République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 juin 2017 à 20h30
1re législature - 4e année - 4e session - 17e séance
PL 11804-A
Premier débat
Le président. Nous abordons maintenant le PL 11804-A en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, essayons de mener ce débat plus calmement et posément que nous ne l'avons fait pour le précédent objet ! Nous allons parler du projet de loi 11804 déposé par le Conseil d'Etat et visant à modifier la loi en matière de chômage, plus particulièrement les allocations de retour en emploi. Dans les grandes lignes - j'aborderai chaque article plus en détail après, mais de façon succincte tout de même, ne vous en faites pas ! - il durcit et intensifie les contrôles s'agissant des conditions d'octroi des ARE pour les entreprises, fixe une pratique pour les rémunérations, notamment la partie subventionnée par l'Etat, et permet un toilettage de l'ensemble de la loi.
Rappelons brièvement de quoi il s'agit: les allocations de retour en emploi sont fixées dans la loi et octroyées à des chômeurs qui arrivent en fin de droit. Leur durée n'est pas la même pour tous: pour les personnes en dessous de 50 ans, elle est de 12 mois maximum, et pour celles de plus de 50 ans, de 24 mois maximum - c'est inscrit dans la présente loi. Autrefois - et encore actuellement - les ARE consistaient en une subvention de l'Etat pour le salaire, dégressive et aux alentours de 50% de celui-ci; dans ce projet-ci, elles sont établies à 50% maximum de la rémunération et de façon fixe durant l'entier de la période de l'ARE. Enfin, il existe un plafond à la rémunération perçue dans le cadre des ARE qui est basé sur le salaire médian cantonal, à savoir 7510 F.
Maintenant, Mesdames et Messieurs, je vais entrer un peu plus dans le détail de ce projet de loi en l'évoquant article par article. Les travaux de commission, qui ont duré relativement longtemps, ont permis d'apporter plusieurs modifications essentielles. On reviendra tout à l'heure sur les amendements proposés par Ensemble à Gauche, sur cet effet de double peine décrié notamment par la rapporteure de minorité; si, à titre personnel, je peux moi aussi être assez sensible à l'article 31, alinéa 4, lettre c, on peut néanmoins remarquer que nous avons réussi à réduire ce principe de double peine à l'article 31, alinéa 4, lettre d. En effet, dans le cas où les personnes susceptibles de bénéficier d'ARE ont fait l'objet d'une condamnation pénale ou administrative en raison d'une infraction selon différents articles de loi, la double peine s'applique pendant une période de deux ans au maximum, c'est une diminution que nous avons pu amener en commission.
Je ne vais peut-être pas entrer dans tous les détails, mais je voulais vous dire que l'article 32 est un article nouveau qui constitue la grande plus-value de ce projet de loi car il fixe les critères d'octroi des allocations de retour en emploi pour les employeurs. Différents éléments viennent pallier la faiblesse de la loi actuelle - qui ne comprend que les lettres f et g - notamment le fait que l'employeur doit s'acquitter régulièrement des cotisations aux assurances sociales et de l'impôt à la source, démontrer qu'il a les moyens financiers suffisants pour payer la moitié de l'ARE, ne pas avoir licencié un travailleur dans le but d'engager un chômeur pouvant prétendre à une ARE et offrir des conditions de travail... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...conformes aux usages, même si on pouvait déjà trouver ça précédemment. Enfin - c'est peut-être plus symbolique qu'autre chose, mais ça a été ajouté en commission - l'employeur doit s'engager à encadrer le travailleur bénéficiant de la mesure pendant toute la durée de celle-ci, ce qui est essentiel dans une logique de formation.
Je passe à l'article 35: là, une critique a été émise - peut-être l'évoquera-t-on tout à l'heure - quant à l'âge et au nombre de mois octroyés. On s'aperçoit en effet que pour les jeunes, qui sont finalement les premiers touchés par le chômage aujourd'hui à Genève et en Suisse, il n'existe pas vraiment de mesures spécifiques; la commission s'est entendue à ce sujet. Mais suite à un projet de loi socialiste concernant des allocations de premier emploi, le Conseil d'Etat s'est engagé à déposer un texte pour des allocations de premier emploi basé sur le modèle des ARE et visant à aider prioritairement les jeunes. Par ailleurs, toujours à ce même article 35, nous avons supprimé un aspect du projet de loi initial, soit le fait que le Conseil d'Etat puisse réduire la durée des ARE en fonction des restrictions budgétaires. Cela aurait pu conduire à des situations très délicates pour des ARE en cours ou pour des personnes qui se verraient octroyer une ARE moins élevée en fin d'année en raison de restrictions au budget. La majorité de la commission a réussi à annuler cette mesure qui se trouvait dans le projet initial, ce qui est positif.
Pour terminer, j'évoquerai l'élément qui est sans doute le plus discutable - et, à titre personnel, je rejoins la rapporteure de minorité là-dessus - à savoir la réserve en cas de résiliation «pour des motifs sérieux et justifiés». Dans le projet initial, le Conseil d'Etat avait préconisé la formulation «pour justes motifs au sens de l'article 337 du code des obligations», ce qui constitue en réalité un cadre beaucoup plus strict pour les employeurs s'agissant de potentielles résiliations de contrats. J'y suis plutôt sensible, à titre personnel, et il me semble que les socialistes aussi. Voilà, Mesdames et Messieurs, je suis un peu entré dans le détail de ce projet de loi sur lequel la commission de l'économie a passé beaucoup...
Le président. Il vous reste deux minutes, Monsieur, vous avez déjà pris deux minutes sur le temps du groupe.
