République et canton de Genève

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PL 11756-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Bardonnex (création d'une zone 4B protégée à la route de Bardonnex)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 17 et 18 mars 2016.
Rapport de majorité de M. Christophe Aumeunier (PLR)
Rapport de minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le point suivant de l'ordre du jour est le PL 11756-A. Nous traitons cet objet en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. le député Christophe Aumeunier, rapporteur de majorité.

M. Christophe Aumeunier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il s'agit là d'un déclassement modeste. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) On parle de déclasser moins de 2500 mètres carrés, 2480 exactement, de zone agricole située à Bardonnex pour en faire de la zone 4B protégée et y construire deux immeubles qui abriteront seulement quinze appartements. Ce déclassement est conforme au plan directeur cantonal. Il a obtenu l'agrément de Berne pour ce qui concerne les surfaces d'assolement: ce terrain n'a plus d'usage agricole aujourd'hui. En outre, ce déclassement est conforme au plan directeur communal. Les enquêtes techniques ont orienté ce déclassement, par l'analyse de l'office du patrimoine et des sites, vers une zone protégée. C'est la raison pour laquelle les services du département ont proposé la zone 4B protégée ordinaire.

Pourquoi ordinaire ? C'est probablement la question que soulèvent les opposants au projet de loi en se disant qu'il faut absolument tout déclasser en zone de développement, dans ce canton, avec une insistance qui tend à la maniaquerie. Pourquoi ordinaire ? Parce que le projet est petit, parce qu'il est compliqué, parce qu'avec de la zone 4B protégée, des toits à deux pans sont imposés, des combles vides; il s'agit là d'une économie de projet qui fait qu'en définitive, il est extrêmement difficile de prévoir dans ce type d'immeubles des logements d'utilité publique. En outre, l'intérêt public est totalement protégé: on se situe à Bardonnex, où il n'y aura pas d'explosion du prix pour de petits immeubles de ce type. Il n'en est pas question, la localisation fait qu'il n'y aura pas de pression sur les prix; nous ne sommes ni à Vandoeuvres ni à Cologny, mais à Bardonnex. Au fond, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit de respecter le principe d'aménagement du territoire qui veut que l'autorité ait un pouvoir d'appréciation. S'il y a une majorité dans ce Grand Conseil qui tend à dire: «Déclassons systématiquement en zone de développement, seulement en zone de développement et toujours en zone de développement», cela fait fi du principe essentiel du pouvoir d'appréciation de l'autorité dans le déclassement. A quoi servons-nous alors, à quoi sert le Conseil d'Etat, s'il s'agit toujours de déclasser en zone de développement ? Nous devons analyser les projets et faire en sorte qu'ils soient viables. A ce stade, tout en observant d'ailleurs une abstention socialiste - c'est dire que le front s'effrite - il s'agit de dire oui ou non à la construction de quinze logements. Voilà les raisons pour lesquelles je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi prévoit la construction d'une quinzaine de logements à proximité du village de Bardonnex. Pour des raisons patrimoniales, la zone prévue est la 4B protégée, ce qui est fort bien: la minorité n'a absolument rien à redire à la construction aux abords des villages, ça correspond d'ailleurs à la volonté exprimée dans la fiche A06 du plan directeur cantonal. La zone protégée paraît en effet opportune. En revanche, la minorité de la commission conteste vigoureusement le choix du département de déclasser ce périmètre en zone ordinaire. Pour rappel, la zone ordinaire ne permet absolument aucun contrôle ni sur le type de logements construits ni sur les futurs prix des loyers et les prix de vente des appartements. Or, à notre sens, il y a fort à parier que les logements qui seront construits sur ce périmètre le seront en propriété par étage, dont les prix de vente, notamment en zone ordinaire, sont largement au-dessus de ceux du marché. Selon M. Aumeunier, la localisation ne nous permet pas de penser que les prix seront supérieurs à ceux du marché; il ne suffit pas de le dire pour que ce soit vrai. D'une manière générale, les logements construits en zone ordinaire ont des prix nettement supérieurs. Ces logements, en particulier les PPE en zone ordinaire, ne sont tout simplement pas accessibles à l'ensemble de la population, en particulier les classes moyenne et populaire, qui, en raison de leurs revenus, ne peuvent accéder qu'à du logement locatif contrôlé, construit en zone de développement, ou à du logement d'utilité publique. Or, ces dernières années, on constate que près de 50% de la construction de logements s'est faite en appartements en propriété par étage ou en villas; ce type de constructions, cette orientation ne correspondent pas au besoin prépondérant de la population. De ce fait, il y a un réel besoin de rééquilibrage pour la construction de logements qui correspondent au besoin de la population. D'ailleurs, le magistrat chargé du DALE le reconnaît dans les différents débats, et aussi dans une étude qu'il a fait mener par son département. Malheureusement - et nous le regrettons - il n'adapte pas sa politique d'aménagement et de logement à ces constats.

