République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 novembre 2017 à 15h
1re législature - 4e année - 8e session - 44e séance
M 2333-A
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre ordre du jour. Pour la M 2333-A, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes, Mme de Montmollin remplace M. Saudan, rapporteur de majorité. Madame de Montmollin, je vous passe la parole.
Mme Simone de Montmollin (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je reprends le rapport qu'avait écrit M. Saudan sur cette proposition de motion 2333 qui demandait de ne pas loger de requérants d'asile près des écoles et même de respecter une distance de 500 mètres. (Commentaires.) Cette motion a été traitée par la commission des affaires sociales durant deux séances au terme desquelles un refus catégorique d'entrer en matière a été décidé, sans avoir procédé à des auditions, pour la raison suivante. Tout d'abord, il convient de rappeler que, sur la forme, la majorité de la commission n'a pu cautionner ni l'exposé des motifs ni les invites, tant les propos discriminants qu'ils contenaient étaient contraires à ses valeurs. Entre des amalgames avec des événements survenus ailleurs en Europe et des accusations formulées à l'encontre de dirigeants étrangers sur leurs politiques migratoires, ou encore le portrait fait de cette population migrante, tout détonnait dans cette motion, détonnait avec le respect élémentaire que nous souhaitons défendre dans ce parlement.
Cela étant dit, sur le fond, ce texte aborde la légitime question des craintes de la population relatives à l'intégration des requérants d'asile, aux modalités qui doivent accompagner cette intégration, tant sur les questions d'hébergement, d'encadrement que des liens avec la population locale. Ce sont des craintes légitimes auxquelles il s'agit de répondre. Nous n'avons pas procédé à des auditions parce que deux pétitions traitant du même sujet avaient déjà été traitées par ce parlement, dûment étudiées à la commission des pétitions puis votées par notre Grand Conseil en septembre dernier. Nous avons établi notre position sur la base des auditions qui avaient été menées dans ce cadre. Ces auditions avaient mis en évidence plusieurs éléments. Tout d'abord, les dispositifs mis en place par le DSE pour l'accompagnement et l'encadrement de ces personnes par les autorités nous avaient été expliqués. Le plan Osiris, puis la cellule de veille efficace constituée de représentants du DEAS, du DSE ainsi que de toutes les parties prenantes, pour un accompagnement approprié, vigilant, privilégiant le dialogue avec les communes et avec les populations concernées, ont permis de désamorcer les craintes. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Deuxièmement, il était fait état d'infractions liées à cette population supposément plus importantes. Là aussi, les statistiques de la police ne relevaient pas d'incivilités particulières à proximité des centres de requérants. Troisièmement, s'agissant du comportement de ces populations, il a aussi été mis en évidence que ce sont pour la plupart des personnes qui resteront chez nous, qui seront au bénéfice d'un permis F et qui sont absolument conscientes des enjeux liés à leur comportement dans cette procédure.
Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe.
Mme Simone de Montmollin. Très bien ! Concernant le type de population, eh bien, dans ces abris, on logeait effectivement les hommes seuls. Pourquoi ? Parce que les familles et les femmes étaient généralement hébergées dans des logements hors sol, ce qui justifiait la présence de ce profil de population dans les abris.