M. Romain de Sainte Marie. Mince, je ne savais pas ! Alors je conclus très brièvement: la majorité de la commission vous invite à accepter ce projet de loi tel qu'amendé en commission. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Baertschi... Ah non ! Excusez-moi, Madame Haller, c'est à vous.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous avons effectivement beaucoup travaillé sur ce projet de loi en commission, et nous tenons à saluer les améliorations apportées au cours des travaux. Comme l'a souligné M. Romain de Sainte Marie, un certain nombre de mesures ne nous paraissaient pas opportunes, notamment celle qui consistait à adapter les allocations de retour en emploi en fonction des dispositifs budgétaires, et nous nous réjouissons que cette disposition ait été éliminée. Il y a également eu un consensus au sein de la commission pour que soient évités les effets d'aubaine et que les ARE correspondent davantage à la vocation qui est la leur, c'est-à-dire permettre à des personnes de se réinsérer en sanctionnant l'effort déployé par les employeurs tout en veillant à ce qu'il n'y ait pas d'abus. De ce point de vue là, nous étions tout à fait favorables à ces améliorations.
Mais le fait qu'on travaille sur cette question nous amène quand même à élargir quelque peu le point de vue. Tout d'abord, il a été dit lors des travaux de commission que si le Conseil d'Etat souhaitait favoriser les allocations de retour en emploi, il s'agissait aussi d'utiliser plus massivement les prestations fédérales, c'est-à-dire les allocations d'initiation au travail qui permettent de répondre au même objectif, mais en étant imputables au budget de l'assurance-chômage. Cela étant, si l'on convient que l'on pourrait mieux utiliser les prestations fédérales, il ne nous semble pas judicieux de diminuer le recours aux ARE pour autant. Nous savons que le nombre de places disponibles n'est pas suffisant, que le budget devrait être augmenté plutôt que diminué - c'est d'ailleurs l'objet de l'un des amendements que j'ai proposés. En effet, au fil du temps, les groupes de population qui pourraient potentiellement bénéficier d'une ARE ont été élargis, mais les budgets n'ont pas été augmentés en conséquence. Alors oui à une meilleure utilisation des AIT, certainement, mais pas à une diminution des ARE.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositions qui subsistent dans le projet de loi - et qui figuraient déjà dans la loi actuelle - auraient pu être corrigées, et c'est la raison du premier amendement que nous proposons, à savoir la suppression de la double peine. Comme vous le savez, les personnes qui ont été pénalisées pendant plus de 31 jours ne peuvent pas bénéficier d'une ARE. Or cette pénalité peut être le cumul de petites pénalités pour des fautes de faible importance, qui subsistent souvent sans faute de la personne. Par conséquent, il nous semble injuste de maintenir un système qui, après que les personnes ont déjà été sanctionnées, vient les sanctionner une deuxième fois en les empêchant finalement de bénéficier de l'opportunité de retourner à l'emploi. Je souhaiterais encore vous présenter d'autres amendements, mais je le ferai au fur et à mesure parce que cela me paraît plus opportun. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Pour conclure, je souhaite rappeler que les allocations de retour en emploi représentent l'une des mesures phares de la révision de la loi cantonale en matière de chômage intervenue en 2008. Elles sont intéressantes et permettent aux chômeurs en fin de droit de retrouver un emploi et de sortir du no man's land de l'exclusion. Cependant, il demeure quelque chose d'ambigu à devoir indemniser les employeurs pour engager des travailleurs... (Le président agite la cloche pour indiquer que l'orateur parle sur le temps du groupe.) ...à considérer qu'un effort est réalisé par les employeurs. Nous pouvons entrer en matière sur ce genre de considération, mais il nous semble qu'il faut rester prudent et c'est pourquoi nous nous montrerons très circonspects quant à la question de l'allocation de premier emploi.
Monsieur le président, je prendrai sur le temps de mon groupe pour présenter les autres amendements tout à l'heure. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame. Vous avez déjà pris vingt secondes sur le temps de votre groupe. Monsieur Wenger, c'est à vous... (Remarque.) Je suis désolé, mais la liste des demandes de parole a changé, je ne sais pas pourquoi. Allez-y, Monsieur Wenger.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous parlons ce soir des ARE, c'est un sujet important. Le chômage, Mesdames et Messieurs, est un sujet important, ce n'est pas juste une politique, ce sont des personnes.
Je vais vous rappeler quelques chiffres, que vous connaissez certainement déjà: aujourd'hui, à Genève, il y a un taux de chômage d'environ 5,3%. Cela signifie que 12 329 personnes sont actuellement au chômage dans notre canton, n'ont pas de travail, sont en train de chercher un emploi. Si on prend les chiffres des demandeurs d'emploi inscrits, on arrive à 15 960 personnes, et cela n'inclut bien entendu pas les milliers de gens qui ont basculé de l'autre côté du miroir, qui ne sont plus au chômage mais à l'aide sociale, à l'Hospice général, et qui sont confrontés à d'énormes difficultés pour vivre avec le peu dont ils disposent. Au total, 2319 personnes sont au chômage depuis plus d'une année, et environ trois cents d'entre elles... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...sont bénéficiaires des ARE.
Quand on parle de 15 000 chômeurs, Mesdames et Messieurs, ce sont 15 000 hommes et femmes - c'est assez partagé, d'ailleurs - qui ont des familles, des amis, qui sont dans la souffrance, et c'est pour ça qu'il est extrêmement important que notre Grand Conseil et le Conseil d'Etat puissent développer une politique volontariste en matière de chômage. Les ARE sont importantes, c'est une mesure qui permet à environ 60% de leurs bénéficiaires de se réinsérer par la suite de manière durable...
Le président. Il faudra terminer, s'il vous plaît.
M. Thomas Wenger. ...dans le marché du travail. Bon, alors je terminerai - vous auriez pu me le dire un peu avant, Monsieur le président ! - en précisant que pour que cette mesure fonctionne bien, il faut un véritable contrôle du marché du travail, soit par l'OCIRT, soit par l'inspection paritaire des entreprises. Merci beaucoup.
