République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 janvier 2020 à 16h10
2e législature - 2e année - 9e session - 50e séance
M 2387-A
Débat
Le président. Nous passons à la M 2387-A; nous la traiterons en catégorie II, quarante minutes. Le rapporteur de première minorité, M. Christian Dandrès, est remplacé par Mme Xhevrie Osmani. (Un instant s'écoule.) La parole est au rapporteur de majorité, M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, de l'aveu même du premier signataire, cette proposition de motion trouve sa seule raison d'être dans la nomination d'une personne domiciliée de l'autre côté de la frontière en tant que directrice adjointe de l'administration fiscale cantonale. Nous pouvons faire nôtre l'appréciation d'un député membre de la commission: il a estimé que le groupe auquel appartiennent l'auteur et les signataires de ce texte tente une fois de plus d'attiser les braises d'un sentiment anti-frontaliers permanent.
Au fil des débats et sous le feu roulant des questions des commissaires, l'auditionné n'a pas pu démontrer la logique de sa proposition à l'aune des vrais problèmes qui peuvent se poser dans le cadre du traitement de données sensibles. Je pense par exemple au rôle des informaticiens, qui ont eux aussi accès à toutes les données confidentielles de notre Etat, à celui des lanceurs d'alerte éventuels, ou encore à celui des cadres et cadres supérieurs de notre administration.
Force a été de constater que plusieurs décisions du Tribunal fédéral ont clairement privilégié la liberté du choix du domicile par rapport à une obligation de domiciliation, sauf en de rares cas permettant de conclure au fait qu'un intérêt public prépondérant était en jeu. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé hier Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet lors du traitement d'un projet de loi.
Certes, comme l'a rappelé un autre député, la domiciliation de fonctionnaires de l'Etat en France voisine ou dans le canton de Vaud a pour conséquence des pertes fiscales avoisinant 4 millions de francs. Je précise à cet égard que les frontaliers sont soumis à l'impôt à la source, ce qui n'est pas le cas des résidents vaudois. Il sied également de préciser que de nombreuses personnes sont suisses et qu'elles n'arrivent pas à se loger à Genève compte tenu de la rareté et du prix des logements, mais aussi du fait que nous avons exporté notre construction en France voisine. Il faut toutefois constater que la motion ne pourra pas résoudre ce problème et qu'elle ne vise qu'une fonctionnaire de l'administration fiscale cantonale.
Si la majorité des commissaires a refusé d'auditionner d'autres personnes que le premier signataire, c'est qu'il est vite apparu que la motion est inutile, déplacée et de surcroît inapplicable. Au vu de ces explications, la majorité de la commission vous recommande de suivre son avis et de refuser ce texte. Je vous remercie.
Mme Xhevrie Osmani (S), rapporteuse de première minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous avons saisi l'opportunité de ce rapport de minorité pour souligner une question qui n'a que très peu été soulevée lors des débats sur cette motion. Le texte ne s'appuie pas sur un problème mais a été construit sur un fait divers qui s'insère dans une problématique beaucoup plus vaste.
Les auteurs de la proposition de motion pensent mettre le doigt sur une menace qui n'en est pas une. Si la confidentialité des données importantes de l'Etat, notamment fiscales, est une préoccupation pour tous, dire que l'ancienne directrice de l'administration fiscale cantonale menace les intérêts de l'Etat parce qu'elle est frontalière est un leurre. Aucun argument plausible n'a jusqu'alors permis de montrer que le lieu de résidence d'un collaborateur ou d'une collaboratrice compromettrait les intérêts de l'Etat, en l'occurrence son secret fiscal.
Ce qui pour le parti socialiste constitue vraiment un problème dans cette affaire, c'est la pratique du pantouflage, qui s'est progressivement instaurée en Suisse ces dernières années. Qu'une ancienne cadre de l'Etat, qui avait pour mission de prélever l'impôt, rejoigne par la suite le département fiscal d'une étude d'avocats de la place peut raisonnablement représenter une menace. Le fait qu'elle quitte avec armes et bagages l'AFC - je parle là de ses connaissances sur le fonctionnement de l'administration fiscale cantonale et de sa capacité à détecter certaines pratiques de contribuables - pour un cabinet d'avocats chargé de conseiller celles et ceux qui chercheraient à se prémunir contre l'application de la loi est en effet le vrai problème.
