République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 mai 2017 à 16h05
1re législature - 4e année - 3e session - 15e séance
RD 1067-B et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous abordons maintenant le RD 1067-B et la R 776-B; nous sommes en catégorie II, quarante minutes. La parole est au rapporteur de majorité, M. Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'observe d'emblée que cet objet déposé par le Conseil d'Etat en novembre 2014 a été renvoyé à notre commission il y a plus d'une année, alors que la requête pour pouvoir exploiter une gravière a été déposée il y a treize ans, en conformité avec le plan cantonal d'extraction des gravières ! Suite au renvoi, la commission a repris en détail - en les vérifiant soigneusement - les points du dossier qui motivent l'opposition de la commune de Cartigny et qui ont été présentés une nouvelle fois dans une note remise lors d'une visite des lieux. Il a par ailleurs été procédé à l'audition de l'exploitant et de Pro Natura. Une note détaillée du département, répondant point par point à la commune, et les engagements fermes de l'exploitant ont convaincu une majorité de la commission d'accepter la résolution, puisque les mesures prises pour garantir la protection de la nappe phréatique et surtout la sauvegarde de ce joyau de la nature que constitue le Moulin-de-Vert seraient assurées et dûment contrôlées.
En résumé, voici les constatations et les mesures qui en découlent: les étangs du Moulin-de-Vert sont essentiellement alimentés par le Rhône et sa nappe d'accompagnement; l'écoulement des eaux depuis les falaises, qui alimente très partiellement le site, ne sera pas affecté; des bandes graveleuses d'infiltration seront en outre conservées tout autour de chaque périmètre d'exploitation de la gravière, et d'importantes épaisseurs de gravier seront conservées sous le niveau maximum d'exploitation, garantissant que la gravière et le remblayage ne touchent pas la nappe phréatique. Les matériaux de chantier qui combleront le trou seront surveillés en permanence par le GESDEC et l'on ne pourra pas enfouir n'importe quoi avant de restituer les 18 hectares exclusivement à l'agriculture; la commission a par ailleurs enjoint au département - et c'est important; il y a eu un vote à ce sujet - d'inclure dans l'autorisation d'exploiter une charge supplémentaire sous la forme d'une modélisation hydrogéologique permettant de contrôler en permanence le site. Et enfin, le projet d'extraction ne prévoit pas la mise en place d'installations de traitement de matériaux de façon à ne pas répéter des situations très problématiques - pour ne pas dire plus - qui ont fâché à juste titre les communes concernées, et qui expliquent en grande partie leur méfiance et leur opposition à l'ouverture des gravières. D'autres nuisances possibles concernant la qualité de l'air, le bruit, la poussière et la circulation ont fait l'objet d'un engagement ferme de la part de l'exploitant et des autorités.
Chers collègues, cette gravière sera mise sous haute surveillance, placée dans un véritable corset, encadrée par des mesures de contrôle serrées des autorités et observée de près par une commission locale d'information et de suivi dans laquelle siégeront - s'ils le souhaitent - des représentants de toutes les parties concernées, dont bien sûr la commune de Cartigny ! Que pouvons-nous faire de plus ? Notre canton a besoin de gravières, non pas pour alimenter une croissance débridée qui inquiète de plus en plus la population, mais pour au minimum permettre d'entretenir et de réaliser les infrastructures nécessaires au maintien de notre confort et de notre niveau de vie, infrastructures dont profitent aussi les habitants de Cartigny. Pour cela, chacun doit faire un effort et accepter quelques inconvénients passagers. A ceux qui prônent la priorité au local en toutes circonstances et dans tous les domaines, j'indique que notre canton ne peut pas continuer à se reposer sur nos voisins pour son gravier ni à déverser chez eux ses matériaux d'excavation, et qu'il faut réduire les transports frontaliers que cela génère. C'est la raison pour laquelle la majorité vous invite à prendre vos responsabilités et à accepter cette proposition de résolution. Je vous remercie.