République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 janvier 2019 à 20h30
2e législature - 1re année - 8e session - 45e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Mauro Poggia et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, et Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Cyril Aellen, Antoine Barde, Jennifer Conti, Patrick Dimier, Eric Leyvraz, Stéphanie Valentino, Alberto Velasco et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Pierre Bayenet, Emmanuel Deonna, Florian Gander, Patrick Hulliger, Youniss Mussa et Vincent Subilia.
Annonces et dépôts
Le président. Je passe la parole à M. le député Diego Esteban.
M. Diego Esteban (S). Merci, Monsieur le président. En remerciant le Bureau d'avoir accédé aux demandes de ce texte, le parti socialiste retire la proposition de motion 2474 intitulée «Pour que les élus en général, et les députés au Grand Conseil en particulier, aient une meilleure connaissance de l'histoire de Genève».
Le président. Je vous remercie. Il en est pris note.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Iana Mogoutine Castiglioni, Mme Isabelle Cuendet, Mme Silvia Feniello, M. Bertrand Reich, M. Ricardo Pfister et M. Toni Kerelezov.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Débat
Le président. Nous abordons maintenant le premier de nos points fixes, soit l'IN 167-B, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Grégoire Carasso, à qui je passe la parole.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport a étudié l'initiative 167 entre les mois de septembre et de décembre 2018. Elle a procédé à quatre auditions: celle des initiants, de la Ville de Genève, de l'Association des communes genevoises et du Conseil d'Etat.
L'initiative «Pour une politique culturelle cohérente à Genève» a été lancée en 2017 par l'ensemble des acteurs et des actrices de la culture. Forte de plus de 14 200 signatures, elle porte l'ambition de renouer avec l'esprit de la loi sur la culture de 2013. En effet, dans le contexte de la loi sur la répartition des tâches entre les communes et le canton en matière de culture, les dernières années ont été marquées par des querelles politiques et institutionnelles. En substance, l'initiative propose d'y mettre fin en inscrivant dans la constitution le faire-ensemble en matière culturelle. Ce changement de paradigme, Monsieur le président, peut se résumer en trois mots clés: création, concertation et cofinancement. La commission a pu constater que cette proposition de nouvelle gouvernance fait l'unanimité non seulement au sein des milieux culturels, mais aussi au niveau des autorités. Or vous savez mieux que moi, Monsieur le président, chers collègues, qu'il n'est pas facile de mettre à l'unisson la Ville de Genève, l'Association des communes genevoises et le Conseil d'Etat. La commission n'est pas naïve pour autant: elle sait que la mise en oeuvre de ces principes sera délicate, mais à ce stade, en vue de la future votation populaire, elle a prolongé cette belle unanimité en soutenant par 15 oui - sans opposition ni abstention - l'initiative 167. En son nom, je vous invite donc, chers collègues, à en faire de même et à refuser le principe d'un contreprojet. Merci de votre attention.
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts et les Vertes ont soutenu l'initiative «Pour une politique culturelle cohérente à Genève», et nous sommes satisfaits de voir que le Conseil d'Etat l'a acceptée en juin dernier sans opposition, de même que la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport à l'unanimité de ses membres.
Ce soir, notre parlement se prononce sur l'avenir de la culture à Genève. Nous voulons marquer son importance pour les Genevoises et les Genevois en ancrant dans notre constitution le principe d'une gouvernance concertée entre les communes et le canton en matière de création culturelle et de cofinancement. Les Verts y sont très favorables, car la situation actuelle, créée par le deuxième volet de la loi sur la répartition des tâches entré en vigueur en 2017 - la LRT-2 - a fortement fragilisé les milieux culturels et porté atteinte à la diversité de l'offre dans ce domaine. Nous craignons donc aujourd'hui que cette politique n'aboutisse à une baisse de qualité de la production, qui est pourtant si foisonnante et dont la richesse de la diversité nous importe.
Nous voulons que cette initiative permette de soutenir tous et toutes les artistes - auteurs, plasticiens, comédiens, danseurs, musiciens, performeurs, chanteurs, scénographes; autrices, plasticiennes, comédiennes, danseuses, musiciennes, performeuses, chanteuses, scénographes - ainsi que les actrices et acteurs culturels, institutionnels et associatifs. Le Conseil consultatif de la culture pourra être le relais entre les milieux culturels et politiques, mais l'important est de se mettre réellement à l'écoute des artistes et des créatrices et créateurs eux-mêmes. J'insiste sur ce point: la crédibilité et la légitimité du Conseil consultatif de la culture reposent sur sa représentativité. Il faudra savoir intégrer la grande diversité de personnes et de collectifs impliqués directement sur les terrains de la culture genevoise par des participations, des forums, des rencontres et des discussions.
Aujourd'hui, Action Intermittents - une association qui défend les droits des artistes - est en train de mettre en place une plateforme interactive pour que les différents artistes et acteurs culturels puissent se concerter de manière démocratique et se mettre d'accord sur les priorités en matière de politique culturelle afin de pouvoir faire des propositions qui soient vraiment issues des structures associatives, qui oeuvrent depuis toujours à Genève.
Comme vous le voyez, nous sommes donc à un moment clé de la vie culturelle genevoise. Il souffle un vent nouveau sur certaines grandes institutions comme la Nouvelle Comédie ou la Cité de la musique, et il y a un nouveau directeur à la barre du Grand Théâtre. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il souffle également un vent nouveau sur les milieux alternatifs - je pense par exemple à Porteous. C'est donc le moment de s'engager fermement pour ne pas rater l'opportunité de soutenir une culture dynamique et variée, à l'image de notre canton. Nous avons besoin de plus de nouveaux lieux dédiés à l'émergence artistique, d'espaces d'expression et de financements souples pour les artistes actuels et en devenir. En outre, au vu du statut précaire de nombreux artistes et acteurs culturels, le canton devra désormais jouer un rôle important dans les discussions visant à proposer un système social adéquat et adapté à la situation de ces professionnels.
Le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, Madame la députée, je vous remercie !
Mme Alessandra Oriolo. Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts vous recommandent d'accepter cette initiative. (Applaudissements.)
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord féliciter le rapporteur pour la concision et l'excellence de son rapport, dans lequel il a très bien résumé nos travaux de commission. Malraux disait que la culture est essentielle à l'humanité, car c'est ce qui fait de l'homme autre chose qu'un simple accident de l'univers. Je crois qu'à Genève nous en sommes assez persuadés au vu des sommes qu'on y consacre et qu'on y a consacrées. Maintenant, pourquoi modifier l'article 216 de la constitution ? Pourquoi donner au canton un rôle de coordination plus important ? Pourquoi amener le cofinancement du canton dans les projets culturels ? Cette initiative - vous l'avez bien rappelé, Monsieur le rapporteur - est effectivement liée à une grande impulsion des milieux culturels, et il y a en réalité une idée implicite là derrière, à savoir qu'à Genève il ne faut pas dépenser plus pour la culture, mais il faut dépenser mieux.