M. Boris Calame (Ve). Chers collègues, comme nous l'avons annoncé à la commission de l'économie, nous soutiendrons ce projet de loi, je pense que le travail a été bien fait. Un élément nous interpelle tout de même, à savoir le premier amendement proposé par Ensemble à Gauche. En effet, l'article 31, alinéa 4, lettre c, mérite d'être supprimé: nous ne sommes pas en faveur de la double sanction, pour nous, cette disposition ne fonctionne pas, donc nous soutiendrons la proposition d'Ensemble à Gauche.
S'agissant du financement, le conseiller d'Etat nous a assuré que les moyens nécessaires seraient prévus au budget afin d'assurer l'égalité des traitements sur l'année et que s'il voyait un manque dans ces moyens alloués, il reviendrait devant la commission des finances pour y remédier.
La dernière chose qui nous semble essentielle, c'est que les ARE constituent un contrat de confiance, un engagement mutuel entre un employeur et un demandeur d'emploi, et il est important de limiter les pénalités s'il devait y avoir échec - sans pour autant qu'il y ait abus d'une partie ou de l'autre - en tout cas dans les trois premiers mois. Il n'y aura donc pas de remboursement demandé à l'employeur dans les trois premiers mois, ce qui nous semble un aspect fondamental du moment où ce contrat de confiance doit pouvoir se réaliser dans les meilleures conditions. Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). J'aimerais tout d'abord adresser quelques remerciements à M. le rapporteur pour la qualité de son rapport et la rapidité avec laquelle il l'a rédigé, ainsi que pour les précisions qu'il a données article par article tout à l'heure, cela m'évite d'y revenir. Je rappellerai simplement que les ARE sont une mesure essentielle du marché du travail cantonal et qu'elles atteignent leur but. Ce projet de loi a essentiellement pour objectif de clarifier certaines dispositions, d'en introduire d'autres et, selon les cas, d'apporter plus de rigueur ou de souplesse tant vis-à-vis de l'employeur que du chômeur en fin de droit, ce qui permet à celui-ci une réinsertion facilitée.
Les débats en commission ont été intéressants, notamment lors des auditions auxquelles nous avons procédé, particulièrement celle de l'Association de défense des chômeurs et celle des partenaires sociaux, qui ont donné lieu à des discussions de fond extrêmement constructives. En effet, du côté syndical comme patronal, ces entités sont systématiquement associées à nos travaux, surtout en matière de chômage. Certains pourraient penser que onze séances pour quelques modifications d'un texte de loi, c'est un peu long; il est vrai - et il faut le remarquer - qu'il y a eu plusieurs va-et-vient entre le département et la commission afin de proposer des amendements, de corriger certains textes, mais surtout, Mesdames et Messieurs, chers collègues, afin de parvenir au plus large consensus possible sur la modification qui vous est proposée.
A cet égard, je vous rends attentifs au fait que c'est une forte majorité qui a accepté ce projet de loi, nous sommes arrivés à des compromis acceptables avec, vous l'aurez remarqué en lisant le rapport, une seule voix contre et une seule abstention. C'est dans ce cadre-là que le groupe démocrate-chrétien vous encourage à retrouver sur ces bancs et ce soir la même majorité et donc à refuser les amendements déposés par Ensemble à Gauche. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). La question évoquée aujourd'hui est importante, il s'agit du problème du chômage, de toutes ces personnes qui se retrouvent exclues du marché de l'emploi à Genève. Vous connaissez la thèse que nous défendons sur la «surconcurrence» engendrée par les travailleurs frontaliers qui exercent une pression monumentale sur les salaires. C'est d'ailleurs ce qu'ont relevé très récemment les syndicats: le salaire médian a baissé, on se trouve presque dans un jeu de massacre entre des gens venant de toute l'Europe et les demandeurs d'emploi genevois qui ont toutes les peines du monde à intégrer le marché du travail.
C'est en cela que les ARE sont importantes, elles permettent à tous ces exclus, à toutes ces personnes qui pourraient n'avoir plus aucun espoir de rejoindre le monde du travail parce qu'elles en ont été éloignées trop longtemps de s'y retrouver, de rejoindre des entreprises qui sont plus compréhensives parce qu'on leur paie la moitié du salaire. En effet, quand vous arrivez et que vous n'avez plus touché un clou depuis un moment, qu'est-ce qui se passe ? Ça va être dur, le patron va perdre de l'argent, il va devoir demander à du personnel de vous expliquer les choses, il va devoir être patient. Aussi, la mesure ARE est une nécessité.
Cela dit, il ne faut pas non plus idéaliser ce processus, ça ne fonctionne pas pour l'ensemble des demandeurs, il faut être réaliste: on vit dans un monde où certains bénéficieront des ARE mais, à un moment donné, malgré toute leur bonne volonté, ne réussiront malheureusement pas à s'intégrer. Mais ne nous attardons pas là-dessus, il faut voir l'essentiel, à savoir tous ceux qui vont pouvoir se réintégrer durablement dans le marché de l'emploi, non pas pour un, deux ou six mois, mais pour une période beaucoup plus longue.
C'est la raison pour laquelle il faut voter de manière convaincue et massive ces modifications à la loi, lesquelles permettent grosso modo une meilleure adaptation à la logique du monde du travail et des demandeurs d'emploi. C'est une vision très pragmatique qui a présidé à ce changement de loi, et c'est pour cette raison que le groupe MCG vous demande de le soutenir.
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC pense que ce projet est un investissement utile, justifié et qui atteint son objectif. Sans revenir sur les détails déjà évoqués, ces allocations de retour en emploi bénéficient bien entendu aux chômeurs en fin de droit, mais également aux entreprises ainsi qu'à l'Etat.
