République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 septembre 2019 à 20h30
2e législature - 2e année - 4e session - 18e séance
PL 12197-A
Premier débat
Le président. Nous passons au point suivant, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Salima Moyard.
Mme Salima Moyard (S), rapporteuse. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne serai pas longue, mais ce projet de loi est important. Il constitue ce que nous avons appelé, dans notre jargon, l'une des «contreparties sociales» du paquet ficelé RFFA, et concerne donc la petite enfance. Pour rappel, la tâche est titanesque, il s'agit de créer rien moins que 3000 à 4000 places de crèche supplémentaires par rapport à celles qui existent aujourd'hui, et l'action des communes doit être soutenue par d'autres acteurs, notamment le canton.
Pour rappel également, cette politique est cruciale à la fois pour l'égalité hommes-femmes, l'intégration des femmes sur le marché du travail et tout simplement l'économie de notre canton. Plusieurs études ont montré qu'un franc investi dans ce domaine a une retombée économique de l'ordre de trois francs, le triple. Vous voyez à quel point cette politique doit être soignée et développée par les pouvoirs publics.
Ce projet de loi n'est rien moins que - enfin et avec deux ans et demi de retard sur le délai constitutionnel de juillet 2017 - la mise en oeuvre du contreprojet à l'initiative rose-verte sur la petite enfance. Il consacre l'entrée dans le financement des employeurs, avec un modeste prélèvement sur la masse salariale - 0,069% - pour un montant annuel estimé à 20 millions de francs. Et surtout, il ancre la participation cantonale au financement de la petite enfance, selon un mécanisme innovant et intéressant qui tient compte à la fois de la richesse et de l'effort des différentes communes dans le domaine.
De plus, la manne cantonale reste en pleines mains du Grand Conseil, ce qui a rassuré une partie de l'hémicycle: aucun budget ad hoc n'est fixé dans la loi, ce sera une ligne du budget annuel de l'Etat, nous gardons la mainmise sur la question. Nous espérons néanmoins que les partis politiques, qui devraient s'entendre ce soir dans une belle unanimité, garderont cette unanimité pour consacrer à ce domaine les montants adéquats dans le budget.
Enfin, une fondation réunira tous les acteurs autour de la table, gérera les fonds provenant de différents horizons et travaillera à l'harmonisation des données.
Ce projet de loi a abouti par un accouchement dans la douleur, après des années de travail, des avant-projets, des consultations, l'inspiration d'un premier projet de loi, le retrait d'une motion, de multiples gels, des travaux à la commission fiscale, et j'en passe. Au final, c'est une étude en profondeur qui a été faite par la commission de l'enseignement, pour aboutir à un compromis imparfait mais consensuel qui permettra de créer rapidement de nouvelles places de crèche, ce que les parents réclament à cor et à cri. Je vous remercie donc, au nom de la commission, d'accepter ce projet de loi tel qu'issu de nos travaux. (Applaudissements.)
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche entend bien la nécessité de voter cette loi sur l'accueil préscolaire ce soir afin qu'elle entre en vigueur en janvier. Notre groupe l'acceptera donc. Toutefois, dans le texte issu des travaux de commission - certes sans opposition - on n'a pas réussi à intégrer certains amendements, notamment ceux proposés par les syndicats et soutenus par la gauche. Ensemble à Gauche estime qu'il est encore temps d'améliorer cette loi afin que les structures d'accueil de la petite enfance et le personnel bénéficient de meilleures garanties concernant l'encadrement, l'évaluation, la sécurité et les conditions de travail. L'accès à l'accueil de jour doit aussi être garanti plus largement, en particulier pour les personnes au chômage.
