République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 juin 2017 à 20h30
1re législature - 4e année - 5e session - 23e séance
PL 12090-A
Suite du deuxième débat
M - FINANCE ET IMPOTS
Le président. Mesdames et Messieurs, je salue à la tribune notre ex-collègue et ancien conseiller national, M. John Dupraz...
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. ...ainsi que M. Dominique Novelle, maire d'Aire-la-Ville ! (Applaudissements.) Nous poursuivons notre examen du rapport de gestion et passons à la politique publique M «Finance et impôts». La parole est demandée par M. Riedweg.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. A défaut d'autre candidat, je vais me sacrifier pour cette politique publique...
Le président. Vous n'y êtes pas obligé, Monsieur Riedweg ! (Rires.)
M. Bernhard Riedweg. Oui, mais j'y vais, j'y vais ! L'impôt sur les personnes physiques et morales de l'exercice 2015... Ah non, ce n'est pas ce que je voulais dire ! (Rires.) S'agissant de l'évolution des impôts sur les personnes physiques entre les comptes 2015 et 2016, on relève une baisse de 109 millions, ce que regrette M. Dal Busco. Dans les comptes 2016, il y a par exemple moins de revenus provenant des épargnes des personnes physiques en raison de la baisse des taux d'intérêt, et c'est bien dommage parce que c'est autant d'argent qui échappe à l'Etat. Ensuite, l'administration fédérale des contributions accuse énormément de retard dans le contrôle fiscal, ce qui est notamment dû aux dénonciations spontanées qui sont en constante augmentation suite aux noms dévoilés dans le cadre des Panama Papers et des LuxLeaks. Pour autant, il n'est pas question d'augmenter les impôts et les taxes...
Une voix. Ah !
M. Bernhard Riedweg. ...il faut plutôt que les classes de population qui en bénéficient deviennent plus autonomes et responsables. La classe moyenne paie trop pour les prestations publiques en faveur des plus modestes...
Une voix. Bravo !
M. Bernhard Riedweg. ...elle est beaucoup trop solidaire et ne reçoit que peu en contrepartie.
Si Genève demeure le canton le plus endetté de Suisse, le coût de sa dette n'a jamais été aussi bon marché. Moins de 2% des contribuables rapportent plus du quart de l'impôt sur le revenu, un impôt que plus d'un tiers des Genevois n'ont pas à payer ! Le déséquilibre est encore plus marqué s'agissant de l'impôt sur la fortune, dont 85% sont acquittés par moins de 5% des contribuables. Maintenir des conditions favorables en leur faveur ne signifie pas faire des cadeaux aux riches, mais protéger la substance fiscale de notre canton. Malheureusement, la marge de manoeuvre de l'Etat reste faible.
Pourtant, Genève affiche les recettes par habitant les plus élevées du pays et le potentiel fiscal le plus exploité; le problème ne vient donc pas d'un manque de ressources, mais d'un excès de dépenses dans le contexte d'un endettement élevé. Avec l'évolution démographique, la dette va se révéler toujours plus handicapante. En effet, l'allongement de la durée de vie se traduit à la fois par une augmentation des dépenses en matière de soins et de santé et par une stagnation des rentrées fiscales à cause de la diminution de la part des actifs. Une baisse d'impôts stimulerait la croissance: elle engendrerait une hausse des revenus des ménages ou des profits des entreprises, ce qui favoriserait la consommation ou l'investissement, et donc indirectement la production et l'emploi.
Si on fait partie de la classe moyenne inférieure et qu'on est condamné à y rester, on peut tout de même bien vivre en Suisse, on a accès à beaucoup de choses; il faut simplement établir un budget et ne pas vouloir faire comme les riches, il faut savoir se contenter de ce qu'on a et ne pas se laisser tenter par tous les gadgets et loisirs à la mode, lesquels ne sont pas forcément à la portée du citoyen lambda. Le bien-être de notre canton repose sur un équilibre précaire qu'il s'agit de ne pas fragiliser volontairement. Certains partis semblent prendre plaisir à effrayer ceux qui contribuent le plus, ils refusent de comprendre qu'une personne fortunée peut très bien déplacer sa résidence fiscale, encore plus facilement qu'une entreprise.
A Genève, 1% des contribuables verse 31% des recettes fiscales. Une personne seule avec deux enfants commence à être taxée sur le revenu à partir d'un salaire de 81 800 F. Nous avons le seuil d'imposition le plus élevé pour toutes les catégories de contribuables, sauf les célibataires. C'est à partir de 224 000 F de salaire brut qu'un couple marié avec un enfant rapporte plus à l'Etat qu'il ne coûte en termes de recours aux services publics que sont l'école, la santé, la sécurité et les routes. Quant à une famille avec deux enfants, il lui faut un revenu de 282 000 F pour couvrir sa quote-part de charges. Nous sommes donc confrontés à un problème de dépenses excessives et non de recettes insuffisantes.
J'ai une question à poser à M. Dal Busco. (Exclamations. Commentaires.) On note une diminution de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de 110 millions alors que la population a augmenté de 3128 habitants en 2016 et de 8033 en 2015; dans quelle mesure cela préoccupe-t-il le Conseil d'Etat ? Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera cette politique publique. Il s'agit d'un département difficile à gérer, les gens ne sont jamais contents quand ils ont affaire aux finances et aux impôts, il y a toujours des plaintes. Heureusement, notre conseiller d'Etat se débrouille très bien, il a la conscience du travail correctement réalisé, et nous l'en félicitons.
Ce que nous aimerions dire ici - il le sait aussi - c'est qu'il faut faire attention parce que l'assiette fiscale est en train de se restreindre, on constate d'ailleurs une baisse des rentrées s'agissant des personnes physiques. Ce sont toujours les mêmes qui assurent les recettes fiscales et soutiennent le développement de Genève, de moins en moins de personnes paient des impôts et, par conséquent, il est certain qu'on ne pourra pas continuer à dépenser comme aujourd'hui dans les années à venir. Il ne faut pas dégoûter les gens qui paient leurs impôts, mais au contraire les soutenir, les en remercier, c'est seulement comme ça qu'on pourra continuer à bien vivre à Genève tout en attirant ceux qui ont davantage de moyens. Gérer le département des finances constitue un travail d'équilibriste, et nous remercions M. Dal Busco de très bien l'accomplir.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. J'informe le PDC qu'il en est à la moitié de son temps imparti. La parole est à M. de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je constate que chaque groupe politique encense son magistrat; comme M. Dal Busco n'est pas socialiste, je ne vais pas chanter ses louanges, j'en suis désolé. Notre groupe, en effet, refusera cette politique publique, mais j'espère que vous comprendrez pourquoi.
Dans un premier temps, et on peut s'en réjouir, différents objets législatifs visant l'augmentation du nombre de contrôleurs fiscaux ont été approuvés par une majorité de ce parlement et, sans trahir de secret, je vous informe que la commission des finances a enfin accepté d'embaucher 37 nouveaux contrôleurs, avec une perspective de recettes supplémentaires de l'ordre de 150 millions pour 2019; mais c'était de justesse ! Hélas, en effet, dans ce Grand Conseil sévit toujours une opposition à faire régner la loi, à instaurer une certaine transparence par le biais de contrôles pourtant légitimes - même le directeur de l'administration fiscale cantonale s'en est plaint à plusieurs reprises.
Puisque, si on en croit M. Riedweg, c'est l'heure des questions, j'en aurais une moi aussi, concernant la réforme de la fiscalité immobilière dont on parle dans le rapport de gestion et dans les comptes. Cette réforme, au final, consiste en une adaptation à la norme fédérale avec l'objectif d'une certaine neutralité fiscale. Le groupe socialiste s'étonne de cette volonté soudaine de neutralité alors qu'un tel principe n'a jamais été évoqué pour bien d'autres réformes, comme la RIE III ou le PF17.
Ce qui est extrêmement dangereux, si j'analyse les chiffres indiqués dans les comptes, c'est la différence entre les impôts des personnes physiques et ceux des personnes morales. Les recettes provenant des entreprises augmentent, et c'est tant mieux. En dépit d'une économie qui ne se porte pas forcément bien, des bénéfices sont dégagés, des capitaux sont présents. En revanche - et je rejoins ici M. Riedweg - les rentrées fiscales issues des particuliers diminuent, ce qui est fort inquiétant. La droite nous a très longtemps vanté la répartition des richesses, le fait que les entreprises, grâce à leurs bénéfices, rapatrient la richesse et en effectuent la répartition de façon efficace; pourtant, on a l'impression que ça n'a pas été le cas en 2016.
Autre élément de préoccupation: l'accroissement des inégalités. Alors oui, le nombre de personnes qui ne paient pas d'impôts à Genève a augmenté mais, je le souligne, c'est parce qu'elles ne peuvent pas en payer ! Elles souhaiteraient pouvoir le faire, mais vivent dans des conditions de précarité qui les en dispensent. La progression est conséquente: en dix ans, nous sommes passés de 24% à 34% de la population ! A l'inverse, le pourcentage des plus fortunés - je viens de consulter les chiffres fournis par l'administration fiscale, notamment ceux sur la fortune - n'a cessé de croître ces dix dernières années, c'est-à-dire qu'il y a de plus en plus de millionnaires, de bimillionnaires, de multimillionnaires dans notre canton !
Aussi arrêtez, Mesdames et Messieurs de la droite, de prétendre qu'il faut maintenir l'attractivité fiscale de Genève y compris pour les personnes physiques, arrêtez de nous faire croire que les ultra-fortunés prennent la fuite, c'est exactement le contraire qui se produit depuis dix ans, tout ça parce que nous leur accordons de plus en plus de cadeaux fiscaux. Quel est le résultat aujourd'hui ? Une perte de recettes s'agissant des personnes physiques.
A cet égard, et c'est extrêmement important, le Conseil d'Etat a très bien fait, dans le cadre des travaux sur la RIE III, de mandater la Haute école de gestion pour une étude sur l'impact des diminutions d'imposition des personnes morales. Quelle conclusion est ressortie de cette analyse ? Que le maintien des dépenses publiques à court et moyen terme grâce à des recettes fiscales suffisantes a un effet multiplicateur deux fois plus important sur l'économie et la création d'emploi que le fait de baisser l'impôt pour les entreprises.
Si je vous dis ça, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas innocemment, c'est parce qu'il y a un lien direct avec la RIE III, qui s'appellera désormais le PF17. En tant que socialistes, nous sommes quelque peu étonnés de lire dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat la phrase suivante concernant la réforme fédérale: «Pour qu'elle soit, en fin de compte, plus proche de l'esprit du dispositif équilibré qui a été élaboré à Genève en vue de la mise en oeuvre cantonale du projet.»
Parlons-en, du projet cantonal: on ne peut pas le qualifier de neutre fiscalement parlant, contrairement à la réforme immobilière pour laquelle la droite et le Conseil d'Etat visent une neutralité fiscale... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Non, c'est un projet de réforme qui aura un impact de plusieurs centaines de millions de francs en pertes fiscales, sans compter qu'il impliquera une plus faible rétrocession de la part de la Confédération, ce qui va encore faire grimper l'ardoise au final.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons que nourrir des inquiétudes s'agissant de la situation à venir dans notre canton en matière de fiscalité et de répartition des richesses...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.
M. Romain de Sainte Marie. ...surtout quand on voit les différents projets que prépare la droite à la commission fiscale, qui mèneront à des pertes supplémentaires de plusieurs centaines de millions. Je vous invite donc à refuser cette politique publique.
Le président. Merci, Monsieur. La parole va à M. Baertschi. (Brouhaha.)
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président... (Brouhaha.)
Une voix. Attends le silence ! (Un instant s'écoule.)
M. François Baertschi. J'attends que le silence se fasse... (Un instant s'écoule.) Le statut de quasi-résidents nous a fait perdre des sommes considérables en 2016 et va encore nous en faire perdre à l'avenir, d'autant plus que certains esprits malintentionnés ont fait recours contre une décision du peuple, ce qui est totalement antidémocratique et met en avant un dysfonctionnement très important de nos institutions que nous devons hélas à la nouvelle constitution.
A côté de ça, nous faisons un cadeau de 250 millions à la France et un autre plus ou moins équivalent à certains cantons suisses. Ce sont autant de sommes dont nous ne disposons pas, soit pour que les contribuables paient moins d'impôts, soit pour que nous puissions convenablement verser certaines prestations. On nous vole, on nous spolie... (Commentaires.) ...et c'est quelque chose qu'il faut dénoncer, nous ne devons pas accepter ce vol, non pas le vol de l'aigle, mais celui du coq français et de l'ours bernois - bon, l'ours bernois, c'est un peu plus hasardeux - qui, réunis ensemble, nous font passer - je multiplie les images animalières - pour les dindons de la farce.
L'autre sujet de préoccupation concernant cette politique publique, c'est l'administration fiscale cantonale: un certain nombre d'employés ne résident pas sur le territoire, il y a du personnel frontalier, ce qui constitue un risque de sécurité pour nos données fiscales. Or il faut à tout prix assurer cette sécurité ! Ça n'a pas été le cas ces dernières années, on a perdu beaucoup de choses dans ce secteur comme dans d'autres et, pour le MCG, nous devons absolument défendre les contribuables, c'est très important.
J'aimerais revenir encore sur un argument qui a été avancé par l'un des rapporteurs de minorité, selon qui nous n'avons pas voté le crédit complémentaire pour les taxateurs. C'est faux, nous l'avons voté, le MCG l'a voté ! Il y a juste eu une abstention de quelqu'un qui, en son âme et conscience, a invoqué l'article 24, et je trouve véritablement abusif de se servir de cela et de le lui reprocher ! Nous subissons déjà les conséquences des quasi-résidents frontaliers qui donnent du travail supplémentaire à l'administration fiscale, mais il y a également le problème des dénonciations spontanées qui doit être géré, et tout cela exige du personnel supplémentaire, donc nous avons soutenu ce crédit et nous continuons à le soutenir.
Cela étant, malgré les efforts entrepris par le département, les deux éléments que je viens de citer, à savoir le personnel de l'administration fiscale et l'argent versé à la France, nous semblent inquiétants et, pour ces raisons, nous refuserons la politique publique M.
M. Edouard Cuendet (PLR). Je pourrais parler longuement des plus de 35% de contribuables qui ne paient pas d'impôts; M. de Sainte Marie - vous transmettrez, Monsieur le président - soutient qu'ils ne peuvent pas en payer, permettez-moi de nourrir certains doutes à ce sujet. A Genève, en effet, on détient le record suisse du seuil de soumission à l'impôt, et ces 35% qui sont en croissance constituent un véritable problème. Je pourrais parler d'un autre problème inquiétant, car je partage la préoccupation de mon excellent collègue Riedweg quant à la diminution des rentrées fiscales provenant des personnes physiques qui ont accusé une baisse de 3,8% en 2016. C'est un signal alarmant qui démontre que la masse salariale a été réduite, mais surtout que les gros revenus si vilipendés par la gauche sont en train de baisser également, ce qui a un impact sur les recettes de l'Etat.
