République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 mars 2018 à 18h35
1re législature - 4e année - 13e session - 76e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h35, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assiste à la séance: M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mauro Poggia, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Béné, Sandra Golay, Christian Grobet, Lionel Halpérin, Carlos Medeiros, Christina Meissner, Philippe Morel, Romain de Sainte Marie, Eric Stauffer, Salika Wenger et Ronald Zacharias, députés.
Députées suppléantes présentes: Mmes Maria Casares, Nathalie Hardyn, Claire Martenot, Ana Roch et Céline Zuber-Roy.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du deuxième débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons le traitement du projet de loi sur la laïcité. Juste avant la pause, l'amendement de M. Halpérin pour l'ajout d'un nouvel alinéa 4 à l'article 3 a été adopté. Partant, l'amendement suivant présenté par M. Vanek à l'alinéa 4 concerne à présent l'alinéa 5. Il s'agit d'en supprimer la dernière partie. Je vous lis cette proposition:
«Art. 3, al. 5 (nouvelle teneur)
5 Les agents de l'Etat, soit ceux du canton, des communes et des personnes morales de droit public, observent cette neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions.»
Je vous cède le micro, Monsieur Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. J'ai dit hier l'essentiel sur cette problématique. Pour nous, la mention de signes extérieurs pose de réels problèmes, car elle sous-entend que chaque employé de l'Etat, quels que soient sa fonction, son grade ou son occupation, est un représentant de l'Etat et signale son caractère étatique par son accoutrement ou les signes qu'il arbore.
J'ai déjà démontré que ce n'était pas le cas et que, au contraire, une diversité dans l'habillement et dans les signes extérieurs de ceci et de cela - pas seulement de religion, mais également de politique, d'engagement en faveur de tel ou tel club sportif, de classe sociale - indique une diversité dans la politique d'engagement de l'Etat, signifie qu'il n'y a pas de discrimination, qu'on embauche des gens issus de milieux reflétant la pluralité nationale, culturelle, de pensée qui fait le charme de notre société genevoise très diverse, et on s'en félicite.
Nous pensons qu'il vaut mieux laisser uniquement le premier membre de la phrase, soit que les agents de l'Etat doivent observer une neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions. Il conviendra ensuite de développer une casuistique et une jurisprudence dans les différents services où la question est susceptible de se poser, plutôt que de fixer une règle dans une loi, ce qui est très problématique.
En effet, qu'entend-on par contact avec le public ? S'agit-il d'un échange entre deux interlocuteurs à un guichet ou simplement d'un contact visuel ? Je pourrais développer: le fait d'inscrire qu'ils s'abstiennent de signaler leur appartenance religieuse est problématique. Encore faut-il en effet connaître l'appartenance religieuse en question pour déterminer si tel ou tel signe est bien le reflet de cette chose intérieure qu'est l'appartenance religieuse.
Quant aux propos, on va devoir constituer tout un manuel définissant quelles paroles sont admissibles et lesquelles ne le sont pas ! Quand je cite le sermon sur la montagne - j'ai dit une fois à Zacharias, au cours d'un débat, que c'était pour son bien et le salut de son âme qu'on voulait lui prendre sa fortune, parce que dans le sermon sur la montagne, il est dit qu'un riche a autant de chances d'accéder au paradis qu'un chameau de passer par le chas d'une aiguille - qu'est-ce que je signale ? S'agit-il d'une adhésion secrète au christianisme ? Est-ce défendu, parce que je suis dans le domaine de la référence religieuse, ou autorisé, parce qu'il est bien connu que je suis un athée et que je m'en sers de manière purement culturelle et non religieuse ?
Bref, tout ça est absurde, ce d'autant qu'il y a une volonté d'étendre cette mesure à l'ensemble des personnes morales de droit public, y compris la Banque cantonale de Genève - qui, soit dit en passant, doit nous rembourser 3,2 milliards à teneur d'un projet de loi que nous avons déposé et d'une initiative que nous faisons signer - donc ça ratisse large, Mesdames et Messieurs ! Est-ce bien raisonnable ? Je m'adresse aux membres du PLR, qui manifestent une propension à défendre de manière extrêmement rigoureuse l'autonomie des établissements de droit public et à condamner l'ingérence étatique au sein des banques: est-il indispensable que nous régentions la manière dont sont vêtus ou décorés les agents de cet honorable établissement de droit public qu'est la BCGe ?
Non, cette disposition ne va pas, elle présente toute une série de difficultés d'application. Il va falloir établir un règlement et des manuels pour les chefs des différents services qui préciseront ce qui est permis ou pas selon la taille des croix, la couleur des croissants... On s'enfonce dans un doux délire qui n'a aucune espèce de raison d'être, qui est liberticide sur le fond, baroque et ubuesque quant à la forme.
Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous propose de supprimer non pas l'entier de l'alinéa 5 - je suis parfaitement d'accord que, d'un point de vue général, les agents de l'Etat, soit ceux du canton, des communes et des personnes morales de droit public, observent la neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions - mais seulement sa deuxième partie. En étendant cette volonté de stigmatiser des propos - lesquels ? - ou des signes extérieurs - lesquels ? - cette disposition va trop loin, et je vous invite par conséquent à soutenir notre amendement.
M. Cyril Aellen (PLR). Je lance une motion d'ordre, Monsieur le président. Nous avons commencé l'examen de ce projet de loi hier à 17h30 environ, en avançant exceptionnellement la première urgence. Après deux jours de travaux, nous n'avons pas traité un seul point de l'ordre du jour ! Je comprends que les débats soient vifs et passionnés mais, très franchement, nous devrions quand même être capables de venir à bout ne serait-ce que d'un objet durant une session !
Alors on pourrait exiger que nous votions tous les amendements sans discussion, mais je ne suis pas certain qu'il s'agisse de la meilleure façon de faire avancer les choses. Aussi, je fais la proposition suivante: fonctionnons dès à présent comme dans le cadre d'un débat en catégorie II, nonante minutes, afin que chacun des groupes et des rapporteurs, plus le Conseil d'Etat, disposent à nouveau de neuf minutes de parole; nous pourrions ainsi terminer nos travaux ce soir.
Voilà ma suggestion, Monsieur le président. Pourriez-vous procéder à une brève suspension de séance afin que le Bureau et les chefs de groupe se réunissent pour en discuter ?
Mme Nathalie Fontanet. Bravo !
Le président. Oui, Monsieur, pas de problème. Je vais donc suspendre la séance dix minutes afin de laisser le Bureau et les chefs de groupe en délibérer. Si le principe d'un débat de nonante minutes est accepté, nous terminerons la séance aux alentours de 20h30.
La séance est suspendue à 18h46.
La séance est reprise à 18h58.
Le président. Mesdames et Messieurs, il a été décidé de continuer les travaux normalement. Nous finirons à 20h, quel que soit leur avancement. J'ouvre maintenant la procédure de vote s'agissant de l'amendement de M. Vanek à l'article 3, alinéa 5, dont je vous rappelle le libellé:
«Art. 3, al. 5 (nouvelle teneur)
5 Les agents de l'Etat, soit ceux du canton, des communes et des personnes morales de droit public, observent cette neutralité religieuse dans le cadre de leurs fonctions.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 5 oui et 2 abstentions.