Mesdames et Messieurs les députés, ces pratiques professionnelles peuvent porter un préjudice considérable à la société - pratiques qui, je tiens à le souligner, sont poursuivies par le ministère public partout ailleurs en Europe occidentale mais qui à Genève et en Suisse ne suscitent pas plus de réactions que cela. C'est pourquoi nous appelons de nos voeux, à travers ce rapport de minorité, l'instauration d'un délai de carence pour éviter de tels pantouflages. On trouve d'ailleurs un délai de carence dans certains contrats du secteur privé et il figurait également dans une disposition de la loi sur la police annulée par la Cour de justice en 2016. Il est toutefois très vraisemblable - nous en sommes convaincus - que l'intérêt public visé par une loi qui toucherait un collaborateur ou une collaboratrice ayant exercé une fonction de haute direction dans un service aussi sensible que l'administration fiscale cantonale serait suffisamment important pour justifier une modeste limitation à la liberté économique des quelques hauts fonctionnaires concernés.
Au vu de ce qui vient d'être dit, je vous invite à refuser cette proposition de motion. Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est pleine de bon sens ! Elle est pleine de bon sens tout simplement parce qu'il est quand même assez curieux de voir comment se passent les choses à Genève. On est très chatouilleux sur le secret fiscal, qui est assez absolu: les députés n'ont évidemment pas accès aux données fiscales. Même les magistrats communaux n'y avaient pas accès jusqu'à ce qu'une modification de la LPFisc, proposée par moi-même, le leur accorde. Il s'agit d'un accès relativement restreint - mais d'un accès néanmoins - pour permettre aux exécutifs communaux d'élaborer leur budget sur des bases solides. Et dans le même temps, on permet à un certain nombre de hauts cadres de l'administration, qui ne sont pas suisses ni domiciliés en Suisse - il ne s'agit pas du personnel «ordinaire», je dirais, et je mets cela entre guillemets - d'avoir accès à des données fiscales essentielles, puisqu'il est en plus question, dans le présent cas, de la directrice générale adjointe de l'administration fiscale. Tout cela, sans aucun contrôle, rend finalement possibles d'éventuelles fuites de données fiscales.
Cette motion ne demande pas grand-chose: simplement que les hauts cadres et tous ceux qui ont accès aux données fiscales - parce qu'ils travaillent dans ce domaine-là et sont au coeur de cette problématique fiscale - résident à Genève de façon à protéger, à maintenir ce secret fiscal absolu que le législateur genevois défend avec une jalousie et une précaution absolues ! Nous avons besoin de protéger les données fiscales alors qu'on fait preuve là d'un certain laxisme.
On a bien vu comment, dans l'économie privée, les données de certaines banques ont pu subitement leur échapper et se retrouver dans l'espace médiatique - même mondial - ce qui a mis en difficulté ces entreprises privées. Je crois donc qu'il est important, au niveau cantonal, de s'assurer, pour chaque personne qui travaille à l'AFC et a accès à ces données, qu'il n'y a pas un risque de fuite quelconque de ces données fiscales, particulièrement à l'étranger. C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter cette proposition de motion, évidemment pas dans la version qui a été complètement dénaturée en commission, mais avec l'amendement général proposé à la dernière page du rapport, pour revenir aux invites d'origine que voici:
«- à suspendre immédiatement de son poste stratégique la nouvelle directrice générale adjointe de l'administration fiscale cantonale;
- à rendre obligatoire, dans les meilleurs délais, la domiciliation dans le canton de Genève pour les cadres de l'administration fiscale cantonale et toute personne ayant accès à des données fiscales confidentielles.»
Je vous en remercie.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Christo Ivanov. (Un instant s'écoule.) Monsieur Ivanov ?