Mais je vais surtout me concentrer ce soir sur le Projet fiscal 17, absolument vital pour le canton de Genève dont les entreprises ont besoin de prévisibilité et de sécurité juridique, faute de quoi elles risquent de retarder des investissements voire de délocaliser tout ou partie de leurs activités. D'ailleurs, le canton de Vaud l'a bien compris puisqu'il mène actuellement, avec les socialistes en tête - les socialistes vaudois sont bien plus intelligents que les nôtres ! - une campagne de promotion économique très agressive à l'endroit des sociétés genevoises afin qu'elles traversent la Versoix. Notre Conseil d'Etat - j'en profite pour saluer l'action des conseillers d'Etat Serge Dal Busco et Pierre Maudet - a donc fait la tournée des entreprises afin de les rassurer quant à sa détermination à mettre en place cette réforme du PF17. Nous ne pouvons pas nous permettre de subir leur exode outre-Versoix, il est extrêmement important de conserver ce tissu économique dynamique et pourvoyeur de recettes fiscales.
Je suis toujours consterné, lors de nos débats, d'entendre la gauche confronter les entreprises endogènes ou locales avec les exogènes ou internationales. L'ensemble des sociétés forment un tissu économique interdépendant: les grandes entreprises dépendent du savoir-faire des plus petites, et les PME dépendent des multinationales pour leurs carnets de commandes, et c'est ce qui fait toute la dynamique de notre tissu économique, alors cessons de les opposer !
Rappelons aussi d'où proviennent les recettes fiscales, rappelons que le négoce de matières premières, la place financière et l'horlogerie produisent à eux seuls 66% de l'impôt sur le bénéfice et le capital, ainsi que 72% de l'impôt fédéral direct - dont une part non négligeable est reversée au canton. Voilà pourquoi je suis aussi surpris de voir la gauche - on y assiste ce soir une fois de plus - et les socialistes en particulier investir toute leur énergie à décrédibiliser ces secteurs pourtant vitaux pour l'économie cantonale et qui financent leur appétit vorace de dépenses publiques; je ne comprends pas très bien cette contradiction.
Par ailleurs, M. de Sainte Marie - vous transmettrez encore, Monsieur le président - a cru bon de citer l'une des célèbres études de la HEG dont la dernière en date a fait sourire dans les chaumières, celle sur le poids économique de ce qu'on appelle l'ECC, soit l'économie culturelle et créative. Selon la HEG, celle-ci contribuerait à hauteur de 9,5% au produit intérieur brut genevois; or il manque clairement, dans cette étude vraiment critiquable, un chapitre sur la contribution fiscale de ce secteur, lequel est subventionné de manière extrêmement conséquente par le canton, les communes et la Confédération, et ce grâce aux recettes fiscales des branches économiques que j'ai citées tout à l'heure. Aussi, il faut que la HEG revoie quelque peu sa méthode de calcul.
Pour tous ces motifs, nous soutiendrons la politique publique M et saluons la véritable prise de conscience du Conseil d'Etat, en particulier de M. Dal Busco pour le département des finances et de M. Maudet pour celui de l'économie, quant à l'importance de proposer des conditions fiscales attractives en comparaison internationale et intercantonale car, n'en déplaise à la gauche... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et au MCG parfois, le canton de Genève n'est pas une île, il exporte une grande partie de sa production - il est d'ailleurs devenu célèbre notamment grâce à la qualité de ses produits - et souffre du franc fort. Nous devons donc nous montrer attractifs fiscalement, faute de quoi nous verrons des entreprises fermer ou délocaliser. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Eric Stauffer pour deux minutes trente.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je suis un peu estomaqué par le discours de la gauche et - je le dis malheureusement avec beaucoup de sincérité - je suis aussi vraiment désolé du discours de mon préopinant qui se situe à ma gauche. Le bon sens, Mesdames et Messieurs, c'est une économie forte pour pouvoir faire un social efficace, c'est la ligne que j'avais instaurée lorsque j'ai cofondé un mouvement que vous connaissez tous: une économie forte pour un social efficace.
Or qu'est-ce qu'on entend dans la bouche de certains et de certaines ? Il y a un manque à gagner, nous avons été spoliés... Mon Dieu ! Je suis choqué, car si certains locataires du pouvoir qu'ils n'ont pas créé peuvent aujourd'hui avoir un impact sur ce parlement... Quoique, soyons clairs, Mesdames et Messieurs les députés, et chers concitoyens qui nous écoutez: accepter ou refuser les comptes n'a aucune espèce d'impact sur la gestion de l'Etat, donc tout le monde s'en fout, mais ça permet aux uns et aux autres d'exprimer leurs positions.
Pour ma part, Mesdames et Messieurs, je tiens, en tant que député indépendant - mais plus pour très longtemps - à remercier et à saluer le Conseil d'Etat, tout d'abord M. Pierre Maudet qui sait prendre le temps d'accueillir les entreprises qui voudraient s'installer à Genève et y créer de la richesse - richesse que vous pourrez, Mesdames et Messieurs de la gauche, dépenser pour vos actions sociales ! Sans cette richesse, que dépenseriez-vous ? Je l'ai toujours dit: à trop convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je remercie aussi M. Serge Dal Busco pour son action nonobstant un départ difficile et une situation budgétaire tendue - 2016 nous le rappellera, Monsieur le conseiller d'Etat ! Aujourd'hui, Genève - n'y voyez aucun parallèle - est en marche...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure dans trente petites secondes...
Le président. Non, c'est terminé dans trois secondes.
M. Eric Stauffer. Ah, voilà, comme d'habitude ! Tout le monde s'en fout, mais j'accepterai les comptes.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, vous signalerez à mon collègue Stauffer que nous sommes en train de discuter de la gestion du Conseil d'Etat, pas des comptes... (Rires.) ...mais, de comptes à comptes... (L'orateur rit.) ...puisqu'on parle des finances de 2015 à 2016, on observe une augmentation de 9% des recettes provenant de l'impôt sur les gains immobiliers - ça doit réjouir les bancs du PLR - et de 6% de celles fournies par les personnes morales alors que celles des personnes physiques ont diminué de 1%. Il y a là un lien certain avec le fait qu'un nombre croissant de contribuables ne peuvent plus payer d'impôts parce que leurs revenus ne le leur permettent pas, ce qui est le résultat d'un appauvrissement d'une partie de la population de ce canton.
Nous saluons l'engagement de 37 nouveaux taxateurs au département des finances, cela démontre le courage de M. Dal Busco face à une fronde du PLR, de l'UDC et, je le regrette pour mon excellent collègue François Baertschi - vous lui transmettrez, Monsieur le président - du MCG puisque deux de ses membres se sont abstenus, il n'a qu'à relire le procès-verbal. Je le regrette parce que je pense que c'est une erreur, et notre ancien collègue Golay avait du reste beaucoup insisté sur le renforcement du contrôle fiscal; mais je me réjouis de votre soutien dans le cadre de cette bataille contre l'évasion fiscale parce que nous n'en sommes qu'au début et nous aurons l'occasion de lutter ensemble à l'avenir.
Maintenant, que constate-t-on ? Le passage de 500 dénonciations spontanées par année - c'était à peu près la moyenne - par des contribuables admettant ne pas avoir déclaré des revenus ou une fortune au fisc à probablement 10 000 pour 2017. Cela prouve à quel point l'évasion fiscale avait pris de l'importance à Genève, et le chef de l'administration fiscale est quasiment venu nous supplier d'engager des taxateurs supplémentaires parce que de plus en plus de dossiers ne sont pas traités - pas seulement ceux des dénonciations spontanées, mais aussi ceux qui ne peuvent pas être traités en raison du manque de moyens - et on élève constamment les seuils de matérialité à partir desquels on analyse ces dossiers. De grâce, nous devrions tous être d'accord dans ce Grand Conseil pour faire respecter la loi; qu'on soit pour ou contre la hausse des impôts sur les privilégiés, on devrait au moins se battre ensemble pour que tout le monde soit égal devant l'impôt !
Cela étant, l'avenir n'est pas rose puisque, je l'ai dit tout à l'heure dans mon introduction, deux projets de lois sont actuellement devant la commission fiscale, et je crois ne pas me tromper en disant que le MCG va les soutenir - vous transmettrez à mon collègue François Baertschi, Monsieur le président - dans la mesure où leur premier auteur n'est autre que notre ami Ronald Zacharias, deux projets qui vont faire perdre des dizaines de millions de francs à l'Etat, voire plus, car il s'agit de renforcer le bouclier fiscal et de réduire l'impôt sur la fortune. A cet égard, je me demande comment va réagir la population face à l'adoption par la commission fiscale de deux projets visant à diminuer les recettes fiscales au profit des privilégiés à la veille de l'introduction d'une baisse massive d'impôts pour les grandes entreprises, c'est-à-dire de la version numéro deux de la RIE III, désormais appelée PF17.
Je ne pense pas que M. Dal Busco... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...sera heureux de cette nouvelle, d'ailleurs je ne sais même pas s'il a été informé que les partis de l'Entente sont en train de concocter avec l'UDC et le MCG une baisse massive d'impôts pour les privilégiés à la veille de la RIE III, laquelle va porter un coup conséquent aux finances publiques. On nous expliquera que nous, la gauche, voulons la hausse des impôts alors que vous, la droite, organisez collectivement...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Jean Batou. ...la baisse de ceux-ci pour les privilégiés ! Comme nous avons refusé le rapport de gestion du Conseil d'Etat, nous nous abstiendrons sur cette politique publique.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Je tiens à rappeler à nos collègues, Monsieur le président, que la droite a toujours été majoritaire dans ce canton à l'exception de la législature 1997-2001...
Une voix. 2001-2005 !
M. Alberto Velasco. Non, 1997-2001. Sinon, depuis une centaine d'années pratiquement, vous êtes majoritaires ! Vous ne cessez de répéter que la gauche est dépensière, mais c'est vous qui êtes majoritaires, qui gérez les affaires, qui décidez de tout, et vous osez dire que nous dépensons, mais nous dépensons ce que vous vous voulez bien nous laisser dépenser, et si vous trouvez que c'est trop, eh bien vous n'avez qu'à vous en prendre à vous-mêmes ou nous couper les ressources ! On ne peut rien faire puisqu'on est minoritaires. Voilà la première chose que je voulais dire.
Ensuite, d'après ce que j'ai pu comprendre de l'intervention de mon cher collègue Cuendet, il n'y a que les patrons qui créent de la richesse, c'est-à-dire qu'ils arrivent à l'usine le matin, enfilent leur bleu de travail et commencent à bosser puis, à trois heures de l'après-midi, ils enlèvent le bleu, remettent leur costard et se plongent dans le travail administratif, et à la fin de l'année, il y a 100 millions qui tombent tout seuls, pas d'ouvriers, rien du tout ! C'est magnifique ! Il n'y a que les patrons qui créent de la richesse ! Non, Monsieur, quand on construit un immeuble, il y a les maçons, les architectes, les électriciens, toute une série de spécialistes, et c'est la somme de ces personnes réunies qui construit l'immeuble. Il se trouve que c'est pareil pour la richesse, à savoir que c'est une somme de personnes réunies qui la crée. La différence, cher Monsieur, c'est que chacun ne reçoit pas le même salaire: d'aucuns touchent le gros paquet, certains le petit et d'autres encore ne perçoivent que très peu. Voilà la réalité, Mesdames et Messieurs, et ça conduit à un accroissement des inégalités avec les salaires les plus hauts qui augmentent tandis que les plus bas diminuent encore.
J'aimerais maintenant revenir sur un argument récurrent dans les discours de l'UDC et du PLR, soit le fait qu'un tiers des contribuables genevois ne paient pas d'impôts. Mais, Mesdames et Messieurs, qui ne paie pas d'impôts ? D'abord, les petits retraités. Eh oui, il y a des gens dans ce canton qui ont travaillé toute leur vie et qui touchent hélas de petites retraites, et on voudrait leur enlever encore plus, c'est quand même incroyable ! Pendant des années, ces gens ont trimé dur et ont payé des impôts, ou alors ils ont élevé des enfants qui ont ensuite servi à l'économie et, aujourd'hui, ils doivent aller à l'Hospice général pour s'assurer un complément pendant que vous, vous les accusez de ne pas contribuer aux recettes publiques ! Ces petites gens représentent déjà une grande partie de la population qui ne paie pas d'impôts.
Qui sont les autres, Mesdames et Messieurs ? Ce sont des gens qui recherchent un travail, parfois à cinquante ans, mais ne trouvent rien, et puis ils arrivent à l'Hospice général où, vous le savez, ils touchent le minimum vital. Et vous voudriez qu'ils paient des impôts en plus de ça ? Ils n'ont que le minimum vital, bon Dieu ! Et on les accuse ! Si vous voulez que ces citoyens paient davantage d'impôts, chers collègues de droite, vous n'avez plus qu'une chose à faire: augmenter considérablement les retraites et, puisque celles-ci sont imposées, à ce moment-là ils paieront plus d'impôts. Quant aux autres, trouvez-leur un emploi ! Une grande partie d'entre eux veulent bosser, je le sais, beaucoup de gens me téléphonent et me disent: «Monsieur Velasco, j'ai cinquante ans et je ne trouve pas de travail.» Je dois leur répondre que ma foi, en tant que député minoritaire, il m'est difficile de les aider; mais vous qui dominez, qui êtes en majorité, qui gérez ce canton, qui contrôlez l'économie, trouvez-leur un travail ! Vous verrez tout de suite qu'ils paieront des impôts, et l'affaire sera réglée, mais arrêtez de nous bassiner avec ça, arrêtez de nous bassiner !
Enfin, en quoi la gauche est dépensière ? Où sommes-nous dépensiers, où ? Vous pensez que l'aide sociale à Genève est énorme, vous croyez que les gens à l'Hospice général sont payés 10 000 F par mois grâce à la gauche ? Non, Mesdames et Messieurs, et si vous êtes jaloux de ces personnes-là, je vous donne un conseil: arrêtez de bosser, allez à l'Hospice général et vous verrez comme c'est bien, comme la vie y est belle, comme c'est agréable de ne pas réussir à boucler ses fins de mois, de se demander ce qu'on va faire, comment s'en sortir. Vous verrez, vous paierez aussi 25 F d'impôts ! Qui vous empêche de ne plus travailler, de vivre de l'assistance sociale ? Tous autant que vous êtes, vous pouvez décider... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Qu'est-ce qui se passe, Monsieur le président ?
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Alberto Velasco. D'accord. Vous devez comprendre, Mesdames et Messieurs, que ceux qui ne paient pas ou peu d'impôts sont démunis, ce n'est pas qu'ils ne veulent pas participer, ils ne le peuvent pas. Rien qu'avec la taxe personnelle de 25 F et la TVA de leur consommation, ils contribuent déjà pas mal. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, lorsqu'on se voit confier la mission de s'occuper des finances publiques, ce n'est pas facile, j'en conviens, mais il y a un principe très simple que l'on doit respecter, même si sa mise en application est compliquée, c'est celui de la recherche des équilibres. Il faut trouver des équilibres, et c'est ce que nous essayons de faire dans les budgets. Ainsi que je l'ai déjà dit dans mes propos d'introduction à ce débat, notre canton offre des prestations de haut niveau qui ne sont atteintes nulle part ailleurs dans ce pays, il faut le reconnaître; vous pouvez brandir tous les ratios et indicateurs que vous voudrez, c'est objectivement le cas.
