République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 novembre 2017 à 15h
1re législature - 4e année - 8e session - 44e séance
R 793-A
Débat
Le président. Nous abordons la R 793-A en catégorie II, quarante minutes. Madame Haller, vous avez la parole.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de résolution 793 vise, pour la première invite, à une révision à la baisse du ratio résultant de la clé de répartition des requérants d'asile appliquée au canton de Genève, et, pour la seconde, à une augmentation des indemnités forfaitaires allouées par la Confédération afin de les adapter aux coûts assumés par le canton; on sait que ce forfait n'est de loin pas suffisant pour couvrir les frais effectifs d'accueil et d'hébergement des requérants d'asile. Ces deux attentes sont partagées par les membres de la commission mais ne peuvent être créditées, compte tenu de certains considérants de cette résolution et de son exposé des motifs. De plus, il apparaît que ce texte concerne un thème déjà empoigné par le Conseil d'Etat et abordé par celui-ci dans le cadre de la CDAS, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales. Divers projets parlementaires ont été, par ailleurs, déposés devant l'Assemblée fédérale. Ainsi, si on s'en tient à ses invites, cette proposition de résolution n'apporte rien de neuf sur un sujet éminemment complexe. Si on se réfère à son exposé des motifs, elle incrimine les requérants d'asile et les charge une fois encore de tous les maux. Inutile pour le premier aspect et inacceptable pour le second, ce texte a été rejeté par la majorité de la commission: tout en ayant des sensibilités diverses, les groupes socialiste, démocrate-chrétien, libéral-radical, des Verts et d'Ensemble à Gauche se sont accordés sur le fait que des démarches sont déjà en cours pour revoir la clé de répartition des requérants d'asile dans le canton et que la question de l'augmentation de la contribution fédérale à la prise en charge des requérants d'asile ne se réglera pas par le biais de résolutions. C'est pourquoi la majorité vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser cet objet.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. Cette proposition de résolution est frappée au coin du bon sens. Genève est un petit canton qui a une population nombreuse; chacun le sait, c'est l'évidence, je n'aurais même pas besoin de vous le dire. Malheureusement, la Confédération et les autres cantons ne tiennent pas compte de cette réalité. Actuellement, Genève reçoit 5,8% de l'ensemble du contingent des requérants d'asile. C'est en fait une erreur de répartition, ça a été annoncé au Conseil national, notre conseiller national Roger Golay est intervenu pour essayer de changer cette situation, pour avoir plus de justice pour les cantons-villes. Un Bâlois du groupe UDC, M. Frehner, a également fait une proposition allant dans ce sens: Bâle-Ville, bien évidemment, se trouve aussi dans une situation délicate à cause de cela. Ça devrait être soutenu par l'entier des groupes; d'ailleurs, je m'étonne que tous les groupes ne soutiennent pas cette logique de bon sens qui voudrait qu'on ne tienne pas compte que de la population de Genève, mais aussi de son territoire: il est beaucoup plus facile d'héberger des requérants d'asile dans un canton peu habité, on n'est pas obligé de les mettre dans des abris PC, de leur proposer des conditions qui ne sont pas dignes, de se retrouver avec des frais importants comme c'est le cas à Genève. Il faut donc impérativement réguler cette situation, en venir à un taux qui soit beaucoup plus juste que le taux actuel. Il suffit de reprendre ce qu'a indiqué le député UDC de Bâle-Ville, M. Frehner - ne restons pas uniquement genevois, c'est un problème qui nous concerne tous: il a dit de manière tout à fait pertinente qu'une ville comme Bâle ou comme Genève, ou des cantons-villes, ne peuvent pas héberger un nombre de requérants trop élevé, ou s'ils le font, ils le font à des coûts qui sont plus élevés. Ce n'est pas du tout équitable.
