République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 février 2020 à 20h30
2e législature - 2e année - 10e session - 53e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Thomas Bläsi, Pablo Cruchon, Emmanuel Deonna, Amanda Gavilanes, David Martin, Philippe Morel, Pierre Nicollier, Frédérique Perler et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Dilara Bayrak, Natacha Buffet-Desfayes, Boris Calame, Sébastien Desfayes, Badia Luthi, Eliane Michaud Ansermet, Youniss Mussa, Françoise Nyffeler et Jean-Pierre Pasquier.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous entamons notre ordre du jour avec deux objets liés: l'IN 174 et le rapport du Conseil d'Etat sur l'initiative, classés en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. le député Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. J'indiquerai tout d'abord que dans le rapport du Conseil d'Etat sur l'IN 174 figure le PL 12187, mais pas le PL 12130 qui avait été déposé par l'Alternative - les socialistes, Ensemble à Gauche et les Verts. C'est dommage, puisqu'on parle d'indemnités même un peu plus généreuses que celles proposées par l'IN 174. Notre projet de loi - celui de l'Alternative - est antérieur au dépôt du projet de loi du Conseil d'Etat. C'est le plus ancien et c'est vraiment dommage que nous soyons passés comme chat sur braise là-dessus.
Cela étant, la différence, c'est que dans le PL 12187 du Conseil d'Etat, il est question d'une indemnité qui peut aller jusqu'à dix ans; dans l'initiative, elle peut aller jusqu'à deux ans. Il me semble qu'entre deux et dix ans, il y a matière à discuter. On parle du risque qu'un conseiller d'Etat se retrouve dans une situation difficile après avoir exercé pendant trois législatures; ce que je peux vous dire, c'est que les conseillers d'Etat qui quittent le gouvernement non seulement sont au bénéfice d'une indemnité à vie, mais en plus siègent, pour la plupart, dans des conseils d'administration. Par ailleurs, à ce que je sache, très très très peu d'entre eux se sont retrouvés dans l'indigence.
Il me semble donc qu'aujourd'hui, les rentes à vie, c'est fini, ce n'est plus de notre temps. Tout le monde doit assumer quand même un certain risque. Les travailleurs assument un risque quand ils perdent leur travail à 50 ans, même s'ils sont cadres, et ce sont des situations bien plus difficiles.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, nous allons travailler conjointement sur cette initiative ainsi que sur notre PL 12130 et sur celui du Conseil d'Etat, mais c'est la durée des indemnités qui posera problème et le fait qu'elles seront affectées à la caisse de la CPEG. Cela posera un problème, c'est en discussion, des présentations ont été faites, le débat est ouvert, mais s'il faut reprendre l'initiative vert'libérale, il faudra vraiment que nous élaborions des propositions qui obtiennent l'approbation de la totalité de ce Grand Conseil, sinon l'initiative des Vert'libéraux risque bien de passer la rampe.
Voilà, Mesdames et Messieurs, nous votons pour le renvoi de cette initiative à la commission des finances. Merci, Monsieur le président.
M. Christo Ivanov (UDC). Cette initiative 174 a abouti le 9 octobre 2019 et a été publiée dans la Feuille d'avis officielle le 11 octobre 2019. Par conséquent, elle est tout à fait valable. Ce soir, nous n'allons pas faire le débat sur l'initiative, mais sur sa validité. Or ce texte est valide et le peuple se prononcera sur l'initiative. Par conséquent, il convient de la valider. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, tout le monde est d'accord, un chantier important s'ouvre à propos de la retraite des conseillers d'Etat. Cela a été évoqué, il y avait déjà le projet de loi de l'Alternative, maintenant nous avons celui du Conseil d'Etat, qui est une forme de contreprojet à l'initiative qui nous occupe aujourd'hui. Celle-ci pose la question de la manière dont il faut indemniser les conseillers d'Etat une fois qu'ils arrêtent leur activité. Si une réforme est nécessaire, l'initiative des Vert'libéraux pose quand même un certain nombre de questions. Il est écrit dans l'exposé des motifs qu'on peut verser aux conseillers d'Etat une retraite pendant une période assez brève après leur activité, puisque, de toute façon, ils retrouvent ensuite assez facilement une activité dans le secteur privé. La question est de savoir s'il est vraiment souhaitable que le conseiller d'Etat, une ou deux années avant d'arrêter son activité, commence à chercher une activité pour se recycler par la suite. La réponse est évidemment non ! Nous avons bien sûr travaillé sur cette question à la commission des finances et nous nous réjouissons d'y envoyer ce texte pour alimenter notre réflexion. Nous espérons arriver à une solution qui soit intelligente, consensuelle, et qui permettra peut-être le retrait de cette initiative. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, finalement on peut remercier Pierre Maudet d'avoir ouvert cette discussion sur les retraites à vie des conseillers d'Etat, puisque c'est bien cette situation-là qui a poussé les partis politiques, nous y compris, à réfléchir à ces retraites à vie, qui ne reçoivent pas un assentiment très large au sein de la population. La récolte a été effectuée par les Vert'libéraux, mais quiconque aurait lancé une initiative contre les retraites à vie des conseillers d'Etat aurait ramassé très rapidement des signatures. Le signal est donc fort, il faut y réfléchir.
Nous avions, avec mon collègue Alberto Velasco - il l'a rappelé - déposé un projet de loi qui limitait les indemnités à un maximum de dix-huit mois, selon l'âge du conseiller d'Etat quittant sa fonction et selon le nombre d'années durant lesquelles il a exercé. Cette proposition date d'il y a deux ans. On pourra s'étonner qu'elle soit traitée avec une telle lenteur par la commission des finances. Il y a maintenant un projet de loi du Conseil d'Etat et une initiative. Je pense qu'avec la commission des finances, et sous l'oeil des citoyens qui ont massivement signé cette initiative, il faut aller de l'avant.
Le projet du Conseil d'Etat d'aller jusqu'à dix ans d'indemnités ressemble un peu à une farce par rapport au sentiment qu'une retraite à vie était excessive: dix ans d'indemnités, cela rappelle un peu une retraite à vie, évidemment. J'espère donc que la commission des finances aura la sagesse de mesurer de manière un peu plus sérieuse ce que doit être une indemnité de départ pour un conseiller d'Etat et ce qui est de toute évidence un peu excessif - ou tout à fait excessif, comme l'est la retraite à vie pour des conseillers d'Etat, qui peuvent quitter leur fonction aujourd'hui à 40 ou 45 ans et recevoir une indemnité considérable qui coûte au contribuable plusieurs millions de francs sur plusieurs années. La balle est dans le camp de la commission des finances, on espère qu'elle la saisisse avec un peu plus de célérité que ce qui a été fait jusqu'ici avec les différents projets déposés. Merci.
Le président. Merci. Je passe la parole à... Il faut que je compte les sièges, parce qu'il n'a pas inséré sa carte. C'est M. Forni, apparemment ? (Remarque.) Voilà, alors je vous passe la parole, Monsieur Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Excusez-moi, Monsieur le président ! Je vous remercie. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien prend acte de la validité de l'initiative 174. Elle affiche bien entendu la volonté communément exprimée tant par les partis politiques que par la population de ne plus attribuer de rentes à vie au Conseil d'Etat, notamment suite aux affaires qui ont ébranlé la république. Nous constatons toutefois que cette initiative ne répond pas aux exigences légales, puisque la caisse de retraite du Conseil d'Etat et de la chancelière doit être mise en conformité avec les dispositions fédérales en matière de prévoyance professionnelle, raison pour laquelle le parti démocrate-chrétien soutiendra le renvoi de cette initiative à la commission des finances. Celle-ci, comme on l'a entendu, travaille non seulement sur le projet de loi du Conseil d'Etat, qui propose un nouveau système de retraite pour les conseillers d'Etat et la chancelière, mais aussi sur les projets déposés par plusieurs partis - de droite ou de gauche.
Le challenge, c'est toutefois de ne pas jeter - si j'ose dire - le bébé avec l'eau du bain. Il faut quand même que nos conseillers d'Etat - en tout cas ceux qui embrasseraient cette carrière relativement jeunes - puissent quitter leurs fonctions avec une prévoyance qui leur permette d'affronter l'avenir avec une certaine sérénité. C'est pour cette raison que la commission des finances est en train d'étudier plusieurs modalités qui, tout en répondant aux aspirations de la population et des lois, permettent d'envisager que nos futures conseillères et futurs conseillers d'Etat embrassent cette carrière relativement jeunes, de sorte que nous n'ayons pas seulement des personnes qui s'engagent entre 55 et 65 ans. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). En mars 2017 déjà, le groupe MCG a déposé un projet de loi au titre explicite: «Sortons de l'illégalité en affiliant les conseillers d'Etat à la CPEG». La retraite à vie, bien évidemment, est scandaleuse. C'est un scandale qui a duré beaucoup trop longtemps. A cette époque, lors de son audition à la commission des finances, le premier signataire se sentait bien seul: houspillé très violemment par la droite et pas du tout soutenu par la gauche ! C'était un grand moment de solitude ! Entre-temps, avec trois ans de retard, tout le monde s'est réveillé. C'est un peu tard ! Beaucoup de temps, d'argent et de crédibilité ont été perdus par nos institutions.
Quant à l'initiative qui nous est présentée, c'est quelque part également un coup de bluff, parce qu'elle présente de très gros défauts. Même le projet de loi du Conseil d'Etat sur le sujet est plus contraignant, notamment s'agissant de la surindemnisation. C'est tout dire de ses faiblesses ! C'est pourquoi le groupe MCG demande bien sûr le renvoi en commission, et nous examinerons avec attention cette initiative ainsi que, surtout, la possibilité de préparer un contreprojet, mais un contreprojet crédible qui pourra également être présenté aux électeurs.
Trois ans, c'est gigantesque, on voit qu'il y a de la magouille dans la manière d'agir. Le MCG lui-même s'est mis en dehors de ces magouilles, contrairement à beaucoup de forces politiques de ce parlement et à beaucoup de forces politiques en général qui ont toléré cette situation très longtemps. Nous déplorons cette situation. Nous espérons qu'elle va changer rapidement, parce que ce genre de privilège inacceptable qui perdure et qui risque de perdurer encore doit véritablement changer. C'est notre voeu le plus profond.
M. Cyril Aellen (PLR). J'ai souvent entendu que tout le monde est d'accord et pourtant j'ai entendu beaucoup de choses divergentes. Cette initiative est évidemment fondée - chacun l'a relevé - sur l'affaire Maudet et en réaction à celle-ci, même si certains s'en défendent. En tout cas, le trend est lié à cela, et on ne pourra au moins pas m'accuser, dans la position que je vais adopter, d'avoir été le plus fort soutien du magistrat en question et d'avoir oeuvré pour qu'il puisse rester à son poste, puisque, précisément, je pense qu'il nuit non seulement à son parti, mais aussi à la république dans son ensemble.
Le titre est inexact, parce qu'on n'abolit pas les rentes à vie. Les rentes à vie, c'est de la prévoyance professionnelle, c'est de cela qu'on parle aujourd'hui. C'est une sorte de prévoyance professionnelle, et s'il faut la réformer, c'est parce qu'il convient de se mettre en adéquation avec le droit fédéral, pour accorder une rente à vie au moment de la retraite, y compris aux conseillers d'Etat, et ce dans le cadre légal de la prévoyance professionnelle. Donc, oui, il va falloir maintenir des rentes à vie, parce que, précisément, les conseillers d'Etat, comme le reste de la population, ont droit à une retraite. Ce n'est pas ce qui a empêché le magistrat de rester ou de partir, et cette discussion n'a pas lieu d'être.
Le troisième point que je souhaitais soulever, c'est qu'il n'y aura pas d'effet rétroactif. Par conséquent, si l'objectif est de régler cette problématique avec les magistrats en place, on a quasiment l'assurance sur un plan juridique que l'entier de ceux qui siègent aujourd'hui sera épargné.
J'aimerais vous parler de ce que j'appelle «l'intervention Dandrès»: dans le cadre d'un débat portant sur les hauts cadres qui rejoignent le privé, le député s'étonnait ici que les plus hauts cadres de l'administration puissent rejoindre le privé, tout en bénéficiant de certains secrets de l'administration. C'est juste. Mais alors que faut-il dire des magistrats ? A titre personnel, je pense que la rente à vie, y compris avant l'âge de la retraite, avait cette justification: il fallait servir et disparaître. Le problème qu'on rencontre aujourd'hui, c'est qu'on sert et qu'on ne veut plus disparaître. On se retrouvera donc avec des conseillers d'Etat obligés de chercher à se reconvertir alors qu'ils n'auront pas encore terminé leur mandat. Il faut avoir cela à l'esprit.
