République et canton de Genève

Grand Conseil

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GR 537
Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier le dossier de Monsieur J. B.
Rapport oral de M. Cyril Aellen (PLR)

Le président. Je prie M. Aellen de bien vouloir s'installer à la table des rapporteurs pour nous présenter le dossier de grâce. (Un instant s'écoule.) Allez-y, Monsieur.

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. M. J. B. est né le 19 décembre 1955 au Danemark. De nationalité suisse, danoise et israélienne, il est marié et père de cinq enfants respectivement âgés de 35, 33, 28, 11 et 2 ans, issus de plusieurs unions. Son dernier-né vit au domicile familial.

M. B. est titulaire d'une licence en droit ainsi que du brevet d'avocat, mais a été radié du barreau genevois. Il a cessé son activité de chauffeur, exercée à la suite de sa radiation, car l'interdiction de passer la frontière avec des clients constituait une condition à sa mise en liberté provisoire. Il ne travaille donc plus et bénéficie d'une aide financière de l'Hospice général depuis août 2014, y compris pour le paiement de la contribution d'entretien à laquelle il est astreint. Dans la mesure de ses moyens, il participe aux frais liés aux activités préscolaires de l'enfant. Bien qu'ayant suivi des stages de réinsertion, M. B. n'a pas retrouvé d'emploi. Son épouse, qui est étudiante, n'exerce pas d'activité professionnelle et est également tributaire de l'aide sociale.

J. B. est détenu depuis janvier 2018. Par jugement du Tribunal correctionnel du 18 septembre 2015, il a été condamné à une peine privative de liberté de 28 mois, sous déduction de 37 jours de détention avant jugement. Il a été déclaré coupable de violation grave des règles de la circulation routière, de conduite sans autorisation, de dénonciation calomnieuse, de faux dans les titres et d'incitation au séjour illégal avec dessein d'enrichissement illégitime.

Le Ministère public et M. B. ont chacun fait appel de cette décision auprès de la Chambre pénale d'appel et de révision. L'appel du Ministère public a été rejeté, celui de M. B. partiellement admis. La Cour a annulé le jugement et statué à nouveau: elle a acquitté M. B. s'agissant de l'incitation au séjour illégal avec dessein d'enrichissement illégitime, mais l'a reconnu coupable de tentative d'incitation à l'entrée illégale avec dessein d'enrichissement illégitime, le condamnant ainsi à une peine privative de liberté de 20 mois, sous déduction de 37 jours de détention avant jugement. C'est du solde de cette condamnation définitive que M. B. demande la grâce.

Selon l'acte d'accusation du Ministère public, il lui est reproché plusieurs faits. Le 30 novembre 2012 à Ambilly, alors qu'il était au volant de sa voiture et poursuivi par une patrouille de la police française ayant enclenché le feu bleu, la sirène et la signalisation lumineuse, il a accéléré et pénétré sur le territoire genevois par la douane de Moillesulaz. Roulant à vive allure et sans respecter les feux de circulation, il a emprunté successivement la rue de Genève, l'avenue Tronchet, le chemin des Deux-Communes, un trottoir à la hauteur de la place Graveson, puis à nouveau la rue de Genève. Il s'est ensuite dirigé vers Cologny, a rejoint le quai Gustave-Ador via la rampe de Cologny, procédant à plusieurs demi-tours sur la chaussée - un trottoir sur le quai Gustave-Ador, les voies de circulation opposées, la contre-route réservée aux transports publics - avant d'atteindre la ville de Genève par la rue des Eaux-Vives et l'avenue William-Favre. Là, il a failli heurter une femme qui prenait un taxi. Il a poursuivi sa fuite par la route de Frontenex. Le long du chemin Frank-Thomas, il a circulé à contresens dans une zone de travaux et un parking couvert. Il a enfin rejoint la route de Chêne par l'avenue Godefroy en empruntant le terre-plein réservé aux trams, circulant à contresens et sur la contre-route, avant que son véhicule ne soit finalement bloqué par la police.

M. B. a été reconnu coupable pour ces infractions par les autorités de première instance et d'appel. Il est à préciser que lors des faits que je viens de décrire, il roulait alors que son permis de conduire lui avait été provisoirement retiré. Ces faits n'ont pas été contestés en appel, il a été reconnu coupable en première comme en deuxième instance.

Le 30 novembre 2012 d'une part et le 20 décembre 2012 d'autre part, il a affirmé respectivement devant la police et le Ministère public qu'un tiers conduisait son véhicule le jour des faits, dénonçant à l'autorité une personne qu'il savait innocente dans le but de faire ouvrir une poursuite pénale à son encontre. Il a été reconnu coupable de dénonciation calomnieuse, ce qui a été confirmé en appel.

Il lui est également reproché la chose suivante: le 15 novembre 2012, alors que son permis de conduire lui avait été provisoirement retiré, il a été interpellé à bord de son véhicule destiné au transport professionnel de personnes, lequel était conduit par un tiers ne disposant pas d'une licence de chauffeur professionnel, ce que M. B. savait. Il a contesté ces faits et a été acquitté par le Tribunal correctionnel, et cela a été confirmé par la Cour.

