République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 octobre 2017 à 18h05
1re législature - 4e année - 7e session - 40e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Geneviève Arnold, Jacques Béné, Christian Dandrès, Michel Ducret, Sophie Forster Carbonnier, Sandra Golay, Lionel Halpérin, Serge Hiltpold, Carlos Medeiros, Guy Mettan, Philippe Morel, Romain de Sainte Marie, Patrick Saudan, Eric Stauffer et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Marko Bandler, Nathalie Hardyn, Esther Hartmann, Patrick Malek-Asghar, Claire Martenot, Ana Roch, Alexandra Rys, Marion Sobanek, Pascal Uehlinger et Céline Zuber-Roy.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons la discussion sur le PL 11929-A. La parole revient à M. Falquet.
M. Marc Falquet (UDC). Oh, mince, c'est déjà à moi ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, comme il a été mentionné tout à l'heure, une réforme est en cours au niveau fédéral et, à mon avis, il n'y a pas de quoi paniquer s'agissant de ce projet, même si c'est vrai que la situation est difficile pour de nombreuses personnes dont les loyers sont supérieurs au barème donné.
J'ai un proche qui bénéficie de l'aide sociale, soit 1200 F par mois, et son loyer est de 1650 F par mois. Or l'Hospice général n'a rien voulu savoir, et pourquoi ? Parce que le bail n'est pas à son nom, tout simplement ! En effet, bon nombre de personnes sous-louent des appartements - à des prix très élevés, évidemment, bien au-dessus des barèmes - et ne peuvent donc pas recevoir d'aide parce que le bail n'est pas à leur nom. Par contre, en temps normal, on peut percevoir jusqu'à 20% de cette somme de 1200 F en plus.
La question est la suivante: est-ce que la personne en question, à qui il reste 900 F pour vivre et qui doit encore s'acquitter de 450 F, mange tous les jours ? La réponse est oui. Il ne faut pas pleurer sur le sort des gens et dire qu'ils n'arrivent pas à manger. Cette personne est tout à fait digne, je la connais bien; évidemment, sa situation n'est pas confortable, mais elle se débrouille, elle dépense moins d'argent, elle achète dans des endroits où les produits sont moins chers, elle bénéficie d'une carte Caritas. Elle ne va pas manger dans les associations, elle mange chez elle ! La situation n'est pas facile, mais elle se débrouille dans la dignité, et il existe beaucoup d'autres solutions; même si ce n'est pas évident, les gens arrivent parfaitement à s'en sortir.
Comme autres solutions, il y aurait par exemple l'échange d'appartements. Beaucoup de gens vivent dans des appartements trop grands, et lorsqu'ils proposent d'échanger leur logement avec quelqu'un d'autre, les communes ou les régies refusent, on ne sait pas trop pourquoi. Là, je pense qu'il y aurait beaucoup de choses à améliorer. Quant aux autres citoyens qui ne sont pas à l'aide sociale mais qui doivent se débrouiller, comme les étudiants, est-ce qu'ils mangent tous les jours ? Souvent, ils disposent de 200 F ou 300 F par mois et ils se débrouillent pour manger, il n'y a pas de problème.
A Genève, on peut s'en sortir avec peu d'argent tant l'offre est grande, et je trouve que la gauche infantilise les gens en pensant qu'ils n'arriveront pas à se débrouiller. Il faut sortir de cette mentalité, arrêter de vouloir mettre les gens sous tutelle ou sous curatelle parce qu'il leur manque 200 F par mois. Rien n'empêche une personne à l'aide sociale de prendre un petit travail de deux ou trois jours par semaine pour compenser le manque. S'il s'agit de gens normaux, qui ne souffrent pas d'une quelconque invalidité, rien ne les empêche de compenser avec un autre revenu ou de se débrouiller autrement. Ce projet de loi - je ne sais plus si c'est une motion ou un projet de loi - n'est pas urgent puisque la loi fédérale va bientôt être modifiée, alors arrêtons d'infantiliser les personnes à l'aide sociale, elles ont une dignité ! Je trouve que la gauche ne leur rend pas service, il faudrait plutôt les responsabiliser.
Je pense aux artisans: quand ils ont payé leurs factures, je vous garantis que bon nombre d'entre eux ont moins de 900 F par mois pour vivre, et ils ne se plaignent pas, alors qu'ils travaillent souvent plus de quarante heures par semaine. Je pense aussi au secteur agricole - c'est un petit clin d'oeil à mon collègue maraîcher: bien souvent, les patrons disposent de beaucoup moins que du minimum vital, et ils ne viennent pas pleurer dans le gilet de l'Etat, ils se débrouillent, ils ont leur dignité. Alors arrêtons d'infantiliser les gens, merci ! (Quelques applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas revenir sur les propos déplorables tenus par mon préopinant, mais simplement lui rappeler que les personnes qui touchent les prestations complémentaires ne peuvent justement pas travailler pour avoir un complément de revenu, étant donné qu'elles sont soit invalides, soit à la retraite. Le système des prestations complémentaires et de l'aide sociale fonctionne selon un schéma assez simple: le bénéficiaire obtient d'abord un forfait d'entretien pour subvenir à ses besoins vitaux, puis une somme afin de payer son loyer. Or tout le problème réside dans le fait que le montant maximal d'aide est plafonné à un niveau beaucoup trop bas, car il n'a pas été réévalué depuis 2001, comme il a été rappelé. Depuis 2001, Mesdames et Messieurs les députés !
Nous connaissons tous le contexte du marché du logement à Genève, les loyers ont considérablement augmenté depuis 2001 - de 33%, pour être exacte. Les conséquences sont directes pour les bénéficiaires de l'aide sociale et des prestations complémentaires: ils doivent utiliser une partie de leur forfait d'entretien, c'est-à-dire rogner sur les dépenses censées couvrir leurs besoins vitaux, pour s'acquitter du surplus de loyer. Et il ne s'agit pas d'une situation marginale, Mesdames et Messieurs: selon les chiffres émis par le département, 30% des bénéficiaires sont dans ce cas de figure, ont un loyer qui dépasse les plafonds admis.
Heureusement, il y a eu une prise de conscience de ce problème, d'abord de la part des associations, mais également de la part du Conseil fédéral - on a parlé de la réforme en cours - et finalement du Conseil d'Etat, qui a admis que cette situation était problématique. Ce projet de loi vise à régler cela, et il est très modéré dans la mesure où il reprend dans les grandes lignes un projet du Conseil fédéral, qu'on ne peut pas accuser d'être de gauche. Il s'agit simplement d'anticiper cette réforme, et il est absolument fondamental de le faire maintenant, parce qu'elle est en stand-by et qu'il y a urgence pour les personnes bénéficiaires de l'aide sociale, elles ne peuvent plus attendre.
Alors oui, ça va coûter une certaine somme à l'Etat - 10 à 12 millions par année, peut-être moins puisque la réforme fédérale va venir combler ce montant - mais ce que nous devons voir sous cette dépense, c'est qu'actuellement - et si ce projet de loi n'est pas voté aujourd'hui, cette situation perdurera - l'Etat économise sur le dos des personnes particulièrement précarisées, il se sert dans leurs poches, et ce n'est pas acceptable. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ces personnes ont un revenu qui oscille entre 2000 F et 3000 F par mois, elles se trouvent donc dans des situations extrêmement précaires.
