République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 février 2018 à 20h30
1re législature - 4e année - 12e session - 64e séance
IN 163-B
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons avec l'IN 163-B dont le débat est classé en catégorie I. La parole revient au rapporteur de majorité, M. Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les auteurs de cette initiative soulèvent une vraie question, leurs préoccupations sont tout à fait légitimes. Comme l'ont relevé l'ensemble des magistrats des communes riveraines de l'aéroport, 100 000 de nos concitoyens, soit un cinquième de la population, sont très largement impactés par les nuisances. Cependant, s'il existe bel et bien un consensus autour du message et des craintes des 14 450 signataires de ce texte, nous estimons que celui-ci est trompeur et déraisonnable. En effet, la réponse qu'ils apportent pose problème et nécessite une alternative.
L'Aéroport international de Genève joue un rôle essentiel pour notre canton, notre économie, notre place financière et la Genève internationale, mais son développement provoque des inquiétudes. Ces dix dernières années, le nombre de passagers a doublé, tandis que le produit intérieur brut du canton n'a progressé que de 30%. Les nuitées dans les hôtels, quant à elles, n'ont augmenté que d'environ 1,5% par an. Seuls 20% à 25% des passagers de l'aéroport habitent à Genève ou ont un lien avec notre économie. La zone de chalandise de l'AIG s'est en effet considérablement accrue, et cette tendance va se poursuivre.
En 2017, la fameuse compagnie low cost orange, qui constitue le plus important opérateur de Cointrin, a connu une progression conséquente du nombre de ses passagers, lequel est pratiquement équivalent à la population genevoise. Or 30% de ces voyageurs résident en France, et pas uniquement en France voisine. Est-ce que des personnes transférées par bus de Lyon à Genève sont bénéfiques pour l'économie genevoise ? S'agissant des vols charters, le constat est malheureusement similaire: les skieurs atterrissant à Genève sont immédiatement conduits en bus dans les stations françaises, ils n'apportent rien à notre économie.
Certes, l'aéroport de Genève mérite notre soutien, mais son modèle de développement doit être revu, il doit être placé au service de notre population et de notre économie. Un contreprojet permettrait de corriger les malentendus et surtout l'insécurité juridique que provoquerait cette initiative. En effet, l'ensemble du texte pose problème, sans parler du fait qu'une modification de la constitution serait une erreur.
L'AIG est un aéroport national, et son instrument de planification, c'est-à-dire la fiche PSIA, fixe un cadre à la fois pour les autorités et l'exploitant. Trois de nos conseillers d'Etat, MM. Hodgers, Barthassat et Maudet, participent à l'élaboration de cette fiche.
L'alinéa 1 stipule que l'AIG est un établissement de droit public; il s'agit là d'une claire détérioration de l'autonomie de gouvernance de l'aéroport. L'actuel conseil d'administration est composé de 23 membres, dont un représentant par parti au Grand Conseil, des représentants des communes riveraines, de la France et même de la commission consultative pour la lutte contre les nuisances dues au trafic aérien. Quant à l'alinéa 3, qui prévoit que l'Etat prenne toutes les mesures adéquates pour limiter ces nuisances, il est trompeur et déraisonnable. Mesdames et Messieurs, c'est un texte anti-aéroport !
Il faut réorienter l'AIG pour qu'il remplisse son rôle vis-à-vis de notre population et de notre économie, tout en respectant le cadre de vie des riverains. Pour la majorité de la commission, le texte de cette initiative est non seulement inadéquat et trompeur, mais mettrait en péril l'existence même de notre aéroport. Il faut donc le rejeter. Merci de votre attention.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le début de l'intervention du rapporteur de majorité m'a fait plaisir, car il a dit que cette initiative pose de bonnes questions et qu'il est nécessaire de réfléchir au type de développement qu'on souhaite pour notre aéroport. Voilà un discours qui a déjà beaucoup changé en une année ! Quand le texte a été déposé, en effet, on entendait plutôt: «Vous voulez tuer l'aéroport, tuer l'économie, tuer la Genève internationale !» Je constate que les mentalités ont évolué grâce aux questions qui ont pu être posées durant les travaux de commission. Aujourd'hui, on peut clairement soutenir que non, cette initiative ne cherche pas à tuer l'aéroport, ni l'économie genevoise, ni la Genève internationale. Que demande-t-elle ? Quelque chose de relativement simple: elle vise un développement de l'aéroport qui soit équilibré et maîtrisé, qui prenne en compte les nuisances sonores, la pollution atmosphérique, la protection de l'environnement tout comme celle de la population. En effet, quand on parle de l'AIG, on n'évoque presque jamais la santé des habitants - j'y reviendrai plus longuement tout à l'heure.
Il est important de rappeler certains chiffres. En 2017, l'aéroport a connu 17,3 millions de passagers, soit 4,9% de plus qu'en 2016. Cela représente 190 700 mouvements d'avions par année ! Il y a surtout beaucoup de vols low cost opérés par easyJet - j'en reparlerai aussi tout à l'heure - mais pas seulement, d'autres compagnies exploitent également ce filon, qui représente 45% des parts de marché pour easyJet. Depuis dix ans, la croissance est fulgurante: le nombre de voyageurs a doublé - doublé en dix ans ! - pour atteindre plus de 17 millions, je l'ai dit, tandis que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 63%, le nombre de vols commerciaux de 23% et la consommation de kérosène, Monsieur le président, de 75%.
Or, qu'est-il prévu à l'horizon 2030 ? La poursuite de cette expansion fulgurante - et démesurée, à nos yeux - avec pour objectif de répondre à la demande. On parle de 25 millions de passagers par an en 2030, c'est-à-dire 68 500 personnes et 650 vols par jour en moyenne, et un avion - je crois que tout le monde retiendra ça - qui décolle ou atterrit toutes les nonante secondes, dix-huit heures sur vingt-quatre. Voilà ce qui est planifié comme développement pour notre aéroport.
Face à ce constat, une initiative a été déposée en décembre 2016 par la CARPE, qui a récolté 14 450 signatures. La CARPE, c'est la Coordination régionale pour un aéroport urbain, respectueux de la population et de l'environnement - un nom un peu compliqué, mais qui veut bien dire ce qu'il veut dire - qui regroupe différentes organisations environnementales, comme le WWF, Noé21 ou l'ATE - plusieurs de leurs représentants sont d'ailleurs à la tribune aujourd'hui ou, je l'espère, nous écoutent via Léman Bleu - mais également des associations de riverains issues des différentes communes concernées de près par l'aéroport: on peut signaler l'ARAG, l'Association des riverains de l'aéroport de Genève, l'Association des habitants de la commune de Satigny ou encore l'Association des intérêts de Vernier-village, mais il y en a de nombreuses autres qui sont citées dans le rapport.
Certes, Mesdames et Messieurs, l'aéroport joue un rôle important pour Genève: il est crucial pour l'emploi, les retombées économiques, le tourisme - même si, comme l'a dit le rapporteur de majorité, beaucoup de monde transite par l'AIG pour continuer vers d'autres destinations pas forcément proches de la région genevoise - et pour la Genève internationale. A cet égard, on a eu une audition très intéressante des représentants de la Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies, qui nous ont répété à quel point l'aéroport était vital pour eux. Et ça, personne ne le nie, les initiants ne le contestent pas.
Toutefois, cette importance doit être mise en perspective avec les différentes nuisances pour la santé de la population, je l'ai indiqué avant, les incidences sur le climat, les nuisances sonores qui sont en train d'exploser pour des dizaines et des dizaines de milliers de personnes, et les problèmes de pollution atmosphérique. Tous ces méfaits, Mesdames et Messieurs, ont un coût important pour la collectivité.
Pour nous, un développement visant 25 millions de passagers est complètement insensé. Si la courbe continue de façon bêtement linéaire, on parviendra même à 32 millions ! Imaginez ce que 25 millions, voire plus, de voyageurs vont provoquer comme nuisances. On nous dit que c'est pour répondre à la demande, mais il faut s'interroger sur l'origine de celle-ci. Qu'une compagnie comme easyJet, pour reprendre cet exemple, soit installée à Cointrin n'est pas problématique en soi; l'ennui, c'est le genre de destinations que la société propose. Je vais vous en citer quelques-unes pour illustrer mon propos. On nous dit que l'aéroport est vital pour l'économie genevoise; bien sûr, personne ne nie qu'un trajet Genève-New York ou Genève-Londres est capital pour les affaires, mais est-ce que des vols low cost à destination de la Sicile, d'Aberdeen, Bristol, Faro, Héraklion, Hurghada, Ibiza, Mazère... Euh, Madère, pardon ! Mazette ! ...Malte - là, on peut faire un lien avec l'optimisation fiscale, il ne fait aucun doute qu'un vol direct pour Malte peut servir à quelques grandes fortunes ! - Minorque, Mykonos, Reykjavik, Split, et maintenant aussi Tivat, sur la côte du Monténégro, sont vraiment fondamentaux pour l'économie genevoise ? Je n'en suis pas certain. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je vois que mon temps est déjà dépassé, j'aurais encore beaucoup d'arguments à développer...
Le président. Vous pourrez reprendre la parole après, pas de problème ! Il vous reste vingt-cinq secondes.
M. Thomas Wenger. ...s'agissant de la santé, du bruit, de la pollution atmosphérique pour vous expliquer la position de la minorité de la commission, mais je poursuivrai tout à l'heure. Merci, Monsieur le président.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, les propos liminaires du rapporteur de minorité étaient relativement optimistes, puisqu'il disait que les mentalités ont évolué. En réalité, si on observe le déroulement des travaux, on constate que la majorité de la commission a essayé de faire du soutien à l'initiative 163 une sorte de combat d'arrière-garde, mené par des gens voulant fermer l'aéroport, nuire à son développement, et, in fine, s'opposer au progrès. Or que demande l'initiative ? Elle propose d'abord d'ancrer le statut actuel de l'aéroport dans la constitution genevoise pour en garantir la pérennité, de rechercher un équilibre entre les intérêts économiques et ceux de la population quant à sa qualité de vie, de limiter les nuisances et enfin, compte tenu de l'importance de ces objectifs, de rendre un rapport sur les actions entreprises en ce sens. Où est le problème ? Ces requêtes sont relativement modestes et certainement légitimes. Nous avons procédé à un certain nombre d'auditions, au cours desquelles nous avons entendu les préoccupations des communes riveraines ainsi que de la population. Voilà qui aurait dû suffire à alerter les commissaires, mais non, ce sont toujours les intérêts économiques de l'aéroport qui ont prévalu, sans qu'on prenne en considération ceux des citoyens.
L'initiative 163 vise précisément la recherche d'un équilibre entre ces deux pôles, il ne s'agit pas d'en privilégier un au détriment de l'autre. Aujourd'hui, on favorise le développement de l'AIG au détriment de la santé des habitants. On nous a beaucoup parlé des avancées technologiques, des progrès de l'aviation qui auraient pour conséquence de limiter les nuisances; pour partie, sans doute, mais pas suffisamment pour assurer la qualité de vie des riverains. En tout cas, ces mesures ne nous paraissent pas suffisantes pour que la croissance de l'aéroport puisse se poursuivre dans le sens souhaité par la majorité. Pour nous, l'intérêt de la population est prioritaire, et il nous semble absolument fondamental de ne pas favoriser une croissance excessive et vide de sens, de ne pas nous lancer dans une course effrénée au développement de l'aéroport sans tenir compte des réalités auxquelles est confrontée la population. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite à approuver cette initiative et à refuser le principe d'un contreprojet. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Mme Magali Orsini (EAG). Monsieur le président, je voudrais simplement dire qu'en ma qualité d'administratrice de l'aéroport, je me sens tenue de m'abstenir sur ce débat. Merci.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, je souhaite rappeler en premier lieu que l'initiative 163 «Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève - Reprenons en main notre aéroport» a été signée par 14 450 citoyennes et citoyens qui, pour la plupart, souffrent du développement effréné de l'aéroport. Son texte empreint de bon sens propose d'introduire dans la constitution de la République et canton de Genève un nouvel article 191A concernant le trafic aérien, qui se décline en quatre alinéas.
L'alinéa 1 stipule tout d'abord: «L'Aéroport international de Genève est un établissement de droit public.» Chers collègues qui vous opposez à cette initiative, est-ce à dire que le fait de ne pas pouvoir privatiser l'AIG vous pose problème ?
L'alinéa 2 prévoit ceci: «Dans le cadre défini par la Confédération et les limites de ses compétences, l'Etat tient compte du caractère urbain de l'aéroport et recherche un équilibre entre son importance pour la vie économique, sociale et culturelle et la limitation des nuisances pour la population et l'environnement.» Chers collègues, est-ce à dire que la santé de notre population et la qualité de vie à Genève n'ont pas besoin d'être défendues de façon inconditionnelle par l'entier de ce parlement ?