Il est certain que la façon dont les invites ont été rédigées dans la proposition de résolution... Notre travail consiste peut-être à améliorer ce qui est proposé, nous avons donc fait une proposition d'amendement pour modifier légèrement les deux invites, tout en restant dans le même esprit. Cet amendement figure dans le rapport de minorité et je vous invite à le suivre.
Le président. A la page 51.
M. François Baertschi. Oui, merci, Monsieur le président.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de deuxième minorité. A Genève, nous sommes les rois de l'humanitaire, surtout lorsque l'argent ne sort pas de nos poches personnelles. Avec une dette de 13 milliards, consolidée ces prochaines années, je pense, à 20 milliards de francs, on peut continuer à dépenser sans compter ! En 2015, l'asile a coûté 160 millions de francs à l'Etat de Genève. Celui-ci a reçu de la Confédération 70 millions d'aide, c'est-à-dire que près de 100 millions de francs ont été à la charge du contribuable pour le seul domaine de l'asile. C'est une constatation. Faire de l'humanitaire quand on n'a pas d'argent, quand notre propre population ne trouve pas de logement, quand nos structures sociales sont saturées - nous avons chaque mois en tout cas 300 à 400 personnes de plus à l'Hospice général, les gens perdent leur emploi tous les jours... C'est très facile, effectivement, de se donner bonne conscience, de se mettre sous une bonne lumière en allant aider les gens de l'autre côté de la planète et en les invitant alors qu'on n'est même pas capable de leur assurer un avenir, puisque même avec un permis de séjour, seuls 10% de ces gens environ trouvent un emploi fixe. C'est très facile de faire de belles théories sur l'amour du prochain, sur l'humanité; commençons déjà par faire de l'ordre dans notre propre maison, en nous occupant de notre propre population qui souffre - le mot «souffrance» est à la mode, mais c'est une réalité. Tout est saturé et on fait comme si de rien n'était. Les chiffres de l'asile ont baissé; cette année, je crois que nous sommes à 3% du contingent qui doit nous être attribué, il y a donc une réelle baisse des arrivées de demandeurs d'asile, mais ce n'est pas une raison, parce qu'on ne sait plus où loger ces gens. Le problème est réel. Occupons déjà ces gens qui sont chez nous avant de vouloir accueillir encore davantage de personnes chaque année.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Spuhler. (Remarque.) Très bien, je passe donc la parole à M. Frey.
M. Christian Frey (S). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de résolution part apparemment d'une bonne intention. En effet, dans sa deuxième invite, elle demande que «le montant des indemnités forfaitaires versées au canton de Genève» soit «[adapté] aux coûts assumés par le canton de Genève». Cette demande est légitime: une somme de 41 millions de francs est à la charge de Genève. Cette demande a été formulée de manière quasi identique dans la résolution 828 concernant la prise en charge des RMNA, les réfugiés mineurs non accompagnés, qui demandait la couverture effective des coûts liés à la prise en charge des RMNA attribués au canton de Genève. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, il y a une grande différence: la R 828 soutenait une démarche de l'ensemble des gouvernements cantonaux et de l'ensemble des directions de l'action sociale. Elle ne demandait pas un traitement particulier pour le seul canton de Genève, et c'est là la principale différence. L'autre invite du présent texte est du même acabit: il s'agit de «[diminuer] le pourcentage des requérants d'asile attribués au canton de Genève», qui est actuellement non pas de 5,9%, mais de 6,1%, si je ne me trompe pas - le conseiller d'Etat nous le confirmera.