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, après un deuxième passage en commission et de nouvelles auditions, les éléments ayant motivé notre premier refus sont malheureusement à déplorer une seconde fois: l'impact sur la réserve naturelle du Moulin-de-Vert, l'impact sur le paysage et les habitantes et habitants de la région et la réelle utilité du projet. L'élément principal est sans aucun doute l'impact sur la réserve naturelle du Moulin-de-Vert. C'est ici la bonne occasion de rappeler que la réserve du Moulin-de-Vert est un espace protégé et classé site naturel d'importance nationale depuis 1956. Elle représente l'une des plus riches réserves du canton de Genève à tous les niveaux, que ce soit en matière de nature, flore, reptiles, amphibiens, mammifères et insectes. Le projet d'exploitation de la gravière qui nous intéresse se situe à 500 mètres de la réserve naturelle du Moulin-de-Vert. Cette proximité est d'autant plus inquiétante que l'étude d'impact réalisée dans le cadre de ce projet évoque un risque sur la réserve du Moulin-de-Vert lors de l'exploitation de la gravière. Une donne qui inquiète également l'association Pro Natura: les nappes des cours d'eau qui alimentent en partie le Moulin-de-Vert se situent à l'endroit même de la gravière. L'exploitation du gravier puis le remblayage des fosses avec une terre plus argileuse et limoneuse vont produire des modifications sur le sol et le sous-sol, interférant directement avec l'infiltration des eaux de pluie. Ces sources d'eau, vitales à l'activité de la réserve, peuvent être modifiées, voire disparaître, sans même aborder le risque de pollution des eaux. Le principe de précaution - mais aussi de cohérence - devrait à ce stade prévaloir afin de ne pas risquer de mettre en péril un patrimoine naturel important.
La deuxième raison de notre refus a trait aux nuisances imposées à la population et à l'atteinte au paysage. La modification du terrain dédié à la gravière a un impact sur la qualité du paysage, mais aussi sur la perception et l'appréciation du paysage par les habitantes et habitants de la commune et des communes avoisinantes. A cela s'ajoutent évidemment les nuisances directes du trafic de camions transportant du gravier, avec des allers-retours réguliers, chargeant l'air de particules fines et portant atteinte à la sécurité des routes en particulier pour les piétons et pour les cyclistes. On parle ici de 12 500 mouvements globaux par année, c'est-à-dire exactement 110 mouvements par jour de travail de neuf heures, autrement dit douze mouvements par heure. Je terminerai par la question de la réelle utilité du projet, en évoquant d'abord l'énorme gravière à proximité - à Bernex - qui répond parfaitement aux besoins de la région, et en rappelant ensuite une chose importante: si elles produisent effectivement du gravier local, ces gravières servent avant tout de remblayage. Aujourd'hui, on produit en une année deux fois plus de matériaux d'excavation que l'on n'extrait de gravier !
Il faut bien sûr creuser pour construire des logements dont on a assurément besoin. Mais on peut toutefois se poser la question des quantités de matériaux d'excavation liées aux énormes forages; ceux-ci sont toujours plus profonds puisque l'on assortit presque systématiquement toute nouvelle construction d'un gigantesque parking souterrain, très souvent surdimensionné. S'il est évidemment essentiel de construire du logement, il faut aussi repenser les quartiers et leur aménagement, réfléchir à la mobilité qui en découle sans flanquer par principe à chaque immeuble son lot de places de parc. La gravière est l'un des moyens d'épancher le trop-plein de nos constructions, et il s'agit aujourd'hui de repenser cette question-là. L'agriculture et la nature ont déjà subi de nombreux dommages dans la région, comme les sites de la Petite-Grave et du Cannelet; l'impact de ce projet de gravière sur l'environnement n'est pas à sous-estimer, surtout quand il est à proximité immédiate de la plus grande réserve naturelle de Genève. Les Verts et la minorité de la commission vous invitent donc à refuser une nouvelle fois la résolution du Conseil d'Etat et à soutenir la commune de Cartigny qui s'oppose à ce projet de gravière. Je vous remercie.
