République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11078-B
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur (LPAI) (L 5 40)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 26 et 27 janvier 2017.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Lydia Schneider Hausser (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Guy Mettan (PDC)
Rapport de troisième minorité de M. Rémy Pagani (EAG)

Premier débat

Le président. Pour le point suivant de notre ordre du jour, nous sommes en catégorie II, cinquante minutes. Le rapporteur de troisième minorité, M. Rémy Pagani, est remplacé par M. Olivier Baud. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Jacques Béné.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je serai assez bref. C'est la deuxième fois que ce projet de loi est débattu en plénière. Pour ce toilettage de la loi, il reste une seule problématique: le nombre d'années de formation en HES, à l'EPFL ou à l'EPFZ, qui est différent en fonction du titre obtenu à la fin, bachelor ou master. Il faut savoir qu'à Genève, la liste des mandataires professionnellement qualifiés est une chose que personne ne remet en question. Que le nombre d'années de pratique professionnelle soit identique pour un bachelor ou un master pose effectivement problème, d'autant plus qu'aujourd'hui, comme vous le savez certainement, la responsabilité des mandataires professionnellement qualifiés est nettement plus importante qu'il y a quelques années, puisque pour la plupart des constructions, quand le chantier est terminé, c'est le mandataire professionnellement qualifié qui émet lui-même, sans intervention de l'Etat, une attestation de conformité. Il est donc nécessaire de s'assurer que les capacités professionnelles de ces mandataires leur permettent véritablement d'émettre ces attestations.

Vous avez reçu sur vos tables des amendements qui seront discutés. L'idée serait de trouver ici un consensus qui n'a pas vraiment été trouvé en commission. Le point essentiel est la problématique de l'année de stage, obligatoire à la fin du bachelor pour pouvoir faire un master à l'EPFL: il faut en effet cette année de stage supplémentaire qui n'existe pas dans les HES. On aurait souhaité que cette année de stage puisse compter dans les années de pratique professionnelle. On se rend bien compte que c'est délicat de discriminer une formation par rapport à une autre, même si, dans le cadre d'un titre HES, il n'y a pas cette année de stage. Nous reviendrons donc sur les amendements et j'espère que nous arriverons à trouver une entente au sein de ce parlement en tout cas pour qu'entre un bachelor et un master, il y ait deux ans d'écart d'expérience professionnelle pour figurer sur la liste des mandataires professionnellement qualifiés, ce qui permettrait de conserver la valorisation des titres et surtout la capacité professionnelle à déposer des autorisations de construire tant pour les bachelors que pour les masters. Je vous remercie.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est en effet un navire au long cours. Il a été déposé en 2013 pour toiletter un article relatif aux qualifications de la présidence de la Chambre des architectes et des ingénieurs. La commission a aussi voulu toiletter les appellations relatives aux formations. Là est apparue une scission: le parti socialiste n'est pas d'accord avec cette discussion et soutient la situation actuelle entre les HES et les EPF. Le conflit dans lequel nous ne voulons pas entrer est celui de la reconnaissance des compétences liées aux filières de formation, soit un risque de concurrence sur les prix entre les professionnels ayant un cursus universitaire EPF et ceux ayant suivi un cursus HES. Ces exigences, qui actuellement mettent au même niveau les REG A et REG B, sont le sésame, les qualifications nécessaires pour l'inscription au tableau cantonal des mandataires professionnellement qualifiés. Je mentionne que Genève fait partie des quelques cantons qui ont un tableau des mandataires alors que plusieurs cantons fonctionnent sans une telle liste. Le conflit actuel, qui a émergé en commission, est donc jusqu'à un certain point genevo-genevois, une genevoiserie ! On est de nouveau un peu dans de la dentelle. Le problème est d'introduire l'exigence d'un master en voulant favoriser les études EPF, alors que les filières HES se sont construites, à l'époque, sur des exigences, des indicateurs qui ne sont pas tombés du ciel: il y a eu une réflexion sur le fait d'obtenir d'abord la maturité professionnelle qui permet ensuite d'entrer dans une HES pour une formation certes plus courte et qui peut s'arrêter au bachelor, ce qui constitue déjà une formation qualifiante importante et exigeante.

