République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 793
Proposition de résolution de Mmes et MM. Patrick Lussi, Stéphane Florey, Christo Ivanov, Bernhard Riedweg, Michel Baud, Marc Falquet, Eric Leyvraz, Norbert Maendly, Thomas Bläsi, Christina Meissner, François Baertschi, André Python, Sandro Pistis, Jean-Marie Voumard, Jean Sanchez, Danièle Magnin, Henry Rappaz, Francisco Valentin, Florian Gander, Pascal Spuhler, Daniel Sormanni, Sandra Golay, Christian Flury, Jean-François Girardet, Claude Jeanneret, Thierry Cerutti, Carlos Medeiros demandant au Conseil fédéral de modifier la répartition entre cantons des demandeurs d'asile et de revoir le montant des indemnités forfaitaires LAsi
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.

Débat

Le président. Nous passons à la proposition de résolution 793, classée en catégorie II, trente minutes, et je passe la parole à l'auteur du texte, M. Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le coeur a ses raisons que les raisons des possibilités pragmatiques et financières ne veulent connaître. Beaucoup appellent à la solidarité internationale, formule qui consiste à masquer les véritables enjeux de ces guerres, dont la seule réalité est l'appropriation des ressources des pays concernés par ceux qui viennent ensuite exiger notre accord solidaire, financier et d'accueil, à nous, aux contribuables, afin de réparer leurs pots cassés. Stoïquement, par cette résolution l'UDC ose très simplement vous rappeler la cruauté des chiffres et des statistiques qui démontrent, pour le moins, que les grands élans philosophiquement généreux oublient les solutions pragmatiques pour juguler cet afflux de populations que nos institutions et organismes n'ont plus les moyens d'assumer.

Pour ce qui est du logement, au 1er juin 2014, Genève comptait 863 logements vacants, soit un taux de vacance de 0,39%; le taux se maintient à un niveau très bas et les personnes à la recherche d'un logement en témoigneront. La construction insuffisante de logements laisse supposer que la crise du logement se maintiendra encore quelque temps. Sollicitée par le canton de Genève, la Confédération a prié le canton de revoir son plan directeur cantonal 2030 concernant son emprise sur les surfaces d'assolement, traduisez en clair: de revoir le déclassement pour la construction. Dans ce contexte défavorable, nous constatons une hausse des demandes d'asile. Selon les estimations, il faut s'attendre à environ 29 000 demandes d'asile en 2015, le chiffre le plus élevé depuis quinze ans. On oublie adroitement de relever que le taux de demandes de reconnaissance du statut de réfugié, soit l'octroi de l'asile, s'élevait à 26% en 2014. Le tiers de tous les requérants d'asile a bénéficié d'une admission provisoire malgré le rejet de leur demande ou une non-entrée en matière. Ils n'auront probablement jamais à quitter le pays, ce qui fait que le pourcentage de personnes restant en Suisse est de 60%. Selon la répartition prévue dans l'ordonnance 1 sur l'asile relative à la procédure, notre canton se voit attribuer 5,6% de requérants d'asile enregistrés dans les centres ou dans les aéroports suisses. La LAsi précise que les personnes dont la demande d'asile a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière, NEM, ou a été rejetée au centre d'enregistrement et de procédure ne sont pas attribuées à un canton. Or, en pratique, nos structures d'accueil sont déjà majoritairement occupées par des NEM, des «NEM Dublin» ou des requérants déboutés. (Commentaires.) L'Hospice général doit faire face à plus de quarante nouvelles arrivées par semaine. Cela a contraint l'institution à ouvrir deux nouveaux abris de protection civile. Les coûts de fonctionnement d'un abri PC de septante personnes s'élèvent à environ un million de francs par an. Les divers forfaits fédéraux versés à notre canton ne suffisent pas à couvrir l'intégralité des coûts engendrés par les populations migrantes. Aux comptes 2014, les «prestations asile» de l'Hospice général s'élevaient à 22,5 millions de francs, ce qui dépasse le montant budgété d'à peu près 3,2 millions. Pour l'année 2015, le déficit résultant de la différence entre les forfaits fédéraux versés et les prestations fournies par les cantons devrait continuer à progresser. C'est pour cette raison que la résolution demande que les forfaits versés couvrent l'intégralité des coûts assumés par Genève. (Remarque.)

