République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du mardi 9 avril 2019 à 17h
2e législature - 1re année - 11e session - 63e séance
PL 12183-A
Suite du premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux sur le PL 12183-A entamés lors de la dernière session. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Le rapporteur de majorité, M. Jacques Béné, est remplacé par M. Serge Hiltpold, à qui je passe la parole.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Si mes souvenirs sont bons, nous avions commencé ce débat lors de la précédente session avec un renvoi en commission en raison d'un préavis de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage. C'est mon collègue Jacques Béné qui avait demandé le renvoi de ce projet de loi à la commission des travaux, proposition que je reformule maintenant: Monsieur le président, je sollicite formellement le renvoi en commission.
Le président. Bien, merci. Avant de mettre cette requête aux voix, je donne la parole aux différents rapporteurs de minorité. Le premier à s'exprimer est M. François Lefort.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Ce préavis défavorable de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage est tombé à pic lors de la dernière session, nous évitant de faire une grosse bêtise. Je vais citer quelques extraits de ce document de sept pages, parce qu'il faut en avoir connaissance. On trouve des éléments importants dans la conclusion:
«Sur la base des documents fournis, de la visite des lieux de la délégation de la CFNP et au vu de ce qui précède, la CFNP arrive à la conclusion que le projet de Route L1 induit la destruction complète et porte donc une atteinte importante à la voie historique d'importance nationale GE 4 qui n'est pas compatible avec les buts de protection de l'article 6 OIVS et de l'article 6 LPN. Du point de vue de l'objet figurant à l'Inventaire des sites de reproduction de batraciens d'importance nationale, la CFNP est d'avis qu'il est nécessaire d'étudier une variante hors objet OBat, par exemple passant au sud de l'objet, variante qui serait la plus à même d'éviter tout impact sur l'objet OBat, étant donné que les années de chantier nécessaires à la variante choisie auront vraisemblablement un impact important sur des populations d'amphibiens déjà fragilisées. [...] La CFNP rejette les avant-projets pour les liaisons routières L1 et L2 présentées et demande l'élaboration d'une nouvelle variante permettant d'assurer la sauvegarde de la voie historique d'importance nationale ainsi que de l'objet OBat.»
Voilà en quelques lignes les conclusions principales de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage qui, vous le comprenez, Mesdames et Messieurs, a définitivement et doublement enterré ce projet de liaisons L1-L2 en voie semi-couverte, préconisant au mieux, pour le deuxième enterrement, une variante entièrement souterraine. Ce sera donc un autre projet de loi d'investissement, il sera précédé d'un autre projet de crédit d'étude qui sera nécessaire pour aboutir à un autre ouvrage, si le Conseil d'Etat veut persévérer dans une solution routière pour cette région. A la lumière de ces conclusions, il n'existe aucune raison valable de renvoyer le projet de loi en commission, et nous vous proposons donc de ne pas l'y renvoyer, mais de faire ensemble le deuil de ces liaisons L1-L2...
Le président. Voilà, merci...
M. François Lefort. ...telles que proposées dans le présent projet de loi. Vous l'aurez compris, nous ne renverrons pas ce texte en commission.
Le président. Nous avons bien compris votre position, vous l'avez abondamment étayée. Je cède maintenant la parole à M. Thomas Wenger.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, en ce qui concerne le renvoi en commission, j'abonde dans le sens de M. Lefort, rapporteur de première minorité. Pour nous, le préavis de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage est extrêmement important, mais il sert surtout de prétexte à la majorité pour renvoyer le projet en commission afin de l'y enterrer jusqu'aux élections fédérales, c'est clair. Pour la deuxième minorité, il faut prendre une décision aujourd'hui: nous disposons de l'ensemble des éléments pour ce faire, il est donc exclu de renvoyer ce projet de crédit en commission.
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de troisième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pour Ensemble à Gauche, la situation est claire: le Grand Conseil avait la possibilité, le 22 mars déjà, d'écarter ce projet à 122 millions, et la manoeuvre dilatoire de renvoi en commission a échoué, alors arrêtons de perdre du temps, Mesdames et Messieurs les députés: votons, refusons ce projet et arrêtons de solliciter des renvois qui ne se justifient en rien. Merci.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, au nom du Conseil d'Etat, je soutiens le renvoi en commission pour les raisons que j'avais indiquées la dernière fois. Les éléments mis en évidence par la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage apportent un nouvel éclairage sur le projet, et je pense que l'examen attentif de ce préavis par les commissaires avec l'appui des services de mon département nous permettra de voir les choses sous un autre angle. En commission, il sera possible d'orienter différemment cet ouvrage qui, aux yeux du Conseil d'Etat, garde tout son sens. Aussi, je vous invite à suivre l'avis du rapporteur de majorité et à renvoyer le projet en commission.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous prie de vous prononcer sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12183 à la commission des travaux est rejeté par 52 non contre 40 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat. La parole revient à M. Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, nous sommes tous attentifs aux manifestations qui ont lieu en ce moment dans toute l'Europe, exigeant des autorités et des politiciens des mesures très concrètes. J'ai pris connaissance - comme vous, je l'espère - des revendications du mouvement européen pour l'urgence climatique et contre le capitalisme; l'une d'elles m'a extrêmement frappé, celle de ne plus construire de routes à partir d'aujourd'hui. Nous avons maintenant l'occasion d'emboîter le pas, si j'ose dire, aux manifestants de toute l'Europe et du monde pour protéger l'environnement, nous pouvons accomplir un acte symbolique en refusant cette nouvelle route. Je vous engage à le faire et je vous remercie de votre attention.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. J'aimerais revenir sur le préavis de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage qui est très instructif. Renvoyer cet objet en commission ne constitue absolument pas une manoeuvre dilatoire. L'idée, c'était de mener des travaux en commission, de faire ce pour quoi elle se réunit, à savoir ressortir et analyser les différentes variantes, procéder à une audition des personnes qui représentent la commission fédérale, entendre le Conseil d'Etat. Comme l'a dit M. Dal Busco, il s'agit de déterminer d'un point de vue financier quelles versions du projet seraient préconisées dans le préavis, d'examiner ce document de manière objective.
A mon sens, sa conclusion ne constitue pas forcément un enterrement de première classe. M. Lefort l'a citée tout à l'heure: «La CFNP rejette les avant-projets pour les liaisons routières L1 et L2 présentées et demande l'élaboration d'une nouvelle variante permettant d'assurer la sauvegarde de la voie historique d'importance nationale ainsi que de l'objet OBat.» A un moment donné, Mesdames et Messieurs, il faut être constructif; nous prenons acte de ce rapport qui arrive tout à fait à propos avant le vote, j'en conviens, et il faut l'étudier objectivement.
Maintenant, il est intéressant d'observer diverses mesures prises dans les communes par rapport à cette route. Pas plus tard qu'aujourd'hui, j'ai constaté dans le village d'Arare, dans la commune de Plan-les-Ouates, des mesures de restriction de la circulation du lundi au vendredi entre 6h30 et 9h, puis 16h et 19h, à l'exception des cycles, livraisons et du trafic agricole. La question qu'il faut se poser, au-delà du grand débat relatif au climat, c'est de quelles compétences les communes disposent pour fixer des réductions de circulation sur leurs routes, alors que ces mêmes communes s'opposent aux transferts de trafic présentés dans le projet de liaisons L1-L2. J'ai l'exemple en photo ici, vous pouvez aller constater par vous-mêmes à Arare.
