République et canton de Genève

Grand Conseil

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GR 536-A
Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier le dossier de Monsieur S. P.
Rapport oral de M. Cyril Aellen (PLR)

Débat

Le président. Je prie M. Aellen de bien vouloir s'installer à la table des rapporteurs pour nous présenter le dossier de grâce.

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. M. S. P., né en 1975, âgé de 42 ans et manutentionnaire, est actuellement en détention en Suisse. Il a été condamné par défaut pour vol, brigandage aggravé, dommage à la propriété, extorsion et violation de domicile par arrêt de la Cour correctionnelle avec jury le 28 mars 2001. Les faits qui lui sont reprochés sont graves et remontent à 1998: le 28 décembre, agissant de concert avec deux complices, armé d'un couteau de cuisine, il a menacé une personne afin de la dévaliser. Le butin était maigre: 10 F et une carte téléphonique, utilisée par les auteurs au moyen du téléphone portable de la victime. Celle-ci a eu très peur et a pleuré à plusieurs reprises.

Le même jour, accompagné des deux comparses précédents ainsi que de deux supplémentaires, M. S. P. a également agressé et menacé de mort à son domicile M. T. dans le but de lui dérober ses objets de valeur. Frappé à coups de poing, celui-ci s'est vu ligoter les pieds et les mains au moyen de câbles électriques et recouvrir la tête d'une veste en cuir. Outre les valeurs - une montre de marque, une chaîne en or et différents petits objets - les auteurs se sont emparés d'une carte bancaire et l'ont menacé de lui couper le visage avec un cutter pour obtenir ses codes. Puis, pendant que certains des acolytes retenaient la victime à son domicile, les autres ont tenté de procéder au retrait d'espèces à un bancomat, sans succès, car M. T. avait donné de faux codes. Aussi, ils ont une nouvelle fois frappé la victime et lui ont infligé des décharges électriques à l'aide d'une arme de défense prévue à cet effet. Ligoté aux mains et aux pieds, M. T. a eu le visage arrosé d'eau et de shampoing, puis gribouillé avec du stylo. Les agresseurs ont finalement quitté les lieux où il était séquestré, un maigre butin en poche. Les faits ont duré environ une heure, la victime a naturellement été traumatisée.

Enfin, le lendemain - soit le 29 décembre 1998 - M. S. P. et ses partenaires ont pénétré par effraction dans des locaux commerciaux et y ont subtilisé la somme de 200 F en petite monnaie. Ils ont par ailleurs endommagé les vitres et un meuble de bureau.

M. S. P. a été arrêté deux jours après les faits et placé en détention provisoire. Il a été jugé une première fois le 8 février 2000 par la Cour correctionnelle avec jury, qui l'a condamné à six ans de réclusion et dix ans d'expulsion du territoire suisse. M. S. P. a recouru contre cet arrêt au motif que la cour n'avait pas correctement examiné l'application de l'article 100bis du code pénal d'alors qui permettait, dans certaines circonstances, que de jeunes délinquants - ce qu'il était puisqu'il n'avait que 23 ans à l'époque des faits - soient renvoyés en maison d'éducation au travail pour jeunes adultes.

Par arrêt du 25 août 2000, la Cour de cassation a reçu le pourvoi formé par M. S. P. contre l'arrêt prononcé par la Cour correctionnelle. Au fond, elle a admis le recours et annulé l'arrêt entrepris en ce qui concerne la fixation de la sanction - étant précisé que le reste du verdict restait acquis - puis renvoyé la cause à la Cour correctionnelle afin qu'elle statue à nouveau, demandant en substance que l'hypothèse d'une application de l'article 100bis du code pénal soit correctement examinée, ce qui n'avait pas été le cas. Au moment de cette décision, M. S. P. se trouvait toujours en détention préventive.

Or, le 27 novembre 2000, le Parquet a oublié de demander la prolongation de détention de M. S. P., et celui-ci a quitté Genève. Il a disparu et ne s'est pas représenté par-devant la Cour correctionnelle avec jury le 28 mars 2001. C'est donc par défaut que M. S. P. a été condamné à la même peine que précédemment, à savoir six ans de réclusion et dix ans d'expulsion ferme du territoire. Cette fois-ci, l'hypothèse d'une application de l'article 100bis du code pénal d'alors a été correctement examinée, mais son application exclue. Peu après la condamnation, le 24 août 2001, un ordre d'écrou a été établi à l'encontre de M. S. P, mais aucune autre démarche n'a été entreprise ultérieurement.

