République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 11 octobre 2018 à 20h30
2e législature - 1re année - 4e session - 24e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, et Mauro Poggia, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Pierre Maudet, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Bertrand Buchs, Pablo Cruchon, Patrick Lussi, Fabienne Monbaron, Rémy Pagani, Stéphanie Valentino et Rolin Wavre, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Pierre Bayenet, Natacha Buffet-Desfayes, Patrick Hulliger, Sylvie Jay et Christina Meissner.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Gaëlle Van Hove, M. Laurent Marconi et Mme Emilie Flamand-Lew.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Débat
Le président. Nous passons à l'initiative 170. Cet objet est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à qui veut la prendre ! La parole est à Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. La population a mal à sa LAMal: le principe d'une assurance sociale sans but lucratif a fait long feu. Que dire de cette interdiction de réaliser des bénéfices alors que nous nous heurtons au triangle des Bermudes que constituent les réserves des caisses maladie ? Une fois engrangé, cet argent disparaît des radars et on ne peut pas plus surveiller son utilisation que tenter d'y avoir recours pour freiner la hausse constante des cotisations ou en restituer une partie aux assurés qui en général ont régulièrement trop payé. La charge des cotisations devient insupportable pour nombre de familles: à deux ou trois personnes, on se retrouve déjà à une charge équivalente à un loyer, ceci dans un contexte où une grande partie de la population s'appauvrit et est souvent contrainte de renoncer à des soins en raison de franchises trop élevées.
Oui, l'initiative 170 demande que les cotisations ne représentent pas plus de 10% des ressources d'un groupe familial et que la part supplémentaire soit prise en charge par l'Etat au titre de subsides à l'assurance-maladie. Evidemment, une telle mesure n'a pas pour prétention d'agir sur les causes: l'augmentation obscure et incontrôlée des cotisations d'assurance-maladie est récurrente et il est difficile d'agir sur ces éléments sans toucher aux fondements de l'assurance LAMal et sans remettre en question l'action des lobbies des caisses maladie. Oui, cela constitue une charge supplémentaire pour l'Etat, mais cela ne devrait être qu'une transition, compte tenu de l'intérêt évident pour l'Etat d'agir sur tous les leviers disponibles pour modifier la LAMal afin de faire cesser le scandale de la hausse constante des cotisations d'assurance-maladie.
Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche est favorable à l'initiative 170: il l'a dit avec constance, durant toute la campagne électorale, et il n'entend en rien transiger sur ses engagements. A cet égard, la perspective d'un contreprojet constitue une forme de renoncement à des engagements pris par des candidats qui, au printemps dernier, ont brandi cette initiative comme un instrument de redistribution fiscale indispensable à la justice sociale que nous appelons tous de nos voeux. C'est pourquoi nous soutiendrons l'initiative 170. D'aucuns estiment que l'Etat intervient déjà considérablement par le biais des subsides à l'assurance-maladie ou des dispositions sur les assurés débiteurs. Eh bien oui, mais j'aimerais juste rappeler que les dispositions sur les assurés débiteurs n'interviennent qu'une fois l'acte de défaut de biens prononcé - c'est-à-dire une fois qu'il est trop tard et que les familles sont déjà en difficulté et entrent dans la spirale de l'endettement. Il faut donc agir en amont, c'est pourquoi nous soutenons le principe des subsides porté par cette initiative 170. (Applaudissements.)
Mme Françoise Sapin (MCG). Le problème des coûts de l'assurance-maladie est un serpent de mer qui empoisonne les ménages suisses depuis des décennies et qui pèse surtout très lourd sur le porte-monnaie de chacun. Cependant, les assurances sont assises sur des milliards de francs de réserves qui ne sont pas utilisés. A notre avis, la seule manière de régler ce problème, c'est par le biais de notre initiative - celle de MM. Poggia et Maillard - «Pour des primes plus justes». Cependant, le MCG n'est pas fermé à discuter d'autres solutions car les primes actuelles peuvent atteindre jusqu'à 20% du salaire de chacun, ce qui est absolument insupportable. Vu la situation, on peut comprendre que ce plafond de 10% du salaire soit mis en discussion, mais cela occasionnerait de forts coûts pour l'Etat. Surtout, elle ne règle pas le problème. Ce ne sera pas supportable pour le contribuable.
L'autre problème, avec cette initiative, c'est que l'on continue à subventionner les caisses maladie et leur mauvaise gestion. Cependant, il ne faut pas renvoyer cette initiative sans l'étudier en commission. Il sera aussi loisible à la commission d'étudier un contreprojet qui pourrait mentionner d'autres pourcentages: 13%, 14% ou 16% du salaire. Il existe également une autre piste à étudier, vraiment d'actualité, avec le PF 17 ou la RFFA: on pourrait proposer des mesures d'accompagnement à ce que nous allons mettre en place avec cette nouvelle fiscalité. Pour toutes ces raisons et pour permettre d'étudier ça en profondeur, le MCG votera le renvoi en commission.
Mme Jennifer Conti (S). Mesdames et Messieurs les députés, en 2018: plus 5,4% ! En 2019: plus 1,4% ! Malheureusement, ces chiffres ne sont pas ceux de la hausse des salaires des travailleuses et travailleurs genevois, mais de l'augmentation des primes d'assurance-maladie dans le canton de Genève ! De plus en plus de personnes renoncent aux soins pour des questions de coûts, alors qu'en parallèle les réserves des assureurs explosent: 4 milliards de francs de réserves excédentaires. Plus de 74 millions de francs dépensés en frais de publicité en 2016 avec nos primes maladie ! Ce système est devenu indéfendable, sa refonte complète est nécessaire et la population genevoise l'a bien compris. Je vous rappelle qu'en 2014, ils étaient plus de 57% à voter oui à une caisse publique.
Ce soir, avec l'initiative «10%», la gauche vous propose une solution préventive et ciblée pour soutenir le pouvoir d'achat de la classe moyenne. Il est vrai que de nombreuses initiatives ont été lancées au niveau national pour réformer notre système de santé, mais nous sommes dans l'urgence; c'est maintenant que les assurés doivent payer leur prime, pas dans trois ni dans quatre ans. Avec les salaires qui n'augmentent pas et les primes maladie qui grimpent chaque année, les personnes qui vont se retrouver aux poursuites pour des primes impayées seront encore plus nombreuses. Mesdames, Messieurs les députés, que vous le vouliez ou non, dans ce système de santé privatisé, au final, c'est le canton qui paie les primes impayées ! Autant utiliser ces millions de francs pour agir en amont et aider les familles à payer dignement leur part de prime d'assurance-maladie.
Mon propos ce soir ne consiste pas à dire que cette initiative s'attaque à la racine du problème du système de santé suisse. Mais en attendant une refonte complète de ce dernier, ce texte soutient le pouvoir d'achat de la classe moyenne et empêche des familles de sombrer dans la spirale de l'endettement. En proposant un contreprojet, le Conseil d'Etat reconnaît le problème soulevé par l'initiative «10%», et nous le saluons. C'est pourquoi, ce soir, le parti socialiste vous invite à la renvoyer à la commission des affaires sociales.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le PDC combat depuis de nombreuses années l'explosion des coûts de la santé et des primes d'assurance-maladie, deux phénomènes intrinsèquement liés. Particulièrement sensibles aux difficultés que cela représente surtout pour les familles et la classe moyenne genevoise, nous avons cependant de sérieuses réserves sur cette initiative qui ne réglera pas fondamentalement l'injustice de notre système de santé. En effet, plafonner les primes à 10% du revenu reviendrait à faire payer le contribuable. Ceux qui gagnent suffisamment continueraient de payer leurs primes, ceux qui ne les paient pas aujourd'hui ne les paieraient toujours pas et ceux pour qui le plafond entrerait en ligne de compte risqueraient une augmentation d'impôts. Un couple avec deux enfants de la classe moyenne peut gagner entre 8000 F et 18 000 F par mois, soit entre 96 000 F et 216 000 F brut par année. Il lui en coûterait à peu près 13 000 F d'assurance de base par an s'il choisit la franchise la plus basse dans la caisse la moins chère. (Commentaires.) Dès lors, toutes les familles gagnant plus de 130 000 F brut ne pourraient pas bénéficier de ce plafonnement.
L'initiative manque sa cible car les personnes gagnant très peu ne paient déjà pas leurs primes et il s'agit de près d'un tiers de notre population. De plus, le calcul effectué pour l'initiative se base sur la prime moyenne cantonale qui est souvent supérieure au montant payé en réalité et cela n'incite absolument pas à choisir un modèle d'assurance moins chère. En revanche, nul doute que le coût engendré devrait alors être compensé par les deniers publics et donc pris dans la poche de ces mêmes contribuables qui paient leurs primes, avec leurs impôts ou alors avec plus d'impôts. Au final, c'est tout cet argent en moins à la fin du mois.
Pour le PDC, cette initiative ne s'attaque pas au vrai problème et propose de le résoudre en prévoyant des subventions de l'Etat. Or, le problème de l'augmentation des primes est à imputer premièrement aux coûts de la santé, deuxièmement au fonctionnement des assurances-maladie. C'est pourquoi nous nous battons sur plusieurs plans pour de vraies réformes: pour la diminution des primes d'assurance-maladie ainsi que la maîtrise stricte de leur évolution; la prise en charge complète de prestations comme les lunettes, les lentilles, les appareils ainsi que les soins dentaires; la limitation des réserves des caisses maladie; l'interdiction aux parlementaires fédéraux de siéger dans les conseils d'administration; l'établissement d'une assurance de base cantonale comme alternative de qualité et de proximité pour nos concitoyens; le remboursement complet des primes payées en trop par les Genevoises et Genevois, qui représentent encore des milliards de francs.