Voici ensuite l'alinéa 3: «L'Etat prend en particulier toutes les mesures adéquates pour limiter les nuisances dues au trafic aérien, notamment le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre et pour mettre en oeuvre les principes d'accomplissement des tâches publiques, définies dans la présente constitution, de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de promotion de la santé.» Chers collègues, est-ce à dire que le droit ne s'applique pas au plus grand générateur de nuisances de notre canton, notamment l'article 10 de notre constitution selon lequel «l'activité publique s'inscrit dans le cadre d'un développement équilibré et durable» ?
Enfin, l'alinéa 4 indique: «L'Aéroport international de Genève rend compte aux autorités cantonales et communales de la façon dont les objectifs précités sont planifiés puis mis en oeuvre au regard du cadre et des limites définis par la Confédération. Il soumet en particulier régulièrement au Grand Conseil pour approbation un rapport relatif aux actions entreprises et principaux objectifs à moyen et long terme.» Chers collègues, est-ce à dire que les Genevoises et les Genevois ne méritent pas la transparence quant aux projets et autres décisions liés à l'aéroport ?
Allons, chers collègues, dites-nous quelles sont ces incroyables contraintes qui vous rebutent ! Est-ce vraiment trop demander à notre assemblée que d'assurer la préservation de l'environnement et la santé des citoyens ? Près de 14 500 signatures ont été récoltées pour cette initiative portée par quinze associations, dont onze de riverains et quatre de protection de l'environnement; c'est une fois et demie le nombre de paraphes requis à l'époque pour faire aboutir un tel texte ! Ces organisations se mobilisent pour protéger Genève d'une fuite en avant, d'une détérioration de notre qualité de vie, d'une augmentation drastique de la pollution de l'air, des souffrances liées à l'explosion des nuisances sonores de jour comme de nuit. Les habitants de la rive droite n'ont pas à subir la dégradation environnementale provoquée par le développement démesuré de l'aéroport. Le voyage plaisir au départ matinal ou tardif ne peut se faire au détriment de près de 100 000 personnes directement touchées par les nuisances. Est-ce normal de sentir l'odeur de kérosène dans la rue et dans le parc, sur le chemin de l'école et du travail, dans son logement et son bureau ? Ces émanations ne sont que la pointe émergée de l'iceberg, derrière lequel se cachent nombre de polluants non perceptibles qui mettent directement en péril notre santé. Confrontées en permanence au bruit des avions, les populations survolées par ceux-ci n'en peuvent plus, leur qualité de vie se détériore de plus en plus. Ne plus pouvoir s'endormir, se réveiller régulièrement, perdre ses capacités d'apprentissage et de concentration, être dans l'incapacité de tenir une conversation sans être interrompu, telles sont quelques-unes des réalités vécues quotidiennement par bon nombre des 14 500 signataires de cette initiative. Refuser de la voter sous prétexte de lui opposer un contreprojet n'est pas digne de ce Grand Conseil. En effet, nous savons qu'il n'y aura pas de contreprojet dans une année et que cette démarche n'est que de l'obstruction pour empêcher la population de voter dans un délai raisonnable, et ce alors même que, tous les jours, les habitantes et habitants de la rive droite subissent les nuisances de l'aéroport.
Vous souhaitez voir imposer le PSIA qui prévoit un objectif de développement constant de l'aéroport et un triplement en vingt ans du nombre de passagers quand 14 500 personnes vous demandent de prendre en considération leurs souffrances, de tendre vers un juste équilibre entre protection de l'environnement, santé publique et besoins de l'économie ? Votre imminent refus de cette initiative est une démonstration d'égoïsme qui fait fi du vécu quotidien de près de 20% de la population genevoise et crée encore plus de clivages territoriaux et sociétaux dans notre canton.
Vous voulez parler du PSIA ? Alors voici la démonstration que celui-ci n'entend pas respecter les populations riveraines: à l'horizon 2030, il est prévu une hausse des vols en soirée - entre 22h et minuit - afin d'atteindre 11 600 mouvements annuels pour 32 vols dans cette plage horaire, soit un mouvement toutes les deux à quatre minutes tous les soirs ! Et cette moyenne ne tient même pas compte des soirées plus chargées, qui pourraient voir passer un vol toutes les soixante secondes. Bien le bonjour aux habitants concernés et vive la consommation de somnifères !
Pourtant, la présente initiative offre une opportunité unique à notre Grand Conseil, celle d'une véritable consultation du peuple en amont d'une quelconque décision de la Confédération sur le PSIA, d'entendre ainsi tout particulièrement les résidents d'un tiers des communes genevoises qui souffrent tous les jours, toutes les nuits, de l'activité de l'Aéroport international de Genève. Nous sommes en pensée avec eux, qui suivent attentivement notre débat de ce soir. Ils sauront enfin qui les soutient au sein de ce parlement !
Les Verts accepteront l'initiative, chers collègues, et vous encouragent à faire de même. Renoncez à jouer la montre en avançant le principe trompeur d'un futur contreprojet qui, nous le savons toutes et tous très bien, ne se réalisera pas. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, au-delà de la vision quelque peu catastrophiste présentée dans l'exposé des motifs, je reconnais à cette initiative deux points positifs. D'abord, elle suscite le débat, et grâce à l'adoption prochaine d'un contreprojet, cette discussion pourra être portée devant la population. Il s'agit là d'une marque de respect que nous devons aux 14 500 signataires de ce texte, je ne le nie pas. Ensuite, les articles qu'elle prévoit évoquent l'Aéroport international de Genève. Notre aéroport est en effet à la fois national et international et, de ce fait, soumis d'une part à des normes internationales sur lesquelles nous n'avons aucune prise, d'autre part à des normes fédérales sur lesquelles il est difficile d'intervenir. A cet égard, je tiens à relever le travail consciencieux, constructif et positif accompli par le Conseil d'Etat dans le cadre des négociations qu'il a menées s'agissant de la fiche PSIA.
Il est regrettable que les initiants parlent systématiquement de 25 millions de passagers à l'horizon 2030 comme d'un objectif devant absolument être atteint, ce n'est pas ce qui figure dans la fiche PSIA. Il s'agit en fait d'une projection qui a été effectuée en tenant compte des éléments actuels. Or beaucoup de choses peuvent changer en dix ans, des progrès importants peuvent être réalisés - certains sont d'ailleurs déjà survenus grâce aux actions mises en place par la direction générale de l'aéroport et sa présidence.
Dans son titre, l'initiative réclame un pilotage démocratique de notre aéroport. A l'heure actuelle, le rapporteur de majorité l'a précisé, un député par parti présent au Grand Conseil siège au sein du conseil d'administration, et la commission de l'économie reçoit chaque année la présidence et la direction générale de l'aéroport afin de poser toutes les questions susceptibles de l'être. Voilà un contrôle démocratique ! S'il s'agit de faire intervenir notre parlement plus souvent et de façon plus intense, j'ai les pires craintes: compte tenu de la lenteur de nos travaux, nous allons contrecarrer des efforts qui doivent être menés et des décisions qui doivent être prises de façon relativement rapide, ce qui serait dommage.
L'une des auditions les plus intéressantes a été celle de M. Zellweger, ambassadeur de la Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies, qui a rappelé l'importance cruciale de l'AIG pour la Genève internationale - le rapporteur de minorité l'a fait aussi, et je l'en remercie. A cette occasion, nous avons appris que pour l'ONU et l'ensemble de ses agences, plus de 60 000 vols par année sont nécessaires afin de maintenir l'activité des organisations internationales de par le monde.
Sur la base de ces éléments, Mesdames et Messieurs, je vous recommande de suivre la position du rapporteur de majorité, de refuser l'initiative et d'accepter le principe d'un contreprojet. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur, et donne la parole à M. Vanek.
Une voix. Il renonce !
M. Pierre Vanek (EAG). Non, je ne renonce pas ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il ne fait nul doute que cette initiative mériterait un contreprojet, mais un contreprojet qui durcisse encore le contrôle démocratique qu'elle introduit, qui renforce les exigences en matière de frein au développement délirant et démentiel de l'aéroport !
Le rapporteur de minorité a évoqué le nombre de 25 millions de passagers, dont Jean-Marc Guinchard nous dit qu'il ne s'agit pas d'un objectif, mais de projections. Bon, ce sont peut-être des projections, mais on ne peut pas continuer comme ça, la perspective de 25 millions de voyageurs avec un vol toutes les nonante secondes en 2030 est insoutenable, il y a une limite objective à la quantité de trafic aérien qui peut transiter par Cointrin.
Si les nuisances pour les habitants sont scandaleuses pour un certain nombre d'entre eux, la charge que nous faisons peser sur l'environnement l'est davantage encore: pour 25% - ou quelque chose comme ça - les émissions de gaz à effet de serre du canton sont dues à l'aéroport ! On ne peut pas continuer ainsi, ce n'est pas compatible avec le minimum d'objectifs écologiques que s'est fixé la République et canton de Genève. De ce point de vue là, peut-être faudrait-il un contreprojet, mais quand on entend les opposants à l'initiative, on se dit qu'il est très, très, très urgent de voter l'initiative telle quelle et de ne pas se perdre dans les labyrinthes dilatoires d'une alternative.
M. Pfeffer, rapporteur de majorité, a dit dans son discours initial que l'ensemble du texte et des alinéas pose problème. L'ensemble du texte et des alinéas pose problème ?! L'alinéa 1 stipule ceci: «L'Aéroport international de Genève est un établissement de droit public.» Cette disposition pose donc problème à M. André Pfeffer, à l'UDC en général et à la majorité qu'elle représente ? Qu'est-ce que ça signifie, que vous voulez modifier la teneur de l'article premier de la loi sur l'Aéroport international de Genève, qui indique que la gestion et l'exploitation de l'aéroport sont confiées à un établissement de droit public ? Ainsi, vous souhaiteriez pouvoir privatiser l'aéroport sans passer par le référendum obligatoire qu'entraînerait une telle inscription dans la constitution. Voilà déjà un motif suffisant pour voter aujourd'hui même l'initiative telle qu'elle est.
Les autres modalités du texte, qui sont pourtant d'une modération extrême - notre collègue Vert en a fait l'exégèse à l'instant - posent apparemment toutes problème à la majorité. Il est par exemple demandé de tenir compte du caractère urbain de l'aéroport, est-ce vraiment problématique ? Faudrait-il décréter que Cointrin est un aéroport de campagne ? Non, bien sûr, il faut prendre en considération les réalités et rechercher un équilibre entre son importance pour la vie économique, sociale et culturelle d'une part, et la limitation des nuisances pour la population d'autre part. En ce qui me concerne, je placerais directement le curseur quelque part dans cet équilibre. Là, on nous dit juste, avec toute la prudence et la modération qui caractérisent cette initiative, qu'il s'agit de trouver un équilibre. C'est déjà bien de le dire ! Vous ne voulez donc pas d'équilibre, vous pensez sérieusement qu'on doit oeuvrer au développement de l'aéroport de manière unilatérale, au détriment des autres facteurs mentionnés ? C'est pourtant ce qu'a postulé le rapporteur de majorité en indiquant que tous les alinéas posent problème.
Ensuite, est-ce encore un problème d'énoncer que l'Etat prend toutes les mesures adéquates - adéquates, c'est dire si c'est contraignant ! - pour limiter les nuisances dues au trafic aérien, notamment le bruit et la pollution ? A vos yeux, l'Etat ne devrait donc pas prendre de mesures adéquates, ou alors se contenter, par principe, de mesures inadéquates en la matière ? Mais qu'est-ce que vous nous chantez ? Ce n'est pas sérieux ! Quant au dernier paragraphe, il précise simplement que l'Aéroport international de Genève rend compte aux autorités cantonales et communales de la façon dont ses objectifs sont planifiés, puis mis en oeuvre, au regard du cadre et des limites définis, tout cela dans le respect du droit fédéral.
Il n'y a là rien qui ne soit une évidence, on devrait d'ailleurs fonder un débat politique intelligent sur cette base-là en l'utilisant comme point de départ ! Comme point de départ, Mesdames et Messieurs ! Après, on discuterait de l'endroit où on met le curseur en matière de développement: est-ce tolérable ou non de dépasser les 20 millions de passagers par an ? Faut-il placer ce plafond plus bas, avoir des objectifs de réduction ? En matière de pollution, quelle portion des émissions de CO2 du canton doit être allouée, si j'ose dire, à ce gros pollueur qu'est l'aéroport ? On devrait mener une discussion politique sur cette base-là, et rien ne vous empêcherait de défendre des points de vue sur la question qui, à mes yeux, sont aberrants et qu'on retrouve au fond à droite, du côté du radiateur et de M. Stauffer. Or, aujourd'hui, ce n'est pas un débat politique, c'est le degré zéro, voire en dessous, du débat politique ! La majorité refuse ce qui devrait constituer le point de départ d'un échange rationnel sur la question de l'aéroport. Bien sûr, d'aucuns sortent des solutions de leur manche: l'UDC, si j'ai bien compris, défend l'idée qu'il faut limiter les vols low cost, qu'il s'agit en quelque sorte d'écrémer la clientèle en réservant le trafic aérien à ceux qui ont de gros moyens, des portefeuilles bien garnis...