Ce n'est que quinze ans plus tard que le Ministère public, ayant appris incidemment le véritable nom de M. S. P., a émis un mandat d'arrêt à son encontre, le 29 juillet 2016. Son signalement a été diffusé dans toute l'Europe le 8 août 2016, et il a été arrêté au Maroc le 6 février 2017. Il est détenu depuis cette date, d'abord au Maroc, ensuite en Suisse.

Le 19 juillet 2017, M. S. P. a formé un recours en grâce par-devant le Grand Conseil de la République et canton de Genève, arguant d'une part de conditions de détention particulièrement difficiles au Maroc, d'autre part pour faire état de sa situation personnelle particulière. S'agissant des conditions de sa détention, M. S. P. a été extradé sur le territoire suisse, de sorte que cette question n'est plus pertinente. En revanche, sa situation personnelle et son évolution de vie depuis le 27 novembre 2000, date de sa libération consécutive à une erreur du Ministère public genevois, méritent d'être examinées.

Dès sa remise en liberté, M. S. P. a quitté la Suisse pour la France. Il dit n'avoir plus commis la moindre infraction, produisant un extrait de son casier judiciaire français qui le confirme. Sur le plan professionnel, M. S. P. semble s'être réinséré: il a travaillé dans plusieurs entreprises et a effectué de nombreuses tâches et formations afin d'améliorer ses perspectives d'emploi. Il est devenu autonome financièrement. A l'appui de son recours en grâce, il fournit de très nombreux certificats de travail pour l'attester. Il est intéressant de relever qu'il a par exemple officié comme agent de sécurité pour une collectivité publique de la banlieue parisienne. Les certificats de travail témoignent du sérieux de M. S. P. dans son activité professionnelle.

Au moment de son arrestation au Maroc où il était en vacances, M. S. P. était depuis plus d'un an au bénéfice d'un contrat de travail à durée indéterminée dans une entreprise sise dans la banlieue parisienne. Il a demandé et obtenu un congé sans solde afin de pouvoir reprendre son poste à sa libération. M. S. P. paie ses impôts et ses cotisations sociales, il a présenté tous les documents probants en ce sens.

Sur le plan familial, M. S. P. vit en concubinage avec Mme S. B. qu'il a rencontrée en 2001, quelques mois après sa libération. Ils sont les parents de deux enfants nés respectivement en juillet 2006 et mai 2014 - les pièces attestant de cette situation ont été fournies. Jusqu'au mois de février 2017, M. S. P. paraissait donc mener une vie de famille épanouie, ainsi que l'a confirmé sa compagne par écrit. Sur le plan social, M. S. P. semble par ailleurs être une personne appréciée. Il a produit des attestations en ce sens de différents collègues de travail et de personnes qui le côtoient régulièrement.

C'est dans ces conditions que M. S. P. a déposé un recours en grâce, qu'il a complété par une lettre au mois d'août 2017 où il indique clairement ne plus vouloir revenir en Suisse. Il demande donc une grâce de la peine qu'il lui reste à effectuer sur territoire helvétique. Sur les six ans de réclusion auxquels il a été condamné, M. S. P. a déjà effectué vingt-deux mois et vingt-huit jours de détention préventive entre le mois de décembre 1998 et le mois de novembre 2001; à cela s'ajoute la détention qu'il subit depuis le 7 février 2017, à savoir huit mois et cinq jours. A ce jour, il a ainsi purgé trente et un mois et trois jours de détention.

La commission de grâce s'est réunie le 2 octobre 2017 et a préavisé favorablement la demande de grâce de M. S. P. pour le solde de la peine qu'il lui reste à subir, à l'exclusion des dix ans d'expulsion du territoire suisse. Elle a estimé que si les faits considérés étaient particulièrement graves, ceux-ci étaient anciens - ils remontent en effet à plus de dix-neuf ans. M. S. P. a été remis en liberté suite à une erreur du Ministère public, sans laquelle il aurait vraisemblablement purgé l'entier de sa peine au début des années 2000 déjà. Les autorités de police et de justice suisses et genevoises n'ont concrètement rien entrepris entre 2001 et 2016 pour tenter de retrouver ou de mettre en détention M. S. P.

Ces quinze ans de liberté lui ont permis d'entreprendre une vie personnelle, familiale, professionnelle et sociale loin du chemin de la délinquance, ainsi qu'il l'a démontré. Le recourant est un employé apprécié, père de famille de deux jeunes enfants. D'ailleurs, il pourrait demander un aménagement de sa peine après avoir purgé la moitié de celle-ci, c'est-à-dire dans quelques mois - voire semaines - comme il pourrait solliciter sa libération conditionnelle à ses deux tiers, soit au début de l'année 2019.

