République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 18h15, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.

Assiste à la séance: M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Alexis Barbey, Jennifer Conti, Amanda Gavilanes, Serge Hiltpold, Delphine Klopfenstein Broggini, Eric Leyvraz, David Martin, Guy Mettan, Simone de Montmollin, Adrienne Sordet, Stéphanie Valentino, Salika Wenger et Céline Zuber-Roy, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Christian Bavarel, Natacha Buffet-Desfayes, Emmanuel Deonna, Joëlle Fiss, Patrick Hulliger, Sylvie Jay, Yves de Matteis, Christina Meissner et Helena Verissimo de Freitas.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 12484-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 91'724'671 francs en vue de réaliser une nouvelle infrastructure routière reliant les zones industrielles de la ZIMEYSAVER à la route du Canada et un crédit au titre de subvention cantonale d'investissement de 5'352'913 francs pour la construction de la demi-jonction de Vernier-Canada au bénéfice de l'office fédéral des routes et pour des mesures de mobilité douce au bénéfice des communes de Vernier et Satigny
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Rapport de majorité de Mme Francine de Planta (PLR)
Rapport de minorité de M. François Baertschi (MCG)

Premier débat

Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, le PL 12484-A, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. La parole va à la rapporteuse de majorité, Mme Francine de Planta.

Mme Francine de Planta (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un projet de loi ouvrant un crédit d'investissement et un crédit au titre de subvention cantonale d'investissement pour la réalisation du barreau routier de Montfleury et la construction de la demi-jonction de Vernier-Canada, pilotée par l'OFROU. Concrètement, il s'agit de réaliser un nouvel échangeur sur l'autoroute de contournement et de le raccorder, grâce à une nouvelle route, à la zone industrielle du secteur de Vernier, Satigny et Meyrin. Il faut savoir que la ZIMEYSAVER s'étend sur plus de 380 hectares et que ce grand projet permettra d'accueillir, à l'horizon 2030, quelque 10 000 emplois supplémentaires. De véritables quartiers d'activités pour les entreprises y seront développés.

Nous assistons aujourd'hui à une pression sur la circulation routière, engendrée principalement par la ZIMEYSAVER; il est donc indispensable de diminuer les nuisances du trafic tout en garantissant le développement des zones industrielles. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet répond pleinement à ces exigences dès lors qu'il déchargera le tunnel autoroutier de Vernier, réduira fortement le trafic routier sur les routes de Vernier et de Meyrin ainsi qu'en traversée des villages de Vernier et de Satigny, et permettra de connecter efficacement la ZIMEYSAVER à l'autoroute. Mais c'est aussi un préalable indispensable au développement des zones industrielles, à la requalification urbaine des routes secondaires et aux aménagements en faveur des transports collectifs et de la mobilité douce.

Je terminerai en disant que ce projet est le fruit d'une large concertation avec toutes les communes concernées comme avec les associations de riverains et les agriculteurs. Cette concertation a d'ailleurs conduit à l'optimisation du tracé - le barreau routier sera enterré sur un tiers de sa longueur - mais aussi à des compensations environnementales ainsi qu'à des subventions en faveur de la mobilité douce destinées aux communes concernées. Forte de ce qui précède, une large majorité de la commission des travaux vous invite à accepter ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. En l'état, le MCG est défavorable à ce projet car il vise à aller chercher des travailleurs en France voisine uniquement... (Remarque.) ...et à créer un accès direct vers leurs places de travail - des places de travail situées dans la zone d'activité de la ZIMEYSA. Ce qui nous pose problème, c'est qu'il s'agit d'une demi-jonction, c'est-à-dire qui va dans un seul sens; le travail a été fait à moitié. Il aurait fallu faire une autre demi-jonction, de l'autre côté du tunnel de Vernier, afin de permettre l'accès à la ZIMEYSA pour les travailleurs venant du reste du canton de Genève et du canton de Vaud. Si cela avait été proposé, nous aurions pu accepter cet objet. Malheureusement, cela n'a pas été le cas.

Il faut voir que 70% du trafic vient bien évidemment de France voisine - l'afflux vient de là - ce qui conduit, quelque part, à un développement dirigé uniquement sur la France. Nous sommes en fait un lieu un peu extraterritorial, où nous offrons des places de travail; nous faisons une sorte de commerce d'esclaves modernes. Nous ne pouvons pas accepter ce système de société parce qu'il est tout à fait déséquilibré.

En dehors de ça, le projet est loin d'être parfait. Il manque certaines couvertures pour les riverains, qui vont avoir quelques nuisances: ce projet n'a réglé le problème que de manière incomplète. Mais c'est ce développement tourné vers la France voisine qui pour nous, pour le MCG, n'est pas acceptable; c'est pourquoi nous vous invitons à refuser le présent projet de loi.

Le président. Merci. La parole est à M. le député Vincent Maitre.

M. Vincent Maitre (PDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Puisque vous m'accordez cette fois-ci généreusement la parole, j'en profite pour rectifier une contre-vérité énoncée tout à l'heure par M. Dimier: je ne suis pas l'avocat d'Uber. Je voulais que ce soit dit ici, clairement dit, et en particulier pour le Mémorial.

Une voix. Bravo !

Mme Christina Meissner (PDC), députée suppléante. Je remercie le groupe PDC de permettre à la Verniolane que je suis de prendre la parole sur ce projet de demi-jonction autoroutière et de barreau routier de Montfleury, que j'observe depuis huit ans. Ce projet aurait pu très très mal se dérouler tant au départ, il faut quand même l'avouer, le gouvernement et ses services n'ont pas véritablement tenu compte des propositions faites par les riverains et les agriculteurs.

La grogne est passée un 6 novembre 2017: nous avons été écoutés, ce qui a permis de rectifier le tir, si je peux dire. Des ateliers ont suivi et le résultat, en juin, était parfaitement satisfaisant. Les demandes de couverture de l'ouvrage, qui était initialement à ciel ouvert, ont été entendues. Les compensations en ce qui concerne la végétation, l'agriculture et les riverains ont été prises en compte et ce projet - je parle bien du projet autoroutier et routier - répond aujourd'hui aux demandes et aux attentes des riverains et des agriculteurs, qui, conscients du fait qu'il y a un problème de circulation à Vernier, ne se sont jamais opposés - je tiens à le souligner - à une nouvelle jonction avec les zones industrielles.

Monsieur le président, je ne sais pas si je dois m'exprimer maintenant sur l'amendement déposé par les Verts ? Le cas échéant, j'aimerais souligner que M. Buschbeck n'a peut-être pas saisi que les mesures en faveur de la mobilité douce qu'il demande dépassent en l'occurrence largement l'ouvrage proposé aujourd'hui, à savoir celui de la demi-jonction autoroutière et du barreau de Montfleury. Et des mesures en faveur de la mobilité douce sont déjà prévues dans ce secteur ! Il en veut d'autres, qui dépassent ce périmètre; eh bien elles sont certainement pertinentes, mais ce sera un autre projet de loi, qui sera sans doute lié à la jonction avec la troisième voie autoroutière destinée à régler les problèmes, réels, posés par le trafic en provenance du canton de Vaud. Ces problèmes ne peuvent pas se résoudre avec la demi-jonction dont nous parlons.

Au demeurant - vous transmettrez au rapporteur de minorité, Monsieur le président - s'il y a une demi-jonction, c'est que la troisième voie du tunnel de Vernier ne va pas être si simple à réaliser et devra se faire avec la troisième voie autoroutière. Voilà ! Nous sommes donc, au PDC, tout à fait favorables à ce projet de loi tel qu'il a été déposé.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, Ensemble à Gauche va voler au secours des entreprises et de l'emploi. Notre groupe votera ce projet de relocalisation via une liaison routière, et nous allons dire en quelques mots pourquoi. Ce projet permet de densifier le bâti industriel afin d'accueillir et de développer des emplois dans la ZIMEYSA, d'améliorer l'accessibilité pour le transport des marchandises et des personnes, de mieux gérer les ressources, de garantir des conditions attractives pour les entreprises, de requalifier les espaces publics en y maintenant une certaine qualité de vie et enfin de développer les transports publics et la mobilité douce.

La construction d'une liaison routière, d'un barreau à destination économique sur le plateau de Montfleury, avec quelques giratoires permettant de relier la ZIMEYSAVER à la route du Canada, peut certes rebuter. Sa construction facilitera cependant le relogement, sur 300 hectares de zone industrielle de la commune de Satigny, d'un certain nombre d'entreprises sises aujourd'hui dans le périmètre du PAV. Il est question, à terme, du maintien et de la création de 25 000 emplois, notamment sur les sites de la ZIMEYSA Nord et de la ZIMEYSA Sud.

Rappelons que ce projet a été conçu en concertation avec les associations de riverains et les agriculteurs de la région et qu'il tient compte de la topographie, du bruit et de l'exploitation de la gravière. A cet égard, relevons que la route du Canada sera abaissée de dix mètres sur une longueur de 325 mètres; fort heureusement, un passage aménagé au-dessus permettra la traversée de la faune terrestre. Ajoutons à cela que tous les arbres abattus seront compensés sur le périmètre de la ZITUIL. Pour le surplus, en couvrant le tracé sur 150 mètres, le projet permet d'établir une forme de continuité biologique afin de maintenir une cohérence est-ouest des terrains agricoles. Il convient, dans ce contexte, de ne pas oublier non plus qu'un projet de voie verte est prévu à terme entre la gare de Vernier et la route de Meyrin. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et comment ne pas prendre plus de 5 millions de subvention cantonale pour des mesures de mobilité douce au bénéfice des communes de Vernier et de Satigny !

Certes, rien n'est parfait et d'aucuns pourront regretter cette emprise au sol et la concentration d'entreprises industrielles dans le périmètre de la ZIMEYSA. Nonobstant, et après une pesée d'intérêts, nous pensons qu'il n'est pas souhaitable d'exporter nos entreprises en France voisine...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur Zaugg.

M. Christian Zaugg. Je termine. ...c'est la raison pour laquelle Ensemble à Gauche soutiendra ce projet de développement, essentiel pour l'économie genevoise et l'emploi de toute la région lémanique.