Une voix. M. Blocher !
M. Pierre Vanek. Certains tentent de se payer des listes aux élections... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...d'autres peuvent s'offrir des tours du monde en avion ! Non, Mesdames et Messieurs, je suis contre ce rationnement par le porte-monnaie ! Nous devons fixer des objectifs politiques, et non rationner en disant...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Pierre Vanek. Oui, Monsieur le président, je termine ! ...qu'il faut supprimer les vols accessibles à la majorité de la population et garder les autres, ce n'est pas une solution. Il faut développer des alternatives comme le transport ferroviaire sur le continent européen, avec des trains de nuit...
Le président. C'est terminé...
M. Pierre Vanek. ...à des prix accessibles...
Le président. Vous pourrez reprendre la parole plus tard.
M. Pierre Vanek. ...parce que la réponse est de ce côté, et pas dans l'expansion sans fin du transit aérien. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet (PLR). Ce qui me frappe, c'est que le rapporteur de minorité, l'intervenant des Verts ainsi que mon préopinant d'Ensemble à Gauche - vous transmettrez, Monsieur le président - sont tous trois issus de partis qui prônent la fuite en avant s'agissant des dépenses publiques, qui veulent un budget dépassant allégrement les 8 milliards - le plus gros du monde par habitant - et qui promeuvent des ponctions fiscales plus conséquentes. Or, d'où proviennent les recettes fiscales à Genève ? Pour l'impôt sur le bénéfice des entreprises, principalement de trois secteurs: l'horlogerie, le négoce de matières premières et la place financière. Eh oui, près de 70% de l'imposition sur le bénéfice émane de ces trois domaines pour lesquels l'aéroport est tout simplement essentiel, comme nous l'a rappelé lors de son audition la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève, qui a mené un sondage auprès de ses membres. Il faut que les groupes socialistes, des Verts et Ensemble à Gauche arrêtent de prétendre qu'ils se préoccupent de l'économie, ils se contentent de dépenser les impôts des sociétés qu'ils vont finir par chasser du territoire en voulant à tout prix fermer l'aéroport.
Le rapporteur de minorité s'est montré plutôt lénifiant s'agissant des auditions, émettant l'idée qu'il prenait aussi en compte les intérêts de la Genève internationale. Je rappelle que par ses dépenses, celle-ci représente environ 6 milliards de chiffre d'affaires pour notre canton !
Dans son rapport, M. Wenger a cité, parmi les destinations au départ de Genève qu'il estime superfétatoires et scandaleuses, la ville de Brindisi, dans les Pouilles. Bien mal lui en a pris, cela démontre sa méconnaissance crasse du dossier - d'ailleurs, il s'est bien gardé de la citer à nouveau aujourd'hui. En effet, lors de son audition, M. l'ambassadeur Zellweger nous a rappelé fort opportunément que Brindisi constituait la tête de pont de l'ONU et de nombreuses ONG plutôt proches de la gauche - enfin, actuellement, elles sont plutôt mal prises - pour la plupart des opérations au Moyen-Orient et en Afrique. On voit que la gauche ne sait absolument pas de quoi elle parle et cherche simplement à supprimer des vols à la tête du client.
Une autre destination litigieuse a été évoquée, et je réponds ici à M. Vanek - vous transmettrez, Monsieur le président - qui pourra en discuter avec M. Wenger et Mme Lisa Mazzone, laquelle, je peux vous le garantir, veut vraiment fermer l'aéroport. Lors de son audition, en effet, Mme Mazzone a dit qu'au fond, les vols pour le Portugal étaient inutiles. Et lorsqu'un député PLR lui a rappelé que la communauté portugaise était la plus importante de Genève et utilisait ces lignes pour rentrer au pays, elle a répondu qu'il fallait un aéroport élitiste - je reprends ses termes, M. Vanek pourra s'en entretenir avec elle - et qu'elle connaissait certaines familles qui se rendaient au Portugal en voiture. Voilà ce que veulent les Verts: le retour au car, afin que ces gens ne puissent pas rentrer chez eux - il y a souvent des accidents sur la route, on le sait. Le même discours est valable pour le Kosovo ! Le groupe des Verts n'est pas un parti populaire, c'est un parti élitiste qui nous fait la leçon à longueur d'année !
Une voix. Bravo !
M. Edouard Cuendet. Cela étant, j'en reviens à l'économie. Pour l'aéroport, le fret est vital, et les initiants sont également opposés à ses mouvements. Sans fret, il n'y aurait ni Givaudan, ni Firmenich, ni l'horlogerie avec leurs milliers d'emplois à Genève ! Les initiants sont parfaitement irresponsables, ils réclament un aéroport élitiste digne de celui de Limoges où on recense un vol par jour à destination de Paris ! (Rires.) Oui, c'est à peu près ça !
Par ailleurs, on mène un lamentable procès d'intention contre le Conseil d'Etat. Pour les représentants de la gauche, l'essentiel consiste à éviter la discussion sur la fiche PSIA. Pourquoi la craignent-ils tant ? Parce que cet instrument de planification prend en compte leurs interrogations. En effet, lors des négociations avec l'OFAC, notre gouvernement a abattu un travail énorme pour réduire la courbe de bruit d'ici à 2030. Ce point n'a pas été évoqué jusqu'à présent par les intervenants, qui font preuve d'une mauvaise foi crasse et d'une vision passéiste des choses. On nous a répété à l'envi que la technologie aéronautique progressait de manière sensible, qu'il était désormais possible de réduire le bruit et la pollution, mais personne ne veut admettre ça dans les milieux de gauche, c'est affligeant. La notion d'équilibre revendiquée par cette initiative a bel et bien été prise en compte par le Conseil d'Etat, M. Maudet et son département ont mené d'âpres discussions avec l'OFAC, ils sont allés écouter les doléances de toutes les communes, et ce texte donne l'impression qu'on en a fait fi, ce qui est absolument faux. Le Conseil d'Etat a entendu tout le monde, M. Maudet a fait le tour des communes, et je trouve ce procès d'intention particulièrement lamentable.
Quant au fond de l'initiative, il est extraordinaire ! Les représentants de la gauche et surtout de l'extrême gauche, dans leur vision communiste du monde, voudraient voir Aeroflot à Cointrin comme seule compagnie «high cost» pour les apparatchiks du pouvoir - ils en ont largement l'habitude, les Verts les rejoindront sur ce point. Un aéroport élitiste avec Aeroflot, Staline revient !
Le fait est que ce texte a un défaut rédhibitoire, celui de supprimer l'autonomie de l'AIG: ce n'est plus une entité publique autonome, il fait partie de l'Etat. On a d'ailleurs senti un malaise quand Ensemble à Gauche a avancé que ce n'est pas parce qu'on supprime le mot «autonome» que l'aéroport ne l'est plus. Mais c'est le b a ba ! Cette initiative est extrêmement dangereuse, elle veut faire de Cointrin un Limoges pour Aeroflot.
Mais le mot de la fin, c'est l'OFAC qui l'aura. On aura beau pérorer toute la soirée - je vois qu'il y a encore beaucoup d'orateurs inscrits - c'est l'Office fédéral de l'aviation civile qui tranchera in fine. Qu'on le veuille ou non, Genève n'est pas une cité de banlieue - nous en profitons, avec les impôts que nous touchons - mais une ville internationale, et l'OFAC doit répondre à la demande des organisations internationales. Selon lui, si les discussions sur la Syrie se déroulent à Genève, c'est bien parce que les belligérants de toutes parts savent qu'on peut passer de l'aéroport au lieu de négociation en une demi-heure, et c'est un atout majeur par rapport à d'autres villes concurrentes. Eh oui, nous sommes en concurrence avec d'autres villes s'agissant des organisations internationales. Que les Verts, qui se gargarisent à longueur d'année en réclamant subvention sur subvention pour leurs amis dans des ONG en tous genres, dont la réputation est plutôt entachée ces temps-ci, sachent que sans l'aéroport, il n'y aurait plus de Genève internationale, et la Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies nous a justement rendus attentifs à ce risque majeur pour notre prospérité. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à rejeter cette initiative et à voter le principe d'un contreprojet. Merci. (Applaudissements. Huées.)
M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG soutiendra le principe d'un contreprojet. Pourquoi ? Tout simplement parce que les nuisances dues à l'aéroport font souffrir beaucoup de gens, c'est un fait, c'est une réalité. On le voit d'ailleurs avec le succès de cette initiative, on ne peut pas le contester, il faut à tout prix chercher des solutions. Apparemment, la configuration actuelle des choses ne permet pas d'en trouver. Qu'en est-il du conseil d'administration de l'aéroport, fait-il son travail pour aller dans le sens d'une amélioration ? Il ne s'agit pas de faire des procès d'intention, mais que fait le Conseil d'Etat en tant qu'autorité de tutelle, par exemple ? Nous-mêmes, Grand Conseil, agissons-nous avec suffisamment de vigueur pour améliorer les conditions de vie des riverains ? En effet, nous en avons eu les moyens à de multiples reprises. Il y a donc cette réalité.
Et puis, il y a une autre réalité, qui constitue l'autre face de la médaille, c'est l'activité économique du canton, c'est la Genève internationale. L'aéroport est en quelque sorte indissociable de l'essence de Genève, de sa prospérité; sans lui, je vous laisse imaginer ce que ça donnerait, chacun sait que ce serait catastrophique.
Cette initiative vise une voie médiane entre le développement de l'économie et la réduction des nuisances. Oui, excellente idée ! Cela dit, peut-être aurait-il été préférable d'intervenir au niveau de la loi, pas de la constitution. En tout cas, nous sommes maintenant saisis de cette proposition lancée avec ferveur par un nombre important d'habitants, et il faut lui donner une réponse.
Malheureusement, je suis un peu déçu par la formulation du texte, qui risque de détonner par rapport au reste de la constitution, ce n'est pas un style très formel. Si on la lit attentivement, on se rend compte que la constitution genevoise est faite de phrases claires, simples et construites, alors que cette initiative utilise de longues phrases, une forme plus proche d'un texte de loi ordinaire, voire d'un règlement. Peut-on mettre dans la constitution quelque chose qui ressemble à un règlement ?
Nous sommes tous de braves citoyens, peut-être ai-je moi-même signé cette initiative ? C'est un droit démocratique que chacun, même un député, peut faire valoir. Si une véritable question est soulevée, il y a en revanche un problème formel que l'on pourra sans doute résoudre au travers d'un contreprojet, je pense que c'est possible. En commission, quelques pistes intéressantes ont été évoquées, même les auditionnés nous ont donné des idées plus précises que ne l'est cette initiative, et on pourra certainement apporter quelque chose sur le fond aussi. Il y a un réel besoin, il faut à tout prix réduire les nuisances de manière efficace, mais sans détruire l'aéroport, il ne s'agit pas de tuer la poule aux oeufs d'or. Tout le bien qu'on peut souhaiter à ce Grand Conseil, c'est de réussir à élaborer un contreprojet, et c'est ce que nous vous proposons. Merci, Monsieur le président.
M. Jacques Béné (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, si la Genève internationale constitue le coeur de notre canton, l'aéroport est l'un de ses poumons. Genève est la ville au monde réunissant le plus de conférences et de missions, il y en a davantage qu'à New York ! Notre canton accueille chaque année 20 000 séances, 220 000 délégués qui voyagent à travers le globe, 2800 réunions internationales, 4500 ministres et 45 000 personnes avec carte de légitimation. Tout cela grâce à l'Aéroport international de Genève, à l'accès au monde qu'il nous offre.
On entend par-ci, par-là que le PLR serait pour une croissance économique à outrance, qu'il ne défend pas la population ni les magistrats municipaux de son propre parti qui officient dans les communes de la rive droite subissant les nuisances. Non, Mesdames et Messieurs, notre groupe est pour la prospérité de Genève et le maintien de la qualité de vie dans le cadre d'une croissance maîtrisée. Nous sommes donc très attentifs aux doléances des riverains de l'aéroport. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord d'introduire dans la constitution le leurre que représentent les articles que les initiants souhaitent y voir figurer, qui laissent en effet penser que parce que de telles dispositions y sont inscrites, le respect des décisions qui pourraient être prises en la matière serait supérieur à ce qui se pratique actuellement. Mesdames et Messieurs, il ne s'agit pas de parvenir à un pilotage plus démocratique de l'aéroport, puisqu'il existe déjà. Non seulement le Conseil d'Etat a fait un excellent travail avec l'OFAC dans le cadre des discussions sur la fiche PSIA, mais notre Grand Conseil est responsable lui aussi, notamment par le biais du contrat de prestations établi avec l'AIG: nous devons l'étudier, l'amender le cas échéant, demander des auditions de toutes les communes riveraines ou qui sont concernées par les nuisances. Chaque année, la commission de l'économie de ce parlement examine par ailleurs le rapport annuel de l'aéroport, aéroport dans le conseil d'administration duquel siège un membre par parti représenté ici et qui fait l'objet de lois-cadres impliquant aussi des contraintes.
