République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 1 mars 2019 à 14h
2e législature - 1re année - 9e session - 55e séance
P 2049-A
Débat
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, premier vice-président
Le président. Nous en sommes à la P 2049-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur Nicollier, je vous passe la parole.
M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la pétition 2049, déposée par un habitant de la localité d'Essert, dans la commune de Meinier, demande de réduire les effets néfastes du bruit sur la santé des habitants du hameau ainsi que les risques d'accident sur la route de Compois. Elle demande plus particulièrement deux mesures: une limitation de la vitesse maximale de circulation à 40 km/h tout le long de la localité d'Essert sur la route de Compois et la mise en place d'une cabine de radar fixe entre Essert et la Pallanterie.
Durant nos travaux, nous avons constaté les points suivants. D'abord, la route qui longe le hameau est déjà équipée de deux feux, équipés eux-mêmes de boutons poussoirs qui permettent de traverser la route en toute sécurité. Ensuite, les cyclistes et piétons ont la possibilité d'emprunter une voie complètement séparée de la route cantonale. En outre, un radar bidirectionnel est installé, qui peut être activé dans les deux sens et, comme tous les radars à Genève, n'est pas chargé en permanence. Les pétitionnaires mentionnent d'ailleurs que ce radar a permis de baisser substantiellement la vitesse du trafic.
Suite à cette pétition, la police a posé un radar mobile et a mesuré 5% des véhicules en excès de vitesse, ce qui, selon ses statistiques, est très faible: selon elle, il faudrait un taux d'infractions de 30% ou un taux d'accidentologie élevé pour requérir la pose d'un radar supplémentaire. Ils estiment donc que cette mesure est inutile.
Il faut ajouter que la route a fait l'objet de travaux et qu'un revêtement phonoabsorbant a été posé en 2012. Des mesures acoustiques réalisées en 2016 ont relevé un bruit moyen respectant les normes. Une nouvelle série de mesures est prévue pour 2019. A noter aussi, le développement du site de la Pallanterie implique une étude d'impact et des mesures adéquates devront être mises en place si nécessaire.
En conclusion, malgré de nombreux passages quotidiens, le bruit généré par le trafic ne dépasse pas les normes et des dispositifs sont en place. D'autres sont prévus pour évaluer la situation: ils devraient permettre de corriger toute mesure qui ne correspondrait plus aux normes. Si d'ailleurs on voulait vraiment faire baisser le bruit du trafic dans cette localité, il faudrait changer le niveau de tolérance du bruit de cette zone actuellement de niveau 2. (Le compteur indique que le temps de parole de l'orateur arrive à sa fin.) Je continue avec le temps de mon groupe, merci ! Mais si on relevait ce niveau, on ne permettrait plus aux exploitations agricoles de la région de fonctionner.
On se trouve donc dans une situation que l'on suit et où tous les éléments qui pouvaient être mis en place l'ont été; les interventions qui nous permettraient de baisser encore le bruit et la vitesse du trafic empêcheraient cette zone rurale de vivre convenablement. Pour toutes ces raisons, nous vous recommandons de voter en faveur du dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, naturellement, la minorité n'est pas du même avis, de loin pas. Cette pétition a attiré toute notre attention notamment sur deux problématiques, toutes deux liées à la question de la vitesse des véhicules motorisés. La première est le bruit dénoncé par le pétitionnaire, un bruit incessant, difficile à supporter, qui atteint clairement la santé des personnes habitant à proximité directe de la route. La deuxième est la sécurité piétonne: la route de Compois longe la commune de Meinier. Sur son tracé, des gens habitent et se déplacent, notamment des enfants. (Brouhaha.)