A un moment donné, il faut trouver des solutions. Tout le monde ne peut pas circuler à vélo - je pense être la personne de ce parlement qui roule le plus à vélo toute l'année, donc je ne suis absolument pas... (Commentaires.) Ah, mais venez vérifier, venez vérifier ! Ce n'est absolument pas orienté, vous devez simplement admettre qu'il y a des personnes qui utilisent leur véhicule. Vous ne pouvez pas d'un côté accepter des prérogatives communales en matière de restriction du trafic et, de l'autre côté, balayer toute construction de routes alors que des transports publics sont prévus sur celles-ci. Des deals ont été conclus dans le quartier des Esserts, dans celui des Vergers avec des routes supplémentaires.
Vous voulez densifier, mais à un moment donné, il faut quand même avoir des axes routiers, même s'il ne s'agit pas de tout bétonner. C'est un faux débat que d'enterrer le projet de liaisons L1-L2 à Genève-Sud, et je vous demande véritablement de le renvoyer en commission afin de faire un travail constructif; je réitère donc ma demande de renvoi. Merci.
Le président. Nous sommes à nouveau saisis d'une demande de renvoi en commission que je soumets aux votes... A moins que les rapporteurs...
Une voix. Non, ils ont déjà tout dit !
Le président. Est-ce que quelqu'un parmi les rapporteurs veut reprendre la parole ? (Remarque.) Oui, Monsieur Wenger, allez-y.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, on a bien compris la tactique du rapporteur de majorité, qui va demander quinze fois le renvoi en commission. Il y a déjà eu une majorité claire contre le renvoi en commission, on va revoter et il y aura à nouveau une majorité claire. Soyez fair-play, menons le débat et nous verrons bien le résultat à la fin. Merci.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Les choses sont très claires: la commission fédérale exige un autre projet. Ici, nous avons un projet d'investissement extrêmement précis qui explique à quoi vont servir ces 122 millions. Or ce projet ne sera pas possible, il n'y a donc aucune raison de le renvoyer en commission. Charge au Conseil d'Etat, s'il souhaite poursuivre le processus, de présenter une variante à la CFNP. Nous sommes évidemment opposés à ce renvoi en commission, et j'espère que le rapporteur de majorité en tiendra compte et s'abstiendra de nous faire voter trente-six fois là-dessus, parce que le résultat sera toujours le même.
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de troisième minorité. Monsieur le président, j'avais demandé la parole pour faire ma présentation en tant que rapporteur de minorité, mais je partage l'avis de MM. Lefort et Wenger.
Le président. Bien, nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12183 à la commission des travaux est rejeté par 51 non contre 44 oui.
Le président. Je salue dans le public une classe d'élèves du collège Sismondi qui viennent assister à notre séance dans le cadre d'un cours d'éducation citoyenne, accompagnés de leur enseignant, M. Manuel Barranco. (Applaudissements.) La parole échoit maintenant à M. François Lefort qui peut poursuivre son argumentation.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous entrons à présent dans le débat, nous allons discuter en détail de ce projet de loi et vous allez comprendre pourquoi notre groupe s'y oppose. Les Verts, vous le savez - nous l'avons déjà expliqué lors de la dernière session - considèrent qu'il est prioritaire de résoudre les problèmes de mobilité, d'accélérer le développement des transports publics, de la mobilité douce et aussi du ferroviaire, et surtout d'agir immédiatement plutôt que de faire miroiter des solutions de facilité fort coûteuses - c'est le cas de ce projet de loi - qui ne vont qu'aggraver les nuisances du trafic automobile en ville.
Or c'est exactement ce qu'amène ce projet de liaisons routières L1-L2 qui seront connectées à l'autoroute par une tout aussi inutile et coûteuse jonction autoroutière pour un prix total de 200 millions, il faut quand même le souligner. Oui, 200 millions dont 122 millions pour deux kilomètres de route semi-couverte et une jonction autoroutière. C'est tout de même très cher ! Les Verts sont pour des solutions réalistes à mettre en oeuvre dès maintenant et moins coûteuses que la construction de pénétrantes destinées à augmenter la circulation dans toute la ville, des pénétrantes qui, vous le savez, ont ensuite pour conséquence d'engluer les transports publics et de réduire leur vitesse commerciale.
Les solutions réalistes, ce sont les transports publics, la mobilité douce, le transport ferroviaire, bref, le programme que, comme je vous l'ai rappelé lors de la dernière session, le Grand Conseil a décidé de mettre en oeuvre et pour lequel rien ne s'est passé depuis le vote des financements de la loi H 1 50 il y a six ans. Nous le répétons: nous, les Verts, sommes des gens simples et nous nous contenterons de ce qui est déjà acquis, de ce qui est déjà décidé, voilà la vraie priorité. Tous les projets votés en 2013 constituent la solution pour aujourd'hui, nous devons les réaliser le plus vite possible malgré le retard, plutôt que de revenir à des solutions des années 60, c'est-à-dire construire des routes qui ne fonctionneront que comme des aspirateurs à voitures et qui entreront en compétition, s'agissant des finances, avec les projets de transports publics et de mobilité douce, comme c'est le cas de ce projet.
Il s'agit d'un vieux projet dont on trouve des traces dans des plans datant de 1959 ! Si on ne l'a pas concrétisé depuis 1959, eh bien il n'y a aucune raison de le faire actuellement, ça signifie qu'il est inutile. C'est le projet d'une époque où on s'imaginait vraiment que l'objectif était d'amener les voitures au centre-ville par de grands axes routiers, et c'est en partie ce dont on a hérité aujourd'hui. Voilà le genre de projet que le Conseil d'Etat est capable de nous proposer en 2019, alors que la loi sur la mobilité douce votée en 2011 n'est toujours pas appliquée. Or plutôt que d'y remédier, on nous propose de jeter 122 millions de francs par les fenêtres ! Ces 122 millions de francs pourraient servir à créer 200 kilomètres de pistes cyclables, voire un tram pour Vésenaz ou Veyrier, des voies envisagées pour le futur et dont on pourrait accélérer la réalisation. Ce projet gaspille les ressources publiques, et c'est pour cette raison que nous le refuserons.
Nous suivons ainsi les préavis négatifs de la commission consultative de la diversité biologique et de celle des monuments, de la nature et des sites, nous soutenons les positions du WWF Genève, de Pro Natura Genève et des associations d'habitants pour la sauvegarde de La Chapelle et de La Goulette qui ont mis en exergue le danger de dégradation de l'environnement dans la zone naturelle de la Bistoquette, qui constitue une réserve nationale. Concernant l'impact sur l'environnement, ce projet touche trois zones à haute valeur biologique dont l'une a été renaturée à grand renfort d'investissements comme mesure de compensation lors de la construction de l'autoroute de contournement. Si ce projet de loi est voté, on va la détruire, ce qui nécessitera de la compenser ailleurs, et ce sera à la fois compliqué et cher - un coût qui n'est même pas compris dans ce projet de loi.
Voilà, Mesdames et Messieurs, toutes les raisons pour lesquelles les Verts s'opposent à ce projet qui fleure bon les idées simples des années 60, qui porte en lui l'aggravation des problèmes de trafic dans cette région et qui soustrairait des moyens aux priorités que sont pourtant la mobilité douce et les transports publics. Nous préconisons de rejeter ce projet de loi et de nous concentrer sur la réalisation de tous les projets pour lesquels nous sommes d'accord. C'est la position des Verts ce soir. Je vous remercie.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, nous parlons aujourd'hui de deux crédits pour un total de 122 millions de francs, et pour quoi faire ? Pour construire deux nouvelles routes dans la région de Genève-Sud, les fameuses liaisons L1-L2... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député. Je demande le silence dans la salle ! J'entends presque distinctement les personnes qui parlementent au fond et à peine quelqu'un qui se trouve à un mètre cinquante de moi. Merci de vous taire, Messieurs. C'est à vous, Monsieur Wenger.
