République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 mai 2018 à 17h
2e législature - 1re année - 1re session - 2e séance
M 2301-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous abordons les objets liés M 2301-A et M 2302-A en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Raymond Wicky, à qui je cède le micro.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, je dois tout d'abord constater avec regret que nous traitons ces textes en plénière et non aux extraits, alors que le rapport de minorité annoncé a été rapidement retiré. Pourquoi ? Parce que ces propositions de motions ont été écrites sur la base de constats inexacts, voire totalement abusifs. En effet, elles sont essentiellement en lien avec l'Usine, qui s'était vu mettre en attente une demande de crédit formulée auprès de la Loterie romande en raison de l'avènement d'une nouvelle législation - sauf erreur la LRDBHD - qui devait amener une clarification entre l'Usine et les autorités cantonales. Contrairement à ce qui a été affirmé en commission, il n'y a jamais eu la moindre révocation du Conseil d'Etat, tout au plus un gel.
J'aimerais rappeler que la LORO a réparti 37 millions de francs de dons en 2017 à la satisfaction pleine et entière des intéressés, d'après les auditions menées par la commission. Evidemment, si vous recevez une réponse négative, vous n'êtes pas content, mais ça fait partie des règles du jeu. La répartition des bénéfices de la Loterie romande est effectuée selon des critères extrêmement précis résultant du règlement concordataire qui en régit la distribution.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'une nouvelle loi sur les jeux d'argent nous est actuellement proposée; si elle est acceptée, il faudra établir un nouveau règlement concordataire. A ce moment-là, les motionnaires, qui ne sont malheureusement plus beaucoup dans cette enceinte - en tout cas, la principale signataire... (Brouhaha.)
Le président. Une petite seconde, Monsieur le député. Il y a beaucoup de bruit là-devant, parce que tout le monde parle avec les conseillers d'Etat... Monsieur Mettan, Monsieur Barde ! Laissons le rapporteur terminer dans le silence, s'il vous plaît.
M. Raymond Wicky. Merci, Monsieur le président. Comme je le disais, si cette nouvelle loi est acceptée, il faudra constituer un nouveau concordat romand qui produira un règlement que nous risquons bien d'examiner en commission interparlementaire romande. A ce moment-là, les motionnaires ou ce qu'il en reste pourront sans autre apporter des propositions d'amendements, ce sera beaucoup plus propice. C'est pourquoi la majorité de la commission vous invite à refuser purement et simplement ces deux motions. Merci de votre attention.
M. Eric Leyvraz (UDC). Je serai très rapide, Monsieur le président, parce que ces deux propositions de motions devaient effectivement être renvoyées aux extraits: nous disposons d'un organe de répartition pour les 37 millions qui nous sont versés par la LORO, cette répartition doit être préavisée puis validée par le Conseil d'Etat, c'est un système qu'on trouve dans tous les cantons romands à l'exception de celui de Vaud, on peut dire que la répartition est tout à fait équitable et qu'il est rarissime que le Conseil d'Etat retoque une décision de l'organe de répartition. En résumé, le système fonctionne fort bien, alors pourquoi le changer ? Nous allons évidemment refuser ces deux textes. Merci.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, suite aux explications et précisions obtenues en commission et pour les raisons déjà évoquées, le groupe démocrate-chrétien ne soutiendra pas ces deux propositions de motions. Il n'existe pas de droit de veto du président de l'organe de répartition; par contre, si le dossier est incomplet ou qu'il ne remplit pas les critères impératifs, le président renvoie les dossiers aux demandeurs en signalant le refus d'entrer en matière. L'organe de répartition délivre des préavis qui doivent ensuite être confirmés par le Conseil d'Etat par voie d'arrêté. Lorsqu'un événement n'a pas eu lieu, une révocation ne peut être valablement prononcée que par le Conseil d'Etat. Si un dossier est clairement incomplet ou qu'il ne remplit pas les critères impératifs, je le répète, le président renvoie les dossiers aux demandeurs en signalant le refus d'entrer en matière.
Ces dispositions, comme cela a été indiqué tout à l'heure, relèvent d'un règlement concordataire qui implique que chaque canton ait son organe de répartition. A cet égard, il faut rappeler que les concordats sont validés par les parlements cantonaux. Pour toutes ces raisons, le groupe démocrate-chrétien s'opposera à ces deux motions.
M. Grégoire Carasso (S). Tout à l'heure, Mesdames et Messieurs, le rapporteur nous expliquait que le constat posé par ces deux propositions de motions est inexact, voire abusif. C'est sans doute le charme d'une réalité changeante, celle de l'Usine, celle de débats que vous avez connus mieux que moi, à n'en pas douter, sur la LRDBHD, pour employer cet acronyme barbare, ces précédents semestres. Néanmoins, le fait qu'une décision politique valide des choix d'attribution à des associations ou à des organismes à vocation culturelle semble aux yeux du groupe socialiste une question de principe intéressante.