Formulées ainsi, ces deux invites sont inacceptables, car elles demandent un traitement particulier pour Genève, ce qui est contraire au principe de la solidarité confédérale. Nous vivons dans un même pays ! Par ailleurs, elles sont inacceptables parce qu'elles n'ont aucune chance de passer à Berne. Effectivement, pourquoi ne pas demander une diminution pour Bâle-Ville, qui est dans la même situation géographique, avec peu d'espace pour le logement ? Pourquoi ne pas demander la même chose pour Appenzell Rhodes-Intérieures, qui est un petit canton ? Pourquoi ne pas demander la même chose pour Glaris ? Etc., etc. (Commentaires.) Enfin, elles sont inacceptables parce qu'elles expriment de manière sous-jacente une volonté de fermer la porte aux réfugiés. Il n'y a qu'à lire les rapports de minorité pour s'en persuader. Pour paraphraser Donald Trump... (Exclamation.) ...on est dans une logique de «Geneva first» et de «Geneva only». Il s'agit donc, pour toutes ces raisons - et pas pour celle concernant Donald Trump - de refuser fermement cette proposition de résolution. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, la clé de répartition des demandeurs d'asile par cantons résulte d'une directive fédérale. Il apparaît de plus en plus une disparité entre les cantons: les capacités d'accueil sont très différentes de région en région, et surtout, les coûts et les dépenses vont du simple au double selon les cantons. Aujourd'hui, la répartition des requérants d'asile se fait en tenant compte uniquement du nombre d'habitants des cantons. A Genève, un tiers des emplois est occupé par des personnes habitant en France voisine ou dans le canton de Vaud. En plus, Genève a, après Bâle-Ville, la plus forte densité de la Suisse: nous avons ici 1715 habitants par kilomètre carré, soit une densité sept fois supérieure à celle du canton de Vaud, où l'on trouve 241 habitants par kilomètre carré; la densité genevoise est environ vingt fois supérieure à celle du canton du Jura, qui est seulement de 87 habitants par kilomètre carré. Ces paramètres devraient aussi être pris en compte.
Quant au montant des indemnités forfaitaires, le constat est encore plus flagrant: nous vivons dans une région urbaine très dense où le coût de la vie est très élevé. En plus, comme le relève M. Poggia, nous avons une prise en charge des requérants d'asile tout particulièrement élevée en comparaison avec les autres cantons. Alors que certains d'entre eux, grâce à des possibilités de logement plus nombreuses et un coût de la vie plus bas, arrivent à dégager un bénéfice, le canton de Genève accuse un déficit de dizaines de millions chaque année. Notre canton devrait certes améliorer et rendre plus efficient l'accueil des demandeurs d'asile, mais il existe aussi des disparités injustes dans la répartition et les allocations fédérales: il n'est pas normal que certains cantons dégagent un bénéfice tandis que le nôtre doit solliciter ses contribuables pour couvrir plus d'un tiers de la facture. Pour ces raisons, le groupe UDC vous invite à soutenir cette proposition de résolution. Merci.
Mme Frédérique Perler (Ve). Il n'est en effet pas normal que Genève doive consacrer plus d'argent sur son budget pour assumer l'accueil que d'autres cantons. Néanmoins, on nous a expliqué qu'avec la restructuration de l'asile, qui s'est faite en plusieurs volets, ces modifications de la répartition des requérants par cantons et du coût à la charge de chacun d'entre eux sont en cours. Les conseillers d'Etat dans leur ensemble travaillent à cela. (Remarque.)
Maintenant, sur le fond de cette proposition de résolution, j'aimerais rappeler, Monsieur le président, que nous avions consacré une séance extraordinaire en octobre 2015 à une série de textes du groupe UDC, et cette R 793 est la seule qui avait trouvé grâce aux yeux de notre Grand Conseil, je ne me souviens plus exactement pour quelle raison - une petite faveur, sans doute ? C'est ainsi que nous avons déjà eu l'occasion d'étudier cet objet. Il n'y a pas grand-chose à en dire de plus que ce qui a déjà été dit: il faut laisser les conseillers d'Etat s'occuper de ces questions en lien avec Berne; présentement, ce texte n'apporte rien, car ses invites sont impossibles à remplir, même si un amendement est déposé pour les rendre juridiquement acceptables. J'ajouterai ce que les Verts ont toujours souligné, cette particularité de la deuxième invite qui demande qu'uniquement pour le canton de Genève, on tienne compte de la cherté du coût de la vie: cela remet en question la solidarité confédérale. Les Verts s'opposeront donc à ce texte. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Je crois que tout a été dit dans ce débat. Au-delà des considérations strictement financières, c'est toute une politique d'accueil et une tradition humanitaire qui a fait la force de Genève et sa réputation dans le monde entier qu'on oppose à une politique de resserrement, de renfermement sur soi-même. Il faut une fois de plus s'en référer à l'histoire de notre canton, aux valeurs humanitaires de notre tradition, sans aller, bien entendu, au-delà de nos possibilités. On l'a dit tout à l'heure, les clés de répartition sont en cours de révision: à quoi bon envoyer une fois de plus une résolution qui, à Berne, passera directement au panier ? Nous avons autre chose à faire pour l'avenir de notre canton. Par conséquent, le groupe PDC refusera ce texte. Je vous remercie.