Pour ma part, je suis très fier des prestations que l'on assure à Genève, mais pour les délivrer, il faut pouvoir les financer, il faut à tout prix disposer de ressources, et c'est ce qui fait toute la subtilité et la difficulté de l'opération. Nous en sommes justement là et, évidemment, selon les appréciations et sensibilités politiques des uns et des autres, la méthode diffère. Je ne veux pas citer les ratios du nombre de personnes qui paient ou ne paient pas d'impôts, mais une chose est sûre: si nous voulons continuer à maintenir nos ressources, il est nécessaire que ceux qui paient aujourd'hui l'essentiel de la charge fiscale, que ce soit des personnes physiques ou morales, continuent à le faire en restant contribuables dans notre canton. Voilà la tâche qui nous incombe, qui m'incombe en particulier.
Je vais à présent m'attarder plus en détail sur quelques questions qui ont été posées, puis je conclurai en évoquant la grande réforme qui nous attend. Monsieur Batou, la hausse spectaculaire des dénonciations spontanées - ce sont maintenant plusieurs milliers de personnes qui se dénoncent - n'est certainement pas due à une soudaine prise de conscience que certains contribuables soustrayaient d'importantes sommes au fisc, mais plutôt à un courrier envoyé par notre collègue M. Poggia à près de 90 000 bénéficiaires de prestations sociales leur signifiant qu'ils devaient remplir un certain nombre d'exigences en matière fiscale et déclarer la totalité de leurs revenus et de leur fortune. C'est essentiellement cet élément qui en est à l'origine, Monsieur Batou, je peux vous l'assurer. Certes, d'autres contribuables se dénoncent aujourd'hui en raison des changements dans l'environnement international - les échanges automatiques de renseignements, notamment - et c'est une excellente chose.
A cet égard, j'aimerais rappeler que le renforcement des effectifs auquel nous proposons de procéder est lié à l'augmentation du volume de travail, en particulier dans le domaine que je viens de décrire, et ce sont des taxateurs qui vont être engagés, pas des contrôleurs - j'ai noté une certaine confusion à ce sujet. Il s'agit simplement d'adapter les forces en oeuvre aux exigences qui sont celles du volume de travail qui s'accroît.
Monsieur Baertschi, vous avez basé votre discours sur l'argent redistribué de l'autre côté de la frontière - on nous spolie, on nous vole ! - vous avez même dit dans votre discours d'introduction que l'administration fiscale embauchait scandaleusement des personnes titulaires du permis G, c'est-à-dire des frontaliers; je peux vous garantir - je m'en suis assuré personnellement tout à l'heure - qu'aucun détenteur de permis G n'a été engagé à l'AFC en 2016, donc ce que vous prétendez est parfaitement faux. Je tenais à vous communiquer cette information.
Quant à M. de Sainte Marie, qui n'est pas là pour m'écouter... Où est-il, d'ailleurs ? Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, M. de Sainte Marie a indiqué précédemment vouloir me poser... (Remarque.) Ah, le voilà ! Il a indiqué vouloir me poser une question, mais je n'en ai entendu aucune de sa part, il a juste énuméré toute une série de remarques. Celle que j'ai retenue, c'est que - sauf erreur - s'il s'opposait ou du moins ne soutenait pas cette politique publique M, c'est parce que je n'étais pas socialiste; j'en prends bonne note, cela signifie au final qu'il n'y a pas de raisons objectives de s'opposer à cette politique publique... (Rires.) ...c'est parfait.
En ce qui concerne la réforme qui nous attend, je rappellerai un chiffre que j'ai déjà mentionné tout à l'heure: 1,5 milliard. Voilà ce que nous rapporte la fiscalité des entreprises - impôt sur le capital, impôt sur le revenu - sans compter naturellement les rentrées provenant des postes de travail que ces sociétés créent, donc il est absolument indispensable - je le répète: indispensable ! - d'assurer la présence de ces entreprises sur notre territoire à l'avenir, car elles contribuent largement aux recettes cantonales. Je remercie ceux qui ont relevé l'intervention du Conseil d'Etat auprès des entreprises dans le but de les rassurer. Comme je l'indiquais plus tôt, une part d'incertitude extrêmement préjudiciable demeure aujourd'hui, et ce n'est sûrement pas à travers des discours belliqueux à leur égard que nous allons réussir à les tranquilliser.
Non, nous devons tout mettre en oeuvre pour que cette réforme, qui a été refusée par le peuple à l'échelon fédéral en février dernier, passe cette fois-ci. Je me suis engagé personnellement, avec l'appui du Conseil d'Etat, à ce que les raisons qui ont prévalu dans le refus du peuple suisse ne trouvent plus d'écho lorsque nous présenterons le nouveau projet. C'est primordial, et nous allons nous employer à cette tâche avec beaucoup de détermination.
Pour conclure, nous n'avons jamais prétendu, Monsieur de Sainte Marie, que le Projet fiscal 17, comme on l'appelle dorénavant, était fiscalement neutre, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas, mais il doit être mis en perspective avec le manque à gagner que cela coûterait à la collectivité si nous n'arrivions pas à mener cette réforme à bien. Nous allons chercher des équilibres, Mesdames et Messieurs, soyez certains que le Conseil d'Etat va faire le nécessaire pour susciter une large adhésion à ce projet - ce sera la tâche de ces prochains mois, voire du début de législature suivante - mais nous devons tous être unis dans cette démarche parce qu'elle est fondamentale.
Je m'arrêterai là. Je vous invite à accepter cette politique publique qui doit être faite d'équilibres, c'est ce que le Conseil d'Etat cherche en permanence, c'est ce qui constitue mon activité quotidienne. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et ouvre la procédure de vote sur cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique M «Finance et impôts» est adoptée par 33 oui contre 29 non et 14 abstentions.
N - CULTURE, SPORT ET LOISIRS
Le président. Nous arrivons à la politique publique N. La parole n'étant pas demandée... Ah, Monsieur Baertschi !
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur des considérations générales, puisqu'on a fait un discours de politique générale avant le vote de la politique publique M. On voit très bien qu'il y a une vision du monde qui est une vision dogmatique, du passé, celle des vieilles gauches, des vieilles droites, de vieux arguments ressassés dans de vieilles casseroles. Pour le MCG, contrairement à ce qu'a dit un préopinant, c'est très clair: c'est ni gauche, ni droite, Genève d'abord. Ni gauche, ni droite, Genève d'abord, pour le citoyen; c'est notre ligne et nous n'en aurons pas d'autre.
Des voix. Bravo !
M. Edouard Cuendet (PLR). Je parlerai plus de la politique culturelle que de celle du sport: tout le monde sait qu'à Genève, le sport n'est pas soutenu, contrairement à la culture. Le seul projet où la Ville et le canton se sont véritablement entendus, c'est le mandat octroyé à la Haute école de gestion pour faire une brillantissime étude intitulée «Le "poids" de l'économie créative et culturelle à Genève». Il ressort de cette étude que cette économie dite ECC - créative et culturelle - contribuerait à hauteur de 9,5% au PIB du canton. Une lecture attentive de cette étude montre qu'elle n'est pas vraiment sérieuse, puisque dans le champ pris en considération, on trouve non seulement le livre, les orchestres, etc., mais aussi les diamantaires, les bijoutiers, les auteurs de logiciels, de jeux électroniques, les programmateurs informatiques, j'en passe et des meilleures. On voit donc très bien que cette étude est beaucoup trop large et n'est pas crédible, il faut en relativiser la portée.
Et puis, elle suscite en moi une certaine stupéfaction, quand même, puisqu'un jour, les deux magistrats chargés de la culture à la Ville et au canton nous disent que l'économie créative et culturelle est extrêmement florissante et contribue de manière massive à la valeur ajoutée du canton, et le lendemain, à la commission des finances, on vient pleurer en disant que c'est absolument dramatique, qu'il manque terriblement de moyens et que certaines institutions sont au bord de la cessation de paiement. Sur le terrain, la situation est un peu plus complexe: on voit que l'entente cordiale qui a prévalu pour cette étude n'est pas du tout réelle, le meilleur exemple - ou le pire, peut-être - étant le Grand Théâtre, à propos duquel la Ville est enfin sortie du bois après des tergiversations et des ondulations, et même des contorsions, qui ont duré des mois, voire des années. La Ville est enfin sortie du bois pour nous dire qu'il n'était pas question de transférer cette institution au canton, que la Ville voulait la garder, éventuellement sous une calamiteuse gestion bicéphale, ce qui est absolument exclu, et qu'en revanche, elle trouvait tout à fait normal que le canton continue à payer son écot sans avoir rien à dire, sans avoir une voix au conseil - circulez, y a rien à voir ! C'est absolument inimaginable et inacceptable.
Dans d'autres domaines comme l'écrit ou la production cinématographique, on constate un saupoudrage généralisé avec des subventions qui proviennent du canton, de la Ville, de la Confédération, de la Romandie, j'en passe et des meilleures - et de la SSR aussi, qui joue une part importante dans ce domaine. Le pilotage de cette politique, du fait de ces très nombreux acteurs, est très aléatoire; on voit une imbrication malsaine et un véritable mille-feuille qui rend la chose très peu transparente. Je ne vous dis pas la peine qu'on a eue - il a fallu beaucoup insister - pour obtenir les renseignements chiffrés sur le mille-feuille du subventionnement du livre. Je pense donc qu'il y a beaucoup de progrès à faire en matière de transparence. La culture est certes extrêmement importante pour une civilisation, mais ça ne doit pas la mettre au-dessus des règles de transparence et de bonne gouvernance. C'est pour toutes ces raisons que le groupe PLR refusera cette politique publique. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC). Le sport est en effet le parent pauvre du canton. Si vous lisez le rapport de la Loterie romande que nous avons reçu il y a peu de temps, vous constaterez qu'elle donne un sixième pour le sport et donc cinq sixièmes pour la culture. Cette répartition est quasi inique, il convient de la changer pour encourager la formation, le sport pour tous et l'intégration par le sport. Il semblerait qu'il y ait un projet de loi renvoyé en commission qui traite de cette question. Je pense qu'il serait vraiment salutaire de revenir sur cette clef de répartition.
Si je me réjouis que ce Grand Conseil ait voté un soutien pour le stade de Genève, on ne peut pas féliciter la fondation du stade sur un point: la pelouse, qui a été une véritable catastrophe; il a fallu alarmer tout le monde pour que ça bouge enfin, et sans ces jérémiades, nous n'aurions pas pu recevoir à la Praille le match Suisse-Lettonie ni la finale de la coupe suisse. On peut remercier le magistrat de Lancy, M. Frédéric Renevey, qui a été extrêmement efficace dans ce dossier. Ma question, Madame la magistrate, est la suivante: entendez-vous modifier cette clef de répartition entre le sport et la culture, qui est quasi scandaleuse ? Je vous remercie.
Mme Isabelle Brunier (S). Le PS approuvera bien évidemment la gestion de cette politique publique N, qui, si elle ne pèse pas lourd dans les finances de l'Etat, en tout cas en proportion au reste, a néanmoins un fort impact sur la population de notre canton et sur sa cohésion sociale. Nous aimerions sans doute que l'Etat puisse faire plus dans les domaines du sport et de la culture - en particulier, pour nous, la culture, bien sûr, mais aussi le sport. Mais quand on voit que pour les subventions pourtant promises au Grand Théâtre, par exemple, ou encore à la Maison de Rousseau et de la littérature - pourtant directement liée à la politique du livre du DIP - il y a sans cesse des atermoiements, des préliminaires qui n'aboutissent pas, en bref, de sempiternels «coitus interrupti», eh bien on doit malheureusement constater qu'en l'état actuel des majorités et des priorités, il vaut mieux que les communes, et en particulier la Ville de Genève, continuent d'assumer une part prépondérante dans ces domaines. Il suffit pour confirmer mes propos et pour se convaincre de cela de consulter le récapitulatif des politiques publiques dans le PL 12090-A, page 3: on se rend compte dans quelle portion de cet hémicycle siègent les «Neinsager» sur la politique du sport, de la culture et des loisirs, et il faut espérer que les électeurs épris de culture, de sport et de loisirs s'en aperçoivent et fassent leur choix en conséquence l'année prochaine, année électorale. (Commentaires. Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le député Cuendet est assez clément, d'une certaine manière. Je suis d'accord avec lui, la politique du sport est nulle, mais celle de la culture n'est guère meilleure. On sait que pour le sport, le canton dépense généreusement à peu près 4,5% sur l'ensemble de ses dépenses, alors que la Ville de Genève dépense 45%, soit dix fois plus. Cette proportion est totalement anormale. Evidemment, on s'est doté d'une loi sur le sport. Que dit-elle en substance ? Encourageons le bénévolat ! Allez-y, les gars, soyez bénévoles ! C'est sympa, on applaudit ! Mais concrètement, ce n'est rien du tout.
Sur la culture, certes, on peut dire que les 15 millions pour la Comédie sont une très bonne chose, que les 10 millions votés récemment pour le Théâtre de Carouge, même s'ils concernent cette année et ne figurent pas dans les comptes et la gestion de 2016, c'est très bien. Mais c'est un effort minimal ! 1,5 million de plus pour le Grand Théâtre, ou 2 millions, sur un budget de 66 millions, c'est, à nouveau, une goutte d'eau ! Bravo, dommage que les 3 millions aient été récemment refusés par la commission des finances, c'est lamentable, et vous en portez une part de responsabilité, Monsieur Cuendet, enfin, votre parti. Ce n'est pas du tout cohérent avec votre discours. Ces 2 millions pour le Grand Théâtre, si on regarde l'ensemble des subventions accordées par le canton, ça ne dépasse pas celles de la Ville, et comme il y a eu une coupe linéaire de 1,5% sur toutes les subventions, grosso modo, ça a financé ce million et demi pour le Grand Théâtre.
Mesdames et Messieurs, je serai assez court, à l'image de cette politique. Le département, le Conseil d'Etat, on va dire, se donne de la peine, mais en a beaucoup, et peut faire mieux. Je vous remercie.