Le président. Puisque M. Lussi a retiré son amendement au même alinéa, nous pouvons voter sur l'entier de l'article 3 ainsi qu'amendé tout à l'heure.
Mis aux voix, l'art. 3 ainsi amendé est adopté par 50 oui contre 38 non.
Le président. Nous passons à l'article 4, que M. Lussi propose de biffer dans son intégralité. Monsieur Lussi, vous avez la parole. (Un instant s'écoule.) C'est à vous, Monsieur Lussi !
M. Patrick Lussi. Pardon, Monsieur le président, je n'ai pas suivi...
Le président. Je vous laisse la parole pour que vous nous présentiez votre amendement à l'article 4.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Je vous prie de m'excuser, Monsieur le président, mais j'ai indiqué précédemment que puisque nous nous ralliions à l'amendement présenté par M. Halpérin, je retirais mes deux amendements à l'article 3.
Le président. Tout à fait, mais il s'agit désormais de l'article 4 dont votre amendement sollicite la suppression. Est-ce que vous souhaitez retirer cet amendement également ?
M. Patrick Lussi. Non, non.
Le président. Très bien. La parole est à M. Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Pour ma part, je suis aussi hostile à cet article 4 - vous trouverez le détail de ma position à la page 790 du rapport, chers collègues - mais plutôt que de proposer un amendement consistant à le biffer, j'ai indiqué que nous voterions contre lors de la plénière. Ainsi, Monsieur le président, je manifeste mon opposition pour que vous ne puissiez pas énoncer: «Pas d'opposition, adopté.» Faites-le voter, s'il vous plaît, pour que je puisse rejeter cet article manifestement superfétatoire.
S'agissant de l'alinéa 1, l'Etat peut évidemment entretenir des relations avec n'importe quelle organisation dans le cadre de l'accomplissement des tâches publiques, à l'exception peut-être d'organisations criminelles - a priori, on n'en voit pas d'autres qui seraient taboues. Ainsi, affirmer que l'Etat peut entretenir des relations avec des institutions religieuses est parfaitement superflu.
De plus, la notion de relation n'est pas définie: pour reprendre l'exemple des organisations criminelles, on peut imaginer entretenir des relations avec elles consistant à les coffrer, à saisir leurs dirigeants, à les juger, à les mettre en prison, donc l'alinéa 1 est idiot.
L'alinéa 2 octroie une marge totale au Conseil d'Etat, qui l'a de toute façon. La formule «sous l'angle du respect des droits fondamentaux» évite très habilement de dire qu'on n'entretiendra pas de relations avec des organisations qui ne les respectent pas. Je ne prendrai qu'un exemple, celui de l'Eglise catholique. Cette institution viole le droit fondamental au traitement égal des hommes et des femmes en réservant l'ensemble des fonctions de sa hiérarchie aux premiers, tout comme elle enfreint d'autres aspects de l'ordre juridique suisse, notamment en employant dans sa force armée des gardes suisses, en violation manifeste de l'article du code pénal militaire qui proscrit le service étranger. Cependant, ce n'est pas une raison pour ne pas échanger avec l'Eglise catholique, donc cet alinéa 2 est bidon. Il laisse entendre qu'on va prendre en compte le respect des droits fondamentaux, mais ce n'est bien sûr pas le cas.
Quant à l'alinéa 3, à savoir que la présente loi ne fonde pas un droit des organisations religieuses à entretenir des relations avec les autorités, on tente de créer un contre-feu par rapport à l'alinéa 3 de l'article 3 de la constitution qui stipule: «Les autorités entretiennent» - au présent ! - «des relations avec les communautés religieuses.» Alors vous avez raison de chercher un contre-feu à cette disposition constitutionnelle, mais il faut qu'il soit de rang constitutionnel également. Cet alinéa 3 est donc de la bouillie pour les morts, et je vous propose de supprimer l'ensemble des alinéas de l'article 4 en refusant celui-ci. Merci.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité ad interim. J'aimerais tout d'abord signaler que lors de ma précédente intervention qui portait sur les amendements à l'article 3, je me suis exprimé au nom de la majorité de la commission, ce qui était une erreur de ma part. En réalité, je parlais au titre du groupe PLR pour défendre un amendement déposé par l'un de mes collègues, et je tenais à rectifier cela de manière que cela figure au Mémorial.
Le président. Merci, Monsieur.
M. Pierre Conne. S'agissant maintenant de l'article 4, Mesdames et Messieurs, il est nécessaire de le maintenir. Cette loi, j'espère que vous l'aurez compris, fixe les règles du jeu, et son chapitre II s'intitule: «Relations entre autorités et organisations religieuses». On est là au coeur des choses ! L'article 4 définit le cadre général des relations qui seront ensuite énumérées aux articles 5, 6, 7, 8 et 9. Que stipule-t-il ? D'une part que ces relations, qui seront précisées par la suite, sont établies par voie réglementaire, d'autre part que la loi ne fonde pas un quelconque droit des institutions à revendiquer d'entretenir des relations avec les autorités. Il s'agit d'un principe absolument nécessaire de fixation des règles du jeu.
C'est pourquoi la majorité de la commission - cette fois, je m'exprime effectivement au nom de celle-ci - vous enjoint de ne pas accepter cet amendement et de conserver l'article 4 tel que libellé dans le projet de loi que nous vous soumettons. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Baertschi pour la troisième fois depuis le début du débat.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne peux pas ne pas m'insurger quand j'entends le député Vanek mettre en cause de belles traditions helvétiques comme les gardes suisses ! J'ai visité le Vatican en tant qu'enfant, et c'était pour moi une magnifique image de notre pays, quelque chose relevant de la paix, de la tradition, des valeurs que défend la Suisse, de ce qu'elle a toujours représenté au cours des siècles. Monsieur Vanek, vous êtes un déconstructeur, vous cultivez une vision de la société post-marxiste - et vous l'assumez, malheureusement - ce qui me choque personnellement. Il ne faut pas faire d'intrusion dans les religions, et c'est pourtant ce que vous êtes en train de faire, Monsieur. Vous ne respectez pas la laïcité, non pas au sens où l'Eglise s'immisce dans le politique, comme certains l'ont regretté tout à l'heure, mais où le politique dicte à l'Eglise ce qu'elle doit faire. Laissons-la vivre sa vie avec ses prêtres, sa cléricature, et ses laïcs - enfin, il y a plusieurs Eglises, diverses sensibilités, alors laissons-les vivre et arrêtons, nous les politiques, de leur faire la leçon, c'est à mon sens la meilleure chose que nous puissions faire ce soir.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je suis désolé d'avoir fait de la peine à François Baertschi, d'avoir brisé ses rêves d'enfant au sujet des gardes suisses - chacun a les rêves d'enfant qu'il peut ! Mesdames et Messieurs, je ne suis pas un post-marxiste, j'essaie d'être un marxiste tout court ! L'histoire des gardes suisses, c'était bien sûr une boutade, je n'accorde pas une très grande importance au fait que quelques personnes aillent servir le Vatican. Il s'agissait d'un clin d'oeil en direction des radicaux qui ont mené une guerre contre le Vatican, le fameux Kulturkampf, et j'essayais de me faire bien voir auprès du radical qui préside le Conseil d'Etat - c'était une manoeuvre sans doute un peu trop subtile pour que vous vous en aperceviez.