Malgré tout, comme il a été dit, le plus important demeure la fiche PSIA, qui constitue le cadre général de planification permettant à l'aéroport de se structurer en fonction non pas d'un objectif qui serait le sien ou celui de Dieu sait quel organisme ayant réalisé des études sur l'évolution du nombre de passagers ou de vols, mais bien du marché et de la demande de destinations qui seront ceux de 2030. La société Intraplan qui est à l'origine des évaluations de leur impact sur l'aéroport ne sort pas de n'importe où, elle effectue des études sur l'évolution de l'aviation depuis de nombreuses années et pour de multiples aéroports en Suisse et en Europe.
Ce qui me surprend dans ce débat, Mesdames et Messieurs, c'est qu'on n'arrête pas d'entendre que ce n'est pas grand-chose, qu'il s'agit juste d'introduire dans la constitution quelques petits principes qui n'ont rien de contraignant. Mais s'il n'y a rien de contraignant, c'est se foutre de la tête des riverains qui subissent les nuisances ! La seule contrainte - et elle est énorme - c'est la Confédération qui l'impose via la fiche PSIA pour que l'aéroport parvienne à diminuer les nuisances, notamment sonores, d'ici 2030. Quelle raison d'instituer dans la constitution des dispositions qui n'auront strictement aucune incidence sur le contrôle démocratique ni sur l'évolution de l'aéroport ? Mesdames et Messieurs les députés, le marché de l'aviation civile est un marché libre, soumis à une concurrence européenne et mondiale exacerbée: tous les aéroports d'Europe regardent avec attention ce qui est en train de se passer à Genève, car nous sommes en concurrence avec Bonn, Budapest, Amsterdam. Il paraît même qu'il existe un accord de non-concurrence avec Bonn afin d'éviter les écueils qui pourraient naître d'une rivalité trop effrénée. Mais concurrence il y a !
Au niveau cantonal, notre seule marge de manoeuvre repose sur le contrat de prestations, le vrai pouvoir de décision appartient à la Confédération. Nous pouvons influencer, discuter, négocier, mais nous devons respecter le cadre fédéral. Il serait dommageable que l'aéroport de Genève se retrouve dans la même situation que celui de Zurich, qui ne s'entend pas très bien avec la Confédération, qui en est à sa troisième fiche PSIA, qui connaît passablement de problèmes s'agissant des couloirs aériens en Allemagne. Ici, nous avons encore la possibilité de négocier avec l'OFAC et, en ce sens-là, nous pouvons remercier le Conseil d'Etat d'y travailler.
Mesdames et Messieurs, tout a commencé avec l'annonce d'études qui tablaient sur un développement de l'aéroport à 25 millions de passagers à l'horizon 2030; si c'est une estimation, il ne s'agit aucunement d'un objectif et en tout cas pas de celui de l'aéroport lui-même, qui ne fait qu'appliquer ce que Berne lui impose. Je vous invite donc à rejeter cette initiative et à accepter le principe d'un contreprojet.
Le président. Merci, Monsieur. Doivent encore prendre la parole Mmes et MM. Deneys, Florey, Klopfenstein Broggini, Hiltpold, Decorvet, Stauffer, Wenger, Meissner, Zweifel, Calame, Riedweg, Pfeffer, Vanek et Cuendet. Ensuite, le Bureau clôt la liste. Allez-y, Monsieur Deneys.
M. Roger Deneys (S). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord relever que le député Cuendet, une fois de plus quand il est question de l'aéroport, a tendance à décoller et planer au-dessus de ce Grand Conseil ! Selon lui, la volonté des initiants, de la gauche en général - il a évoqué les communistes - serait de fermer l'Aéroport international de Genève. Il faut bien relire l'initiative, telle n'est pas du tout l'intention de ses auteurs. Il s'agit simplement de mieux maîtriser le développement de l'aéroport et de le faire de façon plus démocratique.
Il y a la question de la forme et celle du fond, par laquelle je vais commencer. Pourquoi en sommes-nous arrivés au dépôt d'une telle initiative alors que des lois existent et que le conseil d'administration de l'aéroport comprend des représentants des différents partis politiques ? Eh bien, Mesdames et Messieurs, il se trouve que la population et les riverains de l'aéroport en particulier ont la nette sensation que les nuisances, notamment nocturnes, s'accentuent. La réalité de l'AIG aujourd'hui n'est plus la même qu'il y a dix ans. Ce n'est pas une vision de l'esprit, ce n'est pas simplement que les lois actuelles sont insuffisantes pour maîtriser ce développement, c'est qu'il existe un vrai problème: les horaires des vols sont excessifs et ne conviennent pas aux habitants. Une modeste partie du trafic aérien est lié à la Genève internationale, évidemment. Il ne s'agit pas de contester son existence, mais de déterminer dans quelle mesure nous pouvons mieux gérer l'aviation entre 22h et minuit, puis 6h et 7h du matin, ainsi que l'ont évoqué les représentants des communes limitrophes. Bien sûr, si les vols cessaient à 22h pour reprendre à 7h, il n'y aurait pas de problème - c'est en tout cas ce qu'ont dit les personnes auditionnées. La question qui se pose est la suivante: le conseil d'administration de l'aéroport de même que le Conseil d'Etat prennent-ils toutes les mesures pour éviter des vols particulièrement bruyants dans cette tranche horaire ? Pour les initiants, la réponse est non, tout n'a pas été mis en oeuvre afin de lutter contre les nuisances nocturnes.
Cette initiative demande un pilotage démocratique de l'aéroport, une pesée entre des intérêts économiques à court terme et la réalité de Genève à plus long terme. Avons-nous réellement besoin de l'ensemble des destinations proposées actuellement pour assurer le développement économique du canton ? Ce n'est pas sûr du tout. Certains vols ont été définis comme absolument indispensables, mais d'autres en fin de soirée ou très tôt le matin ne le sont pas forcément, même le représentant de la Genève internationale l'a admis. Il s'agit de réfléchir à la question de la proportion, ainsi qu'à celle de la promotion économique. Qu'on veuille coûte que coûte maintenir un vol tardif pour la Chine qui fait beaucoup de bruit parce que M. Maudet aime bien faire du business avec la dictature chinoise, c'est une chose, mais est-ce réellement là-dessus que nous allons baser le développement économique de Genève ? Je n'en suis pas certain. La question de l'équilibre est donc importante, et les choix pourraient se faire de façon plus démocratique.
Mesdames et Messieurs les députés, relisez le texte de l'initiative ! La première chose qu'on constate, c'est qu'il est extrêmement respectueux du cadre fixé par la Confédération, comme le stipulent l'alinéa 2 - «dans le cadre défini par la Confédération et les limites de ses compétences [...]» - et l'alinéa 4 - «[...] au regard du cadre et des limites définis par la Confédération». Cette initiative vise simplement à renforcer le contrôle démocratique de l'aéroport en conservant le cadre fixé par Berne, contrairement à ce qu'a affirmé le conseiller d'Etat Maudet. Selon lui, en effet - ses propos figurent à la page 54 du rapport - respecter l'alinéa 3 reviendrait à fermer l'aéroport, ce qui est faux, tandis que l'alinéa 4 est problématique car il fait croire que l'Etat en a la maîtrise totale. Or c'est explicitement écrit le contraire, Mesdames et Messieurs, on parle du cadre légal fixé par la Confédération et des compétences dont nous disposons. Le conseil d'administration actuel est certes composé de représentants des différents partis politiques, mais est-il suffisamment démocratique ? Qui prend les décisions, avec quelle transparence ? En tout cas, les exigences de cette nouvelle disposition permettraient de renforcer la pesée des intérêts au moment d'accueillir un vol supplémentaire à Genève.
Ce qui est absolument paradoxal dans le débat de ce soir, c'est le PLR qui nous dit qu'il faut élaborer un contreprojet ! Les représentants de ce parti viennent nous dire les uns après les autres que tout est en ordre parce que M. Maudet a très bien travaillé dans le cadre de la fiche PSIA et que celle-ci règle tout, alors que ce magistrat a clairement indiqué qu'il n'y a pas de raison particulière d'opposer un contreprojet à cette initiative ! Mesdames et Messieurs, on peut la soutenir ou non, on peut estimer qu'elle est inutile ou, au contraire, particulièrement nécessaire, mais dans tous les cas, personne en commission n'a donné de bonnes raisons pour élaborer un contreprojet à cette initiative.
Il y a donc une véritable hypocrisie, une volonté de ne pas aller devant le peuple et de l'empêcher de se prononcer. Laissons la population genevoise décider en adoptant ou en rejetant cette initiative, laissons-la choisir le modèle de développement qu'elle souhaite pour l'aéroport, avec ou sans nuisances croissantes. Il faut savoir qu'un aéroport avec 25 millions de passagers, ça veut dire également des business plans avec 25 millions de passagers, des entreprises qui veulent 25 millions de passagers, et c'est aussi un problème. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, il faut soutenir cette initiative et refuser le principe d'un contreprojet.
Le président. Merci, Monsieur. Je rappelle aux personnes à la tribune qu'elles ne sont pas autorisées à manifester ! Merci de respecter le règlement. La parole revient à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Relever l'excellent travail du Conseil d'Etat à ce stade, c'est en effet se moquer des 14 000 signataires de cette initiative, car si sa gestion avait été bonne, nous ne serions pas en train de débattre de ce problème, c'est une évidence. L'autre évidence, c'est que sans son aéroport, le canton de Genève ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui, c'est une certitude que nous ne pouvons pas nier.
Maintenant, sur le fond, cette initiative est mauvaise. Faire figurer l'aéroport dans notre constitution cantonale est la pire des solutions, ça revient vraiment à tuer notre économie, nous en sommes convaincus. De plus, ça ouvrirait une porte, et pas la moindre: après, on pourrait se demander pourquoi ne pas y inscrire la gestion des HUG, des SIG, des TPG et de toutes les entités subventionnées de ce canton ! Non, ce genre de choses n'a absolument rien à faire dans notre constitution.
Mesdames et Messieurs, vous l'avez certainement appris en lisant la presse aujourd'hui, l'UDC a déposé un projet de loi présentant une autre vision du développement de l'aéroport, et c'est peut-être la bonne solution. Nous sommes entièrement d'accord avec certaines problématiques relevées dans l'initiative, d'où notre texte qui pourrait, si la commission de l'économie le souhaite, faire office de contreprojet. Aujourd'hui, nous vous offrons la possibilité d'un contreprojet qui aurait l'avantage de pouvoir être retravaillé en commission, au contraire de l'initiative qui demeure figée, qu'il est impossible de modifier.
C'est une proposition aux initiants: plutôt que d'aller confronter leur texte à un potentiel refus en votation populaire, ils pourraient le retirer, se rallier au contreprojet, venir éventuellement avec des propositions d'amendements pour que nous obtenions une majorité autour d'un consensus acceptable non seulement pour notre canton, mais également pour eux. Ce serait une solution concrète pour le développement de notre aéroport. C'est pourquoi l'UDC refusera l'initiative. Pour nous, ce n'est pas une bonne option, et nous voterons bien évidemment le principe d'un contreprojet.
Encore une dernière chose: il faudra que M. Wenger - vous transmettrez, Monsieur le président - nous explique le nouveau concept qu'il a développé ce soir, à savoir la courbe linéaire. J'ai un peu de peine à visualiser à quoi ça peut bien ressembler ! S'il peut nous éclairer à ce sujet, c'est bien volontiers que j'écouterai ses explications ! Merci, Monsieur le président.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, si les personnes de la tribune n'ont pas le droit de manifester, j'aimerais quand même saluer leur présence. Elles sont nombreuses: ce sont les représentants de la CARPE, ceux des différentes communes riveraines de l'aéroport, il y a également le maire de Vernier, Yvan Rochat, et le conseiller administratif de Satigny, Philippe Bossy. Tous sont là pour manifester leur intérêt sur cette thématique... (Brouhaha.) ...qui est en effet extrêmement importante pour la population genevoise. (Brouhaha persistant. Protestations.)
Une voix. C'est quoi ce bordel ? (Commentaires.)
Mme Delphine Klopfenstein Broggini. Les communes riveraines de l'aéroport, toutes les communes riveraines, tous partis confondus... (Brouhaha. Un instant s'écoule.)
Une voix. Elle peut dire quelque chose !
Une autre voix. C'est inadmissible ! (Commentaires.)
Des voix. Chut !
Mme Delphine Klopfenstein Broggini. ...tous partis confondus...
Une voix. Laissez-la parler !
Une autre voix. Chut ! (Commentaires.)
Des voix. C'est inadmissible !