Cette initiative ne s'attaque donc pas aux vrais coupables, mais, conscients du problème, nous soutiendrons le principe d'un contreprojet et d'un renvoi en commission. Le PDC s'engagera à répondre aux préoccupations d'une partie de la population la plus précarisée de notre canton en raison, notamment, de l'augmentation brutale et injustifiée des primes. Notre parti se mobilisera en faveur d'une réflexion à l'égard des prestations complémentaires et des subsides d'assurance ainsi que de leur effet de seuil afin que ces mêmes prestations puissent protéger le porte-monnaie de nos concitoyens et remplir pleinement leur rôle de remparts contre la paupérisation.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le PLR constate également que notre système de soins atteint ses limites, notamment pour la capacité de financement des individus mais également pour les finances publiques. Le PLR soutiendra le renvoi en commission de cette initiative pour la raison suivante: l'initiative propose de faire passer une partie du financement du système de soins dans la fiscalité, c'est-à-dire dans les finances publiques, toutefois sans donner la compétence au canton de maîtriser l'organisation du système de soins et les coûts, cette compétence étant fédérale. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le contreprojet - tel qu'annoncé dans le rapport du Conseil d'Etat et dont je salue la qualité - propose une orientation vers des mesures d'amélioration des subsides aux personnes qui ne peuvent aujourd'hui plus payer leurs primes d'assurance-maladie, sans pour autant fiscaliser les dépenses et financer par ce biais-là une partie du coût du système de soins. C'est pour cette raison que nous soutenons la demande de renvoi de cette initiative à la commission des affaires sociales.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts soutiennent cette initiative législative. Ils en sont cosignataires et ont participé activement avec toute l'Alternative à la récolte de signatures pour que celle-ci aboutisse. Cette initiative demande de plafonner les primes d'assurance-maladie à 10% du revenu du ménage car les familles n'arrivent plus à les payer. Il faut tout de même rappeler que les primes ont augmenté de 159% depuis 1996. Dans les faits, de nombreuses personnes peinant à s'acquitter de leurs primes préfèrent tout simplement renoncer à des soins de base en raison de la franchise élevée. Ceci est inacceptable pour Genève ! Plus d'une personne sur cinq renonce à des soins pour des raisons financières et met ainsi sa santé en danger. Cette initiative vise à garantir l'accès aux soins à toutes et tous. Il faut aussi rappeler que l'augmentation annuelle des primes représente parfois jusqu'à 20% des revenus: c'est intenable !
Le système tel que nous le connaissons actuellement est en train de dérailler. Pour nous, les Verts, il est donc fondamental d'apporter une réponse dans l'attente d'une réforme fédérale du système d'assurance-maladie. Cette initiative en est une et elle cible essentiellement la classe moyenne qui ne bénéficie pas de subsides. Il s'agit de limiter le poids des primes pour les familles et les personnes vivant seules.
Enfin, en ce qui concerne son financement et sa réalisation, son coût annuel est estimé à 254 millions de francs. Les sources de financement à Genève sont nombreuses et il ne faut pas avoir peur de s'attaquer aux niches fiscales actuelles telles que le bouclier fiscal qui, je le rappelle, représente un manque à gagner annuel de 75 millions de francs, ou encore la revalorisation des biens immobiliers non locatifs à hauteur de 287 millions de francs - une obligation fédérale que Genève tarde à mettre en place, depuis dix-huit ans. Et il y a encore d'autres possibilités ! En ce qui concerne le contreprojet du Conseil d'Etat, les Verts en prennent acte et souhaitent son renvoi en commission aussi afin d'en étudier les propositions. Pour toutes ces raisons, les Verts vous proposent de renvoyer cette initiative à la commission des affaires sociales.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est maintenant pour deux minutes à M. le député Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, deux minutes seront tout à fait suffisantes, je ne reviendrai pas sur le problème de l'augmentation des primes d'assurance-maladie bien mise en exergue par tous mes préopinants. Monsieur le président, vous transmettrez à Jocelyne Haller mon incompréhension quand elle dit que l'application de cette initiative entraînerait un problème transitoire pour le canton puisque l'Etat serait obligé d'agir rapidement sur les coûts de la santé. Une augmentation des subsides de 250 millions à 1 milliard de francs en quelque temps, à mon avis, entraînerait des effets très durables sur nos finances cantonales !
Cette initiative, il faut bien le dire, elle est mal foutue: le choix de la prime moyenne cantonale plutôt que de la prime cantonale de référence fait qu'elle a un défaut majeur. Rien que cette raison doit nous pousser à étudier un contreprojet à la commission des affaires sociales.
Vous transmettrez à Mme de Chastonay, je ne peux pas m'empêcher de revenir sur ses propos quand elle nous parle du bouclier fiscal et nous dit qu'il y a encore des ressources à gagner en augmentant la charge fiscale des contribuables genevois. Je lui dirai de lire «Le Temps» d'aujourd'hui qui montre pour la première fois qu'il y a un exode fiscal important des plus gros contribuables. Voilà, je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). Monsieur le président, je ne serai pas long. Je veux simplement rappeler le vrai problème: alors que les assurances devraient faire de la santé avec notre argent, elles font de l'argent avec notre santé. Le problème de cette initiative, c'est qu'elle ne règle pas cette équation. Bien entendu, il faut la renvoyer en commission.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole n'est plus demandée.
L'initiative 170 et le rapport du Conseil d'Etat IN 170-A sont renvoyés à la commission des affaires sociales.
Premier débat
Le président. Nous passons à l'examen du PL 12126-A classé en catégorie II, trente minutes. Pour commencer, la parole va à la rapporteure de majorité, Mme Beatriz de Candolle. (Un instant s'écoule. Remarque.) Je vous remercie, Monsieur le député; nous essayerons de faire sonner la cloche un peu plus vite... (Remarque.) Oui, le grand âge est évidemment une difficulté ! (Rires.) Allez-y, Madame de Candolle.
Mme Beatriz de Candolle (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi permettra de créer près de 13 000 mètres carrés de surfaces d'activités. L'extension du siège de Richemont International SA ne peut que nous réjouir, car elle va de pair avec la création d'emplois et la présence durable de cet important groupe à Genève. Même si le plan directeur cantonal 2030 n'avait pas prévu cette modification de zone, le projet répond à trois objectifs fondamentaux inscrits dans plusieurs de ses fiches: implantation d'activités en lien avec des dessertes TC, développement du centre de la commune de Bellevue et gestion d'un secteur soumis au bruit des avions. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission d'aménagement vous invite à accepter ce projet de loi. Merci.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif de ce rapport de minorité est de dénoncer un certain nombre de décisions et pratiques qui tordent le bras aux normes usuelles en matière d'aménagement du territoire. Ce projet de loi propose le déclassement d'une zone villas en zone de développement 4B exclusivement destinée à des activités. En ce qui concerne la localisation, il s'agira d'une enclave d'activités en plein milieu d'une zone villas, ce qui représente un aménagement du territoire non seulement peu cohérent, mais également contraire au plan directeur cantonal qui prévoit dans ce secteur une densification modérée de la zone villas, sans modification de zone.
Ce que pointe ensuite du doigt la minorité, c'est la justification assez hypocrite du Conseil d'Etat dans son exposé des motifs, qui nous affirme qu'il s'agit d'un secteur favorable au développement d'activités, parce qu'il est d'une part proche des voies de chemin de fer et bénéficie donc d'une bonne desserte en transports publics, d'autre part soumis à des nuisances sonores en raison du passage des avions. Alors oui, c'est juste, mais puisque c'est le cas, ça aurait dû être réfléchi et discuté dans le cadre de la planification territoriale, donc du plan directeur cantonal, ce qui n'a pas été fait. Quant à la question des nuisances sonores, la minorité souhaite souligner que l'on construit aujourd'hui dans des zones bien plus fortement touchées par le bruit des avions - je pense notamment aux communes de Vernier et du Grand-Saconnex.
Mesdames et Messieurs les députés, il y a à Genève une offre excédentaire de bureaux et de locaux commerciaux alors que, dans le même temps, nous nous trouvons dans une situation de pénurie de logements. Pour la minorité, la priorité doit être donnée aux logements.
Les règles d'aménagement du territoire doivent s'appliquer à l'ensemble de la population. Or, dans le cas présent, on constate un choix d'aménagement au cas par cas, à la tête du client, peut-être pourrait-on même dire selon la taille du porte-monnaie, ce qui pose des problèmes d'égalité devant la loi et pourrait faire jurisprudence. En effet, il est un peu trop facile, pour une grande entreprise qui pèse lourd par les recettes fiscales et les emplois... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...d'acheter une parcelle en zone villas et de demander ensuite son déclassement. Normalement, c'est impossible pour qui que ce soit, mais sous prétexte qu'il s'agit d'une grande société, ce serait possible ? On se retrouve au final dans une situation de mitage et d'incohérence territoriale.
Soit, l'erreur a probablement été commise non pas aujourd'hui, mais en l'an 2000, lors du premier déclassement de la parcelle voisine, propriété du groupe Richemont qui souhaite aujourd'hui s'agrandir; mais aux yeux de la minorité, la question mérite toutefois d'être posée et débattue démocratiquement: est-il acceptable de renier nos principes structurants d'aménagement du territoire pour satisfaire les désirs d'une entreprise, fût-elle créatrice d'emplois ? L'aménagement du territoire doit-il être mené selon des principes cohérents basés sur une réflexion autour des besoins de la population et suivre une logique de continuité territoriale, ou bien doit-il être conduit au cas par cas, selon les exigences des grandes compagnies ?
Pour la minorité, les règles d'aménagement doivent s'appliquer de la même façon à tous et le développement territorial répondre à l'intérêt général. C'est la raison pour laquelle il doit être mené de manière neutre et indépendante des intérêts particuliers. La minorité espère que nous saurons nous en souvenir à l'avenir.
Le président. Merci, Madame la députée. Vous avez utilisé un peu du temps de votre groupe. Je donne maintenant la parole à M. François Lance.