Le projet de loi déposé propose de déclasser un peu plus de 1700 mètres carrés de SDA. Je vous le rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, en la matière, chaque mètre carré compte. Sacrifier - parce que le terme est juste...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Caroline Marti. ...sacrifier 1700 mètres carrés de SDA pour la construction de logements qui ne répondront pas au besoin prépondérant de la population est une ineptie et cela s'oppose à une gestion parcimonieuse de notre territoire. Vous me direz, ce ne sont que quinze logements, mais j'aimerais quand même vous rappeler que c'est avec les petits ruisseaux qu'on fait les grandes rivières. Et quand on voit passer ce genre de projet de déclassement qui sacrifie la politique sociale du logement sur l'autel de la zone ordinaire...

Le président. Vous empruntez du temps du groupe.

Mme Caroline Marti. Je prends sur le temps du groupe, oui ! ...on ne peut qu'évaluer la nécessité urgente de mettre fin à cette pratique. C'est pour cela que les partis de l'Alternative, les associations et les syndicats ont déposé une initiative afin que, tant que nous serons en pénurie, tous les déclassements pour du logement se fassent en zone de développement, ceci afin de répondre au besoin prépondérant de la population. En attendant l'acceptation éventuelle de cette initiative par le Grand Conseil, ou le vote populaire sur ce texte, nous ne soutiendrons pas le présent projet de déclassement. Je vous remercie.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai aimé le discours du rapporteur de majorité, parce qu'en effet, il s'agit de dire oui ou non à quinze logements. C'est un peu le même débat que nous avons eu la semaine dernière quand il s'agissait de dire oui ou non à 1500 logements ! Et j'aurais aimé entendre les mêmes arguments, j'aurais aimé avoir le rapporteur de majorité à nos côtés, à ce moment-là, pour construire 1500 logements ! Trêve de plaisanteries, la plaisanterie des Corbillettes a duré ce qu'elle a duré. Vous avez gagné, mais vous n'avez pas encore vos 500 logements en zone ordinaire.