En commission, le PLR a été frappé par l'unanimité qui s'est dégagée des travaux et de toutes les auditions, que ce soit des acteurs institutionnels ou des milieux culturels, lesquels pensaient qu'il fallait accorder plus d'importance au canton pour coordonner cette politique culturelle. Au final, nous avons voté cette initiative à l'unanimité, et nous allons probablement faire de même ce soir en plénière. Nous resterons néanmoins très attentifs au fait que la politique culturelle qui sera menée à l'avenir permette de diminuer l'incongruence - si vous me passez l'expression - entre les interfaces, entre la loi sur la culture et celle sur la répartition des tâches entre le canton et les communes. Merci beaucoup.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la problématique soulevée par les initiants est fondée. Il est vrai que dans le cadre de la répartition des tâches entre le canton et les communes, on a souhaité donner davantage de compétences aux communes pour ce qui est de la gestion de la politique culturelle, mais à l'époque des travaux sur la LRT, les milieux concernés n'avaient malheureusement pas été entendus. C'est désormais chose faite ! Dans cette loi, on a voulu distinguer la création, qui est une compétence des communes, de la diffusion, qui est du ressort cantonal. Elle répond donc difficilement aux défis que rencontrent aujourd'hui la création artistique ainsi que les institutions culturelles, et on a véritablement besoin d'un pilotage au niveau cantonal ou en tout cas d'une stratégie dotée d'une vision d'ensemble. Trop de communes construisent des salles de spectacle sans pour autant regarder ce que fait la commune voisine ou donner aux artistes les moyens de préparer lesdits spectacles. Le soutien à la création a été considéré comme problématique par la commune, de même que, selon les initiants, les moyens qui lui sont accordés. De plus, la question des grandes institutions comme le Grand Théâtre ou de la collaboration avec la Ville de Genève n'est toujours pas réglée actuellement. Nous nous réjouissons donc de la collaboration avec les membres du Conseil consultatif de la culture - qui a été désigné par le Conseil d'Etat et mis en place selon les dispositions de la loi cantonale sur la culture du 16 mai 2013 - car ces derniers n'avaient pas non plus été entendus. Nous pouvons faire mieux en matière de répartition des tâches dans le domaine culturel entre le canton et les communes, et cette initiative a le mérite de poser le problème sur la table. La culture, c'est ce qui permet de combattre l'ignorance et d'améliorer le vivre-ensemble, et pour toutes ces raisons le parti démocrate-chrétien se réjouit que le canton empoigne finalement le sujet grâce à cette initiative. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons ce soir l'occasion de transmettre un message d'optimisme et d'unité en matière culturelle, ce qui n'est quand même pas si fréquent. Le thème de la culture occupe en effet trop peu souvent notre parlement. Les derniers travaux d'ampleur, on l'a dit, datent de la nouvelle loi sur la culture, qui est entrée en vigueur en juillet 2013. Mais surtout, il y a eu ce fameux deuxième train de la LRT - la loi sur la répartition des tâches - entré en vigueur sans crier gare en janvier 2017, qui a artificiellement et abruptement séparé les attributions en donnant aux communes la compétence en matière de soutien à la création et de financement des institutions, notamment des arts de la scène, et au canton la compétence exclusive en matière de soutien à la diffusion. La réalité entre les deux est pourtant nettement plus imbriquée ! De plus, le financement d'une institution par une seule commune, alors qu'elle profite quasiment à l'ensemble des communes genevoises, reste un problème d'actualité.
Si l'on peut évidemment saluer la volonté de clarification et de désenchevêtrement présente dans les lois sur la répartition des tâches entre canton et communes - et ce dans cette politique publique comme dans tant d'autres - force est de constater que les coupures nettes entre les compétences posent problème, car tout n'est pas totalement blanc ou noir, ce n'est pas si simple, surtout dans un milieu aussi polymorphe et dynamique que la culture.
Quelles sont les forces de cette initiative ? En premier lieu, celle d'être soutenue unanimement par les milieux culturels, des grandes entités aux associations professionnelles, de la culture émergente et alternative aux compagnies de long temps établies, des diverses personnes morales aux personnes physiques de tous horizons culturels. La liste serait trop longue pour être énumérée, mais elles ont réussi à parler d'une seule voix, et ce n'est pas la moindre des forces de cette initiative. Cette dernière veut accorder au canton la compétence de mener une politique culturelle avec une véritable vision, un programme, une ligne d'horizon vers laquelle se diriger, non sans se concerter avec les communes et consulter les milieux concernés. Il ne s'agit pas de faire «à la place de» ou «pour», mais de faire «avec». C'est un beau projet, même si c'est vite dit, parce que ce n'est pas encore fait ! En tous les cas, c'est le moment de donner une impulsion en ce sens, là où par le passé il n'y a eu que blocages, quant-à-soi et incompréhensions. Un vrai travail de partenariat est donc nécessaire. Il n'est pas question de détricoter tout ce que la LRT a essayé de mettre en place, mais de prendre acte du fait que certaines choses ne fonctionnent pas. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il s'agira aussi d'octroyer au canton quelques moyens supplémentaires en matière culturelle; ces moyens ne seront peut-être pas beaucoup plus importants, mais ils devront en tout cas être utilisés nettement plus intelligemment, car cofinancer c'est réfléchir ensemble sur la base d'une vision commune et non pas créer des doublons.
Pour toutes ces raisons, le parti socialiste vous appelle à voter cette initiative dans une belle unanimité sans lui opposer de contreprojet, comme l'a fait la commission, et à la soutenir devant le peuple, bien sûr, mais aussi lors de sa mise en oeuvre. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche soutient cette initiative et espère évidemment qu'elle sera votée ce soir à l'unanimité sans contreprojet. Cela semble plus ou moins acquis, et je vous en remercie ! Nous avons récolté bon nombre de signatures sur les 14 000 recueillies - le rapporteur a rappelé ce chiffre - et nous entendons effectivement que cela puisse être l'occasion de faire un pas en avant vers une meilleure cohérence en matière de politique culturelle. Cela dit, le titre de l'initiative - «Pour une politique culturelle cohérente à Genève» - ne signifie pas qu'actuellement il y aurait de l'incohérence. Ce n'est pas tout à fait ça ! Disons plutôt que, de fait, c'était surtout la Ville de Genève qui participait à la politique culturelle, comparativement au canton, et je le dis d'autant plus volontiers en tant qu'ancien conseiller municipal. Nous l'avons du reste souvent relevé avec le Conseil administratif, et M. Carasso siégeait lui aussi dans cette instance municipale. Il ne s'agissait donc pas d'un manque de cohérence, mais d'un manque d'implication, surtout. En conséquence, il est évident que par la suite il y aura une bien plus grande cohérence !
M. Saudan a dit qu'il ne fallait pas dépenser plus. Mais il faut savoir ce qu'on veut ! Si on souhaite une politique plus cohérente, Mesdames et Messieurs les députés, oui, il faudra dépenser plus ! La culture a un coût, mais elle rapporte également - d'ailleurs c'est plutôt sur ces bancs qu'il faudrait s'en réjouir. Ce n'est pas l'objectif premier, mais nous savons qu'objectivement une institution comme le Grand Théâtre, par exemple, rapporte énormément au canton. Il est donc normal qu'on s'empare de cette problématique.
Les intervenants qui m'ont précédé ont un peu tout dit: il a été question de l'ouverture prochaine du Grand Théâtre - à ce propos, M. le conseiller administratif Rémy Pagani organise une visite le 8 février, hélas réservée aux conseillers municipaux; peut-être que les députés seront eux aussi bientôt invités, ce serait une bonne idée ! - de la Cité de la musique, de la Nouvelle Comédie et du Pavillon de la danse. Et il pourrait y avoir prochainement une Maison de la danse ou une Cité de la danse, pourquoi pas, on peut rêver ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Genève est un canton qui mérite une politique culturelle plus conséquente et plus cohérente, pour reprendre le titre de cette initiative. Aussi, au nom du groupe Ensemble à Gauche, je vous remercie de voter à l'unanimité cette initiative pour qu'on puisse aller de l'avant et s'appuyer sur un texte qui nous permette constitutionnellement de promouvoir la culture à Genève. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Ana Roch (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, si nous avons tous pris conscience du fait que certaines choses ne fonctionnent pas - ou pas de façon optimale - en matière de culture entre le canton et les communes, il nous a quand même été confirmé que des collaborations existent déjà. Ces dernières doivent toutefois être développées, renforcées et clarifiées. En l'occurrence, cette initiative permettra d'inscrire une vision à long terme de la culture dans la constitution et de sécuriser la matière, le MCG la soutiendra donc pour ces différentes raisons, comme il l'a fait en commission. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative vise à couler dans le marbre, c'est-à-dire dans la constitution, des principes relatifs à la culture. Ce point central et crucial déplaît à l'UDC Genève, car c'est la porte ouverte à une constitutionnalisation de nombreux domaines, comme le sport ou les loisirs, même s'il est compréhensible que les milieux de la culture veuillent se sécuriser et mieux faire appliquer ce qui existe déjà dans la LRT. L'UDC Genève refusera donc cette initiative car elle se veut constitutionnelle. C'est la seule raison de son refus ! Je vous remercie. (Remarque.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je repasse la parole à M. Patrick Saudan, à qui il reste une minute quinze.
