République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 novembre 2017 à 20h30
1re législature - 4e année - 8e session - 42e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Pierre Maudet et Serge Dal Busco, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Pierre Conne, Edouard Cuendet, Jean-Louis Fazio, Pierre Gauthier, Sandra Golay, Vincent Maitre, Cyril Mizrahi, Patrick Saudan et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Marko Bandler, Maria Casares, Nathalie Hardyn, Patrick Malek-Asghar, Ana Roch, Alexandra Rys et Céline Zuber-Roy.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (La procureure entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Gwénaëlle Gattoni.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une magistrate du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (La magistrate entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Gabrielle Elisabeth Sturm.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Sabine von der Weid et M. Laurent Moutinot.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Communications de la présidence
Le président. Je salue à la tribune des membres du Club genevois de débat, association affiliée à l'Université de Genève, qui assistent à notre séance afin d'observer l'art oratoire des députés et de mieux comprendre le système politique genevois. (Applaudissements.)
Autre petite information: la panne que nous avons subie tout à l'heure était due à un micro défectueux. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de manier le dispositif de la salle avec douceur, d'abaisser délicatement les micros lorsque vous terminez votre intervention, parce que nous n'avons bientôt plus de pièces de rechange et que nous devons tenir encore sept mois !
Une voix. Il ne faut pas les rabattre brutalement !
Une autre voix. C'est la faute de Sormanni !
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons notre première urgence, la proposition de résolution 835. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à Mme Perler, première signataire du texte.
Mme Frédérique Perler (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette résolution est simple et courte: elle stipule que la détention administrative d'enfants doit cesser et invite le Conseil d'Etat à demander à l'Assemblée fédérale de modifier les dispositions de la loi fédérale sur les étrangers - la LEtr - de sorte à la proscrire en Suisse.
Pour rappel, qu'est-ce que la détention administrative ? C'est la privation de liberté pour des raisons relatives au statut migratoire. La législation fédérale l'autorise pour des mineurs âgés de 15 à 18 ans, mais l'interdit pour ceux de moins de 15 ans. L'incarcération d'enfants pendant une si longue période - elle est en effet permise jusqu'à douze mois maximum - est extrêmement choquante et entraîne d'importants désordres cliniques: dépression sévère, anxiété, troubles d'origine post-traumatique, voire automutilation. Outre son coût et son inégalité, elle porte très sérieusement préjudice aux jeunes.
Dans sa réponse circonstanciée à la question écrite urgente 680 que j'avais déposée il y a un mois, le Conseil d'Etat, que je remercie ici, réaffirme sa position, à savoir qu'il est totalement défavorable à la détention administrative de mineurs dans les cantons concordataires et souhaite intégrer cet élément dans la discussion sur les concordats - ça, c'est encore de la musique d'avenir.
Maintenant, comment le canton de Genève, berceau des droits de l'Homme, peut-il agir ? Eh bien justement en demandant à l'Assemblée fédérale de modifier la loi dans ce sens. Cela fait suite à une étude effectuée par Terre des hommes et publiée en juin dernier, si j'ai bonne mémoire, qui préconise la révision de la loi fédérale afin d'interdire... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...l'incarcération de mineurs et de proposer le développement d'alternatives à la privation de liberté, des foyers, par exemple. L'ensemble des cantons devraient appliquer la recommandation du Comité des droits de l'enfant, selon lequel les mineurs ne devraient jamais être emprisonnés.
Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe, Madame.
Mme Frédérique Perler. Oui, Monsieur le président, merci. Je vous fais l'économie, Mesdames et Messieurs, de la liste de toutes les instances internationales qui recommandent de ne pas recourir à la détention administrative de jeunes en raison de leur statut migratoire, tout en soulignant que plusieurs pays y ont déjà renoncé. Il est important que Genève soutienne une initiative fédérale dans ce sens déposée à l'Assemblée fédérale - mais qui n'y a pas encore été traitée - afin d'appuyer cette volonté.
Enfin - j'en terminerai par là, Monsieur le président - pour celles et ceux qui douteraient des chiffres énoncés dans le texte, sachez qu'ils nous viennent directement du Secrétariat d'Etat aux migrations: en 2016, 64 enfants ont été privés de liberté à travers le pays et, en 2017, ce serait le cas de 19 mineurs; je précise à cet égard, comme l'a indiqué le Conseil d'Etat, qu'aucun enfant n'est incarcéré dans le canton de Genève. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de renvoyer cette résolution directement au Conseil d'Etat dans une belle unanimité; elle est claire, précise, il n'y a pas lieu d'entamer tout un travail en commission. Merci. (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). L'essentiel a été dit. Pour le parti démocrate-chrétien, les choses sont très claires: nous savons que ce problème n'existe pas ici - nous en sommes d'ailleurs très reconnaissants au Conseil d'Etat et à M. Maudet tout particulièrement - mais il n'empêche qu'en cosignant cette résolution, nous souhaitons soutenir la position de Genève, de son gouvernement et de son parlement. Il ne doit jamais y avoir de mineurs incarcérés dans notre canton ! Le «jamais» pouvant parfois être variable, nous voulons renforcer cette prise de position pour demain, pour après-demain et pour le futur.
Chaque fois que nous pourrons tenter de convaincre le reste de la Suisse, qui n'a pas toujours l'ouverture d'esprit de Genève, nous le ferons, nous serons aux côtés de celles et ceux qui veulent éviter l'inacceptable, c'est-à-dire la détention d'enfants. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien vous invite, Mesdames et Messieurs, à renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, qui saura nous rassurer et sera ainsi convaincu que nous sommes derrière lui pour cette cause tout à fait fondamentale. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame. Je rappelle juste qu'il est prévu que cette résolution soit renvoyée à l'Assemblée fédérale, et non au Conseil d'Etat. La parole est à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. En voilà une résolution pleurnicheuse et alarmiste ! En réalité, la situation n'est pas du tout celle qui y est décrite. Le plus gros mensonge se situe au deuxième paragraphe, quand on parle d'incarcérations: ce n'est absolument pas le cas, il faut vraiment faire attention à ce qu'on dit. La détention administrative telle que décrite dans ce texte ne reflète en rien la réalité, car les jeunes qui sont détenus le sont avec leur famille.
Ce que vous demandez dans les faits, Mesdames et Messieurs, c'est d'extraire ces mineurs de leur famille, ce qui est hautement plus traumatisant que la situation que vous décrivez, c'est de faire éclater des familles qui sont en attente de renvoi. Or c'est bien cela qui est bouleversant pour les jeunes, ce n'est pas d'être détenus avec leur famille dans des centres - ce ne sont pas des prisons, mais bien des centres de détention. Ces familles sont détenues en attente de renvoi, c'est pour ça qu'on les détient, c'est parce qu'on attend de pouvoir les renvoyer, et il n'y a rien de traumatisant à cela. Ils bénéficient d'un régime de semi-liberté, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas sortir comme ils l'entendent, mais ils ne sont pas non plus enfermés 24 heures sur 24 dans une cellule comme des prisonniers. Ce que vous décrivez est totalement faux.
Il faut quand même considérer que cette loi a été décidée par le Parlement fédéral et qu'elle n'a jamais fait l'objet d'un quelconque référendum, elle n'a jamais été contestée directement, donc il n'y a aucune raison que le législateur change une loi qui n'a fait l'objet d'aucun recours. Nous vous recommandons de rejeter purement et simplement cette résolution qui est alarmiste, comme je le disais, et ne sert pas à grand-chose, si ce n'est à faire du pur électoralisme et à décrire des situations qui sont fausses ou n'existent pas. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur. La parole va à Mme Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). ...Mme Schneider Hausser, qui va essayer de se tenir par rapport à ce qui vient d'être dit, Monsieur le président ! Je m'excuse, Monsieur Florey, mais la détention administrative à Genève sera fonctionnelle à La Brenaz II, qui sert actuellement de prison, donc venir dire que les gens en détention administrative ne sont pas en prison, même si c'est pour une nuit ou quelques jours, constitue un mensonge.
Pour nous, pour moi, priver des enfants de liberté parce qu'ils suivent leurs parents dans leur parcours migratoire... (Remarque.) Oui, jusqu'à 18 ans, ce sont des enfants, et après ce sont de jeunes adultes ! ...parce qu'ils fuient une situation de guerre ou de troubles politiques, parce qu'ils espèrent trouver ici... (Remarque.) Je suis désolée, mais les requérants d'asile viennent ici pour trouver un refuge, c'est ce que ces personnes et ces mineurs recherchent en Suisse. Pour nous, socialistes, il est inadmissible de soutenir des mesures telles que la détention administrative pour des mineurs, même si les raisons de la demande d'asile n'ont, d'après nos critères, pas de fondement.
Je ne le dis pas souvent, mais en tant que mère de quatre enfants, je pense que si les enfants et les jeunes adultes sont solides, même dans un contexte favorable tel que nous le connaissons à Genève, ils ont besoin d'éducation et de soutien. Ce n'est pas simple tous les jours de vivre dans notre monde, et ils ont besoin d'être accompagnés. Proposer la prison comme seule réponse aux jeunes qui viennent chercher refuge ici, ce n'est pas une solution.
Genève, en tant que ville des droits de l'Homme, en tant que ville qui héberge autant d'instances internationales, doit porter cette résolution à Berne. En effet, la Suisse a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant, qui est beaucoup plus stricte que le droit fédéral. Ce n'est pas une histoire d'électoralisme, ce sont des questions fondamentales de positionnement de société. Si des sociétés riches comme la nôtre ont pour seule réponse à un besoin de refuge la prison pour mineurs, eh bien c'est vraiment déplorable et triste. Le débat doit avoir lieu à Berne, car c'est là que la loi fédérale peut être modifiée. Mesdames et Messieurs, nous vous demandons bien évidemment d'accepter cette résolution. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, Genève a banni la pratique de la détention administrative des mineurs; nous aurions pu nous arrêter là et nous féliciter d'être de braves gens, si ce n'est qu'on nous dit qu'il existe 64 cas de détention d'enfants en Suisse. Voilà un motif suffisant pour qu'aujourd'hui, fort de son expérience en la matière, notre canton adresse une résolution à l'Assemblée fédérale pour faire en sorte que cette pratique cesse et que soit totalement éradiquée la détention administrative des jeunes.
Justifier la privation de liberté parce qu'il serait apparemment moins pire de ne pas séparer les enfants de leur famille et leur imposer l'expérience traumatisante de la prison parce que ce serait mieux pour eux revient tout simplement à ignorer la réalité de l'incarcération, l'expérience traumatisante qu'elle peut représenter pour des jeunes. C'est une forme de banalisation de l'exil qui est intolérable et qui n'a aucun sens, si ce n'est promouvoir une politique de dissuasion à l'égard des requérants d'asile, quitte à bafouer les conventions internationales. Nous n'entrerons pas dans cette démarche, nous refuserons ce discours et, résolument, nous soutiendrons ce texte. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Le groupe PLR s'est toujours montré sceptique quant aux résolutions à renvoyer à l'Assemblée fédérale, parce qu'on sait que leur succès est malheureusement assez modeste et qu'en règle générale, elles ne sont suivies d'aucun effet. Nous avons toutefois accepté l'urgence, parce qu'on est en train de parler de mineurs et que les conditions de détention administrative d'enfants nous interpellent.
Cela dit, nous sommes un peu étonnés par votre demande de renvoi direct parce que, comme vous l'avez dit, Genève ne pratique pas la détention administrative de mineurs. Pour ma part, j'aurais trouvé intéressant qu'on commence par étudier cette résolution ici, qu'on profite du fait qu'elle a été établie par le groupe des Verts et signée par les autres partis pour l'examiner en commission. En effet, comment se fait-il que la détention administrative de mineurs se pratique dans les autres cantons, mais pas chez nous ? Est-ce parce qu'on mène une politique différente, plus rapide en matière d'expulsion lorsqu'il y a des familles, est-ce parce que notre magistrat est extrêmement attentif à ce genre de problématiques ?