M. Norbert Maendly (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC est sensible à la problématique de l'approvisionnement du canton en matériaux de construction et ne voit pas d'inconvénient à ce que notre sous-sol soit mis à contribution dans la mesure où les terres qui le recouvrent sont restituées à l'agriculture. Nous avons la chance d'avoir du gravier à proximité, cet élément a toujours été associé au développement de Genève. L'UDC souhaite également pouvoir pérenniser l'activité d'une entreprise locale qui par le passé a toujours respecté les normes et les critères légaux en matière d'exploitation de gravières. La protection de l'environnement in situ a fait l'objet d'études coûteuses qui ont permis l'établissement d'un cahier des charges très élaboré. Le GESDEC ayant répondu à toutes les questions des pétitionnaires et fourni des explications détaillées de nature à rassurer les autorités communales, l'UDC vous invite à suivre la majorité de la commission.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le Moulin-de-Vert est en danger. Le Moulin-de-Vert tel que nous le connaissons est issu de la correction du Rhône intervenue lors de la construction du barrage de Verbois dans les années 1940. Il a été classé réserve naturelle en 1970 et fait l'objet de différents niveaux de protection: cantonal, national et européen dans le cadre notamment de la Convention de Ramsar relative à la protection des zones humides. Il serait judicieux que cette protection englobe également les sources qui l'alimentent. Ce site, qui offre la plus riche diversité biologique de notre canton, a été renaturé à grands frais durant la fin du siècle dernier. Il me semble qu'il y a même eu un appel à souscription nationale. Or, l'objet qui nous intéresse aujourd'hui vise à autoriser l'exploitation accessoire de gravier, mais surtout l'enfouissement de déchets de construction au-dessus de la poche phréatique qui alimente cette réserve. Il s'agit en substance de donner un petit mandat - presque insignifiant - à une entreprise qui n'a pu bénéficier du partage du gâteau que sont les nouvelles gravières de Bernex, et de maintenir ainsi un nombre d'acteurs suffisant dans ce domaine d'activité. Relevons au passage que l'entreprise en question exerce à cheval sur la Suisse et sur la France, et que le gros de son chiffre d'affaires est fait en France voisine.
Toute pollution des eaux de cette nappe ou atteinte à son fonctionnement auraient des répercussions irrémédiables sur la réserve du Moulin-de-Vert et sa biodiversité. Les autorités de Cartigny, parmi lesquelles une mairesse et deux adjointes, s'opposent à la création de cette nouvelle gravière: leurs communiers n'ont que trop longtemps souffert de la présence et des nuisances de gravières dont l'exploitation a subsisté, pour certaines, après que les autorités cantonales ont ordonné leur fermeture. Il convient également de s'étonner que l'entreprise d'ingénierie environnementale sollicitée travaille dans le sens de ses mandataires: rendant d'abord un rapport favorable à la création d'une réserve naturelle, elle rend plus tard un rapport favorable à l'exploitation de gravier sur la nappe alimentant le Moulin-de-Vert après avoir changé de mandataire et donc d'épaule son fusil. Quant aux prétendues économies, la rumeur nous rapporte le montant que pourrait toucher l'agriculteur pour mettre à disposition son terrain pour exploiter un peu de gravier et enfouir des déchets de construction; un montant qui permettrait certainement l'exportation de ces déchets de construction hors de notre canton. Pro Natura et les milieux de défense de l'environnement, fortement engagés au profit de cette réserve dans le passé, s'opposent maintenant à la création de cette gravière. Le respect du principe de précaution voudrait enfin qu'on exclue soigneusement tout risque de pollution ou d'atteinte au fonctionnement d'une nappe phréatique alimentant une réserve naturelle d'importance européenne.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs, nous sommes confrontés à Cartigny à la même approche méthodique de l'Etat que dans le problème de densification de Vailly-Sud dont nous avons parlé hier: l'Etat agit à sa guise, la commune n'est pas écoutée. Mesdames et Messieurs les députés... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...le Mouvement Citoyens Genevois, ni à gauche ni à droite, mais avec toutefois une sensibilité écologique, vous invite à écouter les habitants et les autorités de Cartigny ainsi que les défenseurs de l'environnement. Préservons le site du Moulin-de-Vert, renvoyons le RD 1067 au Conseil d'Etat et acceptons la résolution 776 des autorités genevoises. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à Mme Christina Meissner pour deux minutes.