M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce sera amplement suffisant ! Vous transmettrez à M. Baud qu'au lieu de travestir mes propos, il ferait mieux de relire l'excellent rapport de M. Carasso. En effet, ce n'est pas moi qui dis qu'il ne faut pas dépenser plus, ce sont les initiants - vous pouvez le voir à la page 3 - lesquels soulignent qu'ils ne demandent pas plus de moyens, mais une meilleure organisation. C'est tout ! Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais quand même dire quelques mots. Cette initiative est bien sympathique et il est évident qu'on la soutient, mais elle ne va rien régler sur le fond, il faut en être conscient. Cela dit, elle permet au moins de remettre sur la table les problématiques qui restent ouvertes, dans la mesure où la loi sur la répartition des tâches, de mon point de vue, n'avait déjà rien réglé, en tout cas pas sur le fond ou en ce qui concerne les grandes institutions. Par conséquent, on espère bien qu'à travers cette initiative constitutionnelle on va pouvoir remettre ces sujets sur le tapis et trouver des solutions plus équilibrées que celles qui ont été mises en oeuvre jusqu'à maintenant. Merci.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence de M. Thierry Apothéloz à la séance de ce soir: il ne peut pas défendre devant vous ce texte d'initiative pour des raisons familiales, mais il est évident qu'il y adhère, tout comme l'ensemble du gouvernement. Il m'appartient donc de vous dire quelques mots.
Cette initiative permet de rappeler l'importance de la culture dans toute collectivité humaine. En effet, je pense qu'une des caractéristiques de l'être humain, même si ce n'est pas la seule, c'est sa capacité à créer, à se dépasser, bref, à fabriquer - si je puis employer ce terme - de la culture. Le vote de ce soir - et nous espérons qu'il sera unanime, ou presque - constituera un geste symbolique. Cependant, j'ai aussi envie de croire qu'il s'agit d'un geste fort pour rappeler, je l'ai dit, l'importance de la culture, mais également le rôle des collectivités publiques, parce qu'il n'y a pas de culture sans moyens et sans engagement des pouvoirs publics. Il n'y a pas non plus de culture - Mme Moyard l'a évoqué - sans vision, sans politique culturelle et dans ce cas sans concertation, non seulement entre les différentes collectivités publiques - canton et communes - mais aussi avec les acteurs culturels. Le Conseil d'Etat se réjouit donc du rôle renforcé du canton à ce titre.
Soyons clairs, Mesdames et Messieurs les députés: que s'est-il passé avec la LRT ? Certains d'entre vous l'ont critiquée, soit, mais que s'est-il passé ? Pourquoi, lors de la dernière législature, avons-nous abouti à une LRT de ce type ? Parce que systématiquement, notamment en commission des finances, mais également dans ce parlement, nombre de groupes regrettaient qu'il y ait deux subventionneurs, c'est-à-dire à la fois le canton et la Ville ou d'autres communes. Nombre de groupes n'hésitaient pas à baisser les montants des subventions culturelles ou à tenter de les baisser. Rappelez-vous l'épisode de la Nouvelle Comédie: si les grandes institutions du canton et des communes, soit de la collectivité genevoise, ont dû être réparties, c'est bien parce que ce parlement, dans sa dernière composition, s'apprêtait à refuser non seulement le budget de fonctionnement de l'actuelle Comédie, mais peut-être même également la construction de la Nouvelle Comédie. La LRT a dès lors été une réponse donnée à un certain moment pour tenter de permettre la construction de la Nouvelle Comédie, notamment. Le gouvernement se réjouit donc de la sérénité que ce Grand Conseil semble avoir retrouvée, mais je souhaite, au nom de l'ensemble du Conseil d'Etat, que le geste fort et symbolique que vous allez accomplir ce soir ne soit pas simplement un voeu pieux, mais qu'il puisse ensuite se réaliser dans les faits grâce aux décisions que votre parlement sera amené à prendre. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. (Le président est interpellé.) Non, on ne prend pas la parole après le Conseil d'Etat. C'est l'usage ! Même pas pour quelques secondes, Monsieur Baud ! Nous allons donc voter sur la prise en considération de cette initiative.
Mise aux voix, l'initiative 167 est acceptée par 81 oui contre 7 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Même si vous avez très largement accepté ce texte, il nous faut également voter sur le principe d'un contreprojet, car il s'agit d'une initiative constitutionnelle.
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 89 non et 3 abstentions.
Débat
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, premier vice-président
Le président. Mesdames et Messieurs, nous traitons maintenant l'IN 168-B en catégorie II, soixante minutes. M. Cyril Aellen, rapporteur de minorité, est remplacé par M. Hiltpold. Je laisse la parole à M. Christian Dandrès, rapporteur de majorité.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons consacré quelques heures à la thématique de la CPEG lors de la session du mois de décembre. Néanmoins, j'ai le sentiment que nous n'allons pas pouvoir nous épargner certains rappels ainsi que la lecture du rapport de minorité qui nous est soumis. Ces éléments apparaissent en effet indispensables.
Tout d'abord, quelques aspects historiques pour cerner les enjeux du débat. La CPEG est une caisse mixte qui fonctionne partiellement en répartition, partiellement en capitalisation. Ce choix politique avait été fait à la fin des années 70, début des années 80, parce qu'on se trouvait dans une période de forte inflation et que fonctionner en capitalisation intégrale engendrait des coûts importants pour l'Etat. Voilà donc la première cause du problème: les magistrats PLR et PDC Ducret et Babel avaient souhaité passer en capitalisation mixte, ce qui constituait d'ailleurs un excellent choix politique à l'époque, il faut le saluer.
La deuxième cause est plus problématique, c'est la modification de la loi fédérale par une majorité PLR-PDC-UDC du Conseil national sur la base d'une initiative qui avait été lancée par le conseiller national libéral Serge Beck en 2003. Prévoyant initialement la recapitalisation intégrale des caisses dans un délai très court, les Chambres fédérales étaient ensuite revenues à un peu plus de raison en visant un objectif de capitalisation à 80% sur quarante ans. La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2012, ce qui fait que la CPEG dispose d'une échéance au 1er janvier 2052 pour atteindre ce niveau de capitalisation. La nouvelle législation a entraîné une réforme, issue de la fusion entre la CIA et la CEH, qui est en vigueur depuis le 1er janvier 2014 et a causé une baisse de prestations pour les salariés d'une quinzaine de pourcents, la loi prévoyant également un chemin de croissance pour atteindre les objectifs prévus par le droit fédéral dans les dispositions transitoires, et notamment les 80% d'ici 2052.
Le problème, c'est que la capitalisation prévue en 2014 s'est heurtée à quelques aléas qui étaient difficilement anticipables à ce moment-là, comme la mise en place du taux d'intérêt négatif par la Banque nationale suisse en janvier 2015 et d'une politique de taux de change qui a entraîné une importante baisse du taux technique. Le taux technique, c'est un taux de rendement escompté. Il faut rappeler ici que la modification de 0,5% du taux technique crée une diminution du taux de couverture de 7% à 8%. En 2016, face à ce problème, le comité de la caisse a tiré la sonnette d'alarme - ça relève de sa compétence - et a annoncé une première mesure, à savoir le passage de l'âge pivot de 64 ans à 65 ans, avec une perte de 5%, puis d'autres mesures qui devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2020 et entraîner une perte supplémentaire de 10%. Ainsi, en l'espace de cinq ans, les assurés devraient supporter des baisses de prestations de l'ordre de 30%, ce qui n'est pas anecdotique, vous en conviendrez.
Dans ce contexte, le Cartel et l'ASLOCA ont lancé la présente initiative qui vise à maintenir le niveau des prestations, ce qui me semble être une bonne base compte tenu des engagements pris en 2014, des responsabilités politiques dont je vous ai parlé tout à l'heure et du simple fait que les retraites constituent des promesses faites sur le long terme, qu'il faut évidemment tendre à respecter vis-à-vis des personnes qui travaillent. L'initiative a été suivie, je pense qu'on y reviendra tout à l'heure, d'un abondant débat parlementaire qui se conclura peut-être aujourd'hui avec son acceptation. Je vais en rester là pour le moment, Monsieur le président, et je reprendrai la parole plus tard.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie mon collègue Christian Dandrès pour le rappel des faits. En effet, on ne peut pas faire abstraction des débats qui ont animé notre parlement s'agissant des deux projets de lois précédents, c'est-à-dire des PL 12228 et PL 12404 qui font tous deux l'objet d'un référendum émanant de part et d'autre de l'échiquier politique. Nous risquons une certaine confusion lorsque ces deux objets passeront en votation populaire, et c'est pourquoi il faut être extrêmement pragmatique. Si, au vu de la majorité qui se dégage, l'initiative est validée ce soir, la loi sera de facto soumise à référendum, elle aussi. La population aura donc à se prononcer sur trois référendums. Est-ce bien raisonnable de la part de notre parlement ?