Mais permettez-moi une parenthèse avant que je parle davantage des amendements déposés. Pour Ensemble à Gauche, il est plus que nécessaire d'augmenter le nombre de places de crèche. Notre mouvement pense même que la gratuité s'imposerait. Ce n'est pas une utopie. Regardez l'article 10 de ce projet de loi: la contribution des employeurs est fixée à la généreuse hauteur de 0,07% de la masse salariale ! 0,07%... Imposer une taxe sur la masse salariale à la seule charge des patrons, qui s'élèverait à terme à 0,5%, permettrait le financement de la gratuité des places d'accueil de la petite enfance. Cependant, vous le savez, Ensemble à Gauche est un parti d'extrême... sagesse et ne fera pas de proposition dans ce sens ce soir. Les patrons peuvent donc dormir tranquilles et apprécier le sursis que nous leur accordons.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche se contente aujourd'hui de reprendre de modestes amendements déjà évoqués en commission. Il s'agit, outre les points mentionnés en préambule, de donner une certaine consistance au partenariat social, quelque peu galvaudé ces derniers temps, il faut le dire. Objectivement, les syndicats sont absents de ce projet de loi. Or, leur présence à différents niveaux offre une garantie indispensable si l'on entend faire évoluer de manière heureuse la politique de la petite enfance.
L'évaluation du dispositif, par exemple, ne peut pas se résumer à un simple, conventionnel et habituel rapport du Conseil d'Etat sur la présente loi. Une instance composée de représentants de l'Etat, des communes, des professionnels et des syndicats offre une plus-value évidente et doit prendre la forme d'une commission cantonale.
Ce projet de loi, nous le répétons, doit être voté ce soir car cela n'a que trop traîné, nous sommes d'accord. Mais saisissons l'occasion d'apporter quelques ajouts, car si certaines choses seront présentées comme évidentes, allant de soi - c'est ce que diront nos contradicteurs - cela va mieux, vous le savez, en l'écrivant noir sur blanc dans un texte de loi, et non dans un règlement sur lequel notre parlement n'a pas de prise. Je vous remercie donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement ces quelques amendements. (Applaudissements.)
Mme Ana Roch (MCG). Comme l'a relevé la rapporteure, c'est après de longs et multiples travaux, durant plusieurs années, qu'un consensus a enfin pu être trouvé en commission. Pour le MCG, il était primordial de garder au centre des préoccupations les besoins des parents, ce qui est une demande récurrente, et aussi la volonté populaire d'augmenter les places de crèche. La création de cette fondation permettra d'adapter les offres d'accueil aux besoins, d'organiser, de planifier et de financer l'accueil préscolaire; ainsi, de garantir et de développer des mesures pour favoriser l'inclusion de tous les enfants. Pour ces raisons, le MCG soutiendra ce projet comme il l'a fait en commission. Merci.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Je ne sais pas si le vote de ce projet de loi vaudra autant le détour que le débat entre mon collègue Vanek et M. Alder ! Quoi qu'il en soit, j'ai envie de dire: enfin ! Après des années de gestation - décidément, ce soir, on n'arrête pas avec la métaphore de la maternité - nous avons sorti un projet de loi concret sur l'accueil préscolaire, un élément clé, je le rappelle, de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, un élément clé de l'égalité entre hommes et femmes, et surtout, une demande de nombreux parents de notre canton depuis des années.
Grâce à ce projet de loi vont être créés une fondation pour gérer les demandes, une formation continue de nos éducateurs, qui doit être garantie, un contrôle sur le salaire des accueillantes familiales afin d'éviter que leur travail relève plutôt de l'emploi de solidarité que d'un vrai emploi. Ce texte permet la répartition concrète des responsabilités et du financement des places d'accueil préscolaire - notamment grâce à la fameuse méchante RFFA. Et puis, surtout, ce projet de loi pose un cadre nécessaire à la mise en oeuvre rapide, efficace, d'une politique de la petite enfance qui puisse répondre au mieux aux besoins des parents.
Un mot sur les amendements. Je suis navrée qu'Ensemble à Gauche se réveille ce soir alors que cette discussion a lieu depuis 2014. Il y avait largement lieu de débattre de ce type d'amendements en commission. Certains ont été discutés, mais pour une grosse majorité, ça n'a pas été le cas. Je vous invite donc, comme la rapporteuse, à vous en tenir au consensus qui a émergé non seulement des partis politiques, mais aussi après les auditions qu'on a menées, et à soutenir ce projet de loi tel que sorti de commission, excepté pour l'amendement technique du Conseil d'Etat. Ce texte représente cinq ans de travaux: s'il y avait eu des amendements à discuter, on aurait dû le faire avant. Ce n'est pas très élégant d'en présenter en plénière. Merci, donc, de vous en tenir, comme le parti démocrate-chrétien, au projet de loi tel que sorti de commission. (Applaudissements.)