Nous voudrions obtenir de véritables chiffres, savoir ce qu'il en est de la politique genevoise en la matière avant d'aller donner des leçons aux autres cantons et de demander à l'Assemblée fédérale de suivre un texte alors même que, chez nous, nous n'avons pas pris la peine de l'étudier et de déterminer les raisons pour lesquelles nous arrivons à de tels résultats. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à renvoyer ce texte à la commission judiciaire; il n'a pas besoin d'y passer des années, mais je pense qu'il serait dommage de nous priver de son étude. Merci.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'a pas d'avis à exprimer quant à cette requête, si ce n'est qu'il vous rappelle le sort généralement réservé aux propositions de résolutions que nous adressons directement à l'Assemblée fédérale. Je relève que trois des partis dont sont issus les signataires sont représentés au Parlement fédéral et, partant, m'étonne que ce travail de conviction ne commence pas au sein de leurs rangs: Mesdames et Messieurs, pourquoi ne faites-vous pas en sorte que vos représentants à Berne soutiennent ce qui vous semble évident ?
Cela a été dit et répété, Genève n'emprisonne pas de mineurs, même en détention administrative, et il serait ainsi particulier que ce genre de démarche émane de notre canton, qui risquerait d'être perçu comme un donneur de leçons. Cela dit, le Conseil d'Etat ne s'oppose pas à ce que vous demandiez que l'on fasse partout ce qui se fait ici, donc à votre bon coeur, Mesdames et Messieurs.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission judiciaire et de la police, que je mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 835 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 57 oui contre 31 non.
Débat
Le président. Le prochain objet qui nous occupe est la R 836. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et la parole va au premier signataire du texte, M. Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cela fait maintenant dix jours que les travailleuses et travailleurs de Notre-Dame et Plantamour sont en grève. Un mouvement social d'une telle importance constitue un événement dans ce canton. Quelle en est la cause ? C'est la privatisation des services hôteliers - pas seulement l'externalisation de certains travaux, mais bien la privatisation des services hôteliers - en faveur de l'entreprise Adalia SA.
Pour les usagers, cela revient à une baisse significative de l'encadrement médico-social. En effet, la présence du personnel de l'EMS qui fait le ménage, les lits, à manger, qui aide pendant les repas contribue, au quotidien, au confort des personnes âgées. Il s'agit donc d'une mesure à l'encontre de nos aînés, qui a été prise par la direction de Notre-Dame et Plantamour.
Mais il s'agit également d'une mesure très brutale à l'égard du personnel puisqu'il est question de baisses des salaires de l'ordre de 600 F en début de carrière et jusqu'à 1600 F en fin de carrière - les rémunérations d'entrée chez Adalia sont de 3417 F par mois - et d'une augmentation du temps de travail de deux heures. C'est une réelle menace pour les employés de ces deux établissements, qui ne seront plus soumis à la convention collective des EMS, une très grave atteinte à leurs conditions de travail, et cela risque de faire tache d'huile dans le reste des EMS de notre canton.
Le groupe Ensemble à Gauche interpelle le Conseil d'Etat quant à sa passivité s'agissant de ce dossier. Dix jours d'arrêt de travail et aucune intervention déterminante pour faire cesser ces privatisations, alors que l'Etat subventionne, donne le droit d'exploiter et signe les contrats de prestations ! Il est temps qu'il prenne ses responsabilités, dise clairement et fermement non à la direction de ces deux institutions. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). C'est vrai que la situation dans les EMS est scandaleuse, on assiste à une externalisation du personnel, et pour quelle raison ? Pour faire baisser les salaires de manière arbitraire et dramatique. Les employés vont se retrouver à l'Hospice général, et c'est donc auprès du contribuable qu'on va chercher l'argent, c'est le contribuable qui, in fine, passe à la caisse, finance les institutions publiques et les sociétés privées, et c'est scandaleux.
Mais ce qui est encore plus scandaleux, c'est que de nombreux frontaliers vont venir les remplacer - vous connaissez le thème de prédilection du MCG. On se retrouve, comme nous l'avons signalé dans une motion sur le même thème déposée cette semaine, face à un véritable hold-up de l'emploi dans les EMS par les frontaliers. Il n'est pas digne de baisser pareillement les salaires, de ne plus offrir de rémunérations décentes aux employés des EMS, du secteur hôtelier ou encore de la restauration, ce n'est pas acceptable - pour notre part, en tout cas, nous ne l'accepterons jamais. Nous devons nous opposer à cette sous-enchère salariale à grande échelle, ce que fait le MCG de toutes ses forces, parce qu'on est en train de détruire la société genevoise que nous avons connue, on crée un véritable massacre sur le marché de l'emploi, massacre qui a été d'une certaine façon prémédité par une association de résidences qui regarde à courte vue.
Ce que l'on fait est très simple: on étatise les pertes, Monsieur le président, et on privatise les profits, c'est la vieille règle bien connue qui va être appliquée à l'ensemble des EMS genevois si on laisse cette dérive se poursuivre. C'est pour ça que le MCG dit stop, lutte contre cette vision néfaste et lui oppose une véritable politique de préférence cantonale. C'est ce que nous défendons, ce que nous devons défendre dans tous les cas de figure, sur tous les terrains, et c'est pour ça que je vous invite, Mesdames et Messieurs, à suivre cette résolution.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien s'octroiera la liberté de vote sur cette résolution puisque, après discussion, il y avait égalité des suffrages au sein du groupe. Je relèverai deux interrogations d'ordre général.
Tout d'abord, la question de la stabilité: il convient d'avoir du personnel stable au sein d'un EMS. Les employés d'hôtellerie, c'est-à-dire le nettoyage, le service à table, sont parmi les plus essentiels pour les résidents, ce sont ceux qui ont le plus de contacts et de discussions avec eux. Il faut savoir que les personnes âgées, avant d'intégrer ce genre d'établissement, ont souvent une femme de ménage chez elles et ont pris l'habitude de ce contact humain. J'ai discuté avec de nombreux responsables et infirmières-cheffes d'EMS qui m'ont dit ceci: «Sans personnel stable pour l'hôtellerie, on ne pourra pas gérer notre institution, on a besoin de lui pour avoir des retours en cas de problème entre un usager et le reste de l'équipe.» Pour nous, la décision prise à Plantamour et Notre-Dame est problématique, parce qu'elle laisse planer le doute quant à la stabilité du personnel; même si on nous promet le contraire, on redoute une rotation importante des employés, qui ne pourront alors plus jouer leur rôle dans les soins que l'on doit aux aînés qui entrent en résidence.
Ensuite, il y a le problème d'une potentielle baisse des salaires. Le PDC aimerait dire...
Le président. Monsieur Stauffer, merci d'aller téléphoner dehors ! Excusez-moi, Monsieur le député.
M. Bertrand Buchs. Ce n'est rien, Monsieur le président, je reprends: pour le PDC, il est inadmissible qu'on ne puisse pas vivre de son salaire, et c'est là quelque chose qu'on répétera durant toute la campagne électorale. On doit pouvoir vivre de son salaire, c'est-à-dire qu'une personne qui travaille à 100% ne doit pas dépendre des services sociaux, ce n'est pas à l'Etat de subventionner des rémunérations insuffisantes. Il s'agit d'une donnée importante: on est en train de fausser l'aide sociale, car l'Etat comble les salaires que des gens baissent. Je crois qu'il y a là une réflexion éthique à mener: est-ce vraiment à l'Etat de subventionner les salaires, ne devrait-on pas percevoir une rétribution digne qui nous permette de vivre ? A ce sujet non plus, on n'a pas de réponse à Notre-Dame et Plantamour. On nous dit qu'il n'y aura pas de diminutions - je l'espère, je veux bien le croire, mais si on ne baisse pas les salaires, alors où fera-t-on les économies prévues ? Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Concernant cette problématique, je constate une chose: d'après ce que l'on sait, les salaires comme les places de travail ont été garantis, le tout respecte les conventions collectives de travail, donc on peut déjà émettre des doutes quant à la véracité de certains points exprimés dans cette résolution.
Maintenant, sur le fond, on peut effectivement se demander s'il est judicieux d'externaliser certaines tâches et pourquoi bon nombre d'EMS pratiquent déjà la sous-traitance tandis que d'autres n'y feront certainement jamais recours. Il serait intéressant d'étudier la question afin de déterminer s'il y a un réel gain. Personnellement, en l'état, même en lisant la résolution, je suis incapable de répondre à ces questions.
Dans certains établissements scolaires, le Conseil d'Etat a déjà externalisé des postes de travail, des pétitions demandant d'y renoncer ont été déposées, qui ont été refusées par une majorité de ce Grand Conseil. Pour ma part, je pense qu'il serait intéressant d'étudier ce texte à la commission de l'économie en même temps que la proposition de motion 2427, puisque ces deux objets sont liés, et qu'on obtienne de vraies réponses aux questions posées ici - je ne suis pas le seul à m'en poser, le PDC a lui aussi émis un certain nombre d'interrogations, et d'autres partis en ont également. Voilà pourquoi je demande le renvoi de cet objet à la commission de l'économie et qu'il soit traité avec la proposition de motion 2427, qui y a déjà été renvoyée. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Lussi pour trente secondes.
M. Patrick Lussi (UDC). Formidable, Monsieur le président, merci. Quant à moi, j'aimerais simplement demander ceci: de quoi parlons-nous, Mesdames et Messieurs ? Je vais vous choquer: nous parlons du racket sur les personnes âgées ! Chacun a déjà connu cette situation, par exemple avec ses parents. Le prix de la pension s'élève maintenant à 10 000 F ou 11 000 F par mois, est-ce normal ? Mesdames et Messieurs les députés, quelque chose ne joue pas, il ne s'agit pas d'attaquer qui que ce soit, mais juste de dire que notre système est malade, que ça coûte trop cher et qu'il nous faut trouver des solutions. L'UDC vous recommande de renvoyer ce texte en commission pour qu'il y soit étudié et qu'on trouve de réelles solutions, on ne peut pas simplement décider quelque chose sur le siège, comme ça. Je vous remercie.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, bon nombre d'entre vous habitent sans doute des immeubles; dans les années 90, nous avons vu les régies externaliser tout ce qui relevait de la conciergerie avant de revenir petit à petit au principe du concierge d'immeuble attitré, parce qu'elles se sont rendu compte que le lien entre les gens, la résolution des problèmes de voisinage étaient importants et ne pouvaient se faire que si les personnes étaient sur place et connaissaient les habitants de l'immeuble.
Mais revenons aux établissements de Notre-Dame. Nous voici donc en route vers l'entreprise EMS; parfait ! On a des clients captifs idéals, mais des frais fixes qui augmentent et qu'il faut donc juguler, limiter, rationaliser; d'accord. De fil en aiguille, nous nous dirigeons vers une direction d'EMS qui va gérer des mandats au moins-disant - et là, je me tourne vers les professionnels du bâtiment, parce qu'ils connaissent bien les mandats et les AIMP au moins-disant; magnifique !
Une voix. Au mieux-disant !
Mme Lydia Schneider Hausser. Non, au moins-disant, c'est-à-dire ce qui est le moins cher, parce qu'il faut faire des économies ! Il faudra donc gérer une entreprise pour la cuisine, une autre pour le ménage, puis pour la lessive, et peut-être aussi pour préparer les piluliers... Ensuite, on touche aux soins, donc cela s'arrêtera là pendant une période, mais sait-on jamais !