Mme Christina Meissner (HP). Merci, Monsieur le président. Le rapporteur de majorité a dit: «Le canton a besoin de gravières.» Je prétends que le canton a aussi besoin de biodiversité pour son équilibre ! Le Moulin-de-Vert, on l'a dit, a déjà subi - et a mis plus d'un demi-siècle à s'en remettre - la correction du Rhône qui a suivi la construction du barrage de Verbois. C'est aujourd'hui un joyau. Un joyau unique ! Unique ! Je ne suis pas prête à mettre en péril ce joyau unique pour une poignée de gravier. Le risque zéro n'existe pas, il dépend des contrôles, de la fréquence de ces contrôles et évidemment de la capacité à intervenir rapidement, qui sera de la responsabilité unique de l'entreprise exploitant le site. Or, on sait que notre capacité de contrôle des entreprises et de leur exploitation pèche toujours et dans tous les domaines; je ne vois pas pourquoi on pourrait prendre le risque de parier qu'il sera exemplaire dans celui-ci. Non, Mesdames et Messieurs, il n'y a rien de plus important que de garder un joyau, quand il est unique, sans prendre un risque inconsidéré. Je voterai non à ce projet d'exploitation ! (Applaudissements.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). Après treize ans de controverses, les craintes et les demandes de la commune de Cartigny ont été prises en considération puisqu'une commission locale d'information et de suivi avec toutes les parties concernées a été mise en place. Dans ce rapport, il y a lieu de relever que ce gravier, extrait sur territoire genevois, est utile au développement économique du canton, que ce soit pour assurer la construction d'immeubles ou d'infrastructures. On préserve ainsi les acteurs économiques genevois actifs dans le domaine du bâtiment et la construction dans sa généralité. Ce terrain sera remis en état par un remblayage qui permettra de retrouver la plaine agricole d'origine dix ans après le début de son exploitation. Ouvrir une gravière sur le territoire du lieu-dit Moulin-de-Vert diminuera sensiblement les nuisances dues au transport de ce matériau primaire de construction, évalué à 600 000 mètres cubes exploitables sur 17 hectares sur dix ans à Cartigny, alors que les besoins du canton sont de 700 000 mètres cubes par année. L'hydrogéologie, les eaux de surface et les sols ne seront pas significativement affectés par ce projet de gravière défini comme de petites dimensions. Les réserves de remblai sont assurées et ce projet, qui occupera une pelle mécanique et un bulldozer, tient compte des limites fixées quant aux nuisances liées au bruit, à la pollution de l'air et à la protection de la nature soulevées par les opposants à ce projet. Les eaux souterraines ainsi que les eaux de surface ne subiront en outre aucun impact significatif. L'UDC vous demande de voter la résolution 776 et de prendre acte du rapport divers 1067, car la préservation de l'environnement, la qualité de la vie ainsi que la sécurisation des chemins sont assurées, les mesures de suivi ont été prises. Merci, Monsieur le président. (Quelques huées. Rires.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la lecture des rapports successifs issus de la commission de l'environnement et de l'agriculture sur ces deux objets appelle au moins une question: pourquoi faut-il faire opposition à un projet pour obtenir une réduction des risques ? Comme si ces réductions, ces efforts, ces sacrifices n'étaient consentis que sous la contrainte. Pour nous, c'est du moins ce qui apparaît au travers de la lecture de ces deux différents rapports. C'est navrant et, je vous l'avoue, rédhibitoire. Comment accorder du crédit aux assurances de ceux qui se sont montrés dans un premier temps si peu respectueux des intérêts de la collectivité, de la préservation du site ? Puis qui ont diminué les risques pour faire taire les résistances et qui enfin, pour faire allégeance, ont avancé toute une série de cautèles dont rien ne dit finalement qu'elles seront suivies d'effet quand bien même elles seront étroitement surveillées ! L'expression est claire: minimiser les risques ne veut pas dire supprimer les risques. Aussi, notre groupe est opposé à la perspective de prendre le moindre risque susceptible de mettre en péril la biodiversité des sites de Fin de Vallière, la Toenaise et la Bergerie. Il refuse que le site du Moulin-de-Vert, classé réserve naturelle d'importance nationale, soit affecté de quelconque manière par l'exploitation d'une gravière. C'est pourquoi, en vertu du principe de précaution et surtout au nom de ceux qui un jour pourraient nous reprocher d'avoir fait un pari hasardeux, nous refuserons comme d'autres ici le rapport et la résolution du Conseil d'Etat, et nous vous invitons à en faire autant, Mesdames et Messieurs les députés. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Mme Geneviève Arnold (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, une visite à Cartigny nous a permis de mieux comprendre la position des autorités communales, réfractaires au projet du plan d'extraction. Les différentes auditions nous ont pourtant assuré de la sauvegarde du site reconnu du Moulin-de-Vert, dans le respect de sa biodiversité. Des mesures sont prises pour éviter les nuisances sur ce site et le protéger; nous avons été assurés de la mise en place d'éléments de préservation avec des garde-fous. L'ouverture de la gravière se fera sous surveillance et l'extraction de gravier est nécessaire aux travaux de notre canton pour éviter d'aller chercher ce matériau en France voisine. Notre méfiance préalable a également été atténuée en matière de sécurité, notamment en ce qui concerne le trafic des camions et la sécurisation du fameux chemin des écoliers. Malgré l'attention et l'intérêt portés aux revendications des autorités communales, le PDC suivra les recommandations cantonales pour répondre aux besoins locaux et votera ce rapport. (Quelques applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Georges Vuillod (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, voici quelques réflexions concernant ces textes qui ne devraient en fait servir, si j'ai bien compris, qu'à mettre en oeuvre le plan directeur révisé en 2011. L'ouverture de cette gravière est-elle prévue dans le plan cantonal d'exploitation des gravières ? La réponse est oui. Est-ce que les protocoles préalables ont été respectés par l'entreprise et contrôlés par le département - et c'est un sacré investissement qui a été fait ? La réponse est oui. Est-ce que des mesures spécifiques dues à la proximité du Moulin-de-Vert - une surveillance hydrologique accrue - ont été décidées ? La réponse est oui. Est-ce que l'entreprise souhaite collaborer et communiquer de manière volontaire avec les habitants de Cartigny pour les tenir au courant de l'évolution des travaux ? La réponse est oui. Est-ce que des études d'impact relatives aux transports ont été réalisées pour diminuer les nuisances dans le village de Cartigny ? La réponse est oui. Est-ce que les conditions de retour à l'agriculture, tant dans la durée que concernant la qualité des remblais, sont définies ? La réponse est oui. Est-ce que l'ouverture d'une gravière, quelle que soit sa situation dans le canton, provoquera inévitablement des inquiétudes et des oppositions dans son voisinage parce qu'elle créera inéluctablement des perturbations ? La réponse est oui. En acceptant la révision du plan directeur des gravières en 2011 - et en reconnaissant donc implicitement que notre canton a l'obligation d'assumer lui-même les nuisances générées par son développement - nous savions que nous aurions à trancher sur ce genre d'affaires. Ne pas le faire reviendrait à remettre en cause l'ensemble du plan d'exploitation des gravières, avec comme conséquence un report des nuisances chez nos voisins. Alors assumons notre rôle et votons ces textes. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Je souhaiterais apporter une dernière perspective sur ce débat, parce que tout a évidemment été dit ! Tout a été dit sur le besoin de gravier, sur le fait que le gravier local est plus écologique que le gravier qui vient de loin - et j'étais assurément heureux de l'entendre ce soir. Cela nous rappelle les débats que nous avons menés il y a cinq ans lorsque nous avons modifié la loi sur les déchets et la loi sur les gravières. Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi avons-nous modifié ces deux lois ? Vous vous le rappelez ? Nous les avons principalement modifiées pour organiser le recyclage des remblais et déchets de chantier, pour produire de la grave recyclée, pour réduire les volumes à mettre en décharge et pour réduire l'importation des graviers. Ces modifications devaient initier un véritable cycle d'écologie industrielle où les déchets redevenaient des produits, et nous avons à Genève des entreprises exemplaires dans cette activité de recyclage. Nous avons des entreprises pionnières dans ce cycle d'écologie industrielle et nous disposons maintenant de dizaines de milliers de mètres cubes des divers types de graves recyclées que le marché demande, mais que le marché genevois n'achète pas pour différentes raisons économiques ! La principale étant que le gravier neuf - surtout s'il est moins cher - est préféré, même s'il vient de loin. Le gravier neuf et local est aussi préféré à la grave recyclée. Pourquoi ? Parce qu'il crée du vide ! Il crée du volume vide dans les gravières, qui se vend de 25 F à 35 F le mètre cube pour le remplir de remblai. Tout est cher à Genève, même le vide ! Voilà la situation, et l'exemple le plus récent est d'ailleurs un véritable scandale: la voie verte sur la couverture du CEVA a été réalisée avec 9000 mètres cubes de gravier neuf contre 3000 mètres cubes de gravier recyclé ! C'est la vérité, bien qu'on ait évidemment demandé maintes fois à l'Etat d'être exemplaire sur l'utilisation de ces graviers recyclés. Le vide devenant rare à Genève, comment voulez-vous pérenniser cette activité essentielle de recyclage si même les chantiers publics n'utilisent pas les graves recyclées !
