République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 7 novembre 2019 à 14h
2e législature - 2e année - 6e session - 34e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: M. Mauro Poggia et Mme Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Beatriz de Candolle, Pablo Cruchon, Christian Dandrès, Amanda Gavilanes, Jean-Marc Guinchard, Katia Leonelli, Fabienne Monbaron, Philippe Morel, Isabelle Pasquier et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Boris Calame, Emmanuel Deonna, Joëlle Fiss, Sylvie Jay, Yves de Matteis, Souheil Sayegh et Helena Verissimo de Freitas.
Correspondance
Le président. L'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil vous a été transmis par courrier électronique. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Courrier de la Ville de Lancy relatif au projet de loi 12162 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Lancy (création d'une zone de développement 3, de deux zones des bois et forêts et d'une zone 4B, situées entre la rampe du Pont-Rouge et le chemin des Vignes) (point 95 de l'ordre du jour) (C-3914)
Je passe la parole à M. le député Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Je demande la lecture de ce courrier 3914. Merci.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Quelques mains se lèvent.) Non, il faut vingt personnes.
Une voix. Mais si ! Relevez la main ! (Commentaires. D'autres mains se lèvent.)
Le président. C'est bon. Cette lettre sera lue au moment du traitement du PL 12162-A.
Annonces et dépôts
Néant.
Annonce: Séance du vendredi 18 octobre 2019 à 16h
Cette question écrite urgente est close.
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Débat
Le président. Nous continuons l'ordre du jour. Nous en sommes à la M 2366-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de majorité est remplacé par M. Jacques Blondin. Je lui passe la parole.
M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je remplace effectivement M. Jean-Marc Guinchard, et c'est très à propos, puisqu'on va parler d'agriculture - de pommes et de poires: en tant qu'agronome, je me sens tout à fait à ma place pour parler de ça !
Humour à part, cet objet a été traité au cours de deux séances de la commission de l'économie, les 14 et 21 janvier, sous la présidence de Mmes Isabelle Pasquier et Jocelyne Haller. Le procès-verbal a été tenu par Mme Maëlle Guitton. Que toutes trois soient remerciées.
Cette proposition de motion, je vous le rappelle, invite le Conseil d'Etat «à faire vérifier, par le bureau des ressources humaines de l'office cantonal du chômage, tous les CV des non-résidents genevois et à donner son aval avant la possibilité qu'un département, au sein du grand Etat ou des entités subventionnées à plus de 50%, puisse faire un transfert, ou une mutation ou un contrat d'engagement, et ce pour tous les types de contrats (CDD, CDI, etc.); à appliquer la précédente mesure jusqu'à ce que le canton de Genève obtienne un taux de chômage égal ou inférieur à la moyenne nationale».
Lors de l'audition du premier signataire, celui-ci a expliqué que la motion part du constat que les gens ont souvent tendance à oublier des épisodes dans leur CV. Un oubli, ce n'est pas si grave, mais enjoliver son CV de diplômes ou de passages dans certaines écoles professionnelles ou universitaires, c'est plus grave. Par conséquent, il est opportun de contrôler tout cela, et surtout les CV de personnes qui viennent de l'étranger. Il a précisé qu'on parle ici de la fonction publique, des entités subventionnées et de tout ce qui tourne autour de l'Etat. Il considère que l'Etat doit faire l'effort de vérifier les CV chaque fois. Il a précisé qu'il ne s'agirait pas de vérifier des milliers de CV par année, mais seulement ceux des personnes non résidentes qui sont engagées à l'Etat pour des fonctions ou des métiers qu'on ne trouve pas dans le canton. Il a rappelé à ce propos qu'en principe, avec la préférence cantonale, on doit engager d'abord des personnes qui habitent à Genève.
Mesdames et Messieurs les députés, le sort et le score réservés à cette proposition de motion par la commission tiennent à plusieurs éléments. Tout d'abord, l'aspect discriminatoire de ce texte, en particulier de l'une de ses invites, qui affirme ou laisse penser que seuls les frontaliers, étrangers ou non-résidents genevois, sont des fraudeurs potentiels susceptibles de trafiquer leurs titres, diplômes et CV dans l'espoir de trouver un emploi au sein de l'Etat ou de ses établissements autonomes. En revanche, les résidents genevois sont parés de toutes les qualités et ne pourraient en aucun cas être considérés comme des tricheurs. On peut donc y déceler très clairement une attaque obsessionnelle, une de plus, contre les frontaliers et les étrangers, issue de deux groupes coutumiers du fait. Cet aspect discriminatoire et injuste a été relevé à plusieurs reprises par les commissaires majoritaires.
D'autre part, les effets du contrôle des CV, titres et diplômes sur la diminution du chômage dans notre canton n'ont pas pu être démontrés par les signataires, pas plus que par l'audition du directeur de l'office du personnel de l'Etat. Qui plus est, la conjonction de ces deux aspects ne répond pas à la nécessité de l'unité de matière que l'on se devrait d'observer dans un tel texte.
En conclusion, je ne peux que recommander au Grand Conseil de faire siennes les conclusions de la commission de l'économie et de refuser à la même majorité la M 2366. Merci.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Cette motion propose exclusivement de contrôler le CV d'un résident à l'étranger qui postulerait pour un poste dans la fonction publique ou dans une de nos entités subventionnées. Avec la préférence cantonale, il ne devrait s'agir effectivement que de quelques dizaines de dossiers par mois.
Tout le monde sait que les exigences et les pratiques pour les demandes d'emploi divergent de pays en pays. En France, le contrôle de ces documents est un vrai problème. Selon des articles de presse, neuf candidats sur dix arrangeraient ou enjoliveraient leur CV - ce sont des données qui viennent de la presse et non des auteurs de cette proposition de motion. Pour cette raison, il existe en France des entreprises qui assistent les recruteurs afin de contrôler et de détecter les fraudes dans les dossiers d'embauche.
En plus de ce problème, l'appréciation d'une candidature qui provient d'un résident à l'étranger est plus difficile: les formations et les diplômes sont différents, les références et les expériences professionnelles sont quasi impossibles à évaluer, il n'existe pas de certificat de travail en France, il n'y existe pas d'extrait de l'office des poursuites, etc., etc. L'engagement d'un nouveau collaborateur est délicat et peut s'avérer un désastre pour l'employeur, mais également pour le salarié. Nier l'importance de cette tâche et la considérer comme discriminatoire est irresponsable. Cette pure et simple démarche administrative découle de l'évidence et du bon sens. Une appréciation correcte des documents d'embauche est une obligation.
Si la rédaction des deux invites heurte un groupe, je propose simplement qu'il la change; mais le principe que propose cette motion doit être soutenu, la démarche doit être encouragée: l'administration publique doit être soutenue, il est important qu'elle puisse effectuer toutes ces tâches avec efficacité et sérieux, comme le fait n'importe quelle entreprise privée. Finalement, ça concerne relativement peu de dossiers: je pense qu'on peut demander un petit effort à l'administration pour que ce travail soit fait correctement. Pour ces raisons, je recommande qu'on renvoie cette motion au Conseil d'Etat. Merci.
M. François Lefort (Ve). Vous transmettrez, Monsieur le président, que malgré toute l'affection que je dois à mes collègues, je suis obligé de remarquer que voilà encore une idée simple du MCG, qui n'en manque jamais, et qui, contrairement au titre de sa proposition de motion, mélange ici allégrement les pommes et les poires.
Je résume le présupposé: les faux CV sont produits uniquement par des non-résidents et lutter contre ces faux CV fera baisser le chômage. Sur ces prémisses, le MCG demande - et là, c'est très précis - que l'«office cantonal du chômage» - je suppose que c'est l'office cantonal de l'emploi, on corrigera ! - vérifie tous les CV des non-résidents genevois et que, de plus, l'OCE donne son aval à tout transfert, mutation ou contrat d'engagement pour tout type de contrat au sein de l'Etat et des entités subventionnées. Sa demande doit en outre, selon les motionnaires, être appliquée jusqu'à ce que le taux de chômage genevois soit inférieur à la moyenne nationale.
Vaste programme ! Admiration, en même temps ! Très vaste programme où le taux de chômage est élastiquement lié au taux de faux CV de non-résidents. C'est scientifiquement intéressant, je dirais ! Mais les motionnaires oublient, à part ça, que l'usurpation de titres est une faute grave, pénalement réprimée, et qu'il est extrêmement rare que de faux titres ne soient pas repérés. Ça arrive de temps en temps, pas seulement à Genève, mais également dans d'autres cantons. Il est donc extrêmement rare que de faux titres ne soient pas repérés lorsqu'ils sont présentés à l'engagement. Or, c'est évidemment à ce moment que les vérifications précises de la validité des titres se font. Il n'est donc nul besoin de créer d'abord une gigantesque usine de vérification de CV de non-résidents a priori, donc avant engagement; il n'est nul besoin de créer une deuxième usine à gaz qui traite toutes les mutations au sein de l'Etat et des entités subventionnées. Et enfin, le texte est aussi discriminatoire par son invite qui donne à penser que les faux CV sont la spécialité des non-résidents.
Pour ces trois raisons, les Verts considèrent ce texte comme inutile, le refuseront et vous invitent à en faire de même. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ne pas confondre des pommes avec des poires: et pourquoi pas des torchons avec des serviettes, tant qu'on y est ? L'objectif annoncé de ce texte est de faire la chasse aux CV enjolivés ou trafiqués. Cela pourrait avoir du sens; mais quand le premier signataire indique qu'il ne s'agirait pas de vérifier des milliers de CV par année mais seulement de contrôler ceux des personnes non résidentes engagées à l'Etat, eh bien, le bât commence à blesser. On ne peut que s'inquiéter d'une mesure de discrimination - une nouvelle - à l'égard des non-résidents. Cela, quand bien même le premier signataire indiquait que c'est par souci d'économie que la mesure n'a pas été élargie aux résidents. Ouf, ce n'était donc que ça ! Seulement par souci d'économie, et non parce que les signataires de cette motion seraient portés à croire que les non-résidents seraient plus enclins à tricher sur leur CV. Encore qu'on pourrait douter que ce soit véritablement cela qui les a amenés à cette restriction. Car enfin, comme le relevait un commissaire durant les travaux de la commission, l'exposé des motifs indique que la motion vise à défendre les résidents genevois et à concourir à diminuer de moitié le nombre de demandeurs d'emploi actuels afin de satisfaire un droit légitime des Genevois de travailler dans le canton où ils résident.
Nous voilà donc, Mesdames et Messieurs les députés, au fait de l'essence de cette motion. Ce n'est qu'une nouvelle mouture de l'antienne bien connue du groupe MCG visant à bouter les frontaliers hors de notre canton. Mais les services des ressources humaines font leur métier, ce n'est pas à nous de le leur apprendre ni de nous en mêler. Nous vous proposons donc de rejeter ce nouvel avatar de la préférence cantonale. Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). En effet, le MCG a déposé cette proposition de motion parce que nous avons constaté qu'un nombre considérable de faux CV apparaissent dans les offres d'emploi de personnes non résidentes et qu'on n'arrive pas à contrôler l'exactitude de ces documents. C'est un élément grave, et c'est pour cela que nous avons déposé ce texte. Nous vous demandons de le suivre.
Mais le coeur du problème est ailleurs. Je sens très bien qu'il y a dans ce parlement un certain nombre de personnes qui pratiquent comme sport de dénigrer les résidents genevois. A les entendre, les habitants du canton de Genève ne seraient que des incompétents, des imbéciles, des idiots. Vous donnez raison à tous les malhonnêtes qui viennent à Genève, bardés de faux diplômes, prendre le travail des résidents genevois. (Commentaires.) Tout cela parce que vous êtes dans une logique mondialiste, une logique européiste qui fait que vous attaquez les habitants de ce canton, que vous démolissez notre société. C'est pour cela que je vous demande, si vous le voulez encore - mais je n'ai plus beaucoup d'espoir - de suivre cette motion. Quant au MCG, il continuera à se battre envers et contre tous.
M. Marc Fuhrmann (UDC). On a parlé de faux CV. Pour ma part, je n'en viendrais même pas aux faux CV. La naïveté de nos amis pro-européens semble sans limites ! Les différences entre les documents que demandent les employeurs suisses et ce que peuvent produire des Français, notamment, sont énormes. Mon collègue UDC André Pfeffer a parlé des certificats de poursuites qui n'existent pas en France, ou certainement pas sous la forme qui existe en Suisse. Pire encore, l'extrait de casier judiciaire: regardez sur le web à quoi ressemble un extrait casier judiciaire français, dedans, vous ne trouvez que des condamnations sans sursis à deux ans et plus. Ce casier ne concerne que très peu de gens; en Suisse en revanche, le pauvre gars - et là, j'en reviens à la gauche qui veut, et moi aussi, personnellement, aider ceux qui sortent de prison à régler les problèmes qu'ils auraient pu avoir dans le passé - le pauvre gars suisse est foutu ! Son casier judiciaire sera plein de tout ce que nous y mettons alors que l'équivalent français n'existe pas. Je ne vais donc même pas jusqu'à parler de faux CV, mais juste de vrais CV avec des vrais documents qui ne correspondent pas à nos exigences suisses.
Je ne comprends pas comment vous pouvez ne rien faire pour arrêter ces discriminations envers des Suisses qui sont dans la dèche, qui soit ont souffert à cause de moments difficiles avec des poursuites, soit ont traversé des moments de manque et d'existence criminelle ou semi-criminelle avec pour résultat des casiers judiciaires qui en France seraient vides pour les crimes qu'ils y auraient commis, mais sont pleins pour les mêmes crimes commis en Suisse. Je vous demande de ne pas parler que de faux CV, mais juste de concurrence complètement déloyale. Ce texte va donc dans la bonne direction et l'UDC l'approuvera. Merci.
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, pour sauver les gens qui se trouvent dans la précarité, pour leur trouver du travail, le seul remède de la gauche, ce sont les subventions; pour les Verts, ce sont les taxes: il faut taxer, c'est tellement plus facile de faire payer ceux qui travaillent un petit peu et qui essaient de s'en sortir. Les Verts veulent les taxer, en plus du fait qu'ils tuent nos arbres - mais c'est un autre débat.
Non, Mesdames et Messieurs, la protection de nos résidents est super importante. Il est vrai qu'il existe aujourd'hui une discrimination par rapport à ces CV. C'est une réalité, arrêtons de nous voiler la face ! Entre la France et la Suisse, il y a un réel problème de contrôle et de vérification: on ne peut pas les effectuer aujourd'hui avec les Français parce que les autorités n'en ont rien à faire. En plus, la France est heureuse d'avoir à Genève un Pôle Emploi qui lui permet de diminuer son taux de chômage. Si le nôtre augmente, elle n'en a rien à faire ! La solution de la gauche pour éviter que les gens soient dans la précarité, c'est de leur faire payer des taxes, payer des impôts, de faire souffrir ceux qui ont déjà des moyens limités, de les rendre encore plus pauvres. Oui, Mesdames et Messieurs, cette motion est un beau projet et je vous propose de la soutenir.
Des voix. Bravo !
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, alors là, on retombe dans le populisme total et la démagogie. Je vais vous dire pourquoi. Je ne sais pas si certains, certaines d'entre vous ont lu ce rapport, mais ce qui s'est passé en commission est absolument incroyable. Déjà, on nous parle de l'utilité de cette motion. Le premier signataire du texte nous le dit en audition: «[...] l'utilité de cette motion c'est d'éviter de croire [que] tous les CV qui sont présentés au moment de l'engagement» sont vrais. Mais est-ce que vous pensez vraiment qu'à l'Etat, dans les départements, les services, parmi les personnes qui s'occupent des ressources humaines, on accepte n'importe quel diplôme, n'importe quel CV ? Qu'elles se disent: «Mais oui, bien sûr, tout ce que je lis est vrai !»... (Remarque.) ...et qu'il suffit d'un petit logo là, d'un document retravaillé avec Photoshop pour rendre un CV crédible ? Vous pensez vraiment que ça se passe comme ça quand on postule à l'Etat ?
Ensuite, on entend notre collègue François Baertschi nous dire: «Nous avons constaté qu'un nombre considérable de faux CV...» Ah bon ? Où est-ce que vous avez constaté ce nombre considérable de faux CV ? Dans quel service, dans quel département ? Est-ce que vous avez des exemples de personnes engagées à l'Etat sur la base de faux CV ? Bien sûr, des frontaliers, parce que c'est eux qu'on vise avec cette motion, j'y reviendrai.
On nous dit dans l'exposé des motifs qu'en France, «9 candidats sur 10 trouvent normal d'arranger leur CV» et que «plus de 2 millions de CV frauduleux seraient en circulation». De nouveau, on a posé la question en commission: est-ce que vous avez des sources ? D'où sortent ces chiffres ? On nous a vaguement répondu, comme le rapporteur de minorité l'a dit, qu'on avait pu le lire dans la presse, mais on ne sait pas du tout dans quel journal, dans quel article; aucune étude, aucune source, absolument rien ne permet de justifier de tels chiffres.