M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, les objectifs initiaux de ce projet de loi sont louables. On les retrouve dans l'exposé des motifs: «réduire fortement le trafic routier sur les routes de Vernier et de Meyrin ainsi qu'en traversée des villages de Vernier et de Satigny». Pour ce faire, le gouvernement a privilégié la création d'une nouvelle sortie d'autoroute, ce qui enthousiasme assez peu les Verts. Le conseiller d'Etat chargé de la mobilité ne cesse en effet de répéter, à raison, que le Léman Express, qui sera inauguré dans quelques mois, sera une véritable révolution pour les déplacements de notre région. La ZIMEYSAVER, parfaitement desservie par le rail, devrait également bénéficier de ce transfert modal vers le train, tant pour le transport des personnes que pour celui des marchandises. Soit.

De par l'excellent travail préparatoire de la commune de Vernier, l'impact de la construction de cette sortie et du barreau de Montfleury devrait néanmoins être fortement réduit, notamment grâce aux mesures d'accompagnement et à la couverture de cette route. Là où le bât blesse pour les Verts, c'est qu'il n'y a pas de mesures concrètes pour les sorties d'autoroute sur les routes de Vernier et de Meyrin, pourtant à l'origine de ce projet de loi. Comme le montrent les simulations du département, ces axes devraient connaître des baisses de fréquentation de l'ordre de 20% à 25%, ce qui est énorme. S'agissant de ces sorties, sans mesures d'accompagnement fortes, il va se passer ce qui se passe partout lorsqu'on fait des routes d'évitement ou de contournement: au bout de cinq ans, la charge de trafic sera la même qu'avant les travaux. Il ne faut pas chercher d'exemples très loin: Cruseilles après l'inauguration de l'autoroute Genève-Annecy, Vésenaz après la construction de la tranchée couverte. Les Verts vous proposent donc un amendement pour s'assurer que des mesures d'accompagnement seront prises en faveur des transports publics et des cyclistes sur les routes de Vernier et de Meyrin, notamment en agissant sur la capacité des sorties d'autoroute sur ces axes.

A Vernier, 90% - je dis bien 90% - du trafic est aujourd'hui du trafic de transit. La population, ces résidents parfois très chers au MCG, ont aussi le droit de voir les nuisances dues au trafic routier diminuer. Certains me répondront: «Mais faites confiance, les mesures vont arriver !» (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je le voudrais bien, mais les mesures et les grands discours ne suffisent parfois pas. Pas plus tard que le mois passé, le Conseil d'Etat répondait à la question écrite urgente 1101 qui demandait quand une piste cyclable sera aménagée sur cette même route de Vernier, au niveau du pont de l'Ecu. On disait: «Oui, il en faudrait une, mais pas maintenant, pas ici !» C'est souvent comme ça: ce n'est ni le moment ni l'endroit pour des mesures concrètes en faveur du vélo. Je vois au comité de Pro Vélo, où je siège, que les recours contre les projets routiers...

Le président. Votre temps de parole est épuisé, Monsieur Buschbeck.

M. Mathias Buschbeck. Je vous remercie. Les recours contre les projets routiers qui n'intègrent pas assez les vélos sont aussi nombreux que lors de la dernière législature. Pour toutes ces raisons, parce que les promesses rendent les fous joyeux et qu'il est important d'inscrire ces objectifs dans la loi...

Le président. On y va !

M. Mathias Buschbeck. ...nous vous appelons à accepter cet amendement. Je vous remercie.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste va voter ce projet de loi; je citerai trois raisons qui nous poussent à le faire. D'abord, cet objet fait suite au PL 11863 qui demandait des crédits d'étude et d'investissement ainsi qu'un crédit au titre de subvention cantonale d'investissement pour mettre en oeuvre les mesures du projet d'agglomération 2. Je rappelle que ce projet de loi a été voté à la majorité des groupes, avec l'opposition du MCG pour des raisons toujours liées aux frontaliers, comme nous l'avons entendu tout à l'heure - position que nous ne partageons évidemment pas, au sein du groupe socialiste, car nous construisons la région - et l'abstention de l'UDC. Le présent texte fait très clairement suite au PL 11863 sur les mesures d'agglomération 2 que nous avons adopté. Il est donc tout à fait logique de dire aujourd'hui qu'on l'a non seulement étudié, mais qu'on le met concrètement en oeuvre.

La deuxième raison, et je crois que Mme Meissner l'a très bien expliqué, c'est que les habitants ont été clairement associés au projet, de même que les agriculteurs, qui y étaient d'abord opposés. Il y a eu un long processus de concertation, ce qui est assez rare pour ce type d'ouvrage. Ce processus de concertation ayant eu lieu, laissons le projet se réaliser de manière heureuse à la satisfaction générale, y compris des associations de l'environnement qui se sont mobilisées.

Troisièmement, on doit accompagner le projet de la ZIMEYSAVER: on va créer 10 000 emplois d'ici 2030 et 25 000 personnes viendront travailler dans cette zone, qui doit être considérée plus largement comme un lieu de vie et non simplement comme un lieu de travail. Contrairement à ce que pense M. Buschbeck, des mesures d'accompagnement, y compris écologiques, ont été prises en conséquence. Je l'invite à lire les mesures prévues dans le projet d'agglomération 2 et le projet de loi: on peut très clairement dire qu'elles ont réservé une part à la mobilité douce, comme on nous l'a montré en commission. Pour toutes ces raisons, je vous invite, et les socialistes avec moi, à voter ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Comme la majorité, nous soutiendrons ce projet de loi, et cela pour une raison évidente: il faut assumer aujourd'hui les choix politiques du passé. Il a très clairement été choisi de densifier les zones industrielles, et la ZIMEYSAVER en fait partie. On a voulu créer des zones mixtes, avec par exemple des activités industrielles au rez-de-chaussée et des bureaux dans les étages; il faut l'assumer ! Si on dit qu'on va multiplier les emplois dans une zone mais qu'on empêche les gens de s'y rendre dans des conditions acceptables, ça ne peut évidemment pas marcher.

Cette jonction autoroutière est également à voir comme un rattrapage puisqu'on n'a rien construit, ces vingt dernières années, comme voies de circulation. Ce sont des projets qui ont malheureusement de la peine à avancer; on a vu ce que ça a donné pour les routes L1 et L2. Il faut aller de l'avant avec ce projet-ci et, je l'ai dit, nous allons bien évidemment le soutenir.

Deux mots rapides sur l'amendement: je constate que son signataire n'a malheureusement aucune idée de la structure économique de notre canton, ce qu'on ne peut que regretter. Il faudra bien sûr refuser fermement cet amendement et soutenir le projet de loi tel que sorti de commission. Je vous remercie.

Le président. Merci. La parole est à M. le député Thierry Cerutti. (Un instant s'écoule.)

Une voix. C'est à toi, Thierry.

Le président. Monsieur Cerutti !

M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est intéressant de voir que certains prônent le CEVA, la mobilité douce, l'accessibilité aux transports publics et puis, d'un autre côté, disent qu'il va falloir construire un passage sous voie - sous terre - au détriment de la population de Vernier. On dit que les associations ont été impliquées. Certes ! Certaines associations ont été associées à la réflexion, aux travaux, mais clairement pas tous les habitants de Vernier, et ceux-ci ne vous remercieront pas lorsque 25 000 véhicules passeront jour et nuit dans le périmètre du village.

Ce que le projet de loi oublie de mentionner, c'est qu'on fait juste une sortie pour les gens qui viennent de France. Ce n'est pas une question d'anti ou pro-frontaliers: c'est juste une réalité ! Mais ces gens qui viennent de France pour travailler à Vernier, dans la zone ZIMEYSA, il faudra bien qu'ils repartent par un endroit ou par un autre ! Et par où vont-ils naturellement passer ? Par le village de Vernier, par la route de Peney et les chemins et routes avoisinants. C'est déjà la gabegie aujourd'hui; je n'imagine pas dans quel état ce sera demain ! Je pense que les habitants de Vernier ne vous remercieront pas.

Le MCG est totalement opposé à ce projet. Tout d'abord, nous sommes opposés à cette densification et à cette course extrême à la création d'emplois, au développement, et, en parallèle, à la destruction de nos champs, de nos arbres, de notre nature. Parce que c'est ce qui va se passer avec ce projet de loi: en lieu et place de construire de manière évolutive et intelligente et de préserver notre environnement naturel, nos forêts, nos prés - je vous rappelle que nos prés accueillent des papillons, des crapauds, des grenouilles, des libellules (Commentaires.) - nous allons détruire des espaces pour nos animaux, y compris d'ailleurs pour nos écureuils roux, qui sont en train de prendre des vacances parce qu'ils savent que ce projet va arriver. Plus sérieusement, nous sommes contre ce projet parce qu'il va prétériter la qualité de vie et la mobilité des Verniolans; une fois de plus, Vernier ne vous remerciera pas ! Merci.

M. Daniel Sormanni (MCG). Je vais en rajouter une couche: je trouve ce Grand Conseil complètement illogique - il se marche sur la barbe. J'entends à longueur de journée, et encore hier avec la loi sur la compensation des parkings, qu'il faut décourager les gens de venir en ville avec leur véhicule, qu'il ne faut pas construire de nouvelles routes. Et là, que faites-vous ? Vous créez un nouveau barreau routier pour amener de nouveaux véhicules dans la zone industrielle. En réalité, vous ne voulez pas que les gens prennent le CEVA ! Vous voulez qu'ils se déplacent avec leur bagnole - et je fais exprès de dire bagnole ! - pour se rendre directement de leur lieu d'habitation à leur lieu de travail et à la ZIMEYSA. C'est ce que vous allez favoriser aujourd'hui ! Réveillez-vous, nom d'une pipe ! C'est le moment ! (Rires. Exclamations.) Je pense effectivement qu'il est complètement illogique de créer un nouveau barreau routier alors que vous voulez justement... Vous avez mis des barrières - vous supprimez des places de parc, vous élargissez les trottoirs - vous faites tout pour gêner les véhicules, et puis là vous créez un nouvel ouvrage routier pour en amener 25 000 supplémentaires dans la zone industrielle.

Le président. C'est terminé, Monsieur Sormanni.

M. Daniel Sormanni. Vous faites tout faux...

Le président. Monsieur Sormanni !

M. Daniel Sormanni. ...et il faut refuser ce barreau routier !

Le président. Monsieur Sormanni, merci ! Je passe la parole à M. Jacques Béné.