Une voix. Au point où on en est...
M. Serge Hiltpold. La majorité soutient - on l'a entendu en commission - que le projet de loi 12228 est très proche de l'initiative; c'est faux. La situation de la caisse de prévoyance au 1er janvier 2017 est bien différente de celle prévalant en janvier 2018. Pourquoi ? Parce que le taux de capitalisation s'est détérioré d'environ trois points. Le coût supplémentaire qu'engendrerait cette initiative par rapport au PL 12228 est d'environ 600 millions. Additionnons 4,7 milliards et 0,6 milliard, cela donne 5,3 milliards aux frais du contribuable, sans parler de la modification de l'âge pivot.
Alors pourquoi refuser cette initiative ? La différence entre les trois objets qui nous sont proposés, c'est une capitalisation bien moins solide dans le projet de loi 12228 et dans l'initiative, avec des mesures qu'on peut considérer comme palliatives. Le poids de ces mesures est porté principalement par le contribuable, sans réforme - sans réforme ! - du taux de cotisation, tandis que le projet de loi 12404 prévoit une répartition de 58%-42%. Ensuite, l'initiative conserve le système de primauté des prestations, à l'inverse du modèle beaucoup plus dynamique de la primauté des cotisations, et ce sans mesures structurelles.
Enfin, et c'est bien là le coeur du débat, le but d'une caisse de pension est de générer du rendement afin de servir des rentes, et non de mener une politique de logement et d'aménagement. C'est ce dernier point qui dérange la minorité. Je respecte vos considérations politiques proches de celles de l'ASLOCA, Mesdames et Messieurs de la majorité, mais je le répète, ce n'est pas le rôle d'une caisse de pension de mener une politique de logement social. Le but d'un tel organe est de servir des rentes, de réaliser du profit de manière à servir les assurés, c'est à mon sens un élément fondamental et démocratique.
L'ASFIP, soit l'autorité de surveillance des institutions de prévoyance, a attiré notre attention sur le fait que certaines dispositions de cette initiative posent des problèmes de compatibilité avec le droit fédéral. Il y a des enjeux, nous portons une grande responsabilité. Ce que vous recommande la minorité, Mesdames et Messieurs, c'est ce que nous n'avons malheureusement pas obtenu en commission, à savoir le refus de cette initiative. Nous devons prendre nos responsabilités et proposer un contreprojet qui serait celui du Conseil d'Etat, le PL 12404, avec la possibilité de mener un débat clair et de défendre des positions limpides.
Pour ces bonnes raisons, la minorité vous demande de rejeter l'initiative et de soutenir le principe d'un contreprojet. Nous pourrions ainsi reprendre le PL 12404 du Conseil d'Etat qui, je le rappelle, est un projet de loi consensuel et gouvernemental. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée... Ah si ! Monsieur Cruchon Pablo, vous avez la parole.
M. Pablo Cruchon (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons déjà abondamment débattu de l'avenir de la CPEG lors de la dernière session, et malheureusement - ou heureusement, je ne sais pas - nous devons en discuter à nouveau à cause de l'irresponsabilité du gouvernement et de la gabegie créée par ce parlement qui a accepté deux lois contradictoires lors de la même séance. Je parle d'irresponsabilité, car le Conseil d'Etat a fait pression pour que son projet passe malgré une majorité évidente en faveur du premier texte, qui ressemble à l'initiative que nous traitons maintenant, à quelques différences près - j'y reviendrai.
Le rapporteur de minorité nous disait qu'il y a déjà deux textes de lois, que c'est suffisamment difficile à gérer comme ça, qu'on ne va pas en ajouter un troisième. C'est une erreur complète, car la présente initiative constitue le projet le plus favorable et il n'y a aucune raison de le sacrifier sous prétexte que notre parlement n'a pas été capable de faire un choix sans équivoque la dernière fois.
Pourquoi s'agit-il du meilleur projet ? Parce que son objectif est clair: maintenir les rentes des assurés de la CPEG. On parle de plus de 47 000 personnes, c'est-à-dire un septième des travailleurs genevois. Ce n'est pas rien, c'est même un volume très important. Mais la problématique des rentes touche également les 25 000 rentiers actuels; évidemment, ça ne les impacte pas de la même manière, mais la santé de la caisse les concerne aussi. Au total, plus de 70 000 personnes sont donc impliquées dans ce projet.
Le texte de l'initiative est bien meilleur que celui des deux projets de lois, car il propose de conserver les prestations de prévoyance au niveau en vigueur au 1er janvier 2017; c'est mieux que ce que propose le PL 12228 qui opte pour la situation prévalant au 1er janvier 2018, ce qui entraîne une péjoration de 5%. Et je ne parle même pas du projet de loi du gouvernement qui, lui, engendre carrément une détérioration supplémentaire de 7% à 8%. Aussi, l'initiative constitue le meilleur projet si on veut garder en vue l'objectif de maintien des rentes.
Pourquoi faut-il absolument préserver les rentes ? Certains disent que les fonctionnaires sont des privilégiés. Excusez-moi, mais il faut regarder la réalité des chiffres, les rentes actuelles sont relativement faibles: la rente mensuelle moyenne pour une femme assurée à la CPEG est de 1552 F par mois; pour un homme, elle est de 2993 F - je laisse de côté la question des inégalités de traitement entre hommes et femmes qu'il conviendra un jour de résoudre. Si on ajoute les rentes AVS moyennes, on se retrouve avec des femmes qui perçoivent en moyenne 3419 F et des hommes 4800 F. Vous conviendrez qu'une perte de 10% ou 15% sur de tels montants est relativement importante et détériorerait la situation de ces personnes. On ne parle pas de gens ultraprécarisés, mais de travailleurs qui accomplissent leur carrière dans la fonction publique et en sortent avec de modestes rentes. Voilà la réalité, et avec les attaques notamment du PLR aux niveaux à la fois fédéral et cantonal, les rentes reculent, reculent, précarisant les aînés et les confrontant à tous les problèmes qu'on connaît aujourd'hui, par exemple le fait que des gens de plus de 65 ans doivent continuer à travailler.
L'objectif, c'est donc le maintien des rentes. Mais cette initiative présente également un moyen pour l'atteindre. On en a déjà discuté, c'est un moyen intelligent et utile à la population. Intelligent, pourquoi ? Parce qu'il propose de recapitaliser grâce à du terrain. Qu'y a-t-il de plus intelligent que de recapitaliser avec du terrain ? Il s'agit d'investissements stables, beaucoup moins susceptibles de fluctuer dans le temps au gré des aléas boursiers. L'idée n'est pas de tout jouer au casino de la bourse, comme certains le voudraient. On parle donc de stabilité. En plus, ça permet quoi ? De créer des logements. Alors oui, un certain rendement sera attendu de ces logements, mais je peux vous dire d'expérience que même si la CPEG est un bailleur privé, elle n'a pas les comportements de voyous que certains bailleurs privés se permettent parfois, je peux vous le confirmer.
Nous avons donc un objectif qui est le maintien des prestations à un niveau permettant aux gens de réellement vivre de leurs rentes, ce qui est bien mieux que les conditions offertes par les deux autres projets, et nous avons un moyen qui est utile à la population puisqu'il crée des logements, endette moins l'Etat et est beaucoup plus stable dans le temps. Le but est clair, les moyens sont efficaces et solidaires, nous ne voyons aucune raison de refuser ce projet. Nous vous demandons de le voter et nous proposerons encore une fois d'abroger le projet de loi 12404 ou que son initiant le retire s'il le souhaite. Merci.
Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. Jacques Béné (PLR). J'aimerais tout d'abord dire la chose suivante: heureusement que les Chambres fédérales ont voté une loi obligeant les caisses à atteindre une capitalisation plus importante, parce qu'autrement, on ne serait pas ici pour en discuter et le taux de couverture de la CPEG continuerait à diminuer. Bien évidemment, ce n'est pas intéressant politiquement pour le PLR ni pour d'autres partis dans ce parlement de régler un problème en réduisant les rentes, ce n'est pas intéressant du tout.
Ensuite, s'agissant de la grande problématique qui a été évoquée, je ne dis pas que c'est faux; ce que M. Cruchon a mentionné, je ne dis pas ce que c'est faux - je n'ai pas non plus les moyens de dire que c'est vrai, mais je ne dis pas que c'est faux. Le problème, c'est qu'on prend toujours comme référence les rentes moyennes. Or si vous examiniez les rentes moyennes dans le privé, vous auriez exactement le même phénomène. Ce qui est certain, c'est que dans le public, à Genève, les salaires médians sont de 2000 F plus élevés que dans le privé. Vous ne pouvez pas dire, si on prend le même nombre d'années de cotisation, qu'avec le système proposé par le Conseil d'Etat et voté par ce parlement, les rentes versées diminueront tant que ça.
On ne va pas trop s'étaler sur les chiffres. La seule chose de sûre, c'est que l'initiative telle qu'elle nous est présentée coûtera 600 millions de plus. C'est non seulement trop par rapport au projet précédent, mais en plus, ce sont les contribuables qui passeront à la caisse, on n'exige strictement aucun effort de la part des fonctionnaires. Il ne s'agit pas de faire payer les fonctionnaires à tout prix, mais on voudrait un peu plus d'égalité, notamment de la part des socialistes qui prônent toujours l'égalité de traitement. Dans le public, on n'arrive jamais à ces taux de rente là, Mesdames et Messieurs les députés, jamais ! Ainsi, le projet de loi du Conseil d'Etat propose un rééquilibrage assez sain.
Maintenant, l'initiative est mensongère pour la simple et bonne raison que les logements qu'il s'agit de construire sur les terrains qui appartiennent à l'Etat - notamment dans le PAV, mais pas seulement - sont d'ores et déjà prévus ! En réalité, on ne va pas construire davantage de logements en donnant des terrains à la CPEG, puisqu'il y aura de toute façon des logements à ces endroits-là. C'est donc un leurre de prétendre qu'on va construire plus de logements grâce à cette initiative.
En plus, ce dont il faut tenir compte - et ça, j'aimerais bien que les Verts ou les socialistes l'entendent - c'est le manque à gagner pour l'Etat s'il cède ses terrains à la CPEG à la valeur comptable, et même si ce n'est pas à la valeur comptable, d'ailleurs. Aujourd'hui, que fait l'Etat ? Il ne se sépare pas des terrains, Mesdames et Messieurs, il les met en droits de superficie, des droits de superficie qui sont rentés entre 3,5% et 6% de la valeur du terrain qui pourrait être prise en compte dans les plans financiers, notamment en zone de développement. Et ça, Monsieur Dandrès, vous n'en tenez pas compte, vous n'en avez jamais tenu compte, vous n'avez jamais voulu l'entendre. Le taux technique de la CPEG se situe à 2,5%, et on va donner des terrains à la CPEG sur lesquels l'Etat pourrait obtenir des rendements nettement supérieurs.
Le dernier élément, Mesdames et Messieurs, c'est que la CPEG possède déjà énormément d'immobilier. La part de l'immobilier dans ses comptes est largement supérieure à ce que beaucoup de caisses connaissent, et l'ASFIP l'a clairement dit à la commission des finances, elle sera très attentive à ce que cette part n'augmente pas trop. De toute façon, légalement, on ne peut pas l'obliger à acquérir des terrains qu'elle ne voudrait pas. Dans ce dossier, Mesdames et Messieurs, une initiative supplémentaire ne sert strictement à rien, alors laissons les deux lois qui ont été votées par le Grand Conseil passer devant la population, mais n'en rajoutons pas encore une couche, c'est déjà assez compliqué comme ça. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à refuser cette initiative.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien ne peut pas accepter cette initiative, aussi bien dans ses termes que dans sa forme. En effet, on l'a dit, on l'a répété, voilà un troisième projet qui sera probablement soumis à votation populaire dans le cadre de la réforme de la caisse de retraite des employés de l'Etat. Or ce projet qui prétend créer des logements et sauvegarder les rentes de la fonction publique grâce à de l'immobilier est trompeur.
D'une part, une recapitalisation qui coûtera probablement près de 6 milliards dans ce schéma-là, c'est inscrire aux comptes de l'Etat environ 560 millions, il est donc trompeur de dire que l'on va recapitaliser la CPEG grâce à des rendements immobiliers. Il faudra attendre longtemps avant que ces terrains capitalisés à 560 millions offrent des rendements. Or, je le rappelle, on a besoin de 6 milliards dans un premier temps, car sans réforme structurelle, on remplit un puits sans fond. En effet, les rentes servies sont supérieures à ce que la manne financière permettra de couvrir, pas seulement pour les assurés qui sont déjà au bénéfice des rentes, mais surtout pour les futurs retraités à qui l'on fait croire que l'on sauvegarde leurs rentes alors qu'il n'en est rien et que la pérennité de la caisse n'est de loin pas assurée. D'ici quatre ou cinq ans, j'en prends le pari, vous verrez les mêmes qui nous proposent ce plan aujourd'hui revenir pour demander une rallonge qui sera alors inévitable.
D'autre part, si l'Etat garde ses terrains, il en dégagera une meilleure rentabilité, ce qui permettrait de remplir les caisses publiques, voire de diminuer - ou en tout cas de ne pas augmenter - les impôts d'une certaine catégorie de la population, en particulier la classe moyenne qui est durement touchée par ceux-ci. Mais non, plutôt que de faire entrer cette manne dans les poches du contribuable, au contraire, elle va servir à alimenter un fonds pour la fonction publique qui se videra aussi vite qu'il aura été rempli.
Au parti démocrate-chrétien, Mesdames et Messieurs, nous sommes surpris que des partis de gauche qui se disent défenseurs de la classe moyenne, qui cherchent toujours à augmenter les impôts des riches et à en exempter les personnes plus fragiles n'hésitent pas à ponctionner la classe moyenne pour assurer des rentes - plutôt confortables par rapport à ce qui se pratique dans le secteur privé - à la fonction publique - que nous respectons, que nous admirons pour le travail qu'elle réalise, il va sans dire - alors que la population ne bénéficie ni des mêmes avantages ni de la garantie de toucher un jour une rente de prévoyance.
Le salaire moyen, cela a été dit, ne signifie strictement rien. Si on faisait la même comparaison dans le privé, on se retrouverait avec des rentes inférieures à celles servies à la fonction publique. Mesdames et Messieurs, il est grand temps de stopper ces gesticulations et de s'en tenir au projet du Conseil d'Etat. Sans réforme structurelle, et cette initiative n'en propose pas, la recapitalisation consiste à se servir dans les poches du contribuable sans garantir une pérennité. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il ne s'agit ni d'être grave, ni d'être dilettante, ni d'être excessif, car c'est un sujet dont nous ne pouvons pas réellement évaluer les conséquences, des mesures dont nous ne pouvons pas déterminer l'efficience. En effet, je rappelle que le temps d'une caisse de retraite, c'est grosso modo quarante ans, tandis que le temps des politiques, c'est une législature, entre quatre et six ans.
Qu'est-ce que nous avons remarqué en participant aux travaux ? Qu'il existe une opposition dangereuse pour les assurés entre ceux qui pensent - les politiques - et ceux qui savent - les experts. Le projet issu des rangs de la gauche s'arc-boute sur de vieux principes politiques. Toute personne sensée dirait: «Mais oui, c'est bien qu'une caisse de retraite fasse des logements !» Or, on l'a rappelé, d'abord c'est la loi. Ensuite, qu'une institution de prévoyance fasse des logements à bas prix, j'en doute; elle aura peut-être des terrains, peut-être des logements, mais elle sera obligée d'assurer une rentabilité, faute de quoi ce sont les assurés qui pâtiront du manque de rendement. Et là, il y a quand même une différence fondamentale.