M. Grégoire Carasso (S). Si vous le permettez, j'aimerais souligner le rôle précurseur et moteur du parti socialiste dans ce projet qui vise à accompagner substantiellement les communes dans leurs efforts de création de places de crèche. Il en manque entre 3000 et 4000 actuellement, et il n'est pas trop tôt, Monsieur le président, pour que le Grand Conseil et l'Etat de Genève se mobilisent financièrement - dans des proportions qui, aux yeux du parti socialiste, restent relativement symboliques et que nous aimerions voir croître; mais il n'est jamais trop tard, et nous saluons ce résultat après tant d'années d'attente.
Il a été fait mention tout à l'heure de l'initiative 143 rose-verte et de son contreprojet voté par le peuple. J'aimerais évoquer aussi le projet de loi rédigé par Salima Moyard, aujourd'hui rapporteure sur la version du Conseil d'Etat, qui s'est largement inspiré de ses travaux. C'est là un engagement autour d'une politique publique essentielle pour les socialistes et nous soutenons le résultat de compromis sorti de commission. Je ne reviens pas sur le détail des mécanismes financiers, qui sont vraiment originaux et intéressants: ils permettent de financer les places de crèche, ils représentent un levier incitatif pour poursuivre la création de crèches, et surtout, un mécanisme redistributif fonction des capacités financières des différentes communes.
Vous l'aurez compris, certains éléments de ce compromis nous semblent insatisfaisants; nous reviendrons volontiers sur eux dans le cadre d'un projet de loi ad hoc, mais certainement pas par le biais d'amendements que nous venons de découvrir alors que nous entamons ce débat, débat qui survient - cela a été largement souligné - après des années de travaux en commission: cela n'est pas sérieux.
Je vous remercie de votre attention et vous invite à voter le projet de loi tel que sorti de commission.
M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, je me réjouis que ce projet de loi ait été sorti des extraits de l'ordre du jour. C'est tout d'abord l'occasion de remercier Mme la députée Salima Moyard pour la qualité de son rapport, mais c'est également et surtout une belle occasion de rappeler l'importance qu'accorde le parti libéral-radical à la conciliation entre la vie familiale et les obligations professionnelles. Mme Bachmann a utilisé une métaphore sur la maternité, je revendique ici au nom du PLR la maternité du projet genevois sur l'accueil continu dans notre canton.
J'aimerais aussi rappeler que c'est grâce au PLR, aussi bien à Genève qu'au niveau fédéral, que le plafond des montants déductibles des impôts au titre des frais de garde a pu être relevé. Cette réforme n'a été attaquée en référendum ni à Genève ni au niveau fédéral. Quelle a été la réponse de la Ville de Genève à cette réforme, Ville de Genève dont je rappelle que l'exécutif est à majorité de gauche et d'extrême gauche ? L'augmentation des tarifs des crèches ! Oui, Mesdames et Messieurs, en réaction au bol d'air frais fiscal offert aux familles genevoises, la Ville de Genève a décidé d'augmenter ces tarifs. C'est non seulement tondre encore plus la classe moyenne, mais c'est aussi mettre des bâtons dans les roues aux jeunes mamans qui veulent se réinsérer sur le marché du travail et compliquer la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Je serais d'ailleurs très intéressé d'entendre notre conseillère d'Etat, cheffe du DIP, sur son appréciation de cette augmentation des tarifs des crèches en ville.