Les grévistes relevaient, à juste titre d'ailleurs, que les aînés ne sont pas uniquement des usagers captifs, mais ont aussi besoin d'être rassurés quant à leur environnement, leur chambre, le ménage, les gens qu'ils côtoient, leurs effets, les habits qu'ils perdent et croient s'être fait voler; avoir des personnes qui passent en vitesse parce que chaque geste est compté, ça n'a plus beaucoup de sens, et ce sera compliqué de gérer tout ça avec du lien, dans une ambiance cohérente.
Accepter l'externalisation, c'est aussi décider de sortir de l'Etat une partie des personnes qui y travaillent. Une fois le mandat donné, on peut quand même se poser quelques questions quant aux contrôles de qualité. Certes, on a des clients, mais ils sont captifs et ce sont nos aînés, ce qui est tout de même un peu gênant. Enfin, et ça a bien sûr été dit... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...c'est aussi accepter des salaires plus bas, et il sera intéressant de voir si cela va obliger ces salariés à se tourner vers les prestations complémentaires familiales. On peut bien enlever d'un côté, mais si on doit compenser de l'autre... Il faut quand même que les gens, que les familles puissent vivre à Genève.
Le parti socialiste demande au gouvernement de faire tout ce qu'il peut pour s'opposer à ces externalisations in fine, et nous vous prions, chers collègues, d'accepter cette résolution en la renvoyant au Conseil d'Etat. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts soutiennent bien évidemment cette résolution. Après tout ce qui a été dit jusqu'ici, j'aimerais ajouter que cette affaire d'externalisation nous pose trois problèmes.
Le premier, c'est le principe même de la sous-traitance, qui vise à contourner une convention collective de travail. Comme l'a relevé M. Buchs, si on diminue les salaires, c'est un report vers des prestations sociales existantes à Genève. Or tel n'est pas le but de l'aide sociale ! Il n'est pas question de pratiquer des externalisations d'un côté pour ensuite, de l'autre, ouvrir le porte-monnaie afin de soutenir les travailleurs et travailleuses. Que signifie l'externalisation ? Ça signifie précariser l'emploi, ce qui n'est pas acceptable pour les Verts, parce que ces EMS sont largement subventionnés par l'Etat de Genève. En tant que contribuables, en tant que politiques, en tant que députés, nous ne pouvons pas accepter ça, surtout après plus de trente ans de lutte pour l'amélioration des conditions d'accueil de nos aînés, il est impensable de détruire tout ce qui a été tissé ces trente dernières années.
Le deuxième point qui nous pose problème, c'est la question de la déontologie, de l'éthique: quand on est largement subventionné, pourquoi créer une société anonyme dans le but d'externaliser certaines tâches ? M. Buchs nous disait tout à l'heure qu'il n'y aurait pas de baisses des salaires; dans ce cas, Monsieur le président, pourquoi externaliser ? Si rien ne bouge, si rien ne change, on peut se demander où vont aller ces économies. Eh bien il n'y a pas besoin d'être économiste - ce que je ne suis pas, du reste - pour deviner dans quelles poches elles atterriront !
La troisième chose qui chiffonne les Verts, ce sont les conditions d'accueil des résidents, qui ont travaillé toute leur vie, qui ont fait la richesse de notre canton et qui vont se retrouver dans une institution pour plus de 7000 F par mois en moyenne - pour certains, c'est même le SPC qui doit intervenir... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...en risquant d'être moins bien soignés. Je ne vais pas vous citer des expertises de gérontologues, mais je puis vous dire que nous sommes arrivés à une qualité de prise en charge qu'il serait extrêmement dommageable de perdre, il serait malvenu de détricoter tout ce qui a été réalisé jusqu'ici.
Enfin, les Verts refuseront le renvoi à la commission de l'économie. Ce serait un peu hypocrite de la part de ce Grand Conseil de le voter, car nous savons pertinemment que cette question n'y sera pas traitée avant six mois. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, l'intendance et la restauration dans les EMS, nous le savons bien, ne sont pas de simples tâches domestiques, mais remplissent une fonction sociale importante au pied du lit, à côté de la chaise des résidents au restaurant, devant la cafétéria. Elles sont indispensables à la qualité de vie dans une institution et font partie intégrante du projet médico-social. Les banaliser en les réduisant à de simples travaux n'a aucun sens, c'est une manière pernicieuse de jouer une convention collective contre l'autre: celle de l'hôtellerie-restauration contre celle des EMS. On a déjà vécu ce genre de situations et régulièrement constaté qu'elles n'allaient ni dans le sens des travailleurs, ni dans celui de la qualité des prestations. Il est hors de question de se donner bonne conscience en se disant qu'il reste une convention collective, comme l'a fait M. Florey - vous transmettrez, Monsieur le président; non, ce n'est pas la bonne convention, ce n'est pas celle qui doit s'appliquer dans ce secteur, ce n'est pas celle qu'il faut dans les EMS.
Finalement, qu'est-ce qu'on est en train de faire avec de telles externalisations ? On est en train d'offrir un marché à des sociétés privées, on est en train de privatiser une partie des services publics, ce à quoi nous sommes fermement opposés. On nous dit que les EMS coûtent cher; oui, c'est une réalité qui est liée à la qualité des prestations et aux besoins croissants des personnes qui vivent dans ces lieux, mais ce n'est pas en privatisant certaines missions qu'on réglera ce problème, parce que le bénéfice n'ira ni aux établissements, ni à l'Etat, vous pouvez en être certains.
J'aimerais revenir sur un élément qui a déjà été soulevé, celui de l'appauvrissement des travailleurs. Vous avez beau vous gargariser en disant qu'il restera une convention collective, c'en est une dont les salaires sont beaucoup plus bas que ceux aujourd'hui pratiqués dans ces établissements. Ce que vous allez faire, c'est appauvrir une catégorie de citoyens. Le constat du rapport sur la pauvreté - qui, je vous le rappelle, avait été commandé par le Conseil d'Etat - est celui d'un appauvrissement croissant d'une partie de la population en raison du défaussement de certaines d'entreprises, ce qui crée un report sur les charges de l'Etat; en l'occurrence, en renonçant à la convention collective des EMS au profit de celle de l'hôtellerie-restauration, c'est ce que vous êtes en train de faire.
Je vous exhorte véritablement, Mesdames et Messieurs, à refuser cette manoeuvre particulièrement insane, qui va à l'encontre de l'intérêt non seulement des travailleurs, mais surtout des résidents dans les institutions. Je vous remercie de votre attention.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez l'attachement du parti libéral-radical au partenariat social, et c'est finalement là le thème du débat de ce soir. On a un problème dans deux EMS, voilà dix jours que les employés sont en grève. Il s'agit d'un problème d'ordre relationnel entre la direction et ses collaborateurs, c'est-à-dire qu'aucun accord n'a été trouvé - ce sont des faits objectifs. Or ce n'est pas le rôle de ce parlement de s'immiscer dans le partenariat social. Pourquoi ?
Tout d'abord, il faut bien dissocier deux choses: on ne parle pas d'une entité étatique, mais bien d'une entité subventionnée régie par un contrat de prestations. Celui-ci constitue un accord comprenant des objectifs à atteindre dans une certaine autonomie. Or il est capital pour le bon fonctionnement des institutions que la direction assume son rôle d'employeur et se réfère aux buts fixés. Il y a un contrôle étatique, nous pouvons dire que nous ne sommes pas d'accord sur le prix de la pension ou sur un autre élément, nous établissons des objectifs. Aussi, l'analyse pure doit se faire à l'aune du contrat de prestations.
Dans la construction, vous le savez, nous sommes souvent confrontés à des problèmes de sous-traitance, et on admet dans ce parlement la responsabilité solidaire, l'engagement du sous-traitant. Le message pourrait être le suivant: oui, la direction a sans doute manqué de tact s'agissant de l'accompagnement vers cette externalisation, il aurait peut-être fallu davantage préparer les choses, mieux analyser l'offre, c'est un reproche objectif qu'on peut lui faire. Cependant, ce n'est ni notre rôle ni notre compétence, je le répète, de nous immiscer dans la direction opérationnelle de l'établissement.
Je pense qu'il faut rester objectif, et c'est malheureux parce que le but de cette résolution, si je lis le titre, c'est d'empêcher les externalisations dans l'intérêt de nos aînés; est-ce vraiment dans l'intérêt de nos aînés que le parlement demande au Conseil d'Etat d'imposer à la direction le contenu de contrats de prestations que nous avons nous-mêmes votés ? La réponse est non. Le PLR vous demande de refuser cette résolution, ou alors de la renvoyer à la commission de l'économie pour un traitement vraiment objectif. Merci.
M. Gabriel Barrillier. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole à Mme Engelberts pour une minute trente.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Je suis tout à fait favorable au renvoi à la commission de l'économie. Mais je voudrais quand même dire la chose suivante: pourquoi notre parlement s'intéresse-t-il à cette problématique au sein des EMS ? L'ensemble des décisions qui sont prises, tant sur un plan économique que politique, devraient profiter aux résidents, puisqu'on n'arrête pas de dire que la personne est ce qu'il y a de plus important, comme le malade dans un hôpital. A ce moment-là, il faut prendre en compte les besoins, et je crois que nous sommes autorisés à le faire - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons développé une politique très entreprenante s'agissant des personnes âgées dans notre canton.
Quels sont ces besoins ? Tout d'abord, il y a un besoin d'autonomie, qui doit être respecté tout en évaluant le degré de dépendance. Ensuite - et c'est généralement une priorité pour les personnes âgées... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...il y a un besoin de continuité dans les activités, laquelle s'opère à travers tout le personnel, en particulier celui au plus bas de l'échelle, généralement les femmes de chambre et les intendants au moment des repas, parce que ce sont les employés qui connaissent le mieux l'intimité des usagers. Qu'on le veuille ou non, c'est ainsi que ça se passe.
J'aimerais encore ajouter...
Le président. Il vous faut conclure, Madame.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Bon, alors je souhaite simplement que ce Grand Conseil se montre cohérent en ce qui concerne nos aînés. Merci.
Le président. Je vous remercie, Madame, et laisse la parole à M. Stauffer pour une minute trente également.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous ai écoutés avec attention. Les arguments avancés par nos collègues Mme Haller, d'Ensemble à Gauche, et Mme Engelberts, indépendante, font sens dans une certaine mesure. En revanche, je dois m'opposer aux slogans anti-frontaliers à deux francs, parce que le problème, ce n'est pas les frontaliers... (Exclamations.) Laissez-moi vous expliquer pourquoi, Mesdames et Messieurs...
Le président. Laissez parler M. Stauffer, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Laissez-moi vous expliquer pourquoi: le grand responsable, c'est l'Etat qui, année après année, fait des économies sur le dos des établissements publics, notamment des EMS. Alors que font les directions de ces institutions ? Eh bien elles licencient les employés de plus de quarante ans qui sont là depuis des années parce qu'ils coûtent trop cher, et engagent évidemment de plus jeunes qui coûtent moins cher. Puis, cerise sur le gâteau, on externalise les tâches pour faire diminuer encore les frais. Les responsables, ce ne sont pas les EMS, c'est à proprement parler la politique gouvernementale qui provoque ces séquelles.
Or quand on veut s'attaquer à un mal, on s'attaque à sa cause, pas à ses effets. Pour cette raison, Genève en Marche va soutenir cette proposition parce qu'elle fait sens. Rappelez-vous bien, Mesdames et Messieurs, que le grand responsable, c'est l'Etat, et que lorsqu'on boit l'eau du puits, il ne faut jamais oublier ceux qui l'ont creusé. Merci.