De plus, et le Conseil d'Etat l'a aussi relevé, l'introduction de l'exigence voulue par la majorité pour favoriser les études universitaires est contraire à la liberté de commerce et d'industrie. Pour nous, le parti socialiste, elle est aussi contraire à l'égalité de traitement; elle réduirait à néant, tout simplement, tout le réseau et la validité, le sérieux des études HES. Pour cela, Mesdames et Messieurs, nous allons soutenir les amendements déposés ce jour. Pour simplifier, nous retirons les amendements figurant dans le rapport de minorité, dont le premier est identique aux deux premiers amendements distribués. Nous partons donc sur les amendements que tout le monde a reçus aujourd'hui, c'est-à-dire trois articles. Nous les soutiendrons et vous demandons de les soutenir, afin d'en terminer avec ces travaux et de permettre à ces professionnels de travailler correctement.

Le président. Merci, Madame la députée. Je prends acte du fait que vous renoncez à vos amendements tels que figurant dans le rapport et que vous vous ralliez aux amendements notamment présentés par M. François Lefort. Je passe la parole au rapporteur de deuxième minorité, M. le député Guy Mettan.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Nous avons déjà beaucoup discuté de ce projet de loi à la commission des travaux, le rapporteur de majorité l'a bien expliqué. Il a aussi expliqué pourquoi il est important de garder une rigueur dans la formation d'architecte. Cependant, la rapporteuse de minorité a aussi souligné le risque de discrimination que le projet de loi tel qu'il est sorti de commission pouvait comporter pour la filière HES. A nous, cela paraît très important de pouvoir conserver à cet enseignement genevois la possibilité de former des architectes qualifiés, qui ont la compétence pour déposer des projets. C'est une dimension essentielle. Notre parti, comme nous sommes nombreux autour de cette table à le faire, a toujours soutenu les filières professionnelles; or, la formation des architectes en est une.

Deuxième chose qui nous paraissait un peu discutable dans le projet de loi sorti de commission: le risque de recours que ce texte tel quel aurait suscité de la part de certaines organisations d'architectes, de la part aussi de la direction des HES, parce que, en tout cas aux yeux des experts ou des juristes, il y avait des probabilités de non-conformité avec le droit supérieur, la loi sur les HES et la loi sur la concurrence. Toujours est-il qu'après discussions, je tiens à saluer l'ouverture manifestée par le rapporteur de majorité, qui serait prêt à entrer en matière sur deux amendements sur les trois distribués: le premier, portant sur l'article 4, alinéa 1, lettre a, et le troisième, concernant l'article 9, alinéa 3. Si nous pouvons faire passer ces amendements - et nous renoncerions alors au deuxième - je pense que nous aurions un projet de loi qui serait acceptable et permettrait de préserver une différence, mais positive, entre la formation EPF - master en cinq ans - et la formation HES, sans pénaliser la filière HES. Nous pouvons nous rallier à ce type de décisions, et j'espère que la raison l'emportera et que nous pourrons voter ce projet de loi de manière satisfaisante pour toute la corporation des architectes de Genève.

M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de troisième minorité ad interim. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, «au départ, ce projet de loi n'était qu'une modification mineure de la loi sur l'exercice des professions d'architecte et d'ingénieur concernant le magistrat du pouvoir judiciaire qui est appelé à présider la Chambre des architectes et ingénieurs que cette loi fonde. Or, très rapidement, la commission des travaux s'est penchée plus profondément sur cette loi et a commencé à proposer des remaniements bien plus substantiels liés en particulier à l'évolution des titres de diplômes. En l'état, le rapporteur de minorité n'a pas la conviction que le fruit du travail de la commission des travaux présente une solidité juridique et une cohérence suffisantes en regard de l'évolution des titres de diplômes professionnels conférés en Suisse.»

Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis pas en train de lire mon rapport de minorité, mais celui de M. Michel Ducret, le rapporteur de minorité du précédent rapport de commission, déposé le 22 octobre 2013. Aujourd'hui, la situation s'est un peu inversée, d'une certaine manière, quant aux protagonistes, mais n'a pas fondamentalement changé: le projet de loi se propose toujours de faire une distinction selon le type de diplôme obtenu, mais il se propose aussi d'augmenter la durée de l'expérience professionnelle nécessaire pour être inscrit. Or, Mesdames et Messieurs les députés, la jurisprudence du Tribunal fédéral a retenu que la distinction entre architectes ETS, HES ou EPF-université ne reposait pas sur un intérêt public. Il ne peut pas être retenu que les clients potentiels sont exposés à des risques supérieurs de malfaçons ou des risques financiers selon le parcours de formation suivi par l'architecte ou l'ingénieur. Il n'y a donc pas lieu d'admettre une divergence entre les architectes ETS, et donc HES, et les architectes issus de l'Ecole polytechnique fédérale quant à leur nombre d'années d'expérience pour être inscrits au tableau des mandataires. Enfin, ce projet de loi dévalorise clairement la formation duale et la formation de la HES-SO en faveur des Ecoles polytechniques fédérales, qui ne délivrent absolument pas des diplômes de meilleure qualité, mais égale à la formation universitaire. Il y a donc clairement une égalité de traitement, comme l'a relevé la rapporteuse de première minorité. Pour toutes ces raisons, afin de ne pas consacrer une inégalité de traitement... Peut-être qu'un nouveau retour en commission aurait permis un traitement plus rapide qu'en plénière, mais ma foi, vu que nous devons discuter maintenant de ces amendements, qui, d'une certaine manière, réunissent une certaine majorité, il faut maintenir ces trois amendements pour donner une cohérence à ce projet de loi et éviter un recours juridique qui fera perdre encore plus de temps. Je vous remercie.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi technique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...vise essentiellement à harmoniser les durées d'étude et de pratique conduisant l'étudiant en ingénierie ou en architecture au titre de MPQ, mandataire professionnellement qualifié, qui lui confère la compétence de signer ses propres plans, pour lesquels il pourra déposer une demande d'autorisation idoine. Avec les nouveaux cursus d'études, ils pourront obtenir dans une haute école spécialisée une certification par un bachelor ou un master. Quant aux écoles polytechniques fédérales, il convient de se rappeler qu'elles ne délivrent pas de bachelor mais que les gens qui en sortent sont automatiquement porteurs d'un master. La Chambre des architectes et ingénieurs du canton de Genève tient à jour le registre des architectes et ingénieurs. Ce registre, que seul le canton de Genève tient à jour - le fameux REG - comporte deux niveaux d'inscription: le REG B où peuvent être inscrits les porteurs de bachelor, et le REG A, pour les porteurs de master. Les architectes et ingénieurs étrangers sont reconnus sur la base des titres obtenus et de leur expérience. Ils sont soumis aux mêmes durées d'études et de pratique que les nôtres, avant reconnaissance définitive.

Quant à la libre circulation des personnes et à la réciprocité avec la France notamment, elles n'ont de valeur que si elles sont, précisément, réciproques. Quitte à en faire tousser certains, nous n'avons pas à rougir lorsque nous apprenons que ce pays - la France - impose à nos ingénieurs, avant qu'ils ne puissent exercer, des années de démarches qui dégoûtent les candidats ainsi que des tracasseries sans fin. Nous avons en Suisse des écoles polytechniques qui figurent parmi les meilleures du monde et sont classées devant celles de nos voisins. Nous ne devons donc pas dérouler le tapis rouge pour favoriser l'arrivée d'architectes ou d'ingénieurs français, nous devons privilégier les nôtres.

Enfin, il est possible pour les inscrits au REG B, en complétant leur formation et en déposant un dossier, d'obtenir la reconnaissance pour être inscrits au REG A. Au fond, les membres de la Chambre des architectes et ingénieurs devraient tous être reconnus et inscrits au REG A, en partant du principe que qui peut le plus peut le moins. Cependant, le Mouvement Citoyens Genevois acceptera le premier et le troisième amendements déposés par notre ami Vert, M. Lefort, et nous voterons ce projet de loi amendé. Je vous remercie.