Il y a quand même un problème: le Vatican est officiellement reconnu comme un Etat, il entretient des relations diplomatiques avec notre pays, et certains Suisses, en dérogation à un article du code pénal militaire, vont servir à l'étranger au sein de la force armée de cet Etat, alors que l'une des règles fondatrices de l'armée consiste à ne pas effectuer de service militaire à l'étranger.
A part ça, Monsieur Baertschi, je suis d'accord avec vous: cette règle a souvent été appliquée de manière discutable. On a par exemple intenté des procès à tous les brigadistes partis se battre en Espagne pour la démocratie et contre les fascistes de Franco appuyés par Mussolini et Hitler, des Suisses sont allés avec presque rien dans le porte-monnaie porter leur soutien à la démocratie en Espagne et, à leur retour...
Le président. Pouvez-vous revenir à la laïcité, s'il vous plaît ?
M. Pierre Vanek. ...au nom de cet article du code pénal militaire, ils ont été jugés, enfermés dans des prisons. Voilà pourquoi je me suis permis, sur un ton un peu badin, de retourner la chose.
Il n'empêche, Monsieur Baertschi - vous lui transmettrez, Monsieur le président - que cet article 4 ne présente globalement aucune espèce d'intérêt. Les gardes suisses, c'était une boutade, mais parlons sérieusement: nous avons voté hier l'ajout à l'ordre du jour de la résolution de Mme Haller relative à l'égalité salariale entre hommes et femmes, n'est-ce pas ? Au Vatican, c'est bien simple, il n'existe aucune discrimination salariale, les rétributions de toute la hiérarchie, de tous les curés sont égales, il n'y a aucune différence entre les hommes et les femmes pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas de femmes du tout ! Du point de vue des droits fondamentaux, c'est une discrimination, et donc l'article 4, qui stipule que «le Conseil d'Etat fixe par voie réglementaire les conditions à ces relations, notamment sous l'angle du respect des droits fondamentaux», est empreint de tartuferie et de jésuitisme: on sait très bien que le Conseil d'Etat ne va pas songer à relancer le Kulturkampf, et renoncer - et il aurait tort de le faire - à des relations avec l'Eglise catholique «sous l'angle du respect des droits fondamentaux», donc essayons d'éviter la tartuferie et le jésuitisme dans nos lois. Mesdames et Messieurs, je vous invite à supprimer les alinéas 1, 2 et 3 de l'article 4 en votant non à celui-ci.
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je m'étonne des propos de mon estimé camarade Pierre Vanek, parce que lorsque nous avons traité l'article 4 sous ses différents angles en commission, nous l'avons corrigé, retravaillé, revisité, et il me semble que M. Vanek, au nom de son groupe, a systématiquement voté en sa faveur. C'était le cas s'agissant de l'alinéa 1, adopté à l'unanimité de la commission, dont Pierre Vanek. Quant à l'alinéa 2, vous étiez pour aussi - il y a eu deux abstentions, un PDC et un Vert. Et ainsi de suite ! Au final, le président a mis aux voix cet article 4 tel qu'amendé, corrigé, rectifié et revisité, et Pierre Vanek l'a voté, donc je suis un peu étonné d'apprendre qu'il souhaite maintenant le supprimer, il aurait fallu en débattre ou le combattre de manière plus agressive lors de la séance que nous y avons consacrée.
Je rappelle que nous avons travaillé sur ce projet de loi pendant deux ans. Si vous voulez, Monsieur Vanek, on peut toujours le renvoyer en commission pour retoucher l'article 4, mais alors, que vous-même ou quelqu'un de votre groupe formuliez cette proposition. Quant à nous, nous invitons ce parlement à soutenir l'article 4 tel qu'issu des travaux de commission. Merci.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Vous avez raison de stigmatiser les faiblesses coupables de mes interventions insuffisantes en commission, Monsieur Cerutti. J'aurais dû m'exprimer davantage et de manière plus complète, nous aurions dû mener trois ans de travaux plutôt que deux ! Il est vrai que je me suis montré relativement modéré en commission, j'en suis resté à l'essentiel.
Cela étant, pour en revenir à l'article 4, vous m'accorderez que puisqu'il est question d'un amendement de l'UDC visant à le supprimer et que sur toute une série de points, Patrick Lussi et moi-même étions au diapason - mais vous aussi, Monsieur le député - je pense que rien dans mon intervention n'a été de nature à vous surprendre, ni l'évocation des gardes suisses, ni celle du code pénal militaire, ni celle des possibilités ouvertes au Conseil d'Etat. Tout ça a d'une manière ou d'une autre été dit en commission, donc je le répète: je doute que ma dernière intervention ait été de nature à vous surprendre, Monsieur le député.
Le président. Merci, Monsieur. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix cet amendement consistant à abroger l'article 4 dans son entier.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 79 non contre 5 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 4 est adopté.
Le président. Ensuite, nous sommes saisis d'un amendement de Mme Orsini et M. Gauthier visant la suppression intégrale de l'article 5, et subséquemment de l'article 14. Allez-y, Madame Orsini.
Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. Il s'agit du fameux article sur la contribution ecclésiastique volontaire. Grâce à un fort lobby religieux à la Constituante, cette contribution financière perçue par l'administration fiscale en faveur de trois Eglises a été maintenue et est toujours pratiquée actuellement. Or les moyens technocratiques ont évolué, et de nos jours, l'AFC a autre chose à faire que de s'occuper de recueillir des dons pour les institutions religieuses.
Mais surtout, le fait de vouloir étendre cette contribution à d'autres confessions serait une véritable catastrophe pour son fonctionnement. Il paraît qu'il y a quatre cents Eglises reconnues à Genève, et je ne vois pas au nom de quoi on accepterait de faire de la publicité pour l'une plutôt que pour l'autre. Faire figurer une telle option sur la déclaration fiscale constitue en effet un outil de publicité incomparable, c'est l'équivalent d'un tout-ménage. Les contribuables entendraient parler pour la première fois d'Eglises dont ils ignoraient l'existence jusque-là. Certes, on nous propose une limitation dans le temps de dix ans - renouvelable ! - mais c'est beaucoup trop, à notre avis.