L'exiguïté de notre territoire cantonal, la saturation des structures d'hébergement, la crise du logement, l'impossibilité de continuer à accroître le nombre de places dans les abris PC et les nouvelles contraintes découlant de l'aménagement du territoire font qu'il est impossible pour notre canton de continuer à accueillir les 5,6% de requérants d'asile arrivant en Suisse. C'est également l'objet de notre résolution: nous demandons au Conseil d'Etat de diminuer le pourcentage actuel de requérants d'asile attribués au canton de Genève. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous remercions de réserver bon accueil à cette résolution.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, le message du CSP que nous avons reçu répond de façon réfléchie et argumentée à cette résolution inacceptable de l'UDC et du MCG. Ce message n'est pas entendu car ces deux groupes ont fermé la porte à un discours humaniste et nuancé. La politique de l'asile est mise à mal à Berne par l'UDC au fil des réglementations. Pourquoi ne pas revenir au dépôt des demandes d'asile dans les ambassades ?

Alors que faire ? Retourner à sa mémoire collective devient un impératif. Ainsi, je me souviens de ma mère me racontant partager le pain avec des réfugiés juifs polonais et des prisonniers de guerre en Valais, malgré la pauvreté; de l'ami italien de mon père, nous faisant découvrir un curieux légume du nom d'aubergine; des histoires d'émigration, où les pauvres et les parias devaient partir du Valais vers l'Amérique latine; de mon beau-père italien venu des Pouilles, découvrant le froid et la neige à Montana et ayant reçu des gants tricotés par une vieille dame; de ma grand-tante catholique, émigrant dans la Genève protestante comme femme de ménage et devant faire sa place. En voyant parmi vous des enfants issus de l'immigration et du Refuge suite à un départ d'ici et d'ailleurs... (Remarque.) ...je vous invite à vous souvenir de votre propre histoire collective. Personne n'a envie de laisser sa maison, les siens, son lieu d'habitation pour risquer sa vie et grossir le nombre des 22 000 personnes qui ont déjà péri en Méditerranée ! Alors nous, ici... (Remarque.) ...pourvus d'un toit et en sécurité, nous devons partager, permettre aux réfugiés de construire un ailleurs et leur donner un espoir d'avenir ! (Remarque.) Les socialistes refusent cette résolution ! (Quelques applaudissements.)

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés du PLR au MCG, retirez vos lunettes et chaussez celles que vous tendent les Verts ! A travers leurs verres, derrière les foules qui peuplent les pages des journaux, derrière ces nombres impossibles à appréhender, qu'on entend à longueur de journée sur les ondes, vous distinguerez une somme d'individus, d'histoires et d'expériences de vie particulières. A travers leurs verres, vous constaterez qu'il n'y a pas «eux» et «nous», mais qu'il s'agit de personnes comme vous et moi... (Remarque.) ...et qu'elles ne sont pas différentes de votre cousine ou de votre voisin. A travers leurs verres, vous réaliserez que, comme tout être humain, elles façonnent des rêves, ont des capacités et aussi des ressources. Aussi, comme vous et moi, elles vont participer à la vie de notre société et contribuer à la construction de celle-ci. Mais pour qu'elles et ils puissent y participer, il faut leur permettre de s'intégrer.