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien votera cette politique publique, mais je rejoins l'opinion de quelques-uns des préopinants et trouve que le bilan est un peu mitigé, voire un peu décevant. Nous avons en effet voté des crédits pour le théâtre, notamment pour le Théâtre de Carouge; nous avons posé la première pierre de la Comédie la semaine dernière. Je pense que c'est le rôle du Grand Conseil et de l'Etat d'investir dans les projets culturels d'envergure, c'est quelque chose de positif. En revanche, le bilan du fameux désenchevêtrement est pratiquement nul: on n'a encore rien vu à ce niveau-là. Je sais que le Conseil d'Etat s'y attelle, mais c'est quand même sa mission d'avancer dans ce domaine, y compris celle du département qui en est responsable, en l'occurrence le DIP, tant sur le plan sportif que sur le plan culturel. Le rôle de l'Etat, puisque les communes genevoises sont très actives en matière de culture, n'est pas forcément d'intervenir dans tous les domaines de l'opérationnel et du fonctionnement; en revanche, pour ce qui est de l'investissement, pour ce qui est de la mise à disposition, c'est quelque chose que nous devrions faire avec davantage de dynamisme et d'audace. Je déplore que si les choses avancent dans certains domaines comme celui du théâtre, elles soient bloquées dans d'autres, et dans le domaine du sport, je pense notamment aux piscines: les piscines sont aussi du ressort communal, mais l'Etat peut jouer un rôle incitatif. Le projet de piscine à Lancy, on en parle, mais il n'avance pas vraiment; celui de Meyrin est complètement bloqué: on voit qu'il y a des choses qui ne sont pas tout à fait satisfaisantes. Je tenais à faire ces observations, mais nous voterons cette politique publique.
M. Christo Ivanov (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Baud, s'il écoute, que le Grand Conseil a voté 45 millions pour la Nouvelle Comédie et non 15 - il a des problèmes en mathématiques, ce qui est surprenant pour un enseignant - ainsi que 10 millions pour le Théâtre de Carouge. Je vous remercie.
M. Jean-François Girardet (MCG). Tout d'abord, je tiens à réaffirmer notre soutien à la culture. Le MCG aura l'occasion de revenir là-dessus, comme tout le parlement d'ailleurs, puisqu'une nouvelle loi sera incessamment soumise à la commission des affaires communales, régionales et internationales concernant la répartition des tâches notamment s'agissant du Grand Théâtre. Nous aurons aussi l'occasion de remettre les choses à plat et l'on verra le soutien du Grand Conseil, mais aussi la participation de la Ville de Genève dans ce dossier. Nous aurons aussi l'occasion de revenir en plénière sur le PL 12058-A, qui traite de la répartition des tâches en matière de sport. Là, nous sommes arrivés à un compromis que toute la commission a approuvé à l'unanimité, concernant notamment le soutien du canton au stade de Genève, pour la coordination des travaux et la maintenance, mais également le soutien du canton à la future patinoire du Trèfle-Blanc: au MCG, nous pensons que c'est une bonne chose d'avoir réparti ainsi les tâches, mais nous aurons l'occasion d'y revenir, bien sûr.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Une réponse, peut-être, à la question de M. Ivanov: cette clef de répartition est déterminée par la Loterie romande, par des règlements qui échappent totalement au canton de Genève, mais si par hypothèse ce parlement souhaitait mettre massivement des moyens pour le sport, et d'ailleurs aussi pour la culture, rien ne l'empêcherait de le faire. Quant à cette clef de répartition, elle ne dépend pas de nous.
J'aimerais revenir sur cette question que certains ont soulevée, parce que j'y vois un certain manque de cohérence dans vos positions: chaque fois que le Conseil d'Etat vient à la commission des finances présenter un projet par exemple en matière culturelle, c'est extrêmement difficile de le faire passer. On nous dit qu'au fond, c'est la Ville de Genève, ce sont les autres communes qui devraient l'assumer. Je ne comprends donc pas où est la cohérence et pourquoi on nous reproche de ne pas en faire assez ! Si j'écoutais certains députés de ce parlement, j'ai l'impression qu'il faudrait que le canton ne s'occupe plus de culture, tout en s'occupant quand même un peu de sport. Non, Mesdames et Messieurs, c'est extrêmement important que l'on continue de s'en occuper, mais il faut savoir qu'historiquement, ce sont les communes, et notamment la Ville de Genève, qui ont joué le rôle central en matière culturelle et sportive. Le canton n'est intervenu que de manière relativement marginale. Alors de deux choses l'une: soit on prend acte de cela et on laisse à la Ville de Genève des prérogatives en rappelant qu'historiquement, elle a joué un rôle clef, soit on veut changer les choses. Mais si on veut les changer, il faut qu'on en ait les moyens, et malheureusement, vous n'êtes pas toujours à même de nous les donner.
Dernière remarque: je ne comprends pas qu'on puisse remettre en question, dans la loi sur le sport, le soutien au bénévolat. Que serait, Mesdames et Messieurs, le sport à Genève sans les bénévoles ? Je crois au contraire qu'une des choses que le canton peut faire, comme d'ailleurs les communes, c'est de remercier les bénévoles, c'est de trouver un moyen de les valoriser, parce que sans eux, Mesdames et Messieurs, le sport vous coûterait bien plus cher. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons voter sur cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique N «Culture, sport et loisirs» est adoptée par 44 oui contre 18 non et 10 abstentions.
O - AUTORITES ET GOUVERNANCE
Le président. Nous passons à la politique publique O. La parole n'étant pas demandée, nous allons... (Remarque.) Ah si, par M. Riedweg. (Exclamations. Commentaires.)
Une voix. Pas sur ce sujet !
Une autre voix. Dix secondes !
M. Bernhard Riedweg (UDC). Dix secondes ! On y va ! Fondamentalement, le problème de la CPEG représente un risque majeur pour l'attractivité de l'Etat en tant qu'employeur. L'attractivité reste satisfaisante au niveau salarial, mais s'il n'y a pas une dimension comparable dans les prestations de retraite, si les prestations de retraite se réduisent au minimum, il sera très difficile pour l'Etat d'engager du personnel à la hauteur de la tâche. La recapitalisation de la CPEG sera beaucoup plus importante que prévu. Cela impliquera un passage à la primauté des cotisations au lieu de la primauté des prestations. Il s'agit là du seul moyen de sortir de l'ornière.
En ce qui concerne SCORE, on s'attend à ce que les organisations syndicales fassent un geste pour améliorer les rémunérations d'un certain nombre de situations qui ne collent plus à la réalité. Les organisations représentatives du personnel sont bien plus favorables à la préservation du statu quo qu'à une évolution. Avec SCORE, il n'y aura pas des perdants et des gagnants, mais du personnel qui se stabilise et des gagnants, et SCORE n'engendrera pas une économie pour l'Etat.
J'ai une question pour M. le président du Conseil d'Etat: Monsieur Longchamp, est-il possible d'envisager de transférer actuellement des actifs de l'Etat à la CPEG en vue de l'assainir, dans le même esprit que le transfert de 800 millions qui a eu lieu lors de la création de cette nouvelle caisse de pension, dont des transferts en nature, notamment des bâtiments ? Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce qui déplaît au MCG, évidemment, comme vous pouvez vous y attendre, c'est cette politique dans le Grand Genève, une politique qui nous coûte extrêmement cher, avec les projets d'agglomération qui sont votés ici... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Monsieur le député. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Je m'adresse à ceux qui discutent avec les conseillers d'Etat. Merci ! (Remarque.) Oui, mais on vous entend beaucoup ici, je suis désolé ! Allez donc parler dehors ! Monsieur Sormanni, c'est à vous.
M. Daniel Sormanni. Merci, Monsieur le président. ...avec les projets d'agglomération que nous votons en quelques secondes, que vous votez en quelques secondes dans ce parlement, et qui représentent des montants considérables. S'agissant du coût des transports publics avec la France que nous voulons développer - je parle de la prolongation du tram à Saint-Julien, mais aussi en direction de Saint-Genis et Ferney-Voltaire, lignes dont on ne sait pas vraiment encore aujourd'hui qui va payer le déficit de fonctionnement, sans oublier le CEVA, sachant que cela représente des dizaines de millions, puisqu'il est question de 40 millions pour le CEVA - je crois qu'il faudra prendre cet argent sur la contribution de Genève à la France, je pense que c'est la meilleure solution, autrement vous m'expliquerez comment on va, du jour au lendemain, rajouter 50 millions de dépenses au budget de l'Etat dans la situation où il se trouve maintenant.
A ce propos, j'ai lu dans la presse que M. le président du Conseil d'Etat disait que le Grand Genève c'était formidable parce qu'il était fait de rails de tram, de rails de train et de véhicules de transport collectif. Eh ben si ce n'est que ça, le Grand Genève, ça a de quoi m'inquiéter ! Et aujourd'hui - c'est toujours intéressant - je suis tombé par hasard sur un article dans la «Tribune de Genève» de notre grand ami Antoine Vielliard, le maire de Saint-Julien, qui nous dit: «Entrepreneurs genevois, c'est le moment d'investir dans le Genevois français avant qu'il ne soit trop tard. 2016 a été une année record pour l'investissement étranger en France, pour lequel le pays est au 7e rang mondial.» Puis: «Un coût du foncier dérisoire par rapport aux coûts genevois. Une main-d'oeuvre très qualifiée, bon marché [...]» Ça c'est pour l'Alternative, les salaires misérables de la France d'à côté... Voilà ce que prône M. Antoine Vielliard, qui siège dans toutes ces instances, notamment au GLCT. Et il nous dit encore que «les entreprises peuvent librement recruter les candidats les plus compétitifs parmi 500 millions d'Européens». Voilà ce que ce monsieur prône ! Qui plus est, il indique qu'en investissant dans le Genevois français, les entrepreneurs genevois - et il s'adresse à eux - vont aider ces entreprises - rendez-vous compte ! - et aider les Genevois à faire leurs achats en France... Voilà ce que prône ce monsieur et voilà avec quoi nous travaillons et nous collaborons. Moi je trouve quand même que c'est un petit peu triste; cela se fait au détriment de l'économie genevoise ! Je vous invite pour cette raison à ne pas voter cette politique publique, comme le fera le MCG, parce qu'il combat la politique qui est menée. J'ajoute en passant que c'est la deuxième fois que le GLCT se réunit pendant les séances du Grand Conseil, ce qui fait qu'on ne peut même pas y aller et exprimer notre opinion. Je trouve que c'est se moquer du monde, se moquer du parlement et se moquer des Genevois !
Une voix. Bravo !
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, en tant que rapporteur de la politique publique O, avec l'excellent rapporteur de minorité Alberto Velasco, permettez-moi de sortir du sujet politique et de dire qu'il y a dans cette dernière des services qui méritent toute votre attention et vos remerciements. Le premier, c'est celui qui vous permet de vous exprimer ce soir, à savoir le secrétariat général du Grand Conseil... (Exclamation.) ...qui présente toujours des comptes impeccables et qui fait le maximum pour maintenir les budgets. (Quelques applaudissements.) Vous lui devez de la gratitude.
Mesdames et Messieurs, j'aimerais également citer deux autres services, qui servent à alimenter votre polémique, à tort ou à raison, et je pense en particulier à la Cour des comptes. Certes, elle assure un contrôle indépendant, mais son budget est donné ici, et comme tout le monde sait que l'argent est le nerf de la guerre, si on coupe l'argent, il n'y en aura pas. Enfin, le troisième service qui est très important et que je désirerais remercier - et j'adresse mes remerciements à M. le président du Conseil d'Etat pour ses réponses et autres - c'est le service d'audit interne, qui est lui aussi indispensable au fonctionnement de notre Etat. Voilà, je voulais juste faire cette digression pour remercier tous ces gens. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai noté une question et un commentaire. Je vais commencer par répondre à la question, précise, qui concerne la CPEG. Y aura-t-il des transferts dans le cadre du projet que le Conseil d'Etat s'est engagé à présenter pour recapitaliser la CPEG ? Nous avons déjà largement discuté de cette recapitalisation dans cette enceinte, et vous savez que c'est très probablement le débat politique d'importance que vous aurez à assumer, que nous aurons à assumer à la rentrée, cet automne. Il est évidemment envisagé, pour alléger la facture, de procéder à une recapitalisation avec des transferts en nature, avec des biens immobiliers, mais je dois attirer votre attention sur le fait que dans nos portefeuilles nous n'avons plus beaucoup de biens immobiliers de rapport. L'essentiel de ce que nous avions en portefeuille a été transféré lors de la précédente recapitalisation de la CPEG en 2014. Il y a encore certains biens qu'il est envisagé de transférer, mais cela reste très modeste en regard de l'ampleur des sommes qui sont attendues, puisque - comme vous le savez - on parle d'un montant qui, pour atteindre le taux de couverture nécessaire de 80%, est de l'ordre de 4,8 milliards aujourd'hui.
Monsieur le député Sormanni, comment voulez-vous que je vienne à commenter les propos d'un élu français qui, jusqu'à plus ample informé, n'engage pas le Conseil d'Etat lorsqu'il commet, à dates régulières, des tribunes libres - et c'est son droit le plus strict - dans la «Tribune de Genève» ? Pas plus, Monsieur, que je ne commente les propos des élus français lorsqu'ils font part de leurs interrogations sur les propositions parfois décoiffantes du MCG. Ça ne concerne pas la France lorsque nous sommes en Suisse, de même que ça ne concerne pas la Suisse lorsque M. Vielliard, libre de penser ce que bon lui semble, produit quelques textes, et le Conseil d'Etat n'a nullement à les commenter.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais maintenant mettre aux voix la politique publique O.
Mise aux voix, la politique publique O «Autorités et gouvernance» est adoptée par 40 oui contre 12 non et 21 abstentions.
P - ETATS-MAJORS ET PRESTATIONS DE MOYENS
Le président. Nous abordons à présent la politique publique P. La parole n'étant pas demandée, nous passons au vote. (Remarque.) C'est trop tard, Monsieur Riedweg, je suis désolé ! Vous devez vous réveiller et appuyer sur le bouton à temps ! (Commentaires.)
Mise aux voix, la politique publique P «Etats-majors et prestations de moyens» est adoptée par 53 oui et 19 abstentions.
Q - ENERGIE
Le président. Nous passons maintenant à la politique publique Q et je cède la parole à Mme Moyard.
Mme Salima Moyard (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste partage pour l'essentiel les choix du Conseil d'Etat sur cette politique publique, en tout cas sur l'objectif à long terme, à savoir la société à 2000 watts. Il partage aussi les ambitions d'économies d'énergie, de production d'énergies locales renouvelables et il soutient également fermement la poursuite du programme GEothermie 2020. Néanmoins, suite à l'examen des comptes de fonctionnement et d'investissement de cette politique publique, le groupe socialiste a deux sujets de préoccupation et regrette à ce titre l'absence du conseiller d'Etat Hodgers. A la lecture du tome sur le fonctionnement, on peut en premier lieu se demander si le Conseil d'Etat met toutes les chances de son côté pour atteindre l'objectif qu'il s'est lui-même fixé. Aux pages 352 et 353, à trois endroits dans les justifications des écarts au budget, il est indiqué que l'OCEN - l'office cantonal de l'énergie - a pris du retard «sur certains mandats», que «l'action "renfort contrôle de chantier"» n'a commencé qu'en juin alors qu'elle était prévue en début d'année, et, finalement, il est mentionné que l'OCEN a supprimé un poste d'agent spécialisé pour réduire de 5% les charges de fonctionnement, conformément à la décision de ce même Conseil d'Etat, et faire figure de bon élève. Mes questions sont les suivantes: pourquoi donc tous ces retards ? Est-ce parce que l'office cantonal de l'énergie, année après année, n'a toujours pas suffisamment de moyens pour mettre en oeuvre cette politique pourtant essentielle pour l'avenir de notre canton ? Et n'est-ce pas également se tirer une balle dans le pied que de se priver de moyens humains et financiers, notamment de ce poste supprimé que je viens de mentionner ? Surtout quand il y a tant à faire et qu'un poste investi dans ce domaine rapporte certainement bien davantage à la collectivité en matière d'économies d'énergie et de développement de projets favorables à l'innovation et à l'emploi à Genève, un peu comme l'engagement des taxateurs fiscaux dont on parlait avant. Alors je repose ma question: le Conseil d'Etat ne se tire-t-il pas une balle dans le pied ?