Autre élément, on entend aussi beaucoup parler des problématiques de rémunération, parce que cela va avec. La rente à vie faisait partie d'un package. Aujourd'hui, il existe un dénigrement du rôle de conseiller d'Etat, un dénigrement de la fonction, et ce alors qu'à bien des égards, la situation juridique des conseillers d'Etat est beaucoup plus précaire que celle de certains cadres de leur administration. Alors quand ils touchent des millions pour partir à la retraite, ça choque, mais quand les hauts fonctionnaires quittent leur fonction et touchent aussi des millions de la CPEG, ça ne choque pas.
Enfin, on veut que les conseillers d'Etat soient affiliés à la CPEG - c'est en tout cas ce qu'on a entendu. C'est une caisse... (Remarque.) Je termine, Monsieur le président !
Le président. Dépêchez-vous !
M. Cyril Aellen. ...c'est une caisse qui est destinée à des gens qui mènent toute leur carrière dans l'administration; ce n'est pas mon souhait pour les conseillers d'Etat.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, le système de la mal nommée rente à vie - puisque effectivement toutes les rentes de retraite sont versées à vie, donc on parle ici plutôt du fait que les conseillers d'Etat obtiennent une rente à l'issue de leur mandat jusqu'à leur retraite et au-delà - ce système a fait son temps. Ce dossier n'est absolument pas lié à cette initiative ni même à l'affaire dite Maudet, puisque en 2013 déjà, M. David Hiler, au nom du gouvernement de l'époque, avait déposé un projet de loi pour modifier les systèmes de pension et de retraite des conseillers d'Etat et du chancelier. C'est donc un vieux dossier, en réalité. Ce projet de loi n'a pas été traité en commission pendant des années; il a fait l'objet d'un retrait, puis du dépôt d'un nouveau projet de loi, je crois en 2016, qui depuis lors n'a pas été traité en commission et est toujours pendant. Aujourd'hui, il est vrai, depuis plus d'une année, nous avons toutes sortes de propositions liées à la suppression de cette rente permanente octroyée dès l'issue du mandat.
Effectivement, il est loin - et c'est tant mieux - le temps où le poste de conseiller d'Etat était celui d'hommes en fin de carrière professionnelle, qui s'engageaient autour de la soixantaine, et où, par conséquent, le système de rémunération venait combler le creux qui pouvait éventuellement exister entre la fin du mandat et la retraite. Ce temps est loin. Aujourd'hui, la fonction est plus diverse. Celles et ceux qui l'incarnent, eux aussi, ont des statuts, des âges et des origines plus divers, et c'est tant mieux. C'est dans ce sens-là qu'on ne peut plus justifier, notamment pour les plus jeunes magistrats, que le raccord se fasse de manière permanente à l'issue de leur mandat jusqu'à l'âge de 65 ans. Le Conseil d'Etat le dit depuis près de huit ans maintenant.
Dans le même temps, et cela a aussi été évoqué dans ce débat, cette fonction est très exigeante. Elle est très exposée, et peut-être davantage qu'auparavant. D'anciens conseillers d'Etat me racontent qu'ils finissaient les séances du mercredi matin à 11h et allaient ensuite sur la Treille jouer aux boules ! On en est loin ! On est loin de ce temps où la population aimait voir des magistrats dans la quiétude. C'était rassurant. Aujourd'hui, cette image du politique n'est plus, et les attentes de la population ainsi que du parlement à l'égard des élus à l'exécutif ne sont plus celles-ci non plus. Par conséquent, les dispositions mises en place autour de cette fonction doivent permettre d'éviter les phénomènes de pantouflage évoqués, où l'on verrait des conseillers d'Etat siéger dans des conseils d'administration ou prendre des mandats dans des domaines d'activité dont ils ont eu la charge de régulation - ne serait-ce que l'année précédente. Aujourd'hui, cela est parfaitement légal. Ce n'est pas arrivé à Genève, mais le jour où un ancien conseiller d'Etat exercera ensuite une profession ou prendra un mandat dans un domaine dont il avait la charge de régulation en tant qu'autorité régalienne, avec la neutralité et la distance requises, nous aurons beaucoup de questions à nous poser. Malheureusement, ce débat-là n'est pas entamé. Cette discussion autour d'une disposition contre le pantouflage serait en effet légitime dans le cadre des révisions légales actuelles. Cela implique de permettre économiquement aux jeunes retraités de la politique de pouvoir vivre quelques années ou de créer une distance avec le mandat.
L'autre point est celui du dégât d'image. Ne nous leurrons pas: aujourd'hui, il est pratiquement impossible pour quelqu'un de sortir de cette fonction sans que son nom soit connoté d'une manière ou d'une autre, perçu par la population et par conséquent par les potentiels employeurs de manière négative, en tout cas pour une partie d'entre eux. On est loin aussi du temps où, quand on sortait du Conseil d'Etat, les gens se ruaient vers vous pour vous engager et vous avoir dans leur conseil. Cette situation existe encore, mais surtout dans des conseils publics - ce qui pose d'autres questions. Cette dégradation de l'image du politique, qui est collective, Mesdames et Messieurs les députés, mais qui est particulièrement forte pour les membres d'exécutifs, doit aussi nous amener à réfléchir au type de protection dont peuvent bénéficier les élus ou les personnes qui s'engagent dans ces fonctions sans compter leurs heures, vous le savez.
Voilà pour le cadre du débat. La solution n'est pas évidente, il n'y a pas de formule toute faite. Les Vert'libéraux, ou plutôt les initiants, ont ici une proposition. Le Conseil d'Etat en a fait une de son côté, d'autres partis politiques en ont fait d'autres encore, mais je pense que la commission et vous, le parlement, saurez trouver le juste équilibre entre la fin nécessaire d'un système et la préservation d'une certaine protection et indépendance des femmes et des hommes qui assument cette charge.
Le président. Je vous remercie.
L'initiative 174 et le rapport du Conseil d'Etat IN 174-A sont renvoyés à la commission des finances.
Débat
Le président. Nous abordons maintenant nos urgences en commençant par le RD 1203. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes, et je donne la parole à Mme la députée Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Juste un petit mot pour indiquer que la commission de la santé souhaite que nous lui retournions ce rapport divers, car une motion de commission est en cours de rédaction sur le sujet. Je vous prie donc, Mesdames et Messieurs, d'accepter cette demande. Merci.
Le président. Il en est pris note, merci. Nous passons donc au vote sur le renvoi à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi pour six mois du rapport divers 1203 à la commission de la santé est adopté par 87 oui (unanimité des votants).
Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).
Le président. Voici l'urgence suivante que nous traitons en catégorie II, trente minutes: le RD 1327. Il n'y a pas de prise de parole... (Remarque.) Ah oui: le Conseil d'Etat sollicite le renvoi immédiat à la commission des transports, je mets donc sa proposition aux voix.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1327 à la commission des transports est adopté par 91 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous traitons maintenant de manière conjointe le PL 12644 et la R 908, classés en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à M. le député Jean Rossiaud.
M. Jean Rossiaud (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous traitons deux objets qui concernent le déploiement de la 5G dans notre canton et dans l'ensemble de la Suisse. Le déploiement massif de la 5G inquiète une partie croissante de la population. Et à raison ! Aucune étude scientifique sérieuse concernant ses effets sur la santé et sur l'environnement n'a été menée. C'est pour appliquer le principe de précaution que nous avions voté ici, le 10 avril dernier, en urgence et sur le siège, avec une jolie majorité, un moratoire sur la 5G à Genève.
Pour rappel, cette motion 2538 que nous avons votée invitait le Conseil d'Etat à mettre en place un moratoire concernant l'installation de la 5G sur le territoire de la République et canton de Genève le temps que des études scientifiques indépendantes de l'industrie démontrent la non-nocivité de la 5G sur le corps humain et sur la faune et à demander à l'OMS de piloter ces études en lui communiquant cette motion. Outre le fait que ni notre parlement ni la population n'ont été informés des suites qui auraient dû être données à la seconde invite, nous ne pouvons que constater que le moratoire n'a pas été respecté. En effet, alors qu'aucune étude scientifique indépendante de l'industrie ne démontre aujourd'hui l'innocuité des rayonnements non ionisants, notamment lorsque ceux-ci sont diversifiés et démultipliés par l'industrie de la 4G+, de la 5G et bientôt de la 6G, le Conseil d'Etat a autorisé l'adaptation d'antennes existantes en 4G+ ou en 5G légère, ne respectant de fait pas le moratoire.
La pratique actuelle permet aux opérateurs de téléphonie d'installer en catimini et en l'absence de tout contrôle indépendant et crédible toute l'infrastructure nécessaire au déploiement complet de la 5G. Le but poursuivi par les opérateurs est de relever discrètement les valeurs limites de rayonnement fixées dans l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant - ORNI - et d'ajouter 26 000 antennes en Suisse, comme l'a relevé la presse, avant que ne soient levés, par un intense travail de lobbying, les obstacles à la mise en place de la 5G.
Il est bien compréhensible que les opérateurs tirent profit d'une législation lacunaire et insuffisante pour défendre au mieux les intérêts particuliers de leurs actionnaires, qui attendent un retour rapide sur investissement. Il est donc bien compréhensible également que les pouvoirs publics ne puissent pas compter sur les opérateurs, ni en matière d'information à la population ni en matière de contrôle de conformité avec la loi de leurs propres installations. C'est pourquoi, en tant qu'autorités politiques soucieuses de la sauvegarde de l'intérêt général, nous devons préserver ces biens publics que sont la santé de la population, le respect de la vie végétale et animale et la biodiversité, et appliquer sans faiblesse le principe de précaution en mettant totalement en oeuvre le moratoire.
Les deux objets que je présente aujourd'hui répondent à cette préoccupation. Le PL 12644 vise à rendre le dépôt d'une demande de permis de construire obligatoire pour toutes les nouvelles adaptations, même mineures, d'antennes de téléphonie mobile 5G - y compris 4G+. La publication officielle de la demande de permis de construire permettra à la population d'être informée, de s'opposer à la demande et de faire recours, le cas échéant, contre une décision. Cela donnera au Conseil d'Etat des moyens supplémentaires qu'il n'a pas aujourd'hui pour mettre en application immédiatement la motion 2538 et rétablir la situation d'avant le 24 avril 2019, le jour où le Conseil d'Etat a annoncé la mise en oeuvre du moratoire sur la 5G à Genève.
Le deuxième objet, la R 908, invite simplement l'Assemblée fédérale à établir un moratoire sur le déploiement de la 5G millimétrique non seulement à Genève, mais bien sûr dans tous les cantons suisses. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la dernière fois que nous nous sommes prononcés sur le moratoire sur la 5G, il semblait que l'ensemble de la population ainsi que les opérateurs allaient jouer le jeu. Malheureusement, tant le Conseil fédéral que le plus grand opérateur qu'est Swisscom se sont défilés devant cette responsabilité prise collectivement: Ensemble à Gauche avait fait confiance, malheureusement, nous avons appris ici que le groupe de travail qui devait évaluer les risques sanitaires de cette 5G - groupe nommé par le Conseil fédéral - comptait deux opérateurs, alors qu'un groupe de travail neutre de scientifiques devait être constitué. C'est un peu comme pour le tabac, hélas: on a mis à l'intérieur de ce groupe de travail des personnes qui avaient un intérêt évident à entretenir le flou en ce qui concerne les effets nocifs de cette 5G, voire l'ensemble de ces ondes, qui sont d'ailleurs réputées pour être nocives simplement par le fait de mettre les appareils téléphoniques à l'oreille. Je rappelle au passage qu'il faut absolument dégager ces appareils quand on téléphone et ne pas les mettre proches de son cerveau. On n'a déjà pas beaucoup de neurones, on va en perdre encore plus ! (Commentaires.)
Cela étant dit, la deuxième pratique scandaleuse de la part de Swisscom, c'est d'utiliser par exemple les boîtiers de la 4G pour y mettre subrepticement - tout en s'en vantant publiquement - les installations de la 5G. C'est absolument scandaleux de la part d'une institution qui est, jusqu'à preuve du contraire, soutenue par les autorités, qui a été soutenue historiquement et est issue de l'argent des contribuables, de passer à côté de la loi et d'indications que le Conseil fédéral a d'ailleurs soutenues.