Le président. S'il vous plaît ! Je sais qu'elle n'a pas à citer tous ces noms, mais enfin, calmez-vous un tout petit peu ! Laissez-la parler.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini. Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais dire ici à quel point les communes riveraines, tous partis confondus, s'accordent - toutes ! - à dire qu'il faut calmer la course folle de l'aéroport. Ce débat ne devrait pas être politique; ce ne devrait pas être un débat partisan, il devrait d'abord porter sur le respect des populations riveraines de l'aéroport. On l'a dit: un habitant sur cinq est touché par le bruit, par la pollution, par l'occupation du territoire par l'AIG. Si on ajoute à ce contexte les 14 450 personnes qui ont signé cette initiative, on voit quel monde ça fait ! Et on assiste ici à un déni total; la nuisance existe et elle doit être reconnue ! C'est en fait non seulement un déni mais aussi une caricature. On voit à quel point on caricature notre position, parce qu'au fond, ce n'est pas tant que vous voulez ce contreprojet, vous voulez précisément retarder le processus démocratique d'initiative devant le peuple. Et nous déplorons profondément cette situation. Je vous propose donc évidemment de soutenir largement cette initiative et de refuser le contreprojet. (Quelques applaudissements.)
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais quand même revenir sur le sujet principal qui est, à mon sens, un véritable problème de gouvernance. Sur le fond, j'ai personnellement un vrai problème de sincérité avec le titre même de l'initiative, «Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève - Reprenons en main notre aéroport». En toute sincérité, le titre n'est pas juste. Pourquoi ? Parce qu'il trompe le citoyen, comme si l'aéroport n'était pas en mains démocratiques. On touche un véritable problème de gouvernance. Rappelons que dans cette gouvernance, il y a une convention d'objectifs négociée avec le Conseil d'Etat, organe exécutif du canton légitimement élu; premier palier. Deuxième palier, le contrôle démocratique à travers un représentant par parti. Là, nous faisons typiquement de la politique - c'est bien ce que nous faisons ici - et dans cette politique, chaque tendance est représentée sur l'échiquier. C'est parfaitement légitime: il y a le législatif, il y a l'exécutif. Il y a ensuite le troisième palier, et c'est là que nous devons faire notre travail de parlementaires ! C'est pour ça que nous devons renvoyer cet objet en commission: pour faire le travail en toute quiétude. C'est par la convention d'objectifs que nous, députés, nous pouvons faire valoir les préoccupations - sur pression, sur information, sur demande - des riverains, des citoyens et des groupes politiques ou économiques. C'est notre rôle; il ne faut pas se tromper de rôle ! Je pense donc que cette initiative est déjà trompeuse sur le fond.
L'autre sujet qui me tient particulièrement à coeur, ainsi qu'au PLR, c'est cette notion d'autonomie. Il faut être sincère avec l'autonomie ! Soit on opte pour une autonomie avec un contrôle démocratique comme dans le système actuel, soit alors on opte pour de la cogestion, de la cogestion participative sur un outil économique; et c'est la ligne à ne pas franchir.
Concernant l'aéroport, il est intéressant de voir d'où on vient et la vision qu'en ont eue certaines personnes. Je mentionnerai Louis Casaï: pendant la Deuxième Guerre mondiale, il a eu cette vision - oui, il a eu cette vision - d'agrandir l'aéroport de Cointrin. Qu'a permis cette vision ? Elle a permis de placer Genève sur le plan international, déjà à l'époque, par rapport à New York, à la Croix-Rouge, à la Société des Nations. Ça, c'est un acquis que Genève possède et développe; c'est le joyau de Genève. Et, tous partis confondus, puisque nous faisons de la politique, nous sommes fiers de la position de Genève. Cet aéroport représente la Genève internationale et est la porte de la Suisse sur le monde. Un petit pays de six millions d'habitants qui a un rôle mondial ! Je crois qu'en étant parfaitement objectif, on ne peut pas sincèrement attaquer l'aéroport là-dessus.
Là où je suis d'accord avec un certain nombre d'éléments - c'est pour cela que nous plaidons pour le contreprojet - c'est que des consultations sont en cours, notamment sur cette fiche PSIA, et les communes ont un délai jusqu'à fin mars pour rendre leur rapport. M. Calame avait dit qu'on voulait gagner du temps, mais, aujourd'hui, nous ne sommes pas à fin mars. Si nous voulons traiter correctement et objectivement les remarques des communes et des autres groupements, j'estime, en tant que député, qu'il faut pouvoir clore toutes les consultations. Et c'est une fois que j'ai les dossiers en main que politiquement je prends mon rôle et tranche dans un sens ou dans l'autre. Pour ces motifs, je vous demande de rejeter l'initiative et de soutenir le contreprojet. Merci. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Très bien !
Une autre voix. Bravo !
M. Christian Decorvet (MCG). Il est temps de se poser... (L'orateur est peu audible.)
Le président. Lève ton micro, merci.
M. Christian Decorvet. Merci, Monsieur le président. Il est temps de se poser la question du bien-fondé d'un aéroport se trouvant au centre d'une agglomération internationale, situé au coeur d'une région qui a tout d'une grande métropole mais qui n'est pas plus habitée qu'un quartier de New York; aéroport qui mange 1% du territoire au sol cantonal, mais qui est une pépite que beaucoup nous envient. Avoir un aéroport doit constituer un atout: il doit être un outil pour permettre à Genève de rayonner à travers le monde tout en développant son économie. Il doit être au service de la Genève internationale et permettre de renforcer notre rôle de place économique. Il ne semble pas que le développement actuel de l'AIG réponde aux deux premières attentes. L'évolution constante du nombre de passagers, qui a plus que doublé en dix ans, ne renforce pas les attentes initiales. Avoir des vols directs quotidiens pour Lille, Bordeaux ou Marrakech me le confirme: ces vols trop nombreux, qui deviennent des «shuttle bus» à l'américaine, ne participent pas au développement de Genève. Si, pour certains, le développement de l'AIG ne passe que par l'augmentation du nombre de passagers, cela sera préjudiciable. Je fais le pari que cet aéroport connaîtra à moyen terme le même sort que tous les autres aéroports situés dans les centres-villes, qui ont été fermés.
Nous ne pouvons pas accepter un tel avenir pour notre aéroport. Il est temps de repenser les attentes de ce fabuleux outil que nous possédons et de trouver un compromis entre les besoins réels de Genève et les intérêts des 100 000 riverains qui sont touchés dans leur vie quotidienne par des nuisances de plus en plus insupportables à vivre ! En tant qu'habitant de la commune de Bellevue et, tout comme mon collègue assis à ma droite, riverain de l'aéroport, j'ai compris et entendu le bien-fondé de l'initiative 163. Toutefois, le MCG ne la soutient pas et préfère poursuivre les travaux en commission à travers le contreprojet pour mieux prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, dont ceux des 100 000 riverains directement concernés. Le MCG soutiendra le principe du contreprojet.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Stauffer pour trois minutes trente.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, pour que les choses soient claires, je suis pilote d'avion... (Exclamations. Applaudissements.)
Des voix. Ah !
Une voix. Ouh là !
M. Eric Stauffer. ...et membre du conseil d'administration de l'aéroport ! Voilà ! Ça, c'est dit, et maintenant on continue. L'Aéroport international de Genève est un exemple pour l'Europe; il est pris en exemple. Un reportage récemment diffusé sur France 2 par nos voisins démontre qu'à Genève, nous avons réussi à allier l'aéroport avec le rail grâce à la gare CFF à Cointrin, avec la route, par l'autoroute de contournement, et avec les transports publics. C'est une bonne chose, c'est un développement harmonieux qui marie les trois modes de transport.
M. Roger Deneys. Il manque la télécabine !
M. Eric Stauffer. Oui, mais la télécabine, Monsieur Deneys, ce sera pour les apparatchiks du parti socialiste. En revanche, Monsieur le président, je suis choqué par les propos que j'ai entendus: des quasi-insultes envers les communautés portugaise et italienne, disant que les vols vers la Sicile et le Portugal ne sont pas nécessaires ! Eh bien, j'invite ces communautés, qui ce soir nous regardent à la télévision, à se souvenir le 15 avril...
Des voix. Ah !
M. Eric Stauffer. ...de qui défend ici les résidents genevois ! Ça, c'est la première chose. Deuxièmement, Mesdames et Messieurs, soyons clairs... (Remarque. Rires.) ...je comprends l'énervement, l'irritation des résidents aux alentours de l'aéroport; je les comprends. En revanche, le coupable n'est pas l'AIG mais une volonté fédérale: l'aéroport est géré par la Confédération suisse !
Des voix. Ah !
M. Eric Stauffer. Le grand responsable - l'un des premiers - ancien conseiller d'Etat à l'aménagement du territoire, se trouve sur les bancs en face de moi: j'ai nommé mon cher collègue M. Grobet. Qui a autorisé autant de constructions dans les axes de départ et d'arrivée de l'aéroport ? Eh bien, c'est le gouvernement. Qui continue à autoriser les constructions dans les axes de l'aéroport ? C'est un Vert ! On augmente ainsi le nombre de citoyens qui viennent se plaindre ! Mais de qui se moque-t-on dans cette république ? Je vous le dis, Mesdames et Messieurs...
Une voix. La vérité !
M. Eric Stauffer. ...je vous le dis...
Une voix. En vérité ! (Commentaires. Rires.)
M. Eric Stauffer. ...la responsabilité première incombe à ce gouvernement. Ensuite, évidemment par séduction électorale, vous avez tous ces partis - les Verts, les socialistes - qui viennent caresser les riverains dans le sens du poil. Mais soyez honnêtes, chers collègues ! Expliquez à ces riverains que Genève ne peut rien faire ! L'AIG est sous concession fédérale: l'Office fédéral de l'aviation civile édicte une ordonnance sur son exploitation, qui doit répondre à des impératifs nationaux ! Il n'y a que deux aéroports nationaux en Suisse: Zurich et Genève.
Une voix. Et Bâle.
M. Eric Stauffer. Ensuite...
La même voix. Et Bâle !
M. Eric Stauffer. Oui, Bâle est un aéroport... On en parlera une autre fois. (Rires.)
Mesdames et Messieurs, certains de mes préopinants ont critiqué easyJet. J'aimerais rappeler à ces gens que nous avions une compagnie aérienne qui faisait jadis la fierté de la Suisse: elle s'appelait Swissair. Malheureusement, elle n'est plus. Swiss, qui est une compagnie allemande, a déserté Genève. EasyJet est venue, et j'ai décrété haut et fort que, pour moi, la compagnie nationale genevoise était easyJet ! Parce que je suis heureux que mes concitoyens - qu'ils soient portugais, italiens, maltais ou monténégrins, puisqu'il y a un vol pour Tivat qui va s'ouvrir - puissent, grâce aux low cost, profiter de retrouver leur famille pour un week-end.
Je conclurai en disant, Monsieur le président, que je suis estomaqué que des lobbies puissent acheter des partis politiques ! (Grands éclats de rire.) Rappelez-vous... (Rires.) Rappelez-vous, Mesdames et Messieurs, du nom que je vais vous dire. (Grands éclats de rire. Commentaires.) Rappelez-vous... (Rires. Exclamations.)
Le président. Si vous ne voulez pas terminer à 23h30, allons-y.
M. Eric Stauffer. Je termine, Monsieur le président. Rappelez-vous du nom que je vais vous dire: il est candidat à la députation sur la liste UDC, propriétaire d'une compagnie aérienne privée à Genève et s'appelle Queffelec. Il a financé l'UDC et il dicte sa loi; il veut couper par deux le nombre des low cost. Voilà comment on achète un parti politique, et je le dis haut et fort ! (Exclamations.) Rappelez-vous-en le 15 avril, Mesdames et Messieurs, lorsque vous glisserez votre bulletin de vote dans l'urne ! Merci. (Exclamations.)
Quelques voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur Stauffer. J'ai l'impression de ne pas être sourd, c'est magnifique ! (Rires.) Madame Meissner, c'est à vous. (Un instant s'écoule.) Madame Meissner: c'est à vous !
Mme Christina Meissner (HP). Excusez-moi, je ne vous avais pas entendu: j'ai un petit problème d'oreille. (Rires. Commentaires.) Une petite dizaine de députés se trouvent être des riverains de l'aéroport, et j'en fais partie. Cela date de 1969, année où mes parents se sont installés là. Il y avait les avions, c'est vrai, mais tout allait bien: on les supportait, jusque dans les années 2000. Firmenich et Givaudan étaient d'ailleurs juste en dessous de chez nous, l'ONU pas très loin; tout était là. Mais dans les années 2000, la croissance de l'AIG a largement dépassé la croissance économique, simplement parce que les Genevois ont pris l'habitude de modes de vie qui, il faut bien l'admettre, ne sont pas très durables.