L'auteure de ces deux textes, Sarah Klopmann - que nous saluons au passage - reconnaissait elle-même en commission que certaines des invites, notamment l'évocation d'un droit de recours, étaient à bien des égards problématiques pour le fonctionnement de l'organe de répartition et, in fine, du Conseil d'Etat, lorsqu'ils statuent sur des propositions de soutien à vocation culturelle. Pourquoi une question de principe intéressante, Monsieur le président ? Simplement parce qu'il en va de l'indépendance culturelle et de la liberté artistique. Est-ce au final à un élu avec son bagage et sa couleur politique - couleur politique qui pourrait d'ailleurs, si je l'ai bien compris, être amenée à changer - d'arbitrer, de délivrer un feu vert ou au contraire rouge à une demande de subvention culturelle, lorsque l'on sait que l'organe de répartition - que nous saluons également pour la qualité de son travail au fil des ans et l'importance qu'il joue dans la cité - est composé d'experts qui précisément étudient les dossiers et, c'est le modèle genevois, délivrent un préavis à l'attention du Conseil d'Etat ?
Nous considérons qu'il y a dans le modèle vaudois, où ce sont des experts qui se prononcent, et non des politiques, une manière de procéder intéressante du point de vue de la gouvernance et de la transparence. C'est la raison pour laquelle, bien que notre pronostic soit relativement pessimiste, nous vous invitons à voter ces deux motions. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, je vais bien sûr soutenir la position de ma prédécesseure Sarah Klopmann, en reprenant un peu les mêmes arguments que le député Carasso. La question qui se pose ici, c'est l'indépendance de la culture. Quel choix veut-on faire ? Doit-on vraiment faire confirmer par le Conseil d'Etat une décision ou un préavis d'une commission d'attribution, alors que c'est le Conseil d'Etat lui-même qui a nommé cette commission, qui en a choisi les membres ? Il devrait quand même leur faire confiance et pourrait même s'éviter le travail de ce qui s'apparente à un doublon.
Voilà la principale raison pour laquelle les Verts vous invitent à soutenir ces deux motions. La première vise davantage de transparence en demandant que les réponses négatives soient transmises aux requérants, afin qu'ils connaissent les raisons du refus, tandis que la seconde va plus loin en exigeant que le Conseil d'Etat ne se mêle plus des préavis, que ceux-ci soient directement acceptés comme tels, puisque la commission a déjà été nommée par le Conseil d'Etat lui-même. Au nom du groupe des Verts, Mesdames et Messieurs, je vous prie de soutenir ces deux objets. Merci.
Mme Beatriz de Candolle (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, près de 30 millions sont distribués chaque année par la Loterie romande aux milieux associatifs et culturels de Genève. Sans cette manne, combien de projets d'utilité publique ne verraient pas le jour ? Lors du traitement de ces deux propositions de motions en commission, comme cela a été dit précédemment, la majorité a compris qu'elles ont été rédigées sur la base d'informations erronées.
L'organe de répartition genevois distribue les dons selon des critères clairs et précis. L'association Raízes pour la langue et la culture brésiliennes, que je préside depuis près de vingt ans, a eu recours à la Loterie romande quatre fois: dans deux cas, l'organe de répartition nous a accordé un don, dans les deux autres il nous l'a refusé, car nous ne remplissions pas tous les critères. L'explication figurait clairement dans les courriers de la LORO, et nous l'avons bien comprise. Pour le groupe PLR, la répartition des gains de la Loterie romande se déroule parfaitement, et il vous invite tout simplement à refuser ces deux motions. Merci.
M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le sujet qui se cache derrière ces propositions de motions est important, il s'agit du financement de la culture. Si les textes comportent quelques imperfections, on ne peut en revanche pas dire, comme je l'ai entendu, que le système actuel fonctionne parfaitement bien, puisqu'il y a eu par le passé des problèmes avérés, notamment dans le cas de l'Usine.
J'aimerais pour ma part revenir en particulier sur la motion 2302. Finalement, la culture est un moyen d'expression, et il est nécessaire en démocratie que cette expression ne soit censurée d'aucune manière. Les dispositions légales laissent la possibilité au Conseil d'Etat d'arbitrer, et celui-ci pourrait - je dis bien pourrait - être tenté de trancher en fonction de considérations politiques, ce qui pose évidemment un problème démocratique.
De plus, l'actualité nous montre bien l'importance d'éviter coûte que coûte toute forme de conflits d'intérêts susceptibles de fragiliser la gouvernance de ce canton. Au moment des problèmes avec l'Usine, il a d'ailleurs été reproché à M. Maudet, à tort ou à raison, d'être intervenu sur des bases purement politiques, et on ne peut pas se permettre ce genre de soupçons quand on parle de financement de la culture.