Mme Simone de Montmollin (PLR). Comme mes préopinants l'ont exposé, le PLR s'était opposé à cet objet. Une résolution n'a de sens que lorsqu'elle peut avoir un impact; elle ne peut avoir un impact que lorsque la thématique qu'elle aborde n'est pas déjà traitée à Berne, ce qui n'est pas le cas de cette thématique. Il s'agit d'un thème intercantonal, on l'a dit, qui nécessite une coordination intercantonale. Cette coordination s'est faite, et on ne voit pas très bien comment le canton de Genève à lui seul pourrait faire avancer ce dossier.
Il nous semble que la première invite n'est absolument pas pertinente et qu'elle n'aurait absolument aucun impact, sauf de remettre en cause les principes de solidarité intercantonale et de cohésion. Concernant la deuxième invite, sur les forfaits, il s'agit d'une problématique importante: c'est notre devoir que de veiller à avoir les moyens suffisants pour assurer l'intégration parfaite des personnes qui nous sont confiées. Cette question a fait l'objet de nombreuses discussions au sein des conférences des directeurs cantonaux de la sécurité et de l'action sociale, qui ont porté leurs fruits, puisque le Conseil fédéral a d'ores et déjà décidé d'augmenter ces forfaits. Là aussi, on peut estimer qu'actuellement, renvoyer une résolution demandant ce qui a déjà été fait ne saurait apporter plus. Pour ces raisons, nous ne souhaitons pas renvoyer cette résolution à Berne. Nous resterons de toute façon attentifs à l'évolution de la situation et au fait que les tâches transférées de la Confédération aux cantons pour l'intégration des migrants puissent être assumées de manière adéquate, en conformité avec nos valeurs et notre souhait d'intégrer ces personnes migrantes. Je vous remercie.
Mme Françoise Sapin (MCG). En ce qui concerne cette répartition des demandeurs d'asile, il faut être juste, car Genève doit toujours payer plus que les autres cantons. Il ne s'agit pas uniquement de l'asile, mais cela a aussi une influence sur la RPT, pour laquelle Genève paie déjà beaucoup. Aussi, le MCG demande que l'on défende beaucoup mieux les intérêts de Genève. Merci.
Le président. Merci, Madame. Je passe la parole au rapporteur de deuxième minorité pour une minute trente.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Il faut quand même reconnaître que depuis des années, la situation sociale et financière de Genève se dégrade. Si on n'admet pas ça, c'est grave ! Vous allez nous dire qu'on met la faute sur les uns ou sur les autres: il n'y a pas de faute, on prend des décisions politiques pour défendre les intérêts de la population, l'intérêt de nos enfants, c'est tout ! Ce sont des décisions politiques qui doivent se prendre pour l'avenir, pour la défense de nos intérêts et le rétablissement de nos finances. La qualité de vie se dégrade à Genève quotidiennement, la densité est énorme - je crois que c'est l'une des villes les plus denses au monde: on nie ça, on croit qu'on peut placer à Genève le nombre de personnes qu'on veut, le monde entier peut arriver ici. Mais c'est faux ! Il n'y a plus de place, on est en train d'étouffer à Genève, et on continue, on va bientôt bétonner toute la ville, on va construire tout ce qu'on pourra.