Par conséquent, si, il y a neuf mois, nous voulions faire confiance tant au Conseil fédéral qu'aux opérateurs - tous les opérateurs confondus, parce qu'ils font de la surenchère dans la publicité ainsi que dans les informations qu'ils donnent, positives pour eux, mais négatives pour nos concitoyennes et concitoyens jusqu'à preuve du contraire - nous estimons que ces deux objets doivent être votés immédiatement. Parce qu'on imagine bien que tous ces gens vont demander à être auditionnés par la commission qui sera désignée afin de traiter ces objets, pour dire: «Circulez, y a rien à voir !» C'est détestable comme prise de position. Ainsi, face aux atermoiements des uns et des autres, face à une certaine manière de trafiquer la réalité, face à l'absence de création d'un groupe de travail indépendant qui nous révèle exactement les méfaits de la 5G, nous estimons qu'il faut voter cette loi quasiment sur le siège. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). En ce qui me concerne et en ce qui concerne notre groupe, nous ne sommes pas convaincus qu'il existe vraiment une base légale pour voter un tel projet de loi sur le siège, d'autant plus que Swisscom a un mandat de la Confédération et est quand même régi par le droit fédéral. De ce point de vue là, nous estimons que cet objet doit être étudié en commission, d'autant plus que non seulement il vient d'être déposé, mais en plus il fait déjà l'objet d'amendements - ils sont affichés à l'écran. On voit que, d'une part, le projet n'est pas mûr, et que, d'autre part, même les auteurs ne sont pas d'accord entre eux. Cela mérite donc vraiment une étude en commission. C'est pour cela que je demande un renvoi du projet de loi en commission. Je laisserai mon collègue s'exprimer sur la résolution. Je vous remercie.
Des voix. Quelle commission ?
M. Stéphane Florey. La commission des travaux, comme c'était initialement prévu. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien est pour le projet de loi et pour la résolution. Après la décision d'un moratoire que nous avons prise il y a sept ou huit mois - nous étions le premier canton à décider d'un moratoire sur la 5G - les choses ont beaucoup évolué, avec une prise de conscience de la population et plusieurs initiatives déposées à la Chancellerie fédérale.
De toute évidence, la situation n'est pas retombée; cela veut dire que la population demande des réponses claires de la part du Conseil fédéral sur la toxicité ou la non-toxicité de la 5G. On n'a pas obtenu de réponse de la part du groupe de travail chargé d'établir un rapport, puisqu'il s'est séparé sans se mettre d'accord. D'autres pays ont obtenu des rapports, comme la France: l'agence française pour la sécurité sanitaire a rendu un rapport qui demande un moratoire. Les plus grandes instances françaises en demandent un, d'autres instances dans d'autres pays aussi.
La 5G pose trois problèmes. Le premier est d'ordre sanitaire. On peut être d'accord ou non, mais il y a probablement un problème sanitaire. Deuxièmement, elle met face à un choix de société. La population suisse a le droit de décider quelle société elle veut et dans quel sens elle souhaite qu'elle aille; elle ne veut pas se faire vendre des objets dont elle n'a pas besoin. Le troisième problème qui se trouve de plus en plus sur le devant de la scène, c'est celui de la sécurité. Vous avez vu le scandale Crypto: avec la 5G, c'est le scandale Crypto fois mille, fois dix mille, fois cent mille, parce qu'évidemment, les gens qui disposent de la technologie pourront espionner toutes les industries suisses qui installeront la 5G pour la robotique et obtiendront en direct toutes les données informatiques de ces sociétés. Donc, clairement, si on n'a pas de réponse formelle du point de vue de la sécurité, on ne peut pas installer la 5G.
Maintenant, le problème des antennes. C'est vrai qu'il y a une tromperie. On a vendu cette technique en disant qu'on installait la 5G en Suisse, mais on n'a pas installé la 5G, elle n'existe pas en Suisse. On a installé une 4G+ en se disant que les gens achèteraient de nouveaux appareils en attendant qu'on installe la 5G. Mais la 5G n'est pas du tout la technologie qu'on est en train d'installer. La 5G, ce sont des ondes millimétriques ou centimétriques qui ne sont absolument pas encore installées. Pour le faire, il faut un nombre impressionnant d'antennes, et surtout un nombre impressionnant de satellites qui tourneront autour de nous. Les scientifiques se plaignent d'ailleurs du fait qu'ils ne pourront plus voir les étoiles et les étudier à cause du nombre de satellites qui devront être installés pour la 5G.
Il faut donc pouvoir prendre le temps de réfléchir à ce que l'on veut s'agissant de cette technologie. Parce qu'on peut très bien installer la 5G d'une façon séquencée, pour certaines industries qui en ont besoin et pas pour le grand public. Pour celui-ci, on peut très bien installer la fibre optique. Je rappelle que la fibre optique a été installée à Genève: on a investi des dizaines de millions pour cela et on ne l'utilise quasiment pas. Même Swisscom est maintenant en train de parler de fibre optique, parce qu'ils sentent très bien qu'ils sont mal partis avec la 5G. C'est donc un choix de société, il faut réfléchir.
Pour ce qui est des deux objets qui nous occupent, celui qui demande à Berne un moratoire... Bon, eh bien, on ira à Berne défendre notre vision, mais je pense que beaucoup de cantons sont maintenant en train de changer d'avis. Quant au texte qui demande de revenir en arrière et de soumettre à autorisation toute installation ou modification d'antennes, c'est aussi une question qu'il faut étudier. Nous laissons les membres du parti démocrate-chrétien libres de décider s'il faut voter ce texte sur le siège ou le renvoyer en commission. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Cela a été brièvement esquissé par mon préopinant, et je crois que c'est le point central: le gros problème que nous pose la 5G est qu'il s'agit d'une intrusion massive, absolument massive dans la sphère privée. Il suffit d'examiner ce qui vient de se passer en Chine avec le coronavirus: comment les Chinois ont-ils réussi en si peu de temps - en si peu de temps ! - à localiser les gens qui présentaient des risques de contamination ? Tout simplement en utilisant la 5G. La 5G permet la reconnaissance faciale. Elle permet, au-delà de la reconnaissance faciale, toute une série de techniques, notamment en lien avec la détection de fièvre. On est bien au-delà des questions portant sur la dangerosité - questions pertinentes, mais je ne veux pas y revenir, car elles ont été clairement et correctement développées par mes préopinants. Là, on se trouve dans un autre monde. Il s'agit d'un autre paramètre, à savoir la protection de la sphère privée.
Comme vous le savez, j'ai eu l'occasion de m'exprimer récemment dans la presse. La constitution genevoise, qu'elle plaise ou non, a instauré en son article 19 le droit fondamental à un environnement sain. L'environnement sain ne se limite pas aux questions qu'ont exposées mes préopinants, mais comprend également la protection de la sphère privée. Cela semble être un minimum. Ainsi donc, ce qui est demandé ce soir me semble être un minimum. Mais nous avons un petit problème !
Le président. Monsieur Dimier, attendez deux minutes. Ensemble à Gauche, si vous voulez faire un discours, vous pourriez peut-être aller dehors ! Ça me ferait plaisir. Merci. Continuez, Monsieur Dimier. (Commentaires.)
Une voix. Chut !
M. Patrick Dimier. Merci, Monsieur le président. On a un petit problème. Contrairement à ce que soutenait le député Florey - vous communiquerez, Monsieur le président - Swisscom n'a pas été mandaté: Swisscom a acheté le droit de propager la 5G, avec deux autres opérateurs, ce qui a rapporté la modeste somme de 380 millions, qui a été mise sur la table par ces opérateurs - c'est certes peu d'argent en comparaison des chiffres budgétaires fédéraux, mais tout de même ! Malgré le fait que, dans un temps très éloigné, Swisscom faisait partie des PTT et faisait peut-être de la philanthropie, je doute, je doute que ce soit aujourd'hui le «trend» principal de cette entreprise. Si elle a investi à elle seule 189 millions, c'est bien parce qu'elle entend en tirer des bénéfices. C'est un écueil important, et cela veut en tout cas dire que la Confédération, l'exécutif fédéral, ne peut en aucun cas être objectif. Il est donc important de soutenir ces propositions et c'est ce que fera le groupe MCG.
M. Yvan Zweifel (PLR). Il est de bon ton dans le cadre d'un débat d'apporter aussi un peu de contradiction, vous me permettrez de proposer celle-ci. Tout d'abord, le PLR regrette non pas les projets qui nous sont proposés ici - ils ont évidemment toute leur raison d'être - mais le fait qu'on ne prenne pas le temps de les étudier et qu'on veuille les voter sur le siège, sans prendre le temps de savoir ce qu'il en est réellement. A ce titre, nous soutiendrons évidemment la proposition de l'UDC de renvoi en commission, pour que toute la lumière soit faite.
A entendre certains de nos préopinants, on a un peu l'impression d'une peur panique. C'est de bon ton en ce moment d'avoir peur de tout et de rien. Dans ce dont il est question ici, on perçoit même un peu de technophobie. Or, Mesdames et Messieurs, vous le savez bien, la peur est mauvaise conseillère; la peur ne permet pas de réfléchir de manière rationnelle.
Quels sont les faits que l'on connaît aujourd'hui ? Pour ceux qui sont intéressés par la question, vous le savez, le DETEC - le département fédéral de l'environnement et de la communication notamment - a créé un groupe de travail interdisciplinaire qui a dernièrement rendu un rapport. Qu'est-ce qui y est indiqué ? Je prends quelques éléments que vous pouvez retrouver sur internet. D'abord, qu'il n'y a pas d'effets nocifs sur la santé tant et aussi longtemps que les valeurs limites d'immissions par rayonnement sont respectées, y compris pour la 5G. Donc, tant que ces limites-là sont respectées - j'entends bien les propos de mon préopinant Jean Rossiaud qui pense qu'on va en profiter pour les augmenter, mais aujourd'hui, ce n'est pas la question - il n'y a pas d'effets nocifs sur la santé. Ce d'autant plus que - autre point noté dans ce rapport - les limites suisses sont plus restrictives que dans d'autres pays.
Il convient de relever aussi que cette norme 5G a l'avantage d'assurer la couverture de téléphonie mobile avec moins de puissance de transmission et d'immissions qu'actuellement. Il faut également relever que le but de l'installation de ces nouvelles antennes, c'est justement d'avoir des antennes de transmission plus modernes, qui permettent d'obtenir une exposition ciblée plutôt qu'une exposition large, comme elle existe aujourd'hui, et donc de diminuer les potentiels effets nocifs sur la santé. Proposer ici un moratoire ou l'interdiction pure et simple sans avoir étudié ces éléments-là me semble aller tout simplement à l'encontre du but recherché.
On nous parle des risques sanitaires; on a aussi entendu parler des risques sécuritaires, mais quid des autres risques, par exemple économiques ? Le PLR, quant à lui, aimerait bien que ceux-ci soient aussi étudiés, d'où l'intérêt de renvoyer ces deux objets en commission. On peut en effet se poser la question: que se passe-t-il si la 5G, par hypothèse, est déployée un petit peu partout dans le pays et dans d'autres pays, mais pas à Genève ? Serons-nous le seul petit village irréductible qui ne sera connecté à rien ? C'est certainement le souhait d'un certain nombre d'entre vous, ce n'est en tout cas pas le mien. Et quel est le risque alors pour les entreprises, qui seraient clairement défavorisées d'un point de vue technologique en restant à Genève alors qu'elles ne le seraient pas dans le reste de la Suisse ou dans d'autres pays ? Ces éléments doivent aussi être étudiés en commission. Je vous rappelle - on le dit souvent - que 60% des emplois actuels n'existeront plus dans quelques années. Il s'agit de les remplacer par des emplois à haute valeur ajoutée, notamment dans des domaines comme celui de la télécommunication et des technologies. Or, ici, on veut tout simplement interdire que cela puisse se produire. Cela ne me semble pas non plus être une bonne idée.
On peut avoir peur de la technologie; on peut et on doit cadrer cette technologie. Mais, Mesdames et Messieurs, la technologie n'est pas quelque chose de négatif. Le PLR - qui, lui, est un parti résolument optimiste et porté vers l'avenir, contrairement à beaucoup de passéistes ici présents - souhaite cadrer la technologie, mais non pas la combattre, et l'utiliser pour améliorer le bien-être des habitants de notre canton et du reste du pays. C'est pour ces raisons que nous refuserons ces deux objets mais que nous aimerions auparavant, si possible, les étudier en commission pour examiner tous les aspects, tous les risques, non seulement sanitaires, sécuritaires, mais aussi économiques. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. Je passe la parole à M. le député Jean Rossiaud.
M. Jean Rossiaud (Ve). Je renonce, Monsieur le président.
Le président. Merci. Je passe la parole à... (Commentaires.)
M. Jean Rossiaud. Ah, il me reste trente secondes ! Pardon, je ne renonce pas ! (Rires. Commentaires. L'orateur rit.) Je voulais répondre au député Zweifel, déjà pour dire que l'ensemble des partis qui soutiennent ces objets ne vont pas les renvoyer en commission. Je voulais aussi relever que les informations données sont malheureusement fausses: personne, actuellement, ne contrôle rien ! Aujourd'hui, il faut simplement prendre le principe de précaution au sérieux. C'est pour cela que nous demandons un moratoire. Si celui-ci était mis en oeuvre, évidemment que nous n'irions pas plus loin. Mais il n'est pas mis en oeuvre ! Merci.