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette motion pose un vrai problème, celui de données fort sensibles pour notre république, qui concerne quelque part chacun et chacune d'entre nous. Si le groupe UDC s'est abstenu en commission, il est pour nous évident que les hauts cadres, que ce soient ceux de l'AFC ou d'ailleurs, mais également les collaborateurs des services informatiques, doivent être domiciliés dans notre canton et non hors du canton, pour des raisons bien évidentes de confidentialité et de sécurité.
Nous ne sommes pas à l'abri de fuites des données fiscales - il y en a déjà eu dans le secteur privé et l'Etat n'est pas à l'abri. Il y a aussi les problématiques liées aux donneurs d'alerte: dans certains cas, des données sensibles sont prélevées par disquette et transmises soit à des Etats soit à des tiers. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous demande d'accepter cette motion. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). Le secret fiscal devrait être sacré ! C'est quand même une chose tout à fait intime, une chose importante. Je pense qu'il y a une dérive de notre société, de manière générale, puisque des gens venant de tous les milieux, venant d'une certaine droite dévoyée, apparemment pris par un esprit de décadence et de facilité - à gauche et à droite également - ne veulent plus du tout défendre cette protection du contribuable, cette protection du secret fiscal. Elle est pourtant importante et fait aussi partie des droits humains, des droits du citoyen. Ces données sensibles doivent impérativement être protégées; c'est le but de cette motion.
Je suis très surpris de voir que mes propos ont été complètement déformés dans le rapport de majorité. C'est de bonne guerre: on interprète, on reprend les choses en disant blanc alors qu'on avait indiqué noir. Ce n'est pas très sérieux, mais ça peut se faire - admettons, c'est le jeu politique. Il n'en reste pas moins qu'il y a une question fondamentale: comment faisons-nous pour protéger le contribuable ? Et on n'y a pas répondu, ou on y a répondu en ne faisant aucune audition, en choisissant la facilité. Je trouve le procédé détestable, à l'image d'une certaine manière de faire de la politique ! Excusez-moi, je ne participe pas à cela !
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pour Ensemble à Gauche, cette proposition de motion doit être rejetée sans aucune hésitation. Pour Ensemble à Gauche, il est assez clair que le MCG a fait du discours anti-frontaliers son fonds de commerce - il en donne encore un exemple ici - et ça devient un peu lassant. Je crois que le rapporteur de majorité a eu raison de l'évoquer et de souligner le fait qu'il n'y avait pas de raisons d'auditionner d'autres personnes.
Ce cirque habituel du MCG - au lieu de cirque, je devrais plutôt parler de cinéma - ce discours totalement gratuit est fatigant. C'est peut-être ce qui a incité M. Jean-Marc Guinchard à écrire que M. Bertrand Tavernier a assisté à l'audition, mais c'est bien M. Grégoire Tavernier qui était présent et non Bertrand, encore que ça l'aurait peut-être amusé - c'est une anecdote, pour en rire un peu. Bref, le texte pose quand même un sérieux problème... (Remarque.) C'est juste pour montrer que j'ai lu le rapport et qu'il est très bien fait; merci à M. Guinchard.
Une voix. Bravo !
M. Olivier Baud. S'attaquer... rédiger une motion pour essayer de virer une personne - une seule personne - est franchement déloyal ! C'est inacceptable ! Nous ne devrions pas entrer en matière, qui que soit cette personne ! Une fonctionnaire désignée dans une motion, dans laquelle on demande de la suspendre de son poste, mais on n'a jamais vu ça ! Nous ne devrions pas du tout entrer en matière !
Le MCG a beau jeu de dire que c'est pour protéger, etc., mais qu'est-ce qu'il fait ? Il attaque les fonctionnaires ! Ou alors, je ne sais pas, on demande que cette personne parte parce qu'on la soupçonne a priori d'être déloyale et de livrer des informations à l'étranger ? Je ne sais pas; ou on soupçonne notre pays voisin, la France, d'être capable de kidnapper cette personne et de la soumettre à la torture pour lui soutirer des informations ? Tout ça n'est vraiment pas très sérieux, Mesdames et Messieurs les députés, il convient donc de refuser résolument cet objet. Merci.