Je pense que les organisations religieuses qui bénéficient aujourd'hui de ce service de la part du fisc genevois pourraient très facilement le remplacer par un envoi électronique à leurs fidèles, qu'elles répertorient de toute manière, sans qu'on soit obligé de l'étendre à d'autres Eglises qui devraient alors prouver leur existence, ce qui nous amènerait à des complications interminables.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, nous demandons la suppression pure et simple de cet article 5, c'est-à-dire du travail de l'administration fiscale pour percevoir les contributions religieuses. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Sur le fond, je suis absolument d'accord avec l'idée qu'il faut supprimer la contribution religieuse volontaire et ne pas l'étendre. Qu'on ait choisi trois Eglises et que celles-ci soient au bénéfice d'une prestation financière offerte par l'Etat - mais aussi de la légitimité que procure le fait d'être reconnu comme Eglise publique - constitue évidemment une parfaite injustice. Aujourd'hui, la Poste - c'est un établissement public - peut opérer ces transactions sous forme d'ordres permanents, tout comme la Banque cantonale de Genève, avec son personnel dénué de signes religieux ostentatoires. Il n'y a aucune espèce de raison de maintenir ce service particulier en faveur des institutions religieuses, de trois ou d'une infinité d'entre elles, c'est une scorie du passé.
On argue qu'elles paient pour cette perception, mais à ce moment-là, il faut l'offrir à l'ensemble des groupements, associations, clubs sportifs et autres syndicats respectables et d'utilité publique ! Manifestement, ce qui est en jeu ici est d'ordre symbolique: il s'agit de faire survivre un ancien impôt ecclésiastique sous une forme modernisée, lissée. Ma position de fond va donc tout à fait dans le sens d'une abrogation de l'article 5. Cela dit, encore une fois, il n'est pas nécessaire de déposer un amendement, il suffit qu'il fasse l'objet d'une opposition pour être soumis au vote.
Pourquoi ai-je laissé passer cette disposition, notamment dans mon rapport ? On nous a dit que sa suppression étranglerait les Eglises, qui sont dépendantes de cette rentrée financière. Alors pour bien montrer que nous ne sommes pas des anticléricaux hargneux déterminés à obtenir la mort financière des Eglises, j'avais proposé un deal - je vous raconte comment les choses se sont passées - consistant à maintenir le système quelque temps: dix ans, prolongeables encore dix ans, le temps qu'elles puissent se retourner.
L'idée d'une disposition transitoire visant l'extinction à terme de la contribution religieuse a eu l'heur de plaire à toute sorte de gens: le conseiller d'Etat - je parle de Pierre Maudet - ne s'y est pas montré opposé quand il a été entendu, tandis que le représentant du PDC proche de l'une des organisations religieuses concernées l'a soutenue et votée. Or je découvre aujourd'hui que le PLR propose un amendement à l'article 14 pour la biffer...
M. Patrick Lussi. Moi aussi !
M. Pierre Vanek. Oui, mais ce n'est pas nouveau, tu t'y étais déjà opposé en commission, Monsieur le député ! ...alors qu'on avait trouvé un relatif consensus là autour, ou en tout cas une majorité. Partant, si ce Grand Conseil en vient à voter cette modification et que ma proposition réaliste, raisonnable et consensuelle - vous me connaissez, c'est tout mon portrait que je brosse là - se voit refusée, eh bien je n'ai plus vraiment de raison de ne pas voter la suppression pure et simple de cette prestation financière offerte à un certain nombre d'Eglises !
Un dernier plaidoyer tout de même en faveur de la disposition transitoire: elle présente l'avantage d'une part de ne pas étrangler directement les Eglises catholique chrétienne, catholique romaine et protestante de Genève, d'autre part de les forcer quelque peu à une réflexion quant à un renouveau de leurs modes de financement. Par ailleurs, comme elle est appelée à s'éteindre, cette voie ne sera a priori pas attractive pour de nouvelles institutions religieuses, elles ne se bousculeront pas au portillon pour bénéficier pour une période aussi courte de ce qui est, à l'échelle des Eglises en tout cas, une aide financière non négligeable.
Ce système avait le mérite tout à la fois de préserver l'essentiel pour les Eglises, de les inciter à renouveler leurs modes de financement et de ne pas inscrire dans une loi dont le président du Conseil d'Etat a dit qu'elle devait être un pas en avant pour Genève quelque chose de profondément antique et rétrograde. Il y avait donc tous les avantages à ce compromis intelligent auquel j'ai contribué; il ne sera pas conservé, dont acte. Partant, biffons allégrement l'article 5 !
M. Pierre Gauthier (HP). Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) Je vais peut-être attendre la fin du caucus à côté de moi...
Des voix. Ah, excusez-nous !
M. Pierre Gauthier. Mais je vous en prie, mes chers collègues ! Avec la contribution religieuse volontaire, nous abordons l'un des points principaux de cette loi. Cette disposition, cela a déjà été dit précédemment, constitue une relique, une scorie, une incongruité qu'il s'agit selon moi d'abolir. C'est en 1946 que le Conseil d'Etat a permis, s'agissant des trois confessions reconnues - les Eglises protestante, catholique romaine et catholique chrétienne - d'ajouter à la formule de déclaration d'impôts envoyée à chaque foyer fiscal une rubrique mentionnant la confession du ou de la contribuable et de prélever subséquemment, en cas d'indication dans ce sens, une part supplémentaire à l'impôt républicain, celle-ci étant alors versée à l'institution concernée. Ce n'est certes pas un impôt, c'est certainement une contribution volontaire, mais elle est collectée par l'Etat, lequel retient un pourcentage modique de la somme prélevée pour couvrir les frais de perception, voilà le principe. Les trois Eglises reconnues ont bénéficié de cette prestation pour restaurer leur trésorerie, asséchée par l'action entreprise pour assister les victimes lors du deuxième conflit mondial. Nous sommes en 2018, le conflit mondial s'est terminé en 1945, il nous semble que suffisamment de temps a passé pour permettre la reconstitution de leurs réserves.
Or la loi présentée par le Conseil d'Etat, au lieu de mettre fin à cette disposition archaïque, vise au contraire à l'étendre à tous les groupes religieux qui le souhaitent, pour peu qu'ils respectent un certain nombre de critères, et c'est là que les problèmes se posent.
Premièrement, il s'agit à l'évidence d'une discrimination très claire entre les organisations de type religieux et celles de type non religieux. En effet, seules les Eglises peuvent bénéficier de cette prestation, pourquoi pas d'autres organisations ? Mystère. Deuxième problème: il s'agit de fait d'une promotion des institutions religieuses qui, par ce biais, bénéficient d'un moyen de communication sans commune mesure avec d'autres. Un tout-ménage flanqué d'un tampon officiel de l'Etat, quel rêve inespéré pour toute association qui cherche à récolter des fonds afin de financer ses activités ! Enfin, pour accorder ce service, l'Etat doit déterminer des critères. C'est donc en violation flagrante du principe de séparation entre l'Eglise et l'Etat que celui-ci va reconnaître telle ou telle religion comme pouvant en bénéficier. Certes, cette prestation est financée par un pourcentage extrêmement modique de la somme prélevée, mais l'organisation bénéficiaire dispose alors d'une aura et d'un Stempel de respectabilité de l'Etat sans commune mesure avec toute autre association qui doit se débrouiller avec ses propres moyens.
Heureusement, sur proposition de l'un des rapporteurs, la commission a décidé de faire s'éteindre ce système au bout d'une dizaine d'années et, par laxisme et gentillesse, on a même offert la possibilité de prolonger ce délai de dix ans encore, c'est-à-dire qu'au bout de vingt ans, cette disposition désuète devrait normalement avoir disparu. De mon point de vue, il n'y a absolument aucun besoin de prolonger cette prestation archaïque, que ce soit de dix ans, de vingt ans ou même de deux semaines, parce qu'il revient aux fidèles des différents cultes d'en assurer la pérennité, ce n'est pas à l'Etat d'y participer.