M. Thomas Wenger. Merci, Monsieur le président. Il s'agit donc de deux nouvelles routes dans la région de Genève-Sud, les fameuses liaisons L1-L2, ainsi qu'une jonction autoroutière à Lancy-Sud.
On l'a dit à plusieurs reprises lors des nombreux débats menés ces derniers temps au sein de ce Grand Conseil - sur la traversée autoroutière du lac, sur le trafic aérien - les jeunes qui nous écoutent, les jeunes qui sont là ou dans la rue en train de manifester pour protéger le climat et la planète attendent des décisions claires de la part des personnes pour qui ils ont voté - ou pas, mais qui les représentent au niveau politique - et j'en vois ici qui hochent la tête. C'est à nous, Mesdames et Messieurs, de prendre des décisions claires sur les infrastructures, sur les projets de mobilité.
La gauche, le parti socialiste, les Verts et Ensemble à Gauche, rejoints par le MCG et peut-être, je l'espère, une partie du PDC - parce que si le PDC change de discours et prend un virage vert, on veut aussi le voir dans les votes, pas seulement dans les discours et les programmes pour les élections fédérales - vous proposent de refuser ces 122 millions, de vous montrer cohérents avec vos discours et d'investir massivement dans une mobilité plus durable, et non plus dans une mobilité carbone qui fait la part belle à la voiture.
Le canton de Genève, Monsieur le président, vous le savez, s'est doté d'un concept cantonal du développement durable qui contient un certain nombre de chiffres. Je n'en citerai que quelques-uns: 635 000, Mesdames et Messieurs, c'est le nombre de déplacements par jour aux frontières de notre canton, qui sont réalisés à 86% par des véhicules individuels motorisés; et à l'intérieur de ces véhicules individuels motorisés - qu'on va appeler voitures, pour faire plus simple - il y a en moyenne 1,2 personne. Imaginez ce que ça représente en termes de trafic, d'environnement, de pollution. Et que nous dit ce document ? Que le canton de Genève prend le cap d'une société post-carbone et s'engage à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% d'ici 2030 et à favoriser une mobilité sobre et plus durable.
Or, aujourd'hui, le Conseil d'Etat et la droite de manière générale - on verra les votes par la suite - nous proposent de voter des crédits routiers à hauteur de 122 millions ! Pour nous, c'est absolument incompréhensible: on ne peut pas publier une stratégie cantonale de développement durable - il y a aussi le concept Environnement 2030 qui reprend un certain nombre d'éléments - et, dans le même temps, continuer à présenter des projets routiers comme ceux-ci ou comme la traversée autoroutière du lac.
Il existe de nombreux modes alternatifs de déplacement: mobilité douce, développement des transports publics, notamment du ferroviaire. Vous savez qu'en décembre de cette année, notre nouveau RER, le Léman Express, sera enfin inauguré, et Unireso sera remanié pour rabattre un certain nombre de lignes sur les différentes gares. A plus long terme, il y a le projet pour relier Genève à Saint-Julien afin de répondre à la forte demande en matière de mobilité pour toute la population de l'agglomération - ce sont environ 100 000 personnes qui habitent dans la région large de Genève-Sud.
Nous devons développer une mobilité plus durable. Pour ce faire, Mesdames et Messieurs, il faut investir dans les infrastructures, dans l'exploitation, et ce n'est pas en injectant 122 millions dans de nouveaux projets routiers que nous allons encourager une mobilité plus durable. L'urgence climatique exige une action immédiate, j'aime bien le rappeler, et cette action immédiate doit être concrétisée aujourd'hui dans nos votes. Je le répète: les jeunes et les moins jeunes attendent des réponses politiques claires.
Comme l'a énoncé mon collègue François Lefort, ce projet date des années 60; j'avais noté des années 80, mais ça revient au même, à savoir qu'il s'agit d'un projet anachronique et rétrograde, qui plus est néfaste pour l'environnement et source de pollution à la fois atmosphérique et sonore. Le préavis de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage va dans le sens de ce qui est martelé depuis longtemps par les nombreuses associations de protection de l'environnement qui se battent contre ce projet, rappelant d'une part que l'itinéraire Genève - Carouge - Croix-de-Rozon, en tant que tracé historique, est classé objet d'importance nationale, d'autre part que les sites de reproduction des batraciens de la Bistoquette et du Paradis sont d'importance nationale également et présentent une valeur écologique élevée; bien entendu, nous ne pouvons pas détruire ces écosystèmes précieux en construisant de nouvelles routes à cet endroit.
C'est pourquoi la minorité, le parti socialiste, la gauche, le MCG - et, comme je l'ai dit avant, j'espère une partie du PDC - refuseront ces 122 millions, rejetteront des projets routiers d'un autre temps pour investir dorénavant dans une mobilité douce et plus durable. Merci. (Applaudissements.)
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la stratégie de la droite consiste à mettre en avant le préavis de la commission fédérale en faisant croire que cette nouveauté redonnera pleine actualité à ces projets de routes; c'est une tromperie ! Le projet de liaisons routières au sud du canton date du siècle passé, des années 60, et a donc bientôt soixante ans. On ne s'en souvient pas forcément, parce qu'il a disparu pendant des années, on n'en parlait plus, puis il a ressurgi à intervalles réguliers et prend maintenant la forme des liaisons dites L1-L2.
Or il s'agit d'un compromis «bout de bois» avec des tronçons semi-enterrés, d'autres en surface, et qui a le mérite - il faut le dire haut et fort, Mesdames et Messieurs les députés - de ne contenter personne, sauf celles et ceux qui n'ont pas encore réalisé que l'ère de l'expansion du trafic automobile sans limites est révolue. Ces nouvelles infrastructures routières, si elles étaient réalisées, ne permettraient au mieux qu'à des milliers de bagnoles de s'agglutiner sur l'autoroute de contournement ou, pire encore, de créer davantage d'embouteillages au centre-ville.
A l'époque du CEVA, du Léman Express, du développement nécessaire des transports publics et de la mobilité douce, Genève n'a pas besoin d'un concept aussi passéiste de la mobilité. Je vous rappelle que notre canton a été pointé du doigt pour l'enfer qu'il fait vivre à ses cyclistes, il y a donc urgence à réaliser des pistes cyclables sécurisées - ainsi que des voies piétonnes, parce qu'il ne fait pas bon non plus être piéton à Genève. Par ailleurs, il y a un vrai besoin de préserver la biodiversité et la nature dans notre canton dont le territoire est assez exigu, et ces routes dispendieuses, polluantes, destructrices pour l'environnement doivent être oubliées - définitivement, cette fois.
Mesdames et Messieurs les députés, je le répète: le Grand Conseil avait la possibilité d'écarter ces projets le 22 mars dernier, ne perdons pas trop de temps maintenant et refusons-les à une belle unanimité, ou du moins à une belle majorité, si c'est possible; le peuple genevois nous en sera reconnaissant. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Pour le groupe MCG, ce projet a des défauts irrémédiables. D'abord, il s'agit d'un projet sectoriel qui ne s'inscrit pas dans une vision d'ensemble garantissant des solutions efficaces aux problèmes de mobilité, notamment à l'afflux excessif de trafic venant de France voisine; au contraire, on crée une autoroute à frontaliers ! Il serait judicieux d'instaurer un péage urbain à l'entrée de Genève, comme le MCG le propose depuis de nombreuses années. Sans incitation forte à limiter l'arrivée de voitures frontalières, on ne résoudra jamais ce problème qui doit impérativement être traité à la source.