Pour toutes ces raisons, la commission vous propose de prononcer la grâce de M. S. P. pour le solde de la peine privative de liberté qu'il lui reste à subir, à l'exclusion - je le répète - des dix ans d'expulsion du territoire suisse.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous allez décider aujourd'hui si vous consentez à gracier ce monsieur pour le solde de sa peine - mais en maintenant l'expulsion pour dix ans du territoire suisse - ainsi que nous le recommande la commission. Mesdames et Messieurs, les actes commis par cet homme sont extrêmement graves, il s'agit de torture, de barbarie, le rapporteur l'a d'ailleurs souligné.

Or, malgré tout, il a bénéficié de quinze années de liberté, au cours desquelles il a fondé une famille. Alors sous prétexte qu'il bénéficie d'un cadre familial, ses actes de torture devraient être oubliés ? Je ne pense pas, Mesdames et Messieurs, que la victime, elle, les ait oubliés. En effet, il faut penser avant tout à la victime, c'est extrêmement important ! Aujourd'hui, on nous propose d'acquitter quelqu'un pour un solde de peine d'une année et des poussières alors que la victime restera tourmentée toute sa vie. Aussi, je vous demande de bien réfléchir à votre décision, au bouton sur lequel vous allez appuyer tout à l'heure, parce que même si cet homme n'a plus commis de crime depuis - d'après ce qu'on nous a dit, en tout cas - même s'il est rentré dans le rang, il n'a pas complètement exécuté sa peine, il n'a pas réparé le mal qu'il a fait.

La victime n'a reçu aucune réparation pour la souffrance qu'elle a subie, et c'est ça qui importe. On ne peut pas absoudre un homme sans penser à la victime, il est essentiel de réfléchir à ça malgré ces quinze ans, malgré les erreurs du Ministère public, malgré ses deux enfants. De toute façon, il bénéficiera probablement de mesures d'allégement de peine, il ne faut pas l'oublier. Qu'est-ce que vous voulez mettre dans la balance, Mesdames et Messieurs ? Qu'est-ce que vous voulez mettre dans la balance: ces quelques mois de détention ou la souffrance éternelle de la victime ? Réfléchissez bien avant de presser sur le bouton. Au MCG, nous vous conseillons de ne pas accorder la grâce. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Bertrand Buchs (PDC). Je prends la parole à titre personnel, car le parti démocrate-chrétien octroie la liberté de vote à ses membres, comme pour toutes les demandes de grâce. En commission, je me suis opposé à cette remise de peine. En effet, je suis d'avis qu'il ne revient pas au Grand Conseil de réparer les erreurs de la justice genevoise, ça n'effacera pas ce qui a été fait, la gravité des actes qui ont été commis.

Mesdames et Messieurs, j'attire votre attention sur le fait que les grâces doivent être accordées parcimonieusement, en réfléchissant bien à ce qui s'est passé. Dans le cas d'espèce, on parle quand même de gestes de torture qui ont duré une grande partie de la nuit, la victime va probablement souffrir toute sa vie en repensant à ce qu'on lui a infligé. Certes, la justice genevoise n'a rien entrepris, a laissé filer cette personne mais, à mes yeux, ce n'est pas une raison suffisante pour la gracier: ce qui a été fait a été fait, une sentence a été prononcée et doit être exécutée, point, à la ligne.

La société a décidé de six ans de prison - avec les remises de peine, ce ne sera sans doute plus que quatre ans - eh bien cette peine doit être accomplie. S'il suffit de quitter le pays pour éviter une condamnation, alors avec toutes les erreurs du Ministère public, les gens n'auront plus à en purger ! Pour moi, la raison invoquée par la majorité de la commission ne tient pas la route, et je vous demande de ne pas gracier cet individu.

Il y a quelques années, on avait gracié quelqu'un, mais ce n'était absolument pas la même situation: cette personne avait aussi échappé à la justice genevoise à cause d'une erreur, mais il s'agissait d'un trafic de drogue auquel on n'était même pas sûr qu'elle ait vraiment pris part, il y avait de gros doutes quant à l'enquête de la police, et c'est la raison pour laquelle elle avait été acquittée. Là, des faits extrêmement graves sont établis et reconnus, on ne peut pas faire ce geste. Je vous remercie.