M. Adrien Genecand (PLR). Mon préopinant vient de l'évoquer: le problème initial de cette motion, c'est qu'on ne peut pas faire d'un texte parlementaire un instrument qui vise personnellement quelqu'un. Malgré cela, au-delà de la capacité de ce Grand Conseil à légiférer là-dessus, je pense qu'on peut légitimement se poser la question suivante: est-ce qu'on envisage Bercy, à Paris, dirigé par quelqu'un qui habiterait Genève ? La réalité, c'est que, dans l'immense majorité des pays, l'administration fiscale n'est pas dirigée par une personne domiciliée dans un autre pays. C'est aussi simple que ça.
Sans faire référence à un cas particulier - ça n'a rien à voir avec les compétences des personnes concernées - il se trouve que l'administration fiscale cantonale gère les données les plus sensibles et les plus protégées. Et je n'apprendrai à personne que parmi les grandes menaces suivies par l'administration fédérale de notre pays figurent évidemment les cyberattaques et les menaces dans le domaine informatique. Le fait de passer la frontière rend la chose encore plus sensible, mais en dehors des cas personnels, parce qu'on ne peut pas légiférer sur cet aspect-là.
La rapporteure de minorité socialiste a fait référence au pantouflage, en France, et au départ des fonctionnaires français vers le privé. Il faut se rendre compte que, dans l'immense majorité, les Français qui occupent les hauts postes de l'administration y arrivent après avoir fait l'Ecole nationale d'administration. Ils ont en général un poste de fonctionnaire à vie et peuvent être nommés à des hauts postes un peu partout dans le pays; quand ils partent à l'étranger, c'est en principe pour des postes liés aux Affaires étrangères. Les règles sont donc complètement différentes, puisque nous sommes ici dans un système de milice qui permet évidemment aux gens qui travaillent dans l'administration d'en partir pour le privé. C'est l'essence même de l'économie de ce pays, qui n'est pas tournée vers l'administration - heureusement pour nous ! A l'inverse, les gens qui décideraient de quitter le privé pour travailler à l'Etat apportent leurs compétences, et c'est tant mieux !
Les commissaires PLR ont amendé le texte, d'abord pour supprimer la mention de la personne qui était visée et d'autre part - ça nous semble couler de source - pour dire plus généralement que la question relève de la gestion au quotidien, qui incombe à l'exécutif. Les salaires de notre administration sont parmi les plus élevés du pays, probablement d'Europe et encore plus vraisemblablement de la planète, pour une bonne raison: le coût de la vie est élevé. C'est parce que le coût de la vie est élevé que les salaires sont plus élevés; dans ce cas - quand des salaires plus élevés sont versés - on ne peut pas, et a fortiori lorsqu'on est fonctionnaire de l'Etat, arbitrer son propre Etat, qui paie des salaires plus élevés, tout en bénéficiant de conditions économiques plus favorables dans un environnement où le loyer et le reste sont plus bas ! C'est du bon sens tout simple. C'est pourquoi nous étions très empruntés, au sein du groupe PLR, quant à cette proposition de motion: nous estimons que ce n'est pas à nous de légiférer. Il s'agit d'une question de management pur et dur, que le gouvernement aurait dû régler depuis bien longtemps.
Quand on engage des hauts cadres, on engage évidemment des compétences. On peut toutefois légitimement attendre de l'exécutif, quand il recrute des hauts cadres, qu'il fasse comprendre aux gens qu'on serait certes très heureux de les accueillir pour leurs compétences, mais qu'il y a une contrepartie: si le salaire est plus élevé que celui qu'ils pourraient percevoir dans un autre canton, à compétences et à poste égaux, la domiciliation à Genève est nécessaire. C'est une forme de logique assez évidente que de payer les impôts à l'Etat qui nous paie un peu plus cher parce que le coût de la vie est plus élevé sur son territoire. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais juste rappeler à M. Genecand que M. Necker a été ministre des finances sous Louis XVI, et il était genevois ! Et donc... (Commentaires.) Je poursuis, je poursuis. Monsieur le président, cette motion pose effectivement un certain nombre de problèmes et, pour nous, l'un d'entre eux est... (Commentaires.)