Ce soir, certains veulent nous pousser à exploiter des gravières partout où le plan directeur cantonal relatif nous dit qu'il y a des graves; et pourquoi ? Pour fabriquer du vide qui se vend à prix d'or ! Une gigantesque gravière qui va continuer son activité pendant trente ans vient d'ouvrir à Bernex, à deux kilomètres du site dont nous parlons ce soir. Et nous considérons que cette gigantesque gravière, exploitée par trois entreprises, est largement suffisante pour les besoins régionaux dans cette partie du canton. Cette gravière va d'ailleurs créer suffisamment de nuisances, il n'y a nul besoin d'en ouvrir une deuxième à côté au bénéfice d'une entreprise qui exploite la plus grande gravière de toute la région: celle du Salève, en France, qui nourrit aussi nos chantiers. Nous vous demandons donc de refuser la résolution du Conseil d'Etat, c'est-à-dire d'accepter l'opposition de la commune. Pour les motifs expliqués, qui s'ajoutent aux autres, il n'y a aucune raison d'accepter ce soir la création de cette gravière !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Flury, il vous reste une poignée de secondes; vous n'avez pas le temps de prendre la parole, mais je les mets au crédit du MCG. Je vous remercie. La parole est à M. Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais préciser que l'entreprise intéressée par l'exploitation de cette gravière - vous transmettrez à M. Lefort, Monsieur le président - est l'une des plus anciennes de Suisse active dans ce secteur d'activité: Sasso SA. Elle est donc véritablement une entreprise indigène. Les camions qui seront par ailleurs utilisés appartiennent également à une firme dont le siège social est en Suisse, à Genève; donc de ce point de vue là, je ne vois pas quel est le rapport avec les entreprises françaises.
Maintenant, chers collègues, juste encore une précision sur le besoin de gravier à Genève. J'ai les chiffres suivants: bon an mal an, on utilise 700 mètres cubes de gravier par année à Genève, soit en gros 25 kilos par habitant et par jour ! Il faut savoir qu'un mètre cube de gravier pèse 1500 kilos ! C'est donc très pondéreux. Et ceci, comme je l'ai dit tout à l'heure, seulement pour répondre à une demande normale qui permet à ce canton de se doter des infrastructures nécessaires, et non pas pour développer davantage, pour tout bétonner - ce qui fait peur aux gens, on le conçoit très bien. L'ouverture de cette gravière est donc limitée à huit ans; si elle ouvre, elle sera rendue à l'agriculture dans huit ans ! Mesdames et Messieurs, je crois que c'est un projet maîtrisé, et je vous invite une nouvelle fois à accepter cette résolution.
Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Flury, il paraît que vous vous êtes trompé dans votre recommandation de vote; vous voulez peut-être vous corriger ? (Remarque.) Vous avez la parole.
M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président. En effet, je me suis trompé dans les recommandations de vote: le groupe MCG refusera les deux textes, et je profite de l'occasion pour demander le vote nominal sur les deux objets. Je vous remercie.
Le président. Très bien, êtes-vous soutenu pour le vote nominal ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très clairement. Merci d'avoir précisé votre position. (Remarque.) Alors rapidement, Monsieur Lefort, parce que c'est en principe le tour des rapporteurs maintenant.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président; vous transmettrez au rapporteur de majorité que je n'ai pas parlé d'entreprise française. J'ai dit que cette entreprise exploite la plus grande gravière de la région, qui se trouve en France, et qu'évidemment elle exporte journellement - ou plutôt importe - du gravier en provenance de cette grande gravière. Et donc la priver de cette toute petite gravière - comme on l'a qualifiée - pour huit ans n'affectera absolument pas cette gigantesque entreprise du point de vue économique.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve), rapporteuse de minorité. On voit ici que le vide vaut bien plus d'or que le gravier local; au fond, on est bien en train de se disputer un trou et non du gravier local. On voit qu'entre l'écologie industrielle, entre la possibilité d'avoir du gravier recyclé directement sur les chantiers - qui représente évidemment une technique extrêmement écologique - et le fait de repenser également nos quartiers, il y a un énorme potentiel pour équilibrer la demande de gravier aujourd'hui à Genève. Je voudrais aussi rappeler encore une fois la présence de cette énorme gravière à proximité de Cartigny - à Bernex - qui répond directement aux besoins de gravier. Et puis bien sûr - et je tiens vraiment à marteler cet élément-là - les principes de précaution et de cohérence doivent absolument prévaloir ici par respect pour cette réserve naturelle du Moulin-de-Vert. Je vous invite donc très chaleureusement à refuser cette résolution du Conseil d'Etat et à soutenir la commune de Cartigny qui s'oppose au projet de gravière. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame. J'ai le plaisir de saluer à la tribune notre ancien collègue, M. Fabiano Forte. (Applaudissements.) La parole est à M. le conseiller d'Etat Luc Barthassat.