Mesdames et Messieurs, plusieurs de mes préopinants l'ont dit, ce projet de loi est le fruit d'un compromis. Nous le soutiendrons, refuserons l'ensemble des amendements d'Ensemble à Gauche et approuverons l'amendement technique qui nous sera proposé. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi s'inscrit dans le contexte des votations de mai 2019 concernant la RFFA, puisqu'il fait partie d'une des mesures d'accompagnement, à savoir le soutien à l'accueil préscolaire via la contribution des employeurs. Je ne vais pas vous rappeler le contexte historique puisque cela a été extrêmement bien fait par ma préopinante - qui est aussi une excellente rapporteure - et je ne vais pas non plus vous lire l'article 2 qui définit les buts de ce projet de loi, car d'autres préopinants l'ont déjà fait.
Au coeur des préoccupations des Vertes et des Verts figure le manque de places d'accueil. Les Vertes et les Verts ont toujours soutenu les politiques de la petite enfance à tous les niveaux. Pourquoi ? Parce que les enjeux sont fondamentaux ! En effet, on sait qu'à l'heure actuelle, il manque près de 4000 places de crèche. On sait aussi que le taux d'offre était en 2017 de 28,8%; nous souhaiterions qu'il soit à 40%. On n'y est pas encore ! On sait aussi que ce projet de loi prévoit une fondation pour le développement de l'accueil préscolaire, qui va permettre de gérer un fonds, de soutenir la coordination entre les différents partenaires - Etat, communes, entreprises - et de planifier l'accueil notamment.
Au-delà de ces importantes considérations, les Vertes et les Verts saluent une des avancées de ce projet de loi qui consiste à favoriser l'inclusion de tous les enfants, y compris des enfants à besoins spécifiques, comme le mentionnent les articles 34 et 35.
A travers ce projet de loi, les enjeux principaux, pour nous, les Vertes et Verts, sont de garantir l'accès à un emploi et de réaliser dans les faits l'égalité femmes-hommes: en effet, concernant la répartition des tâches ou la conciliation entre vies professionnelle et familiale, ce sont les femmes qui sont encore les plus touchées par l'inégalité. Ce sont elles qui assument les tâches de proches aidantes en grande majorité, elles qui s'occupent de l'éducation des enfants en grande majorité aussi. Nous pensons donc qu'il faut donner les moyens nécessaires aux collectivités pour financer les places de crèche et éviter ainsi de reporter la prise en charge sur les femmes et leur travail non rémunéré et non reconnu.
En conclusion, prévoir une place en crèche pour son enfant, c'est permettre à une femme d'éviter des entraves dans sa carrière professionnelle et ne pas l'obliger à travailler à temps partiel, ce qui affecte son niveau de revenu et sa retraite. Les Vertes et les Verts voteront donc ce projet de loi, car nous pensons que le développement des places d'accueil pour la petite enfance a un impact positif sur la possibilité des femmes de mener une activité professionnelle.
Concernant les amendements, nous regrettons la manière de faire. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Les commissions sont faites pour discuter, je crois que nous avons eu suffisamment de temps pour parler d'amendements. Les Verts les refuseront malheureusement, parce qu'il y a des délais très serrés à respecter. Les accepter amènerait à prendre le risque de faire échouer ce projet de loi et de briser l'unanimité que nous avons trouvée en commission.
Le président. Il vous faut terminer.
Mme Marjorie de Chastonay. Quant à l'amendement du Conseil d'Etat, nous l'acceptons puisqu'il est technique. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, en effet, cette loi crée une véritable politique d'inclusion pour tous les enfants. Je pense que c'est une excellente chose, et mon groupe avec moi. L'accueil préscolaire sera géré par une fondation: je dois dire que notre groupe était très dubitatif à ce propos, car nous avons toujours des doutes quand on crée une nouvelle entité. Nous espérons que ce ne sera pas une nouvelle usine à gaz.
Concernant le financement, assuré en grande partie par les communes et l'Etat, je rappelle que la part des employeurs, prévue initialement à 0,04%, sera augmentée à 0,069%. N'en déplaise à certains, une fois de plus, les employeurs passent à la caisse, si j'ose dire.
Le groupe UDC acceptera l'amendement technique du Conseil d'Etat et refusera tous les autres amendements. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite réagir à l'intervention de M. Alder, dont je partage l'indignation par rapport à l'augmentation des tarifs de crèche décidée par le Conseil administratif de Genève. Je le rassure, par la voie d'une motion, nous avons refusé cette augmentation d'une manière très ferme. Il est absolument inadmissible, en effet, qu'on profite d'une baisse fiscale décidée par le canton pour la récupérer en augmentant le tarif des crèches dans une commune. Je considère comme assez scandaleux de procéder de la sorte.