Quand on demande pourquoi la mesure préconisée s'appliquerait seulement aux non-résidents, on nous répond en commission que c'est pour limiter le nombre de contrôles de CV. Mais après, M. Sormanni nous dit qu'il «insiste sur le fait que, dans la réalité, il faudrait vérifier tout le monde, parce que ce n'est pas un problème de passeport ou d'adresse qui change la problématique de base des faux CV». Alors, Mesdames et Messieurs, si ce n'est pas un problème de passeport ou d'adresse, pourquoi cette motion ne vise-t-elle que les non-résidents ? Nous avons la réponse, c'est la vieille recette du MCG: taper sur le frontalier, faire croire, comme je l'ai entendu - et c'est totalement scandaleux - que bien entendu, à part le MCG, les autres partis n'en ont rien à faire des chômeurs genevois, qu'on s'en fiche, qu'on se fout de leur gueule, comme ils aiment bien le dire - parce que c'est ce genre de chose qu'il faut dire et c'est comme ça qu'il faut parler pour être démagogique. Bien entendu que non, sauf que nous, nous proposons de vraies solutions... (Vifs commentaires.) ...liées aux politiques publiques de l'emploi, de la lutte contre le chômage, contre la sous-enchère salariale, parce que ce n'est pas avec ces faux-semblants que nous allons régler ce problème. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole à Mme la députée Ana Roch pour trente secondes.
Mme Ana Roch (MCG). Merci, Monsieur le président, ça ira très vite. Je vous laisse transmettre à Mme Haller qu'elle tient un discours complètement contradictoire: elle refuse, pour ce genre de contrôle, que l'Etat s'immisce dans les entreprises privées; mais quand il s'agit de revoir le REG, ça ne lui pose aucun problème de demander des comptes aux entreprises. A un moment donné, il faut avoir un discours cohérent - vous transmettrez à Mme Haller. Merci.
Une voix. Bravo !
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. J'aimerais revenir sur quatre points. Quand on parle de 9 candidats sur 10 en France qui arrangeraient leur CV, on exprime un fait. (Remarque.) D'ailleurs, en France, il y a toute une série de sociétés spécialisées dans le contrôle des CV. Ça se fait parce que malheureusement, on constate aussi cette pratique en France.
Deuxième point: on parle de discrimination. Non, il n'est pas question de discrimination ! Il est question d'un contrôle adéquat par rapport à des dossiers d'embauche différents. On l'a dit, les dossiers sont différents, les documents sont différents, les références sont différentes, etc. Comme la situation est différente, il faut un contrôle différent.
Troisième point: la pratique des embauches diverge en France et en Suisse. Ici, souvent, ce sont les cadres et les responsables de service qui ont la haute main sur les embauches; en France, ce n'est pas le cas, c'est souvent l'administration centrale qui s'en occupe et on engage les gens via des concours.
J'arrive au quatrième et dernier point...
Le président. Il faut terminer, Monsieur Pfeffer.
M. André Pfeffer. On demande simplement à l'Etat de faire un tout petit effort, d'agir comme n'importe quelle entreprise privée. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG). On ne va pas jouer longtemps à ce jeu, mais j'aimerais quand même dire que notre proposition de modification du REG visait simplement à donner à l'Etat les moyens de vérifier l'application de ses lois.
Quant à cette motion, elle désigne une catégorie de professionnels - les frontaliers - comme des tricheurs potentiels. Il y a là un aspect discriminatoire que nous ne pouvons pas accepter.
Une voix. Mais non ! (Commentaires.)
Mme Jocelyne Haller. Et si l'objectif est, à terme, de vérifier les CV de tout le monde, ne désignons pas uniquement les frontaliers, les non-résidents; décidons de faire un contrôle sur dix, comme ça on toucherait tout le monde et on ne désignerait personne comme des tricheurs. Je vous remercie de votre attention.
M. Serge Hiltpold (PLR). Je me permets de rappeler à ce parlement qu'en 2020, nous aurons l'obligation d'annoncer tous les postes vacants, parce que le taux de chômage déterminant va descendre à 5% au lieu de 8%. C'est une mesure concrète mise en place par les offices régionaux de placement, que ce soit dans le privé ou à l'Etat, où la directive, qu'on nous a expliquée à la commission de l'économie, est déjà mise en pratique.
Il faut rester pragmatique et lire les invites. C'est déjà mal considérer les ressources humaines dans leur conception même que de demander à celles des départements ou d'entités comme les SIG ou les HUG qu'elles fassent vérifier leur travail par l'office cantonal de l'emploi ! Des personnes compétentes travaillent dans les RH des différents services des départements et des entités publiques autonomes. Faites-leur confiance ! Qu'est-ce que c'est que cette défiance envers les collaborateurs de l'Etat, qui seraient incapables de vérifier eux-mêmes si les pièces qu'on leur fournit ne sont pas correctes, alors que c'est leur métier de base ? Je dois dire qu'on commence là à déraper sur le sujet. C'est indépendant de l'appartenance à la gauche ou à la droite et c'est complètement incompréhensible.
Cette motion n'a aucun sens: les mesures liées au taux de chômage de 5% seront appliquées en 2020; le contrôle se fait, les directives qui nous ont été expliquées en commission sont présentes, il y a une amélioration. Cette motion est démagogique, je vous demande bien évidemment de suivre le rapport de majorité et de la refuser. Merci.
M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Je ne vais pas rallonger les débats. Pour reprendre ce qui a été dit, d'un côté, on parle d'un nombre considérable de cas, de l'autre, de quelques dizaines. Ça prouve que les références ne sont en effet pas très solides.
Cela étant, ce qui est beaucoup plus symptomatique, c'est ce qu'on dit ici de l'Etat: on met en doute le travail des gens qui ont pour fonction de gérer les ressources humaines. Soit ils font leur travail correctement, soit ils ne le font pas. S'ils le font correctement, ils contrôlent, bien évidemment, les personnes qu'ils reçoivent, pas seulement leurs documents: ceux parmi vous qui ont engagé du personnel le savent, il y a le contact, il y a l'expérience, et il y a aussi une mise en phase qui permet de corriger le tir le cas échéant. On dispose de tout ce qu'il faut pour corriger le tir, et quand bien même il est arrivé dans notre histoire récente un ou deux cas qu'on peut déplorer, il est bien évidemment faux de se concentrer sur les étrangers, ce qui est discriminatoire. Nul besoin donc de discuter des heures. Au nom de la majorité, je vous invite à refuser cette motion. Je vous remercie.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, on comprend bien ce qui a suscité cette proposition de motion: un fait divers est arrivé, une personne a été engagée et ce n'est que bien plus tard, alors qu'elle exécutait ses tâches sans éveiller l'attention de sa hiérarchie, qu'il est apparu qu'un de ses diplômes n'était pas véridique et qu'il n'avait jamais été délivré par l'entité française, en l'occurrence, qui était censée l'avoir émis. Mais cela reste une exception, je pense qu'il ne faut pas généraliser. Cette motion part d'un bon sentiment, je veux bien l'admettre, celui qui consiste à penser que si l'on veut qu'il y ait une concurrence véritablement loyale, il faut que les diplômes des uns et des autres soient réels et que l'on se donne les moyens de le contrôler. C'est évidemment plus simple de vérifier les diplômes délivrés par des entités suisses, parce qu'on les connaît; dans le cas d'entités étrangères, c'est un peu plus compliqué.
Je dirais que ce texte pose plusieurs problèmes. D'abord, qu'entend-on par non-résidents ? Inclut-on dans cette catégorie les Suisses domiciliés en France voisine ? A mon avis, ce n'est pas tant la personne elle-même qui devrait faire l'objet d'une attention particulière que, peut-être, l'origine du diplôme: s'il a été délivré par une école connue et qu'on peut facilement se renseigner auprès de cette école - d'ailleurs, cela ne doit pas être la règle, la bonne foi est quand même présumée dans notre droit - eh bien on peut faire la démarche. Le problème est que souvent, des employeurs - non pas ceux qui sont concernés ici, mais dans le privé - publient des annonces où ils demandent expressément des diplômes français, ce qui pose un autre problème: on a reproché à des employeurs suisses d'inscrire dans leur offre d'emploi qu'ils souhaitaient engager un résident, ce qui a suscité quelques réactions au niveau européen, mais à l'inverse, quand on exige un diplôme d'origine française pour engager quelqu'un à Genève, cela suscite des réactions telles que: «Mais alors vous avez déjà décidé qu'un résident n'aurait pas les compétences !» C'est un sujet extrêmement délicat.
C'est donc plutôt l'origine du diplôme qui devrait susciter, le cas échéant, quelque curiosité. Je rappelle qu'il est ici question de candidats non résidents engagés dans le cadre des directives. Cela veut dire que l'entité du petit Etat ou subventionnée - l'établissement autonome - a considéré qu'il n'existait personne parmi les gens présentés par l'office cantonal de l'emploi qui satisfaisait les conditions, et que parmi les autres personnes qui auraient postulé, on a dû donner la préférence à un candidat domicilié à l'étranger. On parle vraiment d'un nombre de cas extrêmement réduit, et évidemment pas d'une règle généralisée à l'ensemble de l'économie genevoise. D'ailleurs, nous n'aurions aucune compétence pour cela.
Ensuite, demander aux RH... Je ne sais pas s'il s'agit de l'office cantonal de l'emploi ou la caisse cantonale genevoise de chômage: il y a un mélange entre les deux, je dirais; mais les RH de l'un ou de l'autre sont plutôt là pour s'occuper du personnel de ces offices et non pas, bien sûr, des personnes engagées par d'autres entités.
Enfin, le texte ne repose sur aucune base légale: c'est là le problème fondamental pour le Conseil d'Etat. Aucune base légale n'existe qui donne à l'office cantonal de l'emploi ou à la caisse cantonale genevoise de chômage - je pense que l'idée des motionnaires était que ce soit le premier - la légitimité de prendre connaissance des données personnelles d'un candidat qui ne serait pas inscrit à l'office cantonal de l'emploi. On ne voit donc pas sur quelles bases, avec les règles de protection de la personnalité, on pourrait tout d'un coup sortir d'un chapeau une loi cantonale qui imposerait la transmission de ces données à une entité tierce qui serait l'OCE.
Ainsi, quoique cette proposition de motion ait été suscitée par un fait divers inquiétant qui doit bien sûr pousser à la vigilance - mais la vigilance des offices et entités recruteurs et non pas de l'office cantonal de l'emploi - le Conseil d'Etat considère qu'on ne pourra pas en tirer profit ni la mettre en pratique si vous la votez. Je vous remercie.
Le président. Merci. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2366 est rejetée par 70 non contre 17 oui.
Débat
Le président. Nous passons au point suivant, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. Jacques Blondin, qui remplace aujourd'hui le rapporteur de majorité.
M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'économie a traité ce texte lors de trois séances: les 25 septembre et 11 décembre 2017 ainsi que le 19 février 2018. La présidence a été assumée par M. Jacques Béné et le rapport de majorité est de M. Jean-Marc Guinchard - qu'ils soient remerciés. Les demandes de cette motion sont relativement claires puisque l'on invite le Conseil d'Etat:
«- à ne plus employer de civilistes sans avoir démontré au préalable qu'aucune personne au chômage, demandeuse d'emploi ou bénéficiaire des prestations financières de l'aide sociale n'est apte à occuper le poste;
- à étendre cette politique aux communes, aux institutions de droit public et aux entités subventionnées.»
Lors de l'audition du premier signataire, celui-ci a expliqué que le nombre d'admis au service civil est passé de 96 en 1996 à plus de 6000 l'année suivante. Le chômage a quant à lui tendance à repartir à la hausse sur la même période, plus spécifiquement chez les jeunes: Genève a perdu l'équivalent de 4000 ETP. Cette motion a été rédigée en réaction à ces faits.
Le texte demande que les personnes à l'aide sociale, au chômage ou en recherche de stage soient préférées aux civilistes, qui sont occupés dans de nombreux domaines d'activité: la santé, les EMS, etc. Employer des civilistes à bon compte créerait une distorsion dans le monde du travail et engendrerait une concurrence déloyale. Les motionnaires remettent nettement en cause le service civil car d'autres tâches pourraient largement être effectuées par les civilistes sans qu'elles soient clairement dévolues à des activités économiques.
M. Frédéric In-Albon, chef du centre régional de Lausanne, représentant de l'Organe d'exécution du service civil en Romandie - désormais Office fédéral du service civil - a été auditionné. Il a expliqué que la possibilité du service civil est inscrite dans la Constitution fédérale à l'article 59, alinéa 1. Elle a été votée en 1992 et existe formellement depuis 1996. La loi fédérale sur le service civil et son ordonnance sont très claires: la structure du service civil est gérée au niveau national. Il s'agit d'un service national obligatoire et son exécution nécessite suffisamment de places d'affectation pour que les civilistes puissent s'acquitter de leurs obligations.
A Genève, contrairement à ce qui se passe au niveau suisse, le nombre d'admissions est stable depuis 2009 - c'est toujours M. In-Albon qui parle. S'agissant de l'analyse des mesures relatives au marché du travail et de la concurrence, cela fait quatre ans qu'aucune remarque n'a été constatée sur ces thématiques. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) A Genève, le taux d'occupation des places d'affectation n'est que de 24% ! Les civilistes ne font pas concurrence aux personnes en recherche d'emploi sur le marché secondaire du travail puisqu'ils ne répondent pas à la même demande. Leur travail constitue un complément; le civiliste n'est là que de manière ponctuelle. Les règles visant à éviter que les affectations de service civil n'influent sur le marché de l'emploi garantissent que les civilistes soient uniquement engagés pour des travaux d'aide qui ne seraient pas accomplis sans leur intervention.
La proposition de motion, qui n'a finalement convaincu que ses auteurs, a été largement refusée par l'ensemble des membres de la commission. Ceux-ci ont vraisemblablement réalisé, notamment grâce à l'audition des représentants de l'Organe d'exécution du service civil en Romandie, que ledit service n'engendre pas une concurrence déloyale vis-à-vis des personnes au chômage, à l'assistance sociale ou en recherche de stage. Deux éléments ont principalement été mis en avant. Tout d'abord, cet organe d'exécution sélectionne les établissements susceptibles d'engager des civilistes - institutions subventionnées, associations à but non lucratif - sur la base de critères objectifs et sérieux ainsi que d'inspections régulières. Ensuite, il y a la spécificité du rôle des civilistes, engagés pour une tâche particulière qui ne peut pas être accomplie par du personnel en place et qui est généralement d'une durée limitée. En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous encourage à refuser cet objet à l'instar de la commission de l'économie. Merci.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Cette proposition de motion a pour origine une simple question: est-ce que le service civil crée une distorsion dans le monde du travail et une concurrence déloyale ? En 2016, il y avait presque 6200 civilistes à Genève. 75% à 80% d'entre eux sont affectés aux domaines de la santé ou du social, principalement dans les maisons de retraite ou les EMS. D'un autre côté, 16 000 personnes sont au chômage à Genève et environ 5000, arrivant en fin de droit, rejoignent l'aide sociale. Pour les motionnaires, la réponse est évidente: les civilistes concurrencent les demandeurs d'emploi.
Selon la majorité, le représentant de l'Organe d'exécution du service civil en Romandie aurait apporté la preuve de l'absence de concurrence déloyale. Ce n'est clairement pas le cas ! A la question: «Est-ce que l'institution qui engage un civiliste n'aurait pas la possibilité d'engager quelqu'un d'autre ?» le représentant du service civil répond qu'il faut le demander aux représentants de ces entités. D'autre part, l'article 2 de la loi fédérale sur le service civil stipule que celui-ci «opère dans les domaines où les ressources ne sont pas suffisantes ou sont absentes», et le canton est chargé de l'application et octroie les postes.
Pour être juste et éviter une éventuelle distorsion, il faudrait favoriser l'occupation des civilistes dans des secteurs tels que l'agriculture et l'entretien des forêts ou des paysages, où il n'existe pas de concurrence avec nos chômeurs, nos concitoyens qui se trouvent à l'aide sociale ou à la recherche d'un travail. Genève ne peut pas et ne doit pas favoriser les civilistes au détriment de ses chômeurs et de ses citoyens à la recherche d'un emploi. Le groupe UDC vous recommande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Merci.
M. François Lefort (Ve). Avec toute l'affection due à mes collègues, nullement entamée d'ailleurs par le dernier débat - vous transmettrez, Monsieur le président - je dois remarquer que cette motion vient faire concurrence au MCG sur le terrain des idées simples ! Elle suppose que les civilistes nuisent à l'emploi et demande donc à l'Etat, aux communes, aux institutions de droit public et aux entités subventionnées de ne plus en engager ! A moins qu'il ne soit démontré qu'un demandeur d'emploi ou une personne à l'aide sociale n'est pas apte à occuper le poste.