Pour l'Etat, il s'agit d'un engagement certes important, mais qui est limité dans le temps et concerne un faible pourcentage de chômeurs. De plus, il a évidemment un intérêt à ce que tous les candidats à cette aide réussissent leur réinsertion. Pour les employeurs, si cette participation financière constitue un geste appréciable, les contraintes en contrepartie sont importantes, ce qui limite d'éventuels excès. Enfin, pour les chômeurs en fin de droit, personnes précaires et en rupture, c'est une réelle chance d'un retour sur le marché du travail.
Les ARE représentent un engagement d'un à deux ans, ce n'est de fait absolument pas une mesure pour un stage ou une occupation temporaire. Notre groupe estime que l'allocation de retour en emploi est une réelle opportunité qui a déjà démontré son utilité et son succès. Pour ces raisons, nous soutiendrons le texte sous la forme et le contenu acceptés par la majorité de la commission.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, mon collègue Jean-Marc Guinchard en a déjà parlé: il était vraiment nécessaire de consacrer à ce projet de loi onze séances de la commission de l'économie afin de corriger et d'encadrer au mieux ces allocations de retour en emploi, qui ne sont pas nouvelles mais sur lesquelles il fallait prendre un certain recul, que ce soit du point de vue des employeurs, des bénéficiaires ou de la commission tripartite du Conseil de surveillance du marché de l'emploi. Sans nous jeter des fleurs, je crois que la commission a su trouver des éléments rassembleurs et des compromis acceptables pour toutes et tous.
Pour le PLR, deux éléments étaient importants s'agissant de l'employeur comme de l'employé, à savoir les notions de responsabilité et d'équité. Je vous lis l'un des amendements qui ont été acceptés: «ne pas avoir occupé de poste chez l'employeur dans les 2 années précédant le dépôt de la demande d'allocation de retour en emploi, hormis les stages ou emplois de courte durée». Au départ, on pensait seulement aux postes de dirigeants mais, au fil des discussions, on s'est aperçu que ça devait englober tous les employés parce qu'il ne s'agit pas d'une mesure qui doit mettre le personnel «sous perfusion», entre guillemets, ou octroyer une aide démesurée aux entreprises.
Ensuite, point fondamental, on a parlé des stages, on a mené toute une réflexion sur les stages mal rémunérés, peu rémunérés, pas assez rémunérés, et on s'est dit qu'on ne devait pas pénaliser les jeunes qui avaient réalisé des stages en entreprise. Un correctif a donc été apporté, ce qui est très bien. On s'est aussi penché sur un risque de dérive très important, à savoir la notion d'encadrement, qu'il fallait définir. Un employeur - et ça, ça me parle assez - ne mérite une aide étatique qu'à condition d'offrir certaines mesures d'encadrement, on ne peut pas bénéficier d'une prestation sans fournir un travail en contrepartie.
On a encore travaillé sur les aspects d'insertion, de responsabilité, de durée, de différences entre les moins de 25 ans, les plus de 50 ans, on a essayé d'équilibrer le tout. Un autre élément majeur à souligner, c'est la possibilité de licenciement. En effet, lorsqu'un employeur crée un poste ou donne sa chance à un chômeur, il doit avoir la possibilité de le licencier pour des motifs valables. Il fallait pouvoir garder cette latitude afin de ne pas avoir de risques d'«abus», entre guillemets, d'ARE pour des périodes de trois mois; cet aspect méritait d'être soulevé.
J'évoquerai deux points pour terminer. Tout d'abord, le délai d'attente de cinq jours pour chaque décision: ça nous paraissait capital parce qu'à un moment donné, lorsque vous devez faire un choix entre différents collaborateurs, il faut que l'Etat réponde et traite les dossiers de manière rapide. Enfin, une mesure qui ne coûte pas cher mais qui est capitale - et peut-être ne ressort-elle pas suffisamment dans le projet de loi - c'est la promotion des ARE auprès des entreprises pour leur en expliquer le but, le cadre, la philosophie. Au final, on ne peut faire de retours en emploi que lorsqu'on crée de l'emploi et, jusqu'à présent, ceux qui créent l'emploi - en tout cas dans le domaine privé - sont les employeurs, et ceux-ci doivent connaître les conditions d'octroi des ARE de manière que les travailleurs bénéficient de ces mesures.
Un consensus a été trouvé au sein de tous les partis politiques... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...c'était très constructif. Aussi, au nom de notre groupe, je vous invite à soutenir ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. Guinchard pour deux minutes trente.
M. Jean-Marc Guinchard. Je renonce, Monsieur le président.
Le président. Très bien, alors elle revient à M. Sormanni, à qui il reste une minute vingt.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le dispositif des ARE est très important, et c'est la raison pour laquelle nous soutenons ce projet de loi. En effet, les mesures qui y sont proposées sont bonnes.
Comme ça vient d'être dit par mon préopinant - vous transmettrez à M. Hiltpold, Monsieur le président - on peut essuyer un échec à un moment donné, il peut ne pas y avoir d'adéquation entre l'employeur et l'employé qui bénéficie de la mesure, et donc il faut que l'employeur puisse procéder au licenciement sans forcément devoir rembourser les allocations perçues. Il se peut que ça ne fonctionne pas, et c'est bien là l'intérêt du dispositif, à savoir d'élargir les possibilités, notamment pour les jeunes. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Voilà pourquoi nous vous invitons à voter ce projet de loi. Cela dit, en plus de toutes ces mesures pour remettre les gens au travail, il faut continuer à veiller à bien appliquer la préférence cantonale à Genève, à l'Etat comme dans le privé - je le répète encore une fois.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Au vu de la tournure que prend la discussion, je vais quand même commenter les différents amendements que nous proposons, même si ce n'est pas le plus adéquat. J'aimerais d'abord juste préciser que la question des frontaliers n'a rien à voir avec celle des ARE, et je trouve dommage que certains s'égarent à ce propos.