Ensuite, ce funeste projet va encore accroître la circulation qui crée des bouchons de manière structurelle à l'extrémité de la route des Jeunes et sur d'autres pénétrantes importantes du sud du canton; on se retrouvera avec un phénomène d'entonnoir que l'on remplit sans fin, alors que nous connaissons déjà une saturation endémique.
Enfin, ces routes, si on les réalise - sachant qu'il aurait fallu les enterrer, et non concevoir des tronçons en plein air, comme c'est le cas - vont engendrer une détérioration du cadre de vie et de l'environnement naturel dans des communes de notre canton que l'on a tendance à ne pas prendre en considération, malheureusement. Face à tous ces défauts, le groupe MCG s'opposera résolument à ce projet de loi, car il ne veut pas d'un aspirateur à frontaliers nuisible aux habitants.
Mme Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, il y a ceux qui regardent vers l'avenir et ceux qui sont restés coincés au XXe siècle du «tout à la voiture», dont le parti socialiste ne fait résolument pas partie. Ce projet, cela a été dit, date des années 60, quand on construisait des routes partout et que l'on concevait l'aménagement en ne pensant qu'à elles. Mais en 2019, on n'investit pas pour de nouvelles routes, on investit pour des axes de transports publics, y compris transfrontaliers, on crée des P+R, on diminue le nombre de véhicules, on n'augmente pas les axes routiers, car les études le prouvent: plus de routes, c'est plus de bouchons, mais jamais de décongestion.
Cet axe fonctionnera comme un aspirateur à voitures en direction de Carouge et Lancy via la route de Saint-Julien, l'avenue des Communes-Réunies et la route des Jeunes. On aura une nouvelle pénétrante qui arrivera sur un secteur déjà complètement engorgé. Résultat, des bouchons qui remonteront à travers Troinex, Plan-les-Ouates et Veyrier. On se réjouit déjà !
Un autre aspect qui a moins été évoqué jusqu'à maintenant, c'est le chantage fait aux communes, car il n'y a pas d'autre mot. «On fera la route de toute façon», a dit le Conseil d'Etat. «Vous, les communes, choisissez ou non de payer les surcoûts pour l'enterrer.» C'est assez intéressant à l'heure où la droite nous rebat les oreilles avec le désenchevêtrement des tâches, M. Longchamp en tête lors de la dernière législature. Les communes se retrouveraient à payer pour une route cantonale, qui plus est en dehors de leur territoire communal; on croit rêver ! Elles ont malheureusement cédé au chantage, probablement par impuissance, en se disant qu'il fallait éviter le pire, c'est-à-dire la route à ciel ouvert.
Mais les 10 millions des communes prévus dans le budget total de 122 millions - vous me direz, ça n'en représente qu'une petite partie - ne sont pas encore acquis, puisque Plan-les-Ouates veut la variante enterrée - alors que c'est la semi-enterrée qui a été retenue - et qu'elle réfute le tracé. Lancy et Troinex, quant à elles, n'acceptent leur part que si toutes les autres communes participent aussi, et Veyrier conditionne sa participation à huit critères. Autant dire que c'est un dangereux château de cartes qui risque de s'effondrer bien vite - et tant mieux, en ce qui concerne le PS.
Sur le fond, ces routes sont un sabotage. Un sabotage de la mobilité, tout d'abord. Comme le dit notamment l'association «L1-L2, non merci» - elle porte bien son nom - ce serait un véritable sabotage du Léman Express et de la redistribution de la mobilité qu'il faut en attendre. Pour rappel, la gare de Lancy-Bachet est à un jet de pierre du début du tracé de ces routes. Attendons au moins de voir la révolution de la mobilité qui en découlera et qui nous est promise par le conseiller d'Etat !
Sabotage ensuite, cela a été relevé, de la réserve naturelle de la Bistoquette, zone de nature préservée avant l'entrée en ville, zone renaturée en 1998 - bon, c'est vrai que c'est déjà vieux, autant tout jeter - et surtout zone protégée au niveau fédéral en raison des batraciens. La route passerait en plein milieu des zones de migration des batraciens entre les étangs et la forêt. Sabotage encore pour les riverains: pollution de l'air, bruit, vibrations, la variante semi-enterrée n'évitera pas tous ces impacts négatifs.
Sabotage également des mesures d'accompagnement qui nous ont tant été vantées, mais qui ne sont que du vent. En effet, elles ne sont pas directement dépendantes du projet et seront donc reportées aux calendes grecques, faute de moyens. On connaît déjà la chanson, tellement ressassée par le passé dans de trop nombreux dossiers. Sabotage historique, enfin: selon le nouvel avis de l'OFEV qui nous a été fourni, on saccagerait une ancienne voie de communication.
Ce projet n'est pas mûr, puisque la variante enterrée n'a pas été sérieusement étudiée, mais seulement évoquée et trop rapidement écartée. Quelle solution alternative, alors ? Eh bien c'est simple: pour le PS, enterrées, semi-enterrées ou ouvertes, dans tous les cas, nous ne voulons pas de ces nouvelles routes. On peut faire bien mieux avec cet argent, on peut créer des pistes cyclables et enfin mettre en oeuvre l'initiative 144, on peut construire le barreau sud ferroviaire pour le transport de personnes, de nouveaux trams, des BHNS, des télécabines, mais pas des routes.
Parce que les corridors biologiques ne doivent pas être détruits au profit de tunnels à voitures, parce que la mobilité du XXIe siècle, ce n'est pas la route des années 60, pour toutes ces raisons, le parti socialiste vous enjoint catégoriquement de refuser ce projet de loi. Et si, par impossible, il devait néanmoins passer ce soir - mais je pense que ce ne sera pas le cas - c'est devant le peuple que nous nous battrions pour le faire annuler. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, de nouvelles routes apportent de nouvelles voitures: c'est une logique qui se vérifie lors de tout nouvel aménagement routier, et le projet de liaisons L1-L2 n'échappe pas à la règle. Ces pénétrantes, car il s'agit de vrais boulevards, créeront plus de trafic vers le centre des agglomérations, un phénomène qui générera non seulement des nuisances pour les habitantes et habitants, mais également de nouveaux bouchons en plus des embouteillages que Genève connaît naturellement.
Pour répondre à M. Hiltpold - vous transmettrez, Monsieur le président - pas besoin de nouveaux axes, il suffit de libérer les routes actuelles de leur trafic individuel motorisé pour y aménager des transports publics, des voies pour les vélos et les piétons - ainsi, il pourra circuler à bicyclette bien plus tranquillement.
J'aimerais rappeler que ce projet va à l'encontre de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, laquelle prévoit précisément la priorité à la mobilité douce et aux transports publics dans les centres urbains. Plébiscité par la population, ce texte répond par ailleurs à l'urgence climatique. A l'heure où tous les signaux sont au rouge, où les jeunes manifestent dans la rue, sachant que le trafic motorisé constitue l'une des causes majeures du réchauffement climatique, comment pourrions-nous nous montrer pareillement inconséquents ? D'après l'Office fédéral de l'environnement, 66% des émissions de CO2 sont imputables aux véhicules privés. L'Etat a le devoir de conduire les voitures en dehors des centres - en tout cas, le conseiller d'Etat chargé du dossier s'est engagé à appliquer la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. Refuser ce projet, Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est respecter la loi.