La minorité est naturellement très sensible à ces deux problématiques et estime que la demande des auteurs de la pétition est tout à fait légitime. Je le rappelle, la pétition demande des choses très simples: d'abord une réduction de la vitesse maximale de circulation de 50 km/h à 40 km/h tout le long de la localité d'Essert sur la route de Compois. Vous conviendrez, Mesdames les députées, Messieurs les députés, que ce n'est pas excessif: on demande une diminution de 10 km/h sur une route qui traverse un village. La deuxième demande est la mise en place d'une cabine de radar fixe... (Brouhaha.) Excusez-moi, Monsieur le président, il y a beaucoup de bruit ! (Le président agite la cloche.) Merci beaucoup. La deuxième demande est très simple, il s'agit de la mise en place d'un radar fixe de manière à flasher les voitures qui iraient trop vite. Les deux demandes des pétitionnaires ne sont pas excessives et répondent au besoin de la population visée.
Il faut savoir que la route de Compois est une route cantonale qui relie deux artères importantes, les routes de Thonon et de Jussy. Le trafic y est conséquent. On y observe beaucoup de passage, notamment la circulation de poids lourds en raison de la proximité de la Pallanterie, et on y circule rapidement. Cet axe, qui longe le hameau d'Essert et plus loin le village de Meinier, sépare les lieux d'habitation du centre sportif de Rouelbeau, ce qui fait que les enfants qui habitent le village le traversent régulièrement pour se rendre dans ce centre sportif. Ces raisons sont suffisamment pertinentes pour qu'on calme la vitesse sur ce tronçon. La calmer de 10 km/h, ce n'est pas énorme; c'est extrêmement simple à mettre en place et ça ne coûte pas cher. La minorité vous encourage donc vivement à soutenir la démarche et à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition décrit un environnement dangereux, exposant les habitants et surtout les enfants riverains à des risques majeurs d'accidents notamment lorsqu'ils empruntent la route qui mène au centre sportif de Rouelbeau. Evidemment que nous pourrions tous souhaiter avoir en face de chez nous un centre sportif, un théâtre, un opéra, pour éviter d'avoir à traverser des rues et à prendre des risques - risques que chacun de nous prend tous les jours en allant au travail ou ailleurs par des chemins qui comportent de réels dangers.
Nous avons eu des auditions tout à fait sérieuses, l'excellent rapport de majorité les relate. Les spécialistes ont démontré que si les craintes sont légitimes - on les a tous, ces craintes-là ! - elles sont finalement peu fondées à cet endroit: des dispositifs de ralentissement, de limitation de vitesse, des passages piétons, des espaces de circulation pour les vélos, des radars sont déjà installés. Il est intéressant de relever - même si, encore une fois, cette pétition est tout à fait légitime - qu'apparemment, aucun habitant de la commune à part le pétitionnaire et ses amis n'a fait état de ces inquiétudes. Forts de ces informations, nous proposons de voter le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, deux ou trois remarques en complément des propos du rapporteur de majorité. Il y a quelque chose d'assez stupéfiant dans ce dossier: quand le pétitionnaire principal est venu s'établir dans la maison qu'il occupe maintenant, la situation était exactement la même. Il est donc venu s'établir en toute connaissance de cause. C'est la première chose. Deuxièmement, on a construit à grands frais le long de cette route de splendides pistes cyclables. Quand on a demandé au pétitionnaire principal comment ça se passait avec ses enfants, pourquoi ils n'allaient pas sur ces pistes cyclables, il nous a tout simplement répondu qu'il n'arrivait pas à leur faire respecter cette consigne. Enfin, on dit que modifier la vitesse ne représente pas une grosse contrainte: si tous les habitants de ce canton ont la possibilité de régler eux-mêmes dans leur quartier les directives de limitation de vitesse ou la pose de radars, ce sera une belle anarchie. On ne peut donc que déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci !
Une voix. Bravo !
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition est un nouveau texte qui dénonce la pollution sonore et qui demande que des mesures soient prises. Cela va continuer, Mesdames et Messieurs les députés ! Alors peut-être que la majorité de ce parlement a décidé d'écarter toutes les demandes des citoyens parce qu'il y en aurait trop. Mais, Monsieur Wicky, oui, les citoyens, les habitants de ce canton ont le droit de demander que des mesures soient prises pour que leur qualité de vie soit améliorée ! C'est légitime ! Traiter cela par le mépris ou avec hypocrisie, comme le PDC qui dit que cette pétition est légitime mais qu'on ne va pas y répondre... (L'orateur rit.) C'est un peu grotesque !