M. François Lance (PDC). Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif de cette modification de zone est de permettre l'extension du siège de Richemont International SA ainsi que la préservation des qualités paysagères et patrimoniales du site que cette société occupe depuis les années nonante. Un premier bâtiment y avait été construit en 2007 après une modification de zone acceptée par le Grand Conseil le 17 octobre 2000.
Le projet soumis en demande de renseignement prévoit la création d'environ 13 000 mètres carrés de surfaces d'activités, il a reçu l'aval à la fois du département et de la commune de Bellevue sous condition de procéder à une modification de zone et à un PLQ valant plan de site. Il consiste en l'implantation de deux longs bâtiments en verre entre deux poches paysagères en ménageant la vue sur le grand paysage, le littoral et les Alpes.
Il est vrai que cette modification de zone n'a pas été prévue au plan directeur cantonal 2030 ni au plan communal de 2004, et on peut le regretter; de telles situations ne devraient plus se reproduire dans un contexte d'aménagement du territoire de plus en plus contraignant. Mais le projet répond à des objectifs centraux, cela a été dit, comme l'implantation d'activités en lien avec la desserte de transports publics, le développement du centre local de Bellevue et la gestion d'un secteur soumis au bruit des avions. Le site se trouve à quelques minutes de la gare de Genthod-Bellevue. La zone de développement 4B permet de fixer des gabarits avec des mesures de planification telles que le plan de site.
Il subsiste trois villas dans ce périmètre à déclasser, qui sont utilisées actuellement par l'entreprise pour des réunions et qui seront préservées. Le propriétaire désire développer ses activités dans le cadre d'une intégration dans la commune de Bellevue. Pour ces raisons, le groupe PDC votera ce projet de loi.
M. André Pfeffer (UDC). Ce déclassement visant la création de 13 000 mètres carrés de surfaces d'activités est soutenu par le Conseil d'Etat et la commune de Bellevue. Le projet permettra au groupe Richemont International SA d'étendre son siège et d'y créer environ trois cents nouveaux emplois. Le département a précisé que malgré les futurs travaux, les qualités paysagères et patrimoniales seront préservées.
Actuellement en zone villas, le périmètre abrite trois maisons et n'est pas propice à la construction de logements en raison des nuisances liées aux avions ainsi qu'aux voies de chemin de fer. Toutefois, s'agissant du développement d'activités commerciales, le secteur est bien desservi: la gare CFF de Bellevue se trouve à proximité et il y a un accès à l'autoroute.
Au vu de ces éléments, le groupe UDC acceptera le projet de loi, même si certains d'entre nous souhaitent protéger les zones villas et trouvent leur densification problématique. Merci de votre attention.
M. François Lefort (Ve). Pour les Verts, ce projet de déclassement ne pose pas de problème majeur, puisqu'il s'agit d'une zone impropre à la construction de logements. L'extension du siège de Richemont International SA se fera sur son propre site, à proximité d'une gare et d'une voie verte, ce qui nous rassure quant aux questions de mobilité - pour autant que la société fasse la promotion des modes de déplacement doux auprès de ses employés, bien sûr. Le périmètre étant déjà le siège de Richemont, l'endroit n'est pas mité, et on peut difficilement imaginer y créer d'autres activités, en particulier du logement.
Par ailleurs, les arbres remarquables de ce site ne seront pas touchés par la modification de zone et les bâtiments patrimoniaux seront entièrement conservés - on parle notamment d'une serre exceptionnelle - ils seront même valorisés de façon paysagère dans l'ensemble du projet. Les préavis des différents services cantonaux sont favorables. Dans ce type de projet, il est rare que tous les feux soient au vert, et parce que les Verts aiment passer au vert, ils voteront ce projet de loi de déclassement. Merci.
M. Thierry Cerutti (MCG). Je ne vais pas répéter ce que mes préopinants qui sont favorables à ce projet de déclassement de zone ont déjà dit. Bien que nous soyons pour la préservation des zones villas, dans ce cas précis, il faut prendre en compte le bruit et les contraintes qui vont de pair. Il est donc fort judicieux d'installer des activités économiques dans ce périmètre, et non des logements. Le MCG soutiendra ce projet de loi. Merci.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, tout en tenant compte des arguments invoqués dans l'excellent rapport de minorité de notre collègue Caroline Marti, le groupe socialiste a décidé de s'abstenir sur ce point. En effet, nous devons aussi prendre en considération le fait que, comme l'a reconnu la rapporteure de minorité, l'«erreur», entre guillemets, si erreur il y a eu, a été de commencer à déclasser dans cette zone en 2000. Aujourd'hui, il y aurait peu de cohérence à stopper le mouvement.
Certes, le plan directeur cantonal prévoyait une zone villas à cet endroit, mais d'un autre côté, s'il commence à prévoir des logements en prolongement de la piste de l'aéroport, il faut à un moment donné se poser des questions et faire évoluer cette conception de l'aménagement. Comme cela a été indiqué par certains intervenants, construire des logements dans une zone exposée à des nuisances importantes ne constitue pas une bonne politique. Aussi, compte tenu à la fois de ces éléments et de ceux donnés par Caroline Marti, le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de déclassement. Je vous remercie de votre attention.
M. Jean Batou (EAG). Le groupe Ensemble à Gauche va voler au secours de Caroline Marti et s'opposer à ce projet de déclassement. Tout d'abord, nous avons affaire ici à l'extension du siège d'une multinationale... (Exclamations.) Mais oui, c'est tout à fait horrible ! C'est tout à fait horrible de déclasser une zone consacrée à du logement pour y construire 13 000 mètres carrés de bureaux alors que, à l'heure actuelle, 150 000 mètres carrés de surfaces économiques ne trouvent pas preneurs à Genève ! Continuons comme ça, demain ça sera le Pré-du-Stand, on construit sans arrêt des bureaux alors qu'on n'arrive pas à les louer.
Dans le cas d'espèce, me direz-vous, l'entreprise Richemont va élargir son site, développer sa surface et créer des emplois; mais n'oublions pas ce que cette compagnie a fait à Genève en 2016: elle a licencié cent personnes, annoncé trois cents licenciements, il y a eu une mobilisation, c'est l'un des groupes qui profitait le plus du PF 17. Aujourd'hui, on nous passe sous le nez le doux parfum d'une extension de bureaux qui, par magie, va créer des postes ! Non, Richemont mène une politique féroce de restructuration, de réduction des emplois, et nous n'avons rien à attendre d'une nouvelle surface commerciale.
A tout le moins, on aurait pu avoir la décence de prévoir une compensation en logements, puisqu'il s'agit de consacrer une zone habitable en surface d'activités: faisons l'inverse et trouvons une surface d'activités à transformer en zone habitable. Sur tous les points, que ce soit au niveau du logement ou de l'emploi, nous n'avons rien à attendre de ce déclassement. C'est la raison pour laquelle nous le refusons. Merci. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.
Mis aux voix, le projet de loi 12126 est adopté en premier débat par 71 oui contre 9 non et 16 abstentions.
Le projet de loi 12126 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12126 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 72 oui contre 9 non et 15 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous allons maintenant traiter le PL 12127-B en catégorie II, trente minutes. Il s'agit de la deuxième urgence acceptée tout à l'heure. Madame Valiquer Grecuccio, vous avez la parole.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission d'aménagement vous recommande dans sa très grande majorité d'adopter ce projet de loi. Il est en effet question du secteur en mutation du grand projet Châtelaine, secteur dans lequel il y a la volonté de proposer une modification de zone pour permettre la construction de pas moins de 400 logements, dont 300 à court terme. Pourquoi favoriser aujourd'hui ce secteur en mutation ? Eh bien il s'agit de pouvoir densifier ce périmètre, comme le veut le plan directeur cantonal, et l'objectif est double: non seulement on va densifier et créer de la mixité en introduisant notamment de la PPE dans une commune qui en compte peu, mais ce projet permet en outre de reconstruire les immeubles de la fondation immobilière Emile Dupont qui sont extrêmement dégradés, sachant que le renouvellement de ce parc permet également d'augmenter le nombre de logements de cette fondation immobilière.
Aujourd'hui, le plan localisé de quartier a bien évolué et répond à différents éléments comme la protection contre les risques majeurs, puisque vous savez que ce secteur a été largement concerné par le transport de chlore. Il permet aussi - et c'est notable - de créer un parc public en faveur de la commune de Vernier ainsi que d'élaborer une charte des aménagements extérieurs, ce qui est bien sûr extrêmement important pour permettre à cette commune qui se développe de le faire selon les objectifs du plan directeur, mais aussi avec des espaces publics et des espaces verts de qualité.
Comme cela a été relevé par la commune de Vernier - dont le Conseil municipal a d'ailleurs accepté le projet - on arrive aujourd'hui à un très bel équilibre, avec environ 50% d'HBM et 50% de PPE, et à une augmentation du nombre de logements permettant, comme je l'ai dit tout à l'heure, une meilleure mixité. Pour toutes ces raisons, la commission d'aménagement vous recommande l'adoption de ce projet de loi ayant pour but une modification de zone.
J'aimerais enfin insister sur un point. Vous l'avez vu, l'UDC et le PLR se sont abstenus lors des votes, et pourtant un rapport de minorité a été déposé, quand bien même il faut souligner que le rapporteur de minorité n'a pas demandé de corriger le procès-verbal en vue d'indiquer qu'il se serait opposé au projet de loi. Quoi qu'il en soit, ce rapport de minorité existe bel et bien. Je vous remercie.