On tente de nous dire que l'Etat de Genève n'a pas les moyens d'augmenter ces prestations, mais ce discours n'est pas acceptable puisque, je vous le rappelle - et ce sera ma conclusion, Monsieur le président - ce parlement a refusé hier ne serait-ce que d'étudier la possibilité de suspendre le bouclier fiscal qui, s'il était supprimé, rapporterait pourtant plus de 100 millions par année, ce qui permettrait largement d'accorder cette petite aide supplémentaire qui est absolument nécessaire pour les bénéficiaires des prestations complémentaires. Je vous remercie d'accepter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Il faut recentrer le problème, Mesdames et Messieurs. Nous parlons en ce moment du calcul de l'aide sociale pour les personnes qui perçoivent des prestations complémentaires et, dans ce calcul, il est tenu compte d'une certaine somme pour le loyer. Le MCG a une autre optique que certaines personnes qui s'opposent au bouclier fiscal, notamment un préopinant qui voulait que les gens se nourrissent de pissenlit ou de graines à défaut de pouvoir payer leur loyer, ce n'est pas du tout notre vision des choses.
Je crois qu'il faut revenir sur terre, déterminer ce que nous voulons accorder aux plus démunis de notre canton, ceux à qui nous versons le minimum vital. La solidarité sociale est nécessaire, obligatoire, et nous nous engageons dans cette voie. Cela dit, n'en déplaise à certains, cela nous est permis aussi grâce au bouclier fiscal ! En effet, ce mécanisme permet de faire rentrer de l'argent, de financer la politique sociale. Malheureusement, on ne peut pas avoir la vision misérabiliste dont font preuve certains; regardez tous les efforts qu'on fait, tout l'argent qu'on dépense dans le domaine du social ! Ce n'est peut-être pas encore assez, mais Genève en fait déjà beaucoup et doit naturellement continuer dans cette direction.
Quel est le problème de cette loi ? C'est qu'il faut choisir entre loi ou règlement. Actuellement, nous avons un règlement. Celui-ci peut être modifié, et il le sera sans doute, parce que des changements sont en cours au niveau fédéral, c'est-à-dire qu'on va gérer les choses différemment. Peut-être y aura-t-il des spécificités à Genève par rapport à d'autres cantons, ou alors dans l'ensemble des cantons villes - enfin bref, toute une réflexion est en train d'être menée sur cette question. Je ne veux pas trahir les discussions mais, de manière générale, on procédera à un assouplissement des normes. Est-il vraiment temps maintenant de rigidifier les choses ?
Certes, il y a un problème actuellement, on ne peut pas le nier: 30% des bénéficiaires de l'aide sociale et des prestations complémentaires ont un loyer plus élevé que le plafond prévu dans la loi. Mais il s'agit à peine de 30%, ce qui veut dire que les 70% restants sont dans les barèmes ! Sur ces 30%, on dénombre encore 30% de gens qui ont droit à des dérogations, par exemple ceux qui ont un trop grand appartement après que les enfants sont partis - ça peut être d'autres cas particuliers. On dit donc à ces personnes: «D'accord, vous cherchez un nouveau logement - il n'y a pas d'obligation de trouver, vous devez juste en chercher un - et, en attendant, on vous donne une somme supplémentaire pour payer la différence de loyer.» Comme on peut le voir, ça concerne un nombre limité de personnes, heureusement !
Bien sûr, il faut améliorer la situation, il faut faire en sorte de trouver des solutions pour tout un chacun. C'est loin d'être facile, c'est loin d'être évident, mais je pense que même avec la loi qu'on nous propose, il y aura toujours des gens dont les loyers de 2500 F ou 3000 F ne seront pas pris en charge, des gens qui seront en difficulté, on ne peut pas répondre entièrement à la misère actuelle. Aussi, choisissons le règlement plutôt que la loi ! C'est la raison pour laquelle le MCG votera contre ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur. Je salue à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève accompagné de M. Claude Gerber, responsable de formation, qui vient nous rendre visite dans le cadre d'un cours sur le système politique. (Applaudissements.) Monsieur Selleger, c'est à vous.
M. Charles Selleger (PLR). Merci, Monsieur le président. A priori, prendre en compte des loyers réalistes dans le calcul des prestations complémentaires semble évident et frappé au coin du bon sens, et je salue tous les efforts que déploie la gauche pour améliorer la situation des gens qui en ont besoin. Mais elle est complètement schizophrène, parce qu'elle réclame toujours plus pour les pauvres - ce qui est bien, certes - sans se soucier du tout des moyens pour accomplir cette mission.
Chaque fois qu'on présente des projets pour diminuer le train de vie de l'Etat, les représentants de la gauche s'y opposent ! Genève a une dette de 12 milliards, qui va encore augmenter de pratiquement un demi-milliard l'année prochaine, tant le budget est déficitaire. Je vous propose d'être cohérents, Mesdames et Messieurs de la gauche, et de ne pas regarder uniquement du côté de ce qu'il faudrait faire en plus en ignorant l'aspect financier. Ce n'est pas en augmentant les impôts des riches qu'on y arrivera, on vous l'a dit et répété. N'oubliez pas que les contribuables fortunés sont mobiles, que 1% d'entre eux paient 70% de l'impôt sur la fortune tandis que 4% de ces mêmes riches versent 50% de l'impôt sur le revenu. Imaginez la catastrophe si la fiscalité de Genève était plus lourde encore ! N'oubliez pas qu'il s'agit déjà de la plus lourde de Suisse, que notre Etat est le plus généreux envers la fonction publique, que le salaire moyen du fonctionnaire genevois est le plus haut et que le nombre de fonctionnaires par tête d'habitant est également le plus élevé du pays !
Il faut chercher les moyens de mettre en oeuvre votre politique sociale avant de nous bombarder de projets de lois qui, certes, sont intéressants et justifiés - je le répète - mais n'appellent pas non plus un traitement urgent, étant donné la réforme prochaine de la loi fédérale, qui va de toute façon améliorer la situation. C'est pourquoi le PLR ne votera pas ce projet.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Forni pour une minute quarante.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Oui, Monsieur le président, j'aimerais juste rappeler à l'intention de l'un de mes préopinants que le problème de la pauvreté à Genève est sérieux. Il faut savoir que près de 20% des assujettis au RDU sont considérés comme risquant de tomber dans la pauvreté, que presque 14% de la population genevoise perçoit une aide sociale au sens large et surtout qu'un citoyen actif sur vingt présente un risque de pauvreté. Cela pose vraiment un problème éthique et sociétal: est-il normal, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, que l'Etat subventionne d'une certaine manière des emplois trop faiblement rémunérés dans certains secteurs de l'économie ou des loyers trop élevés pour une bonne partie de la population ?
Aujourd'hui, nous avons vraiment un signal à donner à ceux qui en ont besoin. On accorde une très grande attention à certaines catégories de la population - je pense notamment aux fonctionnaires, et ils le méritent - mais on ne doit pas non plus oublier ceux qui en ont besoin. Je le répète: refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, c'est envoyer un signal très négatif à nos concitoyens. Le parti démocrate-chrétien va accepter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à Mme Engelberts pour deux minutes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Moi aussi, j'accepterai ce projet de loi avec grand plaisir. Contrairement à Mme Marti - vous transmettrez, Monsieur le président - je ne vais pas m'empêcher de faire quelques remarques au député Falquet quant à la manière qu'il a de regarder le monde d'en bas... Monsieur Falquet, vous pourriez au moins m'écouter !
Le président. Adressez-vous à la présidence, Madame.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Oui, Monsieur le président, je vous remercie de bien vouloir lui transmettre. A mon sens, c'est carrément de la maltraitance de considérer que certaines personnes - âgées, par exemple - consultent les catalogues de prestations de l'Hospice général ou se rendent d'une institution à l'autre pour trouver à manger. De la même manière, je ne les vois pas non plus faire cela pour des activités sociales ou autres.
