d'Etat a déposé une proposition en 2017, celle dite des trois tiers: un tiers de LUP, un tiers de locatif non subventionné, un tiers de PPE. Le parlement aurait pu refuser les trois tiers et, avant l'échéance de 2017, confirmer l'article 4A actuel - le 4A de la droite, pour le dire simplement. Il ne l'a pas fait. Il a prolongé cet article de deux ans en disant: «Reportons ce délai au 31 juillet 2019 !» Pendant ces deux ans, la majorité aurait pu refuser le projet de loi des trois tiers et voter un nouvel article 4A dans les délais, avant l'expiration de cet article. Il ne l'a pas fait. (Brouhaha.)

Quel a été mon engagement auprès de la commission ? Ceci figure noir sur blanc dans les procès-verbaux: cela a été de dire que, étant donné que la commission terminait ses travaux au mois de juin - c'est-à-dire un mois avant l'expiration de cet article de loi - si un projet de loi était en vigueur d'ici la fin de l'année, je m'en tiendrais, jusqu'à la fin de l'année, par la voie de la pratique administrative, à la loi actuelle. La droite a fait le choix de ne pas chercher de compromis. Elle a fait le choix de passer en force et de susciter un référendum. Cela a eu pour conséquence que nous nous sommes retrouvés au début de l'année avec un référendum ayant abouti et, par conséquent, plus d'article 4A applicable. Ce qui fait que le département a simplement concrétisé ce qu'il avait dit en commission, à savoir qu'à défaut d'une loi en vigueur au 31 décembre 2019, il appliquerait, par pratique administrative, la politique dite des trois tiers. Voilà ce qui s'est passé.

Ce que dit M. Aellen est juste, à savoir qu'on verra ce que dira le peuple au mois de septembre sur cette question. Mais le problème du projet de loi déposé ce soir, Mesdames et Messieurs, et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat, c'est que, s'il est adopté tel qu'il est rédigé, stipulant que l'article 4A existant - celui qui s'est éteint en 2019 - est appliqué tant qu'il n'existe pas de nouvelle loi, vous êtes en train de dire au peuple que s'il refuse la loi proposée par la droite, qui contient le même article 4A, cet article s'appliquera quand même. C'est ça que dit votre loi ! C'est que l'article 4A s'appliquera même si le peuple le refuse ! Comment voulez-vous expliquer à la population qu'elle a le choix, alors qu'une majorité vient modifier un article qui est d'ores et déjà dans le chemin d'une votation populaire, pour soustraire au peuple son libre choix en matière de politique de distribution des logements ?

Ainsi, ce qu'a expliqué M. Aellen est factuellement faux: si cette loi est adoptée ce soir et que le peuple refuse la loi que le parlement a votée il y a quelques mois, c'est-à-dire la même loi, cet article-là que vous voterez ce soir s'appliquera et dira, nonobstant le vote du peuple: «C'est quand même notre article...» - celui de la droite, celui des milieux immobiliers, soyons clairs ! - «...qui sera appliqué.» Cet article représente donc un déni démocratique pur et simple ! (Brouhaha.)

Mesdames et Messieurs, le parlement dispose de compétences, le gouvernement en dispose aussi. M. Aellen a eu l'honnêteté de reconnaître que la pratique administrative est parfaitement légale. Elle ne vous convient pas, de la même façon que j'applique des lois que vous votez et qui ne me conviennent pas, mais qui sont appliquées scrupuleusement. Le jeu auquel vous vous livrez ce soir, ce n'est pas de prendre en otage le gouvernement. C'est de prendre en otage la démocratie, qui plus est en y ajoutant une clause d'urgence ! Depuis quand avez-vous peur du peuple ? Depuis quand pensez-vous légiférer sans attendre l'avis de la population alors que celui-ci est demandé ?

Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous invite à refuser cet objet et, je le dis, Monsieur le président, refusera le troisième débat d'un projet de loi qui hypothèque le débat populaire.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements. Huées.)

Le président. Merci bien. Nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12662 est adopté en premier débat par 53 oui contre 37 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 12, al. 8 (nouveau).

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 2 souligné «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est rejeté par 52 oui contre 37 non (majorité des deux tiers non atteinte).

Le président. La clause d'urgence est donc refusée. Par ailleurs, le troisième débat n'étant pas demandé, le débat est reporté. (Huées.)

Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.