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pour ma part c'est avec un grand étonnement que je prends la parole sur cette question, suite au fabuleux débat précédent dans lequel on a entendu l'excellent député Jean Batou défendre la zone villas et la députée Caroline Marti défendre la qualité de vie et de travail en zone commerciale des employés du groupe Richemont. L'aile humaniste du parti libéral-radical, que je représente, va quant à elle défendre le fait qu'il faut peut-être se poser la question de la qualité de vie des personnes habitant à côté d'une voie de chemin de fer et des citernes, dans des logements pour les plus précarisés que sont les HBM. Je dois donc vous dire que je suis particulièrement à l'aise d'avoir pris ce rapport de minorité après ce que je viens d'entendre de mes préopinants, et au-delà de la partie liée à la forme - que je concède volontiers à Mme Valiquer Grecuccio - sur le fond il est très surprenant de constater que la commune de Vernier, qui supporte quasiment 19% de l'effort des LUP sur le total de notre territoire cantonal, se voie imposer plus de 50% d'HBM sur une parcelle relativement restreinte et dans des conditions extrêmement coûteuses en termes de préservation de la qualité de vie, puisqu'il va falloir construire à côté d'une voie de chemin de fer et d'une route. Comme on peut le lire dans le très bon rapport de majorité de ma collègue, cette route est censée voir sa vitesse réduite à 50 km/h selon le projet, mais les gens qui ont circulé sur cette dernière et qui la connaissent savent que ça va quand même être relativement compliqué. On est donc là à l'intersection d'une voie de chemin de fer, d'une route extrêmement rapide et d'une pénétrante, à côté des citernes, et qu'est-ce qu'on y construit, Mesdames et Messieurs, sachant que la commune en question est déjà celle qui porte l'effort le plus important en matière de logements sociaux ? Eh bien on y construit plus de 50% de logements pour les plus défavorisés, c'est parfaitement normal.
Alors moi je vous dis mon étonnement, parce que je ne conçois pas qu'une majorité de ce Conseil puisse soutenir le logement à tout prix dans des conditions pareilles pour les plus défavorisés de ce canton, et je le comprends d'autant moins que pour le reste, la commune de Vernier va déjà devoir porter des investissements extrêmement importants. La vraie priorité qu'on devrait avoir dans ce genre de développement, ce serait donc de se demander comment la Ville de Vernier va pouvoir payer tous ces développements. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et elle va avoir besoin, Mesdames et Messieurs, de ce que décrivait M. Jean Batou concernant la partie plutôt riche de ce canton s'agissant des communes, à savoir de PPE et de gens qui peuvent payer le développement, qui peuvent contribuer au développement nécessaire et à l'effort commun grâce à leur solidarité. En l'occurrence, c'est pour toutes ces raisons que la minorité vous encourage vivement à refuser ce projet de loi. (Commentaires.)
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pour tout dire, la position du groupe Ensemble à Gauche est un peu particulière. Nous allons voter ce projet de loi, mais franchement du bout des lèvres... (Commentaires.) ...parce que dans un premier temps nous nous étions opposés à ce projet, nous l'avions renvoyé en commission, et je vais vous dire pourquoi. C'est vrai que du point de vue environnemental, c'est franchement limite: le périmètre en question où la fondation Emile Dupont va rénover ses immeubles est compris entre une voie CFF - sur laquelle transitent régulièrement des transports massifs de chlore et d'ammoniac - et la route de Vernier de l'autre côté. Sans parler des citernes situées un peu plus loin. C'est donc franchement tout à fait limite, et c'est la raison pour laquelle nous avions demandé le renvoi de ce projet à la commission d'aménagement. Alors maintenant si on va le voter du bout des lèvres, c'est parce que j'ai personnellement demandé en commission au conseiller d'Etat Antonio Hodgers de prendre acte de ces revendications et de s'engager à faire quelque chose concernant les CFF, etc. Il a déclaré qu'il le ferait, dont acte, mais en tous les cas je peux comprendre les propos du rapporteur de minorité.
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, densifier en ville et aux endroits où les conditions sont appropriées n'est contesté par personne. (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Monsieur le député ! Mesdames et Messieurs, merci de respecter ceux qui s'expriment. (Commentaires.)
Une voix. C'est plus Ensemble à Gauche, c'est l'UDC !
M. André Pfeffer. Je reprends: densifier en ville et aux endroits où les conditions sont appropriées n'est contesté par personne. Toutefois, la densification de l'ensemble de ce périmètre pose plusieurs problèmes. Lors des travaux en commission qui ont mené au refus de ce projet de loi par la majorité des commissaires, j'avais proposé de séparer ce périmètre en deux parties. L'une des parties, respectivement la zone au nord occupée actuellement par de très anciens bâtiments de la fondation immobilière Emile Dupont, mérite effectivement d'être modifiée. Ces petits bâtiments doivent être démolis et il fera sens d'augmenter la taille des nouvelles constructions et par conséquent le nombre de logements dans ces futurs immeubles. De ce fait, une modification en zone de développement 2 de la partie nord n'est contestée par personne.
En revanche, la partie sud qui donnera directement sur une future gare CFF n'est pas appropriée pour un déclassement en zone de développement 2. Premièrement, il y a déjà de très nombreux logements sociaux dans ce secteur, puisque le Lignon, les Libellules, ainsi que les futurs quartiers de l'Etang, de Cointrin-Est et de Cointrin-Ouest sont à proximité immédiate - ce sont quasiment des voisins. Sans compter que la commune de Vernier abrite déjà un très grand nombre des logements LUP et HBM de notre canton. Pour rappel, une telle concentration de logements sociaux ne serait pas autorisée en France, car la législation française interdit une concentration de plus de 50% de logements sociaux dans un périmètre. Le second problème est lié aux divers risques inhérents au transport de matières dangereuses par rail et par route, ainsi qu'aux citernes des pétroliers situées à proximité. Enfin, la troisième raison pour laquelle il ne faut pas déclasser la partie sud en zone de développement 2, c'est la probable gare CFF qui se construira dans ce périmètre. Cette future gare CFF deviendra sans doute un centre important et nécessitera des aménagements, notamment pour que les bus et autres moyens de transport y convergent. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) La construction de bâtiments de logements sociaux de sept à huit étages collés contre les murs de cette future gare n'est donc pas appropriée - elle est même problématique.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDC maintient l'avis de l'ancienne majorité qui avait refusé le PL 12127 en commission et vous propose de rejeter à votre tour ce projet de loi. Merci de votre attention.
M. Sandro Pistis (MCG). Le MCG va soutenir ce projet de loi, puisqu'il prévoit la construction de 400 logements, dont 300 à court terme. Plusieurs éléments ont d'ailleurs été mentionnés au sujet de la construction de ces logements. Pour le reste, je suis assez surpris de la position du groupe PLR qui, je vous le rappelle, ne s'était pas gêné pour voter le projet de loi de déclassement concernant le quartier de l'Etang il y a environ un an. De mémoire, ce déclassement était également prévu sur la commune de Vernier, à proximité des citernes, des voies de chemin de fer et de tout ce que le PLR décrie aujourd'hui dans son rapport de minorité. On peut donc voir ce soir, Mesdames et Messieurs, que le PLR mène une politique à géométrie variable: faites ce que je dis, mais pas ce que je fais. Je me demande même si parfois les intérêts ne seraient pas prépondérants par rapport à la nécessité de mener une politique pour le bien de notre canton. Sachant que Genève fait actuellement face à une pénurie de logements, je trouve malvenu de s'opposer de manière systématique à la construction de logements.
Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va donc soutenir ce projet de loi et je vous invite à faire de même dans l'intérêt du canton, car ce projet permet la construction de 400 logements à long terme, dont 300 à court terme. Merci.
M. Jacques Blondin (PDC). Il s'agit ici de construire des appartements, et le plan directeur cantonal nous impose de densifier la zone périurbaine, faute de quoi les difficultés seront évidentes, vous le savez fort bien. En effet, les surfaces d'assolement sont limitées et Berne nous fait régulièrement remarquer que si nous ne densifions pas, nous ne pourrons pas évoluer dans ce canton. Il est du reste rare de constater qu'il y a unanimité quant à la faisabilité du projet concernant ce périmètre qui est connu, qui a fait l'objet de beaucoup de discussions et qui - il faut le souligner - a reçu l'accord non seulement de la commune, qui l'a préavisé favorablement, mais aussi de tous les propriétaires qui sont vendeurs.
On l'a dit, ce projet permet la réalisation de 400 logements, dont 300 rapidement. La moitié de ces logements vont être construits par la fondation Emile Dupont, qui ne fait que de l'HBM. Elle n'attend d'ailleurs que ça pour rénover les trois bâtiments qui sont dans un triste état. En effet, ils sont clairement vétustes, à la limite de l'habitabilité, sans parler des bilans énergétiques qui nous sont imposés.
Les dessertes sont bonnes, on l'a dit, et il y en aura encore d'autres, donc ce n'est pas un problème de ce côté-là. Le souci, comme l'a relevé le rapporteur de minorité, c'est que ce n'est pas la plus belle zone du canton, on doit bien l'admettre. Les différents problèmes ne sont pas oubliés et il ne faut pas les sous-estimer. Cela dit, il y a actuellement déjà des habitants, ils sont là, et pour eux on n'a pas pris les mesures qui sont bien heureusement prévues pour l'avenir de cette zone. A la route de Vernier, il s'agit de limiter la vitesse et de poser malgré tout du revêtement phonoabsorbant. Pour ce qui est des voies CFF, on prévoit une diminution de la vitesse des wagons, la disparition du transport de chlore d'ici 2025, de nouveaux wagons sécuritaires, parce que c'est absolument nécessaire, et la réalisation d'un mur de protection.
Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien soutiendra ce projet de déclassement en zone de développement 2 qui permettra la réalisation de 400 appartements dont la classe moyenne a grandement besoin. Merci.