D'accord, vous connaissez une personne à l'aide sociale; pour ma part, j'en connais beaucoup parce que j'ai été amenée à en rencontrer en raison de ma profession, et je crois que la reconnaissance de la dignité commence ici, au Grand Conseil. Soyons clairs sur la situation: on ne peut pas vivre à Genève avec le minimum vital qui est octroyé, à moins d'être jeune, en bonne santé, d'avoir ses deux jambes et toute sa tête. Or ce n'est pas le profil des personnes les plus en difficulté. La manière dont vous avez traité le sujet me paraît - excusez-moi du terme - tout à fait indigne de la part d'un député en mesure d'analyser la situation telle qu'elle est. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame. Monsieur Falquet, vous avez vingt-quatre secondes.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Quand j'ai divorcé il y a quelques années, il me restait quelque chose comme 300 F par mois, et je me suis débrouillé, je ne me suis jamais adressé à l'aide sociale - non, en réalité, j'ai voulu y aller, mais j'y ai été tellement mal accueilli que j'ai renoncé, je m'en suis sorti avec mes propres économies. Alors il faut arrêter vos histoires de dignité ! Nous avons un collègue qui bénéficie de l'aide sociale, il aurait beaucoup de choses à dire sur le sujet. La dignité, elle commence dans les institutions qui doivent respecter les gens et arrêter de... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. C'est terminé, merci. A présent, la parole va au conseiller d'Etat Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous faites faire à l'Etat de Genève un grand écart alors qu'il n'est pas entraîné pour cela, hélas, et je peux vous dire que les abducteurs sont en train de chauffer sérieusement ! Lors de la dernière séance, vous avez décidé d'accorder 30 millions supplémentaires aux TPG; soit. Tout à l'heure, vous avez voté pour octroyer 17 millions rétroactifs à des institutions pour des comptes 2016 qu'elles ont depuis lors bouclés; soit. Aujourd'hui, vous voulez encore redistribuer l'argent que nous tentons péniblement de récolter, ne serait-ce que pour déséquilibrer nos comptes le moins possible - je ne parle même pas de les équilibrer, bien entendu.
A un moment donné, il faut se montrer réaliste: on ne dirige pas un canton comme le nôtre avec les seuls bons sentiments. Le «Geneva finish», comme on l'appelle, a ses limites. Ici, nous faisons toujours plus qu'ailleurs, mieux qu'ailleurs, parce que nous sommes meilleurs qu'ailleurs ! Or être les meilleurs coûte plus qu'ailleurs. Jusqu'où irons-nous dans cette frénésie d'augmentation des prestations sans nous soucier de qui passera à la caisse au final, Mesdames et Messieurs ?
Il s'agit tout de même de citer quelques chiffres sur notre combat contre la précarité et la pauvreté, j'aimerais qu'on sache de quoi on parle: une personne seule à l'aide sociale voit ses primes d'assurance-maladie payées, sa franchise et la participation aux frais médicaux jusqu'à 25 000 F prises en charge par l'Etat, ses besoins vitaux et son loyer couverts à hauteur de 27 624 F ou de 38 755 F si elle bénéficie des prestations complémentaires. Pour deux personnes, les primes d'assurance-maladie sont également payées, les frais médicaux pris en charge, et la somme de 38 938 F versée, ou de 53 492 F s'il s'agit de bénéficiaires des prestations complémentaires. Pour trois personnes, Genève paie 45 207 F et 66 323 F pour les bénéficiaires des prestations complémentaires.
Je vous pose la question suivante, Mesdames et Messieurs: combien de travailleurs dans notre république, après s'être acquittés de leurs primes d'assurance-maladie, de leur loyer et de leurs impôts, réussissent à vivre avec ces sommes lorsqu'ils exercent des professions modestes, sans formation particulière ?
Cette situation n'est pas enviable, mais je dis simplement que nos moyens financiers nous imposent certaines limites et que nous devons nous montrer pragmatiques. Aujourd'hui, 70% des bénéficiaires de prestations sociales ont un loyer inférieur aux normes genevoises. Certes, 30% d'entre eux ont un loyer supérieur, mais mes services prennent en considération les contextes particuliers, parce qu'on ne peut pas déménager du jour au lendemain et que, même si on le souhaite, il est difficile de trouver des loyers qui soient dans les barèmes indiqués. Sur ces 30%, donc, un tiers bénéficie de dérogations, ce qui fait que nous parlons ici de 20% de personnes qui ont un loyer supérieur au plafond et qui doivent - c'est regrettable, je le reconnais - utiliser pour compenser une partie de ce qui leur est versé au titre des besoins vitaux.
Naturellement, pour être équitables, il nous faudrait prendre en charge les montants réels. Or vous voyez toute la distorsion que ce genre de position peut provoquer. C'est comme si, dans le domaine des subsides à l'assurance-maladie, nous payions totalement les primes dont les assurés doivent s'acquitter auprès de leur caisse ! Non, nous leur demandons de faire un effort chaque fois que cela est possible, de réduire leurs primes en optant pour un système meilleur marché, ce d'autant que les bénéficiaires de subsides totaux voient leurs franchise et participation prises en charge par nous.
Mesdames et Messieurs, une réforme est en cours à l'échelle fédérale, car à Berne aussi, on sait que cette situation est problématique, que les loyers se révèlent très inégaux selon qu'on habite dans une zone urbaine ou rurale. Devons-nous systématiquement faire mieux qu'ailleurs, plus vite qu'ailleurs ? Pourquoi ? Parce que nous sommes plus riches qu'ailleurs ? Eh bien non, Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas plus riches qu'ailleurs.
A côté de chez nous, le canton de Vaud va décider de prendre en charge la totalité des primes d'assurance-maladie qui dépassent 10% du revenu pour toute une catégorie de la population. Disposons-nous des moyens pour faire de même ici ? A quand, Mesdames et Messieurs de la gauche, une initiative dans ce sens ? Ce sont 100 millions supplémentaires que le canton de Vaud va verser. Il se trouve que Genève a un statut de contributeur dans le système de péréquation financière tandis que Vaud, lui, perçoit de l'argent des autres cantons.
Le système est perverti, mais il y a une réalité à laquelle nous devons faire face, et je vous demande simplement de revenir sur terre pour une fois dans ce parlement. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Longs applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et lance le vote...
Mme Caroline Marti. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenue, Madame ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien. Le vote est lancé.
Mis aux voix, le projet de loi 11929 est rejeté en premier débat par 49 non contre 42 oui (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous abordons à présent le PL 11991-A en catégorie II - quarante minutes. Monsieur Velasco, je vous laisse la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes face à un projet de loi accordant une aide financière annuelle de fonctionnement de 210 000 F à l'association Pluriels pour les années 2017 à 2020. Cette association accomplit depuis bien des années un excellent travail, qui ne peut pas être réalisé par des institutions comme l'Hôpital cantonal. Ce travail, effectué par des psychologues et des psychiatres, concerne fondamentalement une population migrante qui, bien souvent, n'a même pas les informations lui permettant de savoir où s'adresser. (Remarque.) Je vous prie d'être respectueux, Monsieur, parce que vous manquez de respect même envers vous-même ! En tant que député, vous faites preuve d'un manque de respect avec les propos que vous tenez ! On peut être d'extrême droite mais respectueux !
Le président. Monsieur Velasco, continuez, s'il vous plaît.
M. Alberto Velasco. A vous de le rappeler à l'ordre, Monsieur !
Le président. Allez-y, Monsieur Velasco.
M. Alberto Velasco. Il s'agit donc d'une population migrante qui, bien souvent, est dépourvue des moyens de se soigner, avec en plus toute la problématique de ces personnes qui ont enduré de longs voyages, qui ont pu subir des viols ou tout ce qui peut se passer durant leur périple. Pour une somme de 210 000 F, Monsieur le président, cette association accomplit un travail qui serait impossible à réaliser au sein de l'Etat. Donc non seulement elle effectue un travail de qualité à l'égard des migrants, mais en plus elle rend un grand service à l'Etat, et en coûtant bien moins cher. En effet, Monsieur le rapporteur de minorité, vous qui nous parlez tout le temps d'économies, d'économies et d'économies, je peux vous dire que si ces tâches devaient être accomplies par l'Etat, cela coûterait bien plus cher ! Voilà ce que je voulais vous indiquer, et vous devez en tenir compte.
