République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 novembre 2018 à 14h
2e législature - 1re année - 6e session - 35e séance
P 2046-A
Débat
Le président. Nous arrivons à la P 2046-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme le rapporteur de majorité, Mme von Arx-Vernon.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Mme la rapporteure vous remercie vraiment, Monsieur le président. Bien que j'habite aux Eaux-Vives, je ne vais pas prétexter l'article 24. Je tiens à rappeler en préambule que dans son concept émanant de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, le Conseil d'Etat donne la priorité à la mobilité douce et à une mobilité respectueuse des piétons. Cette pétition a donc tout son sens, et la majorité de la commission a bien entendu apporté une grande attention aux travaux. On a relevé l'importance de poursuivre les études sur le rôle de la marche dans la cité et la place du piéton, qui doit y être vraiment prépondérante. Il a été tenu compte du vieillissement de la population, notamment à propos du temps de franchissement des passages piétons. Le Conseil d'Etat s'est engagé, justement à travers la LMCE, qui fixe un cadre suffisamment clair pour pouvoir agir. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la commission a voté le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et vous remercie de bien vouloir en faire autant. Merci, Monsieur le président.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste vous recommande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Elle a peu de force légale, mais une grande importance symbolique et politique. Elle a été déposée par un habitant du quartier des Eaux-Vives, un Anglais, pas un Suisse. Il a recueilli ces signatures principalement dans le quartier, s'indignant des conditions de sécurité des piétons. Il a identifié d'une manière très minutieuse les points noirs, les dangers auxquels les piétons sont quotidiennement exposés, risquant leur vie. Il a notamment mis en exergue le parc des Eaux-Vives, où des voitures entrent à une vitesse parfois élevée, ou encore l'avenue William-Favre: cette avenue, limitée à 50 km/h, en pente, débouche sur la sortie du parc de La Grange. Le 3 novembre, il y a deux semaines donc, une femme de 27 ans a été tuée à cet endroit, vous avez dû suivre ce drame dans la presse. Cela est arrivé au moment où je rédigeais ce rapport, j'y fais mention. Depuis, des habitants maintiennent vive la mémoire de cette jeune femme en allumant des bougies, en déposant des fleurs à l'entrée du parc. Je ne dis pas cela pour donner un caractère dramatique à mes propos, mais pour faire comprendre qu'on n'est pas en train seulement de refuser ou d'accepter des objets, mais que nos choix ont un impact concret sur la vie des gens, sur la vie des habitants.
Ce drame a heurté le quartier, d'autant plus que depuis des années, les habitants écrivent aux autorités, rappellent que l'avenue William-Favre est dangereuse, mal éclairée, que les frondaisons du parc nuisent au bon éclairage et que les voitures y roulent vite. Les réponses des autorités, vous les connaissez: la Ville renvoie vers le canton, le canton renvoie vers la Ville; ils disent qu'il n'est pas possible d'enlever des places de parc, car il faut les compenser. Cela n'est pas acceptable, et c'est choquant, face à de tels drames. Il nous semble donc important de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, et je vous prie de le faire, pour que des mesures urgentes soient prises, que les passages piétons soient sécurisés, que les personnes âgées et les enfants puissent aller en toute sécurité de chez eux à l'école, de chez eux au magasin, avec la garantie de pouvoir rentrer le soir sains et saufs. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je pourrais reprendre quelques-uns des éléments de ma précédente intervention, sur la précédente pétition: c'est la même chose, d'une certaine manière. Le nombre de pétitions qui concernent les cyclistes et les piétons est croissant, pourquoi ? Parce qu'il y a un besoin d'améliorer la qualité de vie dans ce canton et en ville. J'imagine que tout le monde... (Des chasubles jaunes sont distribuées pour préparer l'exercice d'évacuation prévu après la séance. Commentaires et brouhaha.) Visiblement, la distribution de gilets jaunes met un peu d'émoi dans ce parlement ! J'aimerais qu'on ait plus d'attention pour les piétons et les cyclistes, parce que je pense que c'est un sujet sérieux ! Pourquoi ? Si on regarde le nombre de tués sur la route, ce ne sont pas les automobilistes qui sont majoritaires, non, ce sont les piétons et les cyclistes.