Des voix. Chut !
M. Alberto Velasco. Je n'aurais pas dû parler de Necker, Monsieur le président: j'ai lancé un débat d'enfer ! Un des problèmes que soulève cet objet, c'est que la haute cadre était justement la cheffe du service fiscal. Est-ce qu'il ne faudrait pas un délai de carence pour les hauts fonctionnaires qui vont travailler dans le privé alors qu'ils ont eu connaissance de dossiers extrêmement sensibles au sein de l'administration ? C'est là qu'il y a un problème !
La question de la domiciliation pourrait se poser - pas pour des raisons financières; peut-être parce qu'un haut cadre doit être près des citoyens auxquels il est amené à offrir des prestations et doit comprendre le milieu où il se trouve. Nous insistons quant à nous sur l'opportunité éventuelle de prévoir dans leur contrat un délai de carence, par exemple de deux ans, quand les cadres quittent l'administration alors qu'ils ont rempli des fonctions liées à des dossiers extrêmement sensibles, notamment en matière fiscale. Pour le reste, nous nous rallierons à la position de notre représentante à la table des rapporteurs et nous refuserons cette motion. Merci.
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il ressort des travaux de commission que cette proposition de motion pose différents problèmes; la rapporteuse de première minorité l'a bien souligné. On voulait demander à une haute cadre de l'administration de s'en aller pour des raisons de connaissance de données sensibles et on est passé à un autre objectif, de nature fiscale: cette motion propose d'exiger que, pour être engagés, les cadres soient domiciliés à Genève.
Je ne vais pas m'étaler, au nom du groupe des Verts, sur la question, mais simplement rappeler qu'il y a effectivement un accès direct, clair et évident à ces données sensibles quand on est à la direction de l'administration fiscale. Mais on pourrait également rappeler qu'il y a des nettoyeurs qui viennent dans les locaux de l'administration, qu'on peut imaginer que les agents de sécurité puissent aussi pirater des données informatiques - on peut aller très loin sur cette question.
Le rapporteur de majorité et les interventions de la première minorité ont bien rappelé qu'à travers cet objet se dessine vraiment un sentiment anti-frontaliers permanent. A l'arrivée des courses, si je puis m'exprimer ainsi, il s'agit d'exiger une chose qui n'est pas exigible et la conseillère d'Etat, Mme Fontanet, nous l'a encore rappelé hier: il existe une liberté de circulation des personnes et d'être engagé, et l'administration choisit en fonction de cela. Nous vous invitons donc, comme la rapporteuse de minorité socialiste, à rejeter fermement cette motion. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Je veux remercier le député Genecand - vous transmettrez, Monsieur le président: je crois qu'il a parfaitement résumé l'essence de cette motion. Nous devons réexaminer cet objet à la lumière de ses remarques - il mérite véritablement d'être revu à l'aune des remarques du député Genecand.
Avant de demander le renvoi en commission de la proposition de motion, je pose une question: quelle est la pertinence de garder des hautes écoles à Genève puisqu'on n'est pas capable de former des gens qui peuvent servir notre administration et qu'on est obligé d'aller chercher du personnel compétent à l'extérieur ? Soit on forme des gens compétents, on en est content, on en est fier et on les engage, soit on ferme les écoles et on engage de l'autre côté de la frontière cantonale !
Une voix. Bravo !
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je voudrais faire deux ou trois remarques. Pour répondre à M. Velasco, je constate que ça n'a pas tellement rendu service à Louis XVI - il en a d'ailleurs perdu la tête. Je pense par conséquent qu'il aurait été mieux avisé de faire autrement.
C'est vrai que la problématique évoquée par M. Genecand est assez juste, dans le sens où il faudrait qu'on engage à Genève, que ces personnes y soient pour le moins domiciliées. Il serait effectivement assez logique qu'elles paient des impôts dans le canton puisqu'elles sont rémunérées par le canton.