Le rapporteur de minorité a relevé qu'il était apparu que le comité n'était pas du tout conforme aux statuts. Depuis lors, Monsieur, le comité a rétabli la situation, mais vous savez très bien que même si ce comité n'était pas en règle avec les statuts - et je suis d'accord avec vous, il doit l'être ! - ça n'a pas péjoré les prestations de cette institution et, je vous le garantis, il n'y a pas eu de malversations à ce niveau. En conséquence, Mesdames et Messieurs, eu égard à l'excellent travail accompli par l'association Pluriels depuis de longues années dans notre canton, je vous demande de bien vouloir accepter de lui accorder cette aide financière.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. En faisant ce rapport de minorité, je prends un risque, parce qu'au fond je m'attaque à l'un des tabous les plus profonds de notre République et canton de Genève, à savoir le monde merveilleux de l'économie sociale, solidaire et subventionnée. C'est une économie - notamment le monde associatif - qui est dans certains domaines, on peut le dire, au-dessus des lois, puisqu'on a vu qu'il y avait quelques problèmes, par exemple en matière de gouvernance. Heureusement qu'on étudie ces projets à la commission des finances au regard de la LIAF, parce qu'on constate souvent, hélas, que les règles de bonne gouvernance ne sont pas respectées. Dans le cas présent, on s'est aperçu que le comité n'était pas conforme aux statuts. Alors on nous a dit qu'il ne fallait pas embêter ces pauvres petites associations, etc., mais ce qui me frappe, c'est qu'à la commission de l'économie, dans laquelle je siège aussi, au moindre problème de gouvernance dans l'économie privée, les patrons sont tout de suite traités de bandits, de négriers et d'exploiteurs, alors que dans l'économie associative et solidaire subventionnée - et parfaite - tout est permis. Je pense donc qu'il est très important - et c'est l'un des rôles premiers de ce rapport de minorité - de dire que tout n'est pas permis dans ce monde et qu'il faut contrôler la légalité, une tâche qui revient à l'Etat. Voilà pour ce qui est de cet élément concernant la gouvernance.
Sur le fond, il y a un autre tabou. On nous explique - M. Velasco l'a fait, et ça ne m'étonne pas, malgré tout le respect que j'ai pour lui - que personne d'autre ne peut remplir cette tâche et que c'est absolument la seule structure au monde qui peut le faire. C'est un mal dont souffre le canton de Genève, qui arrose une multitude d'entités, sans aucune vision d'ensemble. On ne voit pas les véritables priorités et, vu la situation financière de l'Etat de Genève, on peut se demander s'il appartient vraiment à l'Etat de subventionner, de s'occuper d'ethnopsychologie. J'émets certains doutes ! On consacre, c'est vrai - et c'est tout à notre honneur - des montants considérables à l'accueil des migrants, mais dans un éclatement de structures invraisemblable, et malgré tous nos efforts nous n'avons pas obtenu de vision globale de la situation en commission des finances, or je pense que c'est le moindre de nos droits et de nos devoirs de contrôler qu'il y a une cohérence et une efficience. C'est la raison pour laquelle je demande que ce rapport soit renvoyé à la commission des finances, pour qu'enfin on ait une vision globale de la situation et qu'on puisse voir si vraiment personne au monde ne peut faire de l'ethnopsychologie à part l'association Pluriels. Et si le renvoi en commission est refusé, je vous engage à rejeter ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission, sur laquelle peuvent s'exprimer les rapporteurs et le Conseil d'Etat. Je passe la parole à M. Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, nous avons auditionné et le Conseil d'Etat et d'autres entités, donc je pense que nous avons fait tout le travail nécessaire pour pouvoir nous prononcer aujourd'hui. Par ailleurs, la demande de renvoi en commission qui nous est soumise n'est pas faite sur la base d'une suggestion: si j'avais entendu mon collègue dire que c'est parce qu'il veut voter ce projet de loi et qu'il a des propositions pour l'améliorer, etc., j'aurais compris, mais ce n'étaient pas ses propos ! Donc la seule raison pour laquelle il demande le renvoi en commission, c'est pour retarder le paiement de l'aide financière à cette institution. Or, je l'ai dit, il ne s'agit pas de sommes énormes, c'est 200 000 F ! 200 000 F ! On ne parle pas de 200 millions ! En conséquence, Mesdames et Messieurs, eu égard à l'urgence dans laquelle se trouvent ces associations, qui doivent parfois se financer par ces moyens, je vous demande que l'on refuse le renvoi en commission et qu'on vote ce projet de loi aujourd'hui.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le conseiller d'Etat, voulez-vous vous exprimer sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Très bien, dans ce cas nous passons directement au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11991 à la commission des finances est rejeté par 59 non contre 31 oui.
Le président. Nous continuons notre débat et je passe la parole à M. Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, on assiste ici à une discussion un peu étrange. Il s'agit donc de baisser la subvention accordée à l'association Pluriels, qui répond aujourd'hui à un besoin prépondérant à Genève. Grosso modo, la part de l'Etat, qui représente actuellement trois quarts des fonds de cette association, équivaudra avec ce projet de loi à deux tiers de ses fonds. Dans cette situation, on entend depuis plusieurs mois à la commission des finances, de manière totalement répétitive - vous lui transmettrez, Monsieur le président - les interventions réitérées de notre collègue Edouard Cuendet, qui nous explique systématiquement deux choses. Tout d'abord, il nous dit que l'Etat devrait prendre en charge ces services rendus par le monde associatif. Il en a les moyens, nous explique-t-il, alors pourquoi n'est-ce pas de temps en temps l'Hospice général ou les HUG qui font ce travail ? On lui répond que ça va coûter plus cher - c'est évidemment du bon sens - car à l'Etat les conditions de travail, les contrats, la grille salariale et le type de prestations sont autres que dans le monde associatif. Il nous rétorque alors que ces associations font toutes la même chose et qu'on devrait en supprimer certaines, créer des synergies, etc. On lui démontre par A+B que chacune de ces associations réalise un travail spécifique extrêmement important, mais de réunion en réunion il nous répète les mêmes choses.
Maintenant on a une proposition qui va dans le sens de confier cette mission à l'association Pluriels et de réduire ses moyens. Evidemment, c'est la politique dominante actuelle du Conseil d'Etat, et M. Cuendet aimerait marcher quelques pas en avant pour aller encore beaucoup plus vite. Nous ne sommes pas des partisans de la politique du pire et voterons donc avec la majorité cette subvention en baisse, mais j'attire votre attention sur un point: à force de réduire les subventions du monde associatif qui remplit des tâches publiques prépondérantes, on va aller vers une absence de prise en charge des personnes qui en ont besoin. Je crois que c'est la marche qui est engagée par le Conseil d'Etat à pas lents, trop lents pour vous, Monsieur Cuendet, mais cette marche-là, il va falloir l'interrompre pour répondre de manière réaliste à l'ensemble de ces besoins.