J'aimerais aussi dire que le taux de couverture des crèches en Ville de Genève est de 83%: on est proche des 100%, mais il faudra encore créer dans les cinq ans qui viennent environ 600 places de crèche, ce qui coûtera à peu près 24 millions, sans parler du fonctionnement. C'est un effort que la commune fera très certainement, elle en a les moyens. Mais il n'est pas question d'augmenter les tarifs de crèche en Ville de Genève, nous ferons tout pour l'empêcher.
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'entends bien vos objections; je vous invite simplement à aller lire...
Le président. Il vous reste quatre secondes, Monsieur Baud !
M. Olivier Baud. ...parce que quand le PLR dit qu'il est prêt à accepter des amendements techniques, par exemple, l'article 5 est typiquement...
Le président. Vous avez terminé ! Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta.
M. Olivier Baud. Ce n'est pas très élégant de m'interrompre là ! Mais bon, voilà ! (Commentaires.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est en effet important. Ce texte a une histoire: il est parti d'une initiative lancée en 2009 qui souhaitait l'augmentation des places de crèche dans le canton. Le Grand Conseil avait proposé un contreprojet. La population a accepté les deux objets, mais avec une préférence pour le second: c'est donc le contreprojet qui a été à la base des articles constitutionnels sur l'accueil préscolaire, articles qui fondent le présent projet de loi.
Vous vous êtes posé la question du délai: pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Sachez que le Conseil d'Etat avait déjà proposé en 2015 un avant-projet de loi, mais ce texte a été gelé dans l'attente des discussions liées à ce qu'on appelait encore à cette époque la RIE III. Il envisageait la possibilité que les employeurs participent au financement, et le Conseil d'Etat souhaitait que ce soit évoqué dans le cadre des discussions autour de la RIE III. La RIE III n'a pas passé, il y a eu ensuite la RFFA: ceci explique le retard, mais ce projet est là, et comme il a été accepté à l'unanimité en commission, j'ose imaginer que votre parlement le votera tout à l'heure unanime aussi. C'est un projet essentiel, qui a pour but d'organiser, de planifier les choses, d'essayer d'adapter l'offre aux besoins - c'est un point important - mais aussi de garantir la qualité de l'accueil.
Vous le savez, on a un certain nombre de problèmes dans l'accueil préscolaire actuellement à Genève. Le premier est le manque de places. On l'a rappelé, malgré l'effort d'un certain nombre de communes depuis quelques années, malgré l'augmentation continuelle du nombre de places - le taux d'offre est aujourd'hui de 32% alors qu'il n'était que de 26,6% en 2014 - nous sommes encore loin du minimum de 40% qu'il faudrait pour satisfaire aux besoins. On pense qu'il manque 3000 à 4000 places, peut-être 3200, soit 1150 à Genève, 1500 dans les grandes communes suburbaines et 500 dans les petites communes. Il est donc important d'agir, aussi pour essayer d'harmoniser les choses petit à petit.
A cet égard, j'ai bien entendu le député Murat Julian Alder s'inquiéter du financement des crèches en Ville de Genève par les parents: sachez, Monsieur le député, que c'est un peu la jungle dans ce domaine, et que quand une famille déménage et change de crèche, elle peut être très surprise des tarifs ailleurs, qu'ils soient plus hauts ou plus bas. L'un des objectifs essentiels de la fondation qui va être mise en place - et j'aimerais rassurer les députés qui s'inquiètent quant à son rôle - est justement de tenter d'harmoniser les choses, de faire des propositions au Conseil d'Etat, aux communes, de publier des données, de proposer un taux d'offre, de comparer les tarifs, par exemple. Tout cela est dans ses missions.