M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président, j'interviendrai très rapidement pour le PLR. Je remercie M. Sormanni puisque c'est effectivement le moment de se réveiller: une motion déposée en 2010, la M 1986, que ce parlement a votée, demandait une jonction autoroutière à cet endroit-là. L'argument phare est évidemment en lien avec le PAV: il faut bien mettre les entreprises du PAV quelque part si on veut développer le secteur - et nous y sommes favorables; c'est une partie du projet d'agglomération.

Le projet qui nous occupe a fait l'objet d'une grande, d'une très grande concertation. Je suis d'ailleurs surpris par l'amendement des Verts, parce que j'avais cru comprendre que le Conseil administratif de la commune de Vernier était totalement favorable à ce projet-là. J'avais aussi cru comprendre que le magistrat qui s'occupe du dossier n'est ni socialiste ni PLR et qu'il est totalement favorable au projet. Je suis donc surpris par l'amendement des Verts, mais je sais qu'on est en campagne électorale et ceci justifie peut-être cela.

Je termine en disant que j'ai appris un concept pendant les travaux de la commission: le dumping géographique. J'aimerais bien que M. Baertschi nous explique de quoi il s'agit. On connaît le dumping, mais j'ai un petit peu de peine à comprendre le dumping géographique. Après le CEVA - on sait que le MCG est totalement contre - et la problématique des frontaliers, le MCG va donc maintenant se battre contre le dumping géographique. C'est une notion assez intéressante que je me réjouis de développer avec M. Baertschi ! Je vous remercie.

Le président. Merci. La parole va à M. le député François Baertschi pour quarante-huit secondes.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président, je vais essayer d'être le plus rapide possible. L'emploi, oui, mais l'emploi frontalier, non. Telle est notre réponse, qui ne vous surprendra pas. L'amendement de M. Buschbeck ne nous satisfait pas du tout: il est pire que le projet de loi puisqu'il veut encore réduire certains accès, si j'ai bien compris, pour les résidents genevois. On veut donc empêcher les résidents genevois de circuler pour ne laisser la place qu'aux frontaliers; c'est leur dérouler le tapis rouge. Non, merci ! La minorité ne veut pas de ce genre de choses.

Quant au dumping géographique, eh bien allez à la frontière, Monsieur Béné - vous transmettrez, Monsieur le président - et vous verrez ce que ça représente, avec l'arrivée massive de personnel frontalier.

Mme Francine de Planta (PLR), rapporteuse de majorité. Deux mots, en conclusion, sur cet amendement, qui concerne l'article 6 du projet de loi relatif aux subventions de l'OFROU pour la demi-jonction et les mesures en faveur de la mobilité douce, qui s'élèvent à 860 000 francs, à réaliser sur le domaine public communal. J'aimerais rappeler que la mesure en faveur des transports collectifs prévue dans le secteur est le projet de BHNS, le bus à haut niveau de service. Elle est inscrite dans la demande de modification de la H 1 50 qui a été déposée au Grand Conseil cet été et sera prochainement traitée en commission. D'autres projets en faveur de la mobilité douce sont aussi prévus dans ce secteur, comme la voie verte d'agglomération, qui est une mesure du projet d'agglomération. Cet amendement empiète par conséquent sur d'autres projets, qui seront financés par le biais d'autres projets de lois de financement; je vous invite à le rejeter et à voter le projet de loi. Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, on constate que deux projets de lois qui concernent les transports sont approuvés par une large majorité deux jours d'affilée - hier soir, c'était acquis, ça semble l'être aujourd'hui aussi. Serait-on en train d'assister à des changements, à des mouvements insoupçonnés qu'on ne connaissait pas jusque-là ? (Remarque.) Peut-être ! (Commentaires.) Il y a des irréductibles, on l'a compris, mais je ne peux que me réjouir de ces changements, et le Conseil d'Etat avec moi, bien que ce ne soit certainement pas la seule raison de votre soutien.

A vous entendre, la raison principale de votre large acceptation de cette demande de crédit tient évidemment à la qualité du projet, que nombre d'entre vous ont relevée. Mais elle tient fondamentalement aussi à une prise de conscience, qui a été évoquée à la fin du débat: cela est intimement lié aux changements urbanistiques profonds que connaît ce canton. Elle tient en particulier au fait qu'une zone d'activité historique, le PAV, est en pleine mutation urbaine et qu'il faut trouver des endroits pour développer, pour relocaliser des entreprises avec une plus grande mixité et une plus grande densité. Voilà la raison fondamentale. Et en votant ce projet de loi, nous sommes effectivement conséquents avec les choix précédents.

La qualité, je ne veux pas y revenir: plusieurs d'entre vous l'ont relevée. Je voudrais néanmoins souligner qu'à Genève, dans ce territoire très exigu utilisé de manière toujours plus dense, les grands projets d'infrastructure, qu'ils soient routiers, ferroviaires ou autres, doivent être planifiés soigneusement et de manière extrêmement concertée; on l'a vu notamment suite au débat sur les liaisons L1 et L2. Il faudra probablement investir plus d'argent qu'on en investirait ailleurs pour les intégrer dans notre environnement et tenir compte d'intérêts parfois divergents. Je pense que c'est une réalité avec laquelle il faudra, à l'avenir, composer.

Je voudrais également préciser, et je fais un lien avec ce qu'on a dit hier s'agissant du parcage, que cela ne va en aucun cas entraver notre volonté farouche d'utiliser le parcage comme un levier efficace, en particulier dans cette ZIMEYSAVER qui va accueillir des milliers d'emplois supplémentaires. Il faut évidemment accompagner toutes ces démarches, que j'entreprends personnellement auprès des entreprises - j'entends en leur sein, et je le ressens, de plus en plus d'intérêt et de motivation: il faut faire en sorte que des plans de mobilité d'entreprise soient mis en oeuvre, que la politique d'attribution des places de parking aille véritablement dans le sens de la réduction et d'une certaine sélectivité en privilégiant par exemple le covoiturage. Cela va être poursuivi et même renforcé.

Les mesures en faveur des transports en commun vont également être renforcées. Mme la rapporteuse de majorité l'a très justement dit: en plus de la desserte ferroviaire et des infrastructures de mobilité douce, comme la voie verte d'agglomération, le BHNS Genève-Vernier-ZIMEYSA va apporter une capacité tout à fait bienvenue pour accompagner ces changements. Les financements sont à juste titre prévus dans un autre projet de loi modifiant la loi H 1 50, que votre parlement sera appelé à traiter tout prochainement - à moins que ce ne soit déjà le cas. Cela signifie donc que le but visé par l'amendement à l'article 6 est déjà intégré, du moins par l'exécutif, et vous pourrez très clairement le concrétiser lorsque vous voterez sur le projet de loi que je viens de mentionner.

Mesdames et Messieurs, je ne peux qu'être heureux, et le Conseil d'Etat avec moi, de ce constat réjouissant à propos de cet ouvrage. C'est un ouvrage important, mais dont l'impact a été vraiment maîtrisé. Je voudrais dire aux députés verniolans qui ont indiqué que la qualité de vie des habitants de cette commune et de cette région serait détériorée que le Conseil d'Etat est particulièrement attentif à la situation critique qui prévaut aujourd'hui. Nous avons entendu les chiffres très élevés du trafic de transit, et c'est précisément pour réduire ce trafic de transit que nous créons cet ouvrage. C'est précisément pour réduire cela que nous nous dotons d'équipements supplémentaires en faveur de la mobilité douce et des transports en commun. Il faut donc absolument se défaire de cette crainte, parce que nous oeuvrons - et nous oeuvrons pour améliorer la situation. Merci de votre attention.

Le président. Merci. Nous passons au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12484 est adopté en premier débat par 82 oui contre 11 non et 3 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 5.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement déposé par M. Mathias Buschbeck à l'article 6:

«Article 6 (nouvelle teneur)

Ce crédit d'investissement doit permettre de construire la demi-jonction autoroutière de Vernier-Canada et d'accompagner la réalisation du barreau routier de mesures en faveur de la mobilité douce et des transports publics. Afin de promouvoir un transfert modal, il est prévu une diminution des capacités des sorties d'autoroute sur les routes de Meyrin et Vernier, ainsi que des réductions des voiries à destination du trafic individuel motorisé sur les axes de circulation primaires et secondaires du périmètre concerné. Ces réductions doivent permettre l'aménagement de voies en site propre pour les transports publics et les cyclistes.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 24 oui et 9 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 6 est adopté, de même que les art. 7 à 10.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12484 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 16 non et 24 abstentions.

Loi 12484

M 2342-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Pascal Spuhler, Thierry Cerutti, Henry Rappaz, Sandra Golay, Ronald Zacharias, François Baertschi, Jean-Marie Voumard, André Python, Jean-François Girardet, Florian Gander, Danièle Magnin, Christian Flury, Francisco Valentin, Françoise Sapin, Sandro Pistis : Depuis quand les pollueurs sont-ils impunis ?
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 2 et 3 novembre 2017.
Rapport de majorité de M. Thomas Wenger (S)
Rapport de minorité de M. Serge Hiltpold (PLR)

Débat

Le président. Nous passons au point suivant, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. M. Jacques Béné remplace M. Serge Hiltpold comme rapporteur de minorité. Je passe la parole au rapporteur de majorité.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, cette proposition de motion date un peu - nous avons tout de même le plaisir d'en discuter aujourd'hui. Il faut se remémorer l'énorme tricherie réalisée ces dernières années notamment par la marque Volkswagen, mais aussi par d'autres marques, dont certaines faisant partie du groupe Volkswagen; on a appelé cela le «dieselgate»: une tricherie mondiale sur les tests de pollution des voitures de ce groupe notamment. Suite à cela, un nombre important de plaintes ont été déposées, aux Etats-Unis mais aussi en Europe, en Suisse et ailleurs. Contrairement aux Etats-Unis où des dédommagements ont été versés aux propriétaires de véhicules qui ont subi cette tricherie, en Europe et en particulier en Suisse, les jugements se font attendre, on n'a pas encore de décisions claires de la part des tribunaux pour un dédommagement.

A Genève, cette escroquerie - on peut l'appeler ainsi - a touché entre 5700 et 6600 véhicules, selon l'Office fédéral des routes. Il existe à la fois le problème de la réparation des personnes qui ont acheté ces véhicules en croyant acquérir des voitures plus propres que ce qu'ils pensaient, mais aussi - c'est l'objet de cette motion - le problème de l'impôt sur les véhicules à moteur payé par les propriétaires de voitures. Avec cette escroquerie, cette tricherie, il est vraisemblable que des recettes fiscales aient échappé à l'Etat.