Il est vrai que nous n'étions pas d'accord avec l'un des amendements votés en commission. Cela dit, si le texte y avait finalement été accepté avec l'amendement pour que les hauts cadres soient domiciliés dans le canton, notre groupe aurait pu se demander aujourd'hui s'il allait accepter cette motion ainsi modifiée. Or elle a malheureusement été dénaturée en commission et puis, malgré tout, refusée ! C'est pourquoi nous vous invitons tout de même à voter la motion originelle: elle garde tout son sens, notamment par rapport à la question du secret fiscal.
Le président. Je vous remercie. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission ad hoc, mais avant le vote, je passe la parole aux autres rapporteurs s'ils veulent se prononcer là-dessus. Monsieur Guinchard ?
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, je m'exprimerai uniquement sur le renvoi en commission. Je pense que le travail au sein de la commission a été fait: nous avons auditionné le principal auteur. Ce qui dérangeait les commissaires, c'est que cette motion instituait une sanction rétroactive, ce qui n'est pas conforme à l'Etat de droit. Si M. Genecand a certainement raison sur plusieurs aspects de son raisonnement, il revient alors au gouvernement de prendre un certain nombre de dispositions et d'émettre des règles, qui seront applicables à l'avenir mais non pas de façon rétroactive. C'est pourquoi je vous recommande de rejeter la demande de renvoi en commission.
Mme Xhevrie Osmani (S), rapporteuse de première minorité ad interim. Je ne vais pas faire long: je rejoins les propos du rapporteur de majorité et invite les groupes à refuser le renvoi en commission. Merci.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je ne vais évidemment me prononcer que sur le renvoi. C'est un texte qui vise directement une collaboratrice de l'Etat, sur qui j'aurai des éléments à vous communiquer. Il est contraire au droit supérieur. Je vous invite à refuser le renvoi afin que nous puissions voter maintenant et refuser cette proposition de motion. Merci.
Le président. Merci. Nous passons au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2387 à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat est rejeté par 76 non contre 9 oui.
Le président. Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet souhaitant s'exprimer, je lui repasse la parole.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons face à une proposition de motion qui figure à l'ordre du jour depuis plusieurs années et dont les invites sont à la limite de l'acceptable: elles visent directement une collaboratrice de l'Etat. Cela surprend et est difficile à vivre pour la collaboratrice en question, d'autant plus qu'elle est identifiable ! Cette motion a aussi entraîné des débats qui visaient d'autres directeurs ou ex-directeurs, une ex-directrice générale adjointe de l'Etat; cela non plus, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas acceptable.
J'aimerais revenir sur deux éléments. Tout d'abord, l'ensemble des collaboratrices et collaborateurs occupés à l'administration fiscale sont soumis au secret fiscal. Ils prêtent également serment ! Ils prêtent le serment relatif au secret fiscal devant le Conseil d'Etat ! Si seule la domiciliation était susceptible d'empêcher qu'un collaborateur - ou qu'une collaboratrice - peu scrupuleux viole à un moment donné le secret fiscal, l'ensemble des pays et des cantons aurait effectivement choisi ce type de mesure. Il est par ailleurs important que je vous précise que la directrice générale adjointe de l'administration fiscale est domiciliée dans notre canton depuis un peu plus d'une année et que cette motion est de fait totalement dépassée.
S'agissant du départ d'une ex-haute fonctionnaire pour le privé, Mesdames et Messieurs, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire au moment du débat sur les comptes que le Conseil d'Etat regrette évidemment de perdre des compétences. Il se réjouit néanmoins que ces compétences et le travail accompli au sein de l'administration fiscale soient reconnus - que l'éthique, la rigueur et l'égalité de traitement soient des valeurs transmises ensuite dans le privé ! Nous nous réjouissons de savoir qu'une étude qui a certainement des clients fiscaux importants compte maintenant en son sein une ancienne collaboratrice à l'éthique irréprochable !
Mesdames et Messieurs, je crois que nous avons mieux à faire que de viser directement des collaborateurs de l'Etat, respectivement des ex-collaborateurs de l'Etat, dans le cadre des travaux parlementaires. Je vous invite donc à refuser ce texte, qui est par ailleurs, et je l'ai déjà indiqué hier, totalement contraire au droit supérieur. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous exprimer sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2387 est rejetée par 79 non contre 17 oui.