Dernière remarque: M. Poggia nous dit que nous voulons chaque fois dépenser de l'argent, mais que l'Etat n'en a plus les moyens. Je vous rappelle que nous avons eu un débat ici sur la suspension du bouclier fiscal - je crois que je vais entendre des cris... Non ? Merci à M. Zacharias - vous transmettrez ! (Remarque.) Eh bien la suspension du bouclier fiscal est précisément le type de mesure qu'il faut prendre si l'on veut fournir les prestations dont la population a besoin. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes effectivement face à un problème de gouvernance soulevé par M. Cuendet, que je comprends, et cela pour deux raisons. La première, c'est que quand un contrat de prestations arrive devant la commission des finances, il est déjà bouclé; il a été négocié, ce qui fait qu'il est très difficile de revenir dessus. A ce titre, j'aimerais quand même préciser que les problèmes de gouvernance sont constamment relevés par la commission des finances. Chaque fois que l'on pose des questions, on obtient un certain nombre de réponses, et c'est notre rôle de vérifier que la gouvernance est correcte au sein de ces associations. Ce travail se fait, M. Cuendet le sait très bien, et je pense qu'on n'a pas l'habitude de distribuer les deniers publics sans se poser ce type de questions. Effectivement, le point sur lequel je rejoins M. Cuendet, c'est qu'à un moment donné on a peut-être trop d'associations, trop de choses, qui ne sont pas forcément coordonnées. Il nous manque quand même de la transversalité, et j'invite donc le Conseil d'Etat à étudier cette transversalité entre l'ensemble de ces associations afin de voir si on ne peut pas obtenir un peu plus d'efficience.
Quant à ce projet de loi, le parti démocrate-chrétien le soutiendra. On parle de 210 000 F, Mesdames et Messieurs, pour faire quoi ? (Commentaires.) Je voudrais juste citer un passage du rapport: «De nombreuses personnes consultent également Pluriels en tant que victimes de discriminations, de racisme et de violences familiales, mais toujours dans un contexte de migration et de métissage.» Mesdames et Messieurs, c'est une réponse que la population attend, il y a aujourd'hui une association qui joue ce rôle et qui le fait très bien, je vous invite donc à soutenir ce contrat de prestations. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Gabriel Barrillier (PLR). Chers collègues, en préparant mon intervention - j'ai dû la préparer parce que je n'étais pas présent à la commission des finances lorsque la discussion sur ce sujet a eu lieu - je suis tombé par hasard, mardi dernier, sur deux articles de la «Tribune de Genève». L'un était intitulé «Un tutorat hors du commun fête ses dix ans» et concernait l'association Reliance, tandis que l'autre avait pour titre «Des migrantes dévoilent les lieux où elles se sentent le mieux avec leurs enfants». Ça tombait bien, puisque c'est la problématique abordée par l'association Pluriels. Suite à cela, j'ai fait une petite recherche, toujours dans la perspective d'une utilisation et d'une coordination des moyens que la commission des finances doit examiner. Il y a déjà un progrès, car les conseillers d'Etat viennent maintenant souvent avec un bouquet de propositions de contrats de prestations pour essayer de nous permettre d'avoir une vision d'ensemble. Cela dit, j'ai quand même creusé la question de l'accueil des migrants, parce que c'est de cela qu'il s'agit. En ce qui concerne le PLR, nous sommes tout à fait conscients de la nécessité de faciliter l'intégration des migrants, d'où qu'ils viennent. Mais j'ai tout de même fait une petite étude.
Il existe l'association Appartenances, active dans le domaine de la santé et de l'intégration des familles, qui offre des consultations psychothérapeutiques pour migrants et qui reçoit une aide financière de l'ordre de 176 000 F. On peut citer ensuite l'association Vivre Ensemble, ainsi que Reliance, dont je viens de parler, qui offre un soutien scolaire et une aide à l'intégration en faveur de quatre-vingts élèves et leur famille, pour une subvention publique totale de 97 000 F. J'ai encore creusé plus loin en cherchant des informations sur le Centre de Contact Suisses-Immigrés, qui se présente - et on le sait très bien - comme l'acteur clé du dispositif cantonal d'intégration sur son site internet. Cette association, que tout le monde connaît et qui fait un travail admirable, touche du canton - je ne parle que du canton - 377 280 F et reçoit en outre une subvention de la Ville de Genève, de l'OFAS, etc. J'ai cherché encore et me suis souvenu de Camarada, qui est un centre d'accueil et de formation pour femmes migrantes et leurs enfants en âge préscolaire. (Commentaires.) Je ne porte pas de jugement sur leur travail, je souhaite simplement effectuer une synthèse et un bilan de l'effort que nous faisons ! Eh bien Camarada a une recette de 1,5 million de francs; le canton lui verse 287 000 F, la Ville 83 000 F, le bureau de l'intégration 233 000 F, le fonds chômage de la Ville de Genève 180 000 F, sans oublier des aides sociales diverses d'un montant de 400 000 F, etc. De plus, j'ai appris cet après-midi qu'il existait l'association Source Bleue, dont j'ai pensé qu'il s'agissait d'une source d'eau où on pouvait aller se laver...
En faisant le total de l'engagement du canton - du canton exclusivement - pour ces quatre associations, j'arrive à une somme d'environ 1 200 000 F. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est simplement pour vous montrer que l'effort est quand même effectué ! Il est donc normal qu'à la commission des finances on souhaite avoir une vue d'ensemble de ces engagements. Il y en a sans doute beaucoup d'autres, mais c'est ceux que l'on connaît. Pour toutes ces raisons, je demande le retour de cet objet en commission afin que l'on vérifie la coordination et la bonne utilisation des deniers dans ces quatre associations. Je vous remercie. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis une nouvelle fois d'une demande de renvoi en commission. J'imagine que les rapporteurs ne veulent pas reprendre la parole, puisque les positions restent les mêmes. Etes-vous d'accord que l'on passe directement au vote ? (Remarque.) Monsieur Velasco, je vous laisse la parole pour quelques secondes.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je trouve que notre collègue Gabriel Barrillier aurait dû assister à nos travaux, quand même ! En effet, il aurait pu poser toutes les questions qu'il se pose aujourd'hui ! Mais parce qu'il n'était pas présent lors de nos travaux et qu'il n'a pas réussi à poser les questions qu'il se pose maintenant, eh bien il demande ce soir à notre parlement de surseoir au vote de ce projet et de le renvoyer en commission ! Pourtant ça va coûter un peu plus cher, Monsieur le président, car ici nous sommes cent députés payés à la séance, tout comme en commission nous sommes quinze députés payés à la séance. Tout ça pour une subvention de 200 000 F, qui se justifie parce que toutes les associations qu'il a citées ne font pas le même travail et ne fournissent pas les mêmes prestations. Je refuse donc ce renvoi en commission. Merci.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Le rapporteur de majorité est d'une touchante mauvaise foi ! Ce problème de la vue d'ensemble qu'on réclame depuis des siècles n'est justement pas nouveau, on a soulevé cette problématique pendant les travaux en commission, donc c'est vraiment faire un mauvais procès à M. Barrillier de lui reprocher d'évoquer cette question maintenant. Et pour ce qui est de l'argument consistant à dire qu'il ne s'agit que de 200 000 F, eh bien si on additionne - comme l'a fait à juste titre M. Barrillier - tous les montants consacrés à ce domaine, et ils ne sont d'ailleurs pas tous là, on arrive à des sommes tout à fait considérables ! Et je rappelle que c'est un contrat sur quatre ans, ce qui fait donc quand même 800 000 F. Je sais que pour vous l'argent n'a pas beaucoup d'importance, mais je pense que vu l'état de nos finances, un retour en commission se justifie pleinement. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons donc nous prononcer une nouvelle fois sur cette demande de renvoi à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11991 à la commission des finances est rejeté par 60 non contre 32 oui.