Revenons-en à ce projet de loi sur la création d'une zone ordinaire 4B protégée. Pourquoi une telle zone ? Parce qu'elle est en bordure d'un village qui, lui, est en 4B protégée. Voilà encore un projet d'aménagement en accord avec les objectifs du plan directeur cantonal, qui prévoit que les villages participent aussi à l'effort de logement; il prévoit une densification modérée des villages de la campagne genevoise pour contribuer à l'effort collectif de construction de logement. Ici, nous avons un effort minime, et possible parce que ce projet est soutenu par la commune. De plus, il a été approuvé par l'ARE et le Conseil fédéral à une époque, Mesdames et Messieurs les députés, où le plan directeur cantonal 2030 était tout simplement suspendu, durant plus d'un an pendant lequel nous n'avons pas pu déclasser pour construire. Cela prouve évidemment qu'il s'agit d'un projet qui passait même le crible de l'ARE. La surface est modeste, on l'a dit: 2480 mètres carrés, avec un indice d'utilisation du sol de 0,66 pour construire quinze logements. Soyons sérieux: si on passait à la zone de développement 4B, on aurait un indice d'utilisation du sol un peu supérieur, qui permettrait peut-être de construire seulement cinq logements de plus. C'est un modeste projet sur une modeste parcelle, la zone ordinaire a été recommandée par l'office du patrimoine et des sites pour une raison de continuité avec l'aspect villageois de Bardonnex. Cette parcelle agricole est enclavée. Vous savez que nous ne sommes pas des fanatiques du déclassement de la zone agricole, mais ici, il s'agit bien d'une parcelle enclavée qui a perdu son usage. Pour toutes ces raisons, les Verts soutiendront cette modeste modification de zone et accepteront ce projet de loi pour construire quinze logements.

Mme Bénédicte Montant (PLR). Chers collègues, il s'agit d'une petite surface, d'une petite parcelle. La modification de zone n'entre pas en conflit avec le plan directeur cantonal et cette parcelle n'est plus dévolue à l'agriculture, ce sont en majorité des jardins. Quinze logements, on l'a déjà dit, c'est peu, mais c'est toujours ça de pris, et nous ne sommes pas en situation de faire les difficiles. Comme vous le savez, c'est l'office du patrimoine et des sites qui, à la suite de l'enquête technique, a recommandé le déclassement en zone 4B protégée ordinaire, pour des raisons bien précises: des raisons de contrainte économique liées à l'échelle du projet et aux exigences patrimoniales qui rendraient très difficile de faire du logement social à cet endroit. Un député nous a dit tout à l'heure qu'il fallait travailler parcelle par parcelle, secteur par secteur, et que tout est bon à prendre. En l'occurrence, il y a aussi, dans le canton, une demande pour des PPE; la propriété par étage contribue aussi à résoudre, même de façon modeste, une partie de la pénurie de logements, car elle permet de libérer des logements en locatif. Pour toutes ces raisons, le PLR votera ce projet, même s'il est modeste. Pour ce qui concerne la question de ces PPE en zone libre, on nous a dit en commission des choses assez contradictoires, notamment qu'elles seront chères et qu'elles ne se vendront pas. Je propose de voter cette modification de zone de façon que nous puissions en avoir le coeur net.

M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est certes un projet modeste, mais je ne pense pas qu'il soit classique, contrairement à ce qu'indique le rapporteur de majorité. C'est un projet d'initiative communale tel qu'il y en a un petit lot, pour lesquels la commune préconise des déclassements en zone ordinaire. Il me semble important de rappeler au Conseil d'Etat - c'était la raison de la rédaction de ce rapport de minorité - qu'il lui incombe d'expliquer aux autorités municipales la nécessité de déclasser en zone de développement. Le débat que nous avons en ce moment permet aussi de rappeler qu'il est possible de construire de la PPE en zone de développement, mais avec un mécanisme de contrôle des prix. Et je ne vois pas pourquoi les personnes de la classe moyenne qui souhaiteraient faire l'acquisition de leur logement devraient payer le prix fort, payer la spéculation et la rente foncière. Si vous soutenez la classe moyenne et l'accession à la propriété, ces personnes devraient pouvoir bénéficier de ces mécanismes de contrôle qui sont essentiels, sans compter naturellement la loi Longchamp, qui représente vraiment le mécanisme par excellence de lutte contre la spéculation au sens strict.