Cessons les calculs d'épicier ! On sait très bien que c'est un stratagème pour attiser la peur ! Les personnes dans le processus d'asile ne représentent que 1% de la population et ce ne sont pas les 30 000 migrants arrivés cette année qui vont faire basculer ce chiffre. Le vrai débat et le vrai enjeu, c'est l'intégration. D'ailleurs, l'Organisation de coopération et de développement économiques l'affirme sans ambages: chaque franc investi dans l'accueil et l'intégration est rapidement récupéré par l'apport de toutes ces personnes à notre société ainsi que par les impôts et, tout comme l'ensemble de la migration, permet de financer nos services publics, de financer et d'assurer des retraites respectables à nos personnes âgées, alors que la population suisse est vieillissante. L'Allemagne ne s'y est pas trompée en brandissant des panneaux de bienvenue et Angela Merkel, sensible aux besoins de l'économie... (Remarque.) ...a compris qu'il s'agit d'autant de personnes qui participeront à la construction et à la prospérité du pays... (Remarque.) ...au même titre que les personnes qui y ont grandi. Intégrer, cela signifie d'abord leur permettre de se rétablir dans des conditions rassurantes. Or, pour qu'ils puissent se rétablir, il est indispensable qu'ils aient accès à un logement décent. Les Verts ont donc déposé deux motions depuis janvier pour pallier la situation de flux tendu volontairement imposée par M. Blocher lorsqu'il était au Conseil fédéral. Une vraie intégration passe également par l'apprentissage de la langue. Quand on sait que des Erythréens qui seront amenés à rester durablement en Suisse doivent parfois attendre une année pour avoir accès à un cours de français, il y a de quoi s'interroger. Enfin, l'accès au travail: comme vous le savez, il a été interdit aux migrants pendant des années de travailler et aujourd'hui encore, les entraves sont grandes.

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Lisa Mazzone. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts vous invitent à faire preuve de cohérence: alors que l'Union européenne s'apprête, et on le souhaite, à adopter à son échelle le modèle suisse de répartition des migrants entre les cantons, ne le détruisez pas ici ! Soyez cohérents, Mesdames et Messieurs, aussi lorsque vos partis - je pense là au PLR - viennent d'accepter une xième révision sur l'asile qui raffermit ce modèle. Mesdames et Messieurs les députés, les autres ne sont pas un enfer mais une richesse ! Les Verts refusent de construire...

Le président. C'est terminé, Madame la députée.

Mme Lisa Mazzone. ...notre société sur l'exclusion et la peur ! (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie.

Mme Lisa Mazzone. Ayons plus d'ambition pour notre avenir ! Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, je suis très mal à l'aise d'être dans ce parlement... (Commentaires.) ...parce que même une aide modeste a été refusée par ceux qui prétendent vouloir aider ces personnes en détresse. (Commentaires.) Que le peuple m'en soit témoin: aujourd'hui, vous avez refusé une aide modeste qui pouvait être apportée immédiatement ! En ce qui concerne ce texte... (Remarque.) ...vous transmettrez, Monsieur le président, à mes deux préopinantes qui viennent de soutenir qu'il faut accueillir: certes, moi non plus, en tant qu'être humain, je ne laisserai jamais une personne affamée ou mourante derrière la frontière, c'est une évidence. (Commentaires.) En revanche, Mesdames et Messieurs les députés, quand on vous propose d'aider sur place... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et que vous refusez cette aide sur place, moi j'ai une question à vous poser, et on va voir qui a le courage politique d'y répondre ! Imaginons, hypothétiquement, une seule seconde, qu'on vous suive et qu'on accueille tous les réfugiés qui arrivent: 50 000, 100 000 pour vous, 200 000 pour vous ! (Exclamation.) Moi, ce qui m'intéresse, c'est ce qui vient après ! Quand ce sera le chaos ici ! Je vous rappelle que dans un pays voisin de la Syrie, il y a 1 million de réfugiés, et en Turquie, 1,9 million ! Imaginez que demain, si on écoute ce qui est dit dans ce parlement, un million et demi de personnes arrivent en Suisse ! Ce serait le chaos absolu ! (Commentaires.) Et on nous dit, Mesdames et Messieurs: «Mais non, ces réfugiés vont travailler et vont pouvoir payer les retraites !» Mais avec quel boulot ? Un million et demi de personnes qui arriveraient ! Et c'est là que vous êtes des hypocrites ! (Commentaires.) Parce qu'à un moment donné, vous bloquerez vous-mêmes les frontières, comme cela a été fait en Allemagne ou en Roumanie, et vous laisserez périr ces pauvres gens au lieu de les aider sur place ! (Remarque.) Je l'ai toujours dit, Mesdames et Messieurs: la grandeur de l'Europe et de la Suisse ne se mesurera qu'à l'aune de l'aide qu'elle apportera à ces pays...

