République et canton de Genève

Grand Conseil

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RD 1215
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le bilan de législature 2013-2018 du Conseil d'Etat
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIV des 26 et 27 avril 2018.

Débat

Le président. L'ordre du jour appelle le RD 1215. La parole est à M. Calame.

M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, sous la forme du rapport divers 1215, le Conseil d'Etat a remis à notre Grand Conseil son bilan de législature 2013-2018. Il vaut la peine de s'y pencher de façon attentive. Mon propos pourrait se résumer comme suit: la cohérence de l'action gouvernementale et le respect des préceptes du développement durable ne sont clairement pas réalisés. Or, notre nouvelle constitution a donné des missions prioritaires et un cadre d'action et de fonctionnement aussi bien à l'Etat qu'au Conseil d'Etat. Je relèverai trois exemples où, durant cette législature, ces principes n'ont pas été pleinement suivis ou même les choses se sont dégradées.

Le premier exemple se base sur l'article 10 de notre constitution. De manière générale et contraignante, il dit que «l'activité publique s'inscrit dans le cadre d'un développement équilibré et durable», ce qui aurait dû être appliqué à l'ensemble des décisions et actions de notre gouvernement, mais aussi dans la réalisation et l'évaluation des politiques publiques.

Le deuxième exemple concerne le Conseil d'Etat. Les articles 105 et 106 notamment traitent de la collégialité et de la cohérence de l'action gouvernementale, auxquelles aurait dû veiller notre exécutif et plus particulièrement le département présidentiel et son conseiller d'Etat.

Le troisième exemple se rapporte au devoir de l'Etat d'informer largement, comme stipulé à l'article 11 de notre constitution. Mais que penser de la disparition de ses supports d'information, que ce soient ses articles réguliers dans l'ancienne FAO ou sur le site internet du canton ? Celui-ci n'est plus qu'une base de données avec de multiples liens rompus, où le moteur de recherche ne fonctionne pas, où l'information est segmentée et de laquelle de très nombreuses informations ont, visiblement, disparu ! L'information de l'Etat doit être accessible à tous les administrés. L'usage des réseaux sociaux peut être un plus en matière d'élargissement du public cible, mais ne doit en aucun cas limiter le droit à l'information de la population. Quand l'Etat perd tous ses liens avec la population, il ne faut pas s'étonner du désintérêt de celle-ci.

On dit souvent que le gouvernement fonctionne en vase clos dans la tour Maudet - pardon: dans la tour Baudet. On se doit de constater que, tout au long de cette législature, le Conseil d'Etat a ajouté à cela une nouvelle stratégie de travail, à savoir le fonctionnement en silos: pas de responsabilité collective, pas de travail d'ensemble sur les nombreux sujets transversaux. L'adage qui semble avoir régné tout au long de cette législature est: «Je ne m'oppose pas à toi, et toi, tu me laisses tranquille.» Pour les Verts, ce n'est pas en compartimentant le fonctionnement de l'Etat que l'on met en oeuvre la collégialité, que l'on gouverne pour le bien de Genève ou encore que l'on assure la cohérence de l'action gouvernementale, notamment en veillant à ce que les décisions prises entrent dans le cadre d'un développement équilibré et durable, et à ce que la population soit correctement informée en la matière. Force est de constater que notre gouvernement n'a ni su ni voulu assurer la collégialité. Il aurait facilement pu faire bien mieux s'il avait porté une attention particulière à la transversalité de son fonctionnement et de ses décisions.

Un bilan de législature, ce n'est pas qu'une liste de réalisations classées par politique publique. Ce devrait plutôt être l'expression des réalisations qui ont contribué à assurer la cohérence du fonctionnement de l'Etat. Il est en effet peu réaliste de prétendre bien faire de la main gauche alors même que la main droite l'ignore. De nombreux exemples pourraient être donnés; j'en retiendrai encore quelques-uns non exhaustifs, mais illustratifs. En premier lieu, il y a l'impossible collaboration entre le département de l'économie et le département de l'emploi. Le premier octroie des permis de travail à la simple demande des entreprises, le second essaie vainement de placer ses demandeurs d'emploi alors que les nouvelles places de travail sont déjà occupées. L'Etat se doit d'être proactif, il ne peut se limiter à être seulement réactif.

En deuxième lieu, citons l'absence de vision et de réalisation pour le Grand Genève, que l'on peut aimer ou pas, la réalité étant que l'augmentation des flux transfrontaliers de personnes et de marchandises fait partie intégrante de notre quotidien. Notre gouvernement semble vouloir omettre cette réalité alors même qu'il devrait être particulièrement actif en la matière. Genève est le centre du Grand Genève; notre canton et nos autorités doivent donc s'impliquer à nouveau pleinement dans sa construction, mais pas seulement en demandant des subsides à Berne pour le financement de projets et de réalisations dans lesquels nous ne nous impliquons pas.

Quid encore de la durabilité ? Une bonne illustration de ce point est la volonté affirmée par notre gouvernement d'une meilleure gestion des déchets et, de ce fait, d'une plus grande part de recyclage à Genève. L'Etat n'atteint pas un taux de 35% de recyclage de ses déchets alors même qu'il devrait être exemplaire en la matière. Il est inacceptable qu'il se contente du principe «fais ce que je dis, pas ce que je fais» !

En dernier lieu, ce rapport est aussi emblématique par son manque de vision et son égocentrisme, à l'exemple de la façon d'expliquer le projet majeur qu'est le CEVA pour Genève. S'agissant du Léman Express, l'expression introductive qui parle d'une chrysalide de 14 kilomètres est tout à fait illustratrice du renfermement de Genève sur ses frontières et de la façon dont notre gouvernement ne perçoit pas, ou plus, la réalité de notre région.

Mesdames et Messieurs les députés, la réorganisation des départements réalisée par notre gouvernement au début de cette législature n'a pas été des plus heureuses. Les collaborations ont été très largement insuffisantes; la cohérence de l'action gouvernementale n'est très clairement pas démontrée - cela est regrettable. La refonte à venir des départements, telle qu'elle sera réfléchie et proposée par le prochain exécutif, méritera une attention particulière du prochain Grand Conseil, qui pourra l'accepter ou ne pas l'accepter. L'absence de cohérence constatée dans l'action gouvernementale et le manque de durabilité globale des décisions du collège sont inacceptables. Le groupe des Verts s'abstiendra sur ce rapport. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (PLR). Chers collègues, je propose de renvoyer ce rapport à la commission de contrôle de gestion qui est compétente en la matière ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur cette demande... (Remarque.) Oui, Monsieur Buchs, c'est à vous. Je n'avais pas vu que vous souhaitiez vous exprimer, excusez-moi.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je renonce puisque M. Barrillier a parlé d'or.

Le président. Très bien. Puisque la parole n'est plus demandée, nous allons voter sur la demande de renvoi en commission de ce RD 1215.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1215 à la commission de contrôle de gestion est adopté par 54 oui contre 4 non et 4 abstentions.