Le second sujet de préoccupation du parti socialiste concerne les investissements, et plus particulièrement le programme d'assainissement énergétique des bâtiments de l'Etat. L'Etat est ambitieux et c'est bien, mais il l'est surtout pour les autres et son propre parc immobilier est actuellement dans un piètre état. On lit à la page 141 du tome d'investissement qu'il n'y avait aucun budget en 2016 pour ce programme d'efficacité énergétique alors que les déperditions d'énergie sont énormes, les bâtiments de l'Etat toujours insuffisamment entretenus, et ceci à cause de la politique menée successivement, et depuis des décennies, par les magistrats de droite, pour qui l'entretien du patrimoine bâti et les économies d'énergie comptent visiblement bien moins que le frein à l'endettement. C'est un point de vue que le PS ne partage résolument pas. L'Etat se doit donc de montrer l'exemple et ce n'est de loin pas le cas aujourd'hui. Quand prendra-t-il enfin ses responsabilités pour éviter de simplement laisser la note, chaque jour plus salée, aux générations futures ? Et je souhaite que le Conseil d'Etat réponde aux questions que j'ai posées, peut-être par la voix du conseiller d'Etat chargé de l'énergie, peut-être par celle du président du Conseil d'Etat, qui sait, ou par la voix de la seule conseillère d'Etat qui est ici actuellement: la conseillère d'Etat socialiste. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Monsieur Lathion, c'est à vous; il reste vingt-trois minutes au PDC.
M. Jean-Charles Lathion (PDC). Merci, Monsieur le président, je vais en profiter. Mesdames et Messieurs les députés, Madame la conseillère d'Etat, nous avons la chance d'avoir un conseiller d'Etat Vert à la tête du département chargé de l'énergie. Le PDC a ainsi une relative assurance de partager la plupart des idées directrices qui motivent l'action du magistrat et de ses services; vous voyez que je fais là un beau compliment à l'un de nos magistrats, qui malheureusement est absent. Alors je vous prie, Madame la conseillère d'Etat, de lui transmettre le message; j'espère qu'il lui réchauffera le coeur, c'est en tout cas mon souhait le plus vif ! Car que souhaite en fait le PDC ? Rien de plus que mettre en oeuvre la Stratégie énergétique 2050 - voulue par le Conseil fédéral sous l'impulsion de notre conseillère fédérale préférée, Doris Leuthard - soit mettre fin au nucléaire, encourager les énergies vertes, tout en économisant l'énergie. C'est bien dans ce cadre, confirmé le 21 mai de cette année par 58,2% des Suisses - et 72,5% des Genevois et des Genevoises ! - que la politique du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie doit se profiler. Et nous pensons qu'à l'instar de la population, le département l'a compris. C'est pourquoi le PDC adhère pleinement aux travaux d'élaboration du plan directeur de l'énergie et du plan directeur des énergies de réseau, à la convention d'objectifs d'actions conjointes avec les SIG, à la mise en oeuvre des dispositions de la loi sur l'énergie ainsi que de la prospection et de l'exploration du sous-sol pilotées par le DETA dans le cadre du programme GEothermie 2020. La réorganisation de l'office cantonal de l'énergie est un facteur de gestion responsable dont nous sommes fiers et dont nous partageons les objectifs. Les chantiers en matière d'économies d'énergie sont vastes. En ce qui concerne la pose des doubles vitrages, nous pensons qu'il faut viser les moyen et long termes et que l'Etat doit donner l'exemple. Au Grand Conseil de voter les budgets avant de se préoccuper d'amender les propriétaires qui ont de plus en plus de peine à répondre aux nombreuses contraintes étatiques.
Difficile de ne pas terminer cette intervention sans évoquer plus spécifiquement les SIG, tant il est vrai que leur sort et celui de l'Etat sont liés, comme celui de soeurs jumelles. L'entreprise offre un cadre idéal de travail et le management exemplaire, orienté sur les résultats plutôt que sur les procédures et le contrôle interne, en fait une référence dont un grand nombre de services et d'entreprises souhaite s'inspirer, à Genève comme dans d'autres cantons. Par la convention d'objectifs qui les lie à l'Etat, par leur politique d'investissement dynamique qui les propulse dans des projets d'avenir, les SIG ont compris les enjeux de notre canton. Mais, comme pour le canton, ce sont ces investissements consentis dans une perspective d'avenir qui font augmenter la dette de cette entreprise de façon exponentielle. Il est vrai que cette dette s'explique par la recapitalisation de la caisse de retraite et par l'héritage relativement lourd des Cheneviers et des stations d'épuration, que l'Etat a revendues aux SIG à prix fort, dirais-je. Le rôle du politique est aussi d'être particulièrement attentif à cet aspect des choses, comme nous sommes attentifs aux actions de nos magistrats du Conseil d'Etat malgré tout le bien que nous en pensons. J'aurais souhaité qu'ils puissent l'entendre et j'aurais pu avoir des applaudissements de leur part ce soir; ils sont absents, hélas. Madame la conseillère d'Etat, vous leur transmettrez ! C'est dans cet esprit que le PDC continuera à soutenir l'Etat et les SIG dans les actions qui visent à atteindre des objectifs précis; vous l'avez compris, le PDC vous invite à soutenir la politique publique Q «Energie» ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Alexis Barbey (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le parti libéral-radical acceptera cette politique publique d'une part parce qu'il estime tout simplement que l'office cantonal de l'énergie a fait énormément de progrès et aborde bien les problèmes - je le développerai tout à l'heure - et d'autre part parce que les SIG sont une structure phare dans l'organisation cantonale qui mérite d'être soutenue à de multiples points de vue, et là aussi je m'y arrêterai un tout petit peu dans un instant. L'office cantonal de l'énergie a fait l'objet d'un examen assez poussé de la part de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève, en particulier par rapport aux grandes critiques qui étaient faites sur la gestion de l'isolation des bâtiments et des doubles vitrages, eu égard à l'incapacité de l'Etat de satisfaire aux normes qu'il avait lui-même émises. Nous avions l'impression, il faut l'avouer, que nous allions pouvoir dévorer tout cru l'office cantonal de l'énergie, mais il nous a donné une bonne leçon de pragmatisme en nous expliquant son approche. Elle consiste non pas à faire respecter la loi par tout le monde en même temps, mais à trier les grands consommateurs d'énergie et à convenir avec eux d'un programme d'économies qui permette d'être le plus efficace possible. Et cette efficacité, cette efficience, Mesdames et Messieurs, le PLR la salue et tient à ce qu'elle perdure ces prochaines années. En ce qui concerne l'égalité de traitement entre l'Etat et ses assujettis, l'Etat fait des demandes de dérogation que les privés avaient également la possibilité de soumettre; à ce titre-là, il n'a pas bénéficié d'un passe-droit par rapport au texte en vigueur. Cet argument nous convient, même si on sent bien qu'il y a là une nécessité qui fait force de loi plutôt qu'une situation idéale. Mais l'office cantonal de l'énergie nous a quand même dit que s'il fallait 500 millions pour isoler les bâtiments et qu'on les lui donnait maintenant, il ne les consacrerait pas à cette isolation mais à d'autres opérations d'économies d'énergie, plus utiles.
Concernant les SIG, force est de constater que c'est un organisme qui fonctionne bien, avec une équipe à sa tête qui s'entend bien et met en place de nouvelles pratiques assez intéressantes. J'en veux pour preuve le programme dont j'ai oublié le nom maintenant, qui consiste à faciliter le travail à domicile et à diminuer les déplacements entre les locaux des SIG et les différents chantiers qu'ils peuvent avoir dans la ville, ce qui a énormément accru la motivation au travail et la rentabilité des employés. Cela mérite aussi d'être salué. Voilà deux exemples, tirés de la réalité d'un examen qui a occupé la commission de l'énergie toute une année, qui tendent à la même chose: soutenir cette politique, et c'est ce que va faire le PLR. Je vous remercie.
M. Boris Calame (Ve). Chères et chers collègues, je veux évoquer les avancées du plan directeur de l'énergie, la convention d'objectifs avec les Services industriels de Genève en matière d'économies d'énergie, le développement durable et notamment la production d'énergies renouvelables. Je veux également vous parler de l'assainissement des vitrages avec possibilité d'allégement - une dérogation est possible quand l'intervention est disproportionnée ou porte atteinte au bâti - et mentionner l'avancée notable du programme de géothermie - nous avons d'ailleurs voté ce printemps la loi sur le sous-sol - mais aussi du chauffage à distance. Concernant les SIG, je citerai la réduction des charges via les leviers de performance, un versement de 119 millions aux collectivités publiques en 2016, la préparation et l'entrée en force depuis ce début d'année 2017, à Genève, de la transition énergétique - 100% d'énergie électrique suisse et renouvelable distribuée par les SIG - et enfin les inspecteurs de l'énergie, premiers du genre en Suisse, assermentés par le Conseil d'Etat. La suite, eh bien ce sera la Stratégie énergétique 2050 et la mise en oeuvre des objectifs de l'accord de Paris qui a été ratifié par le Parlement fédéral durant ce mois de juin. Nous avons donc de gros engagements à prendre, nous avons des objectifs importants en matière de réduction d'énergie et principalement de protection du climat. Nous soutiendrons cette politique publique. Je vous remercie.
M. Pierre Vanek (EAG). Il est tard, il fait chaud et je n'entendais rien dire, mais le représentant du PDC, avec son talent habituel, a su me tirer de ma léthargie estivale. Je vais donc simplement faire deux observations. Premièrement, le représentant du PDC a cru décerner un compliment à Antonio Hodgers en disant: «Nous soutenons tout ce que fait ce conseiller d'Etat Vert; nous considérons que ce qu'il fait est une garantie...», etc. Je vous paraphrase librement, Monsieur Lathion, mais c'était l'esprit de la chose et c'était en effet un compliment, Mesdames et Messieurs. Il n'est pas là, donc je me tourne vers quelqu'un qui est là; il n'est pas là, mais dire d'un conseiller d'Etat écologiste qu'il mène une politique globalement satisfaisante pour le PDC... Dans la bouche d'un PDC, c'est peut-être un compliment; dans la bouche d'un orateur d'Ensemble à Gauche ou d'un écologiste un peu conséquent, ça s'apparente quelque part plutôt à un baiser, disons, à un baiser de Judas... (Protestations.) ...pour prendre une image un peu dans votre créneau. Parce que nous serions en effet en droit d'attendre d'un magistrat Vert qu'il soit un tout petit peu plus radical... (Protestations.) ...radical au sens premier, Mesdames et Messieurs - plutôt que de faire tout ce qu'il faut pour faire plaisir au PDC ! J'ai par exemple entendu parler de la sortie du nucléaire; oui, mais cette sortie du nucléaire, est-elle à la hauteur de nos attentes ? Qu'est-ce qu'il faut en matière de sortie du nucléaire ? Une sortie sine die ou une sortie rapide qui nous évite un Fukushima ou un Tchernobyl sur le territoire de notre beau pays ? Mesdames et Messieurs, pour nous la réponse se situe dans la deuxième proposition et de ce point de vue là, si elle est globalement positive, la politique qui est menée n'est matériellement pas suffisante.
Maintenant, encore un point; désolé, mais c'est l'affection que je porte au représentant du PDC en question qui me conduit à le reprendre encore une fois. Il a évoqué la dette des SIG, qui exploserait de manière exponentielle comme celle du canton. D'abord, Mesdames et Messieurs, une courbe exponentielle, c'est autre chose, et la dette des SIG n'est pas à mettre en parallèle avec celle du canton, parce que la dette des SIG a été creusée par une décision stupide, prise il y a quelques années et par des magistrats de vos bancs ! Elle a été creusée à hauteur de 400 millions par l'exigence - par l'exigence - d'une recapitalisation intégrale de la caisse de pension des SIG, sous prétexte que les SIG ne seraient quelque part pas une entité publique et qu'à ce titre ils ne devraient pas bénéficier de la garantie de l'Etat - de la garantie de l'Etat - alors que les SIG font partie de son périmètre. Et on a exigé que la caisse de pension des SIG soit recapitalisée à 100%, jetant par la fenêtre bêtement - bêtement ! - 400 millions qui auraient pu être investis productivement dans une politique de l'énergie visant précisément à se passer plus rapidement des énergies non renouvelables ! Ce qui - pour part, en tout cas - a jeté l'institution dans la tourmente des investissements boursiers à la merci desquels sont les caisses de pension du deuxième pilier, qui constituent évidemment un système problématique, mais c'est un autre débat que je ne vais pas complètement développer ce soir. Je m'arrête donc là sur cette politique publique, Mesdames et Messieurs, et vous aurez compris que le groupe Ensemble à Gauche s'abstiendra, comme sur les autres.
M. Jean-Charles Lathion (PDC). Eh bien, il est facile de me vilipender de telle sorte pour finalement s'abstenir; je m'étonne un peu de cette attitude. Sachez que lorsque le PDC complimente les actions d'un magistrat, il ne commet pas un baiser de Judas, il est tout à fait sincère. Concernant la dette, c'est vrai que j'ai dit que la dette des SIG pouvait être comparée à celle de l'Etat; j'ai comparé ces deux entités à des soeurs jumelles. Mais j'aimerais vous dire - enfin, préciser - que l'endettement net a été estimé à 771 millions en 2016, à 795 millions en 2017 et qu'il devrait atteindre les 900 millions en 2020 ! Il en va des SIG comme de l'Etat; nous devons nous préoccuper de cette situation, même si - comme à l'Etat - nous savons que c'est la caisse de retraite qui a mis les finances de l'entreprise dans cette situation ! Mais ayons conscience de cela et ayons, nous, les politiques, pour objectif de diminuer la dette et non pas de favoriser son épanouissement.