Le président. Le débat se poursuit et je cède la parole à M. Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. En préambule, j'aimerais dire que la politique du MCG consiste à s'opposer à une immigration massive, à s'opposer à ce qu'on ouvre le robinet de la migration. Cela fait partie de notre politique. Néanmoins, quand les migrants sont ici, il faut s'en occuper, et de manière intelligente, c'est-à-dire éviter qu'on se retrouve avec des personnes qui pètent un plomb, qui créent de vrais problèmes, et qui à ce moment-là ne coûtent plus 200 000 F, mais des sommes considérables, parce qu'il y a une non-intégration. C'est l'un des éléments qui nous fait soutenir ce projet de loi, qui quelque part est modeste. Nous avons eu des échos selon lesquels cette association fait un bon travail. Cela nous a été rapporté. C'est un travail de fond, que beaucoup de gens ignorent sans doute, parce qu'ils ne se trouvent pas en compagnie de personnes issues de la migration. Mais quand on parle avec des gens qui sont proches de cette association en tant qu'usagers ou connaissances d'usagers, on se rend compte qu'un travail efficace est réalisé. On s'est battu en commission des finances - même si ça a parfois déplu à notre magistrat - notamment au sujet de l'aide médicale aux migrants et de certaines augmentations de sommes qui nous semblaient trop importantes, mais là c'est vrai qu'un travail efficace est fait globalement, à bon compte, d'après nos informations, donc je vous demande de voter ce projet de loi dans une optique d'intégration. Quelle que soit l'opinion que l'on a, il faut s'attaquer aux causes de la migration, et quand on est face aux conséquences de celle-ci, il faut aussi essayer de trouver des solutions. Ça a certes un coût, mais il est modeste dans le cas précis.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je vais sans doute subir l'ire collective, mais il y a quand même des vérités qu'il faut oser proclamer haut et fort - en tout cas, une partie des gens qui nous élisent nous le demandent. La première chose que je voudrais préciser à titre liminaire, c'est que vous ne m'entendrez jamais critiquer les personnes qui oeuvrent dans cette association ou remettre en cause leur bienfacture; par contre, il s'agit de savoir si le travail qu'elles effectuent est réellement nécessaire.
Mon préopinant m'a ôté de la bouche une partie de ce que j'allais dire, à savoir que notre budget est en train de dépasser tout ce qu'il était seulement possible de conjecturer. A cet égard, risquons-nous à parler ce soir de ce qui figure à l'article 8 de ce projet de loi sous le titre «Relation avec le vote du budget», parce qu'on passe toujours dessus comme chat sur braise. Je sais que M. Poggia ne sera pas de cet avis, il vous énumérera bien plus brillamment que moi tout plein d'arguments pour vous convaincre qu'il faut aider cette association dont le but statutaire principal consiste à «proposer des interventions professionnelles afin d'accompagner les migrants présentant des difficultés face à l'ensemble des changements auxquels ils sont confrontés». Il est clair que dans leur pays, ces gens meurent de faim et n'ont pas cinq sous pour s'acheter quelque chose; ici, ils ont tout, c'est dramatique ! M. Poggia va vous dire qu'ils ont certains problèmes, que c'est un risque pour notre société, qu'il pourrait y avoir des agressions - voilà donc où on en est !
Mais si on pense à notre population, à ceux qui auraient besoin de soutien ici, est-ce qu'on doit vraiment consacrer tout cet argent à cette association à l'heure où le déficit du budget atteint les 260 millions, dans le meilleur des cas ? C'est exactement ce que vous a dit tout à l'heure M. Poggia - il va donc se contredire maintenant, mais le problème n'est pas là: nous n'en avons plus les moyens ! Alors où faut-il investir, qu'est-ce qui est essentiel ? Assurer des consultations psychologiques pour des migrants mal adaptés ? Permettez que l'UDC dise non. Nous refuserons purement et simplement ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à consulter la page 7 du rapport sur ce projet de loi où vous pourrez lire, à peu près au milieu, les propos relatés suivants: «A la suite d'une demande du groupe PLR de surseoir à l'entrée en matière jusqu'à l'obtention des réponses aux questions posées, le département demande si le groupe PLR considère que les réponses aux questions vont pouvoir l'amener à soutenir ce projet de loi. Il souligne que les commissaires font comme ils veulent, mais si le but est de toute façon de refuser le projet de loi, on peut se demander si ce n'est pas un abus de droit de demander de reporter un vote en attendant des réponses à des questions qui ne changeront de toute façon pas leur opinion.»
On a ici l'exemple parfait des méthodes du PLR: non seulement il reporte le vote en commission en exigeant des réponses à des questions, mais il sollicite encore plusieurs fois le renvoi en commission lors de la séance plénière. Vraiment, une partie des députés PLR de la commission des finances - pas tous, il y en a un qui sort nettement du lot - se moquent du monde !
Deux fois par an, nous avons l'occasion d'étudier toutes les subventions aux associations: au moment des comptes et au moment du budget. Nous avons une liste avec l'ensemble des montants et la possibilité de demander en quoi consiste exactement le travail de chacune d'entre elles, quelles sont leurs différentes missions. Mesdames et Messieurs, si le PLR vous dit qu'il ne connaît pas ces différences, c'est parce que ses représentants ne travaillent pas et ne retiennent pas ce qu'on leur dit, et ils le font volontairement pour semer la confusion.
Chaque heure de la commission des finances coûte plus de 2000 F en jetons de présence, chaque heure de nos travaux ampute donc de 1% le montant ici demandé de 200 000 F. Renvoyer ce projet de loi à la commission des finances est une absurdité, reporter un vote alors qu'on est quasiment à la fin de l'année et qu'il s'agit d'une subvention qui concerne aussi 2017, c'est se moquer des professionnels qui oeuvrent à l'intégration des étrangers.
Les étrangers, Mesdames et Messieurs les députés, ce ne sont pas que des requérants d'asile et des trafiquants de drogue; prenons par exemple les députés du groupe UDC, examinons leur situation de plus près: sans doute plus de 50% de leurs conjoints et conjointes sont d'origine étrangère !
M. Stéphane Florey. Mais pas du tout !
M. Roger Deneys. C'est la réalité aujourd'hui ! Quand on parle de difficultés d'adaptation, il peut s'agir de problèmes familiaux, de garde d'enfants, de traditions, c'est forcément compliqué, Mesdames et Messieurs les députés ! L'UDC fait de la stigmatisation des étrangers son fonds de commerce, c'est son droit, mais que ses députés se regardent dans les yeux et observent comment ils fonctionnent avec les étrangers avant de dire que l'intégration est inutile.
M. Baertschi l'a évoqué à raison: quand on peut résoudre un problème par la négociation, par le recours à un psychologue plutôt qu'en faisant appel à la police ou à la répression pour régler un conflit, notre république y gagne quant à l'intégration et économise de l'argent dépensé dans la sécurité publique. Alors oui, il faut soutenir cette association ! Et s'il faut réexpliquer encore une fois aux députés PLR les différences entre chacune de ces associations au moment du budget, eh bien nous le ferons, comme nous l'avons déjà fait pour Camarada, le Centre de Contact Suisses-Immigrés et toutes les autres. Merci d'accepter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Mme Esther Hartmann (Ve), députée suppléante. J'ai beaucoup hésité avant de prendre la parole, mais vu tout ce qui a été dit ce soir, je ne peux qu'exprimer une certaine colère quant à l'ignorance de certains députés qui sont pourtant payés pour se renseigner sur ce qu'est l'ethnopsychologie - puisque c'est la discipline qu'a évoquée le rapporteur, M. Cuendet - et à quoi ça sert. Je voudrais d'abord rappeler que 30% de la population endure des souffrances psychiques.
Ce soir, ici même, nous sommes rémunérés 100 F par heure pour faire notre travail, tandis que les psychologues qui oeuvrent à Pluriels touchent 50 F de l'heure. Ces prestations sont nettement moins chères qu'à l'Hôpital cantonal ! Ainsi, lorsque nous versons de l'argent à cette association, nous économisons sur les frais qui seraient autrement facturés par les HUG. Confondre les missions respectives de Camarada, Appartenances ou Pluriels, c'est proprement inadmissible ! C'est comme si on envoyait quelqu'un à l'hôpital et qu'on lui disait: «Voici un spécialiste de l'estomac, il va régler votre problème au pied.» Voilà à peu près l'argumentation que vous avancez, Mesdames et Messieurs, pour justifier votre refus de ce projet de loi.