Le président. Merci. Monsieur Sormanni, c'est à vous pour vingt-cinq secondes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup d'arguments vraiment inconvenants ont été avancés. Il n'y a aucune raison de privatiser un certain nombre de prestations, ce qui se ferait dans tous les cas au détriment des résidents des EMS, il est malvenu de vouloir faire ça. On se doit de montrer un minimum de respect vis-à-vis de nos aînés, et c'est pourquoi je vous invite à voter cette résolution.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne relèverai pas l'accusation selon laquelle le Conseil d'Etat se montrerait passif dans cette affaire. Vous transmettrez simplement ceci au député Batou, Monsieur le président: ce n'est pas parce qu'on ignore ce qui est entrepris qu'il faut en déduire que rien n'est mis en oeuvre - je n'en dirai pas plus.
Pour en venir au sujet qui nous occupe maintenant, M. Stauffer, d'une certaine façon, a raison, pour une fois... (Rires.) En effet, les injonctions de l'Etat sont paradoxales: d'un côté, on réclame davantage d'efficience de la part de nos partenaires - oui, les EMS sont nos partenaires dans le domaine des personnes âgées - et, de l'autre, on entend s'ingérer dans leur pratique, les empêchant ainsi d'être plus efficients.
Mais là où M. Stauffer a tort - parce que, comme M. Batou, il s'exprime sans connaissance suffisante du dossier - c'est quand il nous fait croire que les établissements en question prennent les mesures aujourd'hui critiquées au motif que les restrictions budgétaires de l'Etat les y contraindraient. Je ne compte pas entrer dans le détail des chiffres, Mesdames et Messieurs, mais sachez simplement que non seulement ces EMS ne sont pas déficitaires, mais les subventions comprises dans les contrats de prestations actuellement en négociation sont même en augmentation. Aussi, il n'existe pas d'impérieuse nécessité d'externaliser une partie du personnel pour maintenir les chiffres noirs ou pour sortir des chiffres rouges.
Maintenant, il s'agit de trouver le juste équilibre entre ces deux prescriptions contradictoires, car si on peut comprendre l'exigence d'efficience lorsque l'on connaît le coût mensuel d'un séjour en institution - environ 25% des résidents s'acquittent eux-mêmes de la facture, les autres bénéficient de prestations complémentaires déplafonnées - nous sommes évidemment obligés d'examiner attentivement la manière dont l'argent du contribuable est utilisé, ceci pour plusieurs raisons.
D'abord, par égard pour les résidents. J'aimerais insister sur le fait que nos personnes âgées figurent au centre des préoccupations de l'Etat, et il faut donc veiller à la qualité des prestations qui leur sont destinées. Il est vrai que certaines tâches de proximité, si elles ne sont pas englobées dans la notion de soins au sens strict, font partie intégrante de l'encadrement attentif que l'on est en droit d'attendre du personnel d'un EMS envers les aînés. On sait à quel point ceux-ci sont sensibles à la continuité dans la prise en charge, ont besoin d'une certaine familiarité avec la personne qui entre dans la chambre, ne serait-ce que pour faire le ménage. Prétendre, selon les contrats de prestations, que la notion de soins - qu'il est interdit d'externaliser, je le rappelle - se réduit aux soins au sens strict est une question qui doit être discutée.
Ensuite, nous nous soucions naturellement des employés, étant précisé que nous ne parlons pas ici de fonctionnaires du service public, ainsi que j'ai pu l'entendre. Certes, dans une acception large, il s'agit d'un service public, mais ce sont tout de même des institutions privées qui, rappelons-le, ne sont pas directement soumises à la loi B 5 05, contrairement à la Maison de Vessy, à la maison de retraite du Petit-Saconnex ou à La Vespérale, qui constituent indirectement des établissements de droit public. Là encore, il est délicat d'une part de soumettre le personnel à la législation et aux échelles salariales de l'Etat, d'autre part de le laisser se faire externaliser sans limites et sans contrôle.
Enfin, il y a une autre préoccupation sur laquelle vous n'êtes pas intervenus, à savoir la protection du marché de l'emploi. Vous le savez, la directive transversale adoptée par le Conseil d'Etat fin 2014 impose aux EMS d'annoncer les postes vacants à l'office cantonal de l'emploi et de donner la priorité à nos demandeurs d'emploi. Or externaliser certains postes, c'est permettre à des sociétés externes de s'affranchir de cette obligation ! Nous n'avons aucun moyen légal pour contraindre les entreprises dans lesquelles le personnel est externalisé à annoncer les postes vacants. Cela signifie, selon l'article 333 du code des obligations, que la pérennité de l'emploi de ces personnes de même que leur salaire ne seront plus protégés et qu'elles pourront être licenciées, auquel cas elles s'adresseront à l'office cantonal de l'emploi, et je ne pourrai pas exiger qu'elles soient présentées et engagées si des postes similaires venaient à se libérer. Vous voyez à quel point ces problématiques complexes s'enchevêtrent, et elles doivent être résolues avec nuance et intelligence.
Je regrette, dans le cas d'espèce, que le Conseil d'Etat ait été placé devant le fait accompli à cause de décisions prises de bonne foi - je veux bien le croire - par les établissements en question, qui pensaient bénéficier d'une totale liberté de manoeuvre. Ils n'ont en tout cas pas eu la sensibilité politique de discuter préalablement avec le Conseil d'Etat, puis avec les partenaires sociaux qui auraient pu, cas échéant, s'exprimer sur le sujet. A présent, il va s'agir de reprendre les choses en main, voire de mettre en route une médiation si véritablement les acteurs n'arrivent pas à s'entendre.
S'agissant de la résolution 836, Mesdames et Messieurs, vous demandez au Conseil d'Etat...
Le président. Six minutes, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Mauro Poggia. Pardon ?
Le président. Vous avez déjà parlé durant six minutes.
M. Mauro Poggia. Alors j'ai trop parlé ! Ai-je dit des choses inutiles ? Je vous en laisse l'appréciation. Je conclus, Monsieur le président, car je ne veux pas prolonger le débat, même si la problématique est importante. Mesdames et Messieurs, le fait que vous m'envoyiez une résolution me demandant de m'opposer fermement à des externalisations prête à confusion. En effet, certaines sous-traitances peuvent être compréhensibles et sont déjà une réalité aujourd'hui, par exemple pour le linge plat, que ce soit les draps ou les serviettes, ou encore les cuisines; parfois, on trouve même du personnel externalisé qui travaille à l'intérieur des EMS, donc il existe différents cas de figure. Cela dit, en ce qui concerne les employés de proximité, nous devons entamer une discussion avec la direction, qui aura lieu pas plus tard que demain - elle est déjà agendée depuis une semaine.
Nous sommes là dans le but de trouver des solutions raisonnables. Il s'agit de sauvegarder les emplois ainsi que le niveau des salaires, et d'éviter le démantèlement de ce secteur. Aussi n'ai-je pas d'opinion particulière sur cette résolution: renvoyez-la-moi, cela ne changera rien à ce que j'ai déjà décidé de faire en accord avec mes collègues; ne me la renvoyez pas, je le ferai quand même. (Rires.) Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, Mesdames et Messieurs les députés, sur laquelle je vous prie de bien vouloir vous prononcer; en cas de refus, je vous ferai voter sur la prise en considération de ce texte.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 836 à la commission de l'économie est rejeté par 54 non contre 39 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la résolution 836 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 59 oui contre 30 non et 5 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous traitons à présent la M 2196-A en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Brunier, à qui je laisse la parole.
Mme Isabelle Brunier (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je serai brève: si l'urgence a été demandée, c'est parce que cette motion, déposée, si je ne m'abuse, en 2014 - j'ai d'ailleurs oublié de le mentionner dans le rapport - a passé beaucoup trop de temps dans les... (Le micro de l'oratrice grésille.) J'entends mal... On s'entend mal, n'est-ce pas ? Je vais essayer le micro d'à côté. (L'oratrice change de place.) Bon, ça ne marche pas, alors je retourne à mon siège. (L'oratrice revient à sa place. Quelqu'un remet le protège-micro de l'oratrice.)
Mme Isabelle Brunier. Ah, merci !
Le président. Ça fonctionnera sans doute mieux avec le petit chapeau !
Mme Isabelle Brunier. Oui, j'espère que ça ira mieux avec le chapeau. Cette motion, donc, déposée, si je ne m'abuse, en 2014, a passé beaucoup trop de temps dans les méandres de la commission de l'environnement. Quand elle y a enfin été abordée, les travaux ont duré longtemps, avec une période creuse de plus d'une année entre deux phases de traitement. La rapporteuse désignée n'ayant pas fait son travail, on se trouvait à la limite de l'échéance, et j'ai finalement accepté de rédiger un rapport le plus rapidement possible afin que nous puissions en parler ici. Mais, péripétie supplémentaire, la motion devait normalement passer aux extraits demain, et il y a eu une tentative de l'en retirer; il a donc fallu qu'on vote l'urgence tout à l'heure pour la remettre à l'ordre du jour.
Après tous ces rebondissements, j'aimerais juste dire la chose suivante: aménager des jardins sur les toits, ça ne consiste pas en une simple végétalisation. Dans cette enceinte, que ce soit au Conseil municipal de la Ville de Genève ou au Grand Conseil, on a souvent parlé de végétalisation des toits, la plupart du temps de simples prairies sèches. Or le principe de jardins sur les toits va beaucoup plus loin: ça commence certes avec une végétalisation, mais ça peut aller de jardins d'agrément de diverses sortes jusqu'à une certaine forme d'agriculture - le sujet a été évoqué en commission, on a même discuté pour déterminer si ça pouvait être décompté comme surface d'assolement, voire comme surface de compensation pour des suppressions de terres agricoles - donc on peut passer d'un extrême à l'autre.
Quand il a été déposé, ce texte était assez précurseur, car il va plus loin que de précédentes motions sur des sujets qui semblaient proches. Puis, le temps s'est écoulé et la réalité l'a rattrapé puisque, la semaine même où je rédigeais ce rapport, un article de la «Tribune de Genève» relevait l'existence d'une association et d'une entreprise fondées par trois jeunes femmes qui proposent justement leurs services pour établir des jardins sur les toits et qui ont recensé jusqu'à 150 000 surfaces susceptibles de recevoir ce nouvel aménagement. Voilà, je m'arrêterai là. Je regrette tout le temps perdu, mais vous encourage malgré tout, Mesdames et Messieurs, à voter cette motion. Merci.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le MCG soutiendra cette motion, comme il l'a d'ailleurs fait en commission, car elle est intéressante, notamment dans le cadre des surélévations d'immeubles. En effet, ce genre de transformation crée généralement des nuisances pour les locataires des étages inférieurs, et ce serait un bon argument pour les promoteurs que de favoriser l'aménagement de jardins sur les toits. Ce serait également une manière de promouvoir la biodiversité en ville. En accompagnant la végétalisation des toitures par la pose de cellules photovoltaïques, on contribuerait par ailleurs, en plus de la récupération de l'eau de pluie, à un gain d'énergie. Je vous remercie d'adopter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce texte renvoie à une notion qui nous est chère, celle de la nature en ville. Renforcer le rôle de la nature en milieu urbain est essentiel, et végétaliser les toits fait pleinement partie de cette démarche. Il s'agit d'ailleurs d'une préoccupation que les Verts expriment depuis longtemps: voilà plus de vingt ans que nous réclamons que les toits se verdissent. Oui, végétaliser les toits est une bonne chose: d'abord, ça permet d'isoler les bâtiments - du froid en hiver, du chaud en été - et c'est un apport de verdure non seulement bienvenu dans les quartiers d'habitation, souvent piégés dans la grisaille et le béton, mais également déclinable puisqu'on passe de la mousse au jardin potager, en transitant par des arbustes ou même de petits vergers. Ensuite, ça protège du bruit extérieur, ce qui est une donnée extrêmement importante à l'heure où les nuisances sonores représentent l'un des principaux maux en ville, tout en constituant un tapis rouge pour la biodiversité. Enfin, ça offre une belle esthétique, ce qui contribue largement à la qualité d'une ville.