J'avais déposé à ce propos une question, la QUE 404, qui elle aussi date un peu: elle concerne l'application du système de bonus-malus à l'imposition des véhicules à moteur, qui est en vigueur, je vous le rappelle, depuis le 1er janvier 2010 et prévoit un bonus pour les véhicules émettant peu de CO2 et un malus pour ceux qui en émettent beaucoup. La réponse du Conseil d'Etat a été: «Il est difficile de savoir exactement combien de recettes fiscales ont échappé au fisc genevois mais il paraît clair qu'une certaine somme n'est pas rentrée dans les caisses ces dernières années du fait d'avoir octroyé indûment le bonus de 50% mentionné ci-dessus.» C'est là le problème que la majorité de la commission souhaite régler au travers de cette motion. Merci, Monsieur le président.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Comme l'a dit M. Wenger, ce thème a déjà été traité dans la réponse donnée à la QUE 404. Le Conseil d'Etat a fait son travail, le DETA aussi, puisqu'une plainte pénale a été déposée auprès du procureur général de la Confédération pour cette perte de recettes fiscales et pour la mise en danger de la vie d'autrui. Le canton n'a pas subi de préjudice environnemental car les émissions sont dans les normes. Il serait donc totalement absurde de vouloir continuer et aller plus loin que ce que le Conseil d'Etat a déjà fait en déposant une plainte pénale pour escroquerie et concurrence déloyale par l'intermédiaire du département des finances. Tout a été entrepris pour récupérer ces recettes fiscales potentielles - potentielles - dont l'Etat aurait été lésé. Un acte parlementaire en plus est totalement injustifié, la minorité vous recommande donc de rejeter ce texte. Je vous remercie.

Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette proposition de motion a été déposée suite au «scandalegate». Discutée aujourd'hui, trois ans après son dépôt, son invite, adéquatement retravaillée, a perdu de son actualité. Mais son titre, «Depuis quand les pollueurs sont-ils impunis ?», résonne très fortement aujourd'hui: il pourrait être le slogan qu'on lirait sur la pancarte d'un gréviste du climat. Sa cible, l'industrie automobile, est un acteur qui reste problématique, puisque le secteur des transports est celui qui émet le plus de gaz à effet de serre en Suisse et le seul qui continue de croître.

Le «dieselgate» a révélé une tricherie de très grande ampleur. Le groupe VW, fleuron de l'industrie européenne, détenteur de marques de prestige, bénéficiait d'une très forte crédibilité et indiquait qu'il était le leader environnemental de son secteur. Pourtant, ce leader a sciemment choisi de mentir, de truquer les résultats des tests, de polluer plus que de raison, de duper les consommatrices et les consommateurs, de frauder les Etats. Il a fait fi de toute responsabilité sociale et environnementale pour maximiser ses profits. Car les normes de pollution contournées avaient été introduites pour réduire la pollution de l'air et lutter contre le réchauffement du climat. 11 millions de véhicules ont été touchés entre 2009 et 2015. Bien sûr, le canton de Genève a été touché, l'Etat a été trompé en tant qu'acheteur de véhicules et il a été lésé puisqu'il a accordé des réductions, des bonus incitatifs à des voitures qui n'en méritaient pas.

Cette motion vise à récupérer ces rabais fiscaux indus: c'est la moindre des choses, et c'est pourquoi les Verts la soutiennent. Mais il faut se souvenir que toute la population a été abusée, que les impacts sur la santé, l'environnement, le climat sont durables et que la confiance ne pourra pas être ainsi rétablie. De ce scandale, il faut retenir que les normes environnementales ne sont pas une option, que la déclaration sans contrôle ne suffit pas et qu'en cas d'abus, il faut des sanctions dissuasives. Merci pour votre attention. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, je crois que c'est le rapporteur de minorité qui a le mieux résumé la situation jusqu'à présent. Il a rappelé d'une part l'existence de cette question écrite urgente de 2015, d'ailleurs déposée par le rapporteur de majorité, intitulée: «Des recettes fiscales échappent au canton à cause des tricheries de Volkswagen». Le rapporteur de minorité a bien résumé les actions du Conseil d'Etat que sont les dépôts de plaintes pénales auprès du procureur de la Confédération. Tout le travail accompli en commission a permis de démontrer que l'Etat a agi de manière tout à fait efficace et circonstanciée dans ce dossier.

La minorité de la commission a également soulevé à plusieurs reprises le fait que toute importation de véhicules est réglée sur le plan fédéral et qu'il apparaît surprenant, ou à tout le moins complètement inefficace, que des actes législatifs soient entrepris par un parlement cantonal pour tenter de régler ce problème.

Les plaintes pénales ayant été déposées, tout étant entrepris pour récupérer les recettes fiscales potentielles dont l'Etat aurait été lésé, l'acte parlementaire supplémentaire qui vous est soumis ce soir est dépassé et superflu. Au vu des éléments développés, la minorité vous recommande donc le rejet de cette motion.

M. Edouard Cuendet (PLR). Comme l'a fort opportunément relevé le rapporteur de majorité, cette proposition de motion est largement obsolète. Elle a été déposée en septembre 2016, le rapport en octobre 2017: depuis lors, si j'ose dire, du diesel a coulé sous les ponts. Sans minimiser l'impact de ce scandale - d'ailleurs, ce n'est pas un «scandalegate», comme l'a dit ma préopinante, mais un «dieselgate» - il faut dire que le Conseil d'Etat a fait son travail: il a déposé auprès du Ministère public une plainte pénale. Je suis surpris qu'aucune des personnes qui ont parlé avant moi n'ait mentionné le dernier point d'actualité: le 3 septembre dernier, le Ministère public de la Confédération a annoncé les mesures qu'il comptait prendre pour mener à bien cette procédure, qui ne peut être conduite qu'au niveau fédéral, puisque 175 000 personnes sont potentiellement touchées. Le Ministère public de la Confédération a fait preuve de créativité: c'est la première fois qu'il était confronté à une telle procédure, il a donc permis aux plaignants de remplir un formulaire en ligne pour faire valoir leurs doléances. Ainsi, il a exprimé sa volonté de mener à bien cette procédure contre VW et AMAG.

Bien entendu, alors que la Confédération agit elle-même, il serait grotesque que le canton de Genève mène des procédures dans son coin pour recouvrer des impôts, ce qui en réalité est illusoire: comme il est bien ressorti des auditions en commission, même si le scandale ne doit pas être minimisé, la pollution et les émissions de CO2 étaient sans doute encore dans la fourchette admise; il faudrait faire des calculs d'apothicaire pour recouvrer un montant ridicule d'impôts. De plus, le coût de recouvrement serait totalement disproportionné par rapport aux éventuels gains fiscaux.

Pour cette raison, la minorité vous invite à rejeter cette motion obsolète, sans minimiser le problème, qui est pris très au sérieux au niveau fédéral, et en soulignant que le Conseil d'Etat a fait son travail et doit être plutôt soutenu dans cette démarche que lancé dans des aventures ubuesques et coûteuses pour recouvrer des montants fiscaux inatteignables. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Salima Moyard (S). Soutenir les actions du Conseil d'Etat face à ce «dieselgate», c'est justement la vision qu'a le parti socialiste de cette motion telle qu'amendée en commission. Il faut le rappeler, le «dieselgate», c'est une tricherie à large échelle orchestrée par des constructeurs automobiles sans scrupule qui a une répercussion sur les caisses de l'Etat de Genève, d'où la nécessité de se saisir de cette question.

On se souvient des milliers de consommateurs dupés: c'est facile de dire aujourd'hui qu'ils n'ont peut-être pas été si dupés que ça, ou dans des proportions pas si graves; il y a quand même un vrai problème à ce que les choses se soient passées ainsi, on ne peut pas rester sans rien dire. Face à ce scandale, on a vu pendant longtemps - peut-être que ça a changé récemment, on s'en réjouit - une Suisse assez peu proactive, notamment du fait que nous ne connaissons pas le système américain des plaintes collectives. AMAG est resté évidemment sourd à toute demande d'indemnisation.

Des milliers de véhicules sont concernés à Genève, et forcément, des impôts ne sont pas rentrés. La commission a fait un travail intéressant pour examiner les problèmes existant dans les invites initiales de la motion, comme l'utilité d'une nouvelle plainte vu celles déjà déposées. Pour le groupe socialiste, la motion telle qu'amendée garde toute sa pertinence et permet de donner un signal politique fort de la part du Grand Conseil pour soutenir le Conseil d'Etat dans ses démarches juridiques et ne pas laisser de côté la question de la récupération des recettes fiscales. Au nom du groupe socialiste, je vous invite donc à accepter ce texte tel qu'amendé en commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Il y a eu tromperie et tricherie: ce fait est admis par tout le monde. Pour cette raison, et par équité vis-à-vis des contribuables et citoyens, l'Etat doit intervenir et, si besoin, sanctionner. Cette proposition de motion demande uniquement de corriger une injustice, ou plutôt une éventuelle injustice liée à l'octroi d'un éventuel bonus qui s'avérerait injustifié. Selon une personne auditionnée, le préjudice et les dommages subis ne seraient pas confirmés. La réponse est peu claire et discutable. L'Office fédéral des routes, responsable des importations de voitures - on l'a déjà dit - aurait apparemment validé les marges de tolérance sur le CO2. Pour dissiper plusieurs de ces doutes, il faut évidemment accepter cette motion. En plus, l'Etat de Genève avait déposé deux plaintes pénales, l'une pour les pertes fiscales et la mise en danger d'autrui, la seconde pour escroquerie et concurrence déloyale en tant que propriétaire de véhicules. En tout cas lorsque nous avons discuté cet objet en commission, nous ne savions rien sur les suites données à ces deux plaintes. Pour ces raisons, notre groupe vous propose d'accepter cette motion. Merci pour votre attention.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG défend non seulement les arbres et nos parcs, mais aussi l'intérêt pécuniaire de l'Etat: preuve en est cette proposition de motion que nous avons déposée en 2016. Non, Monsieur Cuendet, elle n'est pas obsolète ! Bien au contraire, elle est d'actualité, vous l'avez relevé vous-même en disant que le 3 septembre, le Tribunal fédéral a pris position en disant que nous avions raison, que le constructeur doit rembourser les utilisateurs, notamment l'Etat qui a perdu des recettes. Oui, Monsieur Cuendet, cette motion est parfaitement recevable, elle est dans l'air du temps. D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle demande ? Pas quelque chose de faramineux, pas de reconstruire la tour de Babel: simplement que l'Etat donne les moyens aux contribuables grugés d'être remboursés. Vous êtes bien le seul dans cette salle où nous sommes cent dix, Monsieur Cuendet, à être au courant de cette annonce du 3 septembre. (Remarque.) Ça veut dire que les 175 000 autres utilisateurs ne sont pas informés. C'est le rôle de l'Etat d'informer les contribuables genevois qu'ils ont la possibilité de récupérer la manne financière qu'ils ont payée en trop. Le Mouvement Citoyens Genevois vous demande bien naturellement, Mesdames et Messieurs, de soutenir cette motion.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, merci à celles et à ceux qui font preuve de sollicitude à l'égard du Conseil d'Etat en l'appuyant dans ses démarches. Or, lorsqu'il examine une proposition de motion, le Conseil d'Etat lit l'invite. Comme vient de le rappeler le député Cerutti - il va être attentif à ce que je vais dire - l'invite, ici, est de «tout mettre en oeuvre afin de récupérer les recettes fiscales qui lui auraient échappé» du fait du bonus. Mais c'est ce qu'on a fait, Mesdames et Messieurs ! Nous avons déposé plainte précisément pour cela, pour le préjudice que nous avons subi en tant que propriétaire des voitures. Nous avons déjà fait ce que demande cette motion ! Vous pouvez bien nous soutenir et nous inviter à faire quelque chose que nous avons déjà fait, mais ça paraît assez absurde ! J'ai cru comprendre des propos de certains d'entre vous qu'il fallait lire d'autres invites entre les lignes. Non: ce qui est écrit dans cette motion, c'est ça, et ça, nous l'avons déjà fait.