Cela étant dit, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous vous présentons cinq amendements. Le premier consiste à supprimer la double peine qu'introduit l'article 31, alinéa 4, lettre c, qui implique que parce qu'on a fait une faute une fois, on doit être pénalisé deux fois: cela n'est pas opportun.
Ensuite, nous avons essayé de rendre le respect des usages impératif, ce qui a suscité un certain intérêt de la part des membres de la commission; mais ce qui a été rédhibitoire pour eux, c'est un courrier de l'OCIRT nous informant qu'il n'avait pas les moyens de procéder aux contrôles nécessaires. Or ce n'est pas parce que l'Etat ne se donne pas les moyens de contrôler qu'il faut laisser la bride sur le cou au respect des usages ! En effet, l'Etat aurait un intérêt premier à ce qu'ils soient respectés et qu'il n'y ait pas de sous-enchère salariale dans ce domaine. Malheureusement, nous constatons qu'on ne souhaite pas se doter des moyens adéquats, et c'est pourquoi nous insistons pour présenter cet amendement à l'article 32, lettre e.
Ensuite, je l'ai déjà mentionné tout à l'heure, le troisième amendement vise à augmenter le budget des ARE afin d'intégrer les nouvelles catégories de personnes qui peuvent y prétendre.
Quatrièmement, ce qui nous paraît rédhibitoire dans le projet de loi, c'est cette disposition qui stipule que l'Etat ne garantit que la moitié du salaire médian. Certes, on peut se demander si l'Etat devrait contribuer pour davantage que la moitié du salaire médian, la question se pose; mais on doit surtout se demander si, avec cette mesure, on ne donne pas un signal aux employeurs en disant que c'est le salaire médian qui fait référence et non pas celui de la convention collective ou celui des usages. Cette mesure nous semble particulièrement périlleuse et, en l'état, à défaut de pouvoir lui opposer quelque chose de plus sensé, eh bien il vaudrait mieux s'en abstenir. Nous vous proposons donc de refuser d'inscrire cette disposition dans la loi cantonale en matière de chômage en supprimant l'alinéa 2 de l'article 36.
Enfin, un dernier élément a été introduit à la fin de nos travaux: on a substitué à la notion juridique, claire et sans ambiguïté de «justes motifs» une notion qui n'a aucune valeur juridique, qui prête à toutes les interprétations, qui est celle de «motifs sérieux et justifiés». Il n'est pas acceptable que, d'un revers de main, on balaie ainsi l'une des dispositions qui font la protection des travailleurs contre les licenciements, précisément sous prétexte qu'on veut les faciliter, qui plus est pour éviter que des employeurs aient... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...à rembourser les allocations versées au cas où ils devraient se séparer d'un collaborateur. Nous considérons que lorsqu'on engage quelqu'un, on prend effectivement un risque, mais on fait cela correctement et on s'assure, d'une certaine manière. S'il doit être licencié, il faut que ce soit pour de justes motifs. En l'occurrence, faire intervenir ici une notion aussi vague et sans portée juridique que celle de «motifs sérieux et justifiés» revient à mettre en péril...
Le président. Il vous faut conclure, Madame.
Mme Jocelyne Haller. ...la défense des travailleurs. Aussi, je vous invite à accepter notre dernier amendement à l'article 36B, alinéa 2, qui supprime cette mention. Je vous remercie de votre attention.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais en préambule saluer l'excellent état d'esprit qui a présidé aux travaux de la commission de l'économie sur ce projet de loi. Voilà un travail en commission que l'on souhaiterait être le travail habituel, où les clivages politiques s'effacent partiellement en vue de trouver des solutions pragmatiques dans l'intérêt des personnes pour qui les textes sont établis ! Nous avons mené nos travaux sur plusieurs mois, il faut le reconnaître, au cours desquels des amendements ont été présentés, discutés, acceptés, et qui font de la loi qui vous est proposée aujourd'hui un texte non pas nouveau et révolutionnaire, mais un texte fini qui répond de manière acceptable aux préoccupations que l'on peut avoir des deux côtés de l'échiquier politique.
Je regrette qu'un seul parti politique, représenté par le rapport de minorité, soit resté sur des positions dogmatiques d'un autre temps, exprimées en des termes que j'ai notés, notamment qu'il ne faut pas indemniser des employeurs pour engager des travailleurs. Voilà l'idée que l'on se fait, dans ce camp, des allocations de retour en emploi ou encore des allocations de premier emploi, que nous souhaitons bientôt instaurer et qui visent à donner un coup de pouce aux jeunes qui n'ont souvent qu'une formation théorique, à qui l'on reproche quelque part de ne pas disposer de l'expérience nécessaire et à qui l'on préfère souvent des personnes venues de bien plus loin, prêtes à effectuer un travail pour le salaire de nos jeunes à la sortie de formation mais avec une expérience de cinq ou dix ans.
Eh bien je ne suis pas de cet avis, je pense au contraire que nous avons des employeurs responsables qui s'engagent de plus en plus pour que les demandeurs d'emploi trouvent du travail. Aussi, en tant que représentants de l'Etat, nous devons aider ces employeurs qui font un effort et donnent de leur temps, mettent à disposition des ressources nécessaires pour permettre à des personnes qui ont été éloignées du marché du travail, souvent depuis un, deux ans voire davantage, de remettre le pied à l'étrier. Cela a un coût, mais ce n'est pas un cadeau que l'on fait aux entreprises; cela ne l'est tellement pas que nous avons prévu dans ce projet des garde-fous bien supplémentaires à ceux de la loi actuelle, précisément afin que les employeurs s'engagent véritablement à apporter pendant la période de l'allocation de retour en emploi ce plus nécessaire qui ramènera le travailleur au degré de rentabilité - je sais que ce terme fait dresser les cheveux sur la tête de certains, mais c'est pourtant de cela qu'il faut parler - qui justifie le salaire qui lui est versé.