M. Yvan Rochat (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, les réalités de ce périmètre dit des voies CFF constituent un assez bon cliché, un assez bon instantané des contraintes environnementales auxquelles nous sommes confrontés à Vernier. Il s'agit d'un triangle situé en zone villas, dont la plus grande partie est dévolue à des immeubles archivétustes de la fondation HBM Emile Dupont coincés entre des bâtiments industriels, des voies ferrées et une route cantonale à fort trafic. La vie aujourd'hui à cet endroit n'est pas facile. La Ville de Vernier a donc vu comme une opportunité qualitative importante le projet développé conjointement par la fondation Emile Dupont et l'entreprise Losinger. Certes, pour s'assurer qu'un nouveau quartier de qualité serait réalisé, il a fallu quelque peu tordre le bras au canton, refuser la modification de zone au Conseil municipal et faire quelques déclarations dans les médias mais, il faut le noter - et le représentant du PDC l'a indiqué en détail - à partir de là le dialogue et les actions menées par le canton, par le conseiller d'Etat Hodgers ainsi que par M. Barthassat ont été très positifs. De plus, des mesures d'assainissement à la source - ce qui est important - des problématiques liées à l'OPAM et à l'OPB ont été entreprises. Certes, tout n'est pas encore parfait, mais une très nette amélioration des conditions environnementales et de vie est désormais garantie. D'ailleurs, alors qu'il avait d'abord refusé la modification de zone, le Conseil municipal de Vernier a finalement accepté le PLQ.
Elément de satisfaction supplémentaire: ce projet permettra de requalifier fortement les espaces publics et de désenclaver le quartier. Et surtout, il y aura grâce à ce projet un rapport plus serein, plus logique, de 50-50 entre les HBM et les autres types de logements, plutôt que d'avoir 90% de logements HBM comme c'est le cas aujourd'hui.
Je remercie le rapporteur de minorité d'avoir évoqué toutes ces préoccupations environnementales, et d'ailleurs je m'étonne que son parti en tout cas ne les ait jamais mentionnées lorsqu'il s'agissait par exemple - cela a été dit auparavant - du quartier de l'Etang, qui voit effectivement passer des trains contenant du chlore et qui se trouve à proximité de citernes et de l'autoroute. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je pense aussi à la Concorde, où passent également des trains vers le chemin des Sports. Ce sont des projets sur lesquels vous avez travaillé, Monsieur, notamment en tant que conseiller municipal de la Ville de Genève.
Pour toutes ces sages raisons, Mesdames et Messieurs, les Verts vous encouragent à voter ce déclassement. Merci. (Quelques applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit, ce projet de loi permet la réalisation de 400 logements ainsi que la densification d'un secteur déjà bâti, ce qui répond aux exigences de notre plan directeur cantonal et contribue aux efforts de densification vers l'intérieur qui nous sont demandés par la Confédération. Aujourd'hui, tous les signaux sont au vert sur ce périmètre: le PLQ est finalisé et le projet de construction est prêt à démarrer; refuser ce projet de loi ce soir reviendrait donc à mettre un stop à 400 logements qui pourraient être construits dans les tout prochains mois. Mme la rapporteure de majorité l'a également évoqué, il s'agit en outre de remplacer des logements qui sont particulièrement vétustes, et le déclassement permettrait une très nette amélioration de la qualité de vie des habitants de ce quartier.
Certes, je vous l'accorde, Monsieur le rapporteur de minorité - vous lui transmettrez, Monsieur le président - certains points liés à ce déclassement peuvent être jugés problématiques, notamment la question de l'exposition aux risques d'accidents majeurs, mais des mesures extrêmement concrètes ont été prises pour limiter ces risques, je pense entre autres à la réduction de la vitesse des trains transportant des substances dangereuses à 40 km/h, à la réalisation d'un mur de protection et à la disposition des bâtiments dans le quartier.
Pour ce qui est des nuisances sonores, d'autres mesures ont également été prises, notamment la pose d'un revêtement phonoabsorbant et la limitation de la vitesse de circulation sur la route de Vernier. A ce titre, le parti socialiste est convaincu qu'il est nécessaire non pas de bloquer les projets de construction de logements, mais de limiter à la source les nuisances sonores et les risques, entre autres, et c'est la politique qu'on mène en ce qui concerne l'aéroport ou le bruit lié au trafic routier en limitant le trafic de transit. Il s'agit donc effectivement d'une pesée des intérêts, et nous la faisons en faveur du déclassement et de la réalisation de logements.
J'aimerais enfin rappeler en quelques mots, Monsieur le président, le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de déclassement. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il s'agit d'un contexte de blocage de près de 4000 logements en commission, et le parti socialiste est donc satisfait de voir que le Grand Conseil semble sortir de ce blocage stérile et préjudiciable pour l'intérêt public. Nous espérons du reste qu'il en ira de même dans les autres périmètres, notamment Cointrin-Est, Cointrin-Ouest, les Corbillettes, la Seymaz et la rampe de Lancy - Pont-Rouge. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Salika Wenger (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression qu'on nage en pleine science-fiction. S'il s'était agi de construire des logements sociaux à Bellevue, j'aurais voté ce projet avec tout l'enthousiasme dont je suis capable. Mais là, on nous propose un ghetto de 400 appartements entre une voie ferrée et une route... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...sur laquelle, si on a un peu de chance, les automobilistes rouleront légèrement moins vite. C'est absolument n'importe quoi ! Pour moi, il est hors de question de voter un projet qui crée un ghetto dans un endroit invivable sous prétexte qu'on aimerait créer du logement et densifier. Je veux bien densifier, mais pas dans un endroit pareil ! Je ne veux pas de logements sociaux ni dans cette commune ni à cet endroit...
Le président. Voilà, c'est terminé, Madame !
Mme Salika Wenger. ...parce que c'est dangereux et que les personnes qui vont voter ce projet...
Le président. On a bien compris !
Mme Salika Wenger. ...ne sont pas celles qui vivront là-bas ! (Applaudissements.)
M. Adrien Genecand (PLR), rapporteur de minorité. S'agissant de ce qui a été abordé et qui constitue finalement le point central de ce dossier, des indications ont été données par l'un des conseillers administratifs de la commune, qui pensait que quand le pourcentage baisse, ça signifie qu'il y a moins de logements sociaux. C'est faux ! On va quand même doubler le nombre de logements sociaux, et en tous les cas augmenter le nombre total de ces logements sociaux. Ce n'est donc pas parce que le pourcentage baisse qu'il y en a moins. En l'occurrence, il y en aura plus, et on va effectivement construire dans une zone - et je le dis à nouveau avec toute l'incompréhension qui est la mienne dans ce débat - qui est à peu près la plus compliquée et la moins vendable. Eh bien je trouve intéressant de voir que, même dans cette configuration, une majorité qui semble se dégager à gauche, selon moi, ne comprend pas que c'est peut-être l'occasion de faire de la PPE et de proposer à des gens d'acquérir un bien, puisque ce canton compte 18% de propriétaires, je vous le rappelle, alors que la moyenne suisse se situe à 38%. Notre taux de propriétaires est ainsi inférieur de 20%. Alors pourquoi ne permettez-vous pas à des gens d'acheter à l'endroit qui est objectivement le plus compliqué à vendre ? Eh bien non, vous dites que c'est génial, que c'est Vernier, c'est-à-dire la commune qui porte déjà l'effort, et on double la proportion de logements sociaux dans ce quartier. Moi je veux bien, mais je vous dis juste qu'on va créer des tensions innommables à l'avenir, parce qu'on va se trouver dans une situation où on aura construit l'ensemble du parc de logements sociaux sur la rive droite et que, de façon très heureuse, la rive gauche ne fera pas l'effort d'en réaliser car la rive droite - Vernier en particulier - l'aura fait.
Je vous dis donc simplement mon incompréhension et celle d'une minorité qui ne comprend pas qu'on agisse ainsi dans une zone où, justement pour éviter la ghettoïsation dont a parlé mon collègue Pfeffer, on doit construire plus de logements libres et à vendre, car ça permet d'éviter un phénomène qu'on connaît depuis dix ans. En effet, depuis dix ans, Mesdames et Messieurs les députés, 2000 personnes quittent chaque année ce canton, 2000 personnes appartenant à la classe moyenne, qui partent principalement parce qu'elles ne peuvent pas acquérir de logement à Genève. Avec cette politique, vous provoquez depuis dix ans l'exode de la classe moyenne qui paie l'impôt dans ce canton. Quand les gens partent en France, ça va bien, parce qu'une partie est récupérée dans l'impôt à la source, mais quand ils vont dans le canton de Vaud, ça va mal, parce qu'on ne récupère rien. On continue pourtant à payer les infrastructures, à payer pour le logement social et les mesures de protection qui permettent d'offrir des logements sociaux acceptables en termes de conditions de vie dans un périmètre comme celui-ci. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Vous pérennisez donc un système dans lequel on va continuer à faire venir des gens qui n'ont malheureusement pas les moyens de subvenir à leurs besoins et qu'il faut aider, et vous faites partir ceux qui constituent la substantifique moelle de la construction sociale, c'est-à-dire ceux qui travaillent, ceux qui paient l'impôt. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce quartier représente effectivement assez bien le défi urbanistique que nous demande de relever la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, qui a été adoptée par le peuple suisse, je vous le rappelle, mais aussi par le peuple genevois - dans des proportions d'ailleurs très importantes - et qui consacre le principe de la densification vers l'intérieur. Il s'agit, Mesdames et Messieurs, vous le savez, de préserver notre terre agricole ainsi que nos espaces naturels. A Genève ils sont du reste majoritaires, mais ils sont rares: notre canton est petit et soumis à une forte pression démographique, elle-même issue de notre succès économique.