M. Marc Falquet (UDC). Je ne sais pas s'il faut avoir peur de cette technologie, parce que je me souviens que quand j'étais à l'école primaire, dans les années 60, nous chantions les bienfaits de l'ère atomique ! Niveau technologie, je crois qu'on a évolué. J'aimerais rappeler quand même que les mises en garde sur les dangers de la 5G ne proviennent pas des réseaux sociaux, de Facebook... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Marc Falquet. ...mais de cent cinquante scientifiques qui ont alerté l'ONU sur les dangers potentiels. Pour nous, il n'est pas question de mettre en place ou de déployer cette technologie avant de nous être assurés de son impact sur le vivant. C'est ça ! J'ai appelé la section de biologie de l'Université de Genève pour savoir s'ils pouvaient mener une étude sur la 5G. Je propose donc à la commission, gentiment, de bien vouloir peut-être contacter l'université pour savoir si on pourrait mener une étude locale sur le vivant, c'est-à-dire observer l'impact des rayonnements de la 5G sur la croissance des cellules. Ce n'est pas si compliqué. En ce qui concerne le contrôle de la population, cette technologie suscite aussi effectivement une inquiétude énorme. Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, je suis rassuré sur l'état de santé du PLR ! Quand j'entends M. Zweifel s'inquiéter davantage de la santé des entreprises que de celle des Genevoises et des Genevois, me voilà rassuré sur l'état de santé du PLR ! On pourrait dire qu'évidemment, la technologie amène toujours du progrès, notamment en matière de qualité de vie et de santé. D'anciens députés PLR - à l'époque libéraux ou radicaux - ont dû dire la même chose dans notre hémicycle de la Vieille-Ville concernant l'amiante, qui devait paraître extrêmement intéressant d'un point de vue notamment économique, Monsieur Zweifel, mais qui finalement, s'agissant de la santé, on le voit après coup, n'est pas très profitable pour les habitants non seulement de notre canton mais de bien d'autres régions.
J'entends dire aussi qu'il faut prendre du temps. Je partage totalement ce constat ! Il faut prendre du temps avant d'installer les antennes 5G afin qu'on puisse mesurer et connaître leurs effets sur la santé. Il est plus utile de légiférer dans un premier temps pour demander un moratoire que d'installer d'ores et déjà les antennes 5G et de légiférer ensuite, lorsqu'il sera trop tard ! Il est plus utile de prendre le temps d'analyser d'abord les méfaits de la 5G en laboratoire ou d'une quelconque façon scientifique et de décider ensuite s'il est bon ou non de l'installer. Mais là, nous assistons passivement, en tant que pouvoir politique... Et j'ai été pour ma part le premier étonné et choqué en tant que député ! Nous votons une motion demandant un moratoire sur la 5G, et nous découvrons après sur les manchettes de journaux ou - pire que des manchettes de journaux ! - dans des publicités dans la rue: «Swisscom vous propose la 5G». Merveilleux ! En tant que député, c'est rare que je me sente très utile, mais alors là, je me suis senti encore moins utile, je peux vous l'assurer ! (Commentaires.) Je me suis demandé: à quoi cela sert-il de voter dans ce parlement, si trois entreprises privées dictent la santé dans notre pays ? Non ! C'est une blague ! On observe partout, dans différents cantons, des levées de boucliers de la part des citoyennes et citoyens, des habitantes et habitants, puisque c'est au travers de pétitions que l'action se fait aujourd'hui. Les pétitions fleurissent un peu partout dans les quartiers, dans les cantons et au niveau national contre la prolifération de ces antennes 5G.
Ainsi, Mesdames et Messieurs, prenons le temps ! L'amendement va dans ce sens, puisqu'il instaure un moratoire de trois ans, qui permettra de savoir si l'installation de ces antennes 5G est bonne ou non pour la santé. Mais ne faisons pas le raisonnement inverse ! C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à voter sur le siège cet amendement, le projet de loi et la résolution. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Patrick Dimier pour vingt-neuf secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Le député de Sainte Marie a fait le parallèle avec l'amiante avant moi. C'est évidemment un rappel qu'il valait la peine de faire. Merci.
Le président. Merci. La parole est à M. le député Bertrand Buchs pour une minute.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur le terme de panique. Je ne pense pas qu'on puisse qualifier de panique la réaction qui a été la nôtre. Simplement, on n'a jamais vu en Suisse une décision aussi rapide. D'habitude, on met dix à vingt ans à prendre une décision: on demande l'avis de tout le monde, du ban et de l'arrière-ban, pour savoir si on va faire quelque chose. Or là, en deux mois, la Confédération a vendu à des installateurs tels que Swisscom et d'autres la possibilité d'installer une technique qui n'est pas encore à disposition. C'est cela qui relève un peu du mensonge. On a vendu une technique qui n'est pas encore à disposition. Nous avons tout à fait le temps, en deux ou trois ans, de savoir si ce qu'on dit est vrai ou faux. On a le temps: les autres pays d'Europe n'ont pas encore installé la 5G. D'un point de vue économique, on a le temps, cela ne va poser aucun problème. Je vous rappelle que plutôt que la 5G, c'est ce qui se passe actuellement avec cette pandémie de coronavirus qui risque d'avoir des impacts catastrophiques sur l'économie. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). Le débat a déjà bien avancé, mais j'entends un certain nombre d'arguments selon lesquels la 5G va permettre de diminuer la consommation unitaire de chacun des émetteurs. Or, vous avez bien compris que la consommation unitaire, c'est comme pour les véhicules et comme partout ailleurs: on va la diminuer, mais dans le même temps on va continuer de multiplier le nombre d'objets interconnectés. Vous avez bien compris que c'est ça ! On va multiplier par dix, par cent, le nombre d'appareils qui seront connectés à la 5G. Vous comprenez donc qu'avec la 5G, on va multiplier toute la consommation énergétique.
On parle d'urgence climatique actuellement, de diminution de la consommation d'énergie, et on veut multiplier le nombre d'engins interconnectés à travers la 5G ou autre. La 5G ne doit pas être la solution ! La solution doit être, comme cela a été dit, de rapatrier à l'intérieur d'un certain nombre de murs... La 5G va pouvoir remplacer même le wifi que nous avons ici ! Ce n'est pas normal ! A l'intérieur des maisons, il va falloir qu'on passe à du réseau connecté à travers de la fibre optique, à travers des réseaux filaires. Il faut qu'on arrête avec ça ! Il faut revenir en arrière et diminuer toutes ces consommations énergétiques. C'est un point que je voulais relever.
On a laissé faire, d'une façon plus moins passive, le passage de la 1G à la 2G, à la 3G, à la 4G. Maintenant, on veut aller plus loin. On n'a pas réagi par rapport à toutes ces évolutions. Nous avons désormais tous des engins connectés à la 4G et maintenant on va commencer à réagir et à se poser des questions par rapport à une évolution ultérieure, celle de la 5G. On n'en a pas forcément besoin. Nous devons nous poser la question de façon démocratique: est-ce utile d'avoir un frigo qui se connecte à un magasin en ligne pour passer directement une commande quand vous n'avez plus de lait ou tel ou tel produit ? Vous n'aurez plus le choix, à partir d'un moment. Il n'y aura plus de contrôle démocratique ! Est-ce que vous voulez que votre aspirateur se connecte et parle à un autre engin ? A un certain moment, vous n'aurez plus le choix ! Ce que je revendique de façon extrêmement claire, c'est un contrôle démocratique sur les évolutions technologiques que nous mettons en avant. C'est exactement pour cela que nous voulons un moratoire, que nous voulons discuter de façon démocratique sur les évolutions technologiques que nous subissons. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le débat qui est en cours dans notre pays autour de la 5G - et un peu partout dans le monde à vrai dire - est salutaire. Il est salutaire, car, comme vient de le souligner le député Eckert, la technologie s'immisce dans nos vies presque à notre insu. Nous sommes tous, quelque part, des consommateurs, qui, au bout d'un moment, acquérons l'appareil suivant - puisque ces appareils sont programmés pour ne plus fonctionner assez rapidement après un certain temps et donc nous pousser à en racheter un - et nous consommons de plus en plus de technologie. Le marché est bien fait, il crée des besoins là où nous n'en avions pas. Il crée plutôt des réponses à des besoins que nous n'avons pas; ensuite, une fois que nous y avons goûté, cela devient un besoin. L'offre crée le besoin. C'est un concept de marketing extrêmement puissant dans toutes ces nouvelles technologies. Nous sommes toutes et tous ici, ou presque, d'une génération ayant vécu sans téléphone portable et nous vivions tout aussi heureux.
Ce débat est salutaire, parce que pour une fois, peut-être, au moment d'un saut technologique, il y a justement un débat, et ce n'est pas celui du consommateur qui ne débat pas et qui consomme - phénomène auquel nous sommes tous soumis - mais celui du citoyen, la même personne, mais qui, cette fois, va réfléchir et se poser des questions de manière plus collective et plus globale. Ces questions ont été posées. Ce sont celles de la santé publique et des rayonnements non ionisants, qui font l'objet de directives fédérales depuis des années dans notre pays - c'est donc bien que ces rayonnements ont un impact sur la santé s'ils sont trop importants. Et, cela a aussi été évoqué, c'est également la question de la protection des données dans une société qui de plus en plus distribue ses données sans trop y regarder et en mesurer les conséquences.
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat, vous le savez, a accepté et mis en oeuvre la motion demandant un moratoire. Mais j'aimerais ici obtenir une clarification que je n'ai pas obtenue lors du précédent débat et que les textes proposés ne donnent pas non plus. Puisque vous ne souhaitez pas les étudier en commission, et afin que le Conseil d'Etat puisse vraiment comprendre la volonté du parlement et que ne surgissent pas par la suite des accusations selon lesquelles il n'y aurait pas de mise en oeuvre ou le Conseil d'Etat n'a pas appliqué le moratoire - comme le dit l'exposé des motifs - il faut que vous soyez très clairs sur la demande. Le député Buchs dit - c'était ce que j'ai compris tout d'abord, puisqu'il est le premier signataire de la motion - que la 5G, ce sont des ondes millimétriques, que c'est ce pour quoi elle a été conceptualisée et qu'on va y venir. C'est ce qui m'a amené à répondre ici, devant vous, Mesdames et Messieurs les députés, que je n'avais pas encore reçu de dossier de demande pour la pose d'antennes à ondes 5G millimétriques. M. Buchs en convient. Puisque la technologie n'est pas encore admise, ne serait-ce que par l'ordonnance fédérale sur les rayonnements non ionisants, un débat fédéral doit d'abord se tenir.
Ensuite, la 5G - c'est là que réside quelque part l'esbroufe commerciale - a été vendue par des opérateurs à travers des promotions et des publicités, alors qu'en réalité, il s'agit des mêmes antennes, des mêmes fréquences et des mêmes puissances que celles de la 4G, voire de la 3G. C'est ce qu'on a appelé la 4G+. Mais cela a été appelé 5G. C'est pourquoi le député de Sainte Marie a vu des manchettes et des publicités annonçant l'arrivée de la 5G, malgré le moratoire que le Conseil d'Etat avait mis en oeuvre. Le Conseil d'Etat n'a plus délivré une seule autorisation de construire en lien avec la pose d'antennes. Mais, comme la loi le prévoit, les opérateurs peuvent modifier les modalités de leurs antennes actuelles. Ils les ont modifiées essentiellement sur les logiciels, pas sur la puissance ni sur la fréquence - parce que là, ils auraient eu besoin d'une nouvelle autorisation - pour émettre ce qu'ils ont appelé la 5G. C'est ce que le député Buchs n'appelle pas de la 5G, mais ce que le député Rossiaud appelle de la 5G.
Donc, on nous dit ce soir qu'il faut appliquer le moratoire jusqu'au bout. Ce sont les propos qu'on entend. Ce n'est pas ce que propose le projet de loi. Pire encore, votre résolution à Berne ne parle que de la 5G millimétrique ! (Commentaires.) Donc, à Berne, vous demandez un moratoire sur la 5G millimétrique, mais ce que le Conseil d'Etat doit comprendre des interventions - en tout cas de celles de la majorité - c'est que vous voulez un moratoire sur la 5G et sur la 4G+ ! Mais ce n'est pas ce que vous avez fait figurer dans votre projet de loi. Vous auriez pu préciser dans votre texte que toute autorisation de modification ou de construction d'une antenne pour la 4G+, la 5G et la 5G millimétrique - mais qui n'existe pas encore - est interdite pour trois ans. Vous ne dites pas cela dans votre projet de loi. Ce que vous dites, c'est que l'opérateur doit demander à l'administration une autorisation, sans préciser ce que l'administration doit répondre.