Nous avons effectivement déjà réorienté les allocations d'initiation au travail qui, vous le savez, sont servies pendant la période de chômage et étaient jusqu'ici malheureusement sous-utilisées au bénéfice des allocations de retour en emploi qui, en tant que mesure cantonale pour l'emploi, ne sont octroyées qu'après la fin des indemnités journalières de chômage. Or, on le sait, plus le temps passe, plus le travailleur s'éloigne de son dernier emploi, plus il lui est difficile d'en retrouver un nouveau, donc il était important d'utiliser l'outil des AIT avant l'argent des ARE. Nous avons dégagé les sommes nécessaires, alors quand j'entends Mme la rapporteure de minorité venir nous dire qu'il faut des budgets supplémentaires pour les ARE, je dis non: ces budgets sont là, nous les avons dégagés précisément en utilisant davantage les AIT qu'ils ne l'étaient précédemment.
Quelques mots maintenant sur les amendements qui ont été déposés et que je vous demande, au nom du Conseil d'Etat, de bien vouloir rejeter. Les 31 jours de pénalité qui, selon le texte qui vous est proposé, empêchent un demandeur d'emploi d'accéder à l'allocation de retour en emploi constituent une réponse justifiée. En effet, les sommes à disposition ne sont pas extensibles à l'infini, et il ne serait pas juste de priver d'allocations de retour en emploi des demandeurs d'emploi qui ont joué le jeu pendant la période de chômage pour les servir à d'autres qui n'ont pas joué le jeu et ont été pénalisés. Mesdames et Messieurs les députés, selon notre législation et en particulier l'article 45 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire, 31 jours de pénalité représentent un cas grave, donc une personne qui a eu 31 jours de suspension de son droit à l'indemnité a commis une faute grave - faute grave qui, le cas échéant, peut être contestée devant les tribunaux, et on ne retient bien évidemment que les décisions définitives et exécutoires. Je vous demande ainsi de maintenir, dans l'intérêt de l'équité, cette entrave à l'accès aux ARE pour les personnes qui ont commis une faute grave ayant entraîné une suspension pour 31 jours ou plus.
En ce qui concerne l'augmentation des budgets, je me suis déjà exprimé.
Quant au salaire médian, Mesdames et Messieurs les députés, il serait incitatif pour les employeurs de baisser les salaires au niveau du salaire médian si on prenait cette limite pour le versement des allocations de retour en emploi. La finalité, bien sûr, est de permettre à toujours davantage de chômeurs d'obtenir des ARE. C'est la raison pour laquelle la limite actuelle, qui dépasse les 12 000 F et pour laquelle l'Etat verse 50% du salaire, doit être considérée comme excessive. Nous avons décidé d'établir un plafond, à savoir 50% du salaire médian. Je rappelle que le salaire médian à Genève n'est pas le SMIC du pays voisin, il est de 7510 F, ce n'est pas rien ! Je pense que les demandeurs d'emploi qui nous écoutent seraient ravis, en tout cas pour la très grande majorité d'entre eux, de trouver un travail à 7510 F, il ne s'agit de loin pas d'un salaire ridicule.
Enfin, s'agissant du dernier amendement, on vous dit que l'on substituerait à la notion juridique claire de «justes motifs» celle absconse de «motifs sérieux et justifiés». Il faut vraiment n'avoir jamais traité de cas prud'homaux pour penser que la notion de «justes motifs» est claire ! La seule chose qui est claire, c'est que pour atteindre le niveau des «justes motifs», Mesdames et Messieurs les députés, il faut que l'employé ait, comme on dit vulgairement, piqué dans la caisse. Or nous constatons d'autres choses dans la réalité des faits: certains employeurs, par exemple, engagent un employé avec ARE avec qui ils ont un engagement qui peut aller jusqu'à 12 mois, voire 24 mois pour les plus de 50 ans, qui, pendant le premier mois - ce qui est souvent la période d'essai - donne satisfaction, pour autant qu'on puisse en juger, et qui, ensuite, se révèle manifestement incapable d'accomplir les tâches qui lui sont assignées. Que faut-il faire ? Le pousser à la faute pour pouvoir s'en débarrasser ? Non. Lorsqu'il y a des «motifs sérieux et justifiés» - c'est l'expression choisie - il faut permettre au patron, avec une marge de manoeuvre qui sera le cas échéant contrôlée par une instance judiciaire, de mettre fin au contrat de travail sans avoir cette terrible épée de Damoclès au-dessus de la tête consistant à devoir rembourser la totalité des sommes qui lui ont été versées depuis le début des ARE. Dans certaines situations dramatiques, de petits employeurs sont obligés de garder un travailleur visiblement incompétent pour le poste, le paient en pure perte en raison de cette épée de Damoclès extrêmement lourde - cela pourrait même parfois les pousser à déposer le bilan s'ils devaient rembourser les sommes en question. Il faut donc une marge de manoeuvre beaucoup plus souple que la notion actuelle qui pousse finalement les employeurs à résilier pour «justes motifs», les employés à saisir les tribunaux de prud'hommes et l'administration à attendre l'issue de la procédure prud'homale, ce qui peut parfois durer des années.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire sur ce projet de loi. Je suis heureux qu'une large majorité le soutienne, c'est important que nous manifestions massivement notre préoccupation pour les demandeurs d'emploi de ce canton. Le Conseil d'Etat, vous le savez, le fait de diverses façons, c'en est une ici, et je vous remercie d'adopter ce projet de loi et de refuser les amendements qui vous sont présentés. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, je lance le vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11804 est adopté en premier débat par 90 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes en deuxième débat. Plusieurs demandes d'amendements ont été déposées par le groupe EAG, que vous trouvez à la page 112 du rapport. Le temps de parole des deux rapporteurs est épuisé mais, comme il s'agit du dernier objet de la soirée, je leur octroie à chacun trente secondes par amendement.