Il faut être sérieux. On ne va pas attendre que des accidents arrivent pour prendre des mesures ! Agir autrement n'est pas faire preuve de bon sens. Selon qu'un enfant se fait renverser à 50 km/h ou à 40 km/h, la différence de vitesse de 10 km/h, tout le monde le sait, peut avoir une incidence vitale.
Quant au bruit, où est le problème de diminuer de 10 km/h la vitesse sur un tronçon qui ne fait même pas un kilomètre, franchement ? Les voitures perdront quoi ? Dix secondes ? Quinze secondes ? C'est quoi, par rapport à une vie, par rapport à une personne qui peut devenir handicapée à vie suivant la différence de vitesse à laquelle elle s'est fait renverser ?
Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'ai dit au début, je pense que nous allons continuer de voir arriver de telles pétitions, et tant mieux, Monsieur Wicky, si les habitants de ce canton prennent en main leur destin. Ils ont pour cela un outil, la pétition, et ils en usent; ce parlement doit simplement entendre ça et sortir de sa posture quelque peu autistique. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Sylvain Thévoz (S). Le parti socialiste soutient le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Il a été touché de la présence d'esprit de cet habitant, de ce citoyen qui a lancé la pétition. Certes, tout le village - pour répondre à M. Wicky - n'a pas signé, mais un nombre à nos yeux significatif d'habitants soucieux de la sécurité, soucieux aussi des nuisances sonores, s'est mobilisé. On a pu constater lors de l'audition en commission le danger que représente une longue route rectiligne avec un centre sportif, avec des enfants qui marchent le long de la route. Il nous semble irresponsable de balayer d'un revers de main dans un parlement en 2019 les sollicitations des habitants et leurs inquiétudes à propos de quelque chose qu'il faut bien appeler la «surprésence» de la voiture et des moteurs à explosion dans notre quotidien.
Il s'agit ici d'un village de la campagne genevoise qui voit quotidiennement défiler des voitures, des camions, mettant la population en danger. Il n'est pas responsable de simplement balayer sa requête, de continuer de le faire en 2019, en 2020, jusqu'à la prochaine législature, alors qu'autour de nous, on observe un vrai changement de société, un vrai changement de paradigme: plus de la moitié des habitants de la ville de Genève renonce à la voiture. Vous serez probablement d'accord avec le parti socialiste pour dire que ce mouvement ne s'arrêtera pas, qu'il est sans retour: on n'est plus dans les années 70, d'une façon ou d'une autre - c'est notre message à la droite qui s'apprête à enterrer cette pétition - il n'est plus possible de garder des oeillères et de continuer à faire comme dans les années 50, 60 ou 70, de continuer avec des moteurs à explosion et des routes dangereuses à proximité des habitations.
Aujourd'hui, on vit la ville de manière différente, il faut créer une autre manière de vivre le voisinage - non pour créer des conflits entre les pro et les antivoitures, mais pour se mettre tous ensemble à rêver et à imaginer la ville de demain, et aussi, pratiquement, à la mettre en oeuvre. Ce ne sera plus une agglomération où on traverse des villages dans des véhicules de deux, quatre tonnes ou plus avec des moteurs à explosion. Mesdames et Messieurs, ça, c'est le passé. Nous avons aujourd'hui la responsabilité de construire l'avenir, les habitants nous le demandent, la pétition le demande.