Une voix. Bravo !

M. Eric Stauffer. ...pour éviter les flux migratoires ! (Vifs commentaires.) Tant et aussi longtemps que vous aurez cette politique, qui consiste - pour résumer ce qui s'est dit ce soir - à soutenir qu'il est urgent de ne rien faire, alors qu'on vous propose quelque chose de concret...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Eric Stauffer. ...eh bien vous confinerez à l'hypocrisie qui a cours en Europe ! Et vous êtes les complices de la misère de ces pauvres gens qui meurent tous les jours, que ce soit en Méditerranée ou en Syrie ! (Vifs commentaires.) Les vrais coupables, c'est vous, Mesdames et Messieurs ! (Applaudissements. Protestations.)

Une voix. C'est Vichy !

Le président. Voilà, voilà. (Commentaires.) Je passe la parole à M. le député Jean Batou.

Une voix. C'est horrible !

M. Jean Batou (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames...

M. Eric Stauffer. Et ça rigole encore !

Une voix. C'est Vichy !

Des voix. Chut ! (Le président agite la cloche.)

M. Eric Stauffer. Extraordinaire ! Mais rigolez, c'est tellement drôle ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !

Une voix. Vichy !

M. Jean Batou. Mesdames et Messieurs les députés, la résolution... (Vifs commentaires.) Si c'est possible d'être entendu ! ...qui nous est proposée repose sur des arguments fallacieux. J'aimerais en donner une analyse rapide. Premièrement, invoquer l'exiguïté du territoire cantonal pour demander que Genève accueille moins de requérants d'asile, soit moins d'un requérant d'asile sur dix-huit en Suisse, pourrait prêter à sourire: en réalité, c'est le vieux slogan de l'extrême droite de l'entre-deux-guerres, «Das Boot ist voll !», de triste mémoire, qui est remis au goût du jour ! Les deux partis qui nous soumettent cette proposition entendent en effet justifier leur volonté politique de dispenser Genève d'un devoir de solidarité élémentaire face à un drame humain sans précédent, qui se déroule en particulier en Syrie, mais aussi en Erythrée. Deuxièmement, instrumentaliser la crise du logement est totalement hypocrite de la part de partis qui ont toujours soutenu les spéculateurs immobiliers responsables de la pénurie de logements à prix abordable que nous connaissons - et il y en a... (Commentaires.)

M. Pierre Vanek. Eh oui !

M. Jean Batou. ...sur vos bancs ! - et de la part...

Une voix. Bayenet !

M. Jean Batou. ...de partis qui se sont toujours opposés à la défense des locataires... (Chahut.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Jean Batou. ...et à son principal outil, la LDTR. Cette argumentation est d'autant plus trompeuse que, comme chacun le sait, les requérants d'asile n'ont pratiquement pas accès au marché du logement. (Remarque.) En réalité, l'insuffisance de nos capacités d'accueil est l'héritage d'une politique de pompier pyromane, celle de Christophe Blocher... (Remarque.) ...qui, lors de son passage au Conseil fédéral, a tout fait pour réduire le nombre de lits disponibles pour l'accueil d'urgence. Troisièmement, appeler la Confédération à accroître ses dotations financières en faveur de l'asile est une chose; nous espérons bien que l'UDC défendra ce point de vue à Berne... (Rire.) ...mais pas dans le but de nous dérober à nos responsabilités cantonales, qui sont d'ailleurs limitées. Celles-ci devraient au contraire être considérées comme notre part dans cet effort national et européen de solidarité que nous appelons de nos voeux. (Remarque.) S'ils sont soucieux de l'équilibre de nos comptes, l'UDC et le MCG devraient cesser de soutenir les cadeaux fiscaux... (Remarque.) ...accordés systématiquement aux plus riches ! (Commentaires.) Enfin, demander la réduction de la part des requérants attribués à Genève par la Confédération, soit 5,6%, est une honte !