Je pense que nous allons accepter l'amendement du MCG qui consiste à demander au Conseil d'Etat d'envoyer une demande à Berne pour qu'on puisse diminuer le pourcentage d'attribution de demandeurs d'asile à Genève. On parle toujours de qualité de vie, ça en fait partie également, et c'est aussi dans l'intérêt des demandeurs d'asile, je suis désolé ! Je vous propose donc d'accepter cette résolution avec l'amendement du MCG, merci.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. Je suis quand même un peu surpris d'entendre les propos de certains députés. Quand on voit la situation actuelle du canton de Genève, avec plus de 200 millions de déficit prévu - on va peut-être se retrouver à 150 millions, mais on est à la chasse de toutes les dépenses, on regarde de manière attentive comment boucler un budget qui devient très difficile à boucler... On nous dit qu'il faut être solidaire avec les autres cantons: mais on voit tout ce qu'on paie pour eux, alors qu'ils ne sont pas si solidaires que ça - la RPT, par exemple: nous, nous payons une somme considérable; Vaud reçoit de l'argent grâce à la répartition intercantonale ! Avec cet argent, ils vont baisser les impôts sur les entreprises, faire la RIE III que nous voulions faire - ils vont la faire avec l'argent des Genevois, quelque part ! On se retrouve dans un marché de dupes, une fois de plus. Bien sûr, l'asile est un sujet délicat, mais nous devons aussi nous battre, dans le cadre de ce sujet, pour défendre les intérêts du canton de Genève, parce que c'est quelque chose de très important. On nous parle de l'exemple d'Appenzell Rhodes-Intérieures et de Glaris, qui ont un petit territoire: oui, mais il est peu habité; ils ont un pourcentage et un nombre de requérants d'asile très faibles. Il n'y a plus véritablement d'équité et de justice. On peut agiter un chiffon rouge, parler des requérants d'asile ou autres, mais ce n'est peut-être pas le sujet le plus important: le sujet le plus important est que nous devons actuellement veiller à toutes les dépenses de l'Etat pour garder l'essentiel pour la population. Certains ont ironisé sur «America first» de Trump: bon, «Genève d'abord», désolé, c'était notre slogan, je ne sais pas qui a volé le slogan à qui, qui est à l'origine de ce type de slogan. (Commentaires.) En tout cas, ça fait déjà plusieurs dizaines d'années que certains expriment ou lancent «America first» dans le débat public américain. Sans revenir sur cela, il y a quand même une action à essayer pour aller dans un sens plus favorable à Genève. D'ailleurs, nous avons déposé une invite que je vais rapidement présenter, Monsieur le président: il s'agit de demander au Conseil d'Etat d'intervenir auprès des autorités fédérales pour revoir la clé de répartition et aussi revoir le montant des indemnités forfaitaires; pour à la fois agir sur la clé de répartition et sur les sommes allouées à Genève, qui, comme on peut l'imaginer, devraient être plus importantes que celles d'autres cantons. C'est quelque chose que l'on peut faire, c'est pourquoi je vous demande de soutenir cette résolution amendée.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, finalement, M. Baertschi vient de nous dire que ce dont il est question aujourd'hui, c'est la clé de répartition, mais pas uniquement celle qui concerne l'asile: toutes les clés de répartition, dans tous les domaines que nous avons en commun avec la Confédération; et que l'asile est peut-être un chiffon rouge. Alors effectivement, cessons d'agiter ce chiffon, regardons la situation globalement: cela nous amènera à penser que ce texte n'est pas opportun, pas nécessaire.