A la lumière des informations données par le département, la majorité a convenu qu'aucun élément survenu à Genève ne permettait d'affirmer que l'hébergement dans le voisinage d'une école était particulièrement problématique ou générait un risque supplémentaire; tout comme il n'y avait aucun lien de causalité entre le fait de respecter une distance de 500 mètres et la limitation des risques de méfaits éventuels, qui n'ont pas pu être prouvés non plus. Pour toutes ces raisons, la majorité a souhaité refuser cette motion et vous encourage à faire de même.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, dans cette motion, il s'agit en fait d'appliquer le principe de précaution, un principe de précaution élémentaire. A titre comparatif, lorsque des militaires sont logés dans des abris de la protection civile, ils ont l'interdiction absolue de s'approcher des écoles et des enfants. Je ne crois pas qu'on discrimine les militaires en leur donnant ce genre d'instructions. La question n'est pas de discriminer les demandeurs d'asile, mais avant tout d'éviter les problèmes, surtout lorsque la majorité des demandeurs d'asile sont des citoyens célibataires, seuls évidemment, déracinés, souvent avec des nombreuses frustrations, dues à leur situation, bien entendu. Je ne crois donc pas que ce soit une bonne idée de tenter le diable et c'est une simple précaution, avant qu'il n'arrive un drame. Peut-être que vous critiquez l'UDC maintenant, mais le jour où un drame surviendra, l'UDC aura fait son travail de prévention minimum. Je vous rappelle quand même qu'il y a eu plusieurs pétitions, et les gens ont effectivement des craintes, tout le monde le reconnaît. Mais, lorsque l'UDC le relève, ce n'est plus valable, c'est un problème de l'UDC avec sa phobie. Pourtant, la population a effectivement des craintes et elle a raison d'en avoir ! Elle a raison d'avoir des craintes car la situation même est dangereuse, et ce n'est pas parce qu'il s'agit de demandeurs d'asile, mais parce qu'ils sont célibataires. (Commentaires.) Célibataires et dans une situation particulière qui fait qu'il peut y avoir des tentations, tentations qu'il faut éviter, je pense. Il faut surtout protéger la population. Effectivement, la distance n'a peut-être pas grande importance: que ce soit à 500 ou à 600 mètres, le but est d'éloigner le plus possible des écoles les centres de requérants d'asile, surtout les nouveaux centres évidemment, pour éviter tout problème à venir. Voilà, je reprendrai la parole plus tard.
M. Marko Bandler (S), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez probablement toutes et tous la célèbre phrase de Talleyrand qui dit que tout ce qui est excessif est insignifiant, devenue un dicton populaire. Je crois qu'avec ce texte, on se trouve exactement dans ce cas de figure. Il ne s'agit pas ici d'un texte politique, il s'agit ici, comme à l'accoutumée, comme on nous l'a servi hier lors de l'examen des projets de lois 12003 et 12004, d'un plaidoyer pour attiser l'intolérance, la haine et le mépris envers les migrants et envers notre politique d'asile. La question des écoles et de la distance a bon dos quand on voit le type d'arguments qui nous sont servis tout au long de l'exposé des motifs de cette motion. Je ne reviens pas sur les arguments concernant la recevabilité de ce texte dont le thème a déjà fait l'objet d'un traitement par notre Grand Conseil sous la forme de pétitions. C'est plutôt sur le fond qu'il s'agit à mon avis de s'arrêter quelques instants.
La question de la sécurité à propos des centres où sont rassemblés les personnes vulnérables et les migrants - dans le cas qui nous occupe aujourd'hui - est une vraie question, légitime, qui mérite d'être posée et d'être traitée avec des arguments constructifs, objectifs et argumentés. Mais on ne peut pas la traiter en remplaçant des arguments par des outrages et des mensonges, comme c'est le cas ici. La M 2333 n'est qu'un catalogue ignoble de poncifs insultants et de contre-vérités et je trouve d'ailleurs que la violence des termes utilisés pour qualifier les migrants est en tous points de vue choquante. Est-ce qu'on peut vraiment considérer avec sérieux dans une enceinte comme la nôtre certains considérants abjects qui accompagnent cette motion ? Je les cite: «les diverses affaires de viols et d'agressions sexuelles intervenues dans de nombreux pays d'Europe à l'encontre de femmes et d'enfants»; plus loin: «une part importante des requérants s'adonne au trafic de drogue». Une fois de plus, l'UDC ne nous épargne aucune ignominie, aucun stéréotype, aucune exagération ! Le procédé est comme à l'accoutumée particulièrement honteux et je regrette qu'il soit systématiquement utilisé par l'UDC lorsqu'il s'agit de parler des migrants et de notre politique d'asile. Je dois quand même rappeler à M. Falquet et aux signataires, à toutes fins utiles, que nous parlons ici d'êtres humains qui ont connu des drames épouvantables, qui ont souvent tout perdu sur le chemin de l'exil et qui viennent simplement chercher refuge sous nos latitudes. Comment peut-on, comment ose-t-on les déshumaniser de la sorte ? (Commentaires.)