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Jean Batou. Cette proportion est en effet déjà très faible si on la compare à la part du PIB genevois dans le PIB de la Suisse ou à la part du budget du canton de Genève dans le budget cumulé de tous les autres cantons. (Commentaires.) Pour toutes ces raisons, nous appelons purement et simplement à rejeter cette proposition de résolution. (Quelques applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais que nous revenions au noeud du problème: on nous parle ici d'une situation d'urgence, et la situation d'urgence c'est l'afflux de réfugiés qui viennent de Syrie. On constate que la situation a empiré depuis avant-hier, les Russes ayant commencé à bombarder la Syrie. On comprend que ces gens-là n'ont même plus d'espoir de rentrer chez eux. Je vous rappelle que, juste à côté de la Syrie, se trouve un pays qui s'appelle le Liban et qu'on surnomme la Suisse du Proche-Orient. (Remarque.) On ferait bien de regarder ce qu'ils font là-bas. Le pays a accueilli un million et demi de personnes, sans trouble social. Ces gens-là ont été intégrés; les enfants vont à l'école; les personnes mangent tous les jours ! Un million et demi de réfugiés sur une population de 4 millions de personnes, et il n'y a pas eu de problème ! Quand une situation d'urgence se présente - comme c'est le cas actuellement - avec des gens qui quittent la Syrie et qui n'ont pas d'autre solution que de partir, leur pays étant à feu et à sang... (Remarque.) ...eh bien, on prend des décisions d'urgence en Suisse: on considère donc qu'une situation d'urgence nécessite des décisions d'urgence en Suisse. On ne parle pas de la politique migratoire suisse, on ne parle pas de la politique suisse des réfugiés; on parle simplement de ce qu'on va faire des gens qui sont maintenant arrivés en Europe et qui se trouvent en Hongrie, en Serbie, en Grèce, en Italie. Ces gens ne vont retourner ni au Liban, ni en Turquie; l'aide sur place ne va donc pas servir à grand-chose. Qu'allons-nous faire de ces gens-là ? Il est clair que nous devrons accueillir un certain nombre de personnes en plus des autres réfugiés qui arrivent en Suisse; tout bêtement, Genève devra faire sa part. C'est ce que nous demandions dans notre résolution déposée il y a deux semaines, et je m'étonne - je le dis franchement - de l'attitude du Conseil d'Etat qui a critiqué notre texte et soutenu qu'il était impossible à mettre en oeuvre alors que ce soir, brusquement, le Conseil d'Etat soutient la résolution du MCG. J'aimerais donc savoir s'il s'agit de la position du membre MCG du Conseil d'Etat ou de celle du Conseil d'Etat dans son ensemble. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Il faut savoir que durant les premières années en Suisse, 73% des réfugiés et 77% des personnes admises provisoirement touchent l'aide sociale. Alors que les réfugiés ont le droit de travailler en Suisse trois mois après leur arrivée, la proportion de réfugiés ayant un travail est de seulement 16% pour ceux arrivés il y a moins de cinq ans, 40% pour ceux arrivés il y a plus de cinq ans, et près de 50% pour ceux arrivés il y a plus de dix ans. Si notre canton devait consacrer davantage de ressources financières à l'aide aux réfugiés, ces montants devraient immanquablement être soustraits des politiques publiques que sont l'action sociale, la sécurité et la population, l'aménagement et le logement, le handicap, les personnes âgées, voire la formation. En effet, l'état des finances de notre canton n'est pas bon, tant au niveau de sa dette de 13,4 milliards que des chiffres provisoires qui ressortent des comptes de fonctionnement en 2015 et du budget 2016. De nombreux réfugiés économiques se sont déjà installés à Genève, alors que la situation politique de leur pays est stable et relativement sûre. Certains ont été déboutés, mais faute d'une politique de rapatriement efficace qui passe aussi par l'amélioration des accords de réadmission avec les pays d'origine, ces gens se trouvent toujours sur notre territoire. La plupart de ces réfugiés, sans compter les demandeurs d'asile déboutés, n'ont aucune envie de retourner dans leur pays d'origine. En réalité, la majorité reste en Suisse après cinq ans environ...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Bernhard Riedweg. ...et 80% d'entre eux sont reconnus comme des cas de rigueur; seule une minorité travaille. A Genève, 500 personnes ne sont pas renvoyées alors qu'elles devraient l'être, afin de céder leur place à des gens plus nécessiteux. Les indemnités généreuses allouées aux demandeurs d'asile et aux réfugiés...