C'est non seulement archaïque, mais ça devrait nous faire réfléchir à l'incroyable injustice dont souffrent aujourd'hui les trois Eglises genevoises reconnues. En effet, selon la constitution, ces Eglises ne peuvent pas disposer de leurs biens immobiliers, elles ne peuvent ni les vendre ni même les affecter à des activités qui pourraient se révéler lucratives. La loi indique que le Conseil d'Etat peut déroger à cette interdiction, mais ce n'est pas suffisant. De mon point de vue, il s'agit d'une injustice, car seules les institutions religieuses ne peuvent pas disposer de leurs biens comme n'importe quel propriétaire immobilier, c'est absolument incroyable. Si la contribution ecclésiastique est une scorie de l'histoire, cette interdiction faite aux Eglises également ! J'ai d'ailleurs déposé un projet de loi constitutionnelle visant à lever cette injustice immobilière.
Mesdames et Messieurs, la raison et la logique nous dictent de supprimer la contribution religieuse volontaire, quelle que soit son échéance. Si vous deviez refuser notre amendement, il faudrait alors - ce serait la moindre des choses - conserver le principe de son extinction à terme dans dix ou éventuellement vingt ans, mais ne nous empêchons pas d'éradiquer définitivement cette scorie du passé. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Vous comprendrez aisément, Mesdames et Messieurs, que le parti démocrate-chrétien est totalement opposé au point de vue de MM. Gauthier et Vanek. On parle de scorie du passé, qu'en est-il vraiment ? Pour ma part, j'appellerais plutôt ça un héritage historique. En 1946, cela a été rappelé, les réfugiés étaient nombreux, et les Eglises s'en sont occupées. Certes, les choses ont changé, mais en prélevant automatiquement la contribution ecclésiastique des citoyens, nous adoptons une démarche de reconnaissance du rôle essentiel qu'elles jouent depuis toujours.
Si leur rôle a évolué avec le temps, leur mission d'intégration des réfugiés et des migrants est encore d'actualité, tout comme leurs services d'aumônerie, et il est clair que si elles ne remplissaient pas ces fonctions, cela engendrerait des problèmes sociaux importants dans notre canton. Il faut donc reconnaître que les Eglises ont un rôle fondamental à jouer - j'ai moi-même pu le constater dans certains quartiers.
On a parlé de discrimination entre les organisations religieuses et celles, non religieuses, qui conduisent également des missions de type humanitaire ou d'intégration. Il faut quand même souligner que les Eglises n'ont pas droit à des subventions publiques au même titre que les autres qui, elles, peuvent bénéficier de contrats de prestations avec l'Etat sous les conditions figurant dans la fameuse LIAF.
Mme Orsini s'exclamait: «On ne va tout de même pas enregistrer quatre cents religions !» Non, le but n'est pas d'enregistrer quatre cents religions, mais de définir des conditions-cadres pour que les institutions religieuses traditionnelles comme les autres puissent bénéficier d'un enregistrement automatique. Pour ces dernières, ça signifie qu'elles doivent, elles aussi, prouver les prestations qu'elles fournissent.
Ensuite, les mesures transitoires ont été évoquées. Le parti démocrate-chrétien reconnaît qu'il convient éventuellement de modifier le système actuel, et c'est la raison pour laquelle nous avions souscrit à la possibilité de le prolonger de dix ans, puis de le renouveler pour dix ans encore, avant d'en changer. Toutefois, nous entendons aussi les craintes dont les Eglises nous font part de voir disparaître l'aide apportée aux migrants, aux réfugiés et, parce qu'il en existe encore, aux clandestins, qui doivent malgré tout vivre dans notre communauté et y être intégrés. Cela pourrait conduire à une paupérisation de la population et, ne serait-ce que dans certains quartiers, mettre certaines personnes en danger. Aussi, le parti démocrate-chrétien votera l'amendement PLR à l'article 14 consistant à renoncer au régime dérogatoire de deux fois dix ans afin de rendre définitive la contribution religieuse volontaire. Je vous remercie.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, au XXIe siècle, il y a deux choses qu'on pourrait souhaiter pour notre république: d'une part, étendre les droits octroyés aux religions considérées comme courantes ou admises institutionnellement dans notre canton à d'autres groupes qu'aux seuls qu'on connaissait aux XIXe et XXe siècles, d'autre part se demander si la question de la séparation entre l'Eglise et l'Etat ne doit pas être clarifiée.
En ce qui me concerne, je suis assez convaincu que l'article 5, qui permet le prélèvement de l'impôt ecclésiastique ou de la contribution religieuse volontaire - peu importe comment on l'appelle - constitue réellement une scorie du passé. Aujourd'hui, les communautés religieuses auraient parfaitement les moyens de s'organiser pour récolter des fonds sans l'aide de l'Etat, et il n'y a pas de raison que celui-ci effectue ce travail si on le sépare des institutions religieuses en termes de pratique citoyenne. Voilà pourquoi je suis totalement favorable à l'amendement qui vise à supprimer cette disposition.
Ce qui m'effraie profondément, c'est que si on la maintient, que ce soit à titre transitoire ou définitif, l'Etat collecte des fonds et les reverse aux institutions religieuses, mais celles-ci ne sont pas soumises comme les autres au contrôle de la Cour des comptes. Or à partir du moment où l'Etat joue ce rôle, je ne vois pas pourquoi la Cour des comptes ne pourrait pas vérifier que l'argent en question est bien affecté à des actions religieuses conformément à la loi et n'est pas utilisé à des fins personnelles, pour financer le train de vie de pacha de tel ou tel haut dignitaire.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs, dans le cas où cet article 5 serait conservé, j'ai déposé un amendement pour instaurer un nouvel alinéa 11 précisant que les organismes religieux sont soumis au contrôle de la Cour des comptes institué par la loi sur la surveillance de l'Etat.
M. Christo Ivanov (UDC). Il semble y avoir une confusion entre l'article 5 et l'article 14. Certains parlent de l'amendement PLR à l'article 14, mais cette disposition figure déjà dans la loi !
Pour en revenir à ce qui nous occupe, Monsieur le président, le rôle fondamental que jouent les institutions religieuses dans le soutien aux plus démunis et aux malades, notamment par le biais de visites dans les prisons et les EMS, est d'une rare évidence. Par ailleurs, je signale que l'Eglise verse 1,5 million de francs par année pour l'entretien de la cathédrale Saint-Pierre.