Cette subvention est nécessaire. Pluriels accompagne des gens qui sont en souffrance, et pas forcément des migrants illégaux ou des requérants d'asile qui ne seraient pas insérés, mais parfois des personnes qui ont quinze ou vingt ans de vécu de la migration et nécessitent peut-être un accompagnement spécialisé. Pour notre part, nous allons soutenir ce projet, tout en marquant fermement notre désapprobation quant aux propos méprisants que nous avons entendus aujourd'hui, qui témoignent d'un manque de considération à la fois pour les migrants et les professionnels qui interviennent au sein de cette organisation.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Ce projet de loi implique la responsabilité de Genève vis-à-vis des personnes à intégrer, la responsabilité citoyenne de notre canton. Oui, il y a des nuances entre les missions des différentes associations, évidemment ! Monsieur le président, vous êtes bien placé pour entendre ce que je m'apprête à dire: je ne vais pas demander que les vignerons ou les banquiers fusionnent au prétexte qu'ils exercent le même métier, vous pensez bien que je ne vais jamais proposer une chose pareille !
S'il y a bien une chose que mon expérience de trente ans dans ce domaine m'a apprise, c'est qu'en soutenant ce type d'association, on a un vrai retour sur investissement - je l'ai déjà dit haut et fort, je le répète, je le crie à nouveau. Pourquoi ? Parce que tout ce qui peut être apporté par exemple à des femmes et à leurs enfants dans le domaine de la lutte contre les excisions, contre les mariages forcés, tout ce qui peut être enseigné sur nos codes est absolument essentiel pour que puissent se développer ceux qui seront nos citoyens de demain, qui paieront notre AVS, qui s'acquitteront de leurs impôts.
Nous avons besoin d'intégrer ces gens avec le respect qu'ils méritent, de leur transmettre nos exigences et nos codes. J'y tiens énormément ! Toutes les personnes qui ont été aidées - à mon niveau, majoritairement des femmes - ce sont autant de personnes, et leurs enfants, qui n'iront pas à l'aide sociale ou en sortiront plus vite. Encore une fois, il s'agit d'un retour sur investissement, alors votons ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame. Vous savez, les vignerons ne fusionnent pas, mais ils s'associent pour acheter leurs machines ou leurs produits en commun afin de faire des économies - il me semble qu'on pourrait prendre exemple là-dessus ! Je passe la parole à Mme Haller pour cinquante-cinq secondes.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Oui, Monsieur le président, merci. Mmes Hartmann et von Arx ont parfaitement résumé ma position, je n'en dirai pas davantage. J'aimerais simplement mettre en évidence le fait que le PLR mène aujourd'hui une offensive contre le monde associatif, et les termes particulièrement disqualifiants utilisés par le rapporteur de minorité sont inacceptables. Au final, on utilise Pluriels pour faire leur fête aux autres associations, ce qui n'est pas correct.
Mesdames et Messieurs, vous êtes en train de pénaliser une organisation qui remplit une mission extrêmement importante dans ce canton simplement parce que vous voulez établir une autre problématique, ce n'est pas digne, ce n'est pas admissible. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Sormanni, vous avez la parole pour deux minutes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis assez affligé à l'écoute de ce débat. Si tout le travail que réalisent les associations devait être confié à l'Etat, je vous laisse imaginer combien ça coûterait ! En effet, les intervenants dans ces différentes organisations, qui ont chacune leurs spécificités, pratiquent des tarifs qui défient toute concurrence, donc la raison nous commande de voter cette subvention.
Soit dit en passant, plus on intégrera ces personnes, moins on sera confronté à des problèmes de délinquance - délinquance dont certains s'ingénient ensuite à gracier les auteurs, ce qui n'est pas la bonne solution. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à approuver ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et cède la parole à M. Pistis qui dispose encore d'une minute treize.
M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez: les députés UDC sont des pourvoyeurs qui trompent leurs électeurs: hier, ils ont gracié un criminel étranger ! Le MCG soutient ceux qui veulent s'insérer dans notre société, tandis que le groupe UDC non seulement refuse leur intégration, mais absout ensuite les étrangers qui commettent des délits ! Voilà la politique que mène l'UDC au sein de ce parlement, et je tenais à le souligner. Merci.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur. La parole revient à M. Forni pour quarante-neuf secondes.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président, je serai très bref. J'aimerais aborder deux thèmes: les économies et l'efficacité. Pourquoi l'Etat ne prend-il pas sous sa coupe la prévention au sens large ? Simplement parce qu'il sait que ça lui coûterait beaucoup plus cher de devoir remplacer chaque association par un fonctionnaire. Il faut signaler que c'est un domaine qui compte beaucoup de bénévoles... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...à commencer par les comités, dont l'ensemble des membres sont volontaires.
On cherche des pistes d'économies ? J'ai appris que la commission des finances avait inspecté les contrats de prestations et le financement de ces associations à deux reprises, alors même qu'un tel contrôle est déjà effectué en amont par le service du médecin cantonal, auquel est rattaché le secteur de la prévention et de la promotion de la santé. On y passe des heures, à tel point qu'on a parfois l'impression que c'est obsessionnel, et beaucoup de temps est gaspillé - si j'ose dire - à demander des renseignements qui sont de l'ordre de la virgule et du point. Alors je pense que si on veut réaliser des économies, il faudrait commencer par là. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole va à M. Falquet pour une minute quarante.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas revenir sur la polémique de la grâce d'hier, je trouvais justement que cet homme s'était intégré et qu'il était inutile de le réincarcérer.
Ce débat sur la migration est très intéressant. Il y a trente ans, les gens venaient chez nous pour travailler. Aujourd'hui, il n'y a plus de travail, Mesdames et Messieurs, mais vous continuez à favoriser la migration. Il y a trente ans, il n'y avait pas de psychiatres, de psychologues, d'ethnopsychologues, et les gens étaient en bonne santé. (Exclamations.) Aujourd'hui, nous avons le nombre de psychiatres par habitant le plus élevé au monde, mais la santé mentale des gens se détériore toujours davantage. Alors les troubles de ces personnes dont vous prétendez qu'elles ont fait la guerre...
Les gens ne devaient pas être sous les bombes, s'ils ont réussi à mettre 6000 dollars de côté alors qu'ils gagnent à peine 1000 dollars par année ! Comment font-ils pour se procurer 6000 dollars et faire 6000 kilomètres pour venir en Suisse ? Ceux qui viennent ici, ce sont des migrants économiques, des migrants religieux, des opportunistes qui débarquent en Suisse pour profiter de la situation... (Exclamations.) Sinon, pourquoi n'iraient-ils pas au Portugal, qui est aussi un pays en paix ? (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Marc Falquet. Il n'y a pas d'immigrés au Portugal, parce que l'Etat ne leur donne aucune subvention. Mesdames et Messieurs, c'est votre système de psychiatres et autres ethnopsychologues... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...qui rend les gens de plus en plus malades, c'est ici qu'ils développent leurs troubles, à cause de votre système ! Merci.
Des voix. Bravo !
Le président. Merci. Monsieur Baertschi, vous avez trente-six secondes.
M. François Baertschi (MCG). Ce sera suffisant, Monsieur le résident - résident genevois, bien sûr, et président ! Là, nous sommes confrontés à une vision de société destructrice: on veut détruire la fonction publique, détruire les salariés, détruire les migrants, détruire les résidents genevois, détruire l'humain. Je crois qu'il ne faut pas entrer dans cette logique mortelle, il faut véritablement s'engager pour la priorité aux résidents, pour l'intégration des étrangers qui sont chez nous dans une optique positive pour Genève, dans notre tradition d'humanisme, sans excès.