Encore une fois, on trie des populations et on les oppose sous le louable prétexte de réduire le problème du chômage. Et on loupe bien sûr la cible ! Le service civil est un service fédéral de substitution au service militaire et est encadré - strictement - par un office fédéral d'exécution, qui attribue les autorisations d'engager des civilistes aux entités publiques ou privées. Le service civil ne peut en outre être effectué que dans des secteurs bien précis, qui relèvent principalement de l'aide à la société et à l'environnement. Par ailleurs, le service civil a été créé par une loi fédérale que tous les cantons doivent appliquer. Les affectations, comme les entités privées ou publiques, sont strictement contrôlées par l'Office fédéral du service civil, le CIVI, qui est basé à Lausanne pour la Romandie.
En conclusion, non seulement les prémisses de cette motion sont fausses, vous l'avez compris, mais la proposition est illégale. Elle représente - chose curieuse de la part de l'UDC et d'ailleurs tout à fait inhabituelle - une infraction au pacte fédéral puisque l'UDC nous propose ni plus ni moins de ne pas appliquer une loi fédérale à Genève ! C'est assez rare et ça méritait donc d'être relevé. Pour toutes les raisons évoquées, le groupe Vert refusera bien sûr ce texte. Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste refusera également cette proposition de motion. Si elle pointe une problématique qui peut être intéressante, elle fait plus que poser une question: elle propose des solutions. Elle entretient à mon sens la confusion en demandant si l'Etat, de grandes régies publiques ou des entités publiques telles que les communes ne feraient pas des économies en «embauchant», entre guillemets, des civilistes à la place de réels employés.
Au lieu de vraiment poser la question en vue de recevoir une réponse du gouvernement - peut-être une analyse plus poussée sur le sujet pour déterminer s'il y a réellement un phénomène de substitution, si on peut dire - cet objet amène d'ores et déjà une réponse. C'est à ce niveau-là que les propos du rapporteur de minorité sont faux: le texte ne pose pas la question, mais donne une réponse. Et la réponse entretient malheureusement la confusion: au lieu de définir clairement ce qu'est un civiliste et de montrer la différence avec un employé dans une administration, dans un établissement public ou privé, on mélange tout, on dit qu'un poste doit d'abord être présenté au chômage ou à l'aide sociale avant qu'il soit repourvu par un civiliste.
Cette motion va dans la mauvaise direction précisément parce qu'elle amène cette confusion entre un poste de civiliste et un vrai poste dans une entité publique ou privée. Et il ne faut justement pas opposer ou confondre les deux - c'est ce que fait ce texte de l'UDC - mais, à l'inverse, clairement les distinguer. Le service civil dépend en effet de normes fédérales et s'inscrit dans le cadre du service militaire. A titre personnel, je ne peux qu'inviter au développement d'un service citoyen qui constituerait un renforcement du service civil - que je souhaiterais ouvert aux femmes également - mais c'est une autre affaire.
La question est de savoir quels postes occupent ces civilistes; il y a tout un panel de possibilités. S'il est vrai que les entités ne devraient en aucun cas réaliser des économies sur le dos des civilistes en les embauchant moins cher, on crée une confusion en opposant les civilistes et les employés habituels. C'est donc une mauvaise réponse qu'amène cette proposition de motion. Le groupe socialiste vous invite à la refuser.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, quoique je sois au fond de la salle, je suis abasourdi par l'amnésie de beaucoup de nos gens de gauche et même par une certaine mauvaise foi à reconnaître l'essence de cette proposition de motion. Revenons quand même au début de l'affaire ! Qu'est-ce qu'un civiliste ? C'est un objecteur de conscience - à mon époque - qui ne veut pas faire le service militaire et opte pour le service civil. Jusque-là, pourquoi pas; ça a été voté et mis en place. Mais rappelons néanmoins que ces gens sont valides, qu'ils travaillent: ils ont bien souvent un emploi, qu'ils quittent pour faire leur service civil.
Alors quelle est l'hérésie ou l'ineptie de notre proposition ? D'abord, je m'insurge contre l'allégation que la motion propose d'agir contre la loi ! Nous demandons simplement que la répartition se fasse d'une manière plus sensée, plus égale, plus propice et que, s'il y a des endroits où on pourrait engager des gens du chômage, dépendants des services sociaux ou autres, ceux-ci puissent y travailler. Pour les civilistes, je pense qu'il y a l'agriculture, les forêts, pourquoi pas le bâtiment - on y a peut-être besoin d'eux pour déplacer des tonnes de fer, etc.
Mesdames et Messieurs les députés, je crois que ceux que j'ai entendus jusqu'à présent refusent le vrai problème. Ils refusent de réellement considérer que nous avons affaire, avec les civilistes, à une catégorie de personnes formées, qui travaillent et qui, par le biais de lois qui découlent de leur refus de remplir leurs obligations militaires, sont amenées dans ce système qui prend des emplois à une époque où le chômage est endémique et très grave.
Regardez de quoi il est vraiment question, Mesdames et Messieurs: sortez de votre amnésie, et peut-être de votre mauvaise foi, et voyez qu'il s'agit seulement de mieux placer ces civilistes. Le but de cette motion n'est pas d'interdire le service civil mais simplement de dire: engageons les civilistes là où on en a besoin et pas là où ils prennent le travail des autres. Raison pour laquelle je vous encourage à accepter cette motion. Merci, Monsieur le président.
M. Jacques Béné (PLR). Cette problématique autour du service civil est en réalité un faux sujet. Personnellement, je ne suis pas pour le service civil en tant que tel: en ma qualité d'ancien bon militaire, je suis plutôt pour une armée forte et pour que tout le monde participe à cet effort commun. Mais il se trouve que le service civil existe et que c'est un domaine qui relève totalement de la Confédération: ce n'est pas pour rien que nous n'avons eu qu'une seule audition en commission - cette audition a tout dit.
Le chef du centre régional de Lausanne, qui représente l'Organe d'exécution du service civil en Romandie, a été très clair: il n'y a pas de problème lié au marché du travail, que les civilistes pourraient mettre en péril. Non, Mesdames et Messieurs: des garanties sont données pour éviter justement une incidence sur le marché de l'emploi. On nous a expliqué en commission qu'il n'y a absolument aucune incidence puisque les civilistes ne sont en place que pour une durée de six à huit mois; ils viennent en complément. C'est très clairement ce qui nous a été expliqué et c'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, le PLR vous invite à refuser cette motion. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche, en commission, s'est abstenu sur ce texte. Non pas parce qu'il adhère à cette mise en concurrence des civilistes et des demandeurs d'emploi, dont on pourrait craindre qu'elle fleure l'anti-objection de conscience, mais parce que la motion pose le problème du travail gratuit ou dérisoirement rétribué, fourni tant par les civilistes que par les demandeurs d'emploi à l'aide sociale ou au chômage, ou encore par des personnes en formation.
Ce texte pose un problème important, mais pas sous le bon angle, et désigne de faux coupables: elle oppose les chômeurs, les bénéficiaires de l'aide sociale, les stagiaires de tout ordre aux civilistes. Il est indispensable de préciser à nouveau dans quels secteurs d'activité les civilistes ou les demandeurs d'emploi en cours de réinsertion peuvent être employés. Même si les représentants de l'Organe d'exécution du service civil en Romandie indiquent que les critères d'attribution sont particulièrement clairs, il n'est pas certain qu'une certaine confusion ne demeure pas sur le terrain, qui finit par alimenter la grande nébuleuse du travail gratuit fourni par l'OCE, l'Hospice général et différents établissements de formation.
Il faut savoir que près de 800 personnes à l'aide sociale travaillent gratuitement, à mi-temps, dans toute une série d'entités publiques ou subventionnées. Une majorité de ces postes est indispensable au fonctionnement de ces institutions; il s'agit donc de réels postes de travail travestis en stages de réinsertion. Certains établissements avouent même qu'ils souhaiteraient augmenter leur nombre car ils ne disposent pas des subventions nécessaires pour créer les postes de travail que requiert leur cahier des charges, ce qui apparemment ne gêne pas les auteurs de cette motion.
En son temps, la définition des contre-prestations du RMCS disait sans détour qu'elles ne devaient pas entrer en concurrence avec des postes de travail. Il existait une définition très claire et nous pensons qu'un texte devrait aller dans ce sens plutôt que dans celui adopté par la motion qui nous est proposée. Ainsi donc, si une clarification s'impose, ce qui manque avant toute autre chose, c'est la volonté politique de payer le travail à sa juste valeur ! Une honnêteté politique pour refuser les faux-semblants, qui veulent nous faire passer un travailleur pour un stagiaire, un stagiaire pour un inadapté du travail !
Les civilistes ne prennent pas le travail des salariés: ils occupent un champ particulier. Mais dans le marasme ambiant de la dérégulation du marché de l'emploi, certains veulent les désigner comme responsables d'une concurrence déloyale. Si concurrence déloyale il y a, Mesdames et Messieurs les députés, elle ne vient sûrement pas des civilistes mais plutôt des employeurs, qui spéculent sur le travail gratuit de ceux qui n'ont pas le choix ou la possibilité de s'opposer à leur exploitation, et des décideurs, qui ne donnent pas à certaines entités publiques les moyens d'engager le personnel qui leur est nécessaire. Suivez mon regard ! (L'oratrice regarde les bancs de droite.) Je vous assure que nous reparlerons de tout ça en décembre prochain. Le groupe Ensemble à Gauche vous invite à rejeter cette motion. Je vous remercie de votre attention.
M. François Lefort (Ve). Vous transmettrez à M. Lussi, Monsieur le président, que les civilistes sont des gens qui veulent servir leur pays sans porter d'armes, ce qui en fait justement des objecteurs de conscience. Ce n'est pas parce que ceux qui font le service civil sont désormais communément appelés civilistes que ce ne sont pas des objecteurs de conscience: ce sont des objecteurs de conscience ! La loi fédérale leur permet de servir leur pays sans porter d'armes tout comme d'éviter la prison parce qu'ils refusent de servir dans l'armée. Ce serait très aimable à vous, Monsieur le président, de transmettre cela. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). Ce qui vient d'être dit à propos des civilistes méritait d'être relevé; s'il ne l'avait pas été par M. Lefort, je l'aurais fait. Bien évidemment que le service civil permet à des gens qui n'ont pas envie d'être militarisés de respecter leur vocation, leur volonté profonde de ne pas se retrouver armés. Et c'est bien ! De là à dire qu'on peut mettre en concurrence des personnes qui exercent leur droit le plus absolu de ne pas vouloir être armés avec des gens qui ont de la peine à trouver du travail, il y a de la marge.
C'est cette marge que la motion cherche à combler. Le texte est peut-être maladroit, il est peut-être excessif, mais je crois qu'aucun progrès social n'a été obtenu depuis le début du XIXe siècle sans précisément passer par certains excès. Cette question divise le groupe MCG, raison pour laquelle la liberté de vote a été décidée: certains soutiendront cet objet, certains s'y opposeront et d'autres encore s'abstiendront. Merci.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. J'aimerais clarifier certains points. Ce texte ne vise pas à lancer un débat sur le service civil: on parle ici exclusivement d'une concurrence déloyale. Deuxièmement, c'est effectivement une loi fédérale qui fixe le cadre et le fonctionnement du service civil, mais les postes octroyés le sont par le canton - c'est là que cette motion a sa raison d'être. Troisièmement, on nous a clairement dit que 75% à 80% des civilistes sont affectés aux domaines de la santé et du social, principalement - je dis bien principalement - dans les maisons de retraite et les EMS. Ça correspond à 4000 à 5000 civilistes qui travaillent dans des maisons de retraite ou des EMS et occupent des postes qui, à notre avis, devraient revenir en priorité aux chômeurs et à nos concitoyens qui recherchent un emploi. Pour nous, il y a réellement une distorsion et une concurrence déloyale. Pour ces raisons, je vous recommande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Merci.
M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Je crois que nous sommes tous d'accord: la question, ici, n'est pas de s'interroger sur le bien-fondé du service civil ou la motivation de ceux qui y ont droit. L'application est genevoise et M. In-Albon a été clair quant aux affectations et aux entreprises qui y ont droit, avec les conditions liées à ce type d'emploi.
S'agissant de la concurrence, je rappellerai simplement un chiffre qui figure dans le rapport et qui est clair: le taux d'occupation est de 24%. Ça veut dire que sur ces jobs, qui ne sont a priori pas à plein temps, il y aurait encore de la place disponible - et on peut tout à fait se demander pourquoi ils restent libres. Le rapport mentionne par ailleurs, je le rappelle également, que certaines institutions se font un peu tirer l'oreille pour engager des civilistes. Elles arguent que, quoique ces postes soient mal payés, ça reste néanmoins des salaires à verser pour des jobs qui ne sont pas indispensables. Je vous réinvite donc à refuser cette motion. Merci beaucoup.
Le président. Merci bien. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2407 est rejetée par 64 non contre 8 oui et 2 abstentions.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons à présent la M 2410 en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Personne ne veut prendre la parole ? (Un instant s'écoule.) Je passe la parole à M. le député Pierre Bayenet.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. On dirait que je suis la seule personne à avoir envie de prendre la parole chaque fois qu'on traite un texte concernant les stupéfiants et, surtout, chaque fois qu'on traite un sujet amené régulièrement par le MCG ou par l'UDC et qui vise à inviter la police à déferler dans les rues pour en chasser les vendeurs de stupéfiants. Cette motion-ci est particulièrement inutile, encore plus que toutes les autres qui l'ont précédée, parce que la vision contenue dans la solution qu'elle souhaite apporter est absurde.
Je résume brièvement: les signataires invitent le Conseil d'Etat à faire usage des interdictions de zones à l'égard des vendeurs de stupéfiants. Qu'est-ce qu'une interdiction de zone ? La loi sur la police genevoise, en son article 53, prévoit quelque chose d'assez particulier: la police a le droit d'interdire à une personne liée à un trafic de substances illicites de pénétrer dans une zone déterminée jusqu'à trois mois. Cette interdiction de zone est prononcée sous menace, évidemment: interdire à une personne de venir quelque part, mais sans prévoir une sanction si elle le fait quand même, cela ne sert à rien. Il y a donc une menace de sanction, en l'occurrence celle qui est prévue par l'article 292 du code pénal, à savoir une amende. En somme, on interdit à des gens qui vendent des stupéfiants de venir dans une certaine zone en les menaçant d'une amende, alors que la punition pour la vente de stupéfiants elle-même est bien plus lourde que l'amende qu'ils risquent en se rendant dans la zone. C'est complètement stupide, excusez-moi, mais vraiment, ça n'a pas de sens: en fait, on propose d'infliger à des vendeurs de stupéfiants une punition moins lourde que celle qu'ils risquent par le simple fait de vendre des stupéfiants. De plus, cela demande évidemment du travail à la police, puisque celle-ci doit adopter des décisions écrites et doit d'abord prouver que la personne visée vend bien des stupéfiants, rendre une décision, la notifier, ce qui, évidemment, est susceptible de recours. J'ai entendu une dizaine de fois aujourd'hui les mots «usine à gaz» pour décrire divers projets; là, ce qui est certain, c'est qu'on cherche à créer une usine à gaz, mais qui en plus ne fabrique même pas de gaz.
Sans compter, Mesdames les députées, Messieurs les députés, qu'évidemment - on le sait et il faut le répéter, même si on l'a déjà dit - la problématique des stupéfiants ne peut pas se régler par la répression. On se trouve dans un cadre légal où le droit fédéral oblige le canton de Genève à interdire et à poursuivre les vendeurs, mais ce n'est pas une raison pour en ajouter une couche. On doit au moins avoir l'honnêteté d'admettre que la politique actuelle se dirige en plein vers un cul-de-sac. Nous devons donc écarter un petit peu nos oeillères et élaborer d'autres solutions.
Il faut être sensible également au problème du voisinage: il est vrai que ce n'est pas forcément évident d'habiter dans un quartier où des personnes font du bruit et vendent des substances illicites jour et nuit en générant un trafic motorisé, piéton, nocturne, avec certaines nuisances. Il faut encadrer ces activités, fixer des interdictions par exemple d'horaires ou de zones... (Remarques.) ...dans lesquelles on peut ou non vendre de tels produits à telle ou telle heure - et en tout cas pas adopter cette motion. Ensemble à Gauche vous invite à la rejeter. Merci. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Je suis assez affligé par les propos que vient de tenir le député Bayenet. J'imagine qu'en ce qui le concerne, il voudrait légaliser tout ça ! Quoi qu'il en soit, cette thématique doit être examinée. Peut-être que la répression totale n'est pas la solution, mais il doit y avoir des solutions, il faut les examiner, et c'est pour cela que, pour notre part, nous proposons de renvoyer cet objet à la commission judiciaire et de la police. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Il est dommage que cette motion n'ait pas pu être traitée à la commission judiciaire et de la police, parce qu'elle reste malheureusement d'une très grande actualité. Il suffit de se rendre dans de nombreux quartiers de la ville de Genève comme Plainpalais, la Jonction ou Saint-Jean pour se rendre compte que les dealers pourrissent la vie de ces quartiers, qu'ils rendent infernale la vie de très nombreux habitants, en particulier les plus jeunes. Les adolescentes ont en effet beaucoup de peine à rentrer le soir, les parents sont inquiets, comme cela nous a été rapporté. C'est une ville de Genève que véritablement nous ne voudrions plus voir. Nous ne voudrions plus voir ce genre de choses, il faut s'en donner les moyens. Il est certain que notre conseiller d'Etat Mauro Poggia réalise un travail important en la matière et qu'il s'attelle à la chose, je l'en félicite. Néanmoins, il faut aller encore plus loin. Si l'on ne soutient pas cette motion, cela signifie que l'on soutient les dealers, c'est évident ! Il n'y a pas d'autre choix. Chacun doit se positionner et je demanderai, Monsieur le président, le vote nominal sur le retour en commission, en espérant que les députés de ce Grand Conseil auront la sagesse de renvoyer ce texte en commission afin que la motion soit enfin étudiée comme elle doit l'être, comme elle aurait dû l'être et comme elle ne l'a pas été, malheureusement. Je vous demande bien instamment de renvoyer cette motion à la commission judiciaire et de la police.