Finalement, en remplaçant tout semblant d'once de début d'argumentaire par un flot ininterrompu de clichés trompeurs et de poncifs éculés, l'UDC veut nous obliger à débattre d'une problématique délicate par le seul prisme de l'intolérance et de la haine. Charge à nous, donc, de ne pas entrer dans ce jeu et de ne pas offrir à l'idéologie nauséabonde de l'UDC la tribune qu'elle ne mérite assurément pas. On n'argumente ni contre les mensonges ni contre les impostures: on les renvoie simplement dans les poubelles de l'histoire politique de notre canton dont ils n'auraient jamais dû sortir ! (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, des parents d'élèves de l'école primaire de Bellavista à Meyrin ont déposé deux pétitions pour contester la présence de requérants d'asile sous le bâtiment scolaire. Des parents d'élèves de l'école primaire d'Aïre ont également déposé une pétition pour contester la présence de requérants à proximité immédiate de leur école. L'ACG - Association des communes genevoises - admet elle-même que la proximité de requérants d'asile avec une école est une situation très difficile à gérer. L'Hospice général, responsable des centres pour requérants, admet également que la proximité entre les enfants à l'école et les personnes seules serait à éviter. Malgré cette situation et ces nombreux constats, la commission des affaires sociales n'a pas jugé utile d'entrer en matière et d'étudier cette motion. Est-ce que renoncer à l'implantation de centres d'accueil pour requérants d'asile ou déboutés à moins de 500 mètres d'un établissement scolaire serait scandaleux et irréaliste ? L'UDC ne le pense pas ! Lorsque l'armée occupe des abris de protection civile près d'une école, des mesures strictes sont prises pour préserver la tranquillité et éviter de perturber les élèves. Lors de constructions de camps par le HCR, le représentant des conventions pour les réfugiés, des distances avec les frontières, des distances avec des personnes à protéger sont également respectées.
La deuxième inquiétude de la commission sociale est qu'il n'existerait aucune autre possibilité à Genève. Là aussi, l'UDC ne le pense pas: l'Hospice général possède plusieurs emplacements qui ne sont pas à proximité de bâtiments scolaires. En plus, l'Hospice général gère plus de 3000 appartements à Genève, auxquels il faut ajouter 2500 places dans des logements provisoires. De ce fait, il serait tout à fait possible de trouver une solution avec les lieux existants, quitte à devoir placer une personne de plus dans un appartement de quatre ou cinq pièces. (Exclamations.) Avant de créer de nouveaux emplacements à côté d'une école, il faut absolument mieux gérer et mieux utiliser les emplacements existants !
Par rapport à la troisième inquiétude de la commission, est-ce qu'il existerait un quelconque risque de sécurité pour nos écoliers ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Pour l'UDC, la réponse est clairement positive ! Lors de la visite d'un abri de la protection civile avec la commission sociale, le constat était clair: la grande majorité des personnes étaient des NEM, des personnes sous le coup d'une non-entrée en matière. Surtout, la grande majorité de ces NEM avait déjà effectué un ou plusieurs séjours à Champ-Dollon ! M. Poggia relève lui-même...
Le président. C'est terminé, merci ! (Commentaires.) La parole est à M. Girardet.
M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il ne s'agit pas de savoir si l'UDC, par cette motion, a raison ou pas. La population a déjà dénoncé la situation ou s'est déjà prononcée en disant qu'il était pour elle dangereux d'accueillir quarante jeunes célibataires requérants d'asile ou autres migrants à proximité d'une école par le biais des deux pétitions qui avaient été déposées... (Remarque.) Je vous dis où: à l'école Bellavista, à Meyrin. Le Grand Conseil a traité ce sujet puisqu'il a déposé l'une de ces pétitions sur le bureau du Grand Conseil; l'autre, il l'a classée purement et simplement. Nous n'allons donc pas récidiver avec cette motion. Le MCG ne s'opposera pas à cette motion, mais il désire faire le constat de ce qui s'est passé après ces deux pétitions. Le conseiller d'Etat a pris acte de ces deux pétitions, malgré leur classement ou leur dépôt; il a tenu compte de ce fait puisque à Meyrin, nous n'avons pas pu accueillir ou pas vu accueillir des requérants dans les abris PC sous l'école de Bellavista. Donc, aujourd'hui, le Conseil d'Etat ne juge pas adéquat de placer des requérants sous une école; nous voulons lui faire confiance pour l'avenir, sachant qu'il aura le bon sens d'utiliser des bâtiments à proximité d'une école pour autant que ce soit en dernier recours et que d'autres solutions auront été négociées avec les communes pour accueillir soit des célibataires, soit des familles de requérants ou de migrants. Nous voulons redire que nous faisons confiance au Conseil d'Etat pour qu'il amorce cette concertation avec les communes pour trouver des lieux adéquats afin d'accueillir ces migrants qui en ont bien besoin. (Commentaires.) Le MCG s'abstiendra donc à ce propos.