Ce périmètre illustre finalement cette demande de la loi fédérale de construire à proximité des axes de transport public. Il est loin le temps où l'on créait des cités ou des quartiers de villas très déconnectés, où l'on devait posséder deux voitures par ménage et les utiliser au quotidien, provoquant l'ensemble des bouchons et de la pollution que nous subissons aujourd'hui à Genève de manière bien plus massive qu'à Zurich, Bâle ou Berne. Nous devons donc densifier vers l'intérieur, et c'est vrai que c'est contraignant: il y a des axes de transport public, les CFF, le transport privé, la route de Vernier, etc. La ville, en s'étendant sur sa couronne, rattrape les zones industrielles d'hier - ici les citernes, ailleurs le PAV. On le sait, la ville s'agrandit, mais c'est un phénomène très ancien - en réalité permanent à Genève - que d'abattre ses fortifications et de s'élargir. Il s'agit d'un mouvement tout à fait naturel, et là encore il se reproduit. Nous devons donc créer la ville et offrir une qualité de vie dans des lieux où il existe des contraintes, et c'est ça le défi. Voilà pourquoi la commune de Vernier a exigé à juste titre certaines garanties de la part du canton, afin que le projet atteigne finalement un niveau qui ne soit pas simplement acceptable et légal, mais qui promette une certaine qualité de vie, sachant que le cadre n'est pas idéal. On ne peut cependant pas tous vivre dans une commune aisée au bord du lac, avec des jardins personnels et vue sur l'horizon. Ce serait beau, mais ce n'est pas la réalité. La réalité, c'est celle d'un canton diversifié, avec aussi une population fragilisée qui doit trouver une place.
En l'occurrence, Mesdames et Messieurs, nous avons ici un projet qui a recueilli l'accord de tous les services préaviseurs de l'Etat ainsi que de la commune qui, contrairement à ce qu'a dit le rapporteur de minorité, ne s'est pas vu imposer ce projet, puisqu'elle l'a adopté. Ce dernier a en outre recueilli l'accord de tous les propriétaires privés de ce secteur, de la fondation Emile Dupont et du promoteur Losinger Marazzi, on l'a dit, ce qui fonde finalement un large consensus.
Sur les engagements en matière d'infrastructures de proximité, non seulement le Conseil d'Etat s'est engagé pour que les trains réduisent leur vitesse à 40 km/h, mais il a aussi signé une convention avec les CFF, la Confédération et les autres cantons concernés pour que les wagons de chlore cessent de passer par Genève de manière générale. En effet, vous savez qu'au-delà de ce secteur, ils passent aussi par la gare Cornavin et par conséquent par d'énormes secteurs habités - il n'est donc pas simplement question des nouveaux quartiers. Le Conseil d'Etat s'est en outre engagé à entamer le mouvement de ces citernes. J'ai du reste renoncé à renouveler le contrat qui arrive à échéance d'ici une dizaine d'années sur plusieurs secteurs de ces citernes. Ça ne fait pas le tout, mais nous entamons un mouvement d'éloignement de ces secteurs à nuisances. Le Conseil d'Etat s'est par ailleurs réjoui d'augmenter la densité globale, car il faut construire pour répondre aux besoins de la population, et par là même d'accroître la part de PPE, puisque l'équilibre social doit aussi se faire à travers un équilibre des typologies.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet est à juste titre à comparer avec celui de Pont-Rouge - qui est en train d'être finalisé, avec tout un lot de secteurs d'activité mais aussi de PPE - ou celui du quartier de l'Etang, qui se situe non loin du périmètre que nous venons d'évoquer. Il est donc vrai que le Conseil d'Etat s'interroge sur l'opposition qui est celle de l'aile humaniste du PLR... (Exclamations.) ...peut-être aussi de l'aile non humaniste, on le verra lors du vote - je ne sais pas s'il y a une division au sein du PLR sur cette question ! En effet, si je résume la position de ce parti d'une manière générale, débat après débat, je comprends qu'il ne faut pas construire sur zone de fond villas, je comprends qu'il ne faut pas construire plus de logements au PAV - 1900 logements supplémentaires, en l'occurrence - bien qu'ils aient été acceptés par la population, je comprends maintenant qu'il ne faut pas construire à proximité des futures gares parce que c'est effectivement dangereux, ni à proximité des routes, et la Confédération nous dit qu'il ne faut pas construire en zone agricole. Mesdames et Messieurs les humanistes ou non du PLR, où devons-nous donc construire ? J'attends impatiemment vos propositions de motions pour rééquilibrer le logement social entre la rive gauche et la rive droite ! (Applaudissements.) Voilà un acte qui serait fort, un acte qui nous engagerait à aller voir les communes plus aisées qui, contrairement à celle de Vernier, ne veulent ni 200, ni 100, ni 50 logements sociaux mais qui, grâce peut-être à l'aile humaniste du PLR, nous permettraient d'enfin rééquilibrer les efforts nécessaires non seulement pour la classe la moins aisée, mais aussi pour la classe moyenne qui, comme cela a été dit, doit s'exiler.
Mesdames et Messieurs, j'espère qu'il y aura une majorité pour concrétiser le plan directeur que vous avez adopté en 2013 et que le Conseil d'Etat s'applique scrupuleusement à développer, sans trop inventer d'autres périmètres. Il s'agit ici de matérialiser tout simplement les engagements que nous avons pris, que vous avez pris en 2013. La population de Vernier et les milieux de la construction vous remercient donc de trouver des majorités pour continuer à développer notre canton.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Des voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous allons donc procéder au vote nominal. (Le président est interpellé.) Vous avez eu le temps de prendre la parole avant ! (Commentaires.) Nous sommes en procédure de vote. (Protestations.) J'ai bien compris ! Nous passons tout de suite au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12127 est adopté en premier débat par 60 oui contre 34 non (vote nominal).
Deuxième débat
Le président. Je passe la parole au numéro deux... pardon, à M. Martin Staub. (Exclamations.)
M. Martin Staub (S). Je vous remercie. J'aimerais juste annoncer que je n'ai pas voté et que je ne prendrai pas part aux votes parce que je suis membre du conseil de la fondation Emile Dupont. Voilà pourquoi j'ai demandé la parole ! Merci, Monsieur le président.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, je continue à demander le vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 5.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12127 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 31 non (vote nominal).
Débat
Le président. Pour l'objet suivant, le rapporteur de majorité est remplacé par M. Eric Leyvraz. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Leyvraz - s'il est d'accord.
M. Eric Leyvraz (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Nous voilà de nouveau face à une résolution concernant le glyphosate ! Je rappelle quand même que tout ce qui concerne l'utilisation de produits phytosanitaires dépend de la Confédération, de l'OFAC. Donc, habitant en Suisse, ce serait bien que nous respections les règles suisses ! C'est la deuxième fois qu'on a un objet là-dessus: c'était le cas en 2017, on en retrouve un maintenant. Je suis d'accord sur le fait qu'on peut discuter de tous les sujets, malheureusement, là, on perd du temps - par deux fois ! D'abord parce qu'il s'agit de règles fédérales sur lesquelles nous n'avons pas d'influence. Ensuite, 90% des résolutions de Grands Conseils qui arrivent à l'Assemblée fédérale proviennent de Genève... (Commentaires.) Et on sait très bien le sort qui les attend: la poubelle sans même être lues, en général ! C'est donc fort dommage.
Le glyphosate est un désherbant qui a mauvaise réputation pour la simple et bonne raison qu'il est utilisé dans pas mal de pays sur les OGM. Les OGM résistant à ce désherbant sont traités depuis des hélicoptères d'une façon scandaleuse, avec une dérive du produit qui est évidemment énorme. Ce n'est pas du tout le cas en Suisse. En Suisse, ce produit est utilisé de façon extrêmement raisonnable, directement au sol: il n'y a pas de projections dans l'air, et les fruits, les légumes ou les raisins ne sont pas touchés par ce produit ou n'en contiennent pas de résidus. Vous pouvez lire dans le rapport ce que nous a dit le chimiste cantonal à ce sujet, je crois que c'est assez clair. Moi, ce que j'aimerais surtout vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'il ne faut pas que vous tombiez dans une manière de voir manichéenne. Aujourd'hui, vous faites du bio, c'est bien ! Vous ne faites pas du bio, c'est mal ! Nous sommes entourés par des docteurs ès Wikipédia, qui savent tout et qui vous expliquent exactement ce qu'il faut faire. Je suis un pionnier de la culture biologique, j'ai eu pendant quinze ans le plus grand domaine suisse en culture biologique pour la vigne, je pense donc que c'est un sujet que je connais bien ! La culture bio, c'est bien, mais ce n'est pas la panacée et elle n'apporte pas toutes les solutions ! Je dois dire que, pour finir, j'ai choisi d'utiliser du désherbant glyphosate parce que, du point de vue environnemental, j'ai fait le calcul; entre passer quatre fois avec des machines entre les ceps pendant quatre jours - un travail extrêmement pénible pour le conducteur de tracteur - ou passer une seule fois, sans tasser le sol, avec 0,5 litre de glyphosate par hectare, j'ai fait mon calcul. Entre l'utilisation de centaines de litres de gazole et l'utilisation de quelques litres de désherbant, je pense que le calcul environnemental est extrêmement vite fait !
Pour ces raisons-là, je pense qu'il ne faut pas accepter cette résolution; elle ne sert strictement à rien. Les chimistes que nous avons à l'OFAG sont des gens de haut niveau qui ne sont pas vendus aux grandes entreprises internationales. L'Office fédéral de la santé publique a aussi des médecins de haut niveau et s'ils nous disent que nous pouvons utiliser ces produits en Suisse comme les utilisent les paysans qui sont formés pour, je pense qu'on peut quand même une fois faire confiance à ces gens-là. Il est bien clair que nous cherchons par tous les moyens à éviter les désherbants et les produits de ce genre, mais actuellement, on n'a rien d'autre. Plein de projets sont en cours, mais, sur le terrain, il n'y a rien d'autre de vraiment valable.