Personnellement, je ne suis pas certaine qu'un contreprojet arrivera à proposer une bonne solution, bien que j'ose l'espérer. Il faut quand même le dire: ce ne sera pas cette assemblée mais la suivante qui fera réellement le travail. Alors j'espère que ce futur parlement aura la sagesse de trouver les bonnes solutions qui nous permettront, certes, de maintenir un aéroport, mais aussi de préserver la santé des riverains. Et pas seulement celle des riverains, mais celle de tous les Genevois. A notre petite échelle, nous représentons le microcosme de cette planète dont la croissance ne peut être infinie, et qui doit à un moment donné trouver ses limites dans un développement qu'on appelle durable. J'en appelle donc à la raison du futur parlement. On verra bien ce qui se passera, mais je peux vous garantir une chose en tant que riveraine: ce que nous subissons la nuit, ces vols qui arrivent, ces pics de bruit qui réveillent et qui stressent sont une véritable douleur. Merci d'en tenir compte.
M. Yvan Zweifel (PLR). On a beaucoup parlé de l'aéroport, on a parlé de l'initiative; il faut peut-être recentrer un peu le débat. Mon collègue Stauffer, de Genève en Marche, a voulu faire une démonstration de son nouveau parti: Genève en vol plané. (Rires.) J'espère que l'atterrissage, le 15 avril, se passera au mieux pour lui... (Rires.) ...et surtout pour nous. (Rires.) Je fais un peu d'humour pour essayer de détendre l'atmosphère sur un sujet qui, on l'a compris, a tendance à heurter les sensibilités de chacun.
Mesdames et Messieurs, l'AIG est un poumon - un poumon pour Genève. (Rires.) Alors, comme tout ensemble pulmonaire, il a deux poumons: un poumon à droite et un poumon à gauche. Le poumon de droite, vous l'aurez compris, c'est évidemment le poumon économique, celui qui participe à faire vivre l'activité économique de notre canton. Je rappelle qu'avoir la chance de disposer d'un aéroport à 4 km seulement du centre est une aubaine que bien d'autres villes internationales, bien plus grandes, nous envient. Genève est une petite ville mais qui «a tout d'une grande», comme dirait l'autre, et l'aéroport à seulement 4 km du centre-ville participe largement à ce fait-là. C'est un poumon économique; on ne peut pas le nier et on ne peut pas simplement balayer cet argument. Il faut en tenir compte, n'en déplaise à ceux qui préféreraient que tout le monde se déplace à vélo, que ce soit jusqu'au Portugal ou en Chine, ou que sais-je encore.
Et puis, je le disais, il y a évidemment aussi un poumon de gauche. C'est un poumon social, celui-là. Certains l'évoquaient: il est important, notamment pour la population étrangère, nombreuse à Genève. Grâce à certains vols low cost - mais aux autres également - ces personnes peuvent retourner voir leur famille dans des pays parfois éloignés et à des prix qui battent largement la concurrence du car ou de la voiture, évidemment. Les vols font gagner du temps et polluent tout simplement moins que si tous ces gens utilisaient leur véhicule privé ou même un véhicule collectif pour rentrer chez eux. C'est un élément dont on doit aussi tenir compte.
Et puis, socialement parlant, c'est une aubaine également pour les habitants de Genève ! Nous avons effectivement la chance de pouvoir voyager; Genève a la chance de se trouver au centre de l'Europe, une situation particulièrement privilégiée qui permet à tous ceux qui veulent voyager pour s'enrichir... Ne dit-on pas que voyager, ça enrichit ? Et je ne parle pas de s'enrichir au sens fiscal... (Rires.) ...parce que je sens Ensemble à Gauche qui s'énerve déjà, là-bas. Mais ça permet notamment à notre jeunesse de voyager pour ses études, pour tout simplement découvrir d'autres horizons, pour découvrir des capitales européennes et pouvoir ramener également cette richesse ici. Le tout à des coûts largement plus faibles que si vous faisiez la même chose depuis Paris, Berlin, Londres, Stockholm, Rome ou Madrid. Genève Aéroport est un poumon à la fois social et économique pour notre canton, et on ne peut pas balayer ça d'un revers de la main.
M. Roger Deneys. C'est une tumeur !
M. Yvan Zweifel. La seule tumeur ici, Monsieur Deneys, c'est celle qui vient de parler. (Rires. Exclamations.) Ça s'appelle une tumeur parlementaire.
Un certain nombre de gens ont signé cette initiative et je crois qu'on doit aussi en tenir compte. On ne peut pas simplement fermer les yeux et se dire que l'AIG est tellement vital que tous ceux qui s'y opposeraient - de manière justifiée ou non - doivent être mis de côté et qu'on ne doit pas les écouter. Il est important également de les écouter; il faut en tenir compte. Sur ce sujet, primordial, il faut tenir compte de ces signatures et ne pas se précipiter ! Ne pas se précipiter, ça signifie ne pas voter l'initiative la tête dans le sac, mais bel et bien lui opposer un contreprojet et prendre le temps d'étudier ce contreprojet. J'entends le rapporteur de minorité nous expliquer que c'est pour gagner du temps; oui, Monsieur le rapporteur de minorité, c'est pour gagner du temps ! Gagner du temps pour trouver la meilleure solution, pour garder ce poumon économique indispensable à notre canton, ce poumon social, je l'ai dit aussi. Mais également - également - pour tenir compte des craintes des riverains. Il faut en tenir compte, c'est tout à fait juste, et il faut donc prendre le temps de trouver le meilleur contreprojet possible. C'est pourquoi, vous l'avez compris, Mesdames et Messieurs, le PLR souhaite que nous refusions l'initiative et que nous lui opposions un contreprojet; c'est ce que je vous propose de soutenir ce soir. (Quelques applaudissements.)
M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, si l'on prend en compte les treize communes genevoises les plus touchées par les nuisances sonores de l'aéroport, cela représente près de 65 000 électrices et électeurs; il faudrait avoir au total 7500 voix pour déposer dans chacune une initiative municipale, soit la moitié des signatures collectées par la CARPE. La prise de position officielle des sept communes du Groupement des communes de la rive droite du lac - signée par leurs maires et conseillers administratifs PDC et PLR, les poumons de la droite - qui s'expriment dans le cadre de la consultation sur la fiche PSIA, représente près de 22 500 électrices et électeurs. Ces communes considèrent que les objectifs de développement durable et de santé sont intangibles et doivent faire partie du PSIA, mais aussi qu'il est de la responsabilité de la Confédération, du canton et de l'AIG de décider des mesures à prendre pour atteindre ces objectifs. Le canton, c'est nous.
Une prise de position collective de nombreuses communes de Suisse et de France voisine est encore annoncée sur le PSIA. Elle sera sans aucun doute en faveur de la protection de la population, et demandera une révision complète du projet de fiche PSIA. Alors, quand le président de la commission de l'économie stipule: «Nous attendons de voir quels seront les retours sur cette fiche PSIA et, sur cette base, nous confirmerons ou pas notre volonté de rédiger un contreprojet», nous devons affirmer que la majorité veut donc laisser passer les élections, attendre de voir s'appliquer le PSIA et n'opposer aucun contreprojet à l'initiative de la CARPE.
Jouer la montre est une démonstration flagrante de non-respect des 14 500 signataires de cette initiative, c'est aussi une démonstration explicite que près de 100 000 personnes atteintes quotidiennement dans leurs conditions de vie ne présentent que peu d'intérêt pour une majorité de ce parlement. Si le Grand Conseil ne veut entendre le holà ni des signataires de l'initiative et des personnes en souffrance ni des communes concernées, il ne faudra pas s'étonner d'une levée de boucliers de plus en plus virulente des populations et des autorités des communes concernées. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). Ce que je vais vous dire ne va certainement pas plaire à tout le monde, non plus aux personnes à la tribune. Lorsque les riverains ont emménagé près de l'aéroport, ils étaient conscients de s'installer dans une zone polluée. La population qui a emménagé près de l'AIG a bénéficié de prix de location plus bas que les prix du marché et les propriétaires, compte tenu des nuisances, ont payé un prix du terrain inférieur, ce qui a abaissé le prix de revient de leur villa ou de leur appartement en propriété par étage. Combien d'entreprises et d'organisations internationales ont choisi Genève et sa contrée à cause de la proximité entre l'aéroport et le lieu de travail ? Tout cela a contribué à assurer une économie genevoise des plus enviées en Europe, ce qui a une incidence directe sur le confort de la population qui bénéficie de bonnes infrastructures et de salaires au-dessus de la moyenne. Un contreprojet aurait l'avantage de tenir compte de tout ce qui a été dit ce soir et de tout ce qui a été écrit dans la presse et dans le courrier des lecteurs. En outre, je crains qu'il ne soit impossible de limiter le développement de l'aéroport ou de le déplacer ailleurs dans l'agglomération du Grand Genève. Accueillons favorablement la proposition de rédiger un contreprojet. Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Vanek (EAG). En effet, il est probablement impossible de placer cet aéroport ailleurs ! (Rire.) Je vous l'accorde, Monsieur Riedweg, c'est une observation pertinente. (Rires.) Mais enfin, je vais quand même faire deux ou trois remarques sur ce qui a été dit durant ce débat. D'abord, un humoriste au fond de la salle, qui nous a quittés, a dénoncé ceux qui achètent des partis politiques comme ça. (L'orateur claque des doigts.) Je partage probablement les éléments de cette dénonciation, mais le pauvre Ronald Zacharias, qui avait cru bien faire, s'est senti obligé de s'absenter et j'ai dû aussi sortir parce que j'étais mort de rire !
Plus sérieusement, c'est moins drôle, le même député a cru utile d'attaquer notre camarade Christian Grobet en le mettant en cause - en le mettant en cause ! - pour des politiques de construction de logements qu'il a menées au service de la population. Je vous signale que notre camarade Christian Grobet, qui est encore dans cette salle en train de voter avec le groupe Ensemble à Gauche, a quitté les affaires au niveau du Conseil d'Etat fin 1993, à un moment où le nombre de passagers de l'aéroport était de l'ordre de 6 millions par an - 6 millions ! 5 ou 6 millions; on peut vérifier ! C'est-à-dire le tiers de ce qu'il est aujourd'hui ! Alors lui imputer, à lui, les nuisances liées au développement inconsidéré de l'AIG dont souffrent aujourd'hui les habitants est une absurdité crasse digne de l'humoriste que je ne nommerai pas, qui siège du côté de Cuendet, là-bas, au fond de la salle. (Remarque.) Le même humoriste a décrété que, pour lui, easyJet est la compagnie nationale genevoise; je crois qu'elle appréciera. Il pense aussi que rouler avec des plaques valaisannes est une activité typiquement patriotique genevoise.
Si tout ça est évidemment discutable, défendre l'idée que le problème ne repose pas sur le trafic aérien mais sur les habitants l'est encore plus ! Ne pas vouloir reconnaître que le caractère urbain de l'aéroport de Genève impose des limites au développement du trafic aérien, eh bien, c'est une absurdité crasse ! On peut entreprendre de raser les logements que Christian Grobet a fait construire, de raser les différentes zones d'habitation impactées par l'AIG; je ne pense pas que ce soit la solution pertinente. Au contraire, même si elle est très, très modérée, la solution de l'initiative visant à tenter de mettre un frein à ce développement inconsidéré est la bonne solution.
Encore deux remarques maintenant. M. Cuendet, pour des raisons obscures, attaque constamment l'aéroport de Limoges; on a déjà eu cet échange en parlant de deux vols pour Paris, etc. Mon ordinateur n'a plus de jus, mais enfin, il y a des vols pour Genève tous les jours de Limoges, pour Tunis et pour trente-six autres capitales et villes ! Je ne sais pas pourquoi il attaque constamment Limoges... (Remarque.) ...mais ça a le mérite de démontrer, au début de son intervention, qu'il ne faut pas forcément lui faire confiance et qu'il faut vérifier ce qu'il dit. Parce que concernant l'aéroport de Limoges, c'est faux !
Mais ce que dit surtout Edouard Cuendet, c'est que nous faisons preuve d'élitisme en refusant le développement de l'aéroport. Au contraire, ce sont vos alliés de l'UDC qui veulent arrêter les vols low cost et ne garder que des vols pas low cost. L'élitisme est plutôt de ce côté-là et vous m'en donnerez acte, Monsieur le député - vous lui direz de m'en donner acte, Monsieur le président. (Remarque.) J'ai plaidé en revanche contre cette solution-là et j'ai plaidé, parce que l'humoriste là-bas s'est institué représentant des immigrés portugais, italiens... Moi, ce n'est pas au Portugal ou en Italie que j'allais quand j'étais plus jeune - et que je n'avais pas un passeport suisse parce que je suis aussi fils d'immigré: j'allais en Irlande. C'est à peu près à la même distance que le Portugal, mais il y a deux mers à traverser. Eh bien, à l'époque, je me rendais à la gare de Cointrin... (Rires.) De Cornavin, pardon ! Lapsus linguae fâcheux ! ...je me rendais à la gare de Cornavin et je disais au guichet: «J'aimerais un billet aller-retour pour Dublin.» On me le vendait en trois minutes et il coûtait trois fois moins cher qu'un billet d'avion ! Et en vingt-quatre heures environ, malgré les deux bras de mer, j'arrivais là-bas. Ce n'est plus possible, aujourd'hui ! Ça coûte trois fois plus cher que l'avion et ça prend deux fois plus de temps que par le passé, parce qu'il n'y a plus les correspondances ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ce qu'il faut donc évidemment développer, c'est le rail, avec comme horizon un réseau riche, vascularisé et bon marché de transport terrestre ferroviaire: il n'occasionne pas, dans la durée, le même type de nuisances que l'aéroport de Cointrin. Un dernier mot maintenant...