Mme Nathalie Schneuwly (PLR). Le PLR est très attaché au bien-être de sa jeunesse et à son avenir: il soutient une bonne éducation, les places en crèches et maintenant des gardes d'enfants comme le service Mary Poppins. Il est pour la sécurité aux abords des écoles; il est aussi très soucieux que nos enfants trouvent des logements à Genève. Bref, quand on parle des enfants, le PLR est toujours présent. En accord avec nos valeurs, nous devrions soutenir cette motion, mais en fait, elle est complètement irrationnelle: elle joue sur les émotions. On l'a dit hier, on l'a redit aujourd'hui, on fait un amalgame malsain entre les requérants, les délinquants et même - ce qui ne ressort absolument pas des auditions - les viols aux abords des écoles. Il est complètement néfaste de stigmatiser les réfugiés. Nous faisons donc confiance au gouvernement qui a tout fait pour accueillir les réfugiés dans notre canton et qui y parvient, même si la tâche est difficile. Dans ce cas-là, nous allons tout simplement refuser ce texte. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, mes propos ne vous étonneront pas: il est évident que le groupe des Verts va très clairement et très sèchement refuser cette proposition de motion. Je ne peux que souscrire aux propos qui ont été tenus par notre rapporteuse de majorité. Et je regrette que l'UDC persiste, dans la forme et le fond, dans ses propos malheureusement récurrents qui ne font qu'attiser les inquiétudes et stigmatiser toute une population qui ne le mérite pas !
M. Falquet nous explique qu'il s'agit d'une simple prévention, d'une précaution à prendre. Permettez-moi de m'étonner, Monsieur le président, quand on lit la teneur de cette motion, notamment ses considérants ! Vous pensez bien que la question a été posée à l'UDC en commission: avez-vous des exemples à nous donner ? Qu'est-ce qui vous fait affirmer qu'il faut prendre des mesures de précautions ? Aucun élément ou délit n'est avéré; la réponse de l'UDC n'a été qu'un silence assourdissant ! C'est bien là la raison de notre refus ! Cette population qui vient effectivement chercher refuge à Genève ne demande qu'une chose: de pouvoir enfin vivre en paix. Et j'aimerais rappeler à l'UDC qui semble continuer à l'ignorer que la majorité des crimes sexuels ne sont pas perpétrés par des gens de l'extérieur - c'est statistique - mais par des gens de l'entourage immédiat des enfants victimes ! Pour ces raisons, nous refuserons cette motion. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, nous voilà une fois encore nantis d'un texte qui criminalise les requérants d'asile. Cette motion alimente les pires préjugés et considère les requérants d'asile comme potentiellement coupables de tous les maux. Cette posture empruntée systématiquement par l'UDC est dénuée de sens; elle est outrancière, calomnieuse et irresponsable.