Le président. Je vous remercie, Monsieur, et donne la parole à Mme Sobanek pour quarante secondes.
Mme Marion Sobanek (S), députée suppléante. Merci beaucoup. Un petit exemple issu de la pratique pour ramener un peu de réalisme dans ce débat: j'ai un élève qui montrait de graves problèmes de comportement, et on a finalement appris qu'il avait vu son père, son frère et son oncle se faire tuer. Ces personnes-là ont besoin d'une prise en charge pour éviter qu'elles ne deviennent des bombes à retardement, pour qu'elles puissent mener une vie digne. Pour cela, il faut des associations, lesquelles travaillent avec beaucoup de bénévoles. Comme mes collègues l'ont déjà dit, l'Etat ne pourra jamais assumer cette activité. Il y aurait énormément d'autres exemples à citer de réfugiés qui ne sont pas des opportunistes, qui fuient des situations de guerre dont on n'a même pas idée à Genève. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je laisse maintenant la parole aux rapporteurs en commençant par M. Cuendet, qui dispose encore de quarante secondes.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. J'ai dit tout à l'heure que j'allais briser un tabou, la suite des discussions le démontre bien ! Monsieur le président, vous transmettrez à M. Forni - il est actif dans plusieurs associations, donc je comprends sa réaction quelque peu épidermique - que l'Etat n'effectue pas correctement les contrôles. A la commission des finances, en effet, on a constaté récemment qu'une organisation avait vidé ses fonds propres en l'espace de deux ans et que l'Etat avait dû voler à son secours - je pense qu'il voit très bien de laquelle je veux parler. Il y a de sérieux problèmes de gouvernance, et la commission des finances doit faire son travail.
Ensuite, vous transmettrez à M. Deneys - même s'il le sait très bien, ça fait assez longtemps qu'il siège dans cette commission - que l'examen des subventions s'effectue sur la base des contrats de prestations, pas au moment du budget et des comptes où nous n'avons tout simplement pas le temps.
Ce que je constate, dans le fond, c'est que même si on est contre un contrat de prestations, on ne peut pas poser de questions: on ne peut pas poser de questions sur de graves problèmes de gouvernance, on ne peut pas poser de questions sur des synergies possibles, on ne peut pas poser de questions quant à l'utilité et à la pertinence des prestations, on peut juste se taire et voter pour les amis du monde des associations qui est magnifique, merveilleux et sans nuages ! Je trouve ce procès d'intentions absolument lamentable, Mesdames et Messieurs, et je vous invite à ne pas soutenir ce projet de loi. Merci. (Commentaires.)
Le président. Silence ! Monsieur Deneys, s'il vous plaît ! La parole est à M. Velasco pour une minute et quatre secondes.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président, et permettez-moi de dire à M. Falquet que si certains migrants dépensent effectivement 20 000 F, voire plus, pour venir ici, ils se ruinent, Monsieur, et quand ils arrivent enfin, ils sont cassés par tout ce qu'ils ont dû subir. A ce moment-là, qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce que doit faire un pays comme la Suisse, avec son histoire, sa tradition d'accueil ? On doit soutenir ces personnes, Monsieur !
Ensuite, j'aimerais préciser que si les migrants arrivent aujourd'hui, c'est parce que, pendant des années, l'Occident a mené une politique de colonialisme... (Remarque.) Oui, Monsieur ! ...qui fait que la guerre en Irak, la guerre en Iran... (Remarques.) Eh bien oui, mais ils ne la voulaient pas, eux, Messieurs ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Combien de coups d'Etat y a-t-il eu en Afrique ? Des gouvernements ont voulu changer de politique afin de soulager la souffrance de leurs peuples, mais il y a eu des coups d'Etat dirigés par les multinationales contre les gouvernements dits révolutionnaires. Aujourd'hui, on récolte ce qu'on a semé, Monsieur, on récolte ce qu'on a semé ! Il est logique que ces gens-là, qui n'ont même pas de quoi se nourrir, veuillent venir là où il y a de l'argent, bon Dieu, c'est normal, c'est humain ! Ils seraient fous de ne pas faire ça ! Maintenant, on doit passer à la caisse, et la facture de 200 000 F qu'on propose ici est bien modeste par rapport au mal que nous avons causé.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, merci pour ce débat surréaliste, je dois dire... (Rires.) ...qui est la conséquence d'une réaction que je qualifierais d'épidermique de la part du PLR, représenté par le rapporteur de minorité, face au terme «ethnopsychologie». Dans l'esprit de quelqu'un, cela peut paraître un truc, et même un truc bizarre: pourquoi faudrait-il payer pour des consultations ethnopsychologiques ? Peut-être aurions-nous dû parler de suivi psychologique, cela aurait été plus simple, tout le monde aurait compris, mais «ethnopsychologique» sonne exotique, et verser de l'argent pour quelque chose d'exotique constitue une démarche plus difficile pour d'aucuns.
Mesdames et Messieurs, qu'on le veuille ou non, la psychologie des uns n'est pas égale à celle des autres, et quand on est issu de certains pays, on a des orientations psychologiques qui ne sont pas les mêmes que les nôtres. Il faut accepter la différence. La différence est une richesse, parfois un obstacle à l'intégration, et nous devons apprendre à surmonter cet obstacle si nous voulons que ces personnes ne soient pas à la charge de la collectivité pour le reste de leur vie chez nous.
Je suis très surpris que le parti qui nous reproche d'allouer cette subvention - laquelle est en baisse ces dernières années, je le souligne - soit justement celui qui, par ailleurs, nous demande à longueur d'année d'externaliser, de privatiser, parce que l'Etat est trop lourd, trop gros, trop cher. Quand il s'agit de faire sortir certains patients des HUG, tout le monde est d'accord - pour autant qu'on les transfère où, dans des cliniques privées ? Mais les confier à une association qui accomplit un travail meilleur marché et plus efficace, alors là, cela devient totalement exotique, c'est presque de gauche - ces deux mots sont peut-être même synonymes ! - donc il faut s'y opposer.
Non, Mesdames et Messieurs, je pense qu'il faut garder les pieds sur terre: cette organisation effectue un travail de haute qualité dont l'Etat ne pourrait pas se charger avec autant d'efficacité pour des sommes aussi modestes que celles que nous investissons - qu'ils ne m'écoutent pas aujourd'hui et ne s'avisent surtout pas de demander une augmentation de la subvention ! Quant à la vue d'ensemble des différents acteurs dans ce domaine, quant aux synergies - pour reprendre les termes qui ont été évoqués - quant à la transversalité, eh bien c'est ce à quoi nous nous occupons toute l'année ! Mon département oeuvre justement dans cette perspective, vous le savez, et nous répondons à vos questions, parce que le but n'est pas de financer des doublons, mais précisément, chaque fois qu'on le peut, de réunir les actions similaires. Cela dit, on ne peut pas mettre tout le monde ensemble !
Ici, vous faites tous de la politique, or personne n'accepterait que l'Etat exige que vous ayez un secrétariat commun sous prétexte que vous êtes subventionnés par les finances publiques. Vous êtes donc conscients que chaque parti est un peu différent des autres et que vous devez pouvoir être soutenus de manière différente ! Admettez que ce soit le cas ici, soutenez ce projet de loi qui consacre un montant somme toute modeste, lequel est finalement davantage de l'ordre de l'investissement pour l'avenir que de la dépense. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous invite maintenant à vous prononcer sur cet objet.
Mis aux voix, le projet de loi 11991 est adopté en premier débat par 58 oui contre 26 non.
La loi 11991 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11991 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 29 non et 2 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons bien avancé dans nos travaux. Je vous remercie et vous souhaite une excellente soirée !
La séance est levée à 19h20.