M. Romain de Sainte Marie. Vous êtes le meilleur, merci beaucoup !
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 14, al. 2 (nouvelle teneur) et al. 3 (nouveau), et 30, al. 2 (nouveau) et al. 3 (nouvelle teneur).
Le président. A l'article 31, alinéa 4, nous sommes saisis d'un amendement de Mme Haller consistant à supprimer la lettre c. Vous avez la parole, Madame - pour trente secondes !
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Oui, merci, Monsieur le président. Je voudrais juste préciser à nouveau, s'agissant de cet article 31, alinéa 4, lettre c, qu'il ne s'agit pas forcément d'une faute grave, et je réfute en cela les propos de M. Poggia. On arrive très rapidement à cumuler 31 jours de suspension simplement avec cinq jours ici, dix jours là pour de toutes petites infractions. A cet égard, je souligne le fait que l'office cantonal de l'emploi développe actuellement une politique extrêmement dure en matière de sanctions. Je le répète: 31 jours sont facilement atteignables pour quelques fautes bénignes, j'insiste là-dessus, je peux le prouver.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Ecoutez, je suis très embêté: en commission, je l'avoue, j'ai soutenu cet amendement, mais je me dois de dire en tant que rapporteur de majorité que celui-ci a été refusé par la majorité des commissaires.
Je l'ai évoqué tout à l'heure assez brièvement, cette lettre peut facilement entraîner ce qu'on pourrait interpréter comme une double peine, c'est-à-dire le fait d'être à nouveau sanctionné pour une faute légère qu'on aurait pu commettre, comme l'a dit Mme Haller, en n'étant pas autorisé à bénéficier d'une ARE.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. J'aimerais répondre à Mme la rapporteure de minorité en citant l'article 45, alinéa 3, lettre c, de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire: «La suspension dure de 31 à 60 jours en cas de faute grave.» Je poursuis avec l'alinéa 4: «Il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi; ou qu'il refuse un emploi réputé convenable.» Voilà les fautes graves qui sont mentionnées et qui sont sanctionnées par une suspension du droit à l'indemnité d'au moins 31 jours, et c'est la raison pour laquelle je vous demande, Mesdames et Messieurs, de rejeter cet amendement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et mets aux voix cet amendement à l'article 31, alinéa 4, lettre c, qui vise à supprimer cette dernière.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 28 oui.
Mis aux voix, l'art. 31 (nouvelle teneur de la note), al. 4 et 5 (nouveaux), est adopté.
Le président. Le deuxième amendement de la minorité concerne l'article 32, lettre e. Il nous est proposé de remplacer «peut lui demander» par «lui demande». Madame Haller, je vous laisse la parole.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Il faut s'assurer que les entreprises s'engagent toutes, du moins celles qui seraient susceptibles d'engager du personnel bénéficiant des ARE, à respecter les usages afin de nous prémunir contre la sous-enchère salariale. Prétendre qu'on ne peut pas contrôler ces situations n'est pas un motif recevable pour créditer le risque d'une sous-enchère salariale, et c'est pourquoi je vous invite à accepter cet amendement de même que son corollaire, qui implique de donner les moyens nécessaires à l'OCIRT pour réaliser cette tâche - sachant que l'inspection paritaire des entreprises pourrait l'épauler dans cette démarche.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Nous avions été confrontés à la même situation avec la LRDBHD, c'est-à-dire que l'OCIRT n'a malheureusement pas les moyens d'effectuer des contrôles en cas d'obligation pour les entreprises de signer un engagement correspondant au respect des usages. Cela étant, je crois que le signal est important, et il est nécessaire de faire signer cet engagement dans les différents secteurs où nous connaissons des cas de sous-enchère salariale.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux pas laisser dire ni croire que la loi actuelle permettrait à une entreprise d'obtenir des allocations de retour en emploi si elle ne respecte pas les conditions de travail conformes aux usages dans le secteur d'activité en question. Le texte qui vous est proposé stipule clairement: «offrir des conditions de travail conformes aux usages du secteur d'activité ou de la profession» ! Il s'agit d'une condition, aucune ARE ne sera accordée si le salaire n'est pas conforme aux usages. Voilà, je voulais simplement que les choses soient claires, vous n'êtes pas en train de choisir entre une loi laxiste et un amendement qui serait tout à fait justifié.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite maintenant l'assemblée à se prononcer sur cette proposition destinée à modifier la lettre e de l'article 32.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 22 oui et 10 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 32 (nouvelle teneur avec modification de la note) est adopté, de même que les art. 33 (nouvelle teneur avec modification de la note) et 34 (nouvelle teneur avec modification de la note).
Le président. A l'article 34A, la rapporteure de minorité sollicite l'ajout d'un alinéa 2 que voici:
«Art. 34A, al. 2 (nouveau)
2 Le budget dévolu aux personnes en fin de droit de chômage est augmenté afin de tenir compte des nouvelles catégories de personnes pouvant bénéficier d'une ARE (indépendants et personnes à l'aide sociale).»
La parole vous revient, Madame Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. J'ai déjà présenté cet amendement, je crois qu'il parle de lui-même.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Très brièvement, concernant le budget des ARE, le Conseil d'Etat avait initialement indiqué - je cite - à l'article 35, alinéa 3: «Il peut également prévoir une diminution de la durée de la mesure pour des raisons budgétaires.» Le fait que nous ayons pu supprimer cette phrase en commission fait que, selon moi, l'amendement à l'article 34A n'est pas nécessaire.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, nous allons voter sur cet amendement ajoutant un alinéa 2 à l'article 34A.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 73 non contre 6 oui et 11 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 34A (nouveau) est adopté, de même que l'art. 35 (nouvelle teneur).