Mme Magali Orsini (EAG). Je ne suis pas plus généreuse que M. Aellen en matière de grâce - c'est sans doute de notoriété publique - mais il s'agit là d'un cas très particulier: il y a une erreur extrêmement ancienne de la justice genevoise et cet individu - qui, en effet, a commis des actes absolument inqualifiables, on est bien d'accord - a malgré tout eu l'occasion de fonder une famille dans l'intervalle. Il faut quand même penser à ses deux enfants qui ne sont absolument pour rien dans cette histoire.

Même si je suis d'accord avec le fait qu'il n'y a pas d'équité eu égard à sa complice qui, elle, a exécuté sa peine - j'y suis extrêmement sensible - je me range à l'avis de ceux qui accordent cette grâce, à la condition expresse que cet individu ne puisse plus remettre les pieds sur le territoire suisse.

M. Sandro Pistis (MCG). M. le rapporteur s'est longuement exprimé sur l'auteur des faits; en revanche, il n'a pas dit un seul mot sur la victime. Pour ma part, je voudrais une nouvelle discussion sur la question, je demande donc un renvoi de ce dossier de grâce en commission. Merci.

M. Christian Frey (S). Je suis favorable à la grâce pour deux raisons. D'une part, du point de vue de la personne concernée, que peut-on espérer de mieux qu'une famille, des enfants, une insertion professionnelle ? Une nouvelle incarcération remettrait en question tout cela. Pour le reste, la détention punitive, comme l'a expliqué le rapporteur, ne sert pas à grand-chose, à mon avis, sauf à casser le nouvel équilibre que cet homme a atteint.

Plus importante encore me semble la question de la victime. Lors des discussions, il a beaucoup été question de la victime, on a entendu qu'il fallait lui rendre justice, que ça lui ferait du bien; pensez-vous réellement que redérouler les faits dix-neuf ans après cette histoire aura un effet thérapeutique ? Cette personne a dû apprendre à vivre avec cette agression, elle a dû faire avec, elle a peut-être connu des phénomènes de résilience, et le fait de raviver toute cette affaire n'aura aucun sens pour elle.

C'est pourquoi il faut accorder cette grâce, il n'y a aucune raison de s'y opposer. Quant au renvoi en commission, non: la discussion a eu lieu, elle était complète, abondante, il est inutile de renvoyer ce dossier à la commission de grâce. Je vous remercie.

M. Boris Calame (Ve). Je pensais qu'on ne faisait pas de débat sur les grâces, mais puisque c'est apparemment le cas aujourd'hui, je vais rapidement intervenir. Je tiens d'abord à saluer l'objectivité et l'exhaustivité des propos du rapporteur. Quand on entend le début de l'histoire, ça fait un peu froid dans le dos, c'est vrai; mais, en même temps, ces faits se sont déroulés il y a près de vingt ans, cet homme a été libéré il y a tout juste quinze ans et, pendant cette période, il n'y a pas eu le moindre incident.

Il aurait dû terminer de purger sa peine autour de 2005, soit il y a douze ans, et tout à coup, en 2016, le Ministère public se réveille et se dit: «Tiens, on va aller récupérer quelqu'un qui est libre depuis quinze ans, on va le remettre en prison pour lui apprendre ce qu'est la vie !» On peut pourtant concevoir que cet individu, qui avait 23 ans à l'époque des faits et en a maintenant un peu plus de 40, a fait son bonhomme de chemin, et s'interroger sur le sens de l'incarcération: doit-elle mener à une prise de conscience dans le but de s'améliorer ou constitue-t-elle une condamnation éternelle ?

En l'occurrence, une remise de peine permettrait à cette personne de passer à autre chose, de poursuivre son investissement notamment familial, de continuer son travail et d'être un soutien pour ses enfants. A titre personnel, je soutiendrai cette grâce. Je vous remercie.

M. Marc Falquet (UDC). Les deux commissaires UDC ont voté en faveur de la grâce. Certes, il y a la question de la victime, car c'était un acte très grave, et la justice a fait une grosse erreur en libérant ce monsieur, mais puisqu'on parle toujours de réinsertion - c'est le grand mot à la mode, il faut réinsérer, réintégrer les gens ! - on a ici un exemple de réinsertion sociale, professionnelle et financière réussie ! Cet individu s'est même amendé, il a présenté des excuses, alors que veut-on de plus ?

On voudrait le remettre en prison pour quoi, finalement ? Une incarcération n'aurait plus de sens puisque le but de celle-ci, normalement, c'est justement la réinsertion. Pour ma part, je serais d'accord de voter sa grâce en toute conscience. Cela dit, si la majorité souhaite renvoyer cette affaire en commission afin de déterminer ce qu'en pense la victime, pourquoi pas ? Autrement, à l'UDC, nous aurons la liberté de vote.