Le parti socialiste renverra ce texte au Conseil d'Etat pour qu'il se mette au travail, accélère le rythme pour rêver et établir cette société de demain qui soit sûre pour les habitants, écologique, et qui permette aux femmes, aux hommes et aux enfants de ce canton de se trouver en sécurité quand ils longent une route ou quand ils sortent de chez eux. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). De tous ceux qui se sont exprimés, je ne sais pas combien connaissent correctement cet axe. (Rires.) Je me pose la question, parce que c'est à mon avis l'un des axes que M. Grobet, dont certains se souviennent peut-être... (Remarque.) ...a équipés, précisément en raison de sa configuration, pour qu'à la fois les piétons et les cyclistes soient correctement séparés du trafic principal et puissent déambuler en paix. De plus, ceux qui ont envie de se promener dans ce secteur ont tout un réseau - un réseau important - de chemins piétonniers, bucoliques à souhait, formidables pour y faire des pique-niques.
On parle de Compois: sauf dans son nom, je ne suis pas sûr qu'il en ait un qui soit très spécifique sur le trafic. Je parlais du poids ! Pour une seule famille - une seule ! - on va faire descendre la vitesse à 40 km/h alors qu'il faudrait peut-être, avec un peu plus de pertinence, se demander pourquoi l'axe est limité à 70 km/h et non à 60 km/h, ce qui est une autre possibilité; curieusement, on n'y a pas pensé.
En dernier lieu, je pense que la demande est tout simplement déraisonnable, sachant qu'à cet endroit, on a posé un radar spécifiquement sur demande des habitants. Je vous promets que vous pouvez vous croire au Festival de Cannes, tellement ce radar crépite ! (Remarque.) C'est bien la preuve qu'il faut surveiller la vitesse, mais sans confondre un axe aussi important avec un quartier de la ville de Genève. Si les gens en ville veulent avoir moins de voitures, il ne faut pas qu'ils viennent à cet endroit.
Une voix. Bravo !
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de minorité. J'aimerais répondre à M. Wicky ainsi qu'à M. Dimier, qui vient de s'exprimer - vous transmettrez, Monsieur le président. Nous ne remettons bien sûr aucunement en cause la piste cyclable, une magnifique piste en site propre, séparée du trafic par une petite haie, le genre de piste qui devrait d'ailleurs fleurir partout ailleurs sur d'autres tronçons semblables à celui-ci. Il s'agit ici d'une route avec une circulation importante; et cette route, parfois, on la traverse, il ne s'agit pas juste de la longer. On passe du village au centre sportif ou simplement d'un côté à l'autre de la route. C'est cela que nous pointons.
J'ajoute qu'il est regrettable qu'à chaque fois qu'une pétition arrive devant ce parlement, avec des demandes très simples émanant de citoyens qui souhaitent des mesures concrètes pour limiter le trafic motorisé, eh bien ce parlement reste silencieux, tourne le dos. Le manque de conséquence sur ces questions est vraiment regrettable: c'est une manière de ne pas respecter, au fond, les inquiétudes de ces citoyens exprimées clairement, présentées devant nous en commission. Les demandes sont simples, n'entraînent pas de réalisations onéreuses: je trouve vraiment regrettable le message que nous transmettons aujourd'hui - puisque le non va probablement l'emporter. (Quelques applaudissements.)
M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Plusieurs choses ont été répétées; je ne vais pas parler de la piste cyclable ni du trottoir qui sont en site propre, une situation idéale, tout le monde en conviendra. Je peux tout de même souligner à nouveau que deux feux munis de boutons pressoirs permettent, des deux côtés du hameau, de traverser la route en toute sécurité. On a aussi mentionné le radar. Ainsi, des actions relativement importantes ont déjà été mises en place. Le maire de Meinier nous a dit ne jamais avoir reçu de plainte, à part celle du pétitionnaire. Si on veut baisser le niveau sonore, il faut changer les normes, mais ce n'est pas à nous de le faire, c'est du ressort du Conseil d'Etat. Mais en changeant les normes, on empêche les exploitations agricoles autour de fonctionner. Je pense qu'il faut décider ce qu'on veut et de qui on veut soutenir l'intérêt. La commission a écouté les pétitionnaires, elle a fait son travail sérieusement. Sa majorité recommande le dépôt sur le bureau, c'est ce que je vous invite à voter.
Le président. Merci beaucoup. Nous passons au vote sur cette pétition.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2049 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 51 oui contre 36 non.