Quant à l'aspect financier, alors même que nous peinons actuellement à mettre en oeuvre l'initiative 144 «Pour la mobilité douce», nous serions prêts à claquer 122 millions pour de nouvelles routes ?! A Genève, pour rappel, les zones piétonnes s'étendent sur 9 hectares, contrairement à Bruxelles, par exemple, où elles représentent 50 hectares, sans parler de Montpellier où elles constituent 78 hectares. C'est dire que notre marge de progression est énorme !
Sans oublier un argument majeur: ces liaisons routières passent en pleine zone agricole et auront un impact sur la biodiversité, sur des écosystèmes fragiles dans une réserve naturelle d'importance nationale. C'est en particulier aux bords de l'étang et du nant de la Bistoquette, qui font l'objet de renaturations, zone à la fois marécageuse et boisée, que vous pourrez apprécier la nature dans toute sa splendeur.
Alors non, définitivement non: refusons ces routes, comme le recommande la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage, rejetons ce projet pour le bien de Genève et de ses habitantes et habitants. Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts vous encouragent à voter non. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'Entente comprend bien que les carottes sont cuites, comme on dit. A mon sens, le projet n'est pas encore prêt, n'est pas suffisamment abouti, on l'a vu, on l'a entendu. Par contre, il ne faut pas oublier que derrière ce projet de construction, il y a des personnes, notamment les gens de Bardonnex qui, eux, souhaitent des aménagements leur permettant de mieux vivre au quotidien, et pas seulement facilitant le passage à travers leur village. Ainsi, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas parler que de bagnole aujourd'hui, nous devons aussi laisser s'exprimer les habitants de la région, parce qu'ils ont de véritables besoins.
Dans cette optique, je crois qu'il est nécessaire de renvoyer le projet de loi en commission afin de comprendre ce qui s'est passé au sein de la commission fédérale et surtout d'observer les conséquences de la mise en place du CEVA. D'ici deux ans, cette nouvelle infrastructure va peut-être induire des effets qui nous conduiront à revoir le projet, à le reprendre, sans oublier les habitants de la région, bien entendu. Non, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas toujours rejeter ce qui a été préparé pendant de longues heures en commission grâce à des crédits d'étude qui ont été votés. Il faut renvoyer ce projet de loi au Conseil d'Etat au travers de la commission. Je vous remercie.
Le président. Merci. Nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission. Les rapporteurs veulent-ils dire un mot ? Je passe la parole à M. François Lefort.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Ce sera non...
Une voix. Il y a des éléments nouveaux !
M. François Lefort. ...et je m'adresse à ceux qui auraient encore l'intention de nous faire le coup, ce sera non à toutes les demandes de renvoi en commission ! Il n'y a aucune raison d'accepter cette requête, pour les raisons que nous avons déjà expliquées.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je parle exprès lentement afin que chacun ait le temps de regagner sa place pour le vote, étant donné qu'une majorité du parlement est contre le renvoi en commission. On attend que tout le monde soit là pour prouver à nouveau...
Le président. Il vous reste quelques secondes.
M. Thomas Wenger. ...que cette majorité est contre le renvoi en commission et souhaiterait se prononcer sur ce projet de loi aujourd'hui. Merci.
Le président. Je vous remercie. Puisque M. Baud ne souhaite pas s'exprimer, le vote est lancé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12183 à la commission des travaux est rejeté par 52 non contre 43 oui.
Le président. Monsieur Genecand, c'est à vous.
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Pour le groupe libéral-radical, il convient, puisqu'on touche maintenant au fond du sujet... (Brouhaha.)
Le président. Merci de parler un tout petit peu plus fort, Monsieur le député, et à l'assemblée de faire silence, s'il vous plaît !
M. Adrien Genecand. Merci, Monsieur le président...
Le président. Non, le silence n'est pas encore suffisant. (Un instant s'écoule.) Les Verts, pourriez-vous tenir votre caucus à l'extérieur ?
Une voix. Bravo les Verts !
Une autre voix. Le chronomètre tourne !
Le président. Non, il ne tourne pas.
M. Adrien Genecand. Si, si !
Des voix. Chut !
Le président. On vous ajoutera huit secondes, Monsieur le député. Allez-y.
M. Adrien Genecand. C'est très urbain de votre part, Monsieur le président ! Pour le groupe libéral-radical, il convient de rappeler pourquoi nous en sommes aujourd'hui à discuter du projet de liaisons routières L1-L2: c'est parce que la douane de Bardonnex est saturée et qu'il y a un report du trafic motorisé sur toutes les routes secondaires. Que vous le vouliez ou non, Mesdames et Messieurs, le développement économique du canton a mené de nombreux Genevois à s'exiler en terres frontalières pour y acheter un logement, et ces gens-là viennent travailler dans le canton de Genève - mais il y a aussi quelques frontaliers, j'imagine que c'est ce qui déplaît à nos collègues du MCG.
Alors si vous nous dites ce soir, auquel cas je trouverais la position de la gauche cohérente, que vous voulez fermer la frontière...
Une voix. Oui !
M. Adrien Genecand. ...que vous rejoignez l'UDC sur cette question et que tout l'enjeu consiste à fermer la frontière aux véhicules et au trafic...
Des voix. Ouais ! (Applaudissements.)
M. Adrien Genecand. ...je comprendrais cette position, elle est très simple. En effet, vous ne voudriez pas de trafic motorisé et on fermerait la frontière. Sinon, il va falloir régler le problème, et sauf à imposer aux gens - je reconnaîtrais bien là la volonté dirigiste d'une majorité nette de ce parlement, hélas - la façon dont ils se déplacent et où ils vont, il me semble compliqué de procéder autrement qu'en construisant de nouvelles routes pour éviter que les voitures passent à travers les villages. Encore une fois, je me tourne vers mes amis les Verts: si on veut des centres villageois piétonniers, eh bien il faut pouvoir les contourner ! Dans cette perspective, les liaisons L1-L2 représentent une solution pour permettre à tout Genève-Sud de passer à côté du fameux étang de la Bistoquette.
A cet égard, je ne suis pas certain que les jeunes - je crois en faire encore partie - en manifestant pour le climat, se préoccupent de savoir si la Suisse possède un registre fédéral de protection des objets pour les batraciens ni si la route d'Annecy constitue un objet patrimonial d'importance qu'il s'agit de préserver; je ne suis pas exactement certain que ce soit là le discours d'une majorité des jeunes qui descendent dans la rue, mais je serais très intéressé de voir un micro-trottoir pour savoir ce qu'ils en pensent vraiment.
Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, l'étang de la Bistoquette a été créé de toutes pièces il y a moins de vingt ans, et pourquoi ? Pour compenser le bétonnage des autoroutes et des routes. C'est comme ça que nous en sommes arrivés à créer ce site que vous louez aujourd'hui comme étant un endroit fabuleux où les batraciens peuvent se reproduire joyeusement et où ceux qui les chérissent et ne font pas que manger leurs cuisses peuvent les observer. Donc là, on en est à se préoccuper de la reproduction des batraciens qu'on ne peut pas, qu'on ne doit pas...
Une voix. Délocaliser !