M. François Baertschi (MCG). Il règne dans ce parlement un laxisme certain vis-à-vis des crimes les plus ignobles, des pires monstruosités, il s'agit en fait d'un encouragement au crime. Allez, disparaissez, fuyez, et tout vous sera pardonné ! Non, on ne peut pas aller dans cette direction, il y a une exigence morale à respecter, il faut prioriser les victimes face aux criminels. Comme on a pu le voir lors du vote des urgences, on criminalise les gens honnêtes, on criminalise ceux qui cherchent les malfaiteurs, on essaie de les punir.

Que veulent faire certains groupes parmi lesquels le PLR, l'UDC, les Verts et d'autres ? Offrir une prime au crime ! Non, nous devons lancer un signal très clair contre le laxisme cultivé par certains des partis de ce Grand Conseil, lesquels ne tiennent absolument pas compte de ce qu'ils ont promis aux électeurs. C'est l'heure de vérité, il faut arrêter de raconter des salades au peuple et adopter un langage véridique, chacun doit prendre ses responsabilités ce soir.

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, j'ai présidé la commission de grâce et je peux vous assurer que la discussion a été longue, intense, sérieuse. Tous les arguments que j'entends dire maintenant ont déjà été agités et pesés durant nos travaux. Aujourd'hui, il va falloir trancher. Je m'oppose au renvoi en commission selon les arguments qui ont été mentionnés.

Certes, il y a la liberté d'un homme en jeu, dix-neuf ans après les faits, et je ne veux pas y revenir, cette décision est personnelle. Le PLR n'est pas aligné sur ce qu'a dit le rapporteur, il laissera à ses membres la liberté de vote pour une raison extrêmement simple: il en va de la conscience individuelle de chacun d'appuyer sur le bouton rouge ou vert.

Je le répète, le renvoi en commission n'amènera rien de plus, nous devons prendre ici la responsabilité de trancher en notre âme et conscience, et c'est ce que demande le PLR qui, je le répète, aura la liberté totale de vote.

M. Patrick Lussi (UDC). A titre liminaire, je rappelle que l'UDC bénéficiera de la liberté de vote dans le cadre de cette décision. Mesdames et Messieurs les députés, il pourrait être intéressant de se pencher sur la notion de temps. Pour un prisonnier, le temps qui passe est censé aider à une prise de conscience afin de réparer ses torts, de s'amender et peut-être de se réintégrer. Ce soir, nous sommes saisis d'une proposition; est-elle bonne, est-elle mauvaise ? Chacun jugera en son âme et conscience.

On vous dit que le temps absout de tout; mais le temps s'est écoulé suite à une erreur de procédure, pas à une erreur judiciaire. En effet, ce n'est pas la peine qui est remise en cause, non, c'est cette paperasserie innommable en vigueur dans notre système qui a causé l'oubli d'une nouvelle demande de maintien en détention. Le condamné en a profité, il est parti. Cela signifie-t-il que le temps absout de tout ce qui s'est fait avant ? Certains pensent que oui, d'autres font preuve de rigueur et estiment que non.

Très sincèrement, quand on regarde ce qui s'est passé - et il ne s'agit pas d'un cas isolé - quand on voit que des fautes se produisent, que de dangereux criminels sont remis en liberté à cause de la complexité des procédures et qu'ils se rendent ailleurs pour commettre d'autres méfaits - certes, ce n'est pas le cas ici - on se demande si tout cela n'est pas voulu, on s'interroge sur le système. Parfois, il semblerait qu'un peu de rigueur, de constance et de persistance dans les valeurs de la justice ne feraient pas de mal. Est-ce vraiment à nous, Grand Conseil, parce que des arguments pertinents ont été présentés, de jeter à la poubelle tout ce qui s'est passé sous prétexte que de l'eau a coulé sous les ponts depuis ? Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Pistis, avez-vous formellement sollicité un renvoi en commission ?

M. Sandro Pistis. Oui, Monsieur le président.

Le président. Très bien, alors je mets cette requête aux voix. Si elle est refusée, l'assemblée se prononcera ensuite sur le préavis de la commission de grâce.

Mis aux voix, le renvoi du rapport GR 536-A à la commission de grâce est rejeté par 71 non contre 16 oui et 3 abstentions.

Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce du solde de la peine privative de liberté) est adopté par 47 oui contre 33 non et 9 abstentions.