Une autre mission essentielle, que Mme la députée de Chastonay a rappelée, est l'accueil des enfants à besoins spécifiques. Que se passe-t-il aujourd'hui dans le cas d'un enfant qui a d'importants besoins spécifiques ? On peut demander pour lui des mesures de pédagogie spécialisée, prises en charge par le canton, car cela fait partie des règles en matière de pédagogie spécialisée. Par contre, il arrive que des enfants aient des difficultés qui ne sont pas suffisantes pour bénéficier de ces mesures cantonales, ce qui a pour résultat que ces enfants peuvent être rejetés d'une crèche, qui dira: «On n'a pas les moyens, ça nous coûte trop cher d'affecter du personnel en plus, spécifique, pour tel enfant.» Eh bien, la fondation aura un budget pour pouvoir donner des moyens à des crèches ou à des structures d'accueil adaptées à ce type d'enfants.
Enfin, rappelons qu'avec cette loi, le canton va entrer dans le financement de la petite enfance. Cette entrée du canton dans le financement et la part prévue des employeurs de 0,07% rendront très vite possible, dès le 1er janvier 2020, d'allouer des moyens supplémentaires qui devraient déjà permettre de créer plusieurs centaines de places.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, l'essentiel. Je vous invite à soutenir ce beau projet, ce projet d'avenir - on le sait, les enfants sont notre avenir, une société sans enfants est une société qui se meurt. Nous devons soutenir les familles, surtout dans un canton comme Genève, où dans la plupart des couples, les deux conjoints travaillent. Si on veut favoriser les carrières des femmes, il faut favoriser l'accueil préscolaire.
Je vous demande enfin de ne pas soutenir les amendements de M. Baud et d'Ensemble à Gauche. M. Baud a tout loisir de les redéposer sous forme de projet de loi s'il le souhaite, la commission de l'enseignement du Grand Conseil s'en saisira sans doute. Je vous invite à soutenir seulement l'amendement purement technique que le Conseil d'Etat présente à l'article 42. Merci de votre attention.
Le président. Merci. Nous passons au vote d'entrée en matière. (Remarque de M. Olivier Baud.) Vous n'avez plus de temps, Monsieur Baud, vous avez dépassé vos trois minutes ! Le vote est lancé.
Mis aux voix, le projet de loi 12197 est adopté en premier débat par 93 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 3.
Le président. Je passe la parole à Mme Salima Moyard.
Mme Salima Moyard (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste préciser une chose en tant que rapporteure de majorité: ce qui est proposé ce soir par Ensemble à Gauche n'est pas très sérieux ! Aucun des amendements qui vous sont soumis n'a été présenté par ce groupe en commission. Un seul y a été discuté, qui ne fait pas partie de ceux-ci. Des amendements sont de rang réglementaire, un autre, que j'avais d'ailleurs proposé, a été refusé - on pourrait éventuellement imaginer le reproposer ici. Mais surtout, nous avons travaillé durant dix-sept séances de commission sur cinq ans. J'invite donc Ensemble à Gauche à revenir avec un nouveau projet de loi s'il le souhaite, ou bien il faudrait renvoyer le texte en commission... (Commentaires.)
Une voix. Non !
Mme Salima Moyard. ...et ce n'est pas possible, je voulais l'ajouter, pour la simple et bonne raison que si on veut une entrée en vigueur de ce projet de loi et notamment de la ponction sur la masse salariale le 1er janvier 2020 avec la mise en fonction de la fondation et le transfert à celle-ci de l'argent nécessaire notamment de la part des employeurs, ce projet de loi doit absolument être voté durant cette session. Il n'est donc absolument pas possible de le renvoyer en commission. Par conséquent, j'invite Ensemble à Gauche à retirer ses amendements. (Applaudissements.)
Le président. Merci. A l'article 4, nous sommes saisis de l'amendement suivant de M. Baud:
«Art. 4 Accès à l'accueil de jour, al. 4, 5 et 6 (nouveaux)
4 Les parents qui sont demandeurs d'emploi inscrits auprès de l'OCE, sont en formation, bénéficient d'une mesure de l'Hospice ou de l'AI, ont une activité indépendante et sont inscrits auprès d'une caisse de compensation, sont considérés comme des personnes ayant une activité professionnelle.