Mais au-delà de ces considérations évidentes, il nous appartient de cesser de compartimenter d'un côté la nature, d'un autre l'espace urbain, et de l'autre encore l'agriculture. Notre canton souffre de la pollution, les normes OPair et de l'ordonnance sur la protection contre le bruit ne sont pas respectées, et nous frisons régulièrement les seuils d'alerte, quand nous ne les dépassons pas ! Or la nature, que nous ne savons bien souvent pas respecter, nous protège: aménager des espaces naturels et des accès à l'eau, véritables îlots de chaleur, rafraîchit drastiquement en cas de canicule, multiplier les jardins potagers à proximité immédiate des habitations apporte savoir-faire, autonomie et qualité de vie.
Le potentiel sur les toits est grand ! Installons-y aussi des ruches, des panneaux solaires, des terrasses et - pourquoi pas ? - des saunas. Bref, pour toutes ces bonnes raisons, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion.
Mme Geneviève Arnold (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le PDC votera évidemment cette motion, même s'il regrette le temps qui s'est écoulé depuis son dépôt, car ce qui était novateur à l'époque nous semble maintenant parfaitement naturel. Depuis, en effet, nous voyons se développer à Genève, tant en ville que dans les communes, des potagers urbains, des espaces de jardinage dévolus à la population, et pas forcément au rendement. Il s'agit d'une nouvelle dimension de la culture qui allie plaisir et consommation locale. Si les toits des immeubles offrent des espaces intéressants, leurs façades peuvent également être prises en considération. L'intérêt social d'une telle démarche est réel: elle favorise les liens entre habitants ou la vente directe de proximité.
Cette motion incite à la végétalisation et tend à faire construire des quartiers durables, ce que nous relevons avec plaisir. Les éléments présentés dans ce texte nous semblent aujourd'hui couler de source, l'aménagement étant lié à l'environnement et à l'agriculture. Les démocrates-chrétiens encouragent ce type de plantations bien intégrées dans le paysage urbain, qui rappellent l'importance de consommer des produits locaux et de saison. Ainsi, ils voteront cette motion et vous encouragent à faire de même. (Quelques applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le parti socialiste aussi soutiendra cette motion, bien entendu. Il est en effet très important de promouvoir la biodiversité dans nos villes, qui souffrent de plus en plus de la pollution, que ce soit de l'air ou sonore, comme l'a relevé ma collègue Verte. Aujourd'hui, de nombreuses actions sont mises en place dans ce but - citons par exemple le programme «Nature en ville», développé par le magistrat de la Ville de Genève Guillaume Barazzone.
Clairement, les toits des immeubles peuvent favoriser la biodiversité en permettant l'aménagement d'espaces naturels, mais cette possibilité est pour l'heure sous-employée, Monsieur le président. On peut y créer - ça a été indiqué - des jardins, des prairies ou des potagers pour y cultiver des légumes, on peut simplement les végétaliser, toutes ces options étant propices au développement de la flore et de la faune, notamment des insectes pollinisateurs comme les abeilles, des papillons ou des coléoptères.
Ces derniers temps, plusieurs projets de ce type ont été menés, par exemple sur les toits de l'université, où on a aménagé des ruches, des potagers, des bacs à légumes. Le volet social d'une telle démarche est très intéressant: les étudiants, les membres des associations et les habitants du quartier ou de l'immeuble se retrouvent pour jardiner ensemble, pour partager un bon moment, ce qui constitue une dimension très importante.
A cet égard, il faut rappeler aux gens, notamment aux enfants - c'est essentiel et ma préopinante l'a aussi souligné - que les tomates ne poussent pas à la Coop, qu'on n'a pas spécialement besoin de manger des haricots du Costa Rica ou de l'autre bout du monde en plein mois de décembre et qu'il est très important de consommer des fruits et légumes locaux et de saison. Les enfants, mais également les adultes - la plupart du temps, ce sont quand même eux qui cuisinent - doivent se réapproprier cette notion de produits du terroir, de fruits et légumes de saison.
Pour toutes ces raisons, le parti socialiste pense qu'il est indispensable de pouvoir utiliser les toits, soit pour les végétaliser, soit pour y installer des panneaux solaires - ce sont là deux possibilités différentes qui ne sont pas contradictoires. Je conclurai, Monsieur le président, en disant ceci: les toits doivent contribuer à un meilleur environnement, tout comme toi !
M. Stéphane Florey (UDC). Je constate à regret que ce Grand Conseil a la mémoire courte puisqu'il y a quelques mois, la commission des travaux refusait à une très large majorité une motion sur le même sujet. A cet égard, je constate également que la commission de l'environnement et celle des travaux ont des sensibilités totalement différentes. A l'époque, en effet, la commission des travaux avait refusé ladite motion principalement pour des questions de coûts, que la motionnaire s'était bien gardée d'aborder au moment de sa présentation. En effet, un jardin de toiture représente 30% de coûts supplémentaires à la construction, coûts qui sont inévitablement reportés sur le prix des appartements, sur le prix des bureaux, globalement sur le prix du bâtiment. Vous pouvez secouer la tête, Madame Meissner, vous le savez très bien, c'était inscrit dans le rapport. De plus, est-il vraiment nécessaire que l'Etat s'occupe de promotion ? Non. L'Etat a d'autres choses à faire, il est censé être au service du citoyen, ce qu'il devrait faire plutôt que de la promotion.
Maintenant, il n'y a absolument rien de novateur dans le concept de toitures végétalisées, ça fait plus de trente ans que cela existe. Des entreprises genevoises sont spécialisées dans ce secteur, elles ont développé les toitures jardins dès le départ - je connais très bien le domaine puisque je suis moi-même étancheur à la base, je sais de quoi je parle - et la société phare est située à Meyrin.
Actuellement, il y a une polémique autour du glyphosate, et c'est justement là l'erreur de tous ces petits jardins qui se créent à droite, à gauche, ça a été largement constaté lors d'études... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...il n'y a rien de plus nocif que ces quelques salades cultivées à la petite semaine. En effet, que font les gens ? Ils donnent un coup de spray anti-bébêtes par-ci, un coup de spray anti-maladies par-là, ils s'empoisonnent à longueur d'année, et pourquoi ? Pour obtenir une plus belle salade que leur voisin ! Personnellement, on m'en donnerait une, je n'en voudrais pas...
Le président. Merci de conclure, Monsieur.
M. Stéphane Florey. Ça a été signalé à la radio encore dernièrement, ce genre d'initiative est nocive pour la santé. Au final, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser cette motion. Merci.
Une voix. Très bien !
Mme Simone de Montmollin (PLR). Après toutes ces diatribes qui présagent des programmes de campagne fort intéressants, j'aimerais qu'on revienne sur cette motion qui, je le rappelle, avait été adoptée à l'unanimité de la commission, aurait dû passer aux extraits et se retrouve ici par le truchement d'une situation quelque peu abracadabrante. Le PLR n'avait pas l'intention de prendre la parole sur ce sujet aujourd'hui, mais il le fait volontiers pour réaffirmer qu'il soutiendra cette motion, non pas en raison des arguments des uns et des autres, qui font des amalgames assez malheureux de toutes sortes de concepts, mais simplement pour que le Conseil d'Etat puisse répondre aux questions que nous avions posées.
En effet, à l'instar de la FTI, nous estimons que si ces opportunités nouvelles doivent être explorées et exploitées, elles soulèvent aussi un grand nombre de questions techniques et juridiques, auxquelles nous aimerions obtenir des réponses. Le département a effectué plusieurs essais et autres études depuis le dépôt de cette motion, il nous avait d'ailleurs promis un rapport comportant un inventaire des toits plats végétalisables à Genève pour début 2017, rapport que nous n'avons pas reçu, et nous souhaitons pouvoir disposer de ces informations. Cette motion doit suivre le cours normal de la procédure et être renvoyée au Conseil d'Etat afin que celui-ci nous apporte des réponses dans les meilleurs délais. Je vous remercie.
M. Gabriel Barrillier. Très bien !
Le président. Merci, Madame. La parole revient à Mme Meissner pour une minute trente.
Mme Christina Meissner (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'avoir voté l'urgence sur cette motion déposée il y a trois ans, ainsi que de votre soutien à tous - ou presque - afin qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat ce soir. Merci aussi à la rapporteuse pour son texte très complet. Réaliser des jardins sur les toits - et pas seulement des toitures végétalisées - est toujours d'actualité en 2017. A Genève, 150 000 toits pourraient ainsi être aménagés, dont beaucoup sous forme de jardins. Alors que la population devient de plus en plus urbaine, que le sol s'imperméabilise et que le climat se réchauffe en conséquence, il est plus que jamais nécessaire de rendre les villes plus vertes. Les toits offrent un beau potentiel qui contribuerait à maintenir ce lien essentiel avec la terre, et nous en avons tellement besoin ! Je remercie d'ores et déjà le Conseil d'Etat pour son implication et pour sa réponse à cette motion destinée à favoriser la nature en milieu urbain. Merci de maintenir la qualité de la vie et de la ville !
M. Olivier Cerutti (PDC). Je serai très rapide, Monsieur le président. J'aimerais simplement dire que l'Etat a déjà fait passablement de sensibilisation en faveur des toitures végétalisées, qu'il existe notamment une taxe de rétention d'eau. Cette taxe est une nécessité, parce qu'à force d'étancher nos sols, on crée une augmentation du débit dans les rivières et les cours d'eau, ce qui pose certains problèmes, notamment en cas de forts orages. Aujourd'hui, l'Etat a déjà fait le nécessaire, a déjà insufflé un mouvement dans cette direction au travers de taxes, et je crois qu'il était important de le rappeler, car il semble qu'on l'ait un peu oublié. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. La parole n'étant plus demandée, je mets ce texte aux voix.
Mise aux voix, la motion 2196 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 78 oui contre 4 non et 4 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 11533-A en catégorie II, cinquante minutes. La parole va à M. Pistis, rapporteur de majorité.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi qui nous est soumis ce soir vise à offrir à nos entreprises un dynamisme et une attractivité économique qui profitera à l'ensemble du canton, tel est l'enjeu. Actuellement, la Suisse est le dernier pays de l'OCDE à connaître un impôt sur la fortune, lequel est de 1% à Genève; il s'agit du taux le plus élevé du pays ! Genève a pris l'habitude de faire fuir les entrepreneurs de PME, changeons de politique ! Nous devons rendre notre canton plus attractif, en particulier pour les entrepreneurs qui créent de l'emploi, nous ne devons pas tuer la poule aux odeurs... aux oeufs d'or, pardon... (Rires. L'orateur rit.) ...comme le voudraient certains. Il convient impérativement de favoriser la création de richesse sur notre territoire.
Ce projet de loi doit nous aider à sortir de l'enfer fiscal que vivent certaines catégories de contribuables à Genève: il permet en effet aux propriétaires de PME de déduire de la fortune 70% de leur outil de travail, c'est-à-dire leur entreprise. Il ne faut pas décourager ceux qui se lancent dans l'entrepreneuriat, créent de la substance fiscale, de l'emploi et de la prospérité, au contraire, il faut les inciter à poursuivre dans cette direction.