M. François Lefort (Ve). Cet amendement que j'ai présenté est soutenu, bien sûr, par les rapporteurs de minorité, M. Mettan, Mme Schneider Hausser et M. Baud qui remplace M. Pagani. Nous avons affaire à une histoire assez amusante: ce projet de loi était sorti de commission, lors de la dernière législature, avec une très forte majorité de 14 commissaires contre 1, avec le rapport de minorité de M. Michel Ducret pour le compte du PLR, ou plutôt pour le compte d'une minorité du PLR de l'époque. Curieusement, bien que le travail ait été extrêmement bien fait - un travail honnête et qui permettait de mettre à jour cette loi en fonction des nouveaux titres des diplômes, et qui n'introduisait pas d'inégalité de traitement, elle - le projet de loi a été renvoyé en commission. Nous traitons maintenant les travaux effectués en commission après ce second renvoi, qui ont modifié le travail initial en introduisant une petite inégalité de traitement, peut-être sur la base de mauvaises informations: le diagramme comparant les deux types de formations, EPF et HES, produit par la FAI et qui se trouve en annexe, est faux, en réalité ! Il faut exactement le même temps pour faire un master EPF ou un master HES. Quand on part d'une maturité gymnasiale - et ceci a une importance - on fait trois ans de bachelor EPF, une année de stage professionnel avant le master, on fait le master - cela fait donc six ans - et ensuite, il faut trois ans - c'est-à-dire huit ans au total - pour être mandataire professionnellement qualifié. Pour un étudiant HES, provenant de la maturité gymnasiale, qui s'est inscrit à l'HEPIA, à Genève, il faut, pour être mandataire professionnellement qualifié, faire un an de stage de pratique professionnelle, trois ans de bachelor, ce qui fait un bachelor en quatre ans, suivi d'un master en deux ans, suivi de trois ans d'expérience professionnelle. Mme Schneider Hausser a remarqué qu'il s'agissait d'une problématique avant tout genevoise, surtout articulée d'ailleurs au problème des mandataires professionnellement qualifiés. C'est certain, car pour le reste, pour être, en Suisse, un architecte ou un ingénieur, il faut avoir un diplôme d'une Ecole polytechnique fédérale, d'une université ou d'une HES. Si vous avez un master et l'expérience professionnelle suffisante, vous pouvez être inscrit au REG A, le registre A des professionnels de l'ingénierie et de l'architecture. Si vous avez un bachelor d'une HES, vous êtes inscrit au REG B, pour autant que vous ayez également l'expérience professionnelle. En fait, il ne suffit pas d'avoir un diplôme, il faut être inscrit au registre de cette fondation des professions d'ingénieur et d'architecte, c'est-à-dire avoir les diplômes ou les équivalences, et une expérience professionnelle suffisante. Ceci est important, Mesdames et Messieurs: j'ai mentionné la maturité gymnasiale. Il faut savoir qu'à Genève, 55% des étudiants inscrits en architecture à l'HEPIA sont porteurs d'une maturité gymnasiale contre 34% d'une maturité professionnelle. Ceux-ci ont déjà fait trois ans de CFC plus une maturité professionnelle dans le secteur, ce qui, disons, leur donne une expérience professionnelle d'environ sept ans. 55% de maturités gymnasiales, c'est ce que nous avons à l'HEPIA en architecture: si vous votez le projet de loi tel qu'il est, c'est le message d'une inégalité de traitement que vous allez envoyer à ces étudiants, évidemment; vous allez avantager le diplôme de l'EPF de façon tout à fait inutile, puisque M. Baud vous a rappelé que la jurisprudence fédérale ne reconnaît aucune différence entre les trois types de diplômes. Pour cette raison-là, nous avons proposé ces trois amendements qui ont simplement pour but, raisonnablement, de supprimer toute inégalité de traitement entre master HES et master EPF en architecture. Nous vous serons reconnaissants de voter les trois amendements, pas seulement au choix le premier, le deuxième ou le troisième, mais bien les trois. Je vous remercie.

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi, qui était censé toiletter la loi sur la profession d'architecte, est allé un peu plus en profondeur, car des éléments assez importants devaient être relevés, en tout cas en ce qui concerne les MPQ à Genève. Il ne faut pas prendre les choses à la légère: comme l'indique le titre de l'article 4, qui fait l'objet d'amendements, ce sont les capacités professionnelles - et je crois que c'est le centre du débat - qui garantissent l'égalité en qualité des formations. Dans la philosophie du PLR, et notamment de la majorité - comme l'a exprimé mon collègue Jacques Béné - ce qui est important, c'est que le MPQ, à Genève, établit l'attestation de conformité qu'on appelle communément le permis d'habiter. C'est une délégation de l'Etat au mandataire. Ce mandataire engage sa responsabilité d'architecte, responsabilité qui existe aussi, de facto, en collaboration avec les maîtres d'état que sont les entreprises qui s'engagent sur un certain nombre de normes, et c'est très bien. Pour garantir cette responsabilité, on doit avoir des capacités.