Mesdames et Messieurs, je crois que tout le monde a envie de revenir au temps où on pouvait envoyer son enfant à l'école en sachant qu'il pouvait sortir de chez lui et traverser la route sans risquer d'être écrasé. Maintenant, on accepte le danger permanent comme une fatalité. Si on veut améliorer la qualité de vie, nous devons, Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, prendre en compte les préoccupations de nos concitoyens, prendre véritablement la mesure des attentes de la population. Cette pétition demande principalement de limiter la vitesse à 30 km/h: on doit encourager l'application de cette règle dans toute la ville de Genève - même si ce n'est pas la prérogative du Conseil d'Etat - et pas seulement dire: «Oui, on a bien entendu, vous avez raison, on partage vos préoccupations»... (Remarque.) ...alors que pour finir, on ne change rien, circulez, y a rien à voir ! Non, il y a véritablement quelque chose à faire. Le peuple s'est exprimé là-dessus, le rapporteur de minorité et la rapporteuse de minorité sur l'objet précédent l'ont rappelé. Alors soyons conséquents: si la population a voté pour la mobilité douce et pour une qualité de vie améliorée dans notre canton et en ville, favorisons toutes les mesures qui peuvent véritablement avoir cet effet, notamment celle que demande cette pétition. Même si elles ont un côté symbolique, nous ne pouvons pas simplement nous asseoir sur les pétitions qui émanent de la population et de personnes qui n'ont pas d'autre moyen de s'exprimer que la pétition; nous ne devons pas mépriser ce moyen, cet outil de la démocratie. Je vous remercie donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Quelques applaudissements.)
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). En effet, Mesdames et Messieurs les députés, on se trouve à nouveau dans cette thématique. Les Verts s'inscrivent pleinement dans les propos de M. Thévoz ainsi que dans ceux de M. Baud. La question est vraiment problématique. La solution envisagée, c'est-à-dire réduire de manière systématique la vitesse des véhicules motorisés, est convaincante. Elle ne coûte pas grand-chose, c'est une manière d'aménager notre ville en respectant les habitants et habitantes. Réduire la vitesse des véhicules motorisés apaise les centres urbains, apporte de la sécurité sur les trottoirs, sur la route, et fait baisser le bruit dans l'ensemble des quartiers.
Les statistiques indiquent - et c'est vraiment inquiétant - que le nombre de piétons tués sur la route augmente. Précisément, il a doublé en quatre ans, ce qui n'est pas le cas, et heureusement, pour d'autres modes de déplacement. La question est donc inquiétante, d'autant plus que ces morts ont lieu principalement sur des passages piétons. On se rend compte à quel point la sécurité n'est pas suffisamment assurée aujourd'hui aux abords des passages piétons, des trottoirs et dans les quartiers.
Qui sont les piétons ? On sait qu'au niveau suisse, 40% environ des déplacements se font à pied. Plus on est dans les centres urbains, plus c'est le cas. Evidemment, Genève étant un canton-ville, de nombreux déplacements se font à pied. Une grande partie de ces piétons sont des enfants, des personnes âgées. Le piéton en tant que tel est vulnérable, il l'est d'autant plus quand c'est un enfant ou une personne âgée. Les pétitionnaires ont absolument raison de s'inquiéter de la vitesse dans ces quartiers. L'accident tragique dont un article se faisait encore l'écho il y a deux jours est extrêmement inquiétant, et ce cas n'est pas isolé. Nous refusons que d'autres cas aient lieu à l'avenir. Pour toutes ces raisons, les Verts sont convaincus qu'il faut soutenir les pétitionnaires, qu'il faut limiter la vitesse dans les centres-villes et les centres urbains. Ils vous invitent donc vivement à soutenir cette pétition et à la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Charles Selleger (PLR). Il n'était pas prévu que j'intervienne dans la discussion à ce stade, mais j'aimerais répondre au rapporteur de minorité que le drame de l'avenue William-Favre n'est pas un drame de la circulation, c'est un drame d'alcool. J'entends ici qu'il faut réduire la vitesse des véhicules: bien, c'est vrai que quand on aura limité la vitesse à 0 km/h, il n'y aura plus d'accident de circulation; mais là, on ne parle pas d'un problème de circulation, on parle d'un problème d'alcool, et je n'entends pas dire dans cette salle qu'il faut réduire l'alcool parmi la population qui prend le volant.
Mme Marion Sobanek (S). Certainement, il y a aussi des problèmes d'alcool, et pas seulement sur la route. Mais si on regardait Genève d'une planète lointaine, on aurait nettement l'impression que les véritables habitants de cette ville sont les voitures, comme de petites bêtes qui parcourent les routes, qui bougent... Il y a d'ailleurs plus de voitures que d'habitants à Genève. Or, qu'est-ce qui se passe ? De petits parasites - nous, apparemment - sont là; de temps en temps, on les voit, de temps en temps, ils font quelque chose.
Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas des parasites ! Ce sont bien les êtres humains qui sont les véritables habitants et habitantes de cette ville et qui méritent d'être protégés. Je pense que le volume de la voiture... Je ne suis pas contre la bagnole, mais je suis contre les voitures à certains endroits et quand elles mettent en danger le calme, la quiétude, le bon vivre-ensemble, et surtout, la vie des habitants. Je vous demande donc de soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Pierre Nicollier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir sur le cadre de la pétition et mentionner, pour commencer, que la sécurité de nos concitoyens est extrêmement importante; nul ne pourra remettre cela en question. Si l'on regarde les choses plus en détail, on voit que la pétition comporte une série de demandes qui ne sont pas du ressort du canton mais de la Ville, et elles sont en train d'être traitées. Je voulais aussi mentionner qu'une zone 30 implique d'enlever tous les passages piétons et que ce n'est pas forcément le meilleur moyen d'améliorer la sécurité de nos concitoyens. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission demandait de déposer la pétition sur le bureau, ce que je vous invite également à faire. Merci.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. J'aimerais répondre à M. Selleger - vous transmettrez, Monsieur le président - qui qualifie de problème d'alcool le drame du 3 novembre, où cette jeune femme de 27 ans a été tuée: je trouve ses paroles extrêmement légères. Certes, le conducteur avait bu, mais vous le savez, les accidents sont toujours multifactoriels; il y a aussi le problème d'une rue, je l'ai rappelé, limitée à 50 km/h dans un quartier à 30 km/h: parce que le canton a décidé de maintenir cette artère à 50 km/h et qu'il s'agit d'un long bout droit, en pente, elle demeure une avenue où les voitures ont une vitesse excessive. J'ai aussi parlé de l'éclairage limité par les frondaisons du parc et de deux longues rangées de voitures parquées qui font que quand une personne décide de ne pas aller chercher 300 mètres plus bas le passage piéton mais s'aventure sur la route, elle risque sa vie. Il s'avère que puisque les voitures sont garées les unes à côté des autres, l'automobiliste ne la voit pas surgir sur la route. S'il se trouve qu'il fait nuit, que l'automobiliste ne l'a pas vue surgir, conduit à une vitesse excessive et, en plus, a bu, vous imaginez les conséquences dramatiques.
Je trouve donc très léger d'en faire une responsabilité individuelle et de dire que ce n'est qu'un cas particulier, que ce monsieur, ce conducteur avait bu d'une manière excessive. Non, c'est une affaire structurelle, collective, politique, et c'est pour cela que nous avons tous une responsabilité, celle de changer les conditions-cadres pour que, même si un conducteur a bu plus que la normale, un accident ne soit pas possible, grâce à la présence de plusieurs passages piétons, d'un éclairage de qualité, de ralentisseurs. Comme l'a dit Mme Klopfenstein, il faut, comme députés élus, que nous garantissions en ville la sécurité maximale aux enfants, aux personnes âgées, à toutes les personnes dont la mobilité est réduite et qui sont extrêmement vulnérables face à des véhicules de 2000 kilos parfois maniés par des conducteurs qui ont bu.
Nous, nous pensons qu'il faut augmenter les marges de sécurité, augmenter les marges de protection, et cette pétition, modestement, y contribue. Nous vous remercions - et vraiment, j'insiste - de la renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'il prenne la mesure de cet enjeu. (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous vous doutez bien qu'à la commission des pétitions, personne n'a dit: circulez, y a rien à voir ! Bien évidemment pas; tout le monde a pris très au sérieux cette pétition. Bien évidemment aussi que les drames doivent être évités ! Pour cela, Monsieur le président, vous transmettrez au rapporteur de minorité que la pollution lumineuse peut être parfois dénoncée, mais que quand on privilégie d'autres habitants en réduisant l'éclairage, notamment dans les bosquets, cela peut aller à l'encontre de la visibilité des personnes. (Remarque.) La réduction de la pollution lumineuse doit être compensée par un très bon éclairage qui permette aux personnes d'être mieux protégées par leur visibilité. Maintenant, bien sûr... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît. (Le président agite la cloche.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon. Les professionnels...
Le président. Une seconde, s'il vous plaît !
Mme Anne Marie von Arx-Vernon. Je prends sur le temps de mon groupe !
Une voix. C'est parce qu'il y a des gens qui parlent !
Le président. J'aimerais bien qu'il y ait un tout petit peu de silence ! Nous arrivons à la fin de cet objet, et j'aimerais que Mme la rapporteure de majorité...
Mme Anne Marie von Arx-Vernon. Merci, Monsieur le président !
Le président. ...puisse aller jusqu'au bout avec l'écoute qui lui est due.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon. Merci, Monsieur le président. Les drames doivent être évités, mais les professionnels du domaine expliquent que ce n'est pas en travaillant morceau par morceau, tronçon par tronçon, mais en soutenant le plan qui harmonise la mise en place de la sécurité des piétons, principaux concernés par la mobilité douce, qu'on y arrive. Et ce n'est pas irrespectueux des pétitionnaires et des piétons que de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil; la commission, dans sa grande majorité, a compris que le Conseil d'Etat fait le travail, a compris le problème et s'engage à faire le travail. C'est juste pour cela que je me permets d'insister sur le fait que cela a tout son sens de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés.
Le président. Je vous remercie, Madame. Nous passons au vote... (Brouhaha.) Si Ensemble à Gauche me laisse terminer la phrase ! Nous passons au vote sur les conclusions de la majorité de la commission.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2046 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 44 oui contre 41 non et 1 abstention.