Pourquoi vous dis-je tout cela ? D'une part, c'est utile parfois de parler en commission de ce genre de choses au lieu d'en parler en plénière. D'autre part, je n'aimerais pas sortir ce soir de cette salle sans avoir reçu un mandat très clair de votre part sur ce que vous pensez que l'Etat doit autoriser ou non. Je lis, dans l'exposé des motifs - mais pas dans la loi proposée elle-même - que si cette loi est adoptée, le Conseil d'Etat devra soumettre à autorisation de construire - ce qui implique des enjeux de personnel, parce qu'il y aura beaucoup plus d'autorisations à délivrer - toute transformation et adaptation des antennes existantes, ce que nous n'avons pas fait jusqu'à présent. Je comprends de la volonté des auteurs que nous devrons refuser ces transformations, ce pendant trois ans. J'aimerais, Mesdames et Messieurs les députés, pour celles et ceux qui pensent voter ce projet de loi, que ce mandat soit clair, parce que ce ne sont pas les propos de M. Buchs - que je respecte par ailleurs - et ces propos-là ne correspondent pas à ceux des autres tenants de cette loi. Cette confusion entretenue au sein de ce parlement se propage aussi dans la population à travers des propos maladroits, si ce n'est de la désinformation provenant aussi de la part de certains élus.
Si le Grand Conseil adopte cette loi ce soir, le Conseil d'Etat demandera le troisième débat. Vous pourrez aller jusqu'au bout. Il comprendra que vous donnez compétence à l'administration d'instruire toutes les demandes de modification de ces antennes. Il comprendra que votre volonté politique est que ces modifications soient refusées pendant une période de trois ans. Je vous le dis de manière très transparente: ces refus se feront sans base légale. Ils pourront apparaître aux yeux des juges - puisque les opérateurs ne manqueront pas de faire recours face aux refus de l'administration - comme arbitraires, car ils n'auront pas pour bases des réflexions scientifiques, des analyses ou ne serait-ce que la documentation qu'un renvoi en commission aurait permis. Le Conseil d'Etat est prêt à prendre ce risque avec vous, mais, en toute transparence, j'aimerais informer ce parlement que le risque est grand de voir cette loi cassée par les juges dès le premier refus qui sera prononcé auprès des opérateurs.
Je vous prie par conséquent, Mesdames et Messieurs, peut-être à travers une dernière intervention, de préciser exactement ce sur quoi vous voulez que ce moratoire porte, de sorte qu'il n'y ait plus d'accusations d'une mauvaise interprétation par le Conseil d'Etat, comme je l'ai entendu ces derniers mois.
Le président. Merci. Normalement, nous ne donnons pas la parole aux députés après qu'un conseiller d'Etat s'est exprimé. Exceptionnellement, vu qu'il y a une question, je passe la parole à M. Jean Rossiaud pour une minute.
M. Jean Rossiaud (Ve). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. le conseiller d'Etat Hodgers que la proposition de résolution indique bien dans son titre un moratoire sur la 5G et la 4G+ en Suisse. C'est dans ce sens qu'il faut lire également - puisque l'exposé des motifs est le même - le projet de loi modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses. S'il faut le préciser aujourd'hui de manière claire, la volonté de notre parlement est bien d'aligner ces demandes sur la 5G et sur la 4G+. Il s'agit bien de l'ensemble des modifications pour lesquelles il faudrait redemander un permis de construire... (Remarque.) ...notamment depuis le jour où l'on a voté ce moratoire. Je vous remercie de votre compréhension.
Le président. Merci bien. Nous sommes saisis en premier lieu d'une demande de renvoi de ces objets à la commission des travaux. Le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12644 et de la proposition de résolution 908 à la commission des travaux est rejeté par 48 non contre 47 oui.
Le président. La demande de renvoi en commission étant rejetée, nous passons au vote d'entrée en matière sur le projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12644 est adopté en premier débat par 59 oui contre 35 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1, al. 1, lettre h (nouvelle).
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements modifiant respectivement l'article 156 et l'article 2 souligné, déposés par M. Boris Calame. Je donne la parole à M. Rémy Pagani pour quarante-huit secondes. (Un instant s'écoule.) Monsieur Pagani ?
M. Rémy Pagani. Non, non, c'était pour le débat d'avant !
Le président. Après le Conseil d'Etat, ce n'est pas possible. Je passe la parole à M. le député Yvan Zweifel. (Remarque.) Non plus. Monsieur Boris Calame, vous avez la parole pour vingt secondes.
M. Boris Calame (Ve), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Je dirai juste deux mots sur ce projet d'amendement, surtout pour rassurer tout le monde, s'agissant du passage qui précise que la loi s'applique pendant trois ans, à partir de la date d'entrée en vigueur... (Commentaires.) ...donc mai 2019... (Commentaires.) Trois ans à partir... (Commentaires. Le président s'entretient avec des membres du Bureau.) Excusez-moi ? (Commentaires.) Je continue ?
Le président. Continuez, Monsieur Calame !
M. Boris Calame. La loi s'applique donc pendant trois ans et s'autodétruira passé ce terme si d'ici là nous n'avons pas réussi à en savoir un peu plus sur la réalité de la 5G.
M. Jean Romain (PLR). Je demande le renvoi à la commission des finances.
Des voix. Non, des travaux ! (Commentaires.)
M. Jean Romain. A la commission des travaux ! (Commentaires. Rires.)
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). C'était pour faire la même demande, donc je renonce, Monsieur le président, merci.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Yvan Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR). C'est la demande que je voulais faire et que vous m'avez refusée, Monsieur le président ! Je suis frustré ! (Rires.)
Le président. Eh bien, je vous passais la parole maintenant ! Merci. Monsieur Rémy Pagani, vous avez quarante-six secondes.
M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Je voulais intervenir sur l'amendement introduisant la clause d'urgence, mais j'aimerais dire que je suis contre le renvoi en commission: toutes les personnes qui se sont exprimées ici ont dit à quel point c'était se cacher derrière son petit doigt que de prôner le renvoi en commission pour gagner du temps et faire en sorte que les opérateurs puissent continuer à installer la 4G+. Je vous invite à ne pas renvoyer ces objets en commission.
Le président. Vous avez perdu vingt-deux secondes, Monsieur Pagani ! Nous votons sur le renvoi des deux objets à la commission des travaux.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12644 et de la proposition de résolution 908 à la commission des travaux est rejeté par 50 non contre 47 oui.
Le président. Nous continuons donc nos débats sur le projet de loi. Je vous invite à vous prononcer sur les amendements de M. Boris Calame, dont voici le premier:
«Art. 156, al. 4 (nouveau)
Modification du ... (à compléter)
4 L'article 1, alinéa 1, lettre h, de la présente loi s'applique dès le 24 avril 2019 pour une durée de 3 ans.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 66 oui contre 29 non et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 156, al. 4 (nouveau), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. Je mets maintenant aux voix le deuxième amendement de M. Boris Calame:
«Art. 2 (souligné) Clause d'urgence (nouvelle teneur)
L'urgence est déclarée.»
Je précise que pour qu'une clause d'urgence soit acceptée, la majorité des deux tiers est nécessaire.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 oui contre 37 non et 2 abstentions (majorité des deux tiers non atteinte).
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté.
Troisième débat
Le président. Je passe la parole à... (Remarque.) C'est pour une demande de renvoi ?
Une voix. Oui, c'est une demande de renvoi suite au vote des deux amendements !
Une autre voix. Y en a un seul qui a été voté !
Le président. Bien. Mesdames et Messieurs, je vous fais donc voter sur le renvoi de ces deux objets à la commission des travaux.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12644 et de la proposition de résolution 908 à la commission des travaux est rejeté par 50 non contre 47 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Je rappelle que nous sommes en troisième débat. Nous votons maintenant sur le projet de loi tel qu'il a été amendé.
Mise aux voix, la loi 12644 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 35 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Avant de passer au vote de la R 908, je donne la parole au conseiller d'Etat, M. Antonio Hodgers. S'il peut faire très rapidement - il a déjà parlé pendant de longues minutes ! Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Merci, mais on mène les travaux de commission en plénière ! Vous me savez attaché à la crédibilité de notre canton à Berne. Or, vous n'ignorez pas que Genève est à l'origine de 80% à 90% des initiatives cantonales de tout le pays. Ce serait donc peut-être pertinent que la première invite corresponde au titre ! (Rires.) Le titre parle bien de 4G+ et de 5G, mais l'invite demande à l'Assemblée fédérale «d'établir un moratoire sur le déploiement de la 5G millimétrique en Suisse». (Remarque.) Donc, Mesdames et Messieurs, soit vous modifiez le titre, soit vous modifiez l'invite. Mais, je vous en supplie, n'en rajoutez pas dans notre ridicule à Berne... (Rires.) ...en envoyant une résolution qui dit deux choses inverses ! (Applaudissements.)
Le président. Bien. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote de cette résolution.
Une voix. On passe vraiment pour des blaireaux ! (Commentaires.)
Mise aux voix, la résolution 908 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 56 oui contre 36 non.
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, la R 906. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. le député Jean Rossiaud.
M. Jean Rossiaud (Ve). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous étudions aujourd'hui la proposition de résolution 906, qui demande au gouvernement suisse d'accorder d'urgence un permis humanitaire à Julian Assange.
C'est avec une grande satisfaction et une certaine fierté que je constate avec vous aujourd'hui que, pour la première fois en Suisse, mais également pour la première fois sur le plan international... (Brouhaha. Des députés quittent la salle.)
Une voix. Chut !
M. Jean Rossiaud. Monsieur le président ?
Le président. S'il vous plaît ! (Un instant s'écoule. Commentaires.) Voilà, allez-y, Monsieur. (Un instant s'écoule.) Continuez, Monsieur Rossiaud ! (Un instant s'écoule. D'autres députés quittent la salle.) Monsieur Rossiaud !
M. Jean Rossiaud. Ben continuez de sortir !
Le président. Monsieur Rossiaud !
M. Jean Rossiaud. Oui ?
Le président. Continuez, s'il vous plaît. (Commentaires. Rire.)
M. Jean Rossiaud. C'est avec... J'en étais où, Monsieur le président ? Je disais donc que c'est avec une grande satisfaction et avec une certaine fierté que je constate avec vous aujourd'hui que, pour la première fois en Suisse, mais également pour la première fois sur le plan international, un parlement pourrait adopter une résolution offrant une solution concrète et immédiate, simplement humaine et humanitaire, à une personne - Julian Assange - poursuivie pour des raisons politiques et gravement atteinte dans sa santé.
Ma seconde satisfaction, Mesdames et Messieurs les députés, est que notre résolution a démontré que le bon sens et l'humanité ne relevaient pas de l'opinion politique, puisque cet objet a été signé par des députés d'horizons très divers: les Vertes et les Verts, l'Union démocratique du centre, le parti socialiste, le parti démocrate-chrétien, Ensemble à Gauche et le Mouvement Citoyens Genevois, soit 20% des parlementaires de notre Grand Conseil, issus de six des sept partis politiques représentés ici, ainsi que deux indépendants ont signé cette résolution.
Je dois avouer ne pas vraiment comprendre pourquoi les députés PLR se sont obstinés à rester en marge de cette action transpartisane, alors qu'ils ou elles prétendent être à l'avant-garde du libéralisme politique, de la défense de l'action humanitaire, de la lutte contre la torture, du respect de l'Etat de droit, des droits humains, et qu'ils s'honorent de l'«esprit de Genève» et de la vigueur de la Genève internationale. Avec le vote de cette résolution, une nouvelle chance de faire preuve tant de sens politique que de bons sentiments s'offre à vous, Mesdames et Messieurs du PLR et du PDC qui ne vous êtes pas encore décidés aujourd'hui !
Comme le suggère le Conseil fédéral dans sa réponse à l'interpellation du conseiller national Carlo Sommaruga, une demande de visa humanitaire n'est pas une demande d'asile. Accorder un visa humanitaire à Julian Assange à Genève lui permettrait simplement d'être soigné aux Hôpitaux universitaires, car il a besoin d'être rétabli dans sa santé physique et psychique après plus de neuf années de confinement à l'ambassade d'Equateur à Londres puis dans une prison britannique de très haute sécurité, où il est au secret vingt-deux à vingt-trois heures par jour.