M. Adrien Genecand. ...délocaliser, c'est absolument démentiel, Mesdames et Messieurs !
Soit la gauche nous dit qu'elle ne veut plus de voitures qui traversent la frontière et qu'il faut la fermer, rejoignant ainsi l'UDC - et moi je dis: bravo, chapeau, c'est cohérent ! - soit elle doit nous expliquer comment elle compte procéder avec les Genevois et les Suisses qui vivent de l'autre côté de la frontière, mais qui votent dans ce canton, qui paient des impôts dans ce canton: comment est-ce qu'on les fait venir travailler à Genève ? Mesdames et Messieurs, la seule solution qui s'impose, c'est de voter les tracés L1-L2. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas beaucoup de raisons de soutenir un projet largement inutile à la population et massivement nuisible pour l'environnement. Or la droite le soutient mordicus, jusqu'au moment où, stupeur ! la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage nous informe qu'il s'agit d'un projet néfaste pour l'environnement.
Mais, Mesdames et Messieurs les députés du PLR, du PDC et de l'UDC, ce n'était un secret pour personne, vous auriez pu nous le demander dès le début, nous vous l'aurions dit ! (Rires.) Vous auriez également pu demander à toutes les organisations qui se battent pour la protection de l'environnement, elles vous l'auraient dit, elles l'ont d'ailleurs indiqué à plusieurs reprises, mais nul n'est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Alors que la demande de renvoi en commission... Je devrais plutôt dire: alors que les demandes de renvoi en commission sont refusées les unes après les autres, la droite, qui vient d'apprendre que le projet posait de sérieux problèmes, devrait maintenant le refuser; il n'en est rien, elle s'obstine, il s'agit donc d'une simple mesure dilatoire pour enterrer ce projet en attendant de trouver une nouvelle majorité.
Nous n'avons pas appris le mois dernier que le tracé passait par un site de reproduction de batraciens d'importance nationale, classé par une ordonnance fédérale. A quoi ça sert, Mesdames et Messieurs, de classer des milieux au niveau fédéral si c'est pour les détruire chaque fois que le Conseil d'Etat ou la droite sont pris d'un besoin frénétique de construire de nouvelles routes ?
Les batraciens sont particulièrement touchés par les bouleversements environnementaux, leurs populations sont en déclin au niveau global, notamment en raison du trafic routier: chaque année, lors de leurs migrations, ils sont massacrés par milliers sur les routes. Des aménagements simples et peu coûteux permettraient de protéger ces animaux, mais il n'y a visiblement pas de réelle volonté politique de s'y atteler. Pourtant, cela coûterait bien moins cher que ce projet parfaitement disproportionné et absurde.
On parle d'envoyer un signal aux jeunes qui se mobilisent pour l'environnement, mais on n'en est même pas là: on n'est pas en train de discuter pour prendre des mesures en faveur de l'environnement, on est en train de déterminer s'il faut continuer dans le «tout voiture», s'il faut encourager davantage de pollution, s'il faut saccager des milieux naturels d'importance fédérale, c'est de ça qu'on parle. Nous ne sommes pas du tout à la hauteur des mouvements pour le climat, nous ne proposons aucune action de protection de l'environnement, nous nous opposons simplement à sa détérioration massive.
Ce n'est pas un signal politique, Mesdames et Messieurs, c'est juste du bon sens: il s'agit de respecter la protection de l'environnement, de respecter l'impératif environnemental qui nous impose de refuser un projet absurde, polluant et inutile. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Aujourd'hui, il ne s'agit pas de savoir si on est pour ou contre cette route, il s'agit de savoir si on est pour ou contre la voiture, voilà le noeud du problème. Or il faudrait commencer par vous poser la bonne question, Messieurs et Mesdames des Verts: pourquoi avons-nous besoin de cette nouvelle route ? A cause de vous ! En effet, vous êtes entièrement responsables de la situation: qui a voté les projets de déclassements dans toute la région ? C'est vous, Mesdames et Messieurs, c'est vous qui avez voté le déclassement de La Chapelle-Les Sciers, c'est vous qui avez voté tous les déclassements dans ce secteur.
Le problème, maintenant, c'est qu'on ne peut plus y circuler, toutes les routes des villages de la région sont surengorgées et vous empêchez tout simplement les habitants de se déplacer dans leur quartier, voire de rentrer chez eux. C'est là tout le problème ! Continuez à voter des projets de déclassements et la situation ne fera qu'empirer. La transition écologique telle que revendiquée par les rapporteurs de minorité, c'est pareil, ça rejoint exactement ce que je viens de dire: si vous n'aviez pas voté tous ces projets de déclassements, on n'aurait pas ce débat aujourd'hui, on n'aurait pas besoin d'une nouvelle route.
Votre but, on l'a bien compris, c'est d'empêcher les gens de rouler, et on le voit par exemple dans le quartier de La Chapelle: maintenant, toutes les places de parking sont payantes. Vous avez non seulement réussi à en éliminer une bonne partie pour de mauvaises raisons, mais maintenant, par manque de place, qu'est-ce qu'on fait ? On les rend toutes payantes, même en souterrain, même les places visiteurs. Socialement, je vous tire mon chapeau: ainsi, plus personne ne va rendre visite à personne, parce que quand vous allez dire bonjour à des amis et qu'il faut regarder la montre pour attraper le bus... Au final, les gens sont presque obligés de partir pendant le repas pour pouvoir rentrer chez eux en transports publics. Bonjour la société que vous voulez imposer à notre canton !
Si vous voulez permettre le bon développement de Genève et la transition énergétique telle que vous la souhaitez... Alors oui, il y a les voitures électriques, il y a le vélo, il faut promouvoir les transports publics, mais pour bénéficier de transports publics performants, il faut leur permettre de rouler, il faut leur garantir une bonne vitesse commerciale. Si vous prenez le réseau routier tel qu'il est défini actuellement et que vous commencez à y implanter des lignes de bus, à augmenter les cadences, eh bien vous n'arriverez à rien, parce qu'aux heures de pointe, ces bus seront pris dans les bouchons, donc il n'y aura rien d'avantageux à emprunter les transports publics; finalement, les gens continueront à utiliser leur voiture pour essayer de rouler un tant soit peu convenablement. Vous parlez de la voiture électrique, c'est pareil: sans un réseau vraiment performant qui incite les gens à changer de mode de transport, on n'y arrivera pas non plus.
Voilà pourquoi il faut absolument trouver une solution pour développer le réseau routier dans cette région, y compris pour les transports publics, nous devons vraiment rediscuter de l'ensemble et trouver une solution, ce qu'on ne peut faire qu'en commission. C'est la raison pour laquelle je demande à nouveau le renvoi en commission... (Exclamations.) ...afin que nous puissions véritablement trouver des solutions acceptables pour toutes les parties, y compris pour les communes, y compris pour leurs habitants. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission. Est-ce que les rapporteurs veulent s'exprimer ou nous passons directement au vote ?
Des voix. On vote !
Le président. Monsieur Lefort ? (Remarque.) Non, alors Monsieur Wenger ?
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme avant, je parle lentement pour permettre à tout le monde de revenir dans la salle, c'est une question de fair-play. Nous avons déjà voté trois ou quatre fois, Monsieur le président... Attendez, laissez-moi réfléchir, je crois que c'était trois fois... (Rires. Applaudissements.)
Le président. Vous n'avez surtout plus de temps.
M. Thomas Wenger. Je procéderai ainsi chaque fois qu'un nouveau retour en commission sera sollicité. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Baud, peut-être ? Non ?
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de troisième minorité. Si, si. (Rires.) J'attends que M. Velasco regagne sa place... Dans la mesure où Ensemble à Gauche dispose encore de pas mal de temps, nous en aurions volontiers mis à disposition des autres rapporteurs de minorité... (Un instant s'écoule.) ...mais maintenant c'est bon, tout le monde est là, donc nous refusons le renvoi en commission, Monsieur le président, merci.