Le président. Il vous reste dix secondes.

M. Bernhard Riedweg. ...provoquent un appel d'air quasiment ingérable. Merci, Monsieur le président.

Une voix. Bravo ! (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys pour une minute dix.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faut rappeler qu'un canton riche comme le nôtre - les baisses d'impôts n'y changent rien - doit faire sa part du travail dans l'accueil des réfugiés et des requérants d'asile. (Exclamation. Remarque.) A part les menteurs de ce parlement, jamais personne n'a parlé d'accueillir un million et demi de personnes en Suisse ! Il faudrait aussi évoquer les conditions économiques qui règnent ici à Genève et la richesse qui est la nôtre, et les bancs d'en face - notamment ceux de l'UDC et du PLR - devraient peut-être s'interroger sur la provenance de notre richesse.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Roger Deneys. Il faudrait en effet peut-être se souvenir que des capitaux proviennent du trafic d'armes... (Remarque.) ...proche des dictateurs, de ces familles, des trafiquants de pétrole, et que nous bénéficions malheureusement, j'ai envie de dire, de cette richesse ici à Genève. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, quand nous tolérons, acceptons et encourageons ces trafics, nous devons assumer nos responsabilités ! Quand des candidats UDC ou PLR sont dans des grandes banques ou sont avocats de dictateurs...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Roger Deneys. ...nous en subissons aussi les conséquences ! Il faut refuser ces textes !

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Je voudrais juste donner quelques chiffres. (Remarque.) La population de la Syrie aujourd'hui est de 22 millions d'habitants. Le nombre de déplacés et de réfugiés dans les camps représente la moitié de la population de ce pays. Je ne sais pas si vous avez en tête l'image de la ville de Dresde en 1945. Du nord au sud, de l'est à l'ouest, la Syrie est quasiment à l'image de cette ville détruite. Alors on dit qu'on veut aider les personnes et participer à l'aide au développement, mais je voudrais savoir quelles sont les ONG présentes dans le pays qui peuvent le faire ! En pratique, seuls le CICR et le Programme alimentaire mondial peuvent circuler en Syrie; les autres ne le peuvent pas. (Brouhaha.) Le CICR a une histoire diplomatique, ainsi qu'un système et une manière de travailler dans des pays en guerre, mais nous, nous ne pouvons pas aller faire de l'aide au développement ! C'est inimaginable de dire des choses pareilles ! Dans les camps de réfugiés, c'est la même chose !

Le président. Il vous reste vingt secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. On ne peut pas mettre des dispensaires médicaux dans ces camps ! Je vous invite à lire «L'Hebdo» de cette semaine, du 1er octobre, dans lequel vous trouverez les chiffres des gens installés en Suisse. Ce n'est pas une déferlante ! (Commentaires.)