Dans un pli adressé au service des contraventions le 7 novembre 2012, puis lors d'une audience du Tribunal de police le 12 septembre 2013, J. B. a déclaré que c'était son frère qui conduisait son véhicule le 30 août 2012 à Presinge alors qu'un radar établissait un dépassement de la vitesse maximale autorisée de 32 kilomètres-heure, présentant à l'autorité comme étant l'auteur d'une infraction à la LCR un individu qu'il savait innocent, puisqu'il était lui-même au volant du véhicule. Il a été reconnu coupable de dénonciation calomnieuse, ce qui a été confirmé en appel.

Le 10 octobre 2012, il a rempli un formulaire à destination du service des contraventions au nom de son frère toujours, en imitant la signature de celui-ci, afin de faire croire qu'il n'était pas au volant de son véhicule le 30 août 2012 lors du dépassement de vitesse. Il a été reconnu coupable de faux dans les titres, ce qui a été confirmé en appel.

Il lui a également été reproché d'avoir hébergé entre 2012 et 2013 un ressortissant gambien moyennant versement d'un loyer mensuel de 600 F, alors qu'il savait que celui-ci ne bénéficiait pas d'une autorisation de séjour et faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse. M. B. a admis ces faits et a été reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers. En appel, il a été considéré que le dessein d'enrichissement faisait défaut, et le jugement a été réformé dans ce sens.

Le 14 juillet 2014, pour le prix de 500 F, il s'est rendu à Aoste à la demande d'un tiers, à bord d'un véhicule emprunté pour l'occasion et immatriculé en Valais. Il s'agissait de prendre en charge et de conduire à Genève un ressortissant du Nigeria dépourvu de visa, faisant l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse - ce que J. B. savait - et transportant huit doigts de cocaïne dans son rectum, soit 88,1 grammes nets - ce que J. B. savait également ou, à tout le moins, a envisagé et accepté. Il est à noter que les intéressés ont été interpellés lors de leur retour sur sol helvétique, au Grand-Saint-Bernard. M. B. a été reconnu coupable d'infraction à la loi sur les étrangers, ce qu'a confirmé la Cour. En revanche, il a été acquitté au bénéfice du doute s'agissant de la loi sur les stupéfiants, ce que la Cour a aussi corroboré.

Enfin, il lui est reproché de s'être rendu de Genève à Lyon le 26 mars 2014, à la demande d'un tiers et moyennant paiement de 350 F et 40 euros. Sur place, A. P. l'attendait, transportant 68 ovules de cocaïne qu'il avait ingérés, soit 656,6 grammes nets de cette substance. Ils ont été interpellés à Genève. M. B. connaissait ou, à tout le moins, avait envisagé et accepté la situation. Il a été acquitté de ces faits en première instance, et cela a été confirmé par la Cour.

Selon l'extrait de son casier judiciaire, J. B. a été condamné en août 2009 par la Chambre pénale de la Cour de justice à une peine pécuniaire de 150 jours-amende pour violation grave des règles de la circulation routière, en février 2010 par le Tribunal de police à 20 jours-amende pour le même motif, en décembre 2010 par la Chambre pénale de la Cour de justice à une peine de 60 jours-amende pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants.

En France, il a été condamné en février 2011 par la Chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Chambéry à une peine privative de liberté d'un an, avec sursis durant cinq ans, pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France, puis en juillet 2013 par la même instance à une amende de 750 euros pour mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence et délit de fuite après un accident.

M. B. sollicite la grâce du solde de sa peine, étant précisé qu'il a été condamné à une peine privative de liberté de 20 mois, comme je l'ai déjà dit, et qu'il se trouve en détention depuis le 22 janvier 2018. A l'appui de son recours, il fait état d'une situation personnelle et professionnelle compliquée. En substance, il explique avoir été privé de revenus conséquents après sa radiation du barreau, tout comme d'une partie de sa fortune en raison d'un contexte familial difficile. Il argue notamment avoir été spolié d'une partie de ses biens lorsqu'il était à l'étranger à la suite de sa radiation. Toutefois, il convient de relever que ces faits préexistent à la condamnation dont il fait l'objet, et il en a d'ailleurs été tenu compte lors des jugements. J. B. évoque également sa famille nombreuse, en particulier le fait qu'il a un enfant âgé d'à peine 2 ans et que sa jeune épouse est sans emploi. Il remet en cause la justesse de condamnations antérieures - pas celle qui concerne sa demande de grâce - qui lui avaient valu d'être radié du barreau. Il précise encore n'avoir aucune dette.

Enfin, M. B. indique être gravement malade. Il a subi en urgence une opération pour déboucher des caillots de sang occluant les artères de son avant-bras et de sa main droite. Des médicaments anticoagulants le protègent actuellement d'une récidive. Il a également fait un AVC et souffre d'un nodule thyroïdien endocrinologique qui nécessite de nombreux examens médicaux. S'agissant de l'aspect médical, un courrier du médecin traitant de M. B. adressé aux autorités pénitentiaires atteste effectivement de certaines affections et définit les soins à prodiguer. Néanmoins, il ressort clairement des pièces produites que ceux-ci sont compatibles avec sa détention.

Pour toutes ces raisons, la commission de grâce, après avoir examiné le cas de M. B. de façon circonstanciée, est d'avis qu'il n'y a pas lieu de prononcer sa grâce. Aussi, elle demande à l'assemblée de suivre son préavis négatif.

Le président. Je vous remercie, Monsieur Aellen. Mesdames et Messieurs, vous êtes priés de vous prononcer sur le préavis de la commission, qui recommande le rejet de la grâce.

Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce) est adopté par 75 oui et 13 abstentions.