Ce n'est pas pour rien, Mesdames et Messieurs les députés, que sur le plan suisse, l'ensemble des cantons - mis à part un, je crois - sont passés au changement de primes. Actuellement, les cotisations servent simplement à garantir une rente, elles ne sont pas justes. On l'a vu, les experts nous l'ont montré: sur le long terme, cette rente est illusoire, elle a déjà diminué et diminuera encore. C'est un écran de fumée qu'on est en train de nous faire passer en disant: «Vous verrez, nous allons l'augmenter.»
Je voudrais quand même vous dire qu'il y a quelques années, ce parlement s'est longuement penché sur la question, a sorti un projet de loi de fusion qui est passé devant le peuple, et on a vu que ça ne marchait pas. Pourquoi ? Simplement, je le redis, parce que le temps n'est pas le même. A un moment donné, il faut qu'on quitte nos dogmes politiques - mon Dieu, ce n'est pas si grave ! Quitter des dogmes politiques pour favoriser les gens qui servent l'Etat, s'assurer que dans vingt ou trente ans, ils bénéficieront toujours d'une retraite convenable, ça doit être notre objectif principal, quitte à aller au-delà de ce que l'on pense au quotidien. C'est pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, que l'Union démocratique du centre refusera l'initiative et votera en faveur d'un contreprojet. Je vous remercie.
Le président. Merci. La parole est au nouveau chef de groupe des Verts, M. Pierre Eckert ! (Rires. Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président de séance ! Mesdames et Messieurs, cette initiative a été lancée par l'Alternative et le MCG: nous avons récolté des signatures et n'avons pas l'intention de nous dédire. Comme certains l'ont déjà dit, l'objectif est de sauvegarder les rentes de la fonction publique genevoise. Ce qui nous intéresse, c'est de recapitaliser la caisse de pension. Les trois projets qui restent en jeu pour l'instant, à savoir le PL 12404 du Conseil d'Etat, le PL 12228 de la gauche et du MCG, et cette initiative, proposent tous une recapitalisation de la CPEG, c'est ça qui est intéressant.
Ici, le procédé consiste à céder un certain nombre de terrains à la CPEG dans le secteur du PAV pour y construire du logement, et les modalités sont réglées dans l'initiative, comme vous avez pu le lire. L'autre avantage, c'est que les prestations sont maintenues, et ce - je relis le texte de l'initiative - «à un niveau proche de celui en vigueur le 1er janvier 2017». C'est bien inscrit «proche de celui en vigueur le 1er janvier 2017», ce qui laisse une certaine marge d'interprétation au Conseil d'Etat ou à la direction de l'institution pour réaliser cet objectif.
Voilà, on verra ce qui se passera. Si d'aventure l'un des autres projets est accepté le 19 mai en votation populaire, nous sommes confiants, nous trouverons une solution pour résoudre la situation, même si elle est complexe. Oui, nous trouverons une solution. Je vous remercie.
M. Pablo Cruchon (EAG). J'aimerais répondre - vous transmettrez, Monsieur le président - à quelques intervenants, d'abord en ce qui concerne la rente moyenne. C'est vrai, les moyennes nivellent un peu le calcul, mais je rappelle qu'elles englobent aussi des gens qui se trouvent en dessous, et pour une femme qui touche 1500 F de rente, l'impact d'une diminution est encore plus important. Alors je suis d'accord, il s'agit d'un outil perfectible, mais ça nous montre en tout cas qu'il y a des rentes très faibles au sein de la fonction publique, des personnes qui tournent avec 400 F ou 500 F par mois, ce qui ne permet pas de vivre. Ces gens doivent faire appel à l'aide sociale en complément, et ce n'est pas acceptable.
Deuxième chose, on nous dit qu'il s'agit de terrains sur lesquels on va de toute façon construire du logement et que, partant, ça ne change rien. C'est faux ! C'est d'ailleurs bien pour ça que la droite est opposée à l'initiative: elle souhaite mettre un maximum de PPE sur ces terrains. Or la caisse de pension n'a aucun intérêt à faire des PPE, puisqu'elle veut du rendement. Du rendement, ce sont des logements locatifs ZDLOC, c'est-à-dire en zone de développement, des loyers libres qui permettent de réaliser des rentrées financières. C'est ça, l'enjeu pour la droite. Heureusement qu'ils le disent, qu'ils avouent vouloir ces terrains afin de faire de la spéculation et de vendre des appartements en PPE. Pour notre part, nous préférons qu'il y ait plus de loyers libres construits, et c'est d'ailleurs le sens de l'intervention du département de M. Hodgers. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Enfin, la caisse de prévoyance n'a pas à mener de politique du logement, comme le rapporteur de minorité le disait. On propose simplement de céder des terrains à construire, la politique du logement reste la prérogative de l'Etat. La CPEG ne pourra pas faire de HBM ni de logement social...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Cruchon.
M. Pablo Cruchon. Je vais terminer avec la question essentielle à se poser, soit quelle recapitalisation on veut: une recapitalisation qui coûte aux contribuables, qui coûte aux travailleurs et qui nourrit la bourse, ou bien une recapitalisation qui est utile à la population et qui sert les rentes ?
Le président. Monsieur Cruchon, c'est terminé.
M. Pablo Cruchon. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). L'initiative 168 pose deux questions centrales quant à notre système de retraites. Première question: faut-il favoriser la spéculation financière, c'est-à-dire les placements dans des valeurs abstraites, comme les titres sur les dettes d'Etats ou de particuliers, qui ont montré toute leur fragilité, notamment pendant la crise financière de 2008 ? Faut-il prendre ces risques pour les retraites, ou au contraire s'axer sur une valeur réelle qui, dans le contexte genevois, conservera toute sa force, à savoir le logement locatif avec des loyers abordables ? Ces logements rendront service à de nombreux habitants de notre canton tout en finançant les vieux jours de nos retraités. C'est ce que propose l'initiative 168, c'est ce qui est particulièrement remarquable et sain.
Deuxième question: faut-il instaurer un système garantissant un montant de retraite minimal ou réaliser des économies sur le dos des retraités ? Pour le MCG, il est important de ne pas détruire le système de retraites actuel. Il faut savoir que les rentes accordées par la CPEG se montent en moyenne à moins de 3000 F par mois. Ce n'est pas mirobolant et il convient de ne pas laisser ce niveau se détériorer encore plus. C'est pourquoi nous estimons qu'il est préférable de conserver le système dit de primauté des prestations, qui est plus favorable aux salariés. L'initiative 168 prévoit un tel système, ce qui est mieux pour les futurs retraités.
Parce qu'elle parie sur l'immobilier locatif plutôt que sur la spéculation financière, parce qu'elle garantit de meilleures retraites pour les salariés, le groupe MCG votera oui à l'initiative 168; en cas de refus par une majorité du Grand Conseil, nous soutiendrons le principe d'un contreprojet. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci. La parole est au député Vincent Maitre. (Un instant s'écoule.)
Une voix. C'est à toi, Vincent.
M. Vincent Maitre (PDC). Oui, mais ça ne s'allume pas... Ah, voilà ! Merci, Monsieur le président. Cela a été dit, mais peut-être pas de façon suffisamment appuyée: cette initiative est plus qu'un leurre, c'est un mensonge. En réalité, elle augmente la circonférence du tonneau des Danaïdes engendré par les différentes réformes ou plutôt projets sur la caisse de pension des fonctionnaires.
D'une part, il n'y a pas de réforme structurelle, et on sait que la CPEG est chroniquement déficitaire de par sa structure même, puisqu'elle prévoit encore certains mécanismes que plus personne ou presque n'accorde en Suisse. On parlait de la primauté des prestations, mais il y a aussi la répartition des cotisations entre employé et employeur largement favorable à l'employé, évidemment.
En plus de ça, on veut faire croire aux gens qu'en ajoutant du capital à cette institution sous forme immobilière, on la recapitalisera, puisque... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) J'ai presque terminé, excusez-moi ! ...puisque l'immobilier est censé constituer une valeur solide, fiable et durable. C'est vrai, à condition qu'il soit rentable. Pour être rentable, il doit - c'est une évidence - rapporter de l'argent et donc être constitué de loyers libres ou de PPE. Or le logement social prédominera dans le PAV, avec plus de 62%, et c'est précisément...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Maitre.