Je vous indiquerai que vu l'âge - pour ainsi dire - de cette motion, des éléments nouveaux sont apparus, dont celui qu'a très justement rappelé le député Cuendet, sur lequel je ne reviendrai pas. J'ajouterai que cette affaire est suivie depuis un certain temps, notamment avec l'Office fédéral des routes, qui en est responsable, comme certains d'entre vous l'ont dit. Les informations qui nous sont régulièrement données, notamment sur les estimations que cet office a pu faire du préjudice qui, vu l'écoulement du temps, aurait été subi par les cantons dans leur système de taxation des véhicules, nous font penser que ce préjudice serait pratiquement nul en ce qui concerne Genève; car évidemment, le seul élément pertinent serait la notion de bonus, puisque pour le reste, c'est la puissance du véhicule qu'on taxe, et elle n'est pas incriminée dans ce scandale; c'est bien ce bonus qui pourrait avoir induit une perte de recettes fiscales. Or il n'en est rien, en tout cas selon les éléments que nous avons aujourd'hui. Et si tel était le cas, les plaintes qui sont pendantes auprès du Ministère public nous permettraient de résoudre le problème. A notre sens, il n'y a donc aucune raison - mais vous pouvez évidemment en décider autrement - de voter cette motion qui aborde un problème pour lequel nous avons déjà tout entrepris.

Le président. Merci. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 2342 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 49 oui contre 30 non.

Motion 2342

M 2343-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. François Baertschi, Sandra Golay, Sandro Pistis, Danièle Magnin, Henry Rappaz, Thierry Cerutti, Pascal Spuhler, Florian Gander, Christian Flury, Francisco Valentin, Françoise Sapin : Instaurons une préférence cantonale pour les petites et moyennes entreprises genevoises
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 11 et 12 octobre 2018.
Rapport de majorité de M. Serge Hiltpold (PLR)
Rapport de première minorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Thierry Cerutti (MCG)
PL 11981-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de MM. Marc Falquet, Stéphane Florey, Bernhard Riedweg, Michel Baud, Norbert Maendly, André Pfeffer modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Genève d'abord !)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 11 et 12 octobre 2018.
Rapport de majorité de M. Serge Hiltpold (PLR)
Rapport de première minorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. François Baertschi (MCG)
PL 11982-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Mmes et MM. François Baertschi, Sandra Golay, Françoise Sapin, Florian Gander, Henry Rappaz, Christian Flury, Jean-Marie Voumard, Daniel Sormanni, Pascal Spuhler, André Python, Sandro Pistis, Jean-François Girardet, Danièle Magnin modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Pour une politique de préférence nationale selon le principe « les nôtres avant les autres »)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 11 et 12 octobre 2018.
Rapport de majorité de M. Serge Hiltpold (PLR)
Rapport de première minorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. François Baertschi (MCG)
PL 12047-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. François Baertschi, Jean-Marie Voumard, Thierry Cerutti, Daniel Sormanni, Pascal Spuhler, Jean-François Girardet, Françoise Sapin, Sandro Pistis, Christian Decorvet, Florian Gander, Christian Flury, André Python, Henry Rappaz garantissant la priorité à l'emploi des résidents sur le territoire suisse avant la délivrance de tout permis de travail frontalier
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 11 et 12 octobre 2018.
Rapport de majorité de M. Serge Hiltpold (PLR)
Rapport de première minorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. François Baertschi (MCG)

Premier débat

Le président. Nous examinons maintenant la M 2343-A ainsi que les PL 11981-A, PL 11982-A et PL 12047-A en catégorie II, cinquante minutes. Je laisse la parole à M. Jacques Béné, qui remplace Serge Hiltpold pour le rapport de majorité.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je ne sais pas s'il est possible d'avancer vite quand on commence à débattre de la préférence cantonale, mais pour ma part, en tout cas, je vais essayer d'être bref. Tous les projets qui nous sont présentés ici vont à peu près dans le même sens et posent problème eu égard au droit supérieur.

Concernant le PL 11981, j'aimerais citer deux passages du rapport qui figurent à la page 11 et qui résument assez bien la situation. Pour l'audition de l'Institut de recherche appliquée en économie et gestion, nous avons reçu M. Giovanni Ferro, qui en est le directeur et qui - je cite - «constate que les salaires ne baissent pas si le nombre de travailleurs étrangers ou frontaliers augmente sur la base des études et données en sa possession. C'est même plutôt l'inverse.» Il ajoute: «Il serait donc illusoire de croire qu'une simple mesure telle que préconisée par ce PL puisse avoir l'effet attendu. Des effets pervers ont été mesurés sur les mesures de type quota: l'employé est stigmatisé car il est associé au quota.»

Mesdames et Messieurs, la notion de droit à l'emploi n'existe pas comme celle de droit au travail. Les trois projets de lois violent très clairement la législation fédérale et le principe de liberté économique. Lors des auditions, syndicats et associations patronales se sont rejoints sur les mêmes constats et conclusions par rapport à ces objets. Le PL 12047, en particulier, représente un monstre bureaucratique qu'aucun entrepreneur ne voudra jamais mettre en application et qui ne facilitera en aucun cas les démarches pour engager du personnel. Le système proposé risquerait même de favoriser le recours à la main-d'oeuvre temporaire ou à la sous-traitance, ce que nous ne souhaitons évidemment pas.

Bien trop souvent, on entend des déclarations de bonnes intentions, que ce soit de la part du MCG ou de l'UDC, pour un meilleur contrôle du marché du travail à Genève, mais la stigmatisation des travailleurs étrangers et frontaliers qu'opèrent ces textes n'est pas la réponse adéquate - un constat qui, comme je l'ai dit, est partagé par l'ensemble des partenaires sociaux. Nous préférons des mesures d'accompagnement à la libre circulation sur le plan fédéral, un contrôle cantonal paritaire et équilibré des entreprises, ce que fait notamment l'IPE, des formations académiques et professionnelles en adéquation avec les besoins des sociétés. Ce sont là nos meilleurs atouts pour maintenir et développer l'emploi dans le tissu économique diversifié et interconnecté que connaît notre canton. Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite, au nom de la majorité de la commission, à rejeter ces quatre objets. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Ces textes s'inscrivent tous dans la même logique, à savoir imposer le principe de préférence cantonale. Le premier est une proposition de motion qui demande d'accorder la priorité aux PME genevoises, en particulier lors des appels d'offres; les trois autres sont des projets de lois qui s'inspirent du principe de préférence cantonale en ce qui concerne l'engagement des employés: il s'agit de privilégier les résidents genevois et les personnes de nationalité suisse.

Un large pan du dispositif de l'initiative contre l'immigration de masse, qui a été soutenue par le Mouvement Citoyens Genevois et acceptée par les électeurs suisses, n'a pas été décidé au niveau fédéral, ce qui permet aux cantons de légiférer. Grâce à cette brèche, nous pouvons intervenir en faveur de l'engagement prioritaire des résidents genevois. C'est bel et bien la politique menée par le MCG et son conseiller d'Etat Mauro Poggia qui a inspiré à la Confédération son concept dit de préférence indigène destiné à répondre aux demandes de l'initiative contre l'immigration de masse.

Si cette disposition est très insuffisante aux yeux du MCG, elle nous mène au moins dans la bonne direction, en faveur des habitants de notre pays, la Suisse, et de notre canton, Genève. Malheureusement - malheureusement ! - il s'agit d'une mesurette, on peut même se demander si ce n'est pas une duperie profonde. Il faudra faire beaucoup mieux à l'échelle nationale, certes, mais de notre côté, nous pouvons agir au niveau du canton.

C'est le but de ces projets de lois, c'est le but de cette motion. A travers des moyens législatifs différents, ces objets poursuivent le même objectif qui va s'imposer, nous en sommes convaincus, car il est nécessaire de résister à la mondialisation qui risque de nous détruire et de nous écraser si nous n'agissons pas. C'est bien joli de se plaindre du Mercosur, comme on l'a fait hier, de parler des forêts d'Amazonie, mais pensons d'abord à la Suisse, pensons à Genève où les problèmes peuvent être réglés ! Hélas, on constate de toutes parts une absence de volonté à cet égard.

Quelques mots encore sur la M 2343 en particulier, laquelle exige la préférence cantonale pour les petites et moyennes entreprises qui, on l'a vu avec le scandale d'En Chardon, sont exposées à toutes les vilenies dans cette véritable jungle que nous connaissons au niveau international, avec des employés sous-payés, des entreprises concurrentes qui se retrouvent lésées. Nous constatons que les partis de l'Entente - PLR et PDC - ont trahi leurs fondements, tout comme la gauche et les Verts ont renié les leurs en ne défendant pas les intérêts des citoyens locaux, en leur préférant des principes creux qui ne mènent nulle part, des idéaux mondialistes et internationaux qui ne riment à rien.