Je vous rappelle que la culture est importante pour beaucoup de monde, que des institutions comme l'Usine trouvent un écho large auprès de la population et qu'elles ont un besoin impératif d'indépendance. C'est pourquoi je vous appelle à voter en faveur de ces motions. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur. Mesdames et Messieurs, chers collègues, permettez-moi de faire deux remarques par rapport aux dernières interventions. Premièrement, le droit de recours aurait toute sa raison d'être si tout était basé sur le libre arbitre, autant de la commission de répartition qui fait les propositions au Conseil d'Etat que du Conseil d'Etat quand il les accepte ou les refuse. Or, je vous rappelle que le règlement concordataire est très précis et donne des critères directifs pour ces attributions. Deuxièmement, je renvoie les intervenants qui estiment que ces propositions de motions sont exclusivement liées à la culture au rapport de la Loterie romande: ils verront qu'il n'y a pas que la culture qui est en jeu et que bien d'autres domaines sont couverts par ces 37 millions. Merci.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce qui a été dit par le rapporteur de majorité - enfin, le rapporteur unique, maintenant - correspond à la réalité: les faits «avérés» sur lesquels se basent ces motions ne le sont en réalité pas. Cela a été indiqué en commission et a amené leurs auteurs, qui ont assisté aux travaux, à prendre du recul par rapport à ces textes.
J'aimerais rappeler deux choses s'agissant de l'organisation de la Loterie romande. Tout d'abord, celle-ci est un concordat intercantonal, que vous serez d'ailleurs appelés à revisiter prochainement, puisque à la faveur de la révision de la loi fédérale sur les jeux d'argent, un certain nombre d'adaptations seront nécessaires. Ensuite, je vous invite à rester prudents quant aux constats que vous faites sur l'organisation genevoise, parce qu'elle a été citée en modèle non seulement par le service d'audit interne, mais également par les organes romands de la LORO, à tel point que ceux qui citaient en exemple d'autres cantons vont déchanter: c'est notre système qui servira de modèle aux autres cantons, et non l'inverse, pour des raisons qui avaient d'ailleurs été dénoncées dans d'autres Grands Conseils à l'époque - le canton de Vaud a notamment été cité.
Quand je vous entends dire, Monsieur le député Burgermeister - nous faisons connaissance ce soir - qu'il y a un problème démocratique lorsque le Conseil d'Etat prend une décision...! Laissez-moi vous rappeler que s'il y avait un problème démocratique, il serait plutôt à chercher du côté de l'organe de répartition qui n'est précisément pas un dispositif démocratique. A l'inverse, vous qui y avez été candidat savez que le Conseil d'Etat en est un. Celui qui a le plus de légitimité, celui qui répond devant les concitoyennes et concitoyens, c'est donc le gouvernement.
Rassurez-vous, et je parle sous le contrôle de mes collègues ici présents, je n'ai pas souvenir que nous n'ayons pas, durant cette législature, suivi un préavis de l'organe de répartition; tout au plus avons-nous - mais il me semble que c'était sous la précédente législature - refusé une attribution sur proposition d'un membre de gauche du Conseil d'Etat, qui s'offusquait que l'institution en question soit sous contrôle du service d'audit interne de l'Etat pour des malversations - chose naturellement ignorée de l'organe de répartition. Ainsi, lorsque celui-ci a proposé d'accorder une subvention à cette organisation, le Conseil d'Etat a dit stop. Ces informations, je le répète, étaient inconnues de l'organe de répartition.
Je m'étonne, Mesdames et Messieurs, qu'à moins de quinze jours d'un vote déterminant pour l'avenir de la Loterie romande, infiniment plus que tous les supposés éléments qui figurent dans ces motions, pour l'avenir de Swisslos et de la législation exemplaire dont nous disposons en Suisse, avec le renforcement que la loi fédérale sur les jeux d'argent consacrera, et alors que tous nos partis sur le plan genevois, à ma connaissance, sont favorables à cette loi, personne n'ait dit que la vraie menace qui plane tant sur les caisses de l'AVS que sur la culture, le social et le patrimoine - ce ne sont d'ailleurs plus 30 millions, Madame la députée de Candolle, mais désormais 38 millions - ce serait en réalité un non à la loi fédérale sur les jeux d'argent.
C'est la raison pour laquelle je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à dire non à ces deux motions, mais un oui franc, massif et volontariste à la loi fédérale sur les jeux d'argent le 10 juin prochain, et à encourager vos militants, vos concitoyennes et concitoyens à en faire de même.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je salue à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève accompagné par M. Jacques Bastianelli, professeur en histoire et civisme, qui vient nous rendre visite dans le cadre d'un cours sur le système politique. (Applaudissements.) A présent, Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix successivement ces deux textes.
Mise aux voix, la proposition de motion 2301 est rejetée par 54 non contre 40 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 2302 est rejetée par 55 non contre 39 oui.