Or j'apprends à l'instant que le PLR et le PDC ne veulent plus entrer en matière sur ce projet de loi, tournant ainsi le dos aux entreprises et aux PME. Mesdames et Messieurs, au nom de l'ancienne majorité que je représente, puisque je me vois à présent minorisé, je demande un retour en commission afin que le PLR et le PDC puissent se ressaisir, reprendre leurs esprits et revenir à la raison, et j'espère - du moins, notre minorité espère - pouvoir ensuite voter en plénière ce projet de loi dont le but, je le répète, est de défiscaliser l'outil de travail afin de dynamiser nos entreprises. Monsieur le président, je sollicite formellement un renvoi en commission pour que le PDC et le PLR puissent prendre le temps de la réflexion, eux qui déclarent soutenir nos PME et nos entreprises. Merci.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes opposés au retour en commission pour une raison évidente: nous avons voté contre l'urgence, mais celle-ci a été adoptée, donc maintenant il faut trancher. Nous sommes contre ce projet de loi et nous pensons que le Grand Conseil doit pouvoir s'exprimer ce soir, s'en débarrasser une bonne fois pour toutes. Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de deuxième minorité. Ce projet de loi tranche en effet dans les recettes fiscales. Les socialistes sont en faveur d'un renvoi en commission afin que nous obtenions davantage d'éclairages sur les pertes massives qu'il pourrait induire. (Commentaires.)
Une voix. Mais ils ne paient même pas d'impôts !
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de troisième minorité. Le groupe des Verts soutiendra également la proposition de renvoi en commission... (Exclamations.) Je désespère de voir M. Batou ne pas se rallier à notre noble cause !
M. Jean Batou. Noble, noble...
Mme Sophie Forster Carbonnier. Nous sommes très impatients d'obtenir de nouvelles estimations quant aux pertes fiscales engendrées par ce texte et également de réfuter certains arguments selon lesquels il s'agirait d'un projet de promotion économique et de l'emploi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne peut évidemment qu'abonder dans le sens du rapporteur de majorité, c'est-à-dire dans le sens d'un renvoi en commission, et ce pour trois raisons - ce sera très rapide.
La première, c'est qu'on ne peut pas voter un tel projet sans en connaître les conséquences financières, cela a été dit et répété en commission. Celles-ci sont difficiles à chiffrer, mais il serait tout de même possible, par le biais de différentes approches, d'appréhender le volume du manque à gagner fiscal de manière plus précise que ce n'est le cas aujourd'hui - le rapport ne contient aucune estimation, mais il s'est quand même trouvé une majorité pour le voter.
La deuxième raison est liée à la compatibilité au droit supérieur. Il semblerait, Monsieur Batou, que la compatibilité à la LHID soit un sujet extrêmement important, si on en croit des décisions de justice récentes, donc il vaudrait sans doute mieux vérifier cette question-là.
Enfin, il s'agirait de permettre au Conseil d'Etat, quand bien même j'ai eu l'occasion de le faire à de nombreuses et répétées reprises, non seulement sur cette question mais également sur de nombreux autres sujets en lien avec la fiscalité, de s'exprimer sur le dossier fiscal le plus important du moment à nos yeux - et cela devrait être le cas pour l'ensemble de ce parlement - à savoir la réforme de la fiscalité des entreprises. Eh oui, je ne le répéterai jamais assez: ce projet a été remis sur les rails - vous le savez, j'ai eu l'occasion de vous en parler en commission - et est pour Genève d'une actualité encore plus brûlante en raison de ce qu'un canton voisin a annoncé hier. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous enjoins, au nom du Conseil d'Etat, de renvoyer ce projet de loi en commission. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et lance le vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11533 à la commission fiscale est adopté par 79 oui contre 10 non.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est extraordinaire, nous avons fini le traitement de nos urgences ! (Exclamations.) Nous reprenons donc l'ordre du jour avec la M 2259-A, qui est classée en catégorie II - trente minutes. Le rapport est de Mme Jocelyne Haller, à qui je laisse la parole.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un sort particulier qui a été réservé à cette proposition de motion, qui avait été signée à l'origine par un large spectre de députés dans ce parlement. Un sort particulier, parce que d'une part elle a été refusée en commission, alors qu'en réalité elle a été mise en application par le département, et que d'autre part ceux qui l'avaient signée sont en grande partie ceux qui l'ont refusée, tandis que d'autres se sont abstenus suite à la suppression de la deuxième invite qui a vidé cette motion de sa substance, amenant certains signataires à la refuser, la mort dans l'âme, et d'autres à s'abstenir. (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Faites preuve d'un peu de respect pour la personne qui s'exprime ! Merci.
Mme Jocelyne Haller. Merci. Est-ce que j'attends que le brouhaha cesse ?
Le président. Oui, on va attendre que le silence revienne, bien sûr ! (Un instant s'écoule.) Est-ce que vous êtes obligés d'être alignés contre le mur, là derrière, le PLR ? Vous pouvez aussi aller discuter dehors ! (Brouhaha.) Mais oui, allez-y ! (Commentaires. Rires.) Reprenez, Madame.
Mme Jocelyne Haller. Merci. Bien qu'au final ce texte ait été refusé, la commission des affaires sociales y a néanmoins consacré un nombre important de séances, ce qui a permis d'entendre toute une série d'acteurs du terrain, qui ont pu décrire très précisément quelles étaient les conditions de vie des requérants d'asile dans les abris de protection civile, quelles étaient les difficultés auxquelles ils étaient confrontés et quels étaient particulièrement les besoins et les modifications qu'il fallait apporter à cette situation. Tout cela nous a finalement menés au constat que la vie en abri PC - et le conseiller d'Etat chargé du département concerné a partagé cet avis - n'est pas conforme à la dignité humaine, qu'elle n'est pas acceptable et qu'elle ne devrait en aucun cas perdurer. Toute une série d'efforts ont été identifiés et mis en avant par le département pour faire valoir la nécessité de trouver des alternatives à l'hébergement en sous-sol.
Cela étant, la situation est un peu particulière, parce que celle qui vous parle se retrouve finalement à défendre un rapport de majorité représentant trois groupes différents. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le premier tiers estimait que l'hébergement en abri PC est supportable, qu'il constitue le mieux que nous puissions faire en l'état et qu'il ne faudrait surtout pas améliorer les conditions de vie en abri PC pour ne pas provoquer un appel d'air et avoir un aspect incitatif. Un deuxième tiers de commissaires était quant à lui convaincu que ces conditions de vie n'étaient pas acceptables, qu'elles devaient absolument être améliorées et que des démarches d'intégration devaient être mises en oeuvre. Néanmoins, ces objectifs étaient pour eux soumis à la condition de disposer des ressources financières nécessaires, ce qui n'était pas le cas de leur point de vue.
Le président. Vous prenez sur le temps du groupe, Madame !
Mme Jocelyne Haller. Oui, merci ! Cela les a donc amenés à proposer un amendement, qui a provoqué le rejet de cette proposition de motion. Enfin, un dernier tiers estimait que l'hébergement en abri PC, au-delà d'une brève période, n'est pas respectueux des personnes, qu'il est contraire à la dignité humaine et que la question des moyens relève de choix politiques. En effet, notre canton n'est pas dans l'indigence, quoi que certains veuillent faire voir, et il suffirait de le vouloir pour le pouvoir en la matière. Ces trois groupes se sont donc neutralisés et cette proposition de motion a été refusée, si bien qu'en ma qualité de rapporteuse de minorité... de majorité, pardon ! - ce qui n'a pas été de soi, d'ailleurs - je peux difficilement vous appeler à une posture ou à une autre. Je ne peux qu'en appeler à votre conscience et vous renvoyer à la lecture du compte rendu des auditions que nous avons pratiquées pour que vous vous forgiez une opinion et que nous puissions prendre une décision ce soir. En ce qui me concerne, faisant partie du dernier tiers, je voterai évidemment en faveur du texte d'origine, mais ce n'est pas la posture de la majorité puisque cette dernière s'est neutralisée. Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on voit toutes les contradictions sur ce sujet, sur le problème de l'immigration. A Genève nous sommes en fait le réceptacle de problématiques mondiales, de problématiques d'immigration de masse, avec une arrivée massive de personnes complètement perdues dans leur pays qui arrivent ici et que nous devons gérer d'une manière ou d'une autre. Et il est vrai qu'il y a une vision un peu moraliste, devrais-je dire, ou culpabilisatrice, qui consiste à dire ceci: «Vous êtes de méchants Genevois qui devez accueillir de gentils migrants, et vous ne le faites pas.» Cette attitude irait peut-être à titre personnel, mais de manière collective ça nous semble tout à fait inadéquat pour donner une réponse, la réponse qui se doit d'être donnée à ces questions. On a vu toutes les contradictions, on a même eu des manifestations de migrants qui, à l'époque du dépôt de la proposition de motion, faisaient sortir des foules dans la rue - enfin, quelques manifestations, en tout cas - et maintenant on arrive un peu à un flop, parce qu'on a une réduction du nombre de migrants, heureusement, et que le recours à des abris souterrains est moins important - sauf erreur, il n'y en a plus qu'un actuellement à Genève - ce qui veut dire que la situation est très mobile et que malgré tout nous sommes dépendants de l'extérieur. Nous devrions peut-être faire preuve d'humilité à ce sujet.
Cette proposition de motion a donc eu un destin aléatoire, on l'a dit. Qu'en penser ? Qu'en faire ? On pourrait la voter ou la refuser, la voter amendée ou non, mais quelque part ça ne changerait rien, malheureusement. C'est la limite de notre travail parlementaire ici. Bien sûr, on peut crier «Vivent les migrants !» ou «A bas les migrants !», chacun pourra s'y retrouver, mais on est un peu à côté de la plaque, si vous me permettez l'expression, Monsieur le président. Alors au final nous allons refuser cette motion, mais sans véritable conviction. Merci, Monsieur le président.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, il n'aura échappé à personne dans cet hémicycle que depuis 2013 nous avons une nouvelle constitution et que celle-ci prévoit un droit au logement. En effet, il est indiqué que le droit au logement est garanti, et cela pour toute personne dans le besoin, qui a droit d'être logée de manière appropriée. Or l'hébergement dans des abris de protection civile est loin d'être une solution de logement appropriée, puisque les personnes y vivent dans une situation de promiscuité extrême et permanente, dans des conditions sanitaires extrêmement précaires et sans lumière naturelle, en respirant de l'air artificiel brassé à longueur de journée et de nuit. Ces conditions sont donc complètement inacceptables d'un point de vue moral, mais elles sont également contraires au cadre légal, puisque la LCI indique très clairement que les locaux dont le plancher est à moins d'un mètre au-dessus du niveau du sol ne peuvent pas être utilisés pour du logement. Or si on considère qu'on ne peut pas loger des Genevoises et des Genevois, nos concitoyennes et concitoyens, dans des locaux qui se trouvent en dessous du niveau du sol, il n'y a aucune raison d'accepter que ce soit le cas pour les migrants qui, contrairement à ce que certains dans cet hémicycle semblent penser, ne sont pas une sous-catégorie d'êtres humains, mais qui doivent être pris en compte comme n'importe quel autre habitant de notre canton. Depuis les mobilisations qui ont vu le jour en 2015, la situation ne s'est pas franchement améliorée, manifestement; un seul nouveau lieu d'hébergement en surface a été ouvert, à savoir le foyer Appia qui, semblerait-il, est amené à fermer d'ici la fin de l'année. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, il y a urgence, urgence à trouver des lieux d'hébergement conformes à la dignité humaine, c'est-à-dire en surface, et urgence à trouver des lieux qui soient pérennes, pour qu'on ne soit pas systématiquement pris de court chaque fois qu'il y a une augmentation des personnes migrantes.