Nous avons changé d'époque, mais on ne veut pas s'en rendre compte, on ne veut pas admettre que certaines logiques doivent être suivies. Encore une fois, c'est le but de ces projets de lois, c'est le but de cette motion. Je suis persuadé que l'avenir nous donnera raison, parce que nous allons dans le sens de l'histoire, mais notre brave canton de Genève accuse encore beaucoup de retard, lui qui regarde plutôt dans le rétroviseur et ne prend pas acte des réalités. Mesdames et Messieurs, je vous demande de soutenir ces trois projets de lois et cette motion.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité. La proposition de motion concerne le droit cantonal, mais parle également d'une promesse électorale non tenue. En effet, à l'origine de ce texte, il y a un cas flagrant de promesse électorale non respectée et de concurrence déloyale: lors du scrutin relatif au CEVA, il avait été clairement indiqué que l'économie locale et surtout nos PME seraient les grands bénéficiaires. Aujourd'hui, nous savons que cet argument était faux et que les retombées pour nos entreprises sont ou ont été très limitées. Le cas qui nous préoccupe, c'est l'adjudication attribuée à une société de Villeurbanne qui a créé divers problèmes, en particulier du dumping salarial. Les contraintes de cette affaire précise auraient dû attirer l'attention et susciter plus de curiosité de la part des autorités.

Maintenant, en ce qui concerne le droit cantonal, le contrôle du marché de l'emploi - le rapporteur de majorité en a parlé - génère plus de législation, plus de bureaucratie. Ce n'est pas le modèle de l'UDC, c'est celui de la gauche et visiblement du PLR. Le système que l'UDC défend et entend privilégier consiste en un contrôle de l'immigration. Nous voulons que les travailleurs viennent chez nous en fonction des besoins de notre économie, de nos marchés, de nos entreprises, nous ne souhaitons pas que notre économie soit ouverte uniquement parce que de l'autre côté de la frontière, les salaires sont trois fois inférieurs, car cela favorise selon nous le dumping salarial. J'en reste là pour l'instant, Monsieur le président. Merci.

M. Stéphane Florey (UDC). J'aimerais rectifier une grossière erreur du rapporteur de majorité. Les Chambres fédérales ont accordé une garantie constitutionnelle à la préférence cantonale. Pour preuve, l'initiative «Prima i nostri» a été plébiscitée dans le canton du Tessin, et cette modification constitutionnelle a pu entrer en vigueur précisément grâce à la garantie délivrée par les deux Conseils il y a environ une année. Merci.

M. Edouard Cuendet (PLR). Ce grand bouquet de textes, sans entrer dans les détails, arrive soit bien trop tard, soit beaucoup trop tôt. Je m'explique. Ils arrivent trop tard, parce qu'ils vont à l'encontre des mesures d'accompagnement de l'initiative contre l'immigration de masse, adoptée par le peuple en 2014. Ces règles d'accompagnement ont été définies légalement, elles sont applicables actuellement et le canton de Genève les a mises en oeuvre, notamment à travers l'inspection paritaire des entreprises, comme l'a relevé à juste titre mon collègue Jacques Béné. De plus, ces objets sont contraires au droit fédéral et à la liberté économique, car ils créent un droit à l'emploi qui est totalement en opposition avec les valeurs suisses qui font qu'une entreprise est libre d'engager quelqu'un ou pas, avec des principes fondamentaux qui fondent notre Etat de droit.

Mais ils arrivent aussi trop tôt, parce que nous serons appelés, sans doute l'année prochaine, à voter sur l'initiative contre la libre circulation qui va dans le sens de tous ces textes, ce qui fait qu'ils anticipent un résultat que le groupe PLR ne souhaite évidemment pas, à savoir une acceptation de cette initiative qui aurait pour conséquence la chute, à cause de la clause guillotine, de tous les accords bilatéraux qui nous lient à l'Union européenne et qui ont largement contribué à notre prospérité.

Si l'initiative était acceptée, elle mettrait en vigueur tous ces projets et la situation de Genève serait complètement différente. Ces textes n'ont aucun sens puisque, comme vous le savez, notre économie dépend largement des exportations, nous sommes un canton exportateur, nos emplois ici dépendent des entreprises exportatrices, nous avons des marchés au niveau mondial et notamment en Europe, où se trouvent nos principaux clients. S'il n'y a plus de libre circulation, s'il n'y a plus d'accords bilatéraux, notre économie se retrouvera dans une situation catastrophique et on n'en sera plus à se demander à qui on doit donner la priorité de l'emploi, on devra se demander comment maintenir ici des emplois qui risquent fort de nous abandonner pour d'autres cieux plus cléments, notamment en ce qui concerne nos rapports avec l'Union européenne.

Ces textes sont donc contraires au droit fédéral, et j'espère qu'ils le resteront encore longtemps et que le peuple suisse, dans sa grande sagesse, rejettera l'initiative contre la libre circulation et maintiendra les accords bilatéraux, garants de notre prospérité, nous qui vivons de l'exportation vers des marchés européens - et plus lointains aussi, mais avant tout européens. Je vous remercie de rejeter, avec la majorité, l'ensemble de ces projets. Merci.

Une voix. Bravo, Edouard !

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, il y a évidemment des arguments juridiques pour contredire le propos des différents textes proposés ici, lesquels violent le principe de primauté du droit, mais il est également essentiel de s'attaquer à la rhétorique politique tant ressassée par le MCG - c'est la spécialité locale - et reprise par l'UDC dans une optique plus nationale, à savoir le concept de préférence indigène.

Même si on peut saluer le fait qu'à travers ces quatre objets, l'UDC et le MCG critiquent l'impact du dumping salarial - on est d'accord avec ça - le problème, c'est que les réponses qu'ils apportent sont mauvaises. Elles sont mauvaises, parce que ces deux partis s'attaquent aux salariés, et non à celles et ceux qui fixent les salaires. Il ne faut pas viser les travailleurs lors de dumping salarial, car ce ne sont pas eux qui déterminent leur rétribution; non, il faut s'en prendre aux personnes qui fixent les salaires !

Si on veut véritablement être efficace, il convient de définir un salaire minimum, et c'est justement ce que propose l'initiative 173. J'espère qu'à l'UDC et au MCG, vous vous montrerez cohérents par la suite et voterez en faveur du salaire minimum, car il s'agit d'un moyen efficace pour lutter contre le dumping salarial. Ce n'est pas en interdisant la main-d'oeuvre étrangère ou en établissant une préférence cantonale que vous éviterez le dumping salarial, il sera toujours présent et vous n'aurez rien fait contre.

Il existe également, on l'a rappelé, des mesures efficaces pour lutter contre les abus en matière de conditions de travail; l'IPE, soit l'inspection paritaire des entreprises, en est le meilleur exemple. Mesdames et Messieurs de l'UDC, renforcez les actions de contrôle des employeurs, c'est un moyen de lutte puissant contre les cas critiques d'abus dans les conditions de travail.

Maintenant, je relève un élément piquant en repensant à notre débat d'hier sur l'accord de libre-échange avec le Mercosur - M. Baertschi en a parlé. Permettez-moi de lire l'une des invites de la M 2343: «à défendre les intérêts de Genève et non de la mondialisation [...]» Il est intéressant de voir le MCG d'un côté soutenir le libre-échange avec l'Amérique latine et nous expliquer que cela ne relève pas de la mondialisation, que cela ne péjore pas les intérêts des Genevois, et de l'autre côté, s'attaquer aux frontaliers comme il le fait depuis de trop nombreuses années déjà - mais j'ai bon espoir que cela cesse dans les années à venir - car ça, en revanche, c'est s'attaquer à la mondialisation ! Non, non, pour ma part et pour les socialistes, nous vivons dans un même bassin de vie, le Grand Genève, ce n'est pas la mondialisation; à l'inverse, un accord de libre-échange avec des pays d'Amérique du Sud, ça c'est la mondialisation.

C'est à cela qu'il faut s'attaquer, Mesdames et Messieurs, et le groupe socialiste vous invite à refuser en bloc les trois projets de lois et la motion, à rejeter cette politique, ces effets de manche, cette communication qui s'attaque constamment aux salariés étrangers, plus précisément aux frontaliers, et à poser aujourd'hui et à l'avenir les bases d'un salaire minimum et d'une politique qui permette réellement de garantir de bonnes conditions de travail pour les travailleurs de notre canton.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'économie a traité la M 2343 en parallèle aux trois projets de lois qui se situent exactement dans la même veine. Au motif de reprendre des préoccupations légitimes qui font pourtant l'objet de négociations entre les partenaires sociaux et sont pour certaines déjà en passe d'être introduites dans la réglementation du travail, notamment le règlement sur la passation des marchés publics ou l'accord intercantonal sur les marchés publics, les auteurs de la motion en profitent pour réaffirmer leur credo de la préférence cantonale. Ils érigent ce principe en panacée contre toutes les difficultés auxquelles notre canton est confronté en matière d'emploi.

Ce postulat constitue un non-sens qui nie la réalité et la complexité des mécanismes économiques, il occulte sans vergogne les interactions qui existent entre les régions et leurs composantes. Qui plus est, il va à l'encontre de la libre circulation des personnes. La préférence cantonale est un leurre: elle ne permet pas de lutter efficacement contre le chômage et la sous-enchère salariale, elle oppose simplement les travailleurs les uns aux autres en leur faisant porter la responsabilité de dispositifs économiques sur lesquels ils n'ont aucun impact, elle désigne des boucs émissaires alors que les véritables coupables de la détérioration du marché et des conditions de travail, à savoir les milieux économiques et financiers, continuent à tirer leur épingle du jeu.

Le groupe Ensemble à Gauche refuse de se prêter à cette manipulation de la réalité, à la désignation de cibles, à la division des travailleurs. Nous estimons indispensable de renforcer la lutte contre la concurrence déloyale et d'améliorer les conditions de travail et demeurons fermement convaincus qu'il faut protéger les salaires, pas les frontières. C'est pourquoi nous vous invitons à rejeter cette motion.