En tant qu'ex-délégué au CICR, c'est également après avoir lu les rapports alarmants de M. Nils Melzer, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines, traitements cruels inhumains ou dégradants... Celui-ci a déclaré à différentes occasions que l'ensemble de la détention de M. Assange ne reposait sur aucune base légale et que le traitement qu'il subissait devait être qualifié sans nul doute de torture. Julian Assange a besoin de soins, comme chaque être humain sur notre planète. Il a également besoin de retrouver le minimum de sérénité mentale - est-ce possible après dix ans de torture, on le verra - pour prendre une décision en toute capacité psychique et en toute connaissance de cause quant à la suite à donner à sa vie, par exemple en choisissant le pays où il souhaitera vivre.
Depuis des années, tout le monde parle au nom de Julian Assange. Mais quel sera son désir, quelle sera sa volonté, sa détermination ? Personne ne peut le dire aujourd'hui. Retournera-t-il en Australie, son pays d'origine ? En Grande-Bretagne, pour y affronter ses juges ? Choisira-t-il d'utiliser son droit au refuge en demandant l'asile en Allemagne, en Russie, en France, ou en Suisse, même ? Les HUG sont mondialement reconnus pour le traitement de patients ayant subi des actes de torture et pour la pratique d'une médecine exigeante...
Le président. Je vous rappelle qu'il est interdit de filmer dans la salle, Mademoiselle ! (Exclamation.) Continuez, Monsieur Rossiaud.
M. Jean Rossiaud. Les HUG sont mondialement reconnus pour le traitement de patients ayant subi des actes de torture et pour la pratique d'une médecine exigeante, garantissant la sécurité de patients dont l'hospitalisation doit être entourée de mesures particulières, notamment de sécurité. C'est le lieu idéal pour que Julian Assange recouvre sa santé.
Genève, capitale onusienne des droits de l'homme et de l'action humanitaire, siège du Comité international de la Croix-Rouge, offre les conditions appropriées pour que la santé de Julian Assange soit rétablie dans le respect des principes d'humanité, de neutralité et d'indépendance. Comme l'autorise la procédure, John Shipton, le père biologique de Julian Assange, effectuera au nom de celui-ci et dans les meilleurs délais la demande officielle de visa humanitaire auprès de l'ambassade de Suisse à Londres. Nous l'accompagnerons dans ces démarches, si nécessaire.
Le procès d'extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis, où il risque la peine de mort, se terminera en mai. Il y a quelques minutes, j'ai appris que les audiences ont été suspendues à Londres. Julian Assange était affaibli hier au tribunal: il était pâle et ne pouvait pas rester assis très longtemps. La liberté conditionnelle doit lui être accordée dans l'intervalle. Aucune raison ne justifie d'attendre la fin de la procédure d'extradition, qui ne se terminera que dans trois ans, avec les recours.
Personne ne pourra jamais se pardonner que Julian Assange meure en prison. Je vous remercie donc de voter cette résolution. Les discussions que j'ai pu mener au préalable avec le président du Conseil d'Etat ainsi qu'avec le conseiller d'Etat Mauro Poggia m'ont rendu optimiste quant à l'éventualité que le gouvernement genevois appuie de tout son poids cette initiative cantonale parlementaire. J'ai également confiance dans la sagesse du Conseil fédéral sur ce dossier. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole pour une minute trente à M. Guy Mettan.
M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Il est évident qu'il faut accepter cette résolution pour toutes les raisons évoquées par M. Rossiaud, mais aussi parce que, depuis de nombreuses années, Julian Assange entretient des relations privilégiées avec Genève.
Je rappelle que la première fois qu'il est venu en Suisse, c'était à Genève en novembre 2010. J'ai eu le plaisir de l'accueillir au Club suisse de la presse, alors que j'étais président de ce Grand Conseil. C'est là qu'il a procédé à une conférence de presse la première fois, quand il était inculpé - à tort d'ailleurs - par la justice suédoise, qui, au bout de neuf ans de procédure insensée, a finalement dû classer ses accusations contre lui.
Ensuite, nous avons reçu à Genève, également dans le cadre de différentes conférences de presse et réunions au Palais des Nations, M. Baltasar Garzón, le premier juge à avoir inculpé Pinochet pour ses crimes contre l'humanité. Baltasar Garzón, qui est le responsable des avocats de Julian Assange, est venu à de multiples reprises avec ses équipes d'avocats à Genève.
En 2015, j'ai également eu le plaisir d'organiser une interview de Julian Assange à l'ambassade équatorienne avec Darius Rochebin. Nous avons procédé à cette interview, diffusée sur la RTS et publiée dans «L'Hebdo», et cela a continué pendant les années suivantes. Depuis maintenant quelques mois, M. Nils Melzer, professeur de droit à Zurich, rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, s'est emparé de ce sujet.
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur Mettan.
M. Guy Mettan. J'expliquais juste que Genève a une relation particulière avec Assange. C'est la raison pour laquelle - outre les autres arguments - je vous invite à voter cette résolution.
Mme Claude Bocquet (PDC). Les crimes reprochés à Julian Assange sont d'avoir divulgué au monde des informations portant notamment sur les crimes de l'armée américaine en Irak et en Afghanistan, le massacre de civils ainsi que les tortures à Guantánamo. Depuis son arrestation en avril 2019, Julian Assange est détenu à titre préventif dans une prison de haute sécurité au Royaume-Uni, en attente d'une extradition vers le sol américain, où il risque d'être condamné à cent septante-cinq ans de prison.
De nombreuses personnalités se sont élevées contre les violations répétées des droits fondamentaux de Julian Assange: torture psychologique, détention arbitraire, interdiction de préparer sa propre défense et d'avoir accès aux documents juridiques de l'affaire. Julian Assange a subi des interrogatoires sous l'influence de psychotropes, ce qui est également interdit par la Convention sur l'interdiction des armes chimiques. Les médecins qui l'ont examiné ont confirmé une dégradation de ses capacités neurocognitives et une détérioration continue de sa santé depuis son arrestation.
La République et canton de Genève a une tradition humanitaire. Elle a la possibilité de demander un visa humanitaire pour Julian Assange, qui lui permettrait d'être pris en charge dans un hôpital universitaire bien équipé et doté d'un personnel qualifié, afin d'éviter qu'il ne meure en prison au Royaume-Uni. Chaque citoyen mérite que ses droits fondamentaux soient protégés. C'est pourquoi le groupe PDC votera cette résolution. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC). J'aimerais commencer peut-être par remettre l'église au milieu du village: dès 2016, le conseiller national Jean-Luc Addor, de l'UDC Valais, s'est enquis des problèmes de santé de Julian Assange et a déposé un texte à Berne en décembre de la même année. Par ailleurs, il y a un an, le 6 février 2019, le Conseil municipal de Genève acceptait un texte de l'UDC qui disait ceci: «Le Conseil municipal de la Ville de Genève demande au Conseil fédéral de concrétiser sa politique de protection des défenseurs des droits de l'homme en offrant ses bons offices et en entreprenant toutes les démarches nécessaires à la sauvegarde de la vie et de l'intégrité corporelle de M. Julian Assange.» Par conséquent, sans vouloir jeter une pierre dans le jardin de notre collègue Jean Rossiaud qui a réalisé un excellent travail - d'ailleurs, j'ai cosigné sa résolution et le groupe UDC la votera - je suis très surpris par l'exposé des motifs: je trouve que ne pas retranscrire la réalité des choses constitue une forme de malhonnêteté intellectuelle.
Cela étant dit, en effet, il convient bien évidemment, compte tenu de la résolution de l'ONU adoptant la déclaration de 1998 sur les défenseurs des droits de l'homme et des libertés fondamentales au niveau national et international, de demander un visa humanitaire pour Julian Assange à Genève. A mon avis, peut-être faudrait-il compléter l'invite. Celle-ci enjoint au Conseil d'Etat de «demander au Conseil fédéral qu'il délivre en toute urgence un visa humanitaire pour Julian Assange». Il n'est pas indiqué: «auprès d'une représentation suisse à l'étranger». Ma question est: est-ce implicite ? Sinon, il conviendrait de modifier l'invite. Je demande à M. Jean Rossiaud s'il ne faudrait pas le faire. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste s'associe aux revendications demandant la libération immédiate de Julian Assange et sa conduite en lieu sûr. Nous soutenons toutes les démarches possibles afin que la Suisse accorde l'asile politique à Julian Assange et remercions Carlo Sommaruga, conseiller aux Etats, pour les démarches entreprises à Berne afin de protéger la vie de Julian Assange. Nous remercions le député Jean Rossiaud pour la rédaction de cette résolution ainsi que la Ville de Genève, qui a également demandé au gouvernement suisse d'intervenir pour sauvegarder la vie et l'intégrité corporelle de Julian Assange, fondateur de WikiLeaks.
Le parti socialiste défend le respect de l'Etat de droit et le droit à un procès équitable pour Julian Assange, et défend le droit d'asile pour les lanceurs et les lanceuses d'alerte. La liberté de la presse est un élément fondamental de notre démocratie. Il est vital de permettre à l'information de circuler et ainsi de permettre à notre communauté, qu'elle soit locale ou mondiale, de fonctionner sur des bases plus transparentes.
Aussi bien Julian Assange qu'Edward Snowden et Chelsea Manning ont mis le doigt sur des enjeux politiques cruciaux concernant la vie privée, l'identité et la citoyenneté. Ils jettent tous trois une lumière crue sur des violations crasses des droits humains. Nous n'oublions pas que la Suisse est dépositaire des Conventions de Genève. Nous n'oublions pas non plus que la Suisse est historiquement le pays des fiches, le pays de Crypto AG. Nous n'oublions pas que la Suisse est en retard concernant l'identité numérique et sa protection, alors que la loi sur l'identification électronique a été adoptée cet automne au parlement fédéral et qu'elle a créé le cadre juridique d'un moyen d'identification électronique reconnu et approuvé par l'Etat. Nous appelons aujourd'hui de nos voeux un cadre juridique plus précis pour défendre les lanceurs d'alerte.
Nous tenons ici à rendre hommage à Julian Assange, à Edward Snowden, à Chelsea Manning et à tous et toutes les autres activistes qui veillent à défendre le respect des droits humains. Vous l'aurez compris, nous vous enjoignons en conséquence de voter cette résolution, qui invite le Conseil d'Etat à délivrer en toute urgence un visa humanitaire à Julian Assange. Merci. (Applaudissements.)
M. Vincent Subilia (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde dans cet hémicycle s'accordera - le PLR en premier lieu - à considérer effectivement que la liberté d'opinion est un bien intangible. Chacun considérera également que la liberté de la presse forme un élément fondamental de notre démocratie. Chacun sera d'avis - et le PLR a fortiori - que la tradition humanitaire de la Suisse et le rôle de Genève comme berceau et bastion de la Croix-Rouge sont déterminants. Jusqu'à ce stade, les considérants de la proposition de résolution qui nous est soumise ce soir entrent en résonance avec l'ADN de notre famille politique. Mais chacun, ou certains en tout cas, et le PLR parmi eux, considéreront que la violation de secrets-défense - on parle ici de la dissémination de près d'un million de documents classifiés - et donc la mise en danger d'autrui qu'elle génère ne sauraient être justifiées de manière absolue par la liberté, dont je rappelle qu'elle s'arrête là où commence celle des autres.
Chacun, et à tout le moins le PLR, considérera que l'attachement aux droits fondamentaux et le rôle de Genève comme capitale mondiale des droits humains n'autorisent pas la Suisse à s'ériger en censeur de l'humanité en violant les impératifs d'impartialité, de neutralité et d'indépendance qui font le code génétique de notre pays et qui constituent aussi l'esprit de Genève.
Mesdames et Messieurs, accueillir Julian Assange consisterait - au-delà des considérations médicales qui suscitent naturellement toute notre empathie et notre bienveillance - à cautionner, dans une certaine mesure, des agissements illégaux, ceux de la violation du respect de la confidentialité, qui nous paraît être aussi important que celui de la sphère privée. C'est un boulevard pour tous les Snowden, les Falciani et ceux qui - pour des motifs parfois louables, mais souvent mercantiles et très largement narcissiques - violent les règles qui structurent le fonctionnement d'un Etat de droit, où la liberté des uns et des autres, j'y reviens, doit être respectée.
Pour ces motifs, Mesdames et Messieurs, chers collègues, vous l'aurez compris, le PLR rejettera cette résolution. Mais une autre raison vient s'ajouter à notre considération du jour. Elle a été évoquée par M. Rossiaud, et je me permets de la souligner. Elle nous est donnée par le Royaume-Uni lui-même qui aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, a annoncé qu'il allait surseoir à l'examen de la demande d'extradition, précisément pour se donner le temps de la réflexion. C'est dire si le Royaume-Uni n'est pas absolument le vassal des Etats-Unis qu'on souhaite décrire ici !