Je vous rappelle aussi que pour les CFF, ne plus avoir recours au glyphosate représentera un immense problème. Je ne connais pas les chiffres pour les CFF, mais en France, l'abandon du glyphosate coûterait 500 millions d'euros par année à la SNCF. Voilà où nous en sommes aujourd'hui dans l'utilisation de ces produits. La plupart des produits alimentaires qui ont été testés et qui contenaient des traces de glyphosate venaient de pays étrangers où on peut utiliser ce produit d'une façon qui n'existe pas en Suisse.
Je vous demande donc de ne pas soutenir cette résolution. Premièrement, elle ne sert à rien. Deuxièmement, soyez conscients que, pour les paysans, ce sont des produits qui coûtent cher; s'ils pouvaient les éviter, ils le feraient volontiers, et ils les utilisent en tout cas avec beaucoup de parcimonie.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, la minorité pense au contraire que la situation est plutôt préoccupante, et cette résolution s'inscrit pleinement dans l'actualité. En effet, la toute récente révision de l'ordonnance sur la protection des eaux révèle que le gouvernement fédéral a l'intention d'augmenter massivement la limite de 25 pesticides dont le glyphosate. En parallèle, le Conseil national a accepté, il y a moins de deux semaines, un postulat des Verts qui demandait d'étudier l'opportunité et les modalités d'une sortie progressive du glyphosate. J'ajoute que, cet été, le Conseil d'Etat vaudois proposait un plan d'action pour réduire l'utilisation du glyphosate sur le territoire cantonal. Le sujet est donc brûlant pour nous et Genève a clairement une carte à jouer ici. Je rappellerai aussi d'entrée de jeu que l'usage du glyphosate ne concerne de loin pas que l'agriculture. Bien au contraire, les privés - souvent en grands amateurs - ou les voiries publiques, notamment pour l'entretien des cimetières, y ont souvent recours.
Alors oui, le glyphosate est un des herbicides les plus vendus en Suisse; on le connaît surtout parce qu'il est l'ingrédient principal du Roundup, ce fameux désherbant commercialisé par la multinationale Monsanto. Le glyphosate n'est pas un produit anodin puisque le Centre international de recherche sur le cancer de l'OMS l'a qualifié de cancérigène probable en mars 2015. La consommation régulière de cet herbicide dans nos aliments nous expose à des effets cumulatifs et chroniques. Bien sûr, il y a tout cet enjeu de santé publique, mais nous risquons aussi avec ce produit la pollution de nos rivières, de nos sols et de notre flore, de manière générale, ainsi que l'empoisonnement de notre faune.
Le principe de précaution, c'est là-dessus qu'il faut insister, est étroitement lié au droit de la santé et au droit de l'environnement, et il devrait ici prévaloir: c'est absolument ce que pense la minorité. Le canton de Genève a déjà appliqué le principe de précaution dans le domaine agricole en inscrivant en 2016 dans la loi sur la promotion de l'agriculture l'interdiction de la culture de plantes génétiquement modifiées. Aujourd'hui, programmer la sortie du glyphosate en Suisse s'inscrit dans cette volonté genevoise d'appliquer le principe de précaution lorsque les risques encourus sont trop élevés. Pour la minorité, il est essentiel de rappeler l'importance de l'accompagnement des transitions parce que - la majorité le disait tout à l'heure - on manque aujourd'hui d'alternatives concrètes. Il faut donc accompagner la sortie de certains produits, il faut organiser une sortie programmée du glyphosate et, en parallèle, soutenir des alternatives en renforçant les recherches agronomiques régulièrement attaquées. C'est précisément ce que demandent les deux amendements que vous pouvez lire sur le tableau et qui sont redéposés aujourd'hui par la minorité. Ces amendements demandent précisément «d'organiser la sortie programmée du glyphosate» et «de renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives au glyphosate».
Vu les risques sanitaires et environnementaux que nous encourons avec le glyphosate, vu la volonté citoyenne exprimée aussi à plusieurs reprises, vu également que des alternatives existent mais que nous devons les développer davantage, la minorité vous invite chaleureusement ici à soutenir naturellement cette résolution.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC est conscient de la complexité du problème et des difficultés que rencontrent déjà les agriculteurs au quotidien, de même que leur volonté d'éviter ces produits. Les paysans sont sous pression pour des questions de prix et ils sont soumis aux aléas du climat pour un retour sur investissement qui n'est pas toujours là. Les solutions doivent venir des milieux concernés et l'Etat doit soutenir les recherches qui vont dans ce sens. Dicter au monde agricole sa manière de travailler n'est pas une solution, c'est une condamnation et un manque de respect pour les paysans - toujours moins nombreux - qui aiment leur travail et les produits qu'ils proposent.
Il faut souligner qu'en Suisse, le glyphosate n'est jamais utilisé sur les fruits et légumes. Si nous en mangeons, c'est principalement en consommant des produits importés, car la législation est plus souple ailleurs. Nous devons cependant réfléchir à nos modes de consommation et nous protéger des lobbies de l'industrie qui tendent à minimiser les problèmes liés aux produits phytosanitaires. Le glyphosate n'est pas utilisé que dans l'agriculture, il l'est notamment dans les peintures de façade de nos bâtiments. Nous sommes cependant absolument scandalisés par les déclarations récentes du Conseil fédéral qui veut augmenter les normes de tolérance des pesticides dans l'eau, ce qui va complètement à l'encontre de toute la tendance européenne et minimise totalement la problématique de la santé environnementale pourtant très actuelle. L'urgence se fait sentir et, à terme, sortir du glyphosate est nécessaire car, même en encadrant son utilisation, on en retrouve dans nos sols et dans l'eau, et personne ne dira que ces produits sont complètement inoffensifs ! C'est une question de santé publique que de s'en préoccuper ! Il s'agit aujourd'hui d'envoyer un message clair aux autorités fédérales pour les encourager à prendre des mesures qui débouchent sur des alternatives concrètes à l'utilisation du glyphosate en Suisse. Ne nous laissons pas manipuler par une simplification du problème et, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, pour une fois, soyons ambitieux et penchons-nous dès aujourd'hui sur la question ! C'est la raison pour laquelle le PDC vous invite à soutenir le texte amendé. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a déjà dit ici, il est urgent de légiférer pour abolir ce fléau qu'est le glyphosate et, plus largement, de légiférer sur l'utilisation des pesticides. Il est urgent de le faire ici, sachant que le Conseil fédéral ne voit pas de raison, selon ses propres mots, d'interdire le glyphosate. Au contraire, il voudrait augmenter les valeurs limite des pesticides en Suisse. Or, s'il n'a pas pu le faire jusqu'à présent, c'est bien parce qu'il y a des résistances qui proviennent des cantons. Cela montre bien que le texte dont on parle ici est utile même si les enjeux se trouvent à Berne pour l'essentiel.
Ensuite, selon le Centre international de recherche sur le cancer, le glyphosate est considéré comme un cancérigène probable et il présente des risques réels et sérieux pour la santé. Cela a été rappelé, mais j'aimerais ajouter qu'il s'agit de toute évidence d'un fléau environnemental majeur. Il faut savoir qu'actuellement, qu'il s'agisse de plantes ou d'animaux, ce sont les espèces des milieux agricoles, des campagnes, qui sont le plus menacées et qui ont vu leurs populations s'effondrer le plus massivement. On peut citer l'exemple des oiseaux, dont 25% des individus ont disparu des champs et des prairies suisses ces vingt dernières années; cela revient concrètement à 350 000 oiseaux en moins ces vingt dernières années. (Commentaires.)
Il est donc urgent de légiférer, il est urgent d'accepter ce texte; il ne faudrait pas s'abriter derrière des prérogatives fédérales et attendre que le changement vienne uniquement du Conseil fédéral ou des Chambres: je pense qu'il y a également une marge de manoeuvre à Genève pour développer une agriculture de proximité, une agriculture biologique, et écouter - enfin ! - le signal qui a été envoyé massivement par la population lors des dernières votations.
M. François Baertschi (MCG). Certes, il faut défendre les consommateurs. Certes, il faut obtenir une meilleure qualité par des moyens très divers. Ce n'est pas notre rôle en tant que consommateurs, parce que nous n'en avons pas les compétences - enfin, la plupart des consommateurs ! Même si chacun se prend pour un expert en biologie et en agrochimie et tout ce qu'on veut, ce n'est absolument pas notre domaine, malheureusement ! Envoyer cette résolution à Berne relève de la spéculation, pour ne pas dire la gesticulation, parce que ce n'est pas de notre domaine. Je veux bien entendre les discours de certains partis qui affirment la priorité du droit cantonal en matière de glyphosate: Genève doit avoir la priorité. Bien sûr, on enveloppe cela avec certaines figures de style, mais, à côté de cela, si on va au fond du problème, si on suit les auteurs de la résolution, moi j'ai envie de leur dire: vous êtes pour le droit cantonal, vous êtes pour le droit local ? Vous allez donc voter le 25 novembre en faveur de l'initiative pour la primauté du droit local, du droit suisse ou du droit genevois sur le droit international ! J'aime bien cette vision des choses: vous revenez au local ! Malheureusement, sur ce sujet, vous ne pouvez pas agir ! En revanche, le 25 novembre, vous pourrez agir ! (Rires.) Nous allons refuser ce texte parce qu'il va visiblement finir à la poubelle - malheureusement - ou il recevra en tout cas une écoute très limitée. Le 25 novembre, je vous recommande de voter pour la primauté du droit local. (Applaudissements.)