En ce qui concerne les trois projets de lois issus des bancs de l'UDC et du MCG, ils procèdent de la même lecture simpliste des difficultés que rencontre notre canton en matière de travail, ils s'inscrivent dans les mêmes mécanismes d'exclusion. D'ailleurs, les auteurs se prennent eux-mêmes les pieds dans le tapis, car ils préfèrent favoriser un pendulaire vaudois qui paie ses impôts dans le canton de Vaud plutôt qu'un salarié frontalier qui est taxé à la source à Genève. Ces trois textes offrent un remède qui, à l'instar de l'élixir du docteur Doxey - les amateurs de Lucky Luke s'y reconnaîtront - se révèle pire que le mal. On veut nous faire croire que les travailleurs sont simplement interchangeables, que la question ne renvoie pas à une course à la main-d'oeuvre la moins chère, qu'«y a qu'à»: il n'y a qu'à remplacer les frontaliers par des demandeurs d'emploi résidents.

Or, nous le savons, les choses ne sont pas aussi simples. Prioriser les chômeurs, très certainement, mais bannir les frontaliers, sûrement pas. Le recours aux frontaliers dans l'économie genevoise n'est de loin pas une entreprise philanthropique. En effet, il faut considérer que le nombre de postes disponibles à Genève est bien supérieur à celui des actifs résidant sur le territoire. Par ailleurs, comme l'indiquait un syndicaliste lors de l'une des auditions, le canton de Genève n'a pas de problème d'immigration; il est en revanche confronté à des problèmes d'une part de réglementation du droit du travail qui ne protège pas suffisamment les salaires, d'autre part de répartition des richesses.

Au chapitre des réponses simplistes amenées par ces projets et par l'un d'eux en particulier, il y a l'argument de faire sortir les gens de l'aide sociale en leur proposant des postes actuellement occupés par des frontaliers - sans prendre en compte que 48% de la population à l'aide sociale n'a pas de formation. Aussi, si l'on veut réellement répondre aux besoins de la population genevoise, il faut avant toute chose protéger et développer l'emploi: l'Etat doit s'engager activement dans la lutte contre la dérégulation du marché du travail, développer l'accès à la formation et favoriser les reclassements professionnels.

L'heure n'est pas aux remèdes de charlatans et aux promesses de bonimenteurs, mais à l'engagement d'une réflexion prospective tant en matière de gestion du chômage que de développement économique. Une chose est certaine, Mesdames et Messieurs les députés: ce n'est pas en érigeant des murs aux frontières de notre canton que nous répondrons aux besoins de la population. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous appelle à refuser ces trois projets de lois. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je voudrais tout d'abord relever les propos de M. Béné qui parle de stigmatisation des employés frontaliers. Mais qu'en diraient les Genevois exclus depuis des années du marché du travail ? Je pense qu'ils apprécieront ce genre d'argument. Non, nous sommes en Suisse, à Genève, et nous devons défendre en priorité nos travailleurs.

Hier, certains collègues se disaient inquiets quant à la dégradation de la situation sociale à Genève: il n'y a plus de paix du travail, il y a une sous-enchère salariale, de la concurrence déloyale. Et aujourd'hui, Mme Haller nous tient un discours de mondialisation du marché. Ça, c'est vraiment extraordinaire du point de vue de la rhétorique, c'est assez fort ! Nous avons également entendu parler du taux de chômage le plus élevé de Suisse, du pourcentage de personnes à l'aide sociale le plus haut du pays, M. de Sainte Marie a fait un magnifique discours à ce sujet, et il soutient maintenant qu'il ne faut pas prioriser le travail des Genevois ! La gauche a indiqué qu'il fallait réunir une majorité autour des questions liées à la dégradation de l'employabilité de nos citoyens, mais elle ne propose aucune solution.

Ces textes ont l'avantage de revenir à la situation que nous connaissions lorsqu'il y avait des contingents: nous disposions d'une commission tripartite, il n'y avait aucune discrimination, et je ne pense pas que le chômeur genevois qui se voyait engagé quelque part se sentait discriminé. Avant les accords de Schengen, il y avait quelques dizaines de milliers de concurrents sur le marché de l'emploi; aujourd'hui, ce sont 300 millions de concurrents à Genève, car on a élargi le marché à l'Union européenne, alors que peuvent faire les travailleurs genevois dans cette situation ?

Et encore, nous ne sommes qu'au début du processus d'appauvrissement des Genevois. En effet, le président de la Cour de justice de l'Union européenne dit qu'il veut mettre directement en concurrence les employés des pays de l'Est avec les nôtres. A un moment donné, vous pouvez faire ce que vous voulez, il n'y aura plus de stigmatisation, il n'y aura plus de concurrence déloyale, ce sera tout simplement de la solidarité envers nos frères et soeurs de l'Union européenne ! La gauche changera peut-être de discours lorsque des Lituaniens viendront travailler pour 5 francs de l'heure dans nos entreprises.

Mesdames et Messieurs, vous avez refusé l'initiative UDC contre les juges étrangers qui aurait pu nous protéger, et je ne me réjouis pas de voir comment évoluera la situation lorsque l'accord-cadre sera voté. Nous ne pourrons plus du tout protéger nos citoyens puisque, comme je l'ai dit, les juges européens estimeront qu'il est tout à fait légal d'employer des travailleurs étrangers, notamment des pays de l'Est, pour 5 francs de l'heure dans nos sociétés. Ce sera la mort de nos PME locales !

Si nous ne prenons pas de décision pour défendre nos emplois, je vous garantis - et là, j'aimerais bien que mes propos figurent dans les annales - si nous ne prenons pas de décision pour défendre nos emplois, je vous garantis que nos petits-fils et arrière-petits-fils iront directement au chômage ! C'est ce qui se passe déjà maintenant avec nos apprentis: des écoles professionnelles en France font du lobbying auprès des employeurs suisses pour essayer de placer leurs apprentis. Dans quelques années, je vous assure qu'ils iront directement au chômage, puis à l'aide sociale, et personne n'a l'air de s'en rendre compte. Aussi, pour défendre l'employabilité des Genevois, je vous invite à accepter ces projets. Merci.

Des voix. Ouais, bravo !

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, la M 2343 est traitée de façon liée avec les trois projets de lois «Genève d'abord !», «Les nôtres avant les autres» et «Priorité à l'emploi des résidents», et est du même tonneau. Ces quatre textes ont en commun leur non-compatibilité avec les accords libéraux... Euh, bilatéraux, pardon ! (Rires. Commentaires.) ...leur négation du contexte du Grand Genève, leur traitement du problème de l'emploi au seul regard d'une préférence cantonale ou nationale et l'introduction dans notre ordre légal de la notion de droit au travail qui n'existe pas, alors qu'il vaudrait mieux opter, dans les circonstances que nous connaissons, pour une recherche de solutions s'inscrivant dans l'appréhension des mutations professionnelles à venir, notamment sur le plan informatique.

Je suis étonné de constater que les deux mêmes partis qui prônent assez régulièrement l'allégement des contraintes administratives pour les petites et moyennes entreprises nous pondent quatre projets qui constituent un véritable étouffoir administratif pour nos PME. On a parlé tout à l'heure - il me semble que c'est le rapporteur de majorité qui l'a évoquée - de la stigmatisation des travailleurs. Ceux-ci sont effectivement stigmatisés, mais il faut aussi penser à la stigmatisation des institutions et entreprises qui les emploient. Allons-nous montrer du doigt, Mesdames et Messieurs, chers collègues, les HUG, les EMS, d'autres organismes de la santé ou du social qui n'ont pas d'autre choix que d'embaucher des frontaliers, puisque depuis vingt ou trente ans, nous n'avons pas su - ou voulu - former suffisamment de personnel sur place ?

Afin de privilégier une approche anticipative plutôt qu'une étroitesse d'esprit monomaniaque et obsessionnelle, le groupe PDC vous demande de suivre la majorité évidente qui s'est dégagée au sein de la commission de l'économie et de rejeter sèchement ces quatre textes. Je vous remercie.

Mme Ana Roch (MCG). Je suis surprise par les propos de plusieurs collègues de cette députation. Hier, nous avons voté la suppression de l'effet suspensif en réponse à l'affaire du contrevenant sur le chantier d'En Chardon. Je vous rappelle que cette entreprise étrangère, malgré les contrôles de la convention collective, nous a tout simplement grugés, a contourné les règles au détriment de ses employés, mais aussi du chantier lui-même, puisque nous subissons des retards qui vont nous coûter une fortune.

Pour ma part, en tant qu'entrepreneure, je fais la démarche d'engager des personnes issues du chômage et de l'aide sociale que je forme à mes frais, sans contrepartie. Ce sont des personnes volontaires, qui ne demandent qu'à apprendre. Seulement, il m'est impossible de les employer si je n'ai pas de travail dans le canton, si je ne peux pas décrocher de contrats.

J'aimerais que les PME genevoises notent les positions prises par les différents partis de ce parlement et se souviennent, lors des prochaines élections, que le MCG s'efforce, dans sa démarche, de soutenir non seulement les employés de notre canton, c'est-à-dire les habitants, mais également nos PME pour qu'elles soient privilégiées dans les marchés publics. Il s'agit de confier le travail à nos entreprises avant de le donner aux autres. Oui, Genève d'abord, avant les autres ! Merci. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, toute une série de mesures proposées pour justifier le rejet du principe de préférence cantonale tombent à plat, malheureusement. Oui, elles tombent à plat ! Ce n'est pas avec le salaire minimum qu'on va régler la question du dumping salarial, parce que le salaire minimum, s'il y en avait un - c'est sans doute triste, mais c'est la réalité - serait extrêmement bas. C'est par le biais de conventions collectives qu'on pourra résoudre le problème du niveau des salaires, et il faut oeuvrer dans les secteurs où il n'y en a pas précisément pour en établir.

Malheureusement, à Genève, si certaines entreprises jouent le jeu, beaucoup trop ne le font pas et tombent dans la facilité, engagent là où ça coûte le moins cher, ce qui ne nous arrange pas. Il n'y a qu'à voir les statistiques: le nombre de travailleurs frontaliers a de nouveau explosé ces derniers mois. Or, dans le même temps, tout plein de citoyens de notre canton ne trouvent pas de travail, ne parviennent pas à se réinsérer dans le marché de l'emploi.