Quel est le risque, si on supprime cet article 5 ? C'est de favoriser les dérives sectaires ! Enfin, j'aimerais rappeler que les revenus des organisations religieuses sont basés sur le don, pas sur les cotisations - ça paraît tellement évident ! - d'où la contribution volontaire. Il convient donc d'accepter cette disposition telle que sortie de commission et de refuser tout autre amendement. Le groupe UDC soutiendra l'article 5. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Monsieur le président, chers collègues, il faut lire cette disposition selon plusieurs éclairages. Il y a d'abord l'aspect historique: les Eglises jouent un rôle fondamental depuis des siècles au sein de cette république. Tout le monde connaît l'histoire de Genève, la dualité entre les pouvoirs politique et ecclésiastique: les communautés religieuses, notamment l'Eglise protestante, il faut le dire - ensuite rejointe par l'Eglise catholique et l'Eglise catholique chrétienne - ont eu une importance cruciale pour la constitution de la république avec ses libertés, sa démocratie très vivante, et nous devons reconnaître ce lien, on ne peut pas l'effacer comme ça, d'un revers de la main. Puisqu'on va maintenant voter cette loi, du moins je l'espère, il me semble essentiel de ratifier cette évolution historique.
Deuxièmement, et notre collègue Gauthier l'a rappelé, la perception de la contribution volontaire a été introduite à la fin de la Deuxième Guerre mondiale en signe de reconnaissance aux Eglises pour leur engagement, également au cours du premier conflit mondial, dans l'accueil des prisonniers et l'aide aux blessés. A cet égard, toutefois, je suis d'accord avec ce que d'aucuns ont dit: ce système ne peut plus continuer ainsi, nous devons assurer une base légale solide ainsi qu'une égalité de traitement.
Que propose la loi ? Avant toute chose, la liberté de contribuer ou pas. Quand vous recevez votre déclaration d'impôts, vous avez la possibilité de cocher une case suivant votre confession; pour le moment, on peut cocher catholique, protestant, catholique chrétien, autre - oui, autre: j'ai vérifié, puisque je vais remplir ma déclaration d'impôts demain ! (Exclamations.) Vous avez donc la liberté d'abord de remplir une case, ensuite de faire un don. Je le dis clairement, parce que les gens pourraient avoir l'impression qu'il s'agit d'une perception automatique versée aux caisses des trois Eglises. Non, il s'agit d'un acte volontaire, et une fois que vous avez indiqué quelle religion vous soutenez, vous recevez des bulletins de versement dont le montant est calculé par l'administration fiscale d'après des normes précises. Par la suite, vous êtes libre de payer ou non ces factures, personne ne va vous courir après si vous ne vous en acquittez pas. Je le répète: il s'agit d'une contribution libre, volontaire, facultative, il faut que ceux qui nous écoutent en soient bien conscients.
Le deuxième plus qu'apporte la loi, c'est que les organisations religieuses qui le voudront - ce n'est pas non plus obligatoire - pourront bénéficier de ce coup de pouce administratif, contre rémunération évidemment, pour autant qu'elles réunissent un ensemble de critères extrêmement pointus qui figurent à l'alinéa 6. Je ne vais pas vous les lire, mais ces conditions sont très précises et permettront à l'autorité de vérifier si les institutions en question peuvent y prétendre. Encore une fois, il y a une liberté absolue ! On a parlé de 400 organisations, ça me paraît beaucoup, mais bon... Dans tous les cas, il y a véritablement une très grande liberté.
Pour ma part, je m'oppose, et le PLR aussi, à la limitation dans le temps. Pourquoi ? Parce que soit les entités remplissent les conditions de l'article 5 et sont reconnues, soit elles ne les remplissent pas. Il n'y a pas de raison de limiter dans le temps la perception de cette contribution.
Je terminerai en vous disant ceci: jusqu'ici, les trois Eglises officielles ont bénéficié de ce système, mais il y en aura peut-être d'autres à l'avenir, si elles correspondent aux critères. Ces institutions, chers collègues, sont multitudinistes, ce qui signifie qu'elles sont ouvertes à chacun. Toute personne peut aller frapper à la porte de l'Eglise protestante, de l'Eglise catholique romaine, de l'Eglise catholique chrétienne et d'autres communautés religieuses, elle sera acceptée, elle bénéficiera de leur aide. Dans une lettre, ces trois Eglises nous ont d'ailleurs rappelé leur engagement depuis des siècles en faveur de services précieux à la société, comme l'accompagnement spirituel et social des plus fragiles, quelles que soient leurs croyances. Vous pouvez entrer dans n'importe quel lieu saint à Genève, personne ne va vous demander vos papiers, vous expliquez simplement pourquoi vous avez besoin de soutien. Voilà le caractère multitudiniste, ouvert et généreux de nos Eglises ! En contrepartie, l'Etat doit les reconnaître, ainsi que leur engagement séculaire. C'est la raison pour laquelle je vous invite à rejeter cet amendement tout comme celui exigeant la suppression de l'article transitoire. Je vous remercie.
Mme Nathalie Fontanet. Bravo !
M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, je n'ai pas encore pris la parole durant ce débat. Il est huit heures moins le quart, et je dois constater l'échec collectif quant au traitement de cet objet. Nous n'avons pas terminé d'examiner cet amendement à l'article 5 que deux nouveaux amendements ont déjà été déposés, on traite les amendements moins vite qu'ils nous parviennent. Cette session a été prise en otage, et on risque de faire de même avec la suivante puisque nous n'avançons tout simplement pas. J'estime qu'on ne peut pas se le permettre et, pour cette raison, je demande le renvoi en commission.
M. Cyril Mizrahi (S). Chères et chers collègues, j'aimerais ici me faire l'avocat du compromis que nous avions trouvé en commission. Si la contribution religieuse est le fruit d'une histoire et revêt une grande importance pour les Eglises qui ont recours à ce prélèvement, un tel système a surtout une justification historique: à l'époque, les moyens de paiement n'étaient pas ceux qu'ils sont aujourd'hui. Les choses ont changé, et j'estime que ce serait vraiment une erreur d'en rester là et de conserver cette façon de fonctionner.
Ce système pose deux problèmes. Pour commencer, il est réservé aux trois communautés religieuses reconnues, et ce défaut... (Brouhaha.) Puis-je avoir votre attention, Mesdames et Messieurs ? ...risque malheureusement de perdurer si vous n'acceptez pas l'amendement que je vous propose et qui vise à supprimer la lettre b de l'alinéa 6. Si nous gardons cette disposition dans la loi, de facto, la contribution ecclésiastique continuera à être réservée à ces trois communautés, ce qui n'est pas conforme au principe de neutralité - je vous expliquerai en détail pourquoi tout à l'heure, si nous avons le temps d'aborder cet amendement.
D'autre part, on ne peut pas exiger de séparation entre l'Etat et les institutions religieuses tout en admettant que l'autorité rende un tel service exclusivement à celles-ci. Bien sûr, il ne s'agit pas de couper cette prestation d'un jour à l'autre, mais de nous montrer cohérents et d'inscrire une direction à terme. Les Eglises, j'en suis convaincu, ont la capacité de réformer leurs modes de financement pour s'adapter à cette nouvelle situation.
Un dernier argument: on entend sans cesse que cette contribution est volontaire, mais si c'était vrai, pourquoi en aurait-on absolument besoin ? Pourquoi certaines personnes tiennent-elles coûte que coûte à passer par ce système, comme nous l'ont dit les Eglises ? Je vais vous le dire: c'est parce qu'on joue sur une ambiguïté, à savoir que cette contribution a quand même quelque chose d'obligatoire, à tout le moins moralement.