Le président. Je prends note de votre demande de vote nominal. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, ce vote se fera donc à l'appel nominal. La parole est à Mme la députée Anne Marie von Arx-Vernon.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rassure, le parti démocrate-chrétien ne va pas soutenir les dealers en refusant cette motion. Ce sont des raccourcis inacceptables. Des motions, des pétitions sur ce même sujet ont tout à fait eu leur raison d'être lorsqu'elles transmettaient effectivement l'inquiétude des habitants. Mais déposer une motion pour faire appliquer la loi, Mesdames et Messieurs les députés... Nous frisons le ridicule et nous renforçons les usines à gaz ! Ce texte n'a pas lieu d'être. Le parti démocrate-chrétien, contrairement au MCG, fait confiance au Conseil d'Etat, notamment à M. Poggia, chargé de la sécurité. Nous ne laisserons pas dire que la police ne fait rien, nous ne laisserons pas dire que les incivilités et les nuisances ne sont pas combattues, nous ne laisserons pas dire que la police ne fait pas son travail - notamment, des caméras vidéo ont été installées dernièrement, soit après le dépôt de cet objet. Nous rappelons notre volonté de soutenir la police. Pour ces raisons, nous n'avons pas besoin de cette motion que nous refuserons. Merci, Monsieur le président.
M. Sylvain Thévoz (S). Le parti socialiste refusera également ce texte. On a beaucoup abordé cette question avec de nombreuses pétitions; bientôt à chaque session du Grand Conseil, ces enjeux reviennent, et toujours sous le même angle. Le parti socialiste reste sur la même position: il maintient que ce n'est pas avec ce type de motion qu'on va changer les choses, mais qu'il faut changer de paradigme. Il faut non pas toujours plus de répression et taper toujours plus sur les petits dealers, mais vraiment trouver de nouvelles solutions. Nous attendons toujours impatiemment que M. Poggia nous montre quelles sont ces nouvelles solutions et nous explique quelle est sa politique de lutte contre les grands dealers et contre le trafic de drogue, comment cette drogue arrive à Genève, qui organise ce trafic. La droite cogne à longueur de séances du Grand Conseil sur le dealer du coin de la rue, sur le petit marchand, et on n'a pas de vision plus large d'une police qui agit à grande échelle. Monsieur Poggia, vu que vous êtes là aujourd'hui, je serais heureux que vous nous expliquiez quels sont les moyens cette année, l'année prochaine et les trois prochaines années pour véritablement enrayer ces méfaits de la drogue. La légalisation nous semble être une piste qu'il faudrait aussi creuser. (Exclamation.)
Une voix. Ben voyons !
M. Sylvain Thévoz. On a vu que cela fonctionne au Portugal ainsi que dans d'autres pays, que cela réduit les atteintes à la santé pour les personnes usagères et que cela permet de lutter contre la criminalité. (Remarque.) Il nous semble, et nous le maintenons séance après séance, qu'il existe des solutions, qu'il faut changer de paradigme, et nous constatons malheureusement que la droite revient toujours avec les mêmes motions, pour faire toujours la même chose, qui malheureusement ne fonctionne pas.
Nous nous interrogeons aussi sur la présence permanente de la droite aux commandes des questions de sécurité, avec M. Poggia, avant lui M. Maudet, M. Barazzone en Ville de Genève, la droite qui, depuis des décennies bientôt, gère la police avec des constats d'échecs répétés, là aussi. Est-ce que finalement ce grand problème n'est pas entretenu par une certaine droite qui d'un côté ne fait rien et de l'autre fait du populisme, effrayant les habitants, laissant pourrir des problèmes alors que des solutions existent ? On l'a dit: légalisation, prise en charge des problèmes et lutte contre les moyens et gros dealers seraient déjà un bon début. Merci beaucoup.
M. Vincent Subilia (PLR). Nous évoquions ce matin les décalages temporels qu'il peut y avoir dans le traitement d'un certain nombre d'objets qui nous sont soumis. Ce problème se vérifie avec le texte qui nous occupe actuellement et dont le PLR soutiendra le renvoi en commission. Mesdames et Messieurs, nous sont soumis un certain nombre d'objets qui tous traitent de ce thème. Je crois que nous sommes d'accord de manière unanime dans cet hémicycle pour considérer que ce thème est important, tout comme l'est la lutte contre les stupéfiants, qu'il s'agisse de leur vente ou de leur consommation, et qu'elle requiert que nous lui apportions une réponse qui elle aussi soit unanime.
Il n'y a pas - je rejoins là certains de mes préopinants - de réponse simple à des problèmes complexes. Cela étant, on ne peut pas faire l'économie d'une réflexion globale. Si les mesures proposées aujourd'hui peuvent paraître simplistes aux yeux de certains, elles ont le mérite de répondre à des inquiétudes légitimes qui animent la population, et nous ne pouvons faire la sourde oreille.
Lorsque j'entends mon préopinant Sylvain Thévoz - vous transmettrez, Monsieur le président - dire que c'est du populisme de droite - et je suis modéré dans le propos, contrairement à lui - et que c'est nous qui agitons la population en diabolisant une situation, je dis non, ce n'est pas vrai ! Le malaise est perceptible, allez interroger - la presse s'en est chargée - les habitants notamment de la Coulouvrenière en leur demandant s'ils ont davantage peur des députés de droite que des dealers qui sont sous leurs fenêtres, et vous aurez votre réponse, et elle est très claire. Il ne faut pas non plus basculer dans une forme d'angélisme. La réponse est complexe, encore une fois, et elle implique une approche mesurée, mais la présence policière, de même que les mesures de répression et une approche coercitive nous paraissent être les compléments à d'autres mesures de nature plus incitative. Pour ces raisons, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il nous paraît raisonnable d'envisager un renvoi, de sorte que cette proposition de motion puisse faire l'objet de l'examen qu'elle mérite. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Il faudrait aussi légaliser le vol de vélos, parce que ça ne marche pas; il y a énormément de vols de vélos, donc je préconise que... Finalement, tout ce qui ne marche pas, il faut légaliser ! A Genève, c'est ainsi qu'on règle les problèmes. La population en prend note évidemment.
Une fois de plus, on ne peut pas régler... La lutte contre les stupéfiants, ce n'est qu'une question de moyens ! C'est une question de moyens ! Et on ne met aucun moyen véritable pour lutter contre le trafic de rue. Le trafic de rue doit être éliminé. Ce n'est pas compliqué ! Il suffit de faire quotidiennement des rafles avec des bâtons, comme dans certains pays, et vous chassez les dealers. Les dealers, il faut les chasser. (Commentaires.) Ils ne vendent pas du sirop, Monsieur Bayenet ! Des familles souffrent de cela, c'est un drame pour les familles d'avoir un dealer dans sa famille, c'est un drame ! Il pourrit la vie de toute sa famille, il met en danger sa vie, ce n'est donc pas anodin. Le trafic de drogue n'est pas une chose anodine, il faut lutter fermement contre le trafic de drogue.
Et dire qu'il faut lutter contre les gros trafiquants, ça fait rire ! Parce qu'avant, nous avions des frontières ! Vous avez voulu supprimer les frontières... (Commentaires.) ...qui permettaient de filtrer une grande partie du trafic de drogue; dans les années 80, il n'y avait quasiment plus de drogue à Genève. (Commentaires.)
Une autre solution pour supprimer le trafic de drogue: je propose qu'on supprime la brigade des stupéfiants, ça permettra aussi de supprimer ce problème et fera économiser de l'argent. Merci.
Des voix. Bravo !
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Pierre Conne pour trente-neuf secondes.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref. Il n'y a pas de solution simple à un problème complexe. La preuve: la motion dont nous parlons aujourd'hui a déjà fait l'objet de dix séances de la commission judiciaire depuis 2017. Nous allons la renvoyer en commission, peut-être pour dix nouvelles séances, et nous en reparlerons dans deux ans. Je vous remercie.
Le président. Merci. La parole est à M. le député Daniel Sormanni pour quarante-cinq secondes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas possible d'entendre des propos pareils ! On ne peut pas admettre qu'on baisse les bras et qu'on autorise ces marchands de rue - parce que c'est ça qu'une certaine gauche veut, mais ça ne résoudra rien du tout ! On a le droit de se préoccuper de ceux qui pourrissent la vie des habitants, qui eux sont, pour l'essentiel, tout à fait corrects, et nous devons agir !
Pour ce qui est de dire que toutes ces polices ont toujours été dirigées prétendument par la droite, je vous rappelle en passant que le MCG n'est ni de gauche ni de droite.
Ensuite, comment la Ville de Genève règle-t-elle ce problème s'agissant de l'Usine ? Et il me semble que ça fait vingt-cinq ans que c'est la gauche qui mène la barque en Ville de Genève. Elle la mène en ayant démissionné et...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.
M. Daniel Sormanni. ...en ne faisant rien, en donnant les clés d'un bâtiment à une équipe, sans contrôler...
Le président. Vous avez terminé, Monsieur Sormanni.
M. Daniel Sormanni. ...sans vérifier qu'ils respectent les règles ! Donc, Mesdames et Messieurs...
Le président. Merci.
M. Daniel Sormanni. ...renvoyez cette motion en commission, s'il vous plaît ! (Commentaires.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu beaucoup de choses, parfois extrêmement émotionnelles. Avant de vous dire que je vous ai entendus, j'ai envie de dire que j'ai entendu la population genevoise qui, effectivement, souffre, notamment celle qui réside dans les abords immédiats de ce trafic de rue. De là à dire qu'il faudrait chasser ces dealers avec des bâtons... Dieu merci, nous ne sommes pas dans un Etat de ce type-là ! Nous avons des règles de droit. La première invite qui demande au Conseil d'Etat d'appliquer la loi me semble donc assez logique. Croyez bien que c'est ma préoccupation quotidienne que d'appliquer les lois et, le cas échéant, de les construire avec vous, si je considère qu'elles ne sont pas adéquates pour les missions qui sont les nôtres.
Maintenant, bien sûr, les dealers dont on parle et qui créent ces nuisances quotidiennes ainsi que, il faut le dire, un sentiment d'insécurité dans certains quartiers, s'adressent avant tout, il ne faut pas l'oublier, à des consommateurs volontaires ! Qui vont eux-mêmes auprès de ces dealers se procurer les substances qu'ils recherchent. Quand j'entends dire qu'il faut chasser et emprisonner ces dealers parce qu'ils s'adressent à nos enfants, ce n'est pas exactement la cible de cette motion.
En revanche, c'est vrai, il existe plusieurs étages dans ces réseaux mafieux. Là, ce sont les petits poissons. Evidemment, il ne faut pas fermer les yeux, puisque, encore une fois, les nuisances sont réelles, et c'est encore selon le droit actuel une infraction pénale qu'il s'agit de réprimer. Néanmoins, il y a des réseaux mafieux qui se trouvent à d'autres niveaux et qui, eux, ne se chassent pas dans la rue: on les chasse avec des brigades financières, en traquant les flux d'argent, et nous avons une police judiciaire qui est active dans ce domaine - si on la laisse faire son travail, parce que, malheureusement, compte tenu aujourd'hui des problématiques internes, parfois la police judiciaire est attribuée à d'autres tâches qui ne devraient pas être ses tâches prioritaires; mais elle y travaille. Essayer de démanteler des réseaux de trafiquants de stupéfiants est un travail de longue haleine et international. Pour cela, nous devons collaborer avec l'ensemble des pays qui nous entourent, voire au-delà.
Soyez donc convaincus - puisque certains me demandaient quelle était ma vision - que ma vision est celle de n'importe quel chef de département chargé de la sécurité. C'est faire en sorte que, dans l'immédiat, ce qui est le plus proche, ce trafic de rue, n'existe pas, et c'est explorer - et vous savez que nous le faisons - des solutions alternatives. Cela ne signifie pas légaliser, ce qui fait hurler encore une bonne partie de la population, mais c'est peut-être, pour le cannabis - vous le savez, nous en parlons - avoir une régulation permettant de savoir au moins quels sont les produits qui se promènent dans nos rues et qui, eux, sont particulièrement dangereux. Aujourd'hui, nous avons une politique en matière de stupéfiants assez hypocrite, il est vrai, et qui est celle de l'autruche: cela fait des décennies que nous traquons ces réseaux mafieux, pour un résultat pratiquement nul, avec des milliards qui circulent et qui viennent enrichir ces réseaux.
Cela ne veut évidemment pas dire qu'il faut baisser les bras et légaliser, je ne l'ai pas dit et je ne le dirai jamais; cela veut dire aussi qu'il faut peut-être penser autrement. Vous savez que nous sommes assez innovants à Genève, puisque nous avons mis en place ces procédures de «drug checking» qui permettent à des personnes de contrôler ce qu'elles achètent. Une partie de l'hémicycle dira: «Quelle horreur ! Vous allez mettre votre tampon sur des produits pour qu'ils puissent être consommés impunément !» D'abord, ce qui est contrôlé est détruit. Ensuite, d'autres vont diront que, heureusement, on peut ainsi anticiper ce qui arrive sur le marché, pour pouvoir renseigner des consommateurs qui, de toute façon, sont des consommateurs ! Cela sert aussi à identifier les consommateurs problématiques et en particulier les mineurs afin de les sortir du cercle parfois infernal qu'est la consommation de stupéfiants.
Nous ne sommes donc pas monothématiques; nous n'avons pas de bâton pour chasser dans les rues, comme le voudraient certains, les petits dealers... (Commentaires.) ...qui sont petits parce qu'ils sont des gagne-petit, mais qui représentent une réelle nuisance, ce que je ne sous-estime pas; mais nous travaillons à tous les niveaux.
J'ai entendu dire qu'il était absurde d'empêcher des dealers de revenir dans un secteur particulier, puisqu'ils sont moins réprimés s'ils violent cette injonction que s'ils sont attrapés en train de faire du trafic de stupéfiants. A contrario, cela signifie: laissez-les plutôt continuer à faire du trafic de stupéfiants, ainsi, quand vous les attraperez, vous pourrez les punir davantage. C'est un discours un peu particulier que nous avons entendu dans la bouche de M. Bayenet.
Quoi qu'il en soit, cette motion ne fait rien d'autre que de dire au Conseil d'Etat ce qu'il doit faire et ce qu'il fait. Je vous laisse donc apprécier si elle doit être aujourd'hui tranchée selon votre humeur du moment ou si elle doit être envoyée en commission afin que nous l'approfondissions encore. De toute façon, c'est un sujet sur lequel nous reviendrons constamment, puisqu'il fait partie des préoccupations des Genevois et des Genevoises. Je vous remercie.
Le président. Merci bien. Je mets aux voix le renvoi de cette proposition de motion à la commission judiciaire.
Mis aux voix, le renvoi pour six mois (article 194 LRGC) de la proposition de motion 2410 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 53 non contre 41 oui (vote nominal).
Le président. Je soumets maintenant au vote le renvoi au Conseil d'Etat de cette motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2410 est rejetée par 52 non contre 37 oui.
Débat
Le président. Nous traitons maintenant la motion 2412, classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur de Sainte Marie, vous avez la parole.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Cette motion avait comme premier signataire Roger Deneys. Maxi mea culpa: je suis chargé du rapport et je n'ai pas eu le temps de le rendre. C'est pourquoi je vous demanderai de voter le renvoi à la commission de l'économie pour pouvoir non pas mener de nouvelles auditions, mais simplement rendre le rapport. J'en ai discuté la semaine dernière avec les différents chefs de groupe et membres de la commission de l'économie, qui semblaient d'accord. Si le sujet n'est plus d'actualité, la thématique des travailleurs âgés reste toujours d'importance. Nous avons mené des auditions intéressantes et l'idée serait de pouvoir faire figurer ces auditions dans le rapport. Je vous remercie d'avance.
M. François Lefort (Ve). Par grande mansuétude et uniquement pour faire plaisir au futur rapporteur de cet objet, les Verts soutiendront évidemment ce renvoi en commission !
Le président. Bien, merci. Mesdames et Messieurs, je soumets donc à vos votes le renvoi de cet objet à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi pour six mois de la proposition de motion 2412 à la commission de l'économie est adopté par 80 oui contre 10 non.
Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à l'objet suivant, soit la M 2434-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de Mme Delphine Klopfenstein Broggini, remplacée par Mme Paloma Tschudi, à qui je cède la parole.
Mme Paloma Tschudi (Ve), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je souhaite tout d'abord vous informer, comme l'a indiqué le président, que je reprends le rapport de majorité brillamment rédigé par Delphine Klopfenstein Broggini, et je me permets d'ailleurs de la féliciter encore une fois pour son élection à Berne.
La motion dont il est question ici, qui a été étudiée lors de quatre séances de la commission judiciaire et de la police, invite le Conseil d'Etat à renoncer à communiquer la nationalité d'un ou d'une délinquante présumée, sauf si cette information est pertinente dans une situation spécifique ou dans des cas exceptionnels. La principale raison d'être de cette motion est que la nationalité ne constitue pas une variable déterminante dans l'explication du phénomène criminel. En effet, de nombreuses études, notamment celle du professeur de droit pénal et de criminologie à l'Université de Lausanne André Kuhn, démontrent que les principales variables explicatives du phénomène criminel sont tout d'abord le sexe, puis l'âge, le niveau socio-économique et, enfin, le niveau de formation. Ainsi, communiquer la nationalité d'un présumé délinquant ou d'une présumée délinquante laisse suggérer qu'elle explique son présumé délit, tout en cachant les causes exactes, comme la pauvreté ou encore le bas niveau de formation.
Le phénomène criminel est un phénomène complexe, et les raccourcis opérés par certains partis de l'hémisphère droit de ce parlement - dont fait d'ailleurs partie le rapporteur de minorité - sont dangereux. (Remarque.) Donner la nationalité d'une personne, d'un présumé ou d'une présumée délinquante n'a d'autre fonction que de renforcer des préjugés dangereux et d'attiser la haine. D'ailleurs... (Commentaires.) D'ailleurs, la cheffe de la police, auditionnée par la commission, a relevé que depuis qu'elle ne communiquait pas ou plus la nationalité sur Facebook, les commentaires et réactions de type xénophobe ou raciste avaient diminué. (Remarque.) C'est bien la preuve qu'il existe une corrélation entre la communication de cette information et l'attisement de la xénophobie.
La majorité de la commission que je représente s'accorde à dire qu'il est d'autant plus important de ne pas divulguer la nationalité que le cas qui nous occupe ici est celui d'un présumé ou d'une présumée délinquante. (L'oratrice insiste sur le terme «présumé».) Dès lors, la présomption d'innocence doit prévaloir et aucune information sur la personne ne devrait être communiquée, de manière à s'assurer de la protection des données et de l'intégrité de ces personnes ainsi que de leur communauté. (Brouhaha.)
Le rapporteur de minorité vous dira que nous, majorité de cette commission, attaquons la liberté d'expression de la presse et vous invitera donc à refuser cette motion. Mais il convient de rappeler que mettre un cadre n'équivaut pas à de la censure. La question que je vous pose est la suivante: quel type de presse souhaitez-vous ? Une presse qui attise la xénophobie, le rejet et l'exclusion ou une presse qui informe ? A cette question, je réponds que nous, la majorité de cette commission, nous souhaitons une presse qui informe. Nous souhaitons une presse de qualité, qui sort des faits divers pour donner à son lectorat des informations utiles et surtout pertinentes, qui fait du vrai et du bon journalisme. Il existe d'ailleurs des directives du conseil de la presse qui invitent les journalistes à mettre en balance la pertinence de l'information sur la nationalité d'une personne et le risque de discrimination lié à cette information.
Le rapporteur de minorité vous dira également que la population a le droit d'être informée. A cela, nous, majorité, répondons que bien sûr, la population a le droit d'être informée, et que même si la presse ne communique plus la nationalité des présumés délinquants et délinquantes, la population pourra toujours, si elle le souhaite, obtenir cette information en consultant les données de l'Office fédéral de la statistique, qui indiquent la nationalité.
Par ailleurs, cette motion ne préserve pas seulement le travail des journalistes: elle préserve également celui de la police et de la justice, qui se trouvent parfois desservies par les informations figurant dans la presse. Pour toutes ces raisons, je vous invite, Mesdames les députées, Messieurs les députés, à accepter cette motion. Merci. (Applaudissements.)
M. Marc Fuhrmann (UDC), rapporteur de minorité. La minorité constate aussi, avec bonheur du reste, que la police ne publie plus sur les réseaux sociaux les nationalités ou les origines de criminels existants ou potentiels. C'est déjà une bonne chose. Cette mesure est pour nous suffisante pour réduire significativement les stigmatisations actuelles. Pour l'heure, seuls les communiqués de presse officiels de la police contiennent les indications de nationalité.
Maintenant, nous pensons que cette motion est superflue et particulièrement perverse pour les raisons suivantes. Tout d'abord, il s'agit d'une obstruction à la liberté de la presse, liberté pourtant garantie par notre constitution. C'est une attaque dirigée pas directement contre cette liberté en soi, mais contre les sources de celle-ci. Comment donner une couverture médiatique aux événements si l'on n'en connaît pas les éléments factuels ? Cela est digne d'une époque soviétique que nous pensions révolue depuis longtemps.
Des voix. Oh ! (Commentaires.)
M. Marc Fuhrmann. La demande de la population et des médias nous a été confirmée tant par Mme la commandante de la police que par le contenu que les médias nous proposent. Cette demande est claire: la population veut connaître l'origine et la nationalité des délinquants actuels ou supposés. Il ne s'agit ici que de faits, à savoir une réalité. La population est en droit de savoir ce qui se passe sur son territoire, d'être informée sur les infractions commises et de savoir par qui elles le sont. Ne pas publier ces informations ne laisse pas seulement le citoyen dans le noir, mais l'induit aussi en erreur par rapport à la réalité qui l'entoure. Cette réalité est claire: les prisons genevoises sont peuplées, d'une part, à plus de 90% par des ressortissants non suisses, dont certaines régions d'origine sont massivement surreprésentées, et, d'autre part, à 50% par des personnes qui n'ont finalement rien à faire sur le territoire suisse. C'est une réalité et non une vision politique ! C'est une réalité !
Que vise à faire croire cette motion néfaste ? Elle tente d'inventer une réalité qui n'existe pas: un rêve, un village de Potemkine ! Faire croire à une réalité inexistante est le plus grand danger pour une société. Le monde connaît les dégâts causés par l'imposition de fausses réalités, notamment dans les pays sous le joug soviétique. Voulons-nous une telle imposture à Genève sous couvert de bons sentiments ? Les femmes se sentiraient-elles plus à l'aise face aux hommes si on ne les informait pas du sexe du prédateur sexuel ? Mais il faut juste arrêter ! Cette motion veut manipuler le public afin de le détourner de la réalité; pour nous, c'est inacceptable !
Comme mentionné auparavant, la presse et les médias ont un fort intérêt à connaître la nationalité des prévenus et feront tout pour la connaître si la police ne peut plus la communiquer. Cela aurait finalement des résultats pervers, car ces médias feraient tout pour supposer ou deviner l'origine des suspects, ce qui, selon les circonstances, aurait des effets bien plus désastreux que n'en aurait la simple publication de la réalité en toute transparence. Pour toutes ces raisons, la minorité estime que cette motion est contraire à tout idéal de transparence démocratique et de liberté d'information idéale, pour lequel la population suisse se bat depuis si longtemps, et vous enjoint donc de rejeter ce texte. Merci.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas réitérer les arguments de la rapporteuse de majorité, qui sont très clairs. Mentionner la nationalité n'apporte aucune plus-value, mis à part combler la curiosité des lectrices et des lecteurs pour que nous puissions coller une étiquette et aiguiser davantage un sentiment de crainte et d'hostilité vis-à-vis des personnes qui n'appartiennent pas au même groupe que le nôtre. Cette mention - et non pas «motion» - n'apporte aucun élément saillant, en particulier sur la question du délit.
En quoi, expliquez-moi, la nationalité est-elle une variable pertinente pour la population ? Elle l'est pour la police, mais sa communication peut être instrumentalisée à mauvais escient, comme l'a mentionné la rapporteuse. Les seules données pertinentes pour nous, les Vertes et les Verts, restent donc l'âge, le niveau socio-économique, le sexe, le niveau de formation et, en dernier lieu, la nationalité. Voilà pourquoi les Vertes et les Verts soutiendront évidemment cette motion. Merci.
M. Rolin Wavre (PLR). Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, pour nous, contrairement à ce que disait le rapporteur de minorité, cette motion n'est pas perverse. Elle poursuit des intentions louables, puisque lutter contre la stigmatisation et les amalgames est un objectif parfaitement légitime. Les débats en commission en 2017 puis en 2018 ont été instructifs. Ils ont démontré que la question de la protection de la personnalité était digne d'un débat.
Le groupe PLR constate que la pratique actuelle du Ministère public et des autorités de la police est correcte, nuancée et réfléchie. Il nous semble que chercher à interdire la diffusion de cette information sur la nationalité est plutôt de nature à éveiller la suspicion du public. Les journalistes qui souhaiteraient la connaître parviendraient à obtenir cette information en quelques coups de fil. Il nous semble donc que la dissimuler n'est pas la bonne formule. Nous préférons d'ailleurs nettement lutter dans l'arène politique et dans l'arène médiatique contre la stigmatisation elle-même. La presse a démontré par ses propres règles internes et ses lignes de conduite qu'elle était attachée à cette balance dans son travail. Il nous semble que l'exemple de la France, où les statistiques ethniques sont interdites, ne démontre pas d'efficacité dans la lutte contre les fantasmes et la stigmatisation. C'est un point qui ne nous paraît pas éprouvé. Ensuite, on pourrait aussi refuser d'indiquer l'âge des prévenus, par exemple pour éviter une stigmatisation anti-jeunes ou anti-vieux. (Commentaires.) Il nous semble que cette motion est intéressante, mais qu'elle ne représente pas le bon moyen. Nous considérons donc qu'il faut s'en tenir à la pratique des autorités et refuser cette motion. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette motion, dont nous sommes co-signataires, a effectivement pour but de supprimer la communication de la nationalité d'une prévenue ou d'un prévenu, qui attise la haine de l'autre, surtout lorsqu'il est étranger, ce qui est le sport favori de certains partis que vous aurez reconnus. Nous ne souhaitons plus aller dans les détails; ce texte demande de les supprimer. Nous vous demandons d'adopter cette motion, qui va dans le sens des pratiques de la police genevoise. Grâce aux auditions, notamment celle de Mme Bonfanti, nous avons été assurés que c'était dans cette logique que nous devions aller. Merci infiniment de bien vouloir soutenir cette motion et de ne pas confondre liberté d'expression avec propagande d'extrême droite. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le sujet est assez sérieux, assez grave en réalité, puisqu'on peut légitimement se demander s'il faut, d'une certaine manière, censurer les services de l'Etat, donc empêcher l'accès à l'information. Quel est l'intérêt public qui justifie qu'on censure cet accès à l'information ? En réalité, cet intérêt, il existe. Il est vrai qu'on pourrait se dire qu'il y a un intérêt à connaître la nationalité des prévenus, des condamnés - d'ailleurs, les chiffres de l'Office fédéral de la statistique contiennent ces informations, il est donc possible, si l'on veut réaliser un travail de recherche sérieux, d'aller sur le site de l'Office fédéral de la statistique et d'examiner les infractions commises selon les nationalités.
Le problème, c'est qu'ici, on parle de tout à fait autre chose. On parle des communications faites par la police. Le Ministère public nous a dit de manière très claire que la police n'avait le droit de s'exprimer sur la nationalité des délinquants que pour les tout petits crimes ou délits: pour les affaires de rue, pour le délinquant qui va essayer de vendre un gramme de cocaïne à un policier, ce genre d'affaires qu'on trouve dans une colonne de droite du journal «20 Minutes» et dont les lecteurs sont apparemment friands, puisque l'on continue à le trouver, alors que personnellement je ne vois pas l'intérêt de ce genre d'informations. En réalité, le fait que la police communique la nationalité d'une personne introduit un biais au sein de la population, parce que cela donne l'impression qu'il y a plus d'étrangers qui commettent des infractions que de Suisses, alors que la vérité, c'est que les infractions commises par les Suisses sont soustraites à la possibilité pour la police de communiquer. Si un Suisse assassine son épouse, la police n'aura pas le droit de communiquer sur ce sujet. Si un Suisse frappe son enfant, si un Suisse viole une élève, ce sont des informations qui ne pourront pas être rendues publiques par la police, parce que le Ministère public se réserve le droit de communiquer. Or le Ministère public, lui, ne communique pas sur la nationalité.
Le système actuel fait qu'il y a davantage de communications sur les étrangers qui commettent des infractions que sur les Suisses qui commettent des infractions. Ça, c'est inacceptable; ça, c'est de la tromperie. Le système actuel induit une tromperie et donne à tort l'impression qu'il y a davantage d'étrangers que de Suisses qui commettent des infractions. Il faut y mettre un terme. Il est vraiment important de bien comprendre qu'il n'y a pas de... Je ne pense pas qu'il faut être d'extrême droite pour être en faveur de la publicité des informations. On peut aussi défendre la publicité et l'accès à l'information, la transparence de la justice, le fait qu'il faut communiquer la nationalité de tout le monde. Mais dans ce cas-là, il faudrait qu'on communique la nationalité de tous les criminels et non seulement des étrangers, ce qui est la situation actuelle à Genève. Ce biais fait qu'aujourd'hui, on permet à la police et à la presse de créer une ambiance de suspicion à l'égard des étrangers. Il est très important, très très important d'y mettre un terme. Soit on est transparent pour tous les délinquants, soit c'est le secret pour tous les délinquants, mais on ne peut pas simplement stigmatiser les étrangers dans la communication, comme c'est le cas aujourd'hui. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Murat Julian Alder (PLR). Vous me voyez, Mesdames et Messieurs, abasourdi par les propos tenus par mes deux préopinants.
Une voix. Oooh ! (Remarque.)
M. Murat Julian Alder. Nous sommes une fois de plus confrontés à une situation - je le dis au risque de me répéter - où nous avons la preuve que nous traitons dans ce parlement de problèmes de riches. Les Genevois et les Genevoises attendent autre chose de notre part que le traitement de questions opérationnelles internes au service de communication de la police. Il y a d'autres priorités dans ce canton que de se demander si la police doit communiquer l'âge, le sexe, la nationalité, la religion, les préférences gastronomiques des personnes qu'elle est amenée à interpeller. La police est parfaitement libre de communiquer les renseignements qu'elle estime pertinents. C'est d'ailleurs le lieu de relever à quel point cette motion enfonce une porte ouverte, puisque en substance elle dit à la police: «Ne communiquez pas la nationalité, sauf si vous estimez que c'est pertinent !» Cette motion, c'est un plaidoyer pour le statu quo ! Aujourd'hui, la police considère qu'il est pertinent de communiquer la nationalité des personnes qu'elle appréhende. Par ailleurs, ce que mon préopinant, M. Pierre Bayenet, a dit tout à l'heure concernant les citoyens suisses est parfaitement faux ! Lorsqu'un citoyen suisse commet une infraction, il est soumis exactement à la même règle, on va révéler sa nationalité.
En réalité, celles et ceux qui créent de la xénophobie, ce sont justement ceux qui aimeraient que l'on gomme cette information. Celles et ceux qui créent la suspicion, ce sont ceux qui sont appréhendés, malheureusement. Les statistiques sont ce qu'elles sont. Ne les cachons pas aux Genevois, cessons de nous mentir, cessons le politiquement correct et rejetons cette motion !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Marion Sobanek (S). Cessons le politiquement correct avec ce genre de faits qui sont publiés dans la presse et qui permettent de livrer certaines nationalités au pilori ! Je ne suis pas d'accord. 1,75 mètre: 1,75 mètre, c'est la taille au-delà de laquelle on compte le plus de criminels. C'est cela que dit la statistique: si vous faites plus de 1,75 mètre, vous êtes particulièrement susceptible de devenir un criminel ! Avec les statistiques, on peut dire à peu près n'importe quoi. L'Etat a le devoir d'informer la population, et il le fait via les statistiques annuelles. Donc dire que la presse est muselée, c'est tout simplement un mensonge ! L'Etat a également le devoir de veiller à une bonne cohésion sociale, et ça ne me semble pas être un problème de riches, ça me semble être un problème très concret de Genève ! L'Etat doit veiller à une intégration des différents groupes qui composent la société. Il se doit de prévenir les divisions nocives pour cette cohésion sociale qui est nécessaire et, pour cette raison, de combattre des attitudes telles que le racisme et l'ostracisme à l'encontre d'un groupe social ou d'une des 180 nationalités qui résident dans le canton de Genève. Car vous l'ignorez peut-être, mais Genève est le canton qui accueille le plus de nationalités de Suisse. La Suisse est une «Willensnation», c'est-à-dire un groupe de personnes de différentes cultures, religions et langues qui se sont rassemblées pour vivre ensemble, cohabiter, se donner des règles politiques et de vie communes. La Suisse et Genève sont connues pour cela. Cela fait bien plus d'un siècle que nous vivons ainsi, et cela n'a nui ni à la cohésion sociale ni à la richesse de notre canton. Nous avons donc une longue expérience de ce vivre-ensemble.