Le président. L'amendement suivant vise la suppression de l'article 36, alinéa 2. Allez-y, Madame Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais simplement répondre à M. Poggia qui a mentionné tout à l'heure ce salaire médian en ironisant et en disant que beaucoup de chômeurs seraient très heureux avec une rémunération avoisinant les 7000 F; on s'entend bien sur le fait qu'il s'agit seulement des fonctions auxquelles ce salaire correspond, je n'aimerais pas qu'on pense qu'il s'agit du montant prévu pour tous les postes conclus avec des ARE. Simplement, lorsque cela se justifie, c'est ce salaire-là qui est pris en référence et c'est à ce moment-là que cette limite intervient. Notre crainte est que cela pousse finalement à une autre forme de dumping salarial du fait du signal donné par l'Etat, qui considère que c'est pour lui le maximum qu'il pourrait envisager. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. J'admets qu'il est particulier, pour un rapporteur de majorité, de soutenir ces amendements. Comme il a été expliqué précédemment, le projet issu de commission est vraiment le fruit d'un long consensus qui a clairement mené à des améliorations concernant les allocations de retour en emploi. Néanmoins, pour moi - et pour le parti socialiste aussi - les amendements proposés par Ensemble à Gauche sont justes et constituent la cerise sur le gâteau de ce projet de loi équilibré.
S'agissant de cet amendement-ci, c'est vrai qu'il y a quelque chose concernant le salaire médian... Ce qu'a dit M. le conseiller d'Etat Poggia tout à l'heure - et je terminerai là-dessus - à savoir que beaucoup de chômeurs seraient ravis d'accepter un travail pour un salaire de 7510 F, est vrai; cela dit, en 2016, 19% des personnes ayant bénéficié d'ARE...
Le président. Il faut terminer, s'il vous plaît.
M. Romain de Sainte Marie. ...avaient des salaires supérieurs à 7500 F.
Le président. Merci. J'ouvre le vote sur cet amendement consistant à supprimer l'alinéa 2 de l'article 36.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 72 non contre 6 oui et 13 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 36 (nouvelle teneur de la note), al. 2 et 4 (nouvelle teneur), est adopté, de même que l'art. 36A (nouveau).
Le président. Nous voici arrivés au dernier amendement d'Ensemble à Gauche qui modifie l'article 36B, alinéa 2, comme suit:
«Art. 36B, al. 2
2 La décision relative à l'allocation de retour en emploi est révoquée si, après la période d'essai, l'employeur notifie la résiliation du contrat de travail avant la fin de la mesure ou dans les 3 mois qui suivent. L'employeur est tenu de restituer à l'Etat la participation au salaire reçue. Sont réservés les cas de résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs au sens de l'article 337 du code des obligations.»
La parole est à Mme Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Durant les travaux de commission, il a été clairement annoncé que la nouvelle notion de «motifs sérieux et justifiés» permettait de faciliter les licenciements. Or nous estimons que la protection contre les licenciements constitue un domaine extrêmement sensible et garantit peu aujourd'hui les travailleurs contre les licenciements; vouloir les favoriser à la faveur d'une notion aussi vague et arbitraire que celle qui nous est proposée ici n'est pas acceptable.
Enfin, pour reprendre ce que disait M. Poggia, s'il a déjà été en butte à de longues arguties juridiques avec un article qui est défini au sens légal du terme, je vous laisse imaginer ce qu'augure une nouvelle notion considérant que le motif de licenciement doit simplement être «sérieux et justifié».
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Si on prend la version actuelle de la LMC et des articles spécifiques aux ARE, on s'aperçoit qu'il y a un vide à ce niveau-là et donc, encore une fois, le projet de loi tel que sorti de commission, en comblant ces éléments manquants, ne peut être que positif.
Maintenant, on regrette qu'en commission, la majorité ait décidé de revenir sur la position initiale du Conseil d'Etat qui était plus stricte et cadrait davantage ces conditions. De fait, on peut comprendre cet amendement qui représente vraiment la cerise sur le gâteau, comme je le disais avant, et permettrait d'introduire des critères beaucoup plus précis que le flou que nous avons là.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de pays qui ont actuellement des règles particulièrement coercitives sur l'admission aux licenciements réfléchissent en comparant avec ce qui se passe chez nous. En effet, nous avons un taux de chômage bas parce qu'on peut prendre le risque d'engager un travailleur aujourd'hui sachant que demain, si ça ne va pas, il est possible de s'en séparer. Il faut garder cela en tête, Madame la rapporteure de minorité; votre discours sort en droite ligne de l'idée que les ARE constituent un cadeau aux employeurs et que, quand on offre un cadeau à quelqu'un, il faut qu'il soit reconnaissant jusqu'au bout. Non ! Les ARE ne constituent pas un cadeau aux entreprises, ce sont les entreprises qui s'engagent socialement par solidarité, par responsabilité en faveur des demandeurs d'emploi de notre canton, et il faut le comprendre, il faut l'accepter. Aujourd'hui, hélas, certains entrepreneurs n'engagent pas des employés pouvant prétendre à des allocations de retour en emploi parce qu'ils savent que c'est beaucoup trop risqué, parce que quand on s'engage pour 12 ou 24 mois, il faut absolument aller jusqu'au bout, même si ça ne va pas. Voilà précisément ce que nous voulons changer, de sorte que les entreprises s'engagent davantage et donnent une chance à nos demandeurs d'emploi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix cet amendement visant à modifier l'article 36B, alinéa 2.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 70 non contre 18 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 36B (nouveau) est adopté, de même que les art. 37 (nouvelle teneur) à 55A, al. 7 et 8 (nouveaux).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 11804 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11804 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 87 oui contre 4 non.