M. Vincent Maitre. ...du logement qui coûte, et non pas qui rapporte. Pour faire du logement qui rapporte, à un moment donné, il faudra légèrement réduire le logement social, également dans le PAV. Je vous remercie.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Je voudrais revenir sur les déclarations de certains groupes, notamment Ensemble à Gauche qui a opéré une analyse simpliste et un calcul savant s'agissant de la rente moyenne. Monsieur Cruchon - vous transmettrez, Monsieur le président - votre comparatif ne tient pas compte du taux d'activité des gens; vous avancez que certains rentiers touchent 300 F par mois, mais dans le cas de personnes ayant travaillé à 30% ou à 50%, il est évident que leur rente sera beaucoup plus basse. Permettez-moi donc de vous dire que votre analyse est parfaitement fausse.
On comprend la volonté de ne pas diminuer les rentes. Mais c'est justement le but du compromis trouvé dans le cadre du projet de loi 12404, qui prévoit des mesures d'accompagnement de 5% minimum. Pensez à ce qui se passe dans le secteur privé, Mesdames et Messieurs, vous n'avez pas ces avantages ! On vous annonce une baisse de 8% sur vos taux, terminé, merci, il n'y a pas de discussion. Dans le projet de loi de compromis 12404 - qui, à la base, n'est pas un texte du PLR - il y a une symétrie des efforts. A mon avis, et de celui du groupe et de la minorité que je représente - avis partagé par le Conseil d'Etat - cette responsabilité de l'employeur, ces mesures d'accompagnement de 5% sont tout à fait équilibrées.
Il faut garder un esprit extrêmement critique en ce qui concerne les rendements demandés à la caisse. Une nouvelle fois, on entend le groupe Ensemble à Gauche clamer que c'est scandaleux d'avoir des produits financiers et qu'on devrait investir dans le marché de l'immobilier. Mais le produit des marchés financiers et boursiers, c'est justement ce qui a permis aux pensionnés de toucher leurs rentes, donc félicitons-nous plutôt des bons rendements de la caisse, qui a d'ailleurs réalisé une très bonne performance, c'est ce qui a été noté.
Pourquoi la CPEG a-t-elle si bien performé ? Parce qu'elle a diversifié son portefeuille dans les marchés obligataires, financiers et immobiliers, et équilibré ses investissements. Avec votre initiative, vous allez déséquilibrer ce panachage en vous concentrant uniquement sur le rendement immobilier qui est admis à 4,1% dans les calculs - lisez le rapport de majorité, Monsieur Cruchon - mais s'élève à 3,5% dans le code des obligations. Ce que vous refusez aux promoteurs dans le privé, vous êtes d'accord de le faire pour la caisse de pension ?! Je crois qu'il faut garder un certain esprit critique.
Quant aux rendements immobiliers, c'est dans l'immédiat que la caisse a besoin de cash. Un rendement immobilier sur des terrains du PAV, avec les enjeux qu'on connaît s'agissant des déplacements d'entreprises, ce n'est pas demain que vous allez l'obtenir, mais bien plus tard. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Enfin, il faut être honnête avec le peuple. Pour répondre à M. Eckert et aux Verts, cette initiative représente 600 millions supplémentaires par rapport au PL 12228 ! C'est encore pire ! Pour la minorité que je représente, c'est le projet le plus éloigné du PL 12404.
Le président. Monsieur Hiltpold, vous devez conclure.
M. Serge Hiltpold. Oui, Monsieur le président. En conclusion, j'appelle à un certain bon sens et à la responsabilité de ce parlement: il faut refuser l'initiative et voter le principe d'un contreprojet qui serait le projet de loi 12404 du Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. J'aimerais revenir sur le tonneau des Danaïdes qui a été évoqué et sur le fait que la caisse serait en passe de s'effondrer. Même le rapporteur de minorité l'a indiqué: la caisse se porte bien, elle est bien gérée et les mesures d'assainissement découlent d'un impératif légal. Cet impératif légal, qui est le choix d'une majorité parlementaire à Berne et ici, est lié au non-respect du chemin de croissance.
A mon avis, le niveau des cotisations constitue le point central pour mesurer la robustesse d'un système comme celui-ci. Dans cette initiative comme dans les lois 12228 et 12404, les cotisations sont les mêmes, elles s'élèvent à 27%. Le niveau de financement est également identique: il s'agit de 75% pour les trois projets. Ainsi, les risques ne sont pas plus importants avec l'initiative qu'avec les deux autres textes. La question fondamentale, la voici: qui supportera les conséquences des mesures d'assainissement si, dans le futur, le taux de couverture n'est pas respecté ? Il y aura en effet des aléas sur les marchés financiers ces prochaines années, c'est quasiment certain, et ces risques pèsent sur les trois projets.
Le texte de loi 12404 propose un transfert intégral des risques sur le dos des assurés. C'est problématique, parce que comme je l'indiquais tout à l'heure, la sous-capitalisation de la CPEG n'est pas due à des problèmes financiers qu'elle aurait rencontrés à l'époque, mais à un choix politique dont l'Etat de Genève a bénéficié. Pendant longtemps, l'Etat n'a pas eu besoin, année après année, d'investir de l'argent supplémentaire. De ce point de vue, il n'est pas acceptable de passer l'éponge sur trente ans de bénéfices pour l'Etat, et que ça se fasse sur le dos des assurés. Voilà ce que vise notre initiative, Mesdames et Messieurs; nous ne souhaitons pas faire de la surenchère syndicale, mais être conséquents par rapport à un choix qui n'était pas celui de notre majorité - de circonstance, j'entends, donc de l'Alternative et du MCG - mais de vos partis politiques. Cela étant, comme il était intelligent, je crois que ça mérite que l'on fasse cet effort.
Quelqu'un a relevé tout à l'heure que le projet de loi 12228 ne serait pas légal, l'autorité de surveillance ayant laissé entendre qu'il y aurait des problèmes juridiques. «Laissé entendre», c'est la bonne expression. Consultez le rapport et vous verrez que l'autorité de surveillance ne s'est pas prononcée; elle a simplement avancé comme argument principal le fait que poser un objectif de rentes serait contraire au droit fédéral, qui prévoit une autonomie complète de la caisse. Or voici la réponse évidente à cette remarque, réponse que nous lui avons d'ailleurs fournie: l'initiative comme le projet 12228 indiquent qu'il s'agit là d'une possibilité offerte à la CPEG, comme la cession des terrains, du reste. Le comité peut parfaitement s'y opposer et dire: «Non, nous préférons péjorer les rentes de 15%.» J'espère qu'il ne le fera pas, mais le respect du droit fédéral l'impose, et c'est pour ça que l'initiative comme le projet 12228 instaurent ce mécanisme-là, ce qui n'était pas le cas du projet initial du Conseil d'Etat qui imposait un certain nombre de choses au comité de la caisse avec un peu plus de désinvolture que l'approche très cartésienne que nous avons adoptée.
S'agissant du droit fédéral, j'ai entendu çà et là des critiques dans les interventions à propos de l'initiative et du PL 12228. Rappelons que le Conseil d'Etat, via sa chancellerie, a procédé à une analyse beaucoup plus sérieuse que l'autorité de surveillance qui s'est contentée de quelques pages d'interrogations. Le Conseil d'Etat, lui, a mené un examen dans le détail et est entré dans le fond, jurisprudence - lorsqu'elle existait - et doctrine à l'appui, et a finalement considéré que tant l'initiative que le projet 12228 étaient parfaitement conformes au droit fédéral. C'est la raison pour laquelle l'initiative a été validée. Je crois qu'il vaut la peine qu'on s'en souvienne aujourd'hui.