J'aimerais revenir sur un élément, même s'il a déjà été mentionné: accueillir 5,8% des requérants qui déposent une demande en Suisse est une obligation qui découle de la loi sur l'asile. On l'a dit aussi tout à l'heure, c'est une question de solidarité confédérale. Je reviendrai aussi sur une préoccupation évoquée par plusieurs commissaires durant nos travaux: la crainte que Genève, par une attitude comme celle qui s'exprime au travers de ce texte, se mette à se défausser de sa responsabilité sur d'autres cantons. Si on se réfère aux chiffres qui nous ont été donnés en commission, évoqués par M. Poggia, on apprend que Bâle-Ville doit accueillir 1,9% de requérants d'asile, Bâle-Campagne 3,8%, c'est-à-dire, en tout, 5,7%, pas très loin de ce que nous devons faire à Genève. Pour Zurich, c'est 17,5%, et Berne, 13,9%. De ces chiffres, il n'apparaît pas que Genève soit particulièrement défavorisée. En revanche, sur la question des coûts, oui, il y a un véritable problème: symétriquement avec le principe selon quoi qui paie commande, on considère que qui commande doit payer; cela devrait amener la Confédération à prendre en compte la réalité des coûts de prise en charge des requérants d'asile - c'est un sujet sur lequel la commission s'est accordée, simplement, elle a estimé que les démarches effectuées en la matière par le département étaient largement suffisantes, qu'elle avait été relayée par d'autres textes parlementaires et que le travail était en cours. Pour tous ces motifs, la majorité vous appelle à rejeter cette proposition de résolution.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les avis exprimés pour soutenir ce texte sont partagés par le Conseil d'Etat. Nous considérons en effet que l'absence de prise en considération du critère de la population respective des cantons est problématique, parce qu'évidemment, plus un territoire est petit et sa population nombreuse, plus le prix du terrain est élevé, sa disponibilité faible et la difficulté à trouver des lieux d'hébergement, grande. Or, ce critère n'est aujourd'hui pas pris en considération, alors que 6,1% des demandeurs d'asile annoncés en Suisse sont attribués au canton de Genève.
Malgré ce constat, le Conseil d'Etat considère que le renvoi à Berne d'un texte comme celui qu'on propose ici serait inutile, voire contreproductif, sachant que mon collègue Pierre Maudet et moi-même travaillons déjà, précisément dans l'intérêt de Genève sur ce plan, à attirer l'attention des autorités fédérales sur ce thème. Vous savez aussi que le Parlement fédéral a voté récemment une restructuration dans le domaine de l'asile, qui implique une refonte des forfaits versés aux cantons ainsi qu'une modification de la répartition des requérants dans ceux-ci pour tenir compte d'autres prestations que les cantons accordent. C'est le cas de Genève, avec un centre de renvoi qui lui permettra de bénéficier d'un nombre moins important de requérants d'asile attribués. Pour ces motifs, Mesdames et Messieurs, et quand bien même le Conseil d'Etat est conscient de la souffrance qu'implique cette politique publique en amenant à devoir supporter un nombre de requérants supérieur à celui que nous pouvons prendre en charge - l'ouverture importante d'abris de protection civile en est la démonstration - nous vous demandons de rejeter ce texte. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Avant de nous prononcer sur la proposition de résolution, nous allons voter sur l'amendement du MCG, qui figure à la page 51 du rapport. Comme l'a expliqué M. Baertschi, il s'agit d'un changement de l'entité à laquelle s'adresse le texte: celui-ci ne s'adresse plus au Conseil fédéral, mais au Conseil d'Etat, selon la formulation suivante:
«invite le Conseil d'Etat
- à intervenir auprès des autorités fédérales afin de revoir la clé de répartition entre les cantons (art. 21 OA 1) des requérants d'asile en diminuant le pourcentage des requérants d'asile attribués au canton de Genève;
- à intervenir auprès des autorités fédérales afin de revoir le montant des indemnités forfaitaires versées au canton de Genève en application de la loi sur l'asile (LAsi) pour les adapter aux coûts assumés par le canton de Genève.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 26 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la proposition de résolution 793 est rejetée par 62 non contre 27 oui.