5 Les structures d'accueil sont tenues d'offrir des places d'accueil temporaires afin de répondre aux besoins ponctuels de parents ne nécessitant pas une place en permanence.
6 Dans la mesure du possible, les parents ayant déjà un enfant placé dans une structure d'accueil sont prioritaires lorsqu'ils désirent y placer un autre enfant.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 83 non contre 8 oui.
Mis aux voix, l'art. 4 est adopté.
Le président. A l'article 5, nous avons un autre amendement de M. Baud:
«Art. 5 Rôle du canton, al. 1 (modification)
1 Le canton autorise et surveille les structures d'accueil préscolaire, les structures de coordination, ainsi que [...]»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 84 non contre 9 oui.
Mis aux voix, l'art. 5 est adopté, de même que les art. 6 à 8.
Le président. Ensemble à Gauche propose ensuite un amendement à l'article 9:
«Art. 9 Financement par le canton, al. 3, lettre b (modification)
b) le montant par place subventionnée en structures de coordination de l'accueil familial de jour, correspondant à 80% du montant visé à la lettre a.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 8 oui et 16 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 9 est adopté, de même que les art. 10 à 29.
Le président. Nous passons à l'amendement d'Ensemble à Gauche sur l'article 30, qui consiste à supprimer l'alinéa 7. Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 83 non contre 8 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 30 est adopté, de même que l'art. 31.
Le président. Nous votons à présent sur l'amendement d'Ensemble à Gauche à l'article 32:
«Art. 32 Personne pratiquant l'accueil familial de jour à titre dépendant, al. 2 et 3 (nouvelle teneur), al. 4, 5 et 6 (nouveaux)
2 Le tarif de l'accueil familial de jour est fixé par la structure de coordination, selon les articles 9 et 11 de la loi.
3 Les structures de coordination proposent aux parents des places chez les personnes autorisées à pratiquer l'accueil familial de jour, gèrent les montants payés par les parents ainsi que les subventions. Elles collaborent avec les autorités et organisent la formation continue des personnes pratiquant l'accueil de jour.
4 Le département autorise et surveille les structures de coordination de l'accueil de jour sur le territoire cantonal.
5 La délivrance et le maintien de l'autorisation d'exploitation d'une structure de coordination sont subordonnés:
a) Au respect des normes relatives à la sécurité des bâtiments et des installations destinés à recevoir des enfants.
b) Au respect des normes d'encadrement des enfants en cas d'accueil collectif.
c) Au respect des normes relatives aux qualifications personnelles et professionnelles des responsables de la structure et du personnel éducatif.
d) A la collaboration avec les services publics compétents.
e) Au respect par l'exploitant d'une convention collective de travail pour le personnel de la structure ou du statut du personnel de la collectivité publique dont la structure fait partie, ou des conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève, au sens de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004.
f) A l'existence d'une base économique sûre.
6 Le règlement précise les conditions d'autorisation.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 85 non contre 8 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 32 est adopté, de même que les art. 33 à 35.
Le président. Ensemble à Gauche propose un dernier amendement. Il s'agit d'un nouvel article 35A:
«Chapitre IX Evaluation du dispositif
Art. 35A Commission cantonale (nouveau)
1 Une commission cantonale de la petite enfance est instituée.
2 Elle a pour but d'assister le département et les communes dans la mise en oeuvre de la présente loi et dans leur réflexion sur tous les aspects de la politique de la petite enfance.
3 Elle est composée de représentants de l'Etat, des communes, des professionnels concernés, des milieux de la petite enfance et des syndicats.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 80 non contre 8 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, les art. 36 à 41 sont adoptés.
Mis aux voix, l'al. 1 de l'art. 42 (souligné) est adopté, de même que l'al. 2.
Le président. A l'article 42 souligné, le Conseil d'Etat présente un amendement consistant à biffer l'alinéa 3, qui modifie la loi sur l'accueil et le placement d'enfants hors du foyer familial. Je lance le vote.
Mis aux voix, cet amendement (biffage de l'al. 3 de l'art. 42 souligné) est adopté par 87 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 42 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12197 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 93 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)