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. A la fin de cette année 2015, nous répondrons a minima...

Le président. Merci.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...à 3000 personnes entrées dans notre pays; pas dans le canton de Genève, dans notre pays !

M. Cyril Aellen (PLR). Je fais partie de ceux qui, dans un premier temps, se sont sentis pris en otage par une opération électoraliste. (Remarque.) J'ai vu oeuvrer de grands spécialistes du canton en la matière: le bon docteur du PDC et le terrible MCG, à moins que ce ne soit l'inverse, en tout cas en termes d'efficacité. Il fallait voir le député Stauffer rédiger en urgence sa proposition de résolution lors des précédents débats, s'étant vu dépasser sur ce point par la précédente résolution du PDC. Les deux précités ont requis l'urgence de notre parlement pour mettre en lumière une situation difficile avec d'autres intentions que celles de régler les problèmes qui nous sont soumis.

Mais, dans un second temps, je me réjouis de pouvoir exprimer une position politique ferme, humaine et responsable qui ne s'inscrit ni dans la ligne des intégristes de «No bunkers», ni dans celle des ayatollahs des quotas. Certains pensent qu'il s'agit d'un problème relevant exclusivement de la compétence de la Confédération; je ne le pense pas. C'est à juste titre qu'il incombe à notre canton d'accueillir un certain nombre de migrants et de faire face aux difficultés que cela engendre. La population genevoise n'a pas attendu la publication de certaines photos pour s'émouvoir d'une situation humaine insoutenable. Les victimes civiles d'une guerre particulièrement cruelle touchent légitimement. Mais la migration de millions de gens fuyant la guerre interpelle, inquiète, interroge. Quelle est notre capacité d'accueil ? Les migrants syriens trouveront-ils en Europe, en Suisse, à Genève, la vie qu'ils souhaitent ? Comment, au-delà d'un certain nombre d'individus, les migrants vont-ils pouvoir s'intégrer à notre société ? Quels moyens souhaitons-nous mettre en oeuvre pour assumer notre tradition d'accueil ? Quelle sera la part de la Confédération ? Quelle sera la part du canton ? Quels sont les moyens mis en oeuvre pour s'assurer que l'ouverture dont on doit faire preuve ne sera pas parasitée par des personnes mal intentionnées ? Ce sont quelques-unes des questions, mêlant émotion et inquiétude, qu'il est légitime de se poser et que la population genevoise se pose, sans pour autant être schizophrène. Même si le PLR ne partage pas en tous points les invites...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Cyril Aellen. Merci, Monsieur le président. ...même si les considérants de la résolution sont partiels et partiaux et même si le PLR conteste fermement une partie de l'exposé des motifs, il est de notre responsabilité de ne pas négliger les questions que les Genevois se posent. Aussi, je vous propose le renvoi de cette résolution en commission, plus précisément à la commission des affaires sociales, car le point principal n'est pas l'aspect financier. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Eric Stauffer pour dix secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est simplement pour dénoncer un journaliste félon en la personne de Marc Bretton qui, dans une retranscription qu'il a écrite, dit que nous avons tenu des propos haineux... (L'orateur désigne la tribune du doigt.)

Le président. Monsieur...

M. Eric Stauffer. ...et raciaux !

Le président. Monsieur Stauffer !

M. Eric Stauffer. C'est faux ! (Huées. Chahut.)

Le président. Vous n'avez pas à interpeller les gens à la tribune !

M. Eric Stauffer. C'est faux ! (Le micro de l'orateur est coupé. Chahut.)

Le président. Monsieur Stauffer !

M. Eric Stauffer (hors micro). C'est de la manipulation ! (Huées.) Nous n'avons eu aucun propos haineux ou racial !

Une voix. Euh... raciste ! (Rires. Brouhaha.)