Pour revenir à la motion: est-ce utile de communiquer la nationalité ? Les chercheurs ont démontré qu'il existe cinq facteurs importants, au-delà de celui d'être plus grand que 1,75 mètre - d'ailleurs, j'ai de la chance: je ne peux pas devenir criminelle ! Le premier, c'est le sexe. A nouveau, ce sont avant tout des hommes. Viennent ensuite l'âge, le niveau socio-économique, le niveau de formation et, pour certains délits seulement, la provenance d'un pays étranger en guerre. (Brouhaha.) Les jeunes hommes de 18 à 30 ans commettent le plus souvent des infractions, et 85% des condamnés sont des hommes contre 15% de femmes. Les jeunes constituent 30% de la population, mais plus de 50% des condamnés. Les personnes de formation modeste constituent 37% de la population, mais plus de 68% de la population carcérale. Mais on ne nous informe ni de l'âge ni du niveau de formation des délinquants, bien que le phénomène criminel soit lié à plusieurs facteurs. Prendre une seule variable ne nous avance pas beaucoup et est réducteur. La nationalité n'explique donc pas les choses. En revanche, clouer au pilori dans la presse ou les cafés certaines nationalités est nocif et néfaste. Chercher du travail avec un nom d'une nationalité ainsi stigmatisée implique pratiquement aucune chance. Un de mes meilleurs élèves a dû écrire 287 demandes d'emploi. C'est seulement après avoir changé son prénom et être devenu suisse qu'il a pu trouver une place de travail ! Donc ne dites pas que communiquer la nationalité est neutre ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Communiquer la nationalité d'une personne qui a commis un délit ne l'est pas. Cela favorise des conclusions hâtives, imprécises et nocives, que cela plaise à une certaine partie de ce parlement ou non.
La population dans les prisons est majoritairement étrangère, parce que les peines alternatives ne sont pas ouvertes à ces personnes. Je terminerai en disant que la décision de la police de ne pas communiquer la nationalité sur Facebook est juste...
Le président. Merci, Madame Sobanek.
Mme Marion Sobanek. ...mais il faut aller plus loin et je vous remercie...
Le président. C'est terminé.
Mme Marion Sobanek. ...de voter dans le sens du parti socialiste ! (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). La motion demande que des informations pertinentes soient données par la police. C'est vraiment quelque chose de gigantesque ! C'est déjà le cas - enfin, nous avons confiance en la police genevoise pour qu'il en soit ainsi, et si ce n'est pas fait encore à la perfection, nous attendrons et nous ferons en sorte que cela le soit.
On se rend compte qu'on se trouve face à des Don Quichotte qui sont en train de s'élancer et de partir en guerre contre des moulins à vent, et ces moulins à vent, c'est quoi ? Ce sont les prétendus mal pensants, une extrême droite - on entend des mots... Mais j'ai plutôt l'impression que ces Don Quichotte qu'on a pu entendre font preuve d'une extrême bêtise. C'est l'extrême bêtise à tendance politique qui, malheureusement, est très répandue dans ce parlement, comme ailleurs dans la classe politique. Extrême bêtise parce qu'ils ne tiennent pas compte de la réalité, parce qu'ils prennent leurs désirs pour des réalités, parce qu'ils se font peur, qu'ils s'amusent à se faire peur en disant: «Il y a de méchants journalistes d'une certaine presse populaire, il y a de méchants politiques de certains partis !» Je vous laisse devenir lesquels, vous les aurez vite trouvés. Mais tout ça, c'est du délire ! Je ne dirai pas un gentil délire, mais un délire tout à fait stupide !
Il faut garder, il me semble, certains principes. Les principes qui doivent régner dans ce domaine-là, qu'est-ce que c'est ? C'est d'abord la liberté opérationnelle pour la police, c'est-à-dire d'évaluer l'importance de la divulgation d'une information et la manière dont elle doit être donnée pour que cela soit pertinent. Si on parle par exemple d'un truand et qu'on oublie de dire qu'il s'agit d'un truand marseillais alors qu'il vient d'un certain gang de la ville de Marseille, ça n'aura pas de sens ! Ce sera stupide ! C'est d'une bêtise énorme ! Cela rejoint d'ailleurs l'autre principe, à savoir la transparence, qui est nécessaire, bien évidemment sans stigmatisation, avec intelligence, et aussi dans le respect de la personnalité, qui, bien évidemment, existe - toutes ces valeurs-là existent.
La motion se trompe de combat. Au lieu de s'attaquer au vrai problème, c'est-à-dire aux discriminations dont a parlé Mme Sobanek... Qui est d'ailleurs complètement hors sujet, elle est complètement à côté de ses pompes en parlant de ça ici... (Vives protestations.) ...et en parlant de son élève, elle se trompe, elle fait une confusion totale. Parce qu'il est vrai que la question de la discrimination dont elle a parlé est bien réelle, mais elle est complètement non pertinente ici ! (Protestations.) C'est pour cela que je vous demande d'envoyer à la poubelle cette motion. C'est le seul endroit où elle mérite d'être.
Une voix. Ah ! (Rire.)
M. Stéphane Florey (UDC). J'aimerais dire deux choses par rapport à ce que j'ai entendu, notamment s'agissant de la presse. Pour la minorité, un article de presse complet et de qualité, c'est un article qui indique également la nationalité, par souci de transparence. Parce que, sur le fond, en acceptant cette motion, vous n'allez faire qu'inverser le problème. C'est-à-dire que si on interdit la divulgation de la nationalité, d'abord, ça n'empêchera pas la presse, si elle fait une enquête de fond, de trouver la nationalité de la personne mise en cause. Ensuite, inévitablement, les personnes qui liront l'article de presse ne se diront qu'une chose: «Tiens, ils n'ont pas mis la nationalité. C'est sûr, c'est un étranger !» De toute façon, quoi que vous fassiez, vous ne l'éviterez pas et il en sera toujours ainsi. C'est pour ces deux raisons que la minorité vous invite à refuser cette motion de censure digne de la Stasi de l'ancienne Allemagne de l'Est. Je vous remercie. (Commentaires.)
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Jean Batou pour une minute.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je ne résiste pas au plaisir de vous lire un petit extrait de presse datant d'il y a quatre-vingt-cinq ans: «Le 2 mars, la police a arrêté un Neuchâtelois pour vagabondage. Une domestique fribourgeoise, un Bernois et encore un Neuchâtelois pour menaces de mort envers sa femme [...] Le 15 mars, c'est un Fribourgeois qu'on arrête pour injures, un manoeuvre valaisan pour coups et blessures et une Argovienne [...] Mais vous chercheriez en vain le nom d'un Genevois.» Voilà. Ça, c'était écrit dans «L'Action nationale», un journal d'extrême droite des années 30. Je trouve que les opposants à la motion sont très minimalistes: ils devraient exiger que le canton d'origine des délinquants... (Rire.) ...soit systématiquement mentionné par la presse. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Marc Falquet. (Un instant s'écoule.) Vous la voulez ? (Un instant s'écoule.)
M. Marc Falquet (UDC). C'est à moi, Monsieur le président ?
Le président. Oui, c'est à vous !
M. Marc Falquet. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, déjà, si on accepte que des étrangers viennent commettre des délits chez nous à Genève, c'est un manque d'estime de soi-même. Excusez-moi, mais quand je vais à l'étranger, je ne commets pas de délit ! (Rires. Commentaires.) Je n'accepte pas que des étrangers viennent commettre des délits. (Commentaires.) Dans la plupart des pays étrangers, si vous avez votre visa échu d'un seul jour, vous vous faites expulser manu militari. Chez nous... M. Bayenet dit que les statistiques montrent que, prétendument, la majorité des étrangers ne commettraient pas de délit. Mais à Champ-Dollon, il y a 92% d'étrangers ! Comment se fait-il qu'on accepte ça ? Je ne comprends pas ! C'est une question d'estime de soi. Quelqu'un qui vient chez nous doit respecter les règles et respecter les lois. C'est ça qu'il faut leur apprendre, plutôt que d'essayer de dissimuler les statistiques ! Et c'est vrai que certaines ethnies sont complètement mises au ban, et à juste titre, Mesdames et Messieurs, à juste titre, quand vous regardez la composition de la prison de Champ-Dollon ! Les membres de ces ethnies, c'est à eux aussi d'aller expliquer aux gens que lorsqu'ils sont en Suisse et qu'ils y sont invités, ils doivent respecter nos lois. C'est ça ! Nous n'avons pas d'estime de nous-mêmes, c'est pour ça que nous acceptons ça. Je trouve que c'est intolérable. Il ne devrait pas y avoir un seul étranger qui commette un délit à Genève ! Merci.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Patrick Dimier pour cinquante-cinq secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste rappeler l'article 28, alinéa 1 de notre constitution qui garantit le droit à l'information. Que vaut cette garantie si elle est partielle ? Bien évidemment que l'information ne signifie pas la stigmatisation. Ne nous privons pas, lorsque c'est nécessaire - c'est la pratique en cours - de bien dire la vérité, de la donner en complément et de la donner de manière totalement complète et transparente !
M. Marc Fuhrmann (UDC), rapporteur de minorité. J'ai entendu ici qu'il ne fallait pas publier ces informations parce que ce n'est pas une variable pertinente dans les causes du crime. Mais il ne s'agit pas du tout de trouver des variables pertinentes dans la cause du crime: il s'agit simplement de relater une réalité telle qu'elle existe, non pas d'essayer de se cacher derrière un monde qui n'existe pas.
J'entends encore qu'il ne s'agit pas d'une information apportant une plus-value. Mais on s'en fiche de la plus-value de l'information ! C'est juste de la transparence ! Il s'agit de savoir dans quel monde on vit, de ne pas être dans le noir ou, comme je l'ai dit tout à l'heure déjà, dans un monde de type communiste où on vous cache la réalité et où l'Etat n'ose pas vous la montrer, parce qu'il en a peur. Voilà, donc votez contre ce texte, merci !
Mme Paloma Tschudi (Ve), rapporteuse de majorité ad interim. Je me permettrai de répondre à tous les députés qui ont parlé de censure qu'il ne s'agit évidemment pas de censurer mais de mettre un cadre. Je les encourage à relire l'invite: elle précise que cette information peut être communiquée si elle est pertinente. Je leur rappellerai aussi qu'autrefois, dans les faits divers, la presse indiquait l'ensemble des renseignements concernant une personne: le nom, le prénom, le métier, l'adresse. La presse a-t-elle perdu pour autant de sa qualité, de sa liberté et de sa transparence en supprimant ces informations ? Non !
Je rappellerai également que ce n'est que depuis 2000 que la presse communique la nationalité des présumées délinquantes et des présumés délinquants, et ce en raison de la place qu'a prise la question des étrangers et étrangères dans le débat public ! Par ailleurs, on nous dit que nous avons des préoccupations de riches: je vous inviterai, Monsieur le président, à transmettre à M. Murat qu'il devrait aller dire à toutes les personnes qui vivent constamment des situations et des actes de xénophobie que c'est un problème de riches ! (Commentaires.) Il a d'ailleurs l'habitude des problèmes de riches ! (Rires. L'oratrice rit. Applaudissements. Protestations.)
J'ajoute qu'il ne s'agit pas d'interdire les statistiques, puisque la police pourra toujours en recueillir et que la population pourra toujours, si elle le souhaite, aller consulter ces chiffres et connaître la nationalité des présumées délinquantes et des présumés délinquants. Enfin, je rappellerai que si la prison de Champ-Dollon est remplie en partie d'étrangers, c'est parce qu'il s'agit de jeunes personnes, de jeunes hommes, de niveau socio-économique modeste... (Commentaires.) ...et j'invite les députés UDC, s'ils veulent réduire la criminalité, à soutenir le regroupement familial ainsi que des actions sociales et éducatives. En attendant, je vous demande de soutenir et de voter cette motion. Merci. (Applaudissements. Huées.)
Le président. Merci. Je passe la parole à Mme Marion Sobanek pour trente secondes, afin qu'elle puisse répondre à sa mise en cause. (Commentaires.)
Une voix. N'importe quoi !
Mme Marion Sobanek (S). Merci, Monsieur le président. En trente secondes, je demanderai à mes collègues de regarder les faits, de lire un peu les statistiques - ce serait bien - de ne pas se cacher derrière ces comparaisons avec des soi-disant villages de Potemkine et de potasser un tout petit peu.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Murat Julian Alder pour la même raison et pour trente secondes, pas plus.
M. Murat Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. M. Murat ayant été mis en cause, il va répondre ! (Rires.) On peut se poser toutes sortes de questions: a-t-on des problèmes de riches, de pauvres ? Je n'en sais rien. Simplement, pour ma part, quand je constate que des mouvements s'amusent à déverser des colorants dans certaines rivières dans le canton de Zurich en toute impunité et qu'on ne s'attarde pas à connaître leur nationalité, mais surtout leur identité, je me pose vraiment la question: où est-ce qu'on fixe les priorités dans ce pays ? Visiblement, du côté des Verts, on ne s'y intéresse pas tellement ! (Applaudissements.)
Une voix. Oh là là !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Edifiant ! J'ai hésité à vous proposer de ne préciser la nationalité que lorsqu'il s'agit d'une personne suisse et de ne pas la préciser dans le cas contraire, mais évidemment, vous comprendrez que le but ne serait pas atteint. Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, ce qui se passe est respectueux de l'information qui doit être donnée aux médias. A charge aussi à eux d'assumer une responsabilité: les médias ne sont pas des passe-plats qui diffusent automatiquement dans leurs canaux les informations qui leur sont transmises. La police, elle, ne mentionne plus la nationalité dans ses textes - dans ses communiqués de presse, sur les réseaux sociaux ou sur les pages réservées à la police - pour des faits même banals de circulation routière: elle a constaté que lorsqu'il y avait un accident et que l'on indiquait que le conducteur était, par hypothèse, de nationalité française, cela suscitait tellement de réactions qu'il fallait passer des heures pour pouvoir lire l'ensemble des commentaires et s'assurer d'éliminer tout ce qui n'était pas acceptable. Donc, rien que pour une question pratique et logique, la police a décidé de ne pas communiquer elle-même la nationalité. En revanche, je pense qu'en soutenant qu'elle ne devrait pas le faire s'agissant des médias, vous êtes en train de vous ériger en censeurs, en détenteurs de l'omniscience de ce que peut être l'intérêt public, et pire encore, vous êtes en train de vous substituer au lecteur, à l'auditeur, au téléspectateur, en partant de l'idée qu'il est forcément manipulable et que le seul fait de lui indiquer une nationalité revient à agiter un chiffon rouge devant un taureau. C'est faire peu de cas, à mon avis, de l'intelligence de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Je rappelle que ce qui est pratiqué actuellement est conforme à ce qui est pratiqué ailleurs, puisque nous avons décidé en septembre 2010 la chose suivante dans le cadre de la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse, et je cite: «Lors d'informations aux médias, l'âge et la nationalité des personnes soupçonnées et des victimes sont communiqués. Il peut être dérogé à cette règle pour des raisons de protection de la personnalité ou s'il y a un risque que la personne puisse être identifiée par ces données. Sur demande» - donc même dans ces conditions - «il est possible de confirmer une origine étrangère.» Nous allons au-delà de ces règles aujourd'hui en maintenant une exclusivité, si j'ose dire, de ces informations pour les médias, qui doivent être informés - qui d'ailleurs, me semble-t-il, pourraient même le demander sur la base des règles de droit général - et qui sont évidemment libres d'apprécier s'il est utile ou non de communiquer cette information. C'est la raison pour laquelle nous considérons que cette motion n'a effectivement pas à être soutenue. Je vous remercie.
Le président. Merci bien. Nous passons au vote de cette proposition de motion. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Une voix. Mais je suis Anne Marie ! Elle avait dit de voter !
Une autre voix. Mais non !
Mise aux voix, la proposition de motion 2434 recueille 42 oui, 42 non et 7 abstentions. (Exclamations et commentaires à l'annonce du résultat.)
Le président. Je tranche en votant non, bien sûr ! (Commentaires.)
La proposition de motion 2434 est donc rejetée par 43 non contre 42 oui et 7 abstentions. (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat. Commentaires.)
Une voix. Merci le PDC, hein !
Débat
Présidence de M. François Lefort, premier vice-président
Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons à la M 2477-A. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Une voix. Chut !
Le président. Merci ! Nous sommes en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur de majorité, voulez-vous prendre la parole ? (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, un peu de silence, par respect dû aux rapporteurs. Monsieur le rapporteur de majorité, vous pouvez commencer.
M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Attendez...
Une voix. On va te l'amener !
M. Patrick Saudan. Jean, tu m'apportes la carte, s'il te plaît ? (Rires.)
Une voix. Et un café, Jean, s'il te plaît ! (Rires. Commentaires.)