M. Pierre Vanek (EAG). Je vais m'exprimer très rapidement; je donnerai à l'occasion un cours privé à M. Lathion sur la forme des courbes exponentielles, mais enfin, ce n'est pas là le sujet. J'admets volontiers sa sincérité dans le compliment qu'il adresse au conseiller d'Etat qui nous fait défaut, mais vous m'autoriserez aussi à penser que nous sommes en droit - nous serions en droit, on pourrait peut-être être en droit - d'attendre d'un conseiller d'Etat écologiste une politique un tout petit peu plus engagée sur le front... de quoi ? de l'écologie, que celle qui convient au parti démocrate-chrétien ! C'est tout ce que j'ai voulu dire, ne vous vexez pas sur l'expression biblique mal à propos. Ensuite, bien sûr, bien sûr qu'on a des raisons de se préoccuper de la dette des SIG. Mais cette dette a effectivement été creusée à hauteur de 400 millions par les décisions stupides prises par les autorités genevoises, pas par les SIG - son conseil d'administration était unanime à revendiquer que la caisse de pension soit garantie et puisse continuer à fonctionner pour part en répartition, comme la CPEG et comme d'autres caisses publiques. Eh bien cette décision-là, qui a creusé à hauteur de 400 millions la dette des SIG que vous évoquez et qui vous préoccupe, permettez-moi quand même de la mentionner et de ne pas passer l'éponge trop vite.
M. Daniel Sormanni (MCG). La caisse de retraite, c'est 350 millions de dette suite à sa recapitalisation, pas 400, mais c'est un détail. Je vais juste prendre quelques secondes pour ajouter que ce Grand Conseil, par la voix du Conseil d'Etat, a fourgué aux SIG les Cheneviers, les STEP pour un prix surfait de 480 millions ! Alors que ça aurait pu être donné pour 1 F et non 480 millions. Et pourquoi ce montant ? Pour renflouer les caisses de l'Etat ! C'est ce qui a creusé la dette des SIG, rien d'autre; plus la caisse de retraite !
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons maintenant voter sur cette politique publique Q «Energie».
Mise aux voix, la politique publique Q «Energie» est adoptée par 62 oui et 6 abstentions.
A - FORMATION
Le président. Nous passons à la politique publique suivante. La parole est à M. Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Nous sommes très préoccupés - nous l'avons déjà dit lors du premier débat - par les enseignants frontaliers, qui sont beaucoup trop nombreux... (Exclamation.) ...dans le primaire, mais surtout dans le secondaire. (Remarque.) D'après nous, c'est une chose à quoi nous devons impérativement mettre fin dans les plus brefs délais, ou en tout cas nous devons réduire le nombre de ces enseignants, parce qu'il n'est pas possible d'assister à une telle attaque à la fois contre notre culture, contre l'emploi, contre notre système de formation universitaire, puisque cela élimine un certain nombre de débouchés pour les étudiants de notre université. (Brouhaha.)
Le président. Un petit peu de silence, s'il vous plaît ! Monsieur Velasco ! Monsieur de Sainte Marie ! Merci.
M. François Baertschi. Nous sommes également inquiets du fait que l'on propose trop de postes, et de manière complètement abusive - postes d'apprentissage, d'enseignement aussi - à des jeunes qui ne sont pas résidents ici. Il y a une certaine discrimination, notamment dans certains instituts, HES ou autres où nous avons eu des échos de ce type de problèmes. C'est une politique générale qui a commencé - ou qui s'est développée en tout cas - depuis les bilatérales, qui cause un tort considérable à long terme à notre système de formation, en tout cas comme nous le voyons nous, le MCG, dans la pensée qu'il faut une société solidaire, équilibrée, une société où l'enseignement profite en priorité aux résidents genevois. Malheureusement, nous n'en sommes pas là. Nous demandons ce changement politique. S'agissant des comptes, nous devons constater que la dynamique reste la même, qu'il n'y a pas eu de changement, et cela nous inquiète.
Nous sommes aussi inquiets quant à l'université: nous avons eu des échos de choix d'enseignants ou autres qui sont contestables, de choix d'enseignants venant de la région aussi. Nous arrivons mal à gérer cette politique régionale dans le domaine de l'enseignement également. Comme nous l'avons dit pour l'AFC tout à l'heure, pour le département des finances, où il y a aussi une dégradation qui nous inquiète, la dégradation au niveau de l'enseignement nous inquiète aussi. Au nom de nos militants, au nom des électeurs du MCG, nous nous devons de formuler cette protestation et nous en faisons part dans le cadre des comptes.
M. Jean Romain (PLR). Concernant la gestion du DIP, le PLR va évidemment être critique. Il va peser les points positifs et les points négatifs. Premièrement, on se rappelle le rapport de la Cour des comptes sur le nouveau cycle d'orientation. Le constat, souvenez-vous, était sévère, plus que sévère: le CO n'oriente pas assez et il laisse la filière professionnelle sans grande efficacité. Le PLR a apporté une première solution: revaloriser l'information professionnelle et lui redonner ses lettres de noblesse. Acceptée en commission puis en plénière, cette vision l'a aussi été par le DIP. Dans ce sens-là, les Genevois lui en savent gré.
Deuxièmement, scolariser les jeunes jusqu'à 18 ans est une volonté simple, apparemment, de la constitution, mais la chose est plus compliquée à mettre en place, et le DIP a pris la mesure de cette difficulté. Il s'est mis au travail et est en train d'agir dans ce sens. Les Genevois lui en savent gré.
Mais il existe de nombreuses zones moins sujettes à satisfaction. Par exemple, l'école inclusive, dispendieuse, peu efficace et, pour tout dire, ne suscitant que peu d'enthousiasme. C'est le mantra du DIP que cette école inclusive, comme si l'école avait vocation d'être exclusive. Non ! Une bonne école doit être capable de répondre aux spécificités multiples de sa population hétérogène, tout le monde semble d'accord; mais c'est la manière d'y parvenir qui pose problème. Notre école inclusive, version genevoise, est plus que problématique. La première conséquence est évidente: c'est l'abolition de la distinction entre école régulière et école spécialisée, et ainsi de l'efficacité des deux régimes d'enseignement, puisque les professeurs ne suivent pas la même formation. La deuxième conséquence est donc la modification radicale de la formation des professeurs, dont la plupart ne connaissent rien à ce qui ressortit à la prise en charge des élèves différents. Certains cas sont assez lourds. Il faudra bien faire appel à des spécialistes, de sorte qu'aux moments décisifs ceux-ci puissent sortir temporairement tel élève de la classe pour le suivre individuellement. Mais alors, chers collègues, quel est le rôle de l'enseignant lorsque les difficultés scolaires sont traitées par d'autres spécialistes ? Quelle est sa gratification ? Parce qu'enfin, son travail consiste aussi à trouver des solutions face à des élèves en grande difficulté ou faisant face à des difficultés normales.
La troisième conséquence est évidemment une modification du rôle de l'école publique, chers collègues, car une médicalisation de cette école va être nécessaire puisqu'on impute l'échec scolaire à des dysfonctionnements individuels, à des troubles du comportement ou à divers «dys» qu'il faudra soigner. En effet, ce type d'interprétations médico-psychologiques de l'échec scolaire précoce, qui impute les difficultés de l'élève à un déficit individuel, n'incite pas à s'interroger sur la construction des difficultés d'apprentissage au sein même des classes. Or, de nombreux travaux sociologiques, comme ceux de Rochex et de Lahire, montrent que les inégalités d'apprentissage se construisent aussi - pas seulement, mais aussi - au sein des dispositifs d'enseignement. Si la faute incombe à un trouble individuel, alors toute remise en cause des méthodes ou du climat scolaire est reléguée au second plan. Mais il faut bien être au goût du temps ! Depuis quelques années, on ne parle que d'école inclusive à Genève. On doit se demander d'ailleurs comment les importants moyens nécessaires seront obtenus. Certes, Mme Torracinta n'a cessé de demander durant l'exercice 2016 des moyens supplémentaires, et elle les a obtenus. Bravo pour elle, bravo pour notre école ! Mais notre école est-elle devenue plus performante pour autant ? Plus efficace ? Plus intégrative ? Je n'en suis pas certain, notamment en ce qui concerne les 26,2 ETP engagés l'année passée.
Par ailleurs et enfin, il y a encore trop de monde dans l'administration au DIP et pas assez de professeurs devant les élèves. Il est impératif de transférer le surplus de cadres vers une présence accrue en classe. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est d'ailleurs le but de l'amendement à la LIP, rappelez-vous, qui demandait aux directeurs du primaire d'enseigner quelques heures.
Ce dont Genève a besoin pour ses enfants, chers collègues, c'est d'une école qui permette à chaque élève de progresser et de devenir libre. Nous avons besoin aujourd'hui d'une école de la responsabilité, et c'est cela même la responsabilité de l'école. C'est de cela que Genève lui saura gré. En attendant, Monsieur le président, chers collègues, le PLR refusera cette politique.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le nombre d'élèves augmente au primaire; le nombre d'élèves augmente dans l'enseignement spécialisé; le nombre d'élèves augmente au cycle d'orientation - je parle de l'année 2016, bien entendu. Et que fait le Conseil d'Etat ? Il réalise des économies sur le dos des élèves en n'utilisant pas le budget à disposition, comme le montre le compte de l'Etat. L'écart entre les comptes et le budget fait apparaître une économie de près de 7 millions dans l'enseignement obligatoire et de près de 3 millions pour l'enseignement spécialisé. Ce sont donc précisément 48 791 élèves de l'école publique obligatoire qui font les frais de cette politique désastreuse. Ensemble à Gauche tient à dénoncer cette gestion peu admissible, scandaleuse à bien des égards.
Il faut savoir - parce que le rapport de gestion du Conseil d'Etat se garde bien d'en parler - que, faute de moyens, le mercredi matin d'école, voté par le peuple en 2012, introduit censément à la rentrée 2014, n'est toujours pas réalisé complètement. Il manque des postes, tout simplement, et depuis trois ans maintenant, des élèves de l'enseignement spécialisé n'ont pas droit aux mêmes prestations que leurs camarades du même âge. Pour cacher cette iniquité, un subterfuge est utilisé dans certaines structures: on change l'horaire des élèves et on leur demande d'arriver à 8h50 au lieu de 8h. Ils sont donc bien le mercredi matin à l'école, mais cinquante minutes en moins par jour, soit plus de quatre heures en moins par semaine. Voilà comment sont traités les élèves en difficulté. D'autres sont privés de l'enseignement de l'anglais, introduit pour les élèves de 10 ans, également faute de moyens. Etc.
L'économie sur les postes nécessaires à la délivrance des prestations directes aux élèves, au mépris des usagers d'abord et des lois et règlements ensuite, n'est pas admissible. Le rapport du Conseil d'Etat passe sous silence ces manquements et se révèle ainsi une sorte de tissu de mensonges par omission. A une exception près: au sujet de son cheval de bataille, l'école inclusive, il ose timidement dire que sa mise en oeuvre «dépendra des moyens accordés». Quelle lucidité... et quelle hypocrisie si, dans les faits, les moyens dont il dispose ne sont pas utilisés ! Les beaux projets qu'il met en avant pour intégrer les élèves se font donc au détriment de ceux qui existent, qui, eux, contrairement aux nouveautés tape-à-l'oeil, ont fait leurs preuves.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, tant que les élèves qui ont le plus de besoins continueront à être maltraités, Ensemble à Gauche dira non à cette politique, non à l'école de l'exclusion, et refusera ce rapport. Je vous remercie.
Mme Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, voilà bien une politique publique essentielle à Genève, et une politique où les défis sont chaque année plus importants, sans malheureusement que les budgets accordés suivent à la hauteur de ce qu'ils devraient. Le groupe socialiste salue le travail de sa conseillère d'Etat à l'heure où il faut développer l'accueil dans les crèches, encore largement insuffisant aujourd'hui, alors que toujours plus de familles voient les deux parents travailler pour joindre les deux bouts; à l'heure où le nombre d'élèves ne cesse d'augmenter chaque année; à l'heure où il faut scolariser et parfois même alphabétiser des élèves migrants arrivés chez nous, qu'on ne peut laisser sur le bas côté; à l'heure où il faut faire rénover des bâtiments scolaires laissés pendant des décennies sans entretien et qu'il n'y a bientôt plus qu'à simplement détruire puis reconstruire, à l'exemple du collège du Renard; à l'heure où il faut - heureusement - en construire aussi de nouveaux, comme ce sera le cas avec l'ouverture toute prochaine de la nouvelle école de commerce Raymond-Uldry; à l'heure où il faut mettre en oeuvre la formation obligatoire jusqu'à 18 ans - un très beau projet, mais qui demande des moyens pour devenir concret; en un mot, à l'heure où il faut donner à des enfants et à des jeunes, y compris ceux ayant des besoins particuliers ou en situation de handicap, les meilleures bases possible pour s'en sortir dans un monde professionnel toujours plus compétitif.
Vous le voyez, le panier est chargé, et la droite passe son temps à critiquer les besoins financiers du DIP. Le parti socialiste au contraire estime qu'un quart du budget de l'Etat, grosso modo, pour toutes ces missions à remplir, ce n'est pas cher payé, et que chaque franc investi dans la formation est, même d'un point de vue purement économique, largement rentabilisé.
Voilà pour l'orientation générale. Plus concrètement, sur ces comptes, le parti socialiste a quatre questions adressées à Mme la conseillère d'Etat. Sur le programme A01, la formation obligatoire, le PS est ravi de voir que les indicateurs 2.1, 2.2 et 2.3 - à savoir le taux d'élèves ayant bénéficié d'une passerelle au cycle d'orientation qui se maintiennent dans leur nouveau regroupement, indicateurs que j'avais appelés de mes voeux lors des comptes 2014 et dont la présence me ravit donc - que ces indicateurs s'améliorent, un petit peu, mais s'améliorent; pas autant cependant qu'il avait été fixé comme objectif pour le budget 2016. Il faut donc continuer l'effort et permettre au cycle d'orientation de bien porter son nom. Encore faut-il lui laisser les moyens, en temps et en heures, de le faire.
Le deuxième souci concerne les indicateurs 4.3, 4.4, 4.5, 4.9 et 4.10, les taux d'encadrement à l'école obligatoire: ils se sont légèrement améliorés pour les tout-petits, au cycle élémentaire, et bravo à Mme Emery-Torracinta qui met des moyens importants sur le soutien à l'apprentissage de la lecture, acquisition fondamentale, pour les tout-petits. Ils se sont par contre légèrement détériorés à la fin du primaire, le cycle moyen, et au cycle d'orientation, la faute aux restrictions budgétaires voulues par la majorité de ce parlement. Par contre, ce qui nous inquiète, c'est l'augmentation prévue pour 2018 à la fois au cycle 1 - en passant d'un taux d'encadrement des élèves de 19,2 à 19,5 - et au cycle d'orientation. On se demande bien quelle en est la raison. Cela ne nous semble pas être un bon signal, et le PS veillera à ce que les conditions d'apprentissage pour les élèves s'améliorent, ou à tout le moins, même dans ces circonstances difficiles, ne se détériorent pas.
Le troisième sujet de préoccupation concerne le programme A02 sur l'enseignement secondaire II et la formation continue, avec l'indicateur qui devrait tous nous inquiéter, le 1.3, taux d'entrée dans une filière d'enseignement secondaire II à l'issue de la transition. Chères et chers collègues, moins d'un élève sur deux - 44% - réussit à entrer dans une filière du secondaire II après une année de transition. C'est un triste état de fait, et nous souhaiterions connaître les raisons de cette situation à votre sens, Madame la conseillère d'Etat. C'est tout l'enjeu, bien sûr, de la formation jusqu'à 18 ans, et il sera vraiment nécessaire de soutenir les efforts du DIP dans ce domaine, car la tâche est ardue.