Le président. Il vous faudra terminer, cher Monsieur.
M. Pierre Vanek. Je termine sur ce dernier mot, vous avez raison. Un dernier mot pour Jacques Béné, pour qui décréter qu'un établissement est de droit public limite absolument son autonomie. Eh bien, à ce moment-là - mais c'est de nouveau un aveu ! - il faut enlever ce statut à tous les grands établissements de droit public que vous connaissez, dont on prétend en effet qu'ils soient autonomes ! C'est encore une fois l'aveu d'une volonté de privatiser à laquelle, très judicieusement, l'alinéa 1 de l'initiative met un holà bienvenu. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. Je salue à la tribune notre ancien collègue, M. Christian Brunier. (Commentaires. Applaudissements.) La parole est à M. Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR). Merci, Monsieur le président. Ça tombe bien, comme ça vous pourrez transmettre à l'excellent Pierre Vanek que je ne l'ai pas du tout mis en cause pour le côté élitiste; je serais mal pris. Ce que je mettais en cause, c'était l'égérie des initiants, Mme Lisa Mazzone - on ne peut pas lui transmettre, mais je m'en chargerai volontiers. Parce qu'on essaie de transformer certaines associations proches des initiants - je parle de Noé21 - en de doux agneaux qui ne veulent que du bien à l'AIG. Mais vous n'avez pas assisté à l'audition, Mesdames et Messieurs ! Vous n'avez pas assisté à l'audition ! Mme Mazzone, conseillère nationale, veut la décroissance de l'aéroport et de l'économie en général - ça va ensemble; pas la décroissance des budgets de l'Etat, mais celle de l'économie en tout cas - et elle a dit que nos amis portugais, puisqu'elle n'a parlé que d'eux, devaient rentrer chez eux en voiture ou en bus. C'est clair qu'elle l'a déclaré, c'est dans les PV ! Mais elle a aussi dit, et elle rejoint peut-être M. Vanek - vous lui transmettrez, Monsieur le président - qu'il fallait remplacer toutes les lignes aériennes par des trains de nuit. Elle regrette beaucoup la suppression des trains de nuit. Ce n'est pas très évident pour un gestionnaire de fortune de la place financière d'aller à Dubaï en train de nuit, à travers Istanbul et Alep ! Je ne sais pas si Mme Mazzone a essayé ces jours, à travers les bombardements, mais peut-être... C'est simplement une vision irréaliste et totalement élitiste.
Je suis obligé de le reconnaître, Mesdames et Messieurs: comme un conseiller d'Etat ici présent, je passe mon temps sur Facebook... (Rires. Applaudissements. Commentaires.) ...et il y a pas mal de candidats et députés Verts, vous m'excuserez, qui passent aussi leur temps sur Facebook. Mais qui passent leur temps sur Facebook depuis des destinations lointaines ! Surtout européennes, mais tous les week-ends ! Vous n'allez pas me dire qu'ils vont en train au Portugal, en Italie, en France, etc.
Une voix. A vélo !
M. Edouard Cuendet. Il faut d'abord prêcher par l'exemple. Je me dis que Mme Mazzone, Verte, veut empêcher certaines populations de retrouver leurs familles, bien que certains de ses coreligionnaires Verts pratiquent à outrance le week-end européen en avion. Faites ce que je dis mais pas ce que je fais, donc ! (Remarque.) Cela étant dit, je ne comprends plus. Je ne comprends franchement plus ! Mme Mazzone déclare aussi durant son audition qu'il faut favoriser les long-courriers. Alors très bien, je suis pour, et on peut se féliciter que Genève ait obtenu le long-courrier pour Addis-Abeba. Certains se gaussaient d'Addis-Abeba, notamment chez les Verts et les socialistes, en disant: «Mais qu'est-ce qu'on va faire dans cette Afrique lointaine ?» Dans un esprit un peu colonialiste, comme leurs ONG préférées dont on a vu les actions récemment. Eh bien, Addis-Abeba, c'est le centre de l'Union africaine et la porte vers l'Afrique ! C'est une chance extraordinaire pour Genève d'avoir cette ligne long-courrier !
Une voix. Pour les renvois ! (Rires.)
M. Edouard Cuendet. Oui. (L'orateur rit.) Et des lignes long-courriers, il y en a d'autres ! Les bras m'en tombent: les initiants nous disent donc que Genève doit développer les long-courriers alors qu'une personne proche des initiants, M. Deneys - il n'est plus là, vous transmettrez, Monsieur le président - commence à taper sur le vol pour la Chine. Le Conseil d'Etat ici présent, l'aéroport et les multinationales qui font vivre Genève ont développé des efforts considérables pour obtenir cette ligne, et voilà que M. Deneys, socialiste qui vit aux crochets de l'Etat... (Commentaires.) ...comme la plupart de ses coreligionnaires... (Commentaires.) ...veut la supprimer ! C'est simplement irresponsable ! C'est irresponsable ! Et Noé21, une association que j'apprécie beaucoup, adopte aussi une ligne contradictoire. Alors que les Verts plaident pour des vols long-courriers, leur bras armé, Noé21, a fait recours contre l'agrandissement de l'aile est, un investissement indispensable pour la qualité de l'infrastructure, ce qui a coûté des millions à l'AIG. Parce que c'est vrai, et là je rejoins l'histoire d'Addis-Abeba: l'aéroport de Genève, pour les long-courriers, c'est pour l'instant un aéroport de brousse ! Il n'est pas du tout à la hauteur de ses concurrents internationaux. On développe justement l'aile est pour accueillir les long-courriers; eh bien, Noé21 fait recours contre elle, ce qui coûte des millions à l'aéroport à cause des retards que cette démarche entraîne. C'est simplement irresponsable !
Je vous dis donc qu'il y a de nombreuses contradictions dans les partis proches des initiants. Je pense que les initiants riverains sont, eux, tout à fait de bonne foi; les habitants souffrent certainement. Cela dit, beaucoup de personnes des partis qui les soutiennent ici habitent dans des quartiers plus favorisés, et je précise que nous devons écouter les initiants - les initiants, pas forcément les partis qui les instrumentalisent - et rédiger un contreprojet qui tienne compte de leurs préoccupations. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pour reprendre certaines choses qui ont été dites, oui, l'aéroport est un poumon. L'aéroport est un poumon pour Genève, mais il faut vraiment être aveugle et se mettre les mains devant les yeux pour ne pas voir que ce poumon est en train de noircir. Ce poumon est en train de tousser, Mesdames et Messieurs. Ce poumon est en train de cracher du CO2, de l'oxyde d'azote et il faudrait peut-être se préoccuper un peu plus de lui avant qu'il ne puisse plus du tout respirer.
Quant à M. Cuendet - vous transmettrez, Monsieur le président - il nous parle de Limoges, d'Aeroflot, du retour de Staline, d'Alep. Ses arguments ne volent pour le moins pas très haut, c'est le cas de le dire... (Exclamations.) ...je dirais même, pour continuer dans l'image, que ce sont vraiment des arguments low cost ! Nous ne sommes pas, Monsieur Cuendet, dans un débat gauche-droite - je vais vous le démontrer après - il faut donc un petit peu atterrir et discuter de la vraie problématique: le développement de l'aéroport et l'équilibre que l'on veut pour ce développement. Pour rester sur ce qui a été dit, mentionnons M. Stauffer, qui n'est plus là. Il est un peu notre réacteur en chef; avec lui, ça turbine - ça turbine à fond - ça brasse de l'air, ça fait même plus de bruit qu'un avion au décollage ou à l'atterrissage. Par contre, il dit tout et son contraire, et je n'ai absolument rien compris de la vision qu'il développait pour notre aéroport.
Revenons aux différentes auditions et au développement de l'AIG, Mesdames et Messieurs. Nous avons reçu les magistrats communaux de plusieurs communes. Ils nous ont rappelé que 44 communes riveraines françaises, vaudoises et genevoises ont signé en 2015 déjà une lettre adressée au Conseil d'Etat pour faire part de leur inquiétude quant à l'objectif de développement de l'aéroport. Que nous ont-ils dit pendant l'audition ? On n'a bien entendu pas le temps de tout citer, mais ils nous ont parlé de pertes foncières énormes, de terrains dévalorisés. La commune de Bellevue, par exemple, est extrêmement touchée par le développement de l'AIG. Son magistrat est médecin: il nous a dit qu'il est inquiet pour la santé des riverains. Il dit qu'on ne parle jamais de l'impact des oxydes d'azote, des particules fines ou du kérosène dans l'air dans les communes qui se trouvent sous les avions, et il a bien raison ! L'avenir de la commune de Bellevue sera largement et défavorablement touché. Si on prend l'ensemble des riverains de ces communes, on parle d'un bassin de population d'environ 100 000 personnes, c'est-à-dire un cinquième de notre population. Un cinquième de notre population ! Je crois que c'est quand même intéressant de s'en préoccuper !
Le maire de Satigny, que nous avons aussi entendu - on l'a évoqué - nous a parlé de la nuit qu'il a passée avant l'audition: il nous a dit que le dernier avion a atterri à passé minuit, et c'est comme ça quasiment un jour sur deux. En 2017, si on prend les chiffres, 205 mouvements ont été comptabilisés entre minuit et minuit trente. Voilà ce que le maire de Satigny nous a dit. Il nous a dit que le premier avion a décollé à 5h58: vous voyez donc la nuit qu'il a passée - comme la plupart de ses administrés et des autres riverains. Il avait d'ailleurs l'air très fatigué pendant son audition; il est là et il est en train de s'assoupir tellement il n'arrive plus à dormir. (Commentaires. Exclamations.) Enormément de motions, de résolutions sont déposées devant les conseils municipaux de ces communes, et je crois que ce serait aussi intéressant de les prendre en compte.
Si on parle ensuite du bruit, je n'ai pas le temps de tout mentionner, mais vous avez le détail dans le rapport de minorité. Le bruit détériore la santé ! Il touche l'apprentissage de nos élèves: selon une étude, 8300 écoliers de 17 communes sont touchés, soit le quart des élèves du primaire du canton. Le directeur du Centre de médecine du sommeil nous a dit que le bruit est un facteur de stress, que les problèmes d'insomnie sont susceptibles de provoquer des augmentations de la tension artérielle, des problèmes métaboliques, l'augmentation du poids, le diabète, la dépression, la perte de performance et des problèmes cardio-vasculaires. Mais alors, Mesdames et Messieurs, que fait-on ? On arrête de fumer, on réduit notre consommation d'alcool, on mange cinq fruits et légumes par jour, on arrête les boissons sucrées, on fait du sport mais, malgré tout ça, l'aéroport va nous tuer ! Alors à quoi ça sert de le faire, à un moment donné ? (Commentaires. Rires.)
Comme je sens que l'heure tourne, je vous passe les détails de l'impact sur notre aménagement du territoire, des problématiques de zones à bâtir et de valeur foncière, l'air qui est irrespirable; j'en ai déjà parlé. L'Etat de Genève, selon ce qu'on nous a dit, a demandé une étude de l'impact sur la santé de l'aéroport en 2016. Celle-ci a évalué financièrement à 50 millions de francs environ les années de vie perdues - c'est la joie parmi nous, Mesdames et Messieurs - et les pertes financières sur les logements. Ça aussi, ce serait peut-être intéressant de le prendre en compte. La nature est également en danger, la faune, etc., je n'ai pas le temps de tout développer.
Pour en venir à ma conclusion, Monsieur le président, le débat de ce soir porte sur ce que l'on veut vraiment, sur la vision, la volonté politique concernant le développement de notre aéroport. Soyons clairs: vous avez d'un côté M. Cuendet, vous avez le PLR qui dit en gros que l'équilibre, la balance, ce n'est pas notre problème. La priorité totale va à l'économie... (Remarque.) ...à la société de consommation, au business - pour ceux qui vont à Dubaï, ce n'est pas possible en train de nuit. Les problèmes des riverains, des habitants, de la pollution de l'air, de la santé, de l'environnement, etc., ce n'est pas notre problème ! Les habitants, les riverains n'ont qu'à vivre avec ! Ils n'ont qu'à se taire, comme ça on pourra continuer notre développement économique ! Ils n'ont qu'à se sacrifier sur l'autel de l'économie et du business.