Mme Léna Strasser (S). Mesdames et messieurs les députés, oui, des alternatives sont possibles à l'utilisation du glyphosate, tout comme d'ailleurs à celle des autres produits phytosanitaires de synthèse utilisés comme herbicides ou pesticides. La montée en puissance de l'agriculture biologique en Suisse en est bien la preuve; son essor a permis de faire évoluer les recherches dans ce domaine, recherches qu'il faut développer encore et renforcer pour soutenir les agricultrices et agriculteurs souhaitant sortir du cercle vicieux qu'est l'utilisation du glyphosate. «Rester concurrentiel signifie assurer l'évolution constante des produits, développer une forte capacité d'innovation et rediriger le système de production vers des produits sains et responsables, tant au plan social qu'environnemental.» Cette phrase figure dans l'actuel plan directeur de la recherche agronomique et agroalimentaire de l'Office fédéral de l'agriculture. Mesdames et Messieurs les députés, les citoyennes et les citoyens l'ont compris, ils se tournent de plus en plus vers des produits et des aliments cultivés dans le respect de l'environnement. D'ailleurs, certaines et certains ont pris la mesure des risques sanitaires et environnementaux et lancé une initiative fédérale «Pour une Suisse libre de pesticides», initiative sur laquelle le peuple se prononcera.
J'ai lu dans «Le Temps» du 19 septembre dernier une citation de M. Clerc, agronome à l'Institut de recherche de l'agriculture biologique - le FiBL - qui dit: «Les agriculteurs [et les agricultrices] sont des chercheurs [et chercheuses], ils aiment parler de leurs expériences.» En parlant avec un agriculteur genevois dernièrement, j'ai vu s'illuminer ses yeux et s'éclairer son regard lorsqu'il m'a expliqué comment il avait réussi à baisser drastiquement sa consommation d'herbicide. Les agriculteurs et les agricultrices aiment leur métier et les terres qu'ils cultivent, Mesdames et Messieurs. Ils sont soucieux de les préserver et ont besoin que la recherche leur permette de trouver des solutions aux problèmes qu'ils résolvent actuellement par l'utilisation de produits phytosanitaires de synthèse. Alors oui, le groupe socialiste votera en faveur de cette résolution pour en finir une fois pour toutes avec l'utilisation du glyphosate en Suisse et il soutiendra également l'amendement proposé par la rapporteure de minorité. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est pour une minute à M. le député Jacques Blondin.
M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le produit de remplacement du glyphosate existe, c'est le PTB. Le PTB, ça veut dire: prends ta binette ! Donc, travail manuel pour tous les agriculteurs ! Cela dit, cette résolution ne changera rien à la teneur éventuelle en résidus dans les produits alimentaires élaborés en Suisse, puisque en Suisse, il n'y a pas de glyphosate utilisé sur les plantes. Donc, pas de résidus ! Par contre, sachez que quand vous allez faire vos courses dans la périphérie française, le pain que vous allez manger contient vraisemblablement quelques résidus de glyphosate, puisque là, on l'utilise sur la plante pour activer la maturation du grain. Donc, renchérir la Suisse sans rien changer à notre environnement est un non-sens puisque nous consommons «global». Je ne voterai pas cette résolution, car elle ne résout pas ce problème !
Mme Simone de Montmollin (PLR). Chers collègues, le PLR s'est déjà exprimé sur cette question et il ne changera pas d'avis. Sur le plan fédéral, le Conseil fédéral s'est aussi déjà prononcé ces derniers mois de manière réitérée sur l'interdiction et il n'y a pas lieu de penser que cette résolution recevra une autre réponse. Par ailleurs, la deuxième invite du texte est précisément le postulat déposé par les Verts et accepté par le Conseil fédéral, qui reprend exactement les mêmes termes; renvoyer une résolution déjà traitée à Berne avec les mêmes termes n'a aucun sens. Réduire l'utilisation de pesticides: vous avez parlé du canton de Vaud, Genève n'est pas à la traîne, Genève a aussi adopté un plan de réduction ambitieux qui va plus loin que le plan fédéral. Le travail se fait donc déjà, partout où il peut être mené.
Nous n'allons pas accepter les amendements pour les raisons évoquées. Le premier amendement reprend un postulat déjà accepté et, en ce qui concerne le deuxième amendement, si l'on veut renforcer la recherche agronomique, déposons un objet qui aille précisément dans ce sens, mais, à titre personnel, je refuse d'envoyer à Berne une résolution dont l'exposé des motifs est un amalgame entre les produits utilisés par les agriculteurs et ceux utilisés par les militaires américains durant la guerre du Vietnam ! Ce n'est pas faire honneur à la recherche agronomique que d'associer ces deux thématiques. Nous refuserons donc ce deuxième amendement.
Il faut quand même se souvenir que les décisions que prennent les autorités fédérales - elles sont nombreuses - se fondent sur les conclusions des travaux menés par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'Agence européenne des produits chimiques et divers comités d'experts d'agences onusiennes. Plus de mille études ont été réévaluées pour prendre cette décision, c'est un nombre jamais atteint pour d'autres types de matières actives. Elles aboutissent toutes à la même conclusion: le glyphosate ne peut pas être classé comme cancérigène, nocif pour la reproduction ou nocif pour l'environnement. C'est la raison pour laquelle les autorités suisses jugent qu'une utilisation conforme aux prescriptions suisses ne fait pas courir de risques inacceptables, ni pour les individus ni pour l'environnement. Le Centre international de recherche contre le cancer a, lui, considéré le glyphosate comme cancérigène probable, mais cela au même titre que l'est la viande rouge. Ces évaluations ne tiennent pas compte du risque, à savoir l'exposition et la dose.
En parlant d'exposition, mon préopinant l'a dit, il s'agit de traces trouvées dans les aliments. Or, on trouve ces traces essentiellement dans les produits importés. Une interdiction en Suisse ne préservera donc pas le consommateur d'un contact avec des traces de substances dans les pâtes et dans tous les produits importés faits à base de farine et de blé étranger. Pour toutes ces raisons, je crois qu'il faut garder la mesure et refuser cette résolution.
Mme Isabelle Pasquier (Ve). Chers collègues, l'Office fédéral de l'agriculture et ma préopinante ne sont pas inquiétés par les résidus de glyphosate. Pour ma part, j'aimerais rappeler trois chiffres qui rappellent l'ampleur du problème. 37% tout d'abord: c'est le pourcentage des Romands testés qui présentent des traces de glyphosate dans leur urine. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît ! Je vous redonnerai les quelques secondes que vous perdez, Madame. Mesdames et Messieurs, j'aimerais que nous terminions cette résolution avant le huis clos; traitons-la avec le plus de silence possible, de façon que Mme la députée puisse s'exprimer. Je vous redonne la parole, Madame.
Mme Isabelle Pasquier. 40% ensuite: c'est le pourcentage d'aliments analysés dans l'étude précitée qui présentent le risque d'une présence de glyphosate. C'est juste, M. Blondin l'a indiqué, les aliments les plus touchés étaient le blé et d'autres produits importés, mais tout de même: 100% des vins ! L'étude ne le précise pas, mais des vins suisses ont probablement aussi été analysés. 100% des vins et des jus de fruits contenaient des traces de glyphosate en quantité moindre.
Troisième chiffre: 70%, c'est selon l'EPFZ le pourcentage de rivières et de cours d'eau qui présentent des traces préoccupantes de pesticides. 20% des eaux de boisson contiennent aussi des taux de pesticides supérieurs au 0,1 mg toléré par litre.
Qu'a fait le Conseil fédéral jusqu'à présent ? Il minimise les risques ! Le glyphosate est cancérigène, mais le Conseil fédéral considère qu'il ne l'est pas à cette dose. Il néglige complètement l'effet cocktail: les normes considèrent les substances indépendamment les unes des autres, alors qu'on sait qu'en consommant ces produits, on a une multitude de résidus qui pose problème, et cela n'est pas étudié. On revient effectivement à un problème lié aux produits importés. Or, on a trouvé jusqu'à quinze résidus de pesticides dans un produit. On ne peut donc pas minimiser ces effets-là.
Que fait encore le Conseil fédéral ? Il révise les normes, cela a aussi été dit précédemment. Par rapport aux taux de pesticides et de résidus trop importants dans l'eau, que fait le Conseil fédéral ? Il rehausse les limites pour ne plus avoir de problème ! C'est pourquoi il est important de donner un signal fort à nos autorités: l'utilisation de glyphosate en Suisse doit continuer à diminuer et la recherche d'alternatives doit être encouragée.
Pour terminer et dire pourquoi il est important de se prononcer sur ce texte, j'aimerais rappeler deux dates. Le 23 septembre dernier, nous avons voté sur deux textes: l'initiative pour la souveraineté alimentaire et celle pour des aliments équitables. C'est à Genève qu'ont été obtenus les meilleurs résultats et cela montre les préoccupations des Genevoises et des Genevois sur ces questions-là. Si nous avons obtenu ces bons résultats, c'est aussi parce que, dans notre canton, nous étions alliés au milieu de la production agricole, aux familles paysannes. C'est dans ce sens que vont les deux amendements d'aujourd'hui; ce que nous voulons, c'est organiser ensemble une sortie programmée, anticiper la sortie programmée du glyphosate et renforcer la recherche. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes saisis d'un amendement qui remplace l'invite actuelle par deux invites:
«demande à l'Assemblée fédérale
- d'organiser la sortie programmée du glyphosate;
- de renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives au glyphosate.
invite le Conseil d'Etat
à soutenir cette initiative cantonale.»
Je vous fais voter sur la première invite: «d'organiser la sortie programmée du glyphosate».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 47 oui contre 38 non et 3 abstentions.
Le président. Nous votons à présent sur la deuxième invite: «de renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives au glyphosate».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 40 non et 4 abstentions.
Mise aux voix, la résolution 837 ainsi amendée est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 45 oui contre 43 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons maintenant traiter à huis clos le RD 1251. En conséquence, je demande au Conseil d'Etat de bien vouloir se retirer, à la presse et au public de quitter la salle et le bâtiment de l'UIT, aux huissiers de fermer les portes et à Mme la mémorialiste de couper les micros et la retransmission sur les canaux télévisuels ainsi que sur notre site internet.
La séance publique est levée à 22h15.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
Cet objet est clos.
La séance est levée à 23h05.