D'ailleurs, le système comporte des ratés. Je peux vous dire que j'ai moi-même reçu des bordereaux pour le versement de la contribution ecclésiastique alors que je n'avais jamais coché cette case ! On a entendu un autre exemple dont la «Tribune de Genève» s'est fait l'écho: le montant de la contribution religieuse a été prélevé à un homme parce qu'il avait payé trop d'impôts ! Oui, l'excédent d'argent a été automatiquement attribué à la contribution ecclésiastique que ce monsieur ne voulait en réalité pas verser. Il s'agit d'un défaut que nous avons corrigé dans la version de la loi qui vous est soumise aujourd'hui, je dois avoir l'honnêteté de le dire, mais il était quand même important de le signaler.
Le problème que j'ai énoncé tout à l'heure s'agissant du renvoi aux règles de l'exonération fiscale demeurera si l'amendement que j'ai déposé est refusé et que l'on conserve la disposition telle quelle. La contribution sera alors réservée aux trois Eglises reconnues actuellement, le système ne sera pas ouvert aux autres, et ce n'est pas convenable. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci... (Remarque.) Je suis navré, Monsieur Buschbeck, mais personne ici n'avait compris que vous sollicitiez un renvoi en commission ! Je soumets dès lors votre proposition au vote de l'assemblée.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 11764, 11766, 11927 et 12191 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 68 non contre 16 oui et 1 abstention.
Le président. Nous continuons notre débat. Je donne la parole à Mme Engelberts.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Je voulais me prononcer sur le renvoi en commission, mais Dieu merci - c'est le cas de le dire - il a été refusé. Mesdames et Messieurs, on est quasiment pris en otage ici. Je sais bien que nous sommes en période électorale, mais tout de même ! Certains députés se permettent de parler pendant sept minutes consécutives pour ressasser la même chose, pour répéter en boucle qu'ils ne sont pas d'accord.
On est en train de «faire leur fête» aux Eglises, entre guillemets, ce que je trouve indécent et mesquin. Nous traitons un texte sur la laïcité, pourquoi monopoliser le micro et répéter sans arrêt qu'on n'est pas d'accord, qu'on ne va pas le voter ? Nous le savions dès le départ, il suffisait de lire les rapports, nous sommes très bien informés.
Pour ma part, je n'accepte pas d'être prise en otage de cette manière. Si on veut tuer son chien, pas besoin de dire qu'il a la gale, on avait compris, cet acharnement est inutile. S'agissant des prestations, par exemple, M. Mizrahi donne un exemple qu'il a lu dans la «Tribune de Genève», mais il en existe des dizaines, des centaines, des milliers d'autres totalement différents, et je trouve honteux de travailler ainsi, c'est une façon de discriminer les communautés religieuses.
Je vous pose la question, Mesdames et Messieurs: comment l'abbé Pierre a-t-il créé Emmaüs ? Comment se sont développés Caritas, le Centre social protestant et bien d'autres institutions encore ? Ça suffit maintenant, on a compris ! La laïcité, ce n'est pas être contre les Eglises, c'est autre chose ! La manière dont certains s'expriment ici est honteuse et cette prise en otage scandaleuse ! (Quelques applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Une voix. Y en a marre !
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs, j'aimerais rappeler que l'article 5, alinéa 6, est le résultat d'un compromis très équilibré trouvé en commission. On ne va pas revenir sur tout l'historique, évoqué avec justesse tout à l'heure par mon préopinant Gabriel Barrillier, mais j'aimerais tout de même parler des deux dernières lettres. La lettre e stipule ceci: «soumettre chaque année au département, le 30 juin au plus tard, leurs comptes annuels soumis au contrôle ordinaire et révisés par un réviseur externe [...]». C'est bien la preuve qu'il y a un contrôle ! Quant à la lettre f, qui est capitale pour moi, elle précise: «verser au département l'émolument destiné à couvrir les frais de perception». Voilà, ce sont les Eglises qui s'acquittent des frais de perception, pas le contribuable. Mesdames et Messieurs, je vous prie de rejeter l'amendement déposé par M. Mizrahi visant à supprimer la lettre b. Merci, Monsieur le président.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis assez mal à l'aise suite à l'intervention de ma préopinante. Certes, on peut contester le fait que certains députés prennent beaucoup la parole pour exprimer leur désaccord avec telle ou telle disposition, mais comprenons tout de même ce que ça signifie: on prône la tolérance religieuse, mais on n'est pas capable de se montrer tolérant envers les gens qui ont un avis différent au sein de ce Grand Conseil ! A un moment donné, Madame la députée, il vous faudra juste admettre que s'il y avait un consensus autour de ce projet, on n'en serait pas là !
Pour ma part, je ne préconise pas forcément le renvoi en commission, mais on constate qu'il y a des désaccords profonds, des divergences abyssales quant à ce que devrait contenir ce projet de loi. Même le rapporteur de majorité signe des amendements pour modifier le texte issu de commission, c'est tout de même curieux et ça ne me semble pas de nature à apaiser les discussions.
Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voulu l'urgence sur ce projet de loi qui n'est manifestement pas mûr, vous cherchez à le faire passer en force, il faut assumer ! La catégorie est le débat libre, il faut donc laisser la parole aux personnes qui ont d'autres visions que la vôtre, consentir à ce qu'ils expriment leur désaccord. Quant à moi, je suis pour que toutes celles et tous ceux qui ont quelque chose à dire sur ce texte puissent se prononcer, quelles que soient leurs positions. Au final, si ce projet de loi n'est pas mûr, eh bien il ne faut pas le traiter en séance plénière.
Le président. Merci, Monsieur. Le Bureau clôt la liste concernant cet amendement. Peuvent encore s'exprimer M. Buchs de même que les trois rapporteurs. Monsieur Buchs, c'est à vous.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président, je serai bref. La discussion que nous menons maintenant montre l'échec complet du fonctionnement de ce parlement: on réunit une commission pendant deux ans avec des représentants de tous les partis, puis, lors du plénum, ceux-ci ne sont même pas capables d'instituer un consensus au sein de leur groupe - sur ce point, je rejoins ce que vient de dire M. Deneys. Certes, on peut avoir des divergences sur les détails, mais quand on vient présenter une loi qu'on a traitée pendant deux années avec l'ensemble des partis et qu'on n'est pas à même de la faire tenir, ça montre qu'on fonctionne mal, très mal. Lors de la prochaine législature, il faudra sérieusement réfléchir et remettre en question les règles de fonctionnement de ce Grand Conseil. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. J'essaierai de faire court aussi, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons longuement discuté de cette disposition en commission, parce qu'il est vrai que la contribution religieuse volontaire ne concerne actuellement que les trois principales Eglises. Aussi, l'enjeu majeur du débat était de déterminer si nous devions ouvrir cette option aux autres organisations religieuses.