M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, au vu de ce plan d'extraction, je voudrais simplement faire remarquer, puisqu'on parlait avant de quantités, qu'il offre la possibilité d'exploiter 600 000 mètres cubes de gravier, soit l'équivalent de la consommation moyenne annuelle du canton. Ce n'est donc pas rien ! Tant pour une petite entreprise que pour une grande, ce n'est pas rien et c'est important. Je vous rappelle que nous avons passablement de projets à Genève pour les années à venir et nous devons aussi prévoir ce genre d'extraction. Ce projet a fait l'objet de plusieurs enquêtes techniques de la part de différents services de l'Etat qui ont justement permis de confirmer sa compatibilité avec la législation, notamment en matière de protection de l'environnement. Je vous rappelle le côté presque tatillon, je dirais, de mes services par rapport à ça; on ne donne pas un aval pour le plaisir d'ouvrir une gravière de plus ou une exploitation de plus. On est vraiment figé, je dirais, par rapport à tout ce qui relève de mesures assez fortes concernant notre environnement. L'opposition de la commune de Cartigny - qui a bien entendu pour but d'empêcher cette exploitation - fait état de craintes du Conseil municipal quant aux nuisances potentielles induites par l'exploitation du gravier. Le projet, tel que présenté et accepté par l'ensemble des services ayant justement préavisé positivement sous certaines conditions, permet de réduire au maximum tous les impacts; ce sont encore une fois les services qui le certifient. Je dirais aussi que la volonté de Cartigny d'éviter toute nuisance sur son territoire et ailleurs - c'est malheureusement un petit peu ce que cherchent toutes les communes - est bien entendu compréhensible et légitime. Mais elle doit être aussi mise en balance avec l'intérêt général du canton à exploiter justement ce genre de ressource, comme j'essayais de vous le dire tout à l'heure. En cas d'acceptation du recours de la commune de Cartigny, cette gravière risque bien entendu de ne pas être exploitée. Je tiens par ailleurs à souligner que l'entreprise porteuse du projet arrive actuellement en fin d'exploitation des gisements dont elle dispose; l'abandon de ce projet peut donc également conduire à une diminution du nombre d'acteurs cantonaux opérant dans l'exploitation des gravières - et ce sont encore une fois mes services qui me le disent. Nous courrons donc un certain risque si nous mettons en péril la ressource économique que constitue cette entreprise. Mesdames et Messieurs, la direction générale de l'eau préavise en faveur du rejet de l'opposition de cette commune. Je vous rappelle que le directeur général de l'eau est M. Mulhauser; il était auparavant directeur général de la nature, ce qui lui permet d'avoir un regard suffisamment large et compétent sur la question, de sorte qu'aujourd'hui la majorité de ce Grand Conseil devrait le suivre ! Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes donc maintenant en phase de vote. Je vous explique comment ça se passe. Nous allons d'abord voter sur la résolution 776. Si vous l'acceptez, cela veut dire que nous prenons acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1067. Si vous refusez cette résolution 776, alors nous voterons sur le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1067. Est-ce que c'est clair ? Bien, alors nous allons voter sur la R 776.
Mise aux voix, la proposition de résolution 776 recueille 42 oui, 42 non et 5 abstentions (vote nominal).
Le président. Je me prononce en faveur de cette résolution.
La résolution 776 est donc adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 43 oui contre 42 non et 5 abstentions (vote nominal).
Des voix. Bravo ! (Exclamations. Quelques applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1067.