En dernier lieu, sur le programme A05, l'enseignement spécialisé, nous saluons les projets pilotes d'intégration dans l'école ordinaire, par exemple, pour cette année... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...d'élèves présentant un trouble du spectre autistique. Le parti socialiste s'en félicite mais note qu'ils sont de trop petite ampleur: ce ne sont que 13% des élèves qui ont pu bénéficier cette année d'une telle intégration. Ce sont de trop modestes projets, du fait des moyens qui ne sont pas votés par ce plénum. Ces projets ont été possibles, l'avoue même le DIP, par des réallocations internes uniquement.
Le président. Il vous faut terminer, Madame.
Mme Salima Moyard. Je vais terminer, Monsieur le président. Cela peut aller un moment, cependant, pour que l'école inclusive ne soit pas la médicalisation à côté de la plaque qu'a décrite M. Jean Romain mais effectivement une école qui répond aux besoins de tous les élèves, il faudra davantage de moyens, et le parti socialiste les appelle de ses voeux. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rompre une lance en faveur des jeunes, de leur formation. Je soutiens pleinement tous les propos concernant la promotion de l'apprentissage; cela dit, un certain nombre de jeunes sortent des écoles et ne parviennent pas à entrer en apprentissage, ils sont en transition quelque part. Je demande que le département examine cette situation; il faut faire en sorte que ces jeunes puissent entrer dans une filière de formation, quelle qu'elle soit, mais qu'ils puissent y entrer. Or, on constate qu'on ne sait même pas combien sont ces jeunes qui pour ainsi dire disparaissent des statistiques. Par conséquent, on ne sait pas comment agir. Il est probable que les raisons de leur échec ne sont pas monolithiques. Il y a, à mon avis, un besoin de récupérer ces jeunes, et je demande au département d'utiliser les CTP, les centres de transition professionnelle, afin qu'ils en fassent plus - il faudra probablement élargir leurs moyens - et afin qu'on puisse récupérer ces jeunes et les insérer dans des filières de formation.
J'aimerais poser la question suivante à Mme la conseillère d'Etat: qu'entend-elle faire pour résoudre ce problème ? Aujourd'hui, déjà 14% des jeunes sont dans ces filières de transition. Ce chiffre a doublé en quinze ans, sans parler de tous ceux qui sont en dehors: il y a donc un effort à faire, et je pense qu'il est important pour les jeunes et pour Genève.
M. Guy Mettan (PDC). Il faut rappeler que le budget de ce département est le plus élevé de tous: il avoisine les 2 milliards de francs. Il vaut donc la peine d'en examiner la gestion et les comptes avec attention. De ce point de vue là, il n'y a rien à reprocher à la gestion ni aux dépenses faites par le département, c'est sous contrôle. Le parti démocrate-chrétien approuvera naturellement cette politique publique.
Il se trouve que le rôle d'un député n'est pas seulement de pérorer en commission, mais aussi de vivre parmi les électrices et électeurs, parmi la population genevoise. Ces derniers mois, j'ai eu l'occasion de faire une visite au collège de Staël, et avec Mme Perler, récemment - mardi - nous étions à la Haute école de travail social. Je dois dire que ces deux visites ont été pour moi impressionnantes. J'ai pu me confronter aux élèves; j'ai donné une conférence au collège de Staël, et j'ai pu constater à quel point les élèves sont intéressés, intéressants dans les remarques qu'ils font, concernés par le sujet - j'avais les pires craintes, parce qu'il y avait trois ou quatre cents élèves, et je me suis demandé comment maîtriser à moi tout seul cette foule d'élèves: or, c'était beaucoup plus facile que je ne pensais, j'ai eu affaire à des élèves motivés et intéressés. C'est un bon point. Lorsque nous avons eu un débat avec Mme Perler, cette semaine, sur le travail social, consacré notamment à l'AVS et à trois autres sujets - Madame Perler, vous me direz si je me trompe - j'ai aussi été impressionné par les compétences manifestées par les élèves pour résumer, synthétiser, poser les conditions du débat, et par les discussions qui ont suivi. J'ai trouvé cela très bien, et je tenais à le dire.
Je suis en revanche très préoccupé par une autre question, celle de l'enseignement du français. En discutant avec les étudiants à la HETS, j'ai appris que leur diplôme s'appelait «bachelor of social arts» ou je ne sais quoi, et je me suis dit que ce n'était quand même pas possible que dans une école francophone, dans un canton francophone, on baptise nos diplômes de noms anglais. Quelle confiance avons-nous dans notre propre langue si nous ne sommes pas capables de décerner des titres de diplômes dans la langue de la république ? Je n'ai rien contre l'anglais, mais enfin, je trouve quand même que c'est un signe assez préoccupant.
Il y a un autre problème dont je me suis aperçu en discutant avec d'autres élèves: le niveau d'expression française, même dans les travaux de baccalauréat, les travaux finaux. Je trouve qu'on assiste à une sorte de dégradation, insidieuse, de la langue française. Je n'accuse pas le département, je pense que c'est un phénomène beaucoup plus général; ça ne tient pas à la qualité des professeurs, que je ne remets pas en cause. Mais c'est une préoccupation dont j'aimerais faire part ce soir. Au fond, j'ai l'impression que nous n'attachons plus assez d'importance à notre propre langue, au rôle essentiel qu'elle joue. Si nous n'avons plus confiance dans notre propre langue, ce sera difficile de l'enseigner à nos élèves ! Je pense qu'il y a de graves problèmes de grammaire, de syntaxe, de vocabulaire, aggravés encore par l'usage immodéré des réseaux sociaux et d'un langage plus phonétique qu'autre chose. Je n'ai pas de solution ce soir, mais je pense que si nous voulons éviter d'assister à une espèce de naufrage de notre langue, il conviendrait que le département de l'instruction publique porte une attention accrue à ce thème dans les années qui viennent. Merci de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC). Au début de la législature - c'était le bilan des cent premiers jours, comme on le lit dans la «Tribune» - j'avais moi-même salué le travail, l'ouverture d'esprit et l'ouverture au dialogue de Mme Torracinta. Aujourd'hui, le bilan à tirer est bien amer; on sent qu'elle s'est largement refermée sur elle-même, qu'elle est plus à se demander: «Mais que vont faire les syndicats ? Que va dire le personnel ?» Les seules choses qu'elle approuve aujourd'hui... Parce que finalement, on peut proposer à peu près tout, mais il ne faut pas que ça froisse les enseignants ni les syndicats, il faut que ça ne froisse personne. Au-delà de ça, vous faites ce que vous voulez, mais ça veut dire que finalement on ne fait pas grand-chose ! Ça, c'est le constat amer qu'on peut tirer. C'est certainement dû au fait que l'année des hannetons est déjà bien entamée; il va falloir tirer un bilan définitif de tout ça. Au total, il restera beaucoup d'amertume.
J'ai aussi des questions: Madame la conseillère d'Etat, comment appliquez-vous les mesures votées par ce Grand Conseil en 2014 et en 2015 ? Est-ce que les directeurs enseignent comme ils en ont normalement l'obligation ? Comment faites-vous appliquer cette mesure ? Ensuite, comment est appliquée la motion acceptée par ce parlement pour que les élèves travaillent jusqu'à la fin de l'année scolaire et arrêtent de perdre du temps durant les trois ou quatre dernières semaines avec la piscine, le cinéma, les sorties ? Malheureusement, je constate que même si ça s'est un peu amélioré, il y a presque toujours autant de piscine et de sorties sur ces deux ou trois dernières semaines. Peut-être que vous aurez une explication là-dessus. Troisièmement, est-ce qu'au primaire, les élèves apprennent enfin le Cantique suisse, comme cela a été demandé par ce Grand Conseil ? Personnellement, je n'en ai pas l'impression, mais peut-être pourrez-vous m'éclairer là-dessus. Dernière question: est-ce que la situation pour les mesures d'accompagnement s'est améliorée, et ces mesures sont-elles appliquées hors temps scolaire, ou, comme c'était le cas ces dernières années, les enseignants doivent-ils, pour certains degrés, bricoler durant les heures de cours en séparant les effectifs en deux, en donnant du travail à une partie de la classe pendant qu'ils assurent ces mesures d'accompagnement à l'autre partie, ce qui a pour résultat que les élèves qui bénéficient des mesures ne font pas ce que les autres font et que ce qu'ils gagnent d'un côté, ils le perdent de l'autre ? Ce sont mes quatre questions, et je vous remercie d'avance, Madame Torracinta, pour vos réponses.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts voteront la politique publique A, mais souhaitent attirer votre attention et l'attention du département sur deux points qui peuvent se révéler fort problématiques à l'avenir. Le premier est la volatilité des élèves: en effet, si l'on regarde l'indicateur 1.5 du programme A02, on s'aperçoit qu'il y a dans le secondaire II environ un millier d'élèves qui s'évaporent en cours d'année. Par ailleurs, pour prolonger la réflexion sur le CTP, le centre de transition professionnelle, on voit qu'en fait, trois élèves sur quatre soit abandonnent en cours d'année, soit échouent l'année d'après; vous verrez cela sous les indicateurs 1.3 et 1.4 du même programme. Pour garantir à ce millier de décrocheurs scolaires la formation jusqu'à 18 ans, il va falloir faire preuve à la fois d'une grande créativité et de beaucoup de souplesse. En particulier, comme la plupart de ce type d'élèves sont fâchés avec l'école, sont totalement réfractaires à une salle de cours, il va falloir trouver des emplois, du travail, des postes de travail, évidemment peu qualifiés, que l'on confiera à ces élèves; mais il faudra aussi trouver les entreprises qui pourront donner ces postes de travail, et surtout ne pas arrêter l'accompagnement de ce type d'élèves.
Le deuxième point problématique pour l'avenir est le manque criant de places pour le placement de mineurs: les indicateurs 3.1 à 3.5 du programme A03 attestent la saturation totale du système, évidemment aggravée par la venue importante de réfugiés mineurs non accompagnés. Afin d'éviter de futures trajectoires déviantes, disons, qui seront dommageables tant pour les personnes que pour la société, il faudra vraiment ouvrir de nouveaux foyers avec un personnel qualifié, et donc absolument trouver des moyens supplémentaires.
Deux remarques plus positives pour conclure. Les Verts saluent la réduction et la simplification - c'est un détail, mais il a son importance - des épreuves communes. C'est en effet un coup de frein à la tendance à évaluer toujours plus dans l'enseignement, et un coup de pouce à des économies bien pensées. Et puis, comme le groupe socialiste, nous relevons aussi le bon taux de réussite après une orientation positive au cycle d'orientation - il s'agit des indicateurs 2.1 à 2.3 du programme A01 - ce qui démontre que dans tout système scolaire, il faut garder une perméabilité, que c'est important de ne pas enfermer des élèves dans une section de manière imperméable, lors des trois dernières années de la scolarité obligatoire, et qu'il faut leur donner la possibilité de tenter leur chance. A peu près 80% d'entre eux réussissent en cas de réorientation promotionnelle.
Dernier point, une question que je pose au département: les élèves genevois ont passé en juin 2016 les tests standard nationaux en mathématiques 11e année. A-t-on les résultats ? Peuvent-ils être communiqués ? Je vous remercie.
M. Patrick Saudan (PLR). Monsieur le président, j'aimerais répondre brièvement à M. Baertschi - vous lui transmettrez. Je l'ai entendu se plaindre au début de son intervention qu'il y avait trop d'enseignants étrangers dans notre université. Il y a en effet beaucoup d'enseignants étrangers dans notre université: sur 2500 collaborateurs de la recherche et de l'enseignement, en comptant les professeurs, la moitié - la moitié ! - est d'origine étrangère. Mais ce n'est que le signe de l'excellence de notre université, Monsieur Baertschi, parce que ces enseignants ne viennent pas à cause des salaires mirobolants qu'on leur offre, ils ne viennent pas à cause des conditions de logement qu'on leur offre, ils viennent parce que notre université est excellente et qu'ils veulent y travailler. C'est un cercle vertueux: meilleure est l'université, plus elle a de bons enseignants et de bons chercheurs, plus elle continue à être bonne. Instaurer, comme vous le demandez implicitement...
Le président. Adressez-vous à moi, s'il vous plaît ! Merci.
M. Patrick Saudan. Désolé, Monsieur le président. Vous transmettrez: instaurer une politique d'engagement des enseignants basée sur une préférence cantonale ou nationale - je rappellerai à cette occasion que le canton ne contribue que pour 60% au budget de l'université - c'est la solution rapide pour s'assurer une université de seconde zone, rabougrie, une université de nains de jardin. (Remarque.) Finalement, ce sera au détriment de la population genevoise. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Engelberts pour deux minutes trente.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. A certains moments, on a rendu hommage à l'un ou l'autre de nos conseillers d'Etat. Personnellement, je souhaiterais dire mon respect pour Mme la ministre de l'éducation et de la formation, pour les raisons suivantes: elle a donné une orientation et un cap, ainsi qu'une certaine vision de l'école et de la formation, ce qui n'est pas tout à fait la même chose; elle a encouragé et développé la formation professionnelle d'une manière sensible, intelligente et efficace. Je parlerai moins des aspects très techniques, je connais moins l'école primaire, secondaire, etc., bien que j'aie regardé les choses de près. A mon sens, il y a aussi à trouver au niveau des enseignants, et pas seulement à celui des élèves, un peu plus de flexibilité dans la compréhension de l'analyse des situations telles que nous les vivons aujourd'hui et telles que les parents ont à les vivre aujourd'hui. De part et d'autre, donc, une coresponsabilité serait bien agréable.
J'aimerais aussi souligner l'effort des enseignants et de la conseillère d'Etat pour l'école inclusive. Dieu sait si c'est difficile ! C'est un concept généreux, intéressant, passionnant par rapport aux personnes en situation de handicap, mais on sait les difficultés qu'il y a d'abord pour différencier les situations, les identifier, et ensuite les faire habiter véritablement dans une classe dite normale, ce qui est bénéfique pour tout le monde mais nécessite certainement des compétences nouvelles. Ces compétences, les enseignants vont les acquérir, c'est certain, mais à un certain rythme, aussi. Je crois qu'on est très pressé pour développer l'école inclusive: c'est sur vingt ans qu'on arrive à développer véritablement un concept tel que celui-là, tout comme on a mis plus de vingt ans pour identifier vraiment la manière de développer l'apprentissage.
Pour ces deux raisons-là, je trouve que notre ministre de l'éducation mérite vraiment beaucoup de respect. Les critiques peuvent être d'ordre technique, mais en tout cas elles ne doivent être ni d'ordre philosophique ni d'ordre éthique, et je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat.
Une voix. Très bien !