On ne s'attaque pas aux frontaliers, non, ce n'est pas ça: on défend l'emploi des gens qui habitent Genève - voilà ce qui est important - et qui cherchent du travail, qui essaient de sortir de l'aide sociale, l'aide sociale que certains ici condamnent en disant que de trop nombreuses personnes en bénéficient. Pour protéger les salaires, hélas, il faut protéger les frontières, c'est le seul moyen d'avancer quelque peu sur cette problématique. Tant que vous ne mettrez pas au travail les habitants du canton de Genève, on se retrouvera face à ces difficultés. Je vous invite donc à soutenir ces quatre projets, la proposition de motion et les trois projets de lois. Merci.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme d'autres, le groupe des Verts a refusé ces trois projets de lois et cette motion en commission, d'abord pour des raisons de droit qui ont déjà été évoquées par certains des intervenants ce soir. Mais au-delà de l'aspect juridique, il faut penser aux conséquences réelles de ces propositions du MCG et de l'UDC. En effet, elles introduisent une discrimination entre les citoyens français et suisses résidant en France et les résidents genevois ou suisses. Voilà qui devrait particulièrement parler aux 75 000 Suisses, sans doute majoritairement genevois, qui habitent en France voisine !

Quel serait le résultat du premier projet de loi ? Cela reviendrait simplement à pousser hors du marché de l'emploi genevois 75 000 citoyens helvétiques établis en France voisine. Le deuxième projet de loi entend privilégier la main-d'oeuvre de toute la Suisse par rapport non seulement aux frontaliers français, mais aussi aux Genevois qui résident en France voisine. Enfin, le troisième projet de loi vise à mettre en place un système particulièrement touffu dans lequel chaque entrepreneur devrait déclarer ses postes ouverts à un office régional de placement sans aucune possibilité de cooptation, ce qui supprimerait toute liberté d'embauche. Ce texte exige également que toute demande de permis de travail soit soumise à la démonstration par l'employeur de l'absence dans le reste de la Suisse d'un candidat présentant les compétences requises. Alors là, bonne chance !

Vous le comprenez, Mesdames et Messieurs, ces projets de lois représentent surtout un grand danger pour le tissu social régional, pour l'économie locale et pour les PME genevoises. Nous regrettons que le MCG et l'UDC nous proposent de façon continue ce genre de solution dangereuse, dangereuse pour la population, dangereuse pour l'économie locale, dangereuse pour la stabilité de la région.

En ce qui concerne la proposition de motion, en revanche, j'aurai quelques mots plus tendres, puisque nous aurions pu soutenir deux de ses invites qui, une fois n'est pas coutume, constituent des demandes raisonnables que nous sommes susceptibles d'émettre également, mais les auteurs n'ont pas souhaité amender leur motion pour la rendre plus acceptable. Ses deux invites raisonnables demandent d'examiner de façon plus approfondie les attributions pour les travaux de l'Etat, c'est-à-dire les marchés publics, et de s'attaquer à la sous-enchère salariale. Ce sont des propositions raisonnables, mais qui nagent au milieu d'autres invites absolument ubuesques que nous ne pouvons malheureusement pas voter. Pour les raisons invoquées, le groupe des Verts refusera en bloc les trois projets de lois et la proposition de motion. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Je ne peux pas m'empêcher de répondre à l'attaque formulée contre la gauche, qui ne ferait supposément aucune proposition concernant l'emploi - même si j'hésitais presque à reprendre la parole tant je suis lassé par ce débat qui dure depuis de nombreuses années. On a vraiment l'impression que du côté du MCG et de l'UDC, rien n'avance.

Une étude universitaire du professeur Flückiger parue il y a quelques années souligne que non, entre des dossiers de résidents genevois et frontaliers, il n'existe pas de préférence cachée pour les frontaliers; au contraire, on relève plutôt dans l'attitude des employeurs une inclination pour l'embauche locale. Je rappelle également les propos de M. Ferro-Luzzi selon qui la venue d'une main-d'oeuvre étrangère n'a pas d'impact sur les salaires, mais que ce sont plutôt les employeurs qui se laissent tenter par des démarches dangereuses et mènent des politiques salariales douteuses. Ainsi, c'est avec des systèmes qui limitent le dumping salarial, comme l'instauration d'un salaire minimum, qu'on pourra lutter contre cela.

Enfin, en dépit de la politique menée par M. Poggia, conseiller d'Etat MCG, le canton de Genève est toujours celui qui présente le taux de chômage le plus élevé de Suisse, donc ce n'est pas une réussite de la part du MCG. Il se trouve que la gauche a déposé plusieurs projets de lois en faveur de l'emploi, notamment sur le salaire minimum...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur de Sainte Marie.

M. Romain de Sainte Marie. ...sur les allocations premier emploi, sur l'apprentissage et sur la lutte contre le chômage...

Le président. Voilà, je passe la parole à...

M. Romain de Sainte Marie. ...mais non, non, on ne propose pas de solution !

Le président. ...M. Patrick Dimier pour une minute trente-huit.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais rappeler à cette assemblée que nous prêtons serment à chaque séance et que selon l'article 2, alinéa 1, de notre constitution, nous ne sommes ici que pour servir la suprême volonté du peuple. Je vous invite donc à interroger le souverain quant aux propositions que font le MCG et l'UDC, Mesdames et Messieurs, et vous verrez quelle sera sa réponse. La dernière chose que j'aimerais souligner, c'est qu'il ne faut surtout pas demander à des politiciens de résoudre les problèmes, car ce sont eux qui les causent ! (Commentaires.)

Le président. Merci. La parole... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! La parole est à M. Marc Falquet pour vingt-cinq secondes.

M. Marc Falquet (UDC). Voilà, merci. Rappelons que les Genevois sont nos frères, nos soeurs, nos enfants, Mesdames et Messieurs, nous avons l'obligation de les défendre. Mais ça, vous refusez de l'entendre, c'est tout bonnement incroyable ! Certes, notre projet de loi inscrit un nouveau droit dans la constitution, mais est-ce qu'on parle de la kyrielle de droits que vous y avez insérés ? Comment allez-vous les mettre en oeuvre si les gens ne peuvent pas travailler ? La dignité, par exemple: quelle est la dignité des gens qui ne peuvent pas travailler ? Quant à l'arbitraire...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Marc Falquet. Quant à la question de l'arbitraire...

Le président. C'est terminé !

M. Marc Falquet. Pardon.

Le président. Merci. Je donne la parole à Mme Danièle Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Ce que je retiens, c'est que nous attaquons prétendument les frontaliers, mais c'est entièrement faux.

Une voix. Ah oui ?!

Mme Danièle Magnin. Nous estimons simplement juste et équitable que nos enfants qui ne trouvent pas de places d'apprentissage, qui ne trouvent pas de stages de maturité professionnelle, qui une fois diplômés ne trouvent pas de postes, aient accès aux emplois en priorité, avant les gens qui viennent de l'autre côté de la frontière. Nous constituons une région, certes, mais avec deux ordres juridiques bien différents, et nous ne fonctionnons pas selon le leur, mais selon le nôtre, je tiens à le rappeler. Ça suffit de nous faire passer pour des populistes d'extrême droite... (Exclamations. Commentaires.) ...nous ne faisons que défendre les intérêts de nos habitants, sans dogmatisme. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci. La parole revient à M. François Baertschi pour cinquante-trois secondes.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Pour protéger les salaires, pour protéger les entreprises, il faut une préférence cantonale, il faut des frontières, on n'y échappe pas. Voilà l'enjeu pour le futur de Genève, pour donner un espoir à toutes les personnes qui ne trouvent pas d'emploi, pour donner un espoir aux jeunes qui ne voient pas d'issue à leur situation, pour donner un espoir à l'ensemble de nos citoyens qui, trop souvent, désespèrent.

Le président. Merci bien. Monsieur Pfeffer, vous avez la parole pour deux minutes vingt.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Le projet de loi 11981 «Genève d'abord !» est conforme et compatible avec le droit supérieur. Il faut rappeler que l'initiative contre l'immigration de masse a été acceptée par le peuple suisse et que son principe est désormais inscrit dans la Constitution fédérale. D'autre part, le canton du Tessin a récemment voté une initiative très similaire à notre projet de loi, inscrivant dans sa constitution les principes de contrôle et de limitation de l'immigration; il les applique à l'Etat, aux institutions publiques et à diverses sociétés liées à l'Etat, notamment la banque cantonale.

A Genève, dans certaines branches, la masse salariale globale a diminué, bien que le nombre de salariés ait augmenté. On pourrait résumer la situation ainsi: depuis l'ouverture des frontières, il y a davantage de personnes à table, mais les travailleurs ont moins dans leur assiette. A l'échelle suisse, l'immigration de ces dernières années a amené un million de personnes. Tous les partis reconnaissent que cela engendre des problèmes. Il se trouve que les emplois créés le sont majoritairement dans l'administration et certains secteurs comme la santé. Ainsi, la richesse créée dans ce pays n'a pas été à la hauteur de l'immigration. La preuve, c'est que le produit intérieur brut de la Suisse n'a pas progressé plus que celui des pays qui nous entourent.

J'en viens à ma conclusion: le système qui existe dans la Constitution fédérale et que nous aimerions reprendre dans la constitution genevoise consiste à appliquer ce qui se pratiquait auparavant et qui se pratique toujours pour les ressortissants américains, par exemple. Les Tessinois - j'en finirai par là - ont accepté l'équivalent de «Genève d'abord !» et tout le monde est satisfait, l'ensemble des partis sont satisfaits. Aucun parti, ni de gauche ni de droite...

Le président. C'est terminé, Monsieur Pfeffer.

M. André Pfeffer. ...ni les socialistes ni le PLR ne tient...

Le président. Il vous faut conclure.

M. André Pfeffer. ...à revenir sur cette... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Merci, Monsieur Pfeffer. C'est le tour du conseiller d'Etat, M. Serge Dal Busco.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je ne veux pas prolonger le débat, alors je vais simplement dire que le Conseil d'Etat partage intégralement les considérations exprimées par le rapporteur de majorité et vous invite à refuser ces quatre textes. Merci de votre attention.

Le président. Bien, je vous remercie. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 2343 est rejetée par 67 non contre 16 oui.

Mis aux voix, le projet de loi 11981 est rejeté en premier débat par 67 non contre 17 oui.

Mis aux voix, le projet de loi 11982 est rejeté en premier débat par 68 non contre 17 oui.

Mis aux voix, le projet de loi 12047 est rejeté en premier débat par 66 non contre 17 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons travaillé de façon intense durant ces deux jours: bravo ! Je vous souhaite une bonne soirée et un agréable week-end.

La séance est levée à 20h.