J'aimerais quand même exprimer mon étonnement face à un ou deux éléments amenés au cours de ce débat. D'abord, on entend avec un certain étonnement qu'il y aurait tout d'un coup diverses possibilités d'implantations de centres d'accueil et qu'il n'y «aurait qu'à» ! Or, on sait les difficultés du département à trouver des lieux pour implanter ces centres et les oppositions qui s'élèvent régulièrement contre ces lieux. Et puis, on nous parle de la population, la population qui ne veut pas, la population qui a peur. Il y a effectivement dans la population un certain nombre de personnes qui ont des appréhensions - à plus forte raison quand on alimente ces appréhensions en accusant et en prétextant que les requérants d'asile sont capables de tout et des pires crimes ! J'aimerais vous rappeler que, dans un certain nombre de communes, des associations se sont créées pour accueillir les requérants d'asile, pour les accompagner, pour leur proposer des activités. Donc, la population dont vous parlez, elle n'est pas une, elle est diverse ! Si un certain nombre de gens ont des appréhensions, la meilleure chose qu'il conviendrait de faire, ce serait de permettre aux gens de se rencontrer, ce serait de cesser d'alimenter des préjugés et de répandre des calomnies et plutôt de favoriser la rencontre et les échanges pour que les tensions s'apaisent. Voilà ce qui serait une attitude responsable, notamment de la part d'élus ! C'est ce que nous vous appelons à favoriser comme attitude en refusant cette motion. (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, dire que c'est complexe ne veut pas dire que c'est dangereux; dire que c'est délicat ne veut pas dire que c'est dangereux. Evidemment, à écouter l'UDC depuis hier, on peut imaginer que ces personnes devraient être dans des camps de rétention, voire des camps de concentration. Non, la population n'a pas raison d'avoir des craintes, même si elle a raison de les exprimer ! Nous faisons confiance au Conseil d'Etat, Monsieur le président, pour gérer au cas par cas, selon les communes, selon les endroits. C'est ce qui s'est fait à satisfaction. Vous savez ce qui a traumatisé les enfants aux alentours des écoles, Monsieur le président ? Ce sont les affiches de l'UDC avec ces grosses bottes qui écrasent des gens ! Ça, c'est traumatisant ! Ce ne sont pas les migrants qui sont traumatisants ! (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il faut rappeler qu'au plus fort de la crise migratoire, lorsque l'Hospice général avait à gérer neuf abris, jamais la police de ce canton n'a constaté une quelconque recrudescence des délits et encore moins des crimes ou même des incivilités. C'est pour vous dire à quel point cette population est majoritairement, et en très grande partie, respectueuse; elle se trouve d'ailleurs en procédure d'examen d'asile et a un intérêt évident à montrer un respect total de notre législation et à faire preuve d'un comportement irréprochable.
Si je peux comprendre l'inquiétude de parents, souvent exacerbée par les liens affectifs bien légitimes vis-à-vis de leur progéniture, je ne peux pas comprendre - je le reproche à cette proposition de motion - que l'on puisse instrumentaliser ces craintes pour en faire un argument politique. Je trouve ce texte particulièrement insultant pour ces populations: on les stigmatise et on les présente comme des populations qui seraient prédatrices, prédatrices sexuelles, alors qu'il a été très justement rappelé que la quasi-totalité des crimes commis dans ce domaine l'est par des personnes bien résidentes, souvent des personnes au-dessus de tout soupçon et proches des enfants en question.
Permettez-moi de sourire quand je vois qu'on nous demande d'installer ces personnes à plus de 500 mètres d'une école. Si on considère qu'il y a un risque, ce qui est évidemment une absurdité totale, à ce moment-là, il faudrait tout simplement interdire ces personnes de notre territoire. Excusez-moi, Mesdames et Messieurs, mais un prédateur sexuel peut parcourir 500 mètres et, généralement, s'il ne veut pas être immédiatement soupçonné, il a plutôt intérêt à ne pas commettre ses actes à proximité immédiate de l'endroit où il réside ! Excusez-moi, mais le texte même de cette motion me fait sourire.
J'ai entendu un autre argument des motionnaires qui m'inquiète: on nous dit qu'il faut éviter les tentations. Messieurs les membres de l'UDC qui avez déposé cette motion, c'est exactement l'argumentation que soutiennent ceux contre lesquels vous vous battez de manière tout à fait légitime: ces islamistes qui veulent couvrir leurs femmes au motif qu'il ne faut pas créer de tentation ! Excusez-moi, mais ne pas vouloir créer de tentation est un argument que je ne veux pas entendre ! Je pense que les moyens pour éviter ce genre de problèmes sont tout autres que ceux que vous souhaitez. Je pense que c'est d'abord la mise en confiance, c'est d'abord le respect mutuel: on ne respecte finalement que ceux qui nous respectent, et ce n'est pas avec des textes comme ceux-ci que vous obtiendrez le respect de ceux qui viennent sur notre territoire ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je lance le vote sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2333 est rejetée par 58 non contre 9 oui et 14 abstentions.