Encore un point, sur la question du dogmatisme, évoqué dans le rapport de majorité - le rapporteur indique que la position du parti socialiste irait dans ce sens: après nos débats de la semaine dernière, il faut rappeler ici quatre ans de débats sur les Corbillettes pour des principes idéologiques et un dogmatisme suprême; ainsi, nous n'avons pas de leçons à recevoir de la part du PLR. Mais, mais ! Par rapport aux Corbillettes, le PLR avait indiqué qu'il serait d'accord de déclasser l'intégralité de la zone en zone de développement si nous offrions un autre espace, comme test, en zone ordinaire. Monsieur le rapporteur de majorité, nous avons là l'espace pour ce test, nous sommes naturellement prêts à voter ce projet si de votre côté vous cessez de bloquer mille logements aux Corbillettes.

Mme Geneviève Arnold (PDC). Ce texte qui prévoit un modeste déclassement de la zone agricole s'inscrit dans la volonté d'un développement harmonieux du village de Bardonnex. Il est soutenu par les démocrates-chrétiens. La surface concernée est actuellement affectée à d'autres usages que l'agriculture: elle ressemble à une sorte de dépôt totalement inapproprié en milieu villageois. Il s'agit ici d'un joli projet permettant la construction de quinze logements au centre du village, rapidement réalisable, approuvée à l'unanimité par le Conseil municipal de Bardonnex. La zone ordinaire est ici bien appropriée. Pour reprendre les propos de Mme la députée Marti, les petits ruisseaux font aussi le bonheur d'une population en attente de ces appartements. Car oui, la population de cette commune a des attentes; elle souhaite ce genre de logements et la commune a inscrit ses intentions dans son plan directeur communal. C'est la raison pour laquelle les démocrates-chrétiens soutiennent avec empressement ce déclassement en zone ordinaire 4B protégée dans le respect de la volonté communale, le périmètre touché correspondant à une sorte d'enclave entre bâtiments. Ils vous recommandent d'en faire autant.

M. André Pfeffer (UDC). Notre groupe accueille très favorablement ce projet de loi. La construction de quinze logements aux abords du village de Bardonnex, qui respecte le caractère villageois, est soutenue par tous les habitants de la région. Comme déjà dit, le déclassement en zone ordinaire est la meilleure solution pour ce périmètre. Ce projet est voulu et défendu par l'immense majorité des villageois et des autres habitants de la commune. Il aura aussi le soutien de l'UDC, notre groupe approuve ce projet de loi. Je vous remercie pour votre attention.

M. Jean-François Girardet (MCG). Le groupe MCG soutiendra aussi ce projet de déclassement, même s'il est attaché à la zone agricole et à sa défense. On l'a dit, cette surface n'est plus utile à l'agriculture puisqu'elle est utilisée soit comme dépôt soit pour y faire du jardinage. C'est en effet un projet intéressant, notamment parce qu'il permet de construire quinze logements, comme on l'a dit, mais surtout parce qu'il permet de garder les contribuables de Bardonnex dans la commune, de sorte qu'ils puissent y habiter et être heureux en famille, dans des projets d'habitation qui constituent - nous l'espérons aussi - une offre intéressante et apportant de la qualité de vie pour les familles. Nous souhaitons également dire que le Conseil municipal de la commune de Bardonnex a préavisé favorablement ce projet, et à l'unanimité. Nous invitons donc tous les députés à soutenir ce texte. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la rapporteure de minorité, il vous reste trente secondes sur le temps du groupe.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la minorité est évidemment favorable à la construction de logements, même de petits projets, même d'une quinzaine de logements; la minorité est évidemment favorable à ce que les communes puissent loger leur population et les enfants de leurs communiers; la minorité, en revanche, est opposée à ce que ce type de projet, même des petits projets, se fasse à travers un déclassement en zone ordinaire. Cela étant, comme nous ne souhaitons pas nous opposer à une construction de logements...

Le président. C'est terminé, Madame la députée !

Mme Caroline Marti. ...et que la population a besoin de logements, nous nous abstiendrons. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le rapporteur de majorité, souhaitez-vous intervenir ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11756 est adopté en premier débat par 58 oui et 18 abstentions.

La loi 11756 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11756 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui contre 1 non et 18 abstentions.

Loi 11756