Il reste un point à relever, celui des exigences en termes prudentiels quant à la part de l'immobilier dans la fortune globale de la caisse. L'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité - l'OPP 2 - prévoit une répartition des actifs tiers par tiers. En théorie, les biens immobiliers de la CPEG ne devraient donc pas dépasser 30% de ses actifs. Or elle se situe déjà au-dessus de ce taux aujourd'hui, mais il ne s'agit pas d'une règle impérative, c'est-à-dire que l'autorité de surveillance pourrait l'autoriser à aller jusqu'au plafond de 45% de sa fortune globale prévu tant par l'initiative que par le projet 12228 - et, à mon avis, elle serait bien inspirée de le faire dans une affaire pareille.
Pourquoi ? Pour une raison très simple: aujourd'hui, si la CPEG reçoit un certain nombre de millions, voire de milliards, où va-t-elle investir cette somme ? Dites-le-moi ! Où va-t-elle investir pour obtenir des rendements sur le long terme, stables, avec une certaine sécurité ? Sans doute pas dans les marchés obligataires, peut-être dans des actions, mais en prenant alors des risques cent fois supérieurs à ce qui peut se passer dans l'immobilier. Je vous cite un exemple: l'institution de prévoyance professionnelle de la Ville de Carouge a un taux de presque 50%, et la même autorité de surveillance lui a intimé de le diminuer. La réponse du comité a été la suivante: où les place-t-on ? Au final, l'autorité de surveillance a correctement fait son travail et annoncé que la dérogation s'imposait dans ce contexte. On espère qu'elle pensera de même en ce qui concerne la CPEG, parce que ça offre une certaine sécurité.
J'en viens au PAV. L'initiative 168 tout comme les projets de lois 12228 et 12404 prévoient la cession de terrains à la CPEG avec le même mécanisme de prêt simultané. Il n'y a pas plus de risques ni d'inconvénients d'un côté que de l'autre, si ce n'est que dans le 12404, le mécanisme de cession est un peu plus faible, la caisse aurait moins de leviers pour obtenir des terrains qu'avec le 12228 ou l'initiative. La CPEG compte construire une douzaine de milliers de logements. Avec un plafond à 45%, on parle de 5000 à 6000 logements, ce qui ne représente pas l'intégralité des terrains - je réponds là à une remarque du PDC - mais seulement une partie. Et il s'agira de logements locatifs à loyer libre, étant précisé que l'initiative comme la loi 12228 interdisent la construction de logements HBM qui doit rester la prérogative des fondations HBM, parce qu'il y aurait une antinomie entre la mission des HBM et l'objectif de rendement de la caisse. Je le répète, l'initiative ne mandate pas la caisse pour poursuivre une politique du logement.
Néanmoins, toute personne en contact avec la réalité du logement - je pense que c'est le cas de la majorité de la population - sait qu'il est préférable d'être locataire de la CPEG plutôt que d'une société immobilière par actions où les rendements sont nettement plus conséquents et les pratiques différentes. Un institut de prévoyance vise des rendements sur le long terme et, en principe, ne recourt pas à des congés économiques - des congés donnés pour louer plus cher - ni à des pratiques prédatrices du même type. Même si la CPEG réalise actuellement des rendements plus élevés que ceux autorisés par le code des obligations, ça reste très inférieur à ce qui se pratique ailleurs, donc les locataires y trouvent leur compte. C'est précisément ce que propose l'initiative: puisque l'Etat doit passer à la caisse, parce que les lois cantonale et fédérale l'imposent - je précise que le PS n'a pas soutenu ce cheminement - autant que la population en profite avec des logements. Cette initiative est frappée au coin du bon sens et nous vous enjoignons de la voter.
Un dernier point en réponse au PLR qui s'exclamait: «Fort heureusement que les Chambres fédérales ont modifié la loi pour prévoir un taux de capitalisation plus important !» Sachez que les cantons de Berne et Bâle ont perdu des milliards à cause de cette loi, parce qu'ils ont recapitalisé leur institution de prévoyance et que, par la suite, les marchés n'ont pas donné ce qui avait été escompté; il a ainsi fallu repasser à la caisse. Avec un tel mécanisme, à chaque nouveau krach boursier, il faudra repasser à la caisse ! Ce qui a été fait là, c'est une immense, immense, immense erreur. La solution, de toute évidence, est un système en répartition tel qu'on le connaît pour l'AVS. Mais bon, au niveau genevois, on n'a pas de marge de manoeuvre, on doit respecter le droit fédéral en tentant d'atténuer les risques autant que possible. C'est ce que vise cette initiative que nous vous appelons à soutenir. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Monsieur Baertschi, vous avez demandé la parole ?
M. François Baertschi. C'est juste pour le vote nominal, Monsieur le président.
Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est en ordre. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Non, Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative n'est pas frappée au coin du bon sens. Non, cette initiative ne permettra pas de préserver les rentes des collaborateurs et collaboratrices de l'Etat à long terme, et cela pour plusieurs raisons. Cette initiative, c'est une piètre copie du PL 12228. Une piètre copie ! Ou alors un ancêtre vieillissant imperméable à la modernisation et dont on ne sait plus que faire, sauf s'en servir maintenant pour revenir sur les votes du Grand Conseil.
Tout d'abord, cette initiative ne prévoit pas de réforme structurelle. Vous allez me dire que vous vous en fichez, vous pensez à aujourd'hui, pas à demain. Ensuite, cette initiative ne fait pas état de paramètres économiques; là aussi, pas grave, il n'y a qu'à payer. Cette initiative maintient des prestations, certes, mais à la charge de qui ? A celle du contribuable qui, lui aussi, n'a qu'à payer ! Mesdames et Messieurs, cette initiative ne prévoit pas non plus la participation des employeurs subventionnés; pas nécessaire, les contribuables n'ont qu'à payer !
Si nous appliquions à cette initiative les paramètres prudents du PL 12404 - un taux technique de 2% que même certains des soutiens à l'initiative ont jugé insuffisamment prudent, des performances de 3% dont on sait aujourd'hui qu'elles n'ont pas été atteintes, et de loin pas, l'année dernière - le montant de la recapitalisation s'élèverait à 6,2 milliards ! Seulement pour la recapitalisation ! Il faudrait 6,2 milliards pour atteindre les 75%, 6,2 milliards au lieu des 4,2 milliards du PL 12404.
Mesdames et Messieurs, que s'est-il passé pour la CPEG entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2018 ? Eh bien, son taux de couverture est passé de 61,2% à environ 58%. Pas grave, le contribuable n'a qu'à payer ! Avec cette initiative, si on table sur un taux technique de 1,75% qui était celui visé par les personnes soutenant le PL 12228, la recapitalisation ne s'élèverait plus à 6,2 milliards, mais à 6,7 milliards. Pas grave, les contribuables n'ont qu'à payer !
Ce n'est pas tout. En supposant que le prêt simultané prévu à l'article 25A, alinéa 5, fonctionne selon le même mécanisme que celui du PL 12404 et puisque les terrains du PAV aux mains du canton ne sont pas valorisables à court ou à moyen terme, eh bien le coût de l'initiative serait de 263 millions la première année. A titre de comparaison, ce sont 91 millions pour le PL 12404 et 128 millions pour le PL 12228. Pas grave, le contribuable n'a qu'à payer !
Cette initiative, Mesdames et Messieurs, ne constitue pas une solution à long terme. Comme je l'ai dit, elle ne propose aucune réforme structurelle. La réforme se fait aux seuls frais du contribuable, elle présente un coût au-dessus des moyens du canton, elle impliquerait des choix: quelle politique voulons-nous mener ? Entendons-nous agir au regard du vieillissement de la population ? Souhaitons-nous développer l'instruction publique et la formation, assurer une intégration de tous ou voulons-nous simplement nous assurer, aux frais du contribuable exclusivement, que les fonctionnaires ne participent pas à l'effort de recapitalisation ?
Le Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs, est opposé à cette initiative; il souhaite déjà que le peuple se prononce sur les PL 12228 et PL 12404. Cette initiative, je le répète, ne constitue pas une solution à long terme, le canton n'en a pas les moyens. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Présidence de M. Jean Romain, président
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Ayant rejoint ma place, je lance le vote sur cette initiative.
Mise aux voix, l'initiative 168 est acceptée par 50 oui contre 47 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Je suspends la séance pour que nous puissions préparer le huis clos.
La séance publique est levée à 21h55.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
Cet objet est clos.
La proposition de motion 2474 est retirée par ses auteurs.
La séance est levée à 22h35.