Par ailleurs, Monsieur le président, j'aimerais bien que nous puissions éclaircir la question de savoir si nous votons ce soir sur la motion telle qu'elle a été déposée, c'est-à-dire avec les invites originales, ou telle qu'elle a été modifiée en commission. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cela étant, le parti socialiste, les Verts et Ensemble à Gauche déposent un amendement visant à ajouter une invite supplémentaire qui demande que des foyers d'hébergement de jour soient mis à disposition des personnes migrantes pour qu'elles puissent avoir des activités durant la journée, notamment la confection de leurs repas. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter la motion telle qu'elle a été déposée à l'origine, avec l'amendement visant à ajouter une nouvelle invite. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. C'est bien sur la proposition de motion originale que nous voterons. Je passe maintenant la parole à Mme Perler.
Mme Frédérique Perler (Ve). Je vous remercie de vos précisions sur la procédure de vote, Monsieur le président. Evidemment, beaucoup de choses ont déjà été dites. Cette proposition de motion, déposée par les Verts, a été signée par plusieurs partis politiques qui siègent au sein de ce Grand Conseil. Durant neuf séances, la commission a longuement travaillé sur les conditions d'hébergement, et surtout sur ce qui était possible du point de vue de l'Hospice général, via le Conseil d'Etat. Cette motion a donc eu le mérite de faire bouger les choses et de maintenir une certaine pression concernant la vie en abri de protection civile, qui n'est évidemment pas souhaitable. A ce sujet, je remercie Mme Marti d'avoir rappelé les termes de la LCI, qui exige précisément d'habiter en surface et non pas de manière souterraine.
Depuis l'étude de cette motion en commission - c'était quand même en 2015 - la situation évolue dans la bonne direction, et même si elle est encore imparfaite aujourd'hui, nous avons bon espoir que les efforts du Conseil d'Etat et de l'Hospice général se poursuivent dans ce sens. La rapporteuse a expliqué assez longuement les raisons du refus de cette motion et le pourquoi du comment, je ne vais donc pas m'appesantir sur cette question, mais j'aimerais conclure en disant qu'en commission, bien que cette motion résulte d'une initiative des Verts, notre choix a été de voter oui au texte d'origine plutôt que de préférer une version fortement édulcorée, qui vidait la motion de son sens. Nous voterons donc la motion telle qu'elle a été déposée à l'origine, ainsi que l'amendement du parti socialiste qui a été défendu par Mme Marti. Je vous remercie.
Mme Simone de Montmollin (PLR). C'est le deuxième objet qui touche la même problématique ce soir. On a appris tout à l'heure lors du traitement des PL 12003-A et 12004-A qu'il n'y avait plus d'abri utilisé à ce jour pour l'accueil des requérants et que depuis 2015, date du dépôt de cette motion, nombre de développements avaient été réalisés. Durant ces neuf séances, nous avons aussi appris que le plan Osiris déployé depuis 2015, et avec lui la mise en place de différents outils, comme la cellule de veille interdépartementale, avait porté ses fruits. Au terme des auditions, nous avons également pu constater que le département travaillait de manière intelligente et constructive avec l'Hospice général ainsi qu'avec toutes les parties prenantes pour assurer des conditions de vie améliorées, il nous semble donc que la réflexion qui était souhaitée à travers cette motion a depuis été menée et qu'elle a produit des résultats.
Nous étions entrés en matière sur cette motion en demandant deux choses: la suppression de la deuxième invite, qui visait à prévoir des solutions provisoires pour surseoir à l'utilisation des abris - ce que nous pensions ne pas être réaliste, ni en termes de durabilité ni en termes de résultats - mais aussi la modification de la troisième invite, parce que nous constatons que, malgré tous les efforts, l'abandon pur et simple du recours éventuel aux abris PC en cas de nécessité n'est tout simplement pas réaliste. Toute cette problématique soulève la question du logement à Genève, et je m'inscris un peu en faux contre les propos de la rapporteure qui résume notre position à un arbitrage purement financier. Pour nous, créer du logement, quel qu'il soit, suppose un certain nombre de conditions - avoir des espaces disponibles, disposer de projets, lever toutes les oppositions - et cela ne dépend pas uniquement de l'Etat. A ce jour, plus de deux ans après, il nous semble que la situation a été réglée à satisfaction. Nous pensions nous abstenir sur la motion telle que nous l'avons modifiée, mais si des amendements sont déposés aujourd'hui, eh bien nous représenterons les mêmes amendements que nous avions déposés alors. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). J'aimerais juste rappeler que les personnes qui logent dans ces abris de protection civile sont pour la plupart notamment des déboutés de l'asile qui ont subi des décisions de justice de renvoi et qui refusent ces décisions, qui refusent de quitter le territoire. Je trouve donc que vis-à-vis de la population, qui encore une fois ne trouve pas de logement à Genève... (Exclamations.) ...il serait malvenu de fournir des appartements à des gens et de les installer ici alors qu'ils n'ont pas d'autorisation de séjour.
Une voix. Mais c'est pas vrai !
M. Marc Falquet. Oui, c'est tout à fait vrai ! On verra ce que dit M. Poggia. La plupart sont des NEM ou des gens hors asile mais qui n'ont pas d'autorisation de séjour et qui trouvent des abris de protection civile pour se loger. Il n'y a pas d'équivalence avec une autorisation de séjour, je ne vois donc pas pourquoi on devrait les installer alors que la population cherche désespérément des logements. Merci.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Comme presque tout a été dit, je me bornerai à relever quelques éléments. Depuis le dépôt de cette motion - que plusieurs membres du PDC ont signée - la situation s'est très nettement détendue et, comme l'ont mentionné mes nombreuses et nombreux préopinants, force est de constater que l'Hospice général a pris aussi la mesure du problème et a trouvé des solutions pour remédier à cette problématique du logement en abri PC. D'autre part, la modification de la loi sur l'asile a également permis au gouvernement de prévoir de nouvelles places éventuelles dans les collectivités publiques au cas où un nouvel afflux arriverait, ce qui fait que finalement cette motion a un peu été vidée de son sens et de sa nécessité. C'est une prise de conscience qui a été vécue comme salutaire par le parti démocrate-chrétien, et c'est pour cette raison que nous nous sommes abstenus et que nous continuerons à le faire ce soir si cette motion est votée telle que sortie de commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Haller pour une minute quarante-sept.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Falquet a dit en substance que les gens qui habitaient dans les abris n'étaient finalement pas dignes de bénéficier de conditions sanitaires et de conditions de vie correctes. En effet, si vous lisez bien le compte rendu des auditions, ce qu'il en est ressorti - et M. Poggia était d'accord - c'est que ces conditions de vie n'étaient pas conformes à la dignité, or vous voulez les faire perdurer pour ces personnes, et vous induisez d'ailleurs la population en erreur en prétendant qu'il s'agit de leur fournir des appartements qu'on refuserait à la population locale. Vous le savez, c'est faux, et lorsqu'on parle de logements conformes à la dignité humaine, il s'agit en réalité de foyers d'hébergement et non d'appartements. Qu'on soit clair sur cette question !
Enfin, globalement, il est apparu qu'effectivement, alors que cette motion a été refusée en commission, elle a été mise en oeuvre par le département. Les circonstances ont été favorables et ont permis de fermer un certain nombre d'abris, et c'est tant mieux. Mais la situation pourrait se reproduire, et là il vaudrait mieux prévenir que guérir; il conviendrait de prévoir un dispositif qui permette de faire face à l'afflux de nouvelles demandes sans devoir reproduire ce qui est arrivé, c'est-à-dire faire vivre des gens dans des conditions sanitaires indignes, des conditions qu'on nous a décrites et que nous ne voudrions voir perdurer pour personne. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je vous invite donc véritablement à voter cette motion dans sa forme d'origine, parce que la priver de cette deuxième invite, tel que cela a été fait en commission, à savoir celle qui demandait des constructions en surface, c'est simplement vouloir faire perdurer une situation que nous étions quand même très largement unanimes à dénoncer. Et en ce qui concerne l'amendement qui a été présenté...
Le président. Il vous faut terminer, Madame.
Mme Jocelyne Haller. Oui, je vais conclure, merci ! ...il faut simplement considérer qu'il s'agit de permettre à ces personnes de ne pas être désoeuvrées, de ne pas être condamnées à tourner autour des foyers, mais bien d'avoir des activités, ce que chacun d'entre nous devrait pouvoir soutenir. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Florey pour deux minutes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce que je viens d'entendre m'indigne profondément. Dire que ce sont des conditions de logement indignes est tout simplement inacceptable, car depuis des décennies - et ça représente des centaines de milliers de personnes - ceux qui effectuent leur service militaire sont logés dans des abris PC à longueur d'année, sans que ça ne choque qui que ce soit. Ces abris sont aux normes ! Il y a des règles très strictes de construction. Et il est totalement faux de dire que l'hygiène est très mauvaise, etc., parce qu'il y a des douches, des sanitaires, et que tout est propre et nettoyé. Je trouve donc inacceptable et inadmissible de dire que ce sont des conditions indignes. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia. (Brouhaha.) S'il vous plaît, Messieurs ! Monsieur Zacharias ! Merci.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous assistons quand même à un débat assez hallucinant, puisque Mme le rapporteur de majorité, qui est censée soutenir ici la position de la majorité qui a décidé à l'unanimité, sous réserve de neuf abstentions, de refuser cette motion, je le rappelle, vient vous dire qu'il faut la soutenir. Il est vrai que Mme le rapporteur de majorité a remplacé M. Thierry Cerutti, qui a renoncé à son rôle de rapporteur de majorité, mais ce changement de rôle permet-il à Mme le rapporteur de majorité de profiter de sa nouvelle fonction pour venir finalement nous dire qu'il faut accepter ce que la commission a refusé ? Je vous laisse seuls juges, mais je remarque quand même qu'il y a quelque chose d'un peu particulier.
Quoi qu'il en soit, puisqu'on vous demande d'accepter la motion telle qu'elle avait été déposée, je dirais que je comprends que les motionnaires veuillent enfoncer des portes ouvertes, puisque ça fait moins mal, mais tout de même, demander au Conseil d'Etat d'évaluer en urgence les besoins en places d'hébergement, de mettre en place des solutions provisoires et d'élaborer un plan de mesures, alors que, depuis le début de la crise migratoire que nous avons connue en 2014, le Conseil d'Etat s'est clairement montré à la hauteur de sa tâche en nommant une task force et en désignant des représentants pour mettre en place des plans d'urgence, qu'il a menacé certaines communes de réquisitionner des abris et qu'il a véritablement tout mis en oeuvre pour essayer de trouver des solutions alternatives... Oui, venir aujourd'hui, comme la grêle après la vendange, nous dire qu'il faut prendre des mesures d'urgence alors que l'urgence est derrière - à l'époque il y avait neuf abris ouverts, aujourd'hui il n'en reste plus qu'un - je trouve que c'est quand même prendre les employés de l'administration cantonale pour des larbins qu'ils ne sont pas. Je pense que cette motion n'a plus de raison d'être, et le bon sens aurait voulu qu'elle soit retirée, plutôt qu'on demande au Conseil d'Etat de faire du travail inutile. D'autant plus que c'est du travail qu'il a fait, et cela avec beaucoup d'engagement et des résultats concrets. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de donner à cette motion la suite que la commission lui a donnée à la majorité, c'est-à-dire de la rejeter. Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Nous allons d'abord nous prononcer sur l'amendement socialiste qui consiste à ajouter l'invite suivante: «à mettre en place des centres de jour permettant des activités de jour, y compris la confection de repas».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 29 oui et 10 abstentions.