Au PLR, nous faisons le pari de la confiance dans le Royaume-Uni, dans son système judiciaire, et aussi dans son système médical, dont nous formons tous collectivement le voeu qu'il apporte une réponse à la souffrance de M. Assange. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'aimerais bien moi aussi pouvoir dire que j'ai confiance dans le système judiciaire du Royaume-Uni. Malheureusement, il suffit de regarder ce qui s'est passé depuis huit ans: alors, cette confiance s'effrite et on se rend compte qu'on ne peut pas avoir confiance dans un système qui a permis qu'une personne soit assignée à résidence pendant près de huit ans sans pouvoir sortir, sans avoir accès aux soins médicaux, qui voit sa santé se dégrader et qui depuis bientôt une année se trouve dans une prison de haute sécurité avec seulement quarante-cinq minutes de sortie par jour et un accès très limité aux soins médicaux, l'impossibilité de communiquer avec quiconque. En fait, c'est ce qu'on appelle de la torture psychologique. C'est dans un système comme celui-ci que le parti libéral-radical du canton de Genève vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'avoir confiance ! (Quelques huées.) Eh bien, il faut dire non !
Il faut rappeler que Julian Assange est un héros. Pourquoi ? Parce qu'il a osé faire prévaloir la raison et l'humanité sur la raison d'Etat. Et c'est la raison d'Etat, Mesdames et Messieurs, que le parti libéral-radical du canton de Genève vous demande de faire prévaloir sur l'humanité, sur les droits fondamentaux et sur la raison. (Applaudissements.) Alors il faut dire non ! Julian Assange est un héros, car il a violé la loi pour dénoncer un Etat qui commettait des crimes de guerre. (Commentaires.) Il a dénoncé un Etat qui commettait des crimes innommables, incroyables, pour étendre son empire sur la planète. Vous vous souvenez qu'en 2010, Julian Assange, grâce à WikiLeaks, a publié des images de deux photographes de l'agence Reuters qui se faisaient assassiner par un hélicoptère de l'armée américaine dans la ville de Bagdad. Si Julian Assange n'avait pas été là, avec évidemment la collaboration d'autres personnes telles que Chelsea Manning - qui a d'ailleurs été graciée et n'est plus en prison - ces images ne seraient jamais sorties de la confidentialité dans laquelle l'armée américaine aurait bien voulu les conserver. Merci Julian Assange !
Pourquoi cette résolution a-t-elle un sens ? Je ne pense pas que grâce à elle, les autorités anglaises vont laisser Julian Assange sortir de prison et vont l'inviter à l'aéroport pour qu'il puisse embarquer dans un avion à destination de la Suisse, mais notre pays a un petit rôle à jouer dans cette affaire. La Suisse est un Etat proche des Etats-Unis: vous savez que la Confédération représente les intérêts américains en Iran, à Cuba, et vous savez que les services secrets suisses et américains fonctionnent main dans la main. Or le premier devoir qu'on a envers ses amis, c'est de leur dire la vérité, leur dire ce qu'on pense. Ce que nous pensons, c'est que les Etats-Unis doivent cesser de harceler des gens comme Julian Assange qui n'ont pour but que de faire prévaloir la vérité sur le mensonge. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Jean Rossiaud pour dix-neuf secondes.
M. Jean Rossiaud (Ve). Merci, Monsieur le président. Juste pour dire que Julian Assange n'a pas violé de lois, et l'histoire nous le démontrera. On m'a reproché - j'aimerais répondre sur ce point - de faire preuve de malhonnêteté intellectuelle. Pas du tout, Monsieur Ivanov ! Evidemment que des députés avant moi, dans d'autres circonstances, ont demandé l'asile...
Le président. Je vous remercie, Monsieur Rossiaud.
M. Jean Rossiaud. Non, juste pour répondre à M. Ivanov ! (Commentaires.)
Le président. C'est terminé !
M. Jean Rossiaud. J'ai été mis en cause, Monsieur le président !
Le président. Je passe la parole...
M. Jean Rossiaud. J'aimerais juste répondre parce que j'ai été mis en cause... (Le micro de l'orateur est coupé. Commentaires.)
Le président. ...à M. le député Patrick Dimier. (Commentaires.) Monsieur Patrick Dimier, vous avez la parole.
M. Jean Rossiaud. Monsieur le président, j'ai été mis en cause, ça prendra trente secondes !
Le président. Monsieur Patrick Dimier, vous avez la parole ! Je ne vais pas le répéter quinze fois ! (Commentaires.)
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Lors de la naissance des Etats-Unis, un certain 4 juillet 1776...
Une voix. Aaah !
M. Patrick Dimier. ...les Américains ont annoncé clairement, dans la déclaration d'indépendance, qu'ils avaient le droit imprescriptible - imprescriptible ! - de s'exprimer et de s'opposer à l'autorité des élus lorsque ceux-ci ne respectent pas les fondements de l'Etat américain. Certes, M. Julian Assange n'est pas un citoyen américain, mais aujourd'hui, il défend ce qui est l'un des fondements des Etats-Unis d'Amérique.
Les Etats-Unis d'Amérique, par leur président, dont on peut dire sans trop se risquer qu'il n'est pas un modèle de probité...
Mme Danièle Magnin. Tu es à la moitié de ton temps !
M. Patrick Dimier. Laisse-moi finir !
M. Jean Romain. Mais oui, laisse-le finir ! (Un instant s'écoule. Commentaires.)
Une voix. Ça tourne, vas-y !
M. Patrick Dimier. Aïe aïe aïe ! (L'orateur rit.) Donc, M. Assange ne fait rien d'autre que défendre le droit intérieur américain ! Et, pour l'humanité tout entière, M. Assange est un modèle. C'est un modèle, parce qu'il dénonce des choses abominables, qu'on appelle les crimes de guerre ! Tous ceux qui aujourd'hui ne soutiendraient pas la demande faite ici devant ce parlement sont d'accord avec ces crimes de guerre, puisqu'ils ne s'opposent pas... (Remarque.) ...ils ne s'opposent pas...
Une voix. Oh là là ! (Commentaires.)
M. Patrick Dimier. Eh oui ! Il y a des moments où il faut accepter ses erreurs politiques ! Il est donc important d'accepter la résolution qui vous est présentée, et peut-être, comme l'a relevé un préopinant, de s'assurer qu'effectivement, cette demande peut être adressée à une représentation diplomatique suisse. Le MCG soutiendra donc cette résolution.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Bertrand Buchs pour une minute vingt-sept.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Juste pour dire qu'un lanceur d'alerte, si on le définit ainsi, c'est quelqu'un qui sera toujours contre la raison d'Etat. C'est logique ! On n'est pas lanceur d'alerte si on ne s'oppose pas à quelque chose qui est grave et qui remet en question le fonctionnement d'un Etat. C'est tout le risque encouru par un lanceur d'alerte: de toujours se faire reprocher de s'opposer aux lois et à la raison d'Etat. Mais nous sommes dans le canton de Genève, et la Confédération est dépositaire des Conventions de Genève, et là, on parle de torture, de décisions prises contre le fondement de l'Etat, et même contre le fondement de l'Etat américain, qui n'accepte pas la torture. Publier et démontrer qu'on a pratiqué la torture dans des prisons à Bagdad ou en Afghanistan est quelque chose qu'il fallait faire. Rien que pour cela, on doit soutenir cette personne.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout démocrate, quelle que soit sa sensibilité politique, ne peut évidemment qu'être interpellé par la situation de M. Julian Assange, sur le plan humanitaire, mais également sur le plan judiciaire. Pour que le silence ne devienne pas de la complicité, notre interpellation doit se transformer en action. Vous le faites aujourd'hui, majoritairement, en exprimant votre indignation, et en proposant une voie à suivre. Est-elle la bonne ? L'avenir nous le dira.
Quoi qu'il en soit, le Conseil d'Etat ne peut que vous entendre. Il ne peut que partager votre préoccupation et la portera avec diligence et avec détermination auprès des autorités fédérales compétentes. Il ne s'agit pas de vouloir prôner une ingérence dans le droit étranger. Il s'agit simplement de proposer, comme la Suisse sait si bien le faire, ses bons offices, pour essayer de sortir d'une situation qui n'est pas acceptable sur le plan humain. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mise aux voix, la résolution 906 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui contre 16 non et 4 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Présidence de M. François Lefort, premier vice-président
Le président. Nous poursuivons le traitement des urgences avec le rapport PL 12211-B et PL 12212-B. Ce débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole au rapporteur, M. Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous avions commencé ce débat il y a quelques semaines avant de renvoyer le dossier en commission. Il a fallu tenter de comprendre la raison de ce renvoi, dans la mesure où il y avait un rapport de majorité et un rapport de minorité. Les différents groupes ont donc été priés de se positionner sur le sujet et ils ont finalement informé la commission des droits politiques qu'ils étaient d'accord avec le projet de loi 12211, qui a été adopté par 9 oui et 4 abstentions. Ainsi, plus de minorité, je suis seul rapporteur sur ce texte.
En fait, j'ai été surpris d'apprendre qu'il avait été retiré des extraits, parce que c'est là qu'il aurait dû se trouver, mais d'un autre côté, comme il s'agit d'une modification constitutionnelle sur laquelle la population sera amenée à se prononcer, ce n'est pas plus mal qu'on en discute ce soir et qu'on s'accorde sur une position commune. Je rappelle que lors de son premier passage en commission, puisque le travail a déjà été effectué, le projet de loi 12211 - en réalité, il y a deux textes de lois, mais on va surtout parler du projet constitutionnel - avait été accepté par 8 oui contre 5 non et 2 abstentions. Voilà pour la forme.
Maintenant, j'en viens au fond. On parle ici des droits politiques de personnes dites incapables de discernement. Je ne sais pas quelle était la situation exacte avant l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution, mais on avait une certaine propension à penser que les gens sous curatelle devaient être privés de leurs droits politiques. Dans la constitution de 2012, une nouvelle disposition a été introduite, que je vous lis: «Les droits politiques des personnes durablement incapables de discernement peuvent être suspendus par décision d'une autorité judiciaire.» Voilà ce qui figure actuellement dans notre charte fondamentale et que le projet de loi propose de supprimer totalement; ce ne doit plus être à une autorité judiciaire de décider si un individu est capable ou non de prendre position lors d'un vote.
Je vais vous donner mon opinion sur le sujet: je ne vois pas très bien comment la justice peut déterminer si quelqu'un est apte à voter ou pas, ça me paraît extrêmement difficile. Certes, elle peut déclarer une personne incapable de gérer ses finances ou son logement, mais il me semble beaucoup plus délicat de se positionner sur le reste. Je l'avais dit la dernière fois et je ne veux pas trop me répéter, puisque le débat a déjà eu lieu, mais quand vous votez, vous vous prononcez en fonction de certaines émotions, pas forcément selon un processus rationnel.
Je reviendrai sans doute sur la question plus tard, mais je voulais juste introduire le sujet et surtout vous recommander d'accepter ces deux projets de lois qui abrogent la disposition constitutionnelle actuelle. Je reprendrai la parole après, merci.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je suis le premier signataire de ces deux projets de lois, mais je n'en ai que très peu de mérite, car ils émanent en réalité de la commission des droits politiques, suite à un épisode que je vais rappeler ici. Il me faut d'ailleurs rendre hommage au Conseil d'Etat dans cette affaire. Celui-ci nous avait présenté un texte prévoyant une régression des droits politiques des personnes handicapées par rapport au dispositif introduit dans la constitution genevoise de 2012. L'objectif était d'en revenir au statu quo antérieur, celui qui a cours à l'échelle fédérale, c'est-à-dire à des dispositions administratives privant d'office de leurs droits politiques un certain nombre de personnes dites incapables de discernement - sous tutelle ou curatelle de portée générale.
Nous avions étudié ce projet de loi, le Conseil d'Etat avait avancé des arguments d'ordre administratif, expliquant que la situation actuelle créait deux cercles d'électeurs - l'un pour la Confédération, l'autre pour le canton - que c'était problématique, compliqué, que les gens ne comprenaient pas et qu'il fallait normaliser le tout, mais en revenant en arrière, en retournant à ce qui existait avant. Ceci alors que la Constituante genevoise avait eu un rôle progressiste en la matière, insistant pour que les personnes privées de leurs droits politiques ne le soient qu'après décision d'un juge.
En commission, nous avions estimé qu'il fallait poursuivre l'avancée, puisqu'une convention de l'ONU introduite en 2014, c'est-à-dire après la constitution genevoise, allait dans le même sens. Dans ce but, nous avions consulté deux éminents professeurs que vous connaissez, Tanquerel et Hottelier, qui ont trois mérites: non seulement être deux personnes très brillantes, représenter pour l'un les couleurs socialistes, pour l'autre les libérales, mais surtout être d'anciens constituants. Tous deux nous ont dit qu'il fallait supprimer cette restriction, qu'on pouvait parfaitement faire un pas en avant et accepter que le millier de personnes - c'est l'ordre de grandeur admis à Genève - sujettes à ces restrictions ne le soient plus.