M. Patrick Saudan. Je suis désolé ! (L'orateur rit.)
Une voix. Mais tu peux parler !
Une autre voix. Tu peux y aller !
M. Patrick Saudan. C'est vrai, je peux parler ? Bon. Merci beaucoup à Jean Romain qui pallie ma maladresse ! (M. Jean Romain lance son badge à M. Patrick Saudan. Le badge échappe des mains à M. Patrick Saudan. Rires.) Comme vous pouvez le constater ! (L'orateur rit. Il insère son badge dans le lecteur.) Voilà. Monsieur le président, Monsieur le vice-président, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales s'est réunie à trois reprises en octobre 2018, en mai et en juin 2019 pour étudier cet objet. Quelles sont les raisons qui ont conduit au dépôt de cette proposition de motion ? Celle-ci a été déposée parce qu'il existait une pratique administrative extrêmement pénible pour les requérants d'asile faisant l'objet d'un renvoi, qui étaient, donc, déboutés: ils devaient se présenter à la police des migrations à l'aéroport, en plus de leur passage à l'OCPM, afin d'obtenir un document attestant qu'ils avaient besoin de l'aide d'urgence. Ensuite, avec cette attestation, ils pouvaient se rendre à l'Hospice général pour toucher cette aide. Cette pratique, qui consistait à faire se déplacer les requérants déboutés à l'aéroport, a été maintenue pendant quatre mois puis a été suspendue, comme M. Maudet l'a écrit dans un courrier envoyé aux associations qui s'étaient insurgées contre cela.
Lors de la première audition de la commission des affaires sociales, le conseiller d'Etat, M. Apothéloz, nous a confirmé que cette mesure avait été abandonnée. M. Gut, auditionné lors de la séance suivante, est revenu sur la genèse de cette mesure administrative qui avait pour but de différencier les tâches de police des tâches d'établissement d'identité. Il a en outre corrigé un des considérants de la motion qui mentionnait que la présence de toute la famille était nécessaire lors de la visite à la police de l'aéroport, ce qui n'était pas le cas: un seul membre de la famille devait s'y rendre. Quoi qu'il en soit, cette mesure a été abandonnée, comme cela a été confirmé également par M. Gut. La majorité de la commission a donc jugé que, cette mesure ayant été abandonnée, cette proposition de motion devenait caduque et ne nécessitait pas davantage d'étude de la part de notre commission ni de notre parlement. C'est pour cela que nous ne sommes pas entrés en matière.
Nous ne sommes pas non plus entrés en matière sur l'amendement qu'a présenté la minorité de la commission pour une raison très simple: d'une part, nous ne voulons pas surcharger l'administration cantonale avec des motions qui n'ont plus de sens, et d'autre part, nous faisons confiance à nos autorités et nous n'avons pas de raison de remettre en question les propos ni du conseiller d'Etat ni de M. Gut, le directeur de l'OCPM. Par conséquent, la majorité de la commission vous demande de ne pas accepter l'amendement que va présenter la minorité ni ensuite la motion. Je vous remercie.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, l'office cantonal de la population et des migrations avait mis en place le 1er mars 2018, sans consultation ni des associations ni de l'Hospice général et avec le soutien du conseiller d'Etat Pierre Maudet, une nouvelle procédure de délivrance de l'autorisation qui donnait droit à l'aide d'urgence. Les requérants et requérantes d'asile déboutés, en plus de se rendre à l'OCPM pour un tampon ainsi qu'à l'Hospice général pour recevoir l'aide en question, devaient auparavant aller quérir un autre tampon au service asile et rapatriement - SARA - de la police internationale à l'aéroport. Le fait de devoir se rendre à trois endroits différents était vécu comme une mesure particulièrement chicanière. Les personnes devaient même au départ s'y rendre avec leurs enfants et se heurtaient parfois à des bureaux fermés. Pour certaines personnes, le coût d'un billet de bus était conséquent. Ces déplacements devaient parfois être répétés plusieurs fois par semaine. Cette mesure a généré de profondes angoisses liées à l'aéroport à proximité.
Il y a eu une indignation générale au sein des associations, qui ont rapidement mis en place des solutions pour contrer les effets de cette mesure: des lettres collectives ont été envoyées au Conseil d'Etat, une conférence de presse, des rassemblements, des oppositions devant les tribunaux ont eu lieu, et surtout, des bénévoles ont assuré un accompagnement presque quotidien au guichet pour ces tampons. La très large mobilisation contre cette procédure a été victorieuse, Mesdames et Messieurs: la mesure a été suspendue. Les signataires de la motion se réjouissent aujourd'hui de cette victoire.
Ils n'ont toutefois pas souhaité retirer leur texte, afin qu'il en soit formellement pris acte. En effet, la minorité pense qu'il est important de rappeler qu'une telle mesure était inacceptable et souhaite, par le vote de cette motion, ancrer et garder une trace de cette malheureuse expérimentation dans les actes du corps législatif. Il faut rappeler que ce tampon à quérir chaque semaine était une forme de contrôle oppressant. L'aide d'urgence reste en effet une politique de désintégration sociale qui déshumanise les personnes qui y sont soumises comme celles qui les y soumettent. La minorité était extrêmement circonspecte devant cette procédure qui a duré quatre mois et qui semble ne pas avoir été autre chose qu'un essai ou un test réalisé in vivo sur des requérants d'asile. C'est pourquoi nous vous invitons évidemment à soutenir cette motion après avoir soutenu l'amendement tel qu'il sera présenté par Mme Jocelyne Haller, qui vise simplement à ancrer le fait que l'on passe d'une suspension de cette procédure pour le moins étonnante à son abandon pur, simple et définitif. Mesdames et Messieurs, nous vous remercions de statuer dans ce sens. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la mesure incriminée par la M 2477 a été suspendue le 1er juillet 2018. C'est un élément extrêmement positif qui répond en partie à la finalité visée par ce texte. Mais il ne suffit pas de supprimer cette mesure pour que nous soyons totalement rassurés. Je rappelle qu'un courrier de M. Maudet annonçant la suspension de cette mesure unanimement décriée était libellé de manière à laisser planer un doute sur le caractère définitif de cette décision. Ainsi, le courrier de M. Maudet indiquait qu'il revenait «pour le moment» à la procédure antérieure. Cela laissait très clairement entendre que ce retour à la procédure antérieure pourrait ne s'avérer que transitoire. Dès lors, les signataires n'ont pas retiré cette motion qu'ils estimaient nécessaire pour clarifier le statut définitif ou transitoire de la décision annoncée par M. Maudet. C'est pourquoi ils ont déposé un amendement pour clarifier cela.
Ensuite, en commission, M. Apothéloz a effectivement amené des clarifications indiquant que, pour lui, cette mesure était définitivement écartée. Seulement, nous restions conditionnés par le courrier de M. Maudet et nous estimions qu'il fallait absolument lever toute ambiguïté. C'est pourquoi nous vous avons présenté l'amendement qui stipule très clairement qu'il s'agit, «après avoir pris acte de la suspension dès le 1er juillet 2018 de la mesure en question, [d']abandonner définitivement cette procédure», et je vous fais grâce du reste. L'objectif est véritablement d'obtenir une garantie que cette suspension est bien définitive et qu'on ne reverra plus ce genre de mesures vexatoires, stigmatisantes et cruelles refaire surface pour détruire le quotidien des requérants d'asile.
J'aimerais relever encore un élément: le rapporteur de majorité indiquait qu'en commission, il nous avait été assuré qu'à aucun moment des enfants n'avaient été conduits au SARA. Or, il se trouve que nous sommes quelques-uns, dans cette salle, à disposer de témoignages qui affirment le contraire. Dont acte. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, effectivement, comme cela a été expliqué, il s'agit de passer d'une suspension qui reste toute théorique à un ancrage dans la mémoire de ce Grand Conseil, comme un exemple à ne pas reproduire. Le groupe des Verts va naturellement se ranger du côté de la minorité, comme il l'a fait durant les travaux de commission.
Je vais être rapide: ce double contrôle n'était pas opportun - du reste, il a été abandonné par l'administration quatre mois plus tard - et il s'agit maintenant de passer de la parole aux actes, de ne pas rester dans des hypothèses et de modifier les dispositions réglementaires. Et là, le groupe des Verts ne rejoint absolument pas le rapporteur de majorité: il ne s'agit pas de surcharger l'administration cantonale avec des motions qui n'ont plus de sens, il s'agit de demander au Conseil d'Etat d'inscrire que cette mesure n'était effectivement pas très glorieuse, pas vraiment empreinte d'humanisme - c'est le moins qu'on puisse dire - et qu'il a bien entendu le message du Grand Conseil, à savoir que c'est le genre de mesures à ne pas reproduire. Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs, d'accepter le rapport de minorité et de laisser une trace dans notre mémoire. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Qu'on vote ou qu'on ne vote pas cette motion, la trace dans la mémoire va rester. Simplement, c'est une question de confiance: si le Conseil d'Etat vient nous dire que c'est fini, on lui fait confiance. Point ! Si ce parlement ne fait plus confiance au Conseil d'Etat, on ne peut plus travailler correctement. Donc voilà. (Commentaires.) Non, mais deux conseillers d'Etat nous déclarent que cette pratique ne se fait plus, comme M. Maudet l'a dit... (Rires.) ...comme M. Apothéloz l'a dit clairement, et cela figure dans le rapport de majorité: je pense qu'il est inutile de voter des motions qui demandent que le Conseil d'Etat confirme ce qu'il a déjà déclaré en commission. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Ce parlement politiquement correct ne fait que donner des messages corrompus. (Commentaires.) Excusez-moi, mais lorsqu'un demandeur d'asile a fait l'objet d'une décision définitive de renvoi de Suisse, on doit exécuter la décision de renvoi, on ne doit pas lui donner de l'argent de poche pour qu'il aille nourrir l'équipe de dealers ! (Commentaires. Huées.) Non seulement on lui donne de l'argent de poche, mais en plus on subventionne le trafic de drogue sur la voie publique ! Contrôlez, demandez à M. Poggia qui sont les trafiquants de drogue sur la voie publique: ce sont souvent des demandeurs d'asile déboutés qui reçoivent de l'argent de poche. Donc on subventionne le trafic de drogue sur la voie publique ! Il faut donner des signaux clairs ! Arrêtez de donner ces messages corrompus ! Une personne qui doit quitter la Suisse, il faut lui faire quitter la Suisse ! Il ne faut pas l'entretenir des mois ou des années ici aux frais du contribuable ! Merci.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je vais soumettre au vote d'abord l'amendement proposé par Mme Jocelyne Haller et consorts:
«Annule et remplace l'unique invite de la motion:
- Après avoir pris acte de la suspension dès le 1er juillet 2018 de la mesure en question, à abandonner définitivement cette procédure imposée en sus de l'attestation délivrée par l'OCPM aux personnes déboutées de l'asile, consistant à leur faire tamponner un document au SARA afin de pouvoir obtenir l'aide d'urgence que leur verse l'Hospice général.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 39 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 2477 est rejetée par 52 non contre 38 oui.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au point suivant de l'ordre du jour, à savoir la M 2500-A, classée en catégorie II, quarante minutes. (Un instant s'écoule.) Les rapporteurs étant installés, je passe la parole à Mme Marjorie de Chastonay, rapporteure de majorité.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président de séance. Mesdames et Messieurs les députés, la commission judiciaire et de la police a étudié la M 2500 durant deux séances, le 18 octobre et le 15 novembre 2018. M. Baertschi, premier signataire, est venu nous présenter son texte. La majorité de la commission a refusé d'auditionner le comité de sécurité du CEVA ainsi que le Conseil d'Etat. A la suite des discussions focalisées sur la sécurité et la sûreté des passagers ainsi que la criminalité et la délinquance, la prise en considération de la proposition de motion a été refusée. Enfin, la commission a accepté à l'unanimité une proposition de motion de commission, la M 2534, sur le concept de sécurité CEVA. Vous connaissez la suite, Mesdames et Messieurs les députés, puisque ce Grand Conseil a déjà traité ici même cette motion ainsi que le rapport du Conseil d'Etat. Au nom de la majorité, je vous recommande donc de refuser le présent objet. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. L'arrivée du CEVA va présenter un certain nombre de difficultés, notamment pour le commerce de détail genevois qui va se trouver face à une concurrence de la région annemassienne que l'on peut considérer comme déloyale, puisqu'on y aura accès directement et beaucoup plus facilement qu'à de nombreux commerces genevois auxquels on a de la peine à accéder, à part ceux de la gare, bien évidemment, et ceux qui sont situés dans certains autres endroits. Mais beaucoup de commerces sont devenus presque inaccessibles. Il suffit de voir d'ailleurs le nombre de boutiques vides à travers Genève, c'est un signal.
Mais un problème plus fort, plus grave et plus inquiétant pour la population genevoise est celui de l'insécurité. Le CEVA, en ouvrant une porte directe sur la France, sur Annemasse en particulier, crée quelque chose de tout à fait inquiétant: nous serons en ligne directe avec une agglomération touchée par des problèmes d'insécurité relativement graves, parce qu'on se trouve en France. (Commentaires.) Il y a en particulier le quartier du Perrier, qui est tout proche de la future gare d'Annemasse du CEVA, quartier difficile, répertorié dans le classement des quartiers difficiles de France. Il faut voir la situation réelle en France, ne pas jouer aux Bisounours et constater les difficultés. La France est un pays qui en connaît un certain nombre. D'ailleurs, l'ancien ministre de l'intérieur Gérard Collomb, ex-socialiste, relève qu'actuellement certaines communautés se retrouvent côte à côte et risquent de se retrouver face à face. Mais ce n'est pas cela. Il y a une dégradation lente de la sécurité dans ce pays, c'est ce qui est documenté par le livre très sérieux - que je vous recommande - de Laurent Obertone, «La France Orange mécanique»... (Commentaires.) ...un titre qui traduit parfaitement la réalité actuelle en France. Selon des chiffres tout à fait officiels de 2013, il faut savoir qu'on dénombre chaque jour en France 446 victimes de violences sexuelles hors ménage, 1154 victimes de violences physiques ou sexuelles au sein du ménage, 1361 victimes de violences physiques hors ménage, 3567 vols et tentatives de vols de véhicules, 4213 vols et tentatives de vols personnels dont 1134 avec violences ou menaces, 4854 voitures vandalisées, etc. (Commentaires.) Ce sont les chiffres de 2013. Actuellement, ils sont sans doute, j'imagine, plus importants. Ces chiffres concernent une seule journée - à multiplier bien sûr par 365.
On voit la situation en France, l'ouverture que l'on a, et il faut impérativement prendre des mesures de sécurité. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je sais qu'un certain nombre de mesures commencent à être prises; ça devra être le cas de manière encore plus massive, j'imagine. Il faut s'attendre notamment à voter des budgets conséquents pour l'accompagnement du CEVA. Il faut surtout prendre des mesures importantes dont on ne peut pas laisser la charge au seul Conseil d'Etat, au seul conseiller d'Etat chargé de cette politique ou à la seule police avec les moyens actuels.
Le président. Vous passez sur le temps du groupe.
M. François Baertschi. Merci. Il faudra à moyen et long terme dégager des moyens conséquents pour accompagner l'arrivée du CEVA, entre autres l'augmentation de l'insécurité. Rappelons que nous avons déjà connu ce genre de problème, par exemple dans des régions proches de la frontière comme les Trois-Chêne où actuellement - dans la commune de Thônex - l'insécurité se développe. Je vous demande donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le vice-président, Mesdames et Messieurs, mon Dieu, quel monde apocalyptique ! On sait bien que le fonds de commerce du MCG réside dans l'envahissement de Genève par les frontaliers et qu'il a contesté dès le départ la mise en place du CEVA pour la raison que la racaille frontalière allait envahir Genève en prenant le RER, mais quand même... Je rappelle tout d'abord que le Léman Express est un équipement public transfrontalier pratiquement réalisé et à deux doigts d'être inauguré le 15 décembre de cette année.
Mais quant au fond, parlons des risques: faudrait-il interdire l'existence des gares sous prétexte que des terroristes avaient placé des bombes qui ont explosé dans un train près d'Atocha à Madrid ? Ou faudrait-il interdire les aéroports - hormis pour des raisons liées au développement durable - sous prétexte qu'à de nombreuses reprises des terroristes ont placé des bombes dans les bagages ou dans les soutes des avions en partance des Etats-Unis, d'Afrique, d'Asie ou d'Europe ? Ou faudrait-il encore interdire les vélos parce que certains automobilistes sont imprudents ? On voit bien que non, que tout cela est absurde, voire ridicule, et que la solution du problème réside dans la prévention, l'information et des mesures de sécurité y relatives. D'autant plus que les CFF ont pris des dispositions récentes en vue d'assurer la sécurité dans les gares et les trains.