Le président. Nous votons maintenant sur la proposition de motion elle-même.
Mise aux voix, la proposition de motion 2259 est rejetée par 49 non contre 30 oui et 11 abstentions.
Débat
Le président. Nous passons au dernier objet de la soirée, la M 2264-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Nous sommes donc tout à fait dans les temps ! Le rapport est de Mme Schneider Hausser, à qui je passe la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Franchement, on ne s'entend plus !
Mme Lydia Schneider Hausser. Depuis 1996, Genève a payé 262 millions de francs de primes d'assurance-maladie en trop. On s'est rendu compte vers 2010 que les primes n'étaient pas réparties de manière égale entre les cantons et que les assurances transféraient des réserves d'un canton à l'autre. Suite à des démarches de Genève et d'autres cantons, le Conseil fédéral a proposé une loi sur la surveillance des assurances pour avoir davantage de contrôle. La loi, souvenez-vous-en, a passé de justesse en 2014, parallèlement à la votation fédérale sur la caisse publique. Mais il reste que seuls 120 millions de francs ont été rendus aux habitants de Genève par le Conseil fédéral. Le solde, soit 142 millions, n'a toujours pas été restitué aux assurés, et cette motion demande donc que cette somme soit déduite du versement au titre de la RPT. Pour rappel, il s'agit là de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, dans le cadre de laquelle Genève verse, par exemple pour 2018, 297 millions net, et au total 399 millions. Le conseiller d'Etat Serge Dal Busco est venu nous dire en commission fiscale que cela n'était techniquement pas possible. En effet, la somme de la RPT genevoise est prélevée par la Confédération sur les rétrocessions de l'impôt fédéral direct, et plus particulièrement sur les 17% de cet impôt qui sont rétrocédés à Genève. De plus, la RPT est en train d'être renégociée pour que d'autres indicateurs que ceux qui étaient utilisés jusqu'à maintenant servent à ajuster la contribution, en particulier des cantons urbains ayant de lourdes infrastructures. En résumé, utiliser un instrument de la RPT pour le remboursement du solde dû à Genève pour les cotisations d'assurance-maladie n'est pas la solution, car cela bloquerait tous les flux financiers entre le canton et la Confédération. Cependant, la majorité de la commission voulait soutenir le principe de cette motion. La commission a été d'accord de considérer comme inadmissible que ces 142 millions ne soient pas rendus aux Genevois, et elle a donc revisité le titre et l'invite de la motion, dont vous pouvez prendre connaissance aux pages 19 et 20 du rapport. La majorité de la commission fiscale vous demande par conséquent d'accepter cette motion telle que ressortie de commission.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, c'est en 2005 que la direction générale de la santé a découvert qu'à Genève, depuis 1996, les assureurs avaient considérablement augmenté leurs réserves, puisque la moyenne des réserves des assureurs présents à Genève se montait à 40%, alors qu'ils sont normalement tenus de constituer des réserves à hauteur de 10% uniquement, voire 15% pour les caisses un peu plus petites. Après enquête et échanges avec d'autres cantons, on s'est rendu compte que cette situation touchait neuf cantons, pour la plupart romands, mais en particulier Vaud, Neuchâtel et Zurich. En tout, 1,6 milliard de francs a été payé en trop par les assurés sur le territoire de ces neuf cantons. Cela représente 262 millions pour le seul canton de Genève, soit environ 600 F par assuré. Si vous prenez un groupe familial de deux adultes et trois enfants, eh bien c'est vite vu, cela correspond à une somme de 3000 F, ce qui n'est pas rien.
A plusieurs reprises le conseiller d'Etat chargé de la santé à l'époque, M. Unger, s'est rendu à Berne avec son collègue M. Maillard afin d'essayer de trouver des solutions. Le conseiller fédéral alors en charge, M. Couchepin, a toujours refusé d'entrer en matière, et c'est finalement avec l'arrivée de M. Berset au Conseil fédéral que la situation s'est dénouée. Enfin, dénouée, c'est vite dit, dans la mesure où entre la Confédération et les assureurs, on a accepté de rembourser aux Genevois seulement 120 millions, et non pas les 262 millions, ce qui a représenté la somme mirobolante de 79 F que nous avons perçue en 2015, en 2016 et en 2017. Tout ce qui a été invoqué par les assureurs pour ne pas verser ou verser le moins possible, c'étaient les difficultés administratives dues aux déménagements des assurés, aux décès, aux déplacements, etc. Tout a été invoqué pour retarder ce remboursement. En fait, ce remboursement n'est pas une restitution, ce n'est même pas une aumône, c'est juste une insulte. Dans ce cadre-là, et dans la mesure où le titre et l'invite de la motion ont été modifiés afin de la rendre un peu plus diplomatique, je vous recommande d'accepter cette motion telle qu'amendée en commission et avec la même majorité. Je vous remercie.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, on l'a dit, mais je pense qu'il est important de le rappeler, entre 1996 et 2013, 262 millions de francs ont été payés en trop par les assurés genevois, ce qui - notre collègue Jean-Marc Guinchard l'a indiqué, mais il convient de le répéter - correspond à 600 F par assuré. Il s'agit donc vraiment d'une somme non négligeable. A quoi cet argent - et celui des huit autres cantons qui étaient également dans ce cas - a-t-il servi ? Il a servi à modérer, Mesdames et Messieurs, l'augmentation des primes. A Genève ? Dans les autres cantons ? Dans les autres cantons, mais pas à Genève. (Remarque.) Oui, Appenzell ou d'autres, effectivement, où les primes sont beaucoup plus basses que celles des Genevois aujourd'hui.
Beaucoup de travail a été fait à Berne, notamment à la commission de la santé du Conseil des Etats en 2013. Cette dernière a refusé les propositions du Conseil fédéral ainsi que de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé, ce qui montre quand même que parfois certaines commissions du Conseil des Etats ou le Parlement fédéral sont complètement à côté de la plaque par rapport à ce que vit la population et s'agissant de justes décisions qu'ils devraient prendre, notamment en ce qui concerne l'assurance-maladie. Et on ne reviendra pas sur l'initiative qui a été lancée et sur le problème fondamental consistant à avoir des élus fédéraux qui siègent à la commission de la santé et qui en même temps sont payés par des assureurs privés. Je le dis clairement - et je ne suis pas le seul - dans tous les autres pays ça s'appelle de la corruption, sauf en Suisse où on appelle ça du lobbyisme, ce qui est absolument scandaleux, Monsieur le président.
Au bout d'un moment, un compromis a été trouvé et il a été décidé de verser 800 millions de francs pour l'ensemble des neuf cantons. En ce qui concerne Genève, c'est un remboursement de 122 millions qui a été prévu, au lieu des 262 millions qu'on aurait dû restituer aux assurés genevois. On ne peut donc pas être content, car il paraît totalement logique et juste que les assurés genevois récupèrent leur argent. Je n'ai pas le temps d'expliquer maintenant l'aberration du système actuel d'assurance-maladie, Mesdames et Messieurs les députés, mais il faut savoir qu'aujourd'hui à Genève on verse un subside à 110 000 personnes pour les aider à payer leur assurance-maladie. A 110 000 personnes ! Cela représente 340 millions dans notre budget pour 2018, en augmentation de 26 millions si on compte le subside C, qui devrait être supprimé du budget par le Conseil d'Etat, mais qui, je l'espère, ne le sera pas. On sait, et je terminerai par là, que c'est un système qui ne fonctionne pas; le fait qu'il y ait une obligation légale d'être assuré devrait avoir pour corollaire que ce soit un service public, or ce sont des privés qui gèrent ce système d'assurance-maladie. C'est absolument scandaleux, et c'est pour ça que les assurés genevois doivent être remboursés au moins de ce qu'ils ont payé en trop, Monsieur le président. (Remarque. Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Au tout début, quand nous avons examiné cette motion, il était certain pour le groupe MCG que ça ressemblait un peu à un bricolage. Nous n'étions pas très chauds pour soutenir cette motion et nous avions même demandé un avis de droit pour savoir si on arrivait à avoir quelque chose de cohérent et d'efficace au travers de cette motion. Nous n'avons pas été suivis par la commission et, pour finir, une sorte de compromis a pu se créer avec la modification du titre et de l'invite, ce qui est positif. Nous nous sommes donc ralliés à cette motion amendée, qui pouvait éventuellement avoir une petite chance de succès, parce que nous sommes dans une situation où tous les moyens doivent être utilisés pour sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui dans le domaine de l'assurance-maladie.
Au moment de l'examen de cette motion, il était déjà question de l'actuelle initiative fédérale pour un système de liberté cantonale en matière d'assurance-maladie, une initiative qui a été lancée il y a deux mois et que je vous encourage chaudement à soutenir. En effet, nous avons là une possibilité de sortir de l'impasse, parce que si cette initiative était acceptée et que ses éléments étaient appliqués, les problèmes soulevés par la motion n'existeraient plus, car l'argent ne partirait plus dans d'autres cantons. Nous pourrions mieux gérer les risques à Genève et mettre fin à la dilapidation de l'argent des assurés qui est la situation actuelle. Je ne vais pas aller plus loin, parce que le débat sur cette initiative commence - des récoltes de signatures ont actuellement lieu dans les rues - mais je ne peux qu'inviter les téléspectateurs qui nous voient sur Léman Bleu, les députés et toute personne de ce canton à suivre ces deux initiatives. En conclusion, nous soutiendrons cette motion, même si c'est vrai que c'est plus un acte symbolique qu'autre chose, car il est possible que ça nous aide néanmoins à aller dans la bonne direction. Il faut donc soutenir cette motion, c'est important, c'est un risque important - enfin, je ne sais pas si c'est un risque, mais en tout cas il faut y aller ! Merci. (Exclamations.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ai-je besoin de vous dire à quel point je considère inique ce qui a été commis au préjudice des assurés du canton de Genève et de huit autres cantons ? Je crois que je l'ai dit et redit, et je me fais jour après jour le porte-parole de votre colère légitime dans ce domaine. Mais quand l'injustice est commise au plus haut niveau de l'Etat fédéral, que faut-il faire, Mesdames et Messieurs, si ce n'est essayer de reprendre en main un système qui nous a échappé à tort depuis trop longtemps ? Aujourd'hui, vous pouvez donc renvoyer ce texte au Conseil d'Etat, il en fera bien sûr bon usage, mais vous savez parfaitement que ce que vous désirez est soumis à des décisions qui doivent être prises au niveau du Parlement fédéral. Vous savez aussi que ces majorités-là, nous ne les aurons pas, et que ce qui doit nous être remboursé ne peut l'être qu'au moyen de l'argent de ceux qui l'ont reçu à tort. Or lorsqu'il y a plus de bénéficiaires d'une injustice que de victimes et que l'ordre du jour de l'assemblée générale prévoit de répondre à la question de savoir s'il faut rendre le butin, on connaît évidemment le résultat du vote. Soutenez donc ce texte, si vous le souhaitez, j'en ferai bon usage; il sera simplement une arme de plus dans le combat que nous devons continuer à mener pour que la justice soit enfin ramenée dans le système d'assurance-maladie et pour que, indépendamment de la lutte que nous devons livrer pour contenir la hausse des coûts de l'assurance-maladie, un franc versé par les Genevois reste aux Genevois et que ces derniers ne paient que ce qu'ils consomment. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais maintenant mettre aux voix cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2264 (nouvel intitulé) est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 83 oui (unanimité des votants).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande encore une petite seconde d'attention ! Je vous rappelle que la séance des extraits de demain débutera à 14h et ne durera qu'une heure. Nous reprendrons donc notre ordre du jour à 15h. Merci de votre travail, bonne rentrée et à demain !
La séance est levée à 22h45.