Le président. Bien, je soumets la proposition de renvoi en commission aux votes de l'assemblée.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12183 à la commission des travaux est rejeté par 52 non contre 45 oui.
Le président. Nous poursuivons notre discussion. La parole échoit à Mme la députée Patricia Bidaux.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Merci, Monsieur le président. En ma qualité de paysanne, co-exploitante et locataire d'un terrain... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) Voilà, poursuivez.
Mme Patricia Bidaux. Je recommence: en ma qualité de paysanne, co-exploitante et locataire d'un terrain cultivé en famille et concerné par le projet de loi 12183, je fais valoir l'article 24.
M. Pierre Eckert (Ve). Monsieur le président, vous commencerez par transmettre à mon très estimé collègue M. Florey que les Verts ont certes voté un certain nombre de déclassements, mais nous avons toujours voulu - c'était le cas à toutes les occasions - que les transports publics soient présents dans un lotissement avant même que le premier bâtiment soit construit. Cela s'est vérifié à plusieurs endroits, donc ce n'est pas ça qui va générer davantage de trafic.
Ensuite, quelques considérations sur la circulation. Ceux qui ne connaissent pas bien la mécanique des fluides pourraient penser qu'en ajoutant des routes, le trafic global n'augmente pas. C'est totalement faux, parce que les automobilistes vont utiliser à la fois les anciennes et les nouvelles routes. On risque de faire la même erreur qu'aux Nations, où on ajoute une route plutôt que d'en remplacer une, et on va multiplier le trafic par un et demi, voire deux, selon les dernières projections. Je m'arrête ici - je continuerais volontiers, mais je m'arrête.
Le président. Je loue votre sagesse, Monsieur le député. La parole va à M. Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, y a-t-il des solutions ? Certaines personnes dans cette assemblée prétendent qu'il n'y en a pas, mais je rappelle que des solutions ont été proposées. Avant, si mes souvenirs sont exacts, il fallait deux heures et demie pour gagner Annecy; grâce au Léman Express, on y arrivera en une heure vingt. L'objectif, c'est que le trajet Genève-Annecy soit réalisable en quarante-cinq minutes, et c'est possible. C'est là que l'argent doit être investi, plutôt que ces 120 millions dans une route.
Ensuite, je n'ai pas entendu le gouvernement cantonal s'opposer à l'autoroute Annecy-Genève, alors que la Ville de Genève s'est opposée à l'autoroute du Chablais qui apporte un certain nombre de voitures dans notre centre-ville. Nous nous battons afin que la cadence du Léman Express passe au quart d'heure pour rejoindre Evian, voire Saint-Gingolph. Voilà les solutions pour l'avenir ! La voie ferrée protégera le climat, et nous sommes responsables de ces mesures. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, les Genevois ne nous ont-ils pas confié leur destinée afin que celle-ci soit la meilleure possible ? Ne nous ont-ils pas délégué la suprême autorité qu'ils détiennent pour que nous en usions dans l'intérêt de toutes et tous ? Le peuple de Genève n'a-t-il pas validé la nouvelle constitution, notamment parce qu'elle contient un article - et c'est unique - qui lui garantit de vivre dans un environnement sain ? Nos concitoyens n'attendent-ils pas de nous que nous prenions des décisions qui leur évitent un enfer urbain, notamment un accroissement constant et sans fin du trafic routier qui nous pollue la tête ?
Le peuple de Genève ne consent-il pas un effort magistral pour un ouvrage que MM. Cramer et Hiler avaient devisé à 880 millions après avoir compté et recompté, et qui finira à 2,3 milliards ? Et nous construirions, en concurrence à cette infrastructure majeure que tout le monde attend, de nouvelles liaisons routières ? C'est l'absurde total ! Rien de ce qui précède ne plaide en faveur de ces pénétrantes idiotes, d'un autre âge, issues d'une vision des années 60, cela a été souligné, et qui maintiennent une concurrence au rail, comme l'a dit M. Pagani - vous transmettrez, Monsieur le président - alors que c'est vers cette solution que nous devons nous diriger.
Dire non, c'est éviter des investissements aussi lourds qu'inutiles; dire non, c'est s'assurer que des batraciens rares coassent en paix et surtout que le trafic pendulaire ne croisse pas de manière infinie. Votons non à ces projets sans état d'âme afin de nous éviter à nous, députés, de perdre la nôtre en trahissant le serment que nous prêtons aux Genevois au début de chacune de nos séances.
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'habite à cent mètres de l'étang de la Bistoquette, donc ces batraciens, voyez-vous, je les connais personnellement... (Exclamations.)
Une voix. Article 24 !
M. Patrick Saudan. Trois fois par semaine, je fais du jogging dans la région...
Une voix. Bravo !
M. Patrick Saudan. ...et comme vous le savez, je ne suis pas un grand fan du trafic individuel motorisé. J'aurais toutes les raisons de m'opposer aux liaisons L1-L2, puisque je serais directement impacté par la réalisation - qui paraît de plus en plus hypothétique - de cette pénétrante. Pourtant, même si je comprends énormément de critiques qui ont été formulées ce soir, je soutiens le projet. Pourquoi ?
Eh bien lorsque je fais mon jogging tôt le matin, qui est-ce que je croise ? Je croise des frontaliers qui passent par les petits chemins de campagne. Malheureusement, puisque le peuple genevois a refusé de construire des parkings - vous transmettrez à M. Baertschi, Monsieur le président - le trafic frontalier est très important sur ces petites routes. Genève-Sud se développe énormément, et il s'agit de déterminer si nous préférons la circulation sur une pénétrante ou, par capillarité, sur les chemins de campagne.
J'ai été sensible aux arguments avancés tant par Mme Moyard que par M. Cerutti: nous ne savons pas encore quel sera l'impact du CEVA sur le trafic dans cette région; nous savons qu'il sera conséquent dans la vallée de l'Arve, mais s'agissant des véhicules venant d'Annecy, c'est difficile à évaluer. Voilà pourquoi, Monsieur le président - vous ne m'en voudrez pas, Monsieur Wenger - je sollicite une fois encore le renvoi en commission... (Exclamations.) En effet, nous devons attendre de connaître l'impact du CEVA sur la région de Genève-Sud avant d'entreprendre quoi que ce soit.
Si ce projet retourne en commission, il y restera au moins une année ou deux; peut-être que par la suite, si le trafic diminue dans le secteur, il sera considéré comme inutile, mais si on se rend compte que ce n'est pas le cas, il sera toujours d'actualité. Je vous remercie et je demande formellement le renvoi en commission. (Applaudissements.)
Le président. C'est la cinquième demande de renvoi en commission. Je ne passe pas la parole à ceux qui n'ont plus de temps, notamment M. Wenger. En revanche, Monsieur Hiltpold, vous voulez vous exprimer à ce propos ?
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Monsieur le président, j'ai une notion du fair-play qui fait que je ne prendrai pas la parole comme les précédents orateurs. (Exclamations.)
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de troisième minorité. C'est bon, tout le monde est là, on peut y aller. (Rires.)
Le président. Alors c'est le moment de voter, Mesdames et Messieurs.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12183 à la commission des travaux est rejeté par 52 non contre 45 oui.
Le président. A présent, la parole est à M. Mettan pour trois minutes - et non six, puisqu'il est désormais indépendant.