La liberté de penser m'est chère, et si vous examinez cet article 5, vous constatez qu'il s'agit de l'un des plus longs, de celui qui pose sans doute le plus de conditions. Pourquoi ? Parce qu'on demande l'aide de l'Etat ! Mesdames et Messieurs les députés, toutes les cautèles possibles s'agissant d'excès ou d'abus ont été mises. Maintenant, nous devons avoir le courage de rester dans notre trajectoire.
Pour conclure, je ne dirai qu'une chose: peut-être y a-t-il beaucoup d'athées dans cette république, beaucoup de gens qui n'ont pas la foi, mais pour des événements qui célèbrent la joie ou la peine - je parle des naissances, des baptêmes, des mariages, des ensevelissements - nombreux sont ceux qui réclament le concours des Eglises pour la cérémonie en public, et ce ne sont pas forcément les plus pratiquants, ceux qui vont tous les dimanches à l'église ou au temple. En tant que députés, nous devons respecter le besoin de ces personnes. Cette contribution ecclésiastique est volontaire et codifiée, je le répète, et permet d'éviter tout excès. Nous ne pouvons que l'accepter sans aucun amendement - même si j'ai pensé autre chose, je vous l'ai dit. C'est la raison pour laquelle notre minorité, également représentée par mon préopinant Ivanov, vous propose d'adopter tel quel l'article 5.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Comme nous allons bientôt nous arrêter, j'aimerais exprimer mon désaccord avec l'idée qu'on assisterait à un échec du parlement s'agissant de ce débat et qu'il faudrait triturer nos règles de fonctionnement pour obtenir des résultats différents. Non, Mesdames et Messieurs, nous avons indiqué dès le début que ce projet tentait vainement de résoudre la quadrature du cercle, et vous aurez beau tourner les choses dans tous les sens, il n'y avait pas moyen de parvenir à un résultat à la hauteur du type d'ambition que Pierre Maudet a manifestée en déposant son projet initial. Ce n'est pas un échec du parlement, c'est un échec du gouvernement - ou du conseiller d'Etat, à savoir Pierre Maudet - qui a présenté ce projet de loi malvenu. A Ensemble à Gauche, nous avons un alibi: nous avons refusé l'entrée en matière. Certes, nous aurions pu consacrer du temps parlementaire à des sujets plus intéressants, mais une fois que les règles du jeu sont posées, il faut jouer la partie jusqu'au bout; nous l'avons fait loyalement en commission, continuons dans cette voie.
J'en reviens à l'amendement sur la contribution religieuse volontaire. On nous dit que tout est réglementé, mais c'est précisément le problème: on veut instaurer toute sorte de règles en vue de distinguer les bonnes religions qui auront droit à cette prestation de celles qui n'y auront pas droit, et cela viole le principe de neutralité religieuse.
Cela dit, il est tout aussi problématique de supprimer sèchement ce système pour les Eglises qui touchent la contribution, et c'est la raison pour laquelle un compromis avait été élaboré. Alors se faire engueuler parce qu'on prend la parole sur un sujet alors que précisément le PDC revient sur ledit compromis, c'est un peu fort de café !
Tout à l'heure, M. Forni disait que les Eglises jouent un rôle fondamental du point de vue de l'intégration des migrants, par exemple. Oui, mais d'autres organisations également, je l'ai dit en commission ! Les syndicats constituent un lieu d'intégration des réfugiés, alors pourquoi ne pas leur offrir une prestation analogue pour le prélèvement des cotisations ? On soutient que les Eglises en ont besoin sous prétexte qu'on ne peut pas les subventionner, mais c'est aussi le cas d'autres associations. Pour reprendre mon exemple, l'Etat ne verse pas de subventions aux syndicats - évidemment, ce ne serait pas acceptable - alors pourquoi ne pas imaginer un service similaire en leur faveur ? Il y a là très clairement une violation de l'égalité de traitement.
Ensuite, on ajoute que des organisations à connotation religieuse réalisent toute sorte de bonnes oeuvres, évoquant sur ces bancs le CSP ou Caritas. Mais ces entités peuvent légitimement prétendre à des aides financières pour leur action sociale, elles sont d'ailleurs récipiendaires de subventions étatiques, ce n'est pas de ça qu'on discute ici.
Mesdames et Messieurs, les choses sont tout à fait claires. Gabriel Barrillier, avec le talent et la franchise qui le caractérisent, a dit ce qu'il fallait dire, à savoir qu'on donne un coup de pouce à ces organisations. Or si nous voulons nous montrer un tout petit peu sérieux s'agissant de l'égalité de traitement, nous ne pouvons pas donner un coup de pouce à certaines d'entre elles et pas à d'autres. Voilà pourquoi il faut supprimer cette disposition. Si vous voulez, on peut la supprimer tout de suite; mon idée aurait été de le faire au cours des deux étapes mentionnées de dix et vingt ans, mais puisque l'accord que nous avions trouvé en commission est remis en cause par ceux-là même qui y avaient adhéré, eh bien je vous invite à voter la suppression sèche et sonnante de cet article.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Chers collègues, vous aurez observé que ce sont les mêmes partis qui soutiennent les avantages acquis pour les salariés qui voudraient aujourd'hui, d'un trait de plume, les abolir pour les communautés religieuses ! Puisque vous parlez d'égalité de traitement, Mesdames et Messieurs de la gauche, je vous invite à prendre un peu de hauteur !
Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. Pierre Conne. Balle au centre ! Mesdames et Messieurs, nous ne partons pas d'une page blanche, nous n'élaborons pas des lois hors sol, dans un pays qui s'appelle la théorie. Non, nous évoluons dans un contexte historique qui doit être reconnu et, partant, nous établissons des lois incarnées dans la vie sociale.
C'est dans ce cadre-là que s'inscrit l'article 5, qui donne la possibilité à toutes les organisations religieuses qui le souhaitent, sous certaines conditions, de bénéficier d'un service - payant ! - de prélèvement des dons, c'est tout. Il est donc indispensable de le maintenir. Il n'y a aucune violation de la neutralité dans la mesure où les règles fixées sont les mêmes pour tout le monde, et elles sont équitables. Voilà la première chose que j'avais à dire. Ensuite, il ne s'agit pas non plus... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Pierre Conne. ...d'octroyer des subventions publiques aux institutions religieuses. Moyennant un émolument, l'Etat va simplement prélever ce qui est déclaré comme un don volontaire de la part de certains contribuables et l'attribuer aux Eglises. Compte tenu de ces éléments, la majorité de la commission que je représente vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter l'article 5 dans son entier et tel qu'issu de commission, et à vous opposer à l'amendement demandant sa suppression.
Le président. Je vous remercie... (Remarque.) Non, Monsieur, nous avons clos la liste des orateurs, plus personne ne prend la parole. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit à présent de vous prononcer sur cet amendement de Mme Orsini et M. Gauthier qui, je le rappelle, vise à biffer l'article 5, et subséquemment l'article 14.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 18 oui et 2 abstentions.
Le président. Restons-en là pour ce soir, chers collègues. Nous reprendrons l'examen de ce texte lors de la prochaine session, soit le jeudi 26 avril.
Cinquième partie du débat: Séance du jeudi 26 avril 2018 à 17h
Le président. Bon appétit et excellente soirée à tous !
La séance est levée à 20h05.