Que l'on me comprenne bien: comme c'est déjà le cas à Genève et dans toutes les grandes villes d'Europe, oui, il y a des problèmes de petite délinquance dus à la pauvreté, au chômage ou à l'absence d'éducation. Ce sont d'ailleurs des questions qui concernent tout autant Genève que la France voisine - quant à la comparaison entre la France et Genève ou la Suisse, relevons quand même que la France est un pays de près de 70 millions d'habitants et que la Suisse arrive à 9 millions ! Et donc, oui, il faut mettre en place des mesures préventives dans les quartiers, les gares ou ailleurs, mais il est totalement inutile de stigmatiser nos voisins en mettant le doigt sur des agressions récentes ou en parlant encore des quartiers difficiles d'Annemasse. Il s'agit là d'un jugement comparatif prétentieux qui place Genève sur un cumulonimbus céleste. Nous avons aussi nos criminels de tous ordres - nul besoin de les citer, car ils sont nombreux - et nous devrions, par conséquent, raison garder. C'est la raison pour laquelle je vous enjoins, chers collègues, de refuser tout net cette motion indécente qui n'aurait jamais dû être déposée !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Vous avez pu comprendre, Mesdames et Messieurs les députés, que pour le MCG et l'UDC, si nous ne soutenons pas cette motion, c'est que l'on accepte que plein de voyous français viennent violer les femmes à Genève et donc que les féministes ne sont pas féministes ! Cette motion est refusée par le parti démocrate-chrétien parce qu'elle ne correspond pas à la réalité. La fixation du MCG, c'est le frontalier, qui doit toujours être criminalisé. Or pour le parti démocrate-chrétien, plus il y a d'installations et de constructions facilitant la mobilité comme le CEVA, plus il y a au contraire de contrôles des flux et donc des risques. Tout cela est prévu par le comité de sécurité du CEVA. L'excellent rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2534, motion de commission soutenue à l'unanimité, est très précis sur ce sujet. Nous trouvons cette motion totalement inutile et nous vous invitons à la refuser. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S). Je ne vais pas en rajouter beaucoup, parce que tout a été dit. J'aimerais simplement rappeler que l'origine de cette motion, c'est l'agression - assez terrible d'ailleurs - de ces femmes en Vieille-Ville. Vous vous souvenez très bien que c'étaient des femmes qui étaient venues défendre une autre femme, et les agresseurs les ont ensuite frappées avec une violence inouïe. Ce que je tiens à rappeler aux motionnaires, c'est que ce sont des Kosovars qui sont allés sauver ces femmes et poursuivre les agresseurs. Ce sont des Kosovars, des étrangers, en somme ! Voyez-vous, vous pensez que le CEVA va amener beaucoup d'étrangers agresseurs, notamment des frontaliers, mais il y a quand même des étrangers aussi à Genève qui font en sorte que ces agresseurs ne s'attaquent pas aux gens. De plus, vous savez que Genève maintient depuis longtemps des relations avec la France à travers le rail, notamment par Bellegarde, une gare qui amène pas mal de frontaliers à Genève: à ce que je sache, cette liaison ferroviaire n'a pas amené une masse de criminels à Genève. Par conséquent, je vous demande, Mesdames et Messieurs, de refuser cette motion. Merci.
M. Raymond Wicky (PLR). Ce texte évoque un souci que peuvent évidemment partager, je pense, tous les groupes: la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens. En revanche, en ce qui concerne notre groupe, nous n'avons pas pu la suivre, parce qu'elle est très ciblée et très orientée. Orientée non seulement par rapport à la population qu'elle désigne, mais également par le fait qu'elle ne touche qu'à la sécurité «policière», entre guillemets, alors qu'il existe un autre élément mis en cause de facto, à savoir la sécurité de la population dans le domaine des secours, au sens très général du terme. Ce domaine fait aussi l'objet d'une application transfrontalière par le biais d'un plan de secours bilatéral qui devait être mis en place. C'est pour cette raison que notre groupe a milité pour la création de la motion de commission 2534, déposée en mars 2019, à laquelle le Conseil d'Etat a répondu - nous avons traité son rapport en septembre, comme l'a relevé Mme la rapporteure de majorité. Personne n'a formulé de remarque. On peut donc en conclure que la réponse du Conseil d'Etat était considérée comme satisfaisante, du moins en l'état actuel des choses.
Je peux vous assurer qu'à titre personnel, j'attache une grande importance à ce dossier et que je vais veiller à un suivi tout à fait particulier de celui-ci, parce que, comme vous l'aurez compris, la thématique des secours m'intéresse particulièrement, et pour cause ! Pour être tout à fait honnête avec ce parlement, les exercices - dont le dernier a été répété il y a quelque temps - donnent bien entendu des indications sur le plan mis en place et la potentielle efficacité des secours, mais, pour en avoir vécu un certain nombre au cours de mes trente ans de carrière, je peux vous dire que, malgré tout, ces exercices ne sont jamais totalement réalistes. Ils ne sont pas réalistes, parce que des moyens totalement disproportionnés sont mis en oeuvre simultanément, alors que, dans la réalité, ce n'est pas du tout à cela qu'on est confronté et que dans la première phase, on se trouve plutôt dans une situation de chaos que le chef des secours doit dominer.
Fort de ces considérations, encore une fois, j'y apporterai une attention particulière, de même qu'à la sécurité «policière», entre guillemets. Mais il est clair que dans les conditions actuelles et au vu de la réponse du Conseil d'Etat, notre groupe ne pourra pas soutenir cette motion et vous recommande de la refuser. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Christian Flury pour trois minutes quinze.
M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, oui, le 15 décembre, le CEVA sera inauguré et le Léman Express entrera en fonction. Ce magnifique aspirateur à travailleurs frontaliers n'aspirera malheureusement pas que les travailleurs, mais également une portion de criminels de la population des quartiers dont vous connaissez la localisation. A l'époque, souvenez-vous, nous inaugurions le tram 18, celui qui va de Cornavin à Meyrin, et c'étaient les autorités de Vernier qui s'étaient inquiétées de voir arriver aux Avanchets une partie du marché de la drogue qui fuyait Cornavin, pendant que la police y opérait des contrôles sévères. Eh bien oui: le Léman Express facilitera ce déplacement de population entre Chêne-Bourg, Champel, les deux gares de Lancy et Cornavin. J'imagine que la population de Champel sera surprise lorsque les petits dealers qui polluent actuellement le centre-ville du côté de l'Usine, là-bas, vers Plainpalais, vont débarquer à Champel pour vendre leur came au coin de la rue. (Rire.) Eh oui, c'est la réalité du CEVA ! C'est ça ! C'est pour cette raison que nous avons déposé cette motion.
Alors oui, le Mouvement Citoyens Genevois regrette que la commission concernée n'ait entendu ni le Conseil d'Etat ni la commission de sécurité du CEVA. Oui, il convient de protéger l'ensemble de la population genevoise contre la criminalité véhiculée par le futur Léman Express. Nous vous enjoignons, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, de voter cette motion et de l'envoyer au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais juste dire qu'un certain nombre de «fake news» subsistent dans cet hémicycle, notamment de prétendre que des quartiers de nos voisins et amis français font l'objet aujourd'hui de délinquance avérée. Ce n'est pas vrai, vous pouvez prendre contact avec M. Dupessey, maire de la commune d'Annemasse, qui, chaque fois qu'il en a l'occasion, dément ces indications qui sont de fausses informations. D'ailleurs, «Le Dauphiné libéré», pour ne pas le nommer, a récemment publié des informations très précises à ce sujet. En ce qui concerne la coopération transfrontalière, elle existe depuis des centaines d'années et je renvoie les membres du MCG au lait qu'ils consomment, puisqu'il vient de France voisine ! C'est la réalité, et je trouve que c'est un peu fort de café de prétendre que l'étranger est toujours susceptible d'amener l'insécurité dans notre région. Je vous remercie de votre attention.
M. Marc Fuhrmann (UDC). Il s'agit quand même aussi de regarder la réalité. Quelle est la réalité de ce qui se passe autour de nous en France, à côté de cette gare à Annemasse et notamment du côté du quartier du Perrier ? Annemasse est un des endroits où les inégalités de salaires sont les plus grandes de toute la France. C'est tout à fait logique: une partie des habitants travaillent en Suisse pour des salaires allant de 6000, 8000 à 10 000 francs ou même plus par mois, alors que d'autres, quasiment voisins, ne gagnent que le SMIC, voire, à la limite, moins. Il est donc quand même assez évident d'imaginer qu'une partie de cette population-là, d'un coup de train régional de quelques minutes, peut se retrouver au sein des quartiers les plus huppés à Genève ! La pertinence de ce texte est donc tout à fait évidente. En commission, nous avons été extrêmement surpris par la légèreté avec laquelle les autres commissaires ont traité ce sujet, comme si c'était un non-événement et qu'il ne se passerait rien du tout. J'espère évidemment qu'à l'ouverture de ce CEVA en décembre de cette année, nous ne verrons justement pas cette criminalité, mais je pense qu'il est d'une logique évidente que c'est un sujet dont nous devons nous préoccuper, avant évidemment que cette criminalité n'arrive. Voilà, merci.
Mme Paloma Tschudi (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je croyais que cette plénière était une plénière extraordinaire pour rattraper notre retard et non pour perdre notre temps, comme semble le penser le MCG ! (Exclamations. Applaudissements.) L'entrée en matière sur cette motion a été refusée en commission, en raison de son caractère stigmatisant des habitantes transfrontalières et habitants transfrontaliers. A la suite de ce refus, une motion de commission a été rédigée; celle-ci a déjà reçu une réponse, traitée en septembre. Pourquoi donc perdre notre temps... (Commentaires.) ...alors que d'importants sujets s'éternisent dans notre ordre du jour depuis des mois ? Je reprendrai les propos du député Baertschi pour dire qu'il s'agit d'une «extrême bêtise» ! (Rire.) Il semblerait que certains «aiment à se faire peur» du côté de la droite ! Le groupe des Verts regrette l'insistance de l'auteur de cette motion. Celle-ci aurait dû être retirée de notre ordre du jour. Nous trouvons qu'il est scandaleux et même honteux qu'un groupe politique utilise la violence subie et vécue par des femmes pour servir son propre agenda électoraliste. La majorité de la commission, qui se préoccupe réellement de la sécurité des Genevoises, a déjà réglé la question et a été rassurée par la réponse du Conseil d'Etat. Nous aurions dû nous arrêter là. Merci !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe maintenant la parole à M. le député Thomas Bläsi pour deux minutes vingt-sept.
Une voix. Oh, mais encore !
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais signaler à ma préopinante des Verts ainsi qu'à mes préopinants de la gauche qui aiment tellement parler de stigmatisation que quand M. Velasco, du parti socialiste, parle d'une intervention d'un ressortissant kosovar qui a protégé notre population, il précise que c'était pour la protéger bien évidemment des criminels français ! Donc au final, il y a bien une chose sur laquelle les Genevois sont toujours d'accord, c'est taper sur les Français ! S'il y a tellement d'insultes et de problèmes sur les sites de la police quand on précise le nom d'une personne ou sa nationalité, il faut les laisser ! C'est le travail de la police de poursuivre ces dérives. Alors si ça embête la police de faire son travail, c'est bien dommage, mais en ce qui me concerne, je relève que quand le parti socialiste a un exemple de criminels à donner, c'est exclusivement des criminels français ! Que chacun fasse son mea culpa et regarde en son âme et conscience ce qu'il dit, parce que franchement, certaines choses sont ridicules ! Merci.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient maintenant à M. le député Alberto Velasco qui, je suppose, a été mis en cause et qui vient donc d'appuyer sur le bouton. Monsieur Velasco, vous avez la parole.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Moi, j'ai le sens de la séparation des pouvoirs. Je n'ai pas, à ce que je sache, prononcé les termes de «criminels français» ! Je ne savais même pas qu'il s'agissait de Français. Ce que j'ai constaté, c'est qu'il s'agissait effectivement d'étrangers. On constate également que, alors que des personnes stigmatisent constamment - mais constamment ! - les étrangers, certains d'entre eux sont bien intégrés dans notre cité, respectent nos lois et sont prêts justement à venir en aide à des gens... (Remarque.) ...qui étaient peut-être étrangers aussi et qui ont été agressés. Mais je n'ai pas dit, Monsieur le président, que qui que ce soit était français. Loin de là ! On me prête des propos que je n'ai pas tenus, de façon totalement diffamatoire - mais c'est le pain quotidien de l'extrême droite de ce parlement. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Bläsi, vous avez la parole pour une minute dix-huit... (Exclamation.) ...et je suppose que c'est pour répondre à M. Velasco dans cette partie de ping-pong ! Vous avez une minute dix-huit.
M. Thomas Bläsi (UDC). Vous noterez que je suis toujours extrêmement bref, Monsieur le président ! Je voulais juste remercier M. Velasco pour la rapidité de son mea culpa. (L'orateur rit.) Merci, Monsieur le président ! (Rires.)
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Certains mènent la politique de l'autruche en mettant la tête dans le sable. C'est un choix politique, c'est un choix que je trouve désastreux. Je constate également que la sécurité n'est pas importante pour certains députés de ce parlement et je le déplore. Je fais un autre constat plus général, on ne pourra pas y échapper, quoique cela déplaise à une majorité de ce parlement: il y a des frontières. Certains veulent les gommer. Une majorité de ce parlement veut les gommer. N'oublions pas que les frontières protègent ! Elles protègent les Suisses, les étrangers, les habitants de France voisine également. C'est cette protection qu'une majorité de ce Grand Conseil veut supprimer, en tout cas veut laisser supprimée. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Vous ne voulez plus du tout l'avoir, parce que cela vous dérange de manière dogmatique, parce que vous vivez dans un monde de Bisounours où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, où tout se passe bien, alors qu'il y a des réalités, un monde qui devient malheureusement de plus en plus dur. L'arrivée du CEVA va aussi nous faire constater que certaines réalités existent...
Le président. Merci, Monsieur le député. C'est terminé.
M. François Baertschi. ...et ces réalités-là, nous n'y échapperons pas. Merci, Monsieur le président.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de majorité. J'aimerais simplement rappeler que la majorité de la commission, donc la majorité de ce Grand Conseil, refuse évidemment cette motion. Pourquoi ? Parce que, cela a déjà été relevé, le Conseil d'Etat a déjà mis en place un comité de sécurité civile ainsi qu'un organe de sécurité, comme il l'a indiqué dans son rapport. Des mesures ont été prises en matière de gestion d'infrastructures, de sécurité civile, de sécurité publique et - c'est là que cela nous intéresse - de transmission et de vidéoprotection. La majorité de ce Grand Conseil et de la commission s'occupent donc aussi de questions de sécurité et s'en soucient. Je vous recommande au nom de la majorité de refuser cette motion. Merci.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous rassurer: nos services de renseignement n'ont aucun indice qui permette de penser que des hordes de criminels et de délinquants déferleront sur Genève à partir du 15 décembre prochain. (Commentaires.) Il y a même tout lieu de penser que les délinquants, voire, pire, les criminels, utiliseront plutôt comme ils le font actuellement des moyens de transport privés plutôt que des transports publics et notamment des rames de trains dans lesquelles les passagers sont tous filmés à l'aller comme au retour !
Cela étant, il ne s'agit évidemment pas de minimiser les craintes qui, par nature, sont forcément subjectives et qu'il s'agit d'apaiser. Ces craintes peuvent évidemment se transformer en problèmes objectifs et, pour cette raison également, depuis maintenant des mois, la police, en collaboration aussi avec les institutions fédérales et françaises, travaille précisément sur la mise en place de patrouilles communes, des patrouilles mixtes avec la France, pour être prête, le cas échéant, à intercepter les personnes qui commettraient des délits, quel que soit le côté de la frontière d'ailleurs. Nous avons même signé cette semaine avec M. le préfet de la Haute-Savoie un plan de secours binational qui précise également toutes les modalités de vidéosurveillance. Les choses ne sont pas si simples: si on filme quelqu'un du côté suisse et que les images arrivent en France, dans le cas où le délit a été commis en Suisse, il faut que les images puissent y revenir pour être utilisées. Cela semble plein de bon sens dit ainsi; les législations ne sont pas les mêmes, il y a une frontière entre les deux et nous avons voulu être pragmatiques. Je pense qu'avec l'aide également de M. le procureur général Olivier Jornot, mais aussi avec l'aide du procureur de France voisine, nous avons trouvé des solutions pour cela. Nous sommes prêts, nous serons bien sûr attentifs; le processus va sans doute monter en puissance avec la mise en service du CEVA et avec les observations que nous pourrons réaliser à ce moment-là.
De la même manière - vous l'avez vu, mais dans une autre mesure, avec la plage des Eaux-Vives - il nous faudra mettre à contribution les polices municipales - je le rappelle, sujet important - puisque leur présence est aussi de nature dissuasive. Tout cela pour vous dire que nous avons pris acte de cette préoccupation. Vous ferez ce que vous entendez de cette motion; le Conseil d'Etat ne prend évidemment pas ce sujet à la légère, même s'il s'agit de lui donner une dimension qui soit réaliste. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes maintenant en procédure de vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2500 est rejetée par 75 non contre 18 oui et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs, je lève la séance. Nous reprendrons nos travaux à 17h.
La séance est levée à 16h40.