La commission était sur le point d'accepter un amendement que j'avais rédigé lorsque François Longchamp est venu nous dire que puisqu'il y aurait une votation populaire, il serait plus «clean» non pas d'amender le projet de loi du Conseil d'Etat, mais d'en déposer un neuf. Nous en avons donc déposé un neuf, et il n'y a eu aucune objection sérieuse. Bon, la dernière fois, un rapport de minorité a été déposé par un député PLR qui s'est opposé au texte, je n'ai pas très bien compris pourquoi; on a donc renvoyé le dossier en commission pour permettre au PLR de se retourner, et il s'est avéré que le projet de loi a ensuite été voté à l'unanimité - certes avec quelques abstentions, mais à l'unanimité tout de même - donc je vous propose d'en faire de même ici et maintenant. (Applaudissements.)
M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, à la forme d'abord, je déplore la méthode de travail de la commission des droits politiques sur ces projets de lois. (Exclamations.) En effet, je trouve pour le moins curieux, s'agissant de textes aussi essentiels, qui engendrent tout de même une modification d'ordre constitutionnel, qu'un simple traitement aux extraits ait été prévu. Je remercie à cet égard notre assistant parlementaire, Mohamed Atiek, d'avoir identifié ce procédé et je me réjouis que nous ayons pu retirer ce sujet des extraits pour le traiter comme il se doit, avec un vrai débat de fond.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner en plénière il y a quelques semaines, Genève possède le système le plus progressiste de Suisse en la matière. En effet, dans l'ensemble des autres cantons de même qu'au niveau fédéral, les personnes durablement incapables de discernement sont automatiquement privées de leurs droits politiques. La Constitution fédérale telle que libellée actuellement stipule que seuls peuvent exercer les droits politiques ceux qui ne présentent pas de maladie mentale ni de faiblesse d'esprit; pour ces derniers, la privation est automatique. La Constituante genevoise a proposé un système qui est déjà progressiste, puisqu'il consiste à procéder au cas par cas et non plus par automatisme. Aujourd'hui, les auteurs de ces projets de lois ainsi qu'une majorité de la commission des droits politiques, hélas, considèrent que la capacité de discernement n'est plus nécessaire pour se rendre aux urnes.
Or, et cela a été rappelé par le président de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire lors de son audition, il y a des risques que les droits politiques soient exercés par des tiers, il peut y avoir des manipulations. Je remarque à ce propos que les auteurs ont complètement négligé de lire l'article 45, alinéa 2, de la constitution genevoise, que voici: «La loi garantit que toute personne jouissant des droits politiques puisse effectivement les exercer.» Dites-nous, Mesdames et Messieurs, comment vous allez faire pour que quelqu'un qui se trouve dans le coma, par exemple, puisse effectivement exercer ses droits ? Vous n'y avez pas pensé, évidemment, et c'est normal, parce que vous vous êtes enfermés dans un dogmatisme typique de la gauche lorsqu'il s'agit de définir le corps électoral - nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre du projet de loi visant à octroyer le droit de vote à tous les étrangers domiciliés sur notre territoire.
Un dernier point: le Bureau fédéral de l'égalité pour les personnes handicapées a lui-même indiqué qu'il n'y avait aucune raison de modifier le système actuel, ce qui montre bien - une fois de plus ! - qu'on est là dans de la bien-pensance, dans du politiquement correct, et tout ça sur le dos de personnes qui souffrent, qui se voient systématiquement affublées d'étiquettes et que l'on confond avec les individus sous curatelle, ce qui n'a strictement rien à voir. Je vous remercie de votre attention.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, c'est vrai qu'il s'agit d'un sujet essentiel, je suis d'accord avec M. Alder, mais ces deux objets permettent justement d'éliminer une grave injustice, à savoir que les gens sous curatelle de portée générale ne peuvent pas voter ! D'ailleurs, il faudrait aussi modifier la législation fédérale pour qu'elle s'aligne sur la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, à travers laquelle la Suisse s'est engagée «à éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes handicapées, à protéger celles-ci contre les discriminations et à promouvoir leur inclusion et leur égalité au sein de la société civile».
Lors du traitement initial de ces textes, la majorité de la commission des droits politiques avait considéré qu'il était totalement injuste, arbitraire et même stigmatisant qu'un juge, par un simple tampon - parce que c'est comme ça que ça fonctionne - puisse priver de leurs droits fondamentaux des individus qui font l'objet d'une mesure de curatelle en affirmant qu'ils ne disposent pas de la capacité de discernement. Comme l'a souligné le rapporteur, comment déterminer si quelqu'un est capable de discernement s'agissant d'une votation ? On peut très bien avoir des difficultés à gérer ses affaires privées, souffrir de problèmes psychologiques ou psychiatriques, mais être très intelligent par ailleurs et parfaitement appréhender les enjeux d'un objet soumis au vote, ça n'a rien à voir !
Encore une fois, c'est une iniquité totale: déposséder de leurs droits les gens sous curatelle de portée générale relève de la stigmatisation, voire de l'humiliation. L'UDC vous suggère d'accepter ces excellents projets de lois et remercie la commission des droits politiques d'avoir réalisé ce travail. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, mon préopinant a déjà dit beaucoup de choses en réponse à l'intervention de notre collègue Murat Alder, mais j'aimerais quand même ajouter quelques éléments. Murat Alder affirme que notre système est le plus progressiste de Suisse; oui, c'est effectivement le cas en théorie, mais il se trouve que dans les faits, si l'idée de départ de la Constituante était bien-pensante, les juges genevois se montrent encore plus restrictifs que le système qui prévalait auparavant !
Au final, c'est un magistrat, dans l'arbitraire de son cabinet, qui décide si des personnes présentant des incapacités psychiques ou mentales - ce qui ne signifie pas forcément qu'elles manquent de discernement, d'ailleurs - peuvent voter ou non. Imaginez la situation suivante: vous ou l'un de vos proches avez des idées politiques de droite et vous tombez sur un juge de gauche qui doit déterminer si vous êtes apte à voter. Le discernement, en matière politique, c'est compliqué; comme l'a indiqué l'un de mes préopinants, on se prononce en fonction de paramètres qui ne sont pas toujours objectifs, mais ce n'est pas pour cette raison que certains ou certaines, sous prétexte qu'ils sortent de la norme, doivent purement et simplement être exclus du cercle des électeurs et électrices.
Murat Alder soutient encore que la capacité de discernement devrait constituer un critère pour l'obtention des droits politiques; dans ce cas, allons jusqu'au bout de l'idée et supprimons le vote par correspondance, faisons venir tout le monde au local de vote, faisons passer un éthylotest à chaque personne avant qu'elle dépose son bulletin dans l'urne ! Plus sérieusement, il existe des tonnes de situations où l'on peut être passagèrement privé de la capacité de discernement, et on ne vérifie pas l'état de chaque individu qui remplit son bulletin de vote à la maison, donc il n'y a aucune raison qu'on le fasse pour certaines catégories de la population à cause d'un handicap.
Le dernier argument du député Murat Alder, c'est qu'il y a un risque de fraude; ce risque, Mesdames et Messieurs, existe pour l'ensemble des citoyens ! Il faut sanctionner les fraudeurs et les fraudeuses, pas les personnes différentes, parce que vous créez, cher collègue - vous transmettrez, Monsieur le président - de la souffrance. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'essentiel a été dit, mon intervention ne sera donc pas très longue. Je voudrais simplement rappeler que si, au départ, ce point figurait aux extraits, c'est parce qu'il avait été adopté à la quasi-unanimité de la commission des droits politiques. Selon la règle, le Bureau place aux extraits les objets qui n'ont suscité pour ainsi dire aucune opposition - y compris les modifications constitutionnelles, d'ailleurs - ce qui était le cas en l'occurrence. La coutume veut, Mesdames et Messieurs, chers collègues, que nous ne prenions pas la parole lors des extraits, mais comme vous le savez, cette pratique n'est pas toujours respectée, vous vous ingéniez même à y déroger parfois.
Le travail accompli par la commission des droits politiques a été sérieux et approfondi, les commissaires ont procédé à plusieurs auditions - cela a été rappelé - notamment celle de deux professeurs de droit constitutionnel, anciens constituants, et on ne peut pas remettre en cause la qualité des travaux effectués. L'unanimité qui s'est dégagée - moins deux abstentions, me semble-t-il - lors du vote final de la commission devrait nous inciter à accepter les dispositions de ces deux projets de lois avec le même unisson, c'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien vous recommande de vous prononcer dans ce sens. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes.
M. Pierre Eckert. J'ai sollicité la parole, Monsieur le président !
Le président. Mais oui, Monsieur, j'allais précisément vous la passer lorsque le vote nominal a été demandé ! Allez-y, Monsieur le rapporteur.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président, et merci pour ce débat, Mesdames et Messieurs. Ce qu'on s'apprête à décider maintenant, c'est que tout le monde puisse bénéficier des droits politiques. Alors je ne suis pas juriste, mais j'aimerais tout de même répondre à M. Alder: le fait de disposer des droits politiques ne signifie pas qu'on est forcé de les exercer; comme vous le savez, il y a un certain nombre d'abstentionnistes lors de chaque votation, donc on parle juste d'une possibilité.
Ensuite, examinons de plus près ce qu'il est susceptible de se passer, les cas de figure potentiels. Si une personne présentant des difficultés cognitives est toute seule ou dans le coma, comme on l'a dit, elle ne va tout simplement pas voter, donc il n'y a pas de danger. Maintenant, il se peut que cette personne soit accompagnée par un proche aidant, et dans ce cas, ils vont peut-être essayer de voter ensemble, ce n'est pas plus mal. Pourquoi une personne encadrée par un proche aidant ne pourrait-elle pas participer à une votation ? Pour moi, ça ne pose aucun problème.
La question qui pourrait éventuellement se poser et qui a d'ailleurs été soulevée lors des travaux de la commission des droits politiques, mais dans un autre contexte, c'est la captation collective de suffrages, par exemple au sein d'un EMS. Nous avons entendu à ce sujet le service des votations et élections, qui nous a expliqué que des contrôles sont effectués dans les divers établissements pour garantir qu'une telle situation ne se produise pas. En ce qui me concerne, ce n'est pas un souci, j'ai toute confiance dans le service des votations et élections et je sais qu'il s'assurera qu'aucune malversation ne survienne dans les lieux de vie communs où certains font face à des difficultés cognitives. En ce sens, je vous recommande très vivement d'accepter ces projets de lois.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je serai très bref: ainsi que cela a été souligné, le Conseil d'Etat s'est largement impliqué dans ce projet, notamment mon prédécesseur, M. François Longchamp. Selon ses conclusions, l'avantage d'octroyer les droits politiques à toute personne sans qu'une autorité judiciaire ait à juger de la capacité à voter ou à élire prime sur les inconvénients, qui ont également été évoqués, notamment le risque de fraude - je pense que c'est le plus saillant.
Dans notre société, les autorités partent du principe que les citoyens se comportent de manière conforme à la loi et qu'une fraude, par exemple quelqu'un qui voterait pour le compte d'une personne dans le coma, si cela se sait - cela s'est su dans certains cas où des gens avaient voté non pas à la place d'une personne dans le coma, mais de leurs enfants ou de leur conjoint en voyage, souvent avec leur consentement, d'ailleurs - entraîne une procédure pénale ou du moins une démarche conséquente.
Les garde-fous existent, donc préjugeons la responsabilité des citoyens et assumons le fait que les droits politiques sont universels pour leurs titulaires et que les autorités judiciaires n'ont pas à se prononcer sur cette question. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. A présent, Mesdames et Messieurs, nous allons voter successivement sur les deux textes. Je rappelle que le vote nominal a été sollicité et appuyé.
Mis aux voix, le projet de loi 12211 est adopté en premier débat par 54 oui contre 31 non et 3 abstentions (vote nominal).
Le projet de loi 12211 est adopté article par article en deuxième débat.
M. Cyril Mizrahi. Je demande le vote nominal pour le troisième débat !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous procédons de la sorte.
Mise aux voix, la loi 12211 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 32 non et 2 abstentions (vote nominal).
Mis aux voix, le projet de loi 12212 est adopté en premier débat par 57 oui contre 31 non et 2 abstentions.
Le projet de loi 12212 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12212 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 30 non et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, président
Le président. Bon, il est 22h35, le sujet suivant dure quarante minutes...
Des voix. Oh non !
Le président. ...nous avons bien travaillé ce soir... (Exclamations.) ...alors je lève la séance ! (Applaudissements.)
La séance est levée à 22h35.