M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Ça me fait plaisir de m'adresser à vous en tant qu'indépendant, même si j'ai dû glisser un peu à droite avec mon changement d'affectation - mais ce n'est pas grave, je suis très content de m'exprimer depuis ici.
A mes yeux, le préavis de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage change la donne concernant ce projet de loi, d'une part parce que c'est une nouvelle information, d'autre part parce que cela soulève un problème de fond qui nous oblige à revoir profondément notre copie. C'est la raison pour laquelle j'aurais souhaité un renvoi en commission qui aurait permis de redémarrer une réflexion de fond et de réexaminer le projet, notamment la possibilité d'une variante entièrement enterrée - à mon sens, ce serait la seule option possible compte tenu du préavis de la commission fédérale.
Mais bon, puisqu'il est apparemment impossible de renvoyer le projet en commission, ce que je regrette, je m'y opposerai personnellement. En effet, il faudrait un nouveau crédit d'étude tenant compte de la position de la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage afin de réexaminer la faisabilité de l'axe routier en fonction de cette nouvelle donne; or il s'agit ici d'un crédit d'investissement, et il n'est malheureusement pas possible de réétudier un projet à partir du crédit d'investissement si on ne le renvoie pas en commission. Voilà, merci.
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de troisième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le député Cerutti a indiqué que les carottes sont cuites; je pensais qu'en tant que PDC, il dirait plutôt que la messe est dite... (Rires.)
Une voix. Elle est orange, la carotte !
M. Olivier Baud. ...mais peu importe, les jeux sont faits. Il faut admettre qu'une forte majorité s'oppose au projet: les trois rapporteurs de minorité représentent en quelque sorte cette majorité pour refuser un projet de route complètement dépassé.
Alors cessons de tergiverser, Mesdames et Messieurs, et rejetons ce projet de loi, c'est tout ce qu'on vous demande. Nous étions prêts pour le référendum qui aurait sûrement été un plein succès, mais pour des raisons d'économies auxquelles vous devriez être sensibles - quoique toutes ces demandes de renvoi en commission nous coûtent assez cher, pour finir - il faut maintenant vous montrer raisonnables, vous rendre à l'évidence et refuser ce projet. Je vous remercie.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Chers collègues, ce débat était très instructif. J'aimerais relever quelques éléments en commençant par l'argument selon lequel ce projet date du siècle passé, des années 60; je vous rappelle simplement que le CEVA est un projet de 1912 et que nous l'avons soutenu ! Ce n'est pas parce qu'un projet est ancien qu'il est forcément mauvais, et le CEVA en est la parfaite illustration.
Quant aux difficultés mises en avant, je précise encore que le CEVA et le Léman Express étaient frappés de 270 recours qui ont tous été levés. Le projet du Léman Express comportait aussi des problèmes environnementaux qui ont été levés, dont l'impact a été compensé, et c'est bien ce qui a fonctionné dans ce projet: le compromis, la symétrie des efforts, et non le déséquilibre. Malheureusement, vous n'acceptez pas ce discours de compromis. La majorité, principalement le PLR, a voté tous les crédits pour les trams et les pistes cyclables au nom de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. Or dès qu'il s'agit d'un projet routier - qui plus est, en l'occurrence, même pas réservé au trafic privé - la gauche s'y oppose systématiquement. Alors je veux bien entendre des leçons de morale, mais nous devons trouver des solutions constructives. Or vous rejetez systématiquement ces projets.
Dire non à ce projet, qu'est-ce que ça implique ? Mon collègue Saudan l'a très bien illustré. Il faut peut-être - même si c'est un terme qui vous heurte - hiérarchiser les priorités, notamment s'agissant de la route. Les liaisons L1-L2 canaliseraient le trafic sur une seule route d'accès, certes, mais en libérant par ailleurs les petits chemins. Sur ces routes, on peut faire passer des bus. Tout le monde se flatte de la technologie TOSA, des bus à haut niveau de service, mais ils ne fonctionnent pas sur les petits chemins limités à 30 km/h avec des gendarmes couchés. Il faut se montrer cohérent et opérer une analyse d'ensemble.
Je veux bien qu'on mette en place des mesures comme à Plan-les-Ouates où on interdit le trafic de 6h30 à 9h et de 16h à 19h, ça ne choque personne, mais qui est-ce qui est pénalisé ? Ce sont les gens qui travaillent ! Ce sont les gens qui ne peuvent pas faire de télétravail, bosser sur un notebook à la maison, ce sont les gens qui se rendent sur les chantiers, qui sont employés dans des magasins...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.
M. Serge Hiltpold. ...ce sont les gens qui ont une activité professionnelle et qui ne peuvent pas choisir des horaires différenciés. J'appelle la gauche à une certaine raison, parce que tout le monde ne peut pas se permettre...
Le président. C'est terminé...
M. Serge Hiltpold. ...des horaires déplaçables... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Je vous remercie et je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, sur ce projet de loi, la cause est entendue. Cela étant, je voudrais tout de même rectifier un certain nombre de choses que j'ai entendues durant le débat, notamment en ce qui concerne notre stratégie pour la mobilité dans le canton. Des efforts massifs ont été consentis - et continueront à l'être - pour favoriser le transfert modal: il s'agit, en s'appuyant sur la nouvelle colonne vertébrale que constituera le Léman Express, de renforcer les transports en commun pour amener les voyageurs sur cette infrastructure, d'accompagner ce processus avec des mesures considérables en matière de mobilité douce. Tout cela va se développer, tout cela va s'intensifier, c'est la ferme volonté du Conseil d'Etat.
Cela ne signifie pas, Mesdames et Messieurs, qu'il faille renoncer à tout développement du réseau routier. C'est une erreur que de penser cela, parce que la réalisation du transfert modal nécessite précisément, à certains endroits du canton, de compléter le réseau routier. Je pense en particulier au développement des nouveaux quartiers: dans la région concernée, plus de 4000 logements sont planifiés selon des plans localisés de quartier d'importance qui, même si nous sommes extrêmement volontaristes dans nos efforts pour que le trafic individuel motorisé se développe avec parcimonie, vont générer du trafic en raison des habitants, des emplois. De fait, tous les utilisateurs ne pourront pas être redirigés vers les transports en commun ou la mobilité douce et il y aura une augmentation du trafic individuel, qu'on le veuille ou non. Le problème, c'est que dans un certain nombre d'endroits, en particulier dans le sud du canton, la circulation passe et continuera à passer dans des quartiers où elle n'a rien à y faire, c'est-à-dire dans des zones résidentielles qui n'attendent que de l'y voir diminuée.
De nouveaux ouvrages routiers permettront de canaliser le trafic, et non de créer des aspirateurs à voitures. Je ne veux pas entrer dans le détail de ces équipements, le Conseil d'Etat aura l'occasion de vous présenter d'autres projets dans un avenir plus ou moins lointain, mais il paraît évident que la recherche d'équilibre qui doit accompagner le développement de notre région, en particulier le développement démographique qui, il faut s'en réjouir, permet de garder des habitants dans ce canton, inclut des ajustements et de nouveaux ouvrages spécifiques qui ne constituent en rien un retour aux années 60, comme je l'ai entendu ici. Ce sont des projets parfaitement en phase avec la LMCE et il sera évidemment très important de veiller à cette cohérence. Je voudrais conclure le débat sur ces considérations. Celles et ceux qui prétendent que nous pourrons renoncer à tout équipement routier dans ce canton à l'avenir se trompent, à mon avis, pour les raisons que je viens de vous indiquer. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et j'ouvre la procédure de vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12183 est rejeté en premier débat par 52 non contre 43 oui. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)