Et puis vous avez l'autre vision, celle des initiants, qui consiste à dire: «Non, nous ne voulons ni tuer l'économie, la Genève internationale et l'aéroport, mais nous souhaitons réfléchir au développement qu'on imagine pour Genève et au développement qu'on veut pour notre aéroport.» Et ce développement-là - je le redis parce que c'est le maître mot de cette initiative - il faut qu'il soit équilibré, il faut qu'il soit maîtrisé; il faut qu'il y ait une vraie volonté politique, il faut qu'il y ait un pilote dans l'avion pour gérer l'AIG ! Et on doit prendre en compte les nuisances, les nuisances économiques... Les nuisances économiques: c'est un beau lapsus ! (L'orateur rit. Rires.) ...les nuisances à l'environnement comme je l'ai dit avant, les nuisances à la santé, etc. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) La minorité vous demande donc, bien entendu, de soutenir cette initiative.
Et puis, dans les trente secondes qui me restent, Monsieur le président, je vais vous parler du contreprojet. Ce contreprojet, je l'ai dit dans la presse, c'est de la pure tactique politicienne pour éviter qu'on ait ce débat-ci dans la population en juin, si cette initiative est tout de suite soumise à votation. La droite se rend compte, bien entendu...
Le président. Il vous faut terminer.
M. Thomas Wenger. ...qu'elle est déchirée sur cette question du développement de l'aéroport et elle veut un contreprojet pour noyer le poisson. On va se donner une année pour préparer un contreprojet, et je me réjouis de voir dans une année ce qui va rester dans votre contreprojet: ce sera zéro - j'en prends le pari - mais les élections seront déjà passées ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. S'il vous plaît, pas de réactions dans le public ! Merci. Monsieur Pfeffer, c'est à vous.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais répéter que le message et les craintes des initiants sont légitimes. La défense de la qualité de vie des riverains mérite d'être soutenue, elle doit l'être, mais il faut aussi préciser et clarifier les problèmes liés au texte de cette initiative. Est-ce qu'un tel texte a sa place dans la constitution ? La réponse est non ! L'AIG n'est pas un institut ou un établissement de droit public qui dépend uniquement et exclusivement de Genève. C'est un aéroport national soumis à une loi fédérale ! Fixer dans la constitution des formules telles que «prendre toutes les mesures pour limiter les nuisances», etc., est inadéquat, et surtout ces formules n'y ont pas leur place.
Par contre, le modèle de développement de l'aéroport doit changer. Aujourd'hui, trois quarts des 17 millions de passagers n'ont aucun lien avec Genève ni avec l'économie genevoise. Si demain il devait y avoir 25 millions de passagers, je vous demande quel pourcentage d'entre eux aurait un lien avec Genève ou avec notre économie. La question soulevée par cette initiative est légitime et bonne, mais la réponse que donne le texte est mauvaise. Pour cette raison, je vous recommande de soutenir l'élaboration d'un contreprojet. Merci.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat, comme à l'accoutumée, a écouté avec beaucoup d'attention ce très intéressant débat qui a nourri toute la soirée et nous a permis, assurément, de progresser dans le débat plus général sur le développement de Genève. Je dois reconnaître ici, au nom de mes collègues et en mon nom personnel, qu'une initiative - nous avons beaucoup de respect pour les initiants - permet comme souvent de donner des signaux, de poser des questions. De ce point de vue là, elle a valeur de symbole, à plus forte raison, c'est vrai, lorsqu'elle est signée par un nombre très important de personnes qui de toute évidence résident dans les abords immédiats de l'infrastructure visée. Il s'agit donc, en premier lieu, de reconnaître le problème évoqué. Il s'agit d'emblée de signaler aussi, sans le faire de façon ironique, que cette initiative marque une fois de plus l'attachement des Genevoises et des Genevois à leur aéroport et à la maîtrise de celui-ci. Un député, Serge Hiltpold, a tout à l'heure mentionné le nom de Louis Casaï, qui a contribué à l'essor de cette infrastructure; il faudrait citer aussi Alain Borner, que je salue, lui qui, durant ses huit ans de mandat, s'est beaucoup investi pour cet aéroport. Ce soir, il y a lieu de souligner que nous sommes les dépositaires d'une histoire qui a fait le succès de la région: celle du développement aéronautique dans notre canton et plus largement dans l'ensemble de la région.
Si une initiative a valeur de symbole et de signal, le problème, souvent, est qu'elle est très vite datée. Le libellé de celle-ci est trompeur, on l'a dit tout à l'heure; elle est partielle puisqu'elle n'aborde que quelques aspects; elle se voudrait constitutionnelle mais, on l'a souligné avec pertinence, elle n'a ni l'essence, ni la texture, ni le verbe propres à la constitution; et tout est là, Mesdames et Messieurs. Le problème de cette initiative, c'est qu'elle passe à côté ! Elle passe à côté chronologiquement d'abord, parce que nous n'avons pas attendu cette initiative - nous, le gouvernement - pour prendre la mesure et l'ampleur de la problématique. Nous nous sommes adressés à la Confédération en 2014 déjà, à l'initiation du processus PSIA, afin d'introduire plusieurs mesures, contraignantes dans une certaine proportion, pour faire en sorte de retrouver la maîtrise sur l'aéroport.
Vous savez, Mesdames et Messieurs, le choix des termes n'est pas anodin. Lorsqu'on baptise un comité d'initiative d'un nom choisi dans le bestiaire des animaux muets - c'est le propre de la carpe - c'est qu'on a peut-être derrière la tête un peu trop de préoccupations idéologiques. Cette initiative ne dit rien, ou presque, de l'importance économique mais aussi sociale de l'aéroport, et le député Cuendet avait raison de le souligner: on parle d'une infrastructure qui emploie très directement 10 000 personnes et indirectement plusieurs dizaines de milliers d'autres de notre canton. A cet égard, il est un poumon économique et social. Cette initiative - mais on ne peut guère le lui reprocher, c'est l'effet de l'écoulement du temps - ne dit rien des investissements environnementaux substantiels auxquels l'AIG a consenti ces dernières années. En comparaison d'autres aéroports, nous avons un bilan plutôt flatteur en matière de développement durable et des investissements très importants ont été consentis, par exemple pour amortir le bruit ou dans la limitation de l'impact environnemental. On peut certes faire plus, et l'on s'y emploie, mais cette initiative est muette sur ces aspects-là alors même que la collectivité - qui est, je le rappelle, propriétaire à 100% de l'aéroport - a investi dans ces éléments.
Et puis cette initiative ne dit en réalité pas grand-chose de la gouvernance. Il faudrait, dit-on, reprendre la main sur l'aéroport; mais dans cette législature précisément, Mesdames et Messieurs, avant même qu'on évoque ici une initiative, le Conseil d'Etat a considéré qu'il nous fallait retrouver un rôle d'autorité de surveillance. Ça devrait faire plaisir au parti socialiste puisqu'il militait avec d'autres sur cet aspect-là. J'ai quitté la présidence du conseil d'administration, il faut le constater, mais vous avez confirmé à la faveur de la LOIDP la présence des partis politiques; quel contrôle démocratique est plus poussé que celui-là, avec ses dérives potentielles, au sein du conseil d'administration ? En termes de gouvernance, Mesdames et Messieurs, nous avons également pris un certain nombre de mesures et adopté des positions parfois conflictuelles avec la Confédération pour défendre les intérêts des Genevois.
Cette initiative est donc à certains égards trompeuse, muette, datée et partielle; pour toutes ces raisons, il faut bien évidemment la rejeter.
S'agissant maintenant du contreprojet, on voit s'esquisser à la faveur de quelque improbable conférence de presse récente, à l'inverse de la carpe, le lapin ! (Exclamation.) On retombe dans le syndrome - et là, je fais droit aux initiants - de la précipitation et de l'accélération. Nous devons effectivement prendre le virage et changer d'air; la maîtrise d'une infrastructure aéroportuaire suppose aujourd'hui une plus large concertation. Je fais droit ici aux demandes des communes, qui d'ailleurs ont été intensivement consultées ces derniers mois, en comparaison de ce qu'on pouvait faire par le passé. Je les regarde et je les salue. (L'orateur regarde la tribune du public.) Au nom du Conseil d'Etat, je veux dire très clairement que nous voulons aujourd'hui entrer dans un autre type de relation avec les riverains, avec les communes, avec celles et ceux qui font Genève et qui vont effectivement continuer pour une part à subir, dans une certaine mesure, les effets collatéraux - effets collatéraux qui ne sont pas exempts de paradoxes: effectivement, parmi celles et ceux qui se plaignent de l'aéroport, on retrouve parfois aussi celles et ceux qui en bénéficient, y compris pour de petits week-ends pas très loin d'ici, à un jet de pierre, une heure ou une heure et demie d'avion. Là, il faut le souligner, on n'est pas exempt de quelques paradoxes, notamment dans les rangs des initiants.
Pour ne faire ni carpe ni lapin et pour véritablement se donner les moyens de reprendre la maîtrise complète de notre aéroport, le Conseil d'Etat vous a déjà proposé un contreprojet, un contreprojet indirect. Celui-ci se résume dans l'acronyme un peu barbare de PSIA, mais c'est ce que nous avons négocié, du mieux que nous pouvions, avec la Confédération: le principe des enveloppes de bruit, contraignantes, et l'engagement du Conseil d'Etat pour une réduction de ces nuisances. Ce sont des mesures quantifiables, vérifiables et transparentes que nous nous sommes engagés à prendre d'ici 2030 pour maîtriser cette courbe et faire en sorte de diminuer de 25%, peut-être 30%, par exemple les émissions perçues comme nuisibles sous l'angle sonore, grâce au renouvellement des aéronefs pour 60% de la flotte Swiss et easyJet présente aujourd'hui à l'aéroport, à l'horizon 2020, respectivement 2025 - je salue les propos des députés qui ont tout à l'heure souligné l'évolution technologique de l'aéronautique. Ces engagements-là nous permettent aujourd'hui de considérer que l'on vous propose à travers le PSIA un contreprojet valable pour lequel il faut peut-être prendre une année de plus afin de l'étudier en commission; c'est à vous d'en juger. Cela ne satisfera certes pas les ayatollahs anti-aéroport qui, à la faveur de cette initiative, en avançant masqués, voudraient simplement le voir fermé. Mais, dans une certaine mesure, cela permettra véritablement de satisfaire la grande majorité des riverains, qui posent à juste titre une question légitime, et surtout la grande majorité des Genevoises et des Genevois et au-delà: celles et ceux qui, dans son bassin versant, bénéficient de cette infrastructure qui assure la pérennité de notre économie et de notre société.
S'il fallait choisir dans le bestiaire, et je conclurai par là, Monsieur le président, non pas un animal aquatique ni un animal terrestre - ni la carpe ni le lapin - il faudrait une fois de plus faire confiance à l'aigle genevois ! (Exclamations.) L'aigle, qui incarne l'envergure ! Un peu d'envergure, Mesdames et Messieurs: on parle ici de la Genève internationale ! De la responsabilité que nous avons vis-à-vis de l'ensemble de la région ! Et je souligne à l'intention du rapporteur de majorité qu'il est abusif de dire que seulement 20% de Genevoises et de Genevois utilisent l'aéroport; on parle bien évidemment de 95% des résidents de la grande région qui la font vivre, et qui précisément utilisent l'aéroport de point à point. Ne pensons pas place du Molard, mais région genevoise: elle vit économiquement de cet aéroport également. De l'envergure, de la responsabilité et de l'autonomie ! Et c'est peut-être pour ça qu'il faut le plus vivement rejeter cette initiative: elle prive Genève - c'est quand même stupéfiant ! - de sa propre autonomie dans une infrastructure qui aujourd'hui est son épine dorsale économique. Le Conseil d'Etat vous recommande donc, Mesdames et Messieurs, de rejeter fermement cette initiative et de décider en votre âme et conscience s'il faut se donner une année de plus; je précise au passage que c'était cuit pour juin car il n'y a de toute façon pas de votation, Monsieur le rapporteur de minorité, et même en votant aujourd'hui, légalement, c'était totalement impossible dans les délais. Mais nous vous recommandons de suivre le Conseil d'Etat dans ses efforts à l'endroit de la Confédération avec une certaine unanimité, s'il vous plaît, pour faire en sorte que nous retrouvions la maîtrise de notre infrastructure et que nous défendions l'image d'une Genève ouverte mais maîtrisée. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur de Sainte Marie, je pense que vous voulez demander le vote nominal ?
M. Romain de Sainte Marie (S). Non, je voudrais simplement préciser que M. Velasco, membre du conseil d'administration de l'aéroport, ne prendra pas part au vote.
Le président. Je vous remercie.
M. Pierre Vanek. Vote nominal, Monsieur le président.
Le président. M. Vanek demande le vote nominal. Etes-vous soutenu, Monsieur ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est bon. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur cette initiative.
Mise aux voix, l'initiative 163 est refusée par 57 non contre 31 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Nous passons au vote sur le principe d'un contreprojet.
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 56 oui contre 30 non et 1 abstention (vote nominal).
Le rapport IN 163-B est renvoyé à la commission de l'économie.