M. Guy Mettan (PDC). J'aimerais préciser que je me suis mal exprimé tout à l'heure: j'ai beaucoup apprécié la qualité de l'expression orale des élèves, mes préoccupations concernaient l'expression écrite. Il s'agissait donc bien d'expression écrite, domaine dans lequel je trouve qu'il y a un problème par rapport à la langue française. Peut-être que le département pourrait envisager une étude - j'en parlais avec mon collègue Bugnion - pour voir s'il y a une vraie dégradation ou non.
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez de manière tout à fait sympathique à M. Saudan que c'est la première fois qu'on me traite de nain de jardin ! (Rires. Commentaires.) Avec mon mètre quatre-vingt-cinq, j'avais entendu beaucoup de choses, mais c'est avec un certain amusement que j'entends qu'on m'attribue ce nom-là. Ça m'a fait penser au «Fabuleux Destin d'Amélie Poulain», avec ce fameux nain qui se déplace dans le monde entier; comme quoi un nain peut aussi avoir le goût du voyage, aller un peu partout ! (Rires. Commentaires.) Mais j'ai bien compris, vous n'aviez pas besoin de me le dire - vous transmettrez, Monsieur le président - que vous êtes un défenseur de la mondialisation, du mondialisme... (Remarque.) ...de la grande ouverture, vous assumez tout à fait; vous êtes dans une certaine logique macronienne, si je puis dire. (Commentaires.) En plus de ça, vous êtes double-national. (Remarque de M. Patrick Saudan.) Bon, je l'apprends. (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, nous parlons de la formation !
M. François Baertschi. Je réponds à ce qui vient de m'être dit. Il y a ceux qui ont honte de Genève et de la Suisse et ceux qui en sont fiers et qui pensent qu'il ne faut pas dénigrer... Et je crois que M. Velasco - vous transmettrez, Monsieur le président - qui veut toujours s'exprimer et censurer les autres... (Commentaires.) ...ferait bien d'avoir un peu de sens de la liberté. J'ai été attaqué sur ces éléments-là, qui sont des éléments de fond, parce qu'on parle du fond de ce que doit être un système d'éducation: ce ne sont pas des petits sous, ce ne sont pas des pions qu'on déplace, il y a aussi un ensemble de valeurs, et ce sont ces valeurs qu'on défend. Alors peut-être qu'un rapporteur de minorité n'a plus de valeurs, je n'en sais rien; ça le regarde. Mais vouloir faire taire les autres, ce n'est pas quelque chose d'acceptable.
Pour en revenir aux faits, Monsieur le président - c'est ce que vous attendez - je crois qu'il y a de graves problèmes au sein de l'université, notamment avec l'engagement de personnel frontalier, aussi dans l'administration et à d'autres niveaux. Il faut arrêter d'avoir honte, de ne pas oser parler de ce genre de problèmes. Merci, Monsieur le président.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Chez les Romands, on a tendance à considérer l'éducation comme relevant de la compétence de l'Etat, alors que chez les Alémaniques, c'est avant tout une question qui relève de la famille. (Commentaires.)
Pour l'Université de Genève, les chercheurs sont très attentifs au fait d'aller trouver de plus en plus de ressources financières externes, soit auprès d'instances européennes, soit auprès de la Confédération, pour couvrir leurs projets ainsi que les frais généraux de fonctionnement de l'université.
J'ai une question pour vous, Madame la conseillère d'Etat: est-ce que le département fera payer les parents qui recourent contre les décisions des enseignants, cela afin de juguler leurs contestations virulentes ? Merci, Madame.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Je commencerai en répondant aux questions ponctuelles, puis j'essaierai de reprendre en nouant la gerbe sur un certain nombre de points essentiels.
Je prends d'abord la fin. Le droit de recours est un droit en tant que tel, il n'est pas question de faire payer qui que ce soit. Concernant les standards nationaux, rien n'est encore arrivé. Pour les directeurs, oui, ils travaillent une à deux périodes devant les classes; c'est surveillé, c'est-à-dire qu'ils nous transmettent les informations. En réalité, ils l'ont toujours fait, puisque ces personnes ont toujours été dans les classes, notamment lorsqu'il y avait des élèves en difficulté, etc. Sur la motion qui concerne la fin de l'année scolaire, nous sommes en train d'évaluer la présente fin d'année scolaire pour voir jusqu'où on peut aller; les choses ont l'air de ne pas trop mal jouer, si ce n'est, peut-être, sur les deux derniers jours de cette semaine-ci, où ça devient un peu compliqué. Pour la remarque sur les frontaliers, Monsieur Baertschi... (L'oratrice marque une pause.)
Des voix. François !
Mme Anne Emery-Torracinta. ...je ne peux pas accepter qu'on me dise: «Il y aurait des situations à certains endroits, où il y a des personnes qui...», etc. Si vous avez des faits précis, on vous répond; le département a toujours répondu en toute transparence à toutes vos questions; mais vous ne pouvez pas laisser courir n'importe quel bruit. Je vais vous donner un exemple. J'étais un jour à la commission des finances. Un des membres de votre parti m'a passé un papier où il avait écrit que dans tel cycle, on engageait une secrétaire frontalière, que c'était un vrai scandale, qu'elle était passée devant des personnes qui venaient de l'office cantonal de l'emploi. J'ai transmis l'information à la personne responsable pour vérifier: c'était parfaitement faux, la secrétaire engagée habitait le canton de Genève. Si, Monsieur Baertschi, vous souhaitez faire état de faits précis, transmettez-les au département et nous en discuterons; mais vous ne pouvez pas laisser planer qu'il y aurait peut-être, éventuellement, ici ou là, des choses qui ne vont pas. Il existe des règles de procédure à l'Etat, elles sont respectées pour n'importe quelle personne qui postule. Et n'oubliez pas que s'il y a des enseignants frontaliers, c'est aussi parce qu'il n'y a simplement pas assez de logements à Genève et qu'un certain nombre de nos concitoyens et concitoyennes vont habiter la France voisine. (Remarque.)
Concernant le nombre de postes administratifs, Monsieur Romain... Je ne sais pas si M. Romain est... (Commentaires.)
Une voix. Il est derrière vous.
Mme Anne Emery-Torracinta. (L'oratrice se retourne vers l'estrade du Bureau où siège M. Jean Romain.) Ah, il est là ! C'est vrai que vous devez vous déplacer pour parler. Je vous invite à aller regarder le bilan social de l'Etat, annexe 2, page 32. C'est parfaitement édifiant. Vous trouverez les postes d'état-major des départements - c'est-à-dire le secrétariat général, y compris la direction des finances, la direction RH, si vous voulez - en nombres absolus ainsi qu'en pourcentages. Le département de l'instruction publique, de la culture et du sport est le plus petit département, avec 0,89%. J'enlève le département présidentiel, qui, par définition, ne fournit pas vraiment - ou fournit moins - de prestations de terrain, mais allez voir les autres: 9%, 12%, etc., vous verrez, c'est parfaitement édifiant. Ce qui manque, au département de l'instruction publique, ce sont justement des postes qui n'ont pas été ajoutés depuis des années dans l'administration des écoles, des postes d'infirmières scolaires par exemple: là, ce sont de réels manques. Je m'inscris donc en faux contre vos paroles, allez regarder les chiffres qui figurent dans les documents que vous recevez.
Concernant l'école de l'exclusion, Monsieur Baud, c'est inacceptable que vous teniez de tels propos. Depuis que je suis arrivée au département, qu'est-ce qui a systématiquement été ajouté quand il y avait une augmentation d'élèves dans l'enseignement spécialisé ? Les moyens nécessaires. J'ai en effet découvert après un ou deux ans au département que dans les années qui précédaient, quand il y avait plus d'enfants dans l'enseignement spécialisé, on disait à l'OMP de se débrouiller avec les moyens du bord. Eh bien, avec l'accord du Conseil d'Etat, avec parfois la commission des finances - parce que ça a passé parfois par des crédits supplémentaires - les budgets ont été accordés. Je ne peux pas dire qu'il y ait un manque de postes et que les moyens ont été coupés, je dirais même que de manière générale, depuis le début de la législature, il n'y a eu aucune baisse de prestations sur le terrain au DIP. Le seul endroit où des efforts d'économies ont réellement été demandés, c'est au cycle d'orientation: il faut le reconnaître, et saluer aussi ce qui a été fait par le cycle dans le respect des normes réglementaires, même s'il est vrai qu'on a augmenté un peu le nombre d'élèves par classe, tout en restant dans le cadre légal; ce qui a amené à déplacer plus d'élèves et n'a pas été sans conséquence sur le terrain pour l'organisation du travail du cycle d'orientation. L'effort d'économies négocié avec les enseignants, en tout cas avec une majorité d'entre eux, c'était la formation continue hors temps scolaire, liée, vous le savez, à l'absence de budget voté par ce parlement, avec une rentrée scolaire avec mille élèves de plus, pour laquelle il nous fallait bien trouver des moyens. (Remarque.) Mais il n'y a eu aucune baisse de prestations. Encore un exemple très concret: nous discutons de l'introduction de l'informatique notamment au collège de Genève. Quand j'ai été rechercher les informations sur le passé du département, j'ai découvert - et je me le suis rappelé - que l'informatique existait déjà en 2004 au collège et qu'elle avait été supprimée par mesure d'économie, ainsi, d'ailleurs, que des postes de soutien pour les maths et pour les élèves en difficulté. Voilà quelque chose qui en réalité s'est passé auparavant; ça ne s'est pas passé durant cette législature.
Si on essaie de considérer l'ensemble du système, pour répondre aux différentes questions sur le décrochage: je vous ai toujours dit, et à plusieurs reprises dans ce parlement, que la réussite d'un système scolaire, ou son efficience, ou son efficacité, se mesure au taux de réussite à la sortie. Est-ce que tous les élèves sortent avec un titre professionnel ou un titre de formation générale ? Actuellement, on sait que ce n'est pas le cas; on sait qu'entre 10% et 15% des élèves sortent sans titre. Pourquoi ? Pas seulement parce que ces élèves, Monsieur Bugnion, ne tiennent pas en classe; pour certains d'entre eux, le rythme scolaire est effectivement très difficile, mais la réalité, c'est tout simplement que le système, aujourd'hui, ne leur permet plus de réussir. Quand vous sortez extrêmement fragile du cycle d'orientation, avec de grosses lacunes en maths, en français, en lecture, vous n'avez aucune chance de trouver une place de travail, vous n'avez pas les normes pour entrer au secondaire II dans une formation qualifiante. Qu'est-ce qui vous reste ? Au mieux, les sections préparatoires des différentes écoles, ou, dans les cas plus compliqués, le centre de transition professionnelle. Et les règlements actuels ne permettent pas de refaire une deuxième année ou de poursuivre. Résultat des courses: à un certain nombre de ces jeunes qui voudraient trouver une place d'apprentissage, qui voudraient poursuivre leur formation, les règlements actuels ne permettent pas de continuer. C'est dans ce sens-là que la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, que nous allons introduire à la rentrée 2018 - et je compte sur vous, Mesdames et Messieurs les députés, pour voter aussi les budgets qui l'accompagneront, car cela nécessitera des moyens - la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, FO 18, comme on l'appelle au DIP, sera un levier, car nous allons devoir imaginer d'autres solutions pour ces élèves, vous avez raison, Monsieur Bugnion, plus souples, plus adaptées à leurs besoins, leur permettant de faire des stages, etc., mais surtout - on l'espère - de raccrocher.
Les chiffres de ces élèves décrocheurs: pour les mineurs, il s'agit de 550 chaque année, environ 220 durant l'année scolaire et 330 entre juin et septembre. Par décrochage, on entend le fait qu'un élève ne revienne pas l'année scolaire qui suit immédiatement. A cela s'ajoutent environ 600 mineurs dans la nature, si j'ose dire. On table donc, pour la rentrée 2018... enfin, on espère garder les 550 qui partent d'habitude, et on pense récupérer probablement une partie de ceux qui sont dans la nature. En moyens, c'est à peu près l'équivalent d'une école en plus; il faudra que le parlement suive à ce niveau-là.
Je vous l'ai dit, si ces élèves sont en situation très difficile à la fin de leur scolarité, c'est souvent parce qu'ils n'ont pas réussi dans les apprentissages de base. Je sais que M. Romain y tient, je sais que M. Mettan y tient: ce qui est important, c'est l'enseignement du français, de la lecture, du calcul. Malheureusement, pour certains de ces enfants-là, faute de moyens suffisants à l'école primaire, je devrais dire à cause des pertes que l'école primaire a subies pendant au moins vingt ans, régulièrement, faute de moyens supplémentaires qui n'ont pas été accordés alors qu'ils l'étaient peut-être sur les autres ordres d'enseignement, on a aujourd'hui des élèves complètement largués déjà à 6 ans, quand ils apprennent à lire. Comment voulez-vous après qu'à 15 ou 16 ans ils s'en sortent ?
Qu'est-ce qui a été fait durant cette législature ? On a renforcé les postes de soutien à la lecture, grâce au vote sur le mercredi matin, qui prévoyait des moyens: 30 postes de soutien supplémentaires à la lecture. Ça me permettra de répondre à M. Florey en lui disant que soutien et mesures d'accompagnement, enfin, mesures de soutien, ce sont deux choses différentes: il y a le soutien pendant le temps scolaire, comme le soutien à la lecture: soit les élèves sont avec le maître chargé de soutien ou avec l'enseignant ordinaire, tous ensemble dans la classe; soit le maître chargé de soutien prend quatre ou cinq élèves de la classe à part et travaille avec eux plus à fond la lecture ou des difficultés propres à ces élèves. On a renforcé ces postes-là de 30 postes. Il y avait 101 postes de soutien quand je suis arrivée au département, alors qu'ils étaient 216 au début des années 90; ils sont 147 à cette rentrée scolaire: vous voyez qu'on a quand même mis des moyens supplémentaires.
Mesdames et Messieurs les députés, oui, il y a une cohérence dans la vision que j'ai de l'école. Mais cette vision ne pourra se construire qu'avec vous, qu'avec les moyens que vous nous accorderez, notamment pour l'école dite inclusive - je rappelle que l'école inclusive ne concerne pas que les élèves en situation de handicap, mais tous les enfants, y compris ceux qui ont des difficultés, y compris ceux qui ont besoin de soutien, y compris aussi ceux qui ont de la facilité, qui ont besoin d'aménagements dans leurs horaires scolaires, je pense par exemple aux sportifs, aux musiciens, aux artistes, etc.
Voilà pour la partie scolaire. Dernier point que je voudrais mettre en évidence: l'éducation spécialisée, le manque de place dans les foyers, pour répondre à M. Bugnion. Des moyens ont été accordés au budget 2017; malheureusement, les hospitalisations sociales continuent, on n'a pas encore suffisamment de moyens. J'ai demandé des budgets pour 2018. Ce secteur aussi n'avait pas bénéficié de moyens supplémentaires durant des années: nous avons ouvert des places d'urgence, nous avons créé des places en foyer.
Ainsi, on ne peut pas prétendre qu'il n'y a pas d'action dans ce département, mais, comme l'a dit M. Florey, c'est l'année des hannetons, et chacun essaie de ramasser ses billes. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique A «Formation» est adoptée par 38 oui contre 18 non et 28 abstentions.