M. Eric Stauffer. Vous pouvez voir la «Tribune» en ligne ! (Le président agite la cloche.)

Le président. Je vous prie de vous taire ! Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat, Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que l'on soit pour ou contre une résolution, il n'est pas interdit de la lire. Ce texte demande au Conseil d'Etat de revoir la clef de répartition entre cantons des réfugiés arrivant dans notre pays, ainsi que le montant des indemnités forfaitaires versé par la Confédération au canton. Je ne vois nulle part dans les invites de cette résolution que l'on demande au Conseil d'Etat d'intervenir de manière à arrêter d'accepter les réfugiés en Suisse ou à arrêter de les recevoir à Genève. Je suis extrêmement étonné par les propos tenus par une partie de ce parlement qui manifestement met le feu aux poudres en faisant croire qu'il y a d'un côté des personnes qui veulent chasser les réfugiés et, de l'autre, certaines qui veulent les accueillir. Comme l'a très justement relevé le représentant du PLR tout à l'heure, la population a des préoccupations; celles-ci sont légitimes et il s'agit d'y répondre. Il se trouve que cette résolution ne traite pas directement de ces préoccupations; je rappelle que la clef de répartition ne dépend pas du Conseil d'Etat, ni même du canton de Genève puisque, comme on vous l'a rappelé, l'article 27 de la loi sur l'asile indique que ce sont les cantons qui doivent se mettre d'accord sur cette répartition et que, à défaut, le Conseil fédéral s'en charge. C'est finalement l'ordonnance 1 sur l'asile relative à la procédure qui fixe à 5,7% la part de réfugiés attribués au canton de Genève, et l'ordonnance 2 sur l'asile relative au financement qui fixe les forfaits versés par la Confédération et établit les sommes que reçoit le canton. Malheureusement, Genève ne peut donc pas intervenir dans ce domaine. Je relève que le conseiller national Roger Golay est intervenu le 9 septembre dernier par la question 15.5423 sur le sujet... (Commentaires. Applaudissements. Huées. Le président agite la cloche.) ...que vous auriez été bien inspirés de lire: vous auriez ainsi pu prendre connaissance de la réponse de votre conseillère fédérale, Mme Sommaruga...

Une voix. C'est le MCG qui parle !

M. Mauro Poggia. ...qui exprime clairement que, pour sa part... (Vifs commentaires.) ...elle n'entend corriger ni la répartition, ni les forfaits, considérant que le territoire d'un canton n'a finalement rien à voir avec cela, alors que la préoccupation consiste effectivement à se demander comment un canton ville comme Genève peut recevoir 5,7% de l'ensemble des réfugiés quand on connaît l'exiguïté du canton et surtout la difficulté à trouver des terrains constructibles; en effet, même pour y installer des habitations modulables, il faut viabiliser les terrains. Il faut donc disposer de terrains constructibles ou en tout cas déclassés dans ce sens, d'où la difficulté que nous avons à répondre à ces préoccupations. Donc, si vous souhaitez renvoyer cette résolution à la commission des affaires sociales, j'y serai et je fournirai aux députés qui y siègent l'ensemble des renseignements utiles. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je me permets de rappeler aux uns comme aux autres que lorsqu'un conseiller d'Etat s'exprime, la moindre des politesses est de l'écouter. (Commentaires. Quelques applaudissements.) Je me permets aussi de relire l'article 89 de la LRGC: «Tout échange de parole ou autre communication directe des députés, conseillers d'Etat ou fonctionnaires avec les personnes placées aux tribunes (public et journalistes) est interdit.» (Remarque de M. Eric Stauffer. Commentaires.) Je vous fais donc voter sur la demande de renvoi de cette proposition de résolution à la commission des affaires sociales.

Des voix. Vote nominal !

Une autre voix. C'est trop tard !

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 793 à la commission des affaires sociales recueille 44 oui et 44 non.

Le président. Je tranche en faveur du renvoi de la proposition de résolution en commission.

La proposition de résolution 793 est donc renvoyée à la commission des affaires sociales par 45 oui contre 44 non.  (Commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)