Le PLR entrera en matière sur les amendements, en tout cas sur l'article 4, alinéa 1, lettre a. Il refusera le deuxième amendement, qui vise à limiter la pratique de cinq ans à trois ans en ce qui concerne le bachelor HES. Enfin, il acceptera l'amendement sur l'article 9, alinéa 3, concernant l'inscription au REG A ou au REG B, comme l'indiquent et le préconisent les associations professionnelles, qui ont montré une certaine ouverture d'esprit. On arriverait finalement à un compromis qui paraît le plus équilibré. Il me semble que le plus équilibré dans ce débat est d'avoir une égalité de traitement entre les étudiants des EPF et des HES, afin de garder une qualité du bâti et d'assumer la responsabilité du permis d'habiter que l'Etat donne aux mandataires, et par conséquent à l'acte de bâtir.

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs, la liste actuelle et les critères appliqués aux mandataires professionnels posent visiblement peu de problèmes. Genève devrait-elle juger toutes les filières de formation égales, même si cela ne correspond pas à la réalité ? Genève devrait-elle supprimer le tableau cantonal qui donne actuellement une garantie de qualité et d'expérience ? Nous ne le pensons pas et avons comme priorité de favoriser la qualité et le professionnalisme. Les critères pour les mandataires professionnels ne doivent certes pas être rigides et inscrits dans le marbre pour l'éternité, mais le système actuel est globalement un bon compromis entre les diplômés et les praticiens. L'UDC accepte ce projet. Je vous remercie pour votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à s'exprimer sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11078 est adopté en premier débat par 74 oui contre 1 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Monsieur Uehlinger, vous souhaitez la parole ? (Remarque.) C'est une erreur, très bien. A l'article 4, alinéa 1, nous sommes saisis de deux amendements déposés par M. Lefort. Je vous lis le premier, qui concerne la lettre a:

«Art. 4, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)

1 Justifient de capacités professionnelles suffisantes au sens de la présente loi les professionnels de l'ingénierie, de l'architecture et de l'environnement:

a) titulaires d'un diplôme de master délivré par une école polytechnique fédérale, par une université ou par une haute école spécialisée suisses ou par une haute école étrangère dont les titres sont estimés équivalents, et justifiant d'une pratique suffisante de 3 ans acquise après la fin de la formation professionnelle;»

Monsieur le rapporteur de deuxième minorité, vous avez la parole.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je souhaite préciser la position du parti démocrate-chrétien sur les amendements. Suite à nos discussions, notre parti soutiendra ce premier amendement, refusera le deuxième, qui concerne l'article 4, alinéa 1, lettre b, et soutiendra celui portant sur l'article 9, alinéa 3. Ce qui nous paraît essentiel, c'est qu'il n'y ait pas de discrimination dans la formation. Si nous acceptons ces deux amendements, même en refusant le deuxième, l'essentiel est préservé. Pour nous, ce qui compte, c'est qu'on trouve une solution satisfaisante pour l'ensemble de la profession. C'était pour préciser la position de notre parti sur ces trois amendements. Nous renonçons donc à soutenir le deuxième.

Le président. Merci pour ces précisions, Monsieur le député. Monsieur le député Sandro Pistis, sur l'amendement ?

M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Monsieur le président. Le groupe MCG soutiendra ce premier amendement, qui trace l'année de stage pour l'obtention du bachelor. Par contre, nous nous opposerons au deuxième amendement, qui réduit la pratique suffisante de cinq à trois ans: on doit pouvoir garder une certaine qualité de formation et une certaine qualité des architectes à Genève; cela limitera aussi certaines formations qui, dans certains pays, sont réduites, et évitera une concurrence déloyale. Quant au troisième amendement, sur l'article 9, après négociation, nous pensons qu'il est tout à fait raisonnable de soutenir tant le REG A que le REG B. Le MCG ne soutiendra donc que le premier et le troisième amendement et s'opposera au fait de réduire la qualité de la formation. Je vous remercie.

Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, le parti socialiste soutiendra les trois amendements qu'il a cosignés, pour la simple et bonne raison qu'on est quand même en train d'assister à une autoflagellation, voire à un sabordage, quelque part, de nos écoles genevoises. (Remarque.) Mais oui ! Je trouve quand même incroyable... Bien évidemment, il y a la filière maturité, donc collège, EPFL, bachelor, master, avec un stage entre. Nous avons à Genève l'HEPIA, la HES, qui a obtenu une équivalence, avec - M. Lefort l'a relevé - un grand nombre, voire la moitié des étudiants qui ont suivi une filière professionnelle, duale, sur le terrain, qui connaissent le terrain genevois en particulier de l'architecture, de tout le bâtiment. Et là, nous allons leur demander, juste comme ça, pour avoir l'autorisation de s'inscrire sur ce tableau, deux ans de stage de plus. Parfait, entendu ! Dont acte ! Saborder ce qui se passe à Genève, une filière qui avait été reconnue et qui l'est au niveau romand voire suisse, il n'y a que les députés genevois qui peuvent le faire, et je trouve ça simplement incroyable. Je pense que beaucoup d'étudiants genevois vous remercieront, ceux qui n'ont pas les moyens de se payer l'EPFL et tout ce que cela implique.

M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de troisième minorité ad interim. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je le réaffirme ici, il n'a pas été démontré que le canton de Genève subissait une recrudescence de problèmes avec les nouveaux ou les jeunes architectes inscrits au tableau des mandataires. Il n'y a donc aucune raison de rehausser l'exigence de l'expérience professionnelle de trois à cinq ans. Si ces trois amendements ne sont pas votés, ce projet de loi conduira à des aberrations: par exemple, le gagnant d'un concours, ou l'adjudicataire d'un marché de services, qui a des aptitudes selon notre règlement sur les marchés publics, pourrait ne pas être habilité à déposer des plans d'autorisation de construire, car il ne serait pas inscrit au tableau des mandataires en raison des nouvelles exigences. Mesdames et Messieurs les députés, si on veut modifier cette loi de manière correcte, il convient d'être cohérent, de voter ces trois amendements afin d'y établir un semblant de cohérence. Je vous remercie donc de voter ces amendements tels quels.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Je n'avais pas l'intention de reprendre la parole sur ces amendements, mais quand j'entends Mme Schneider Hausser dire qu'on est en train de saboter les HES, j'ai un peu de peine à comprendre ! La situation est très claire: on ne parle plus de différenciation entre HES et EPF, c'est pour ça qu'on a très clairement admis... Je rappelle quand même que le texte tel que sorti de commission a obtenu une majorité. Nous aurions aussi la majorité aujourd'hui au sein de ce parlement pour refuser ces amendements et voter le texte de loi tel qu'il est sorti de commission. Dans un souci de consensus, nous admettons qu'il ne faut plus faire de différenciation entre HES et EPF, mais laissez-nous quand même la possibilité d'en faire une entre bachelor et master, que ce soit EPF ou HES, puisqu'un titulaire de bachelor a entre deux et trois années de formation en moins qu'un titulaire de master. Il est donc logique de transformer ces années de non-formation pour un titulaire de bachelor en lui demandant des années de pratique supplémentaires. C'est là qu'il y a un équilibre et une équité. Pour ces raisons, je vous invite à refuser le deuxième amendement et vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous invite à vous prononcer sur le premier amendement, à l'article 4, alinéa 1, lettre a, que je vous relis:

«Art. 4, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)

1 Justifient de capacités professionnelles suffisantes au sens de la présente loi les professionnels de l'ingénierie, de l'architecture et de l'environnement:

a) titulaires d'un diplôme de master délivré par une école polytechnique fédérale, par une université ou par une haute école spécialisée suisses ou par une haute école étrangère dont les titres sont estimés équivalents, et justifiant d'une pratique suffisante de 3 ans acquise après la fin de la formation professionnelle;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 84 oui contre 1 non.

Le président. Nous sommes saisis d'un deuxième amendement de M. Lefort, à l'article 4, alinéa 1, lettre b. Il consiste à changer la durée mentionnée de «5 ans» en «3 ans». Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter...

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 32 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 4 (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.

Le président. A l'article 9, nous sommes saisis de l'amendement que voici, toujours de M. Lefort:

«Art. 9, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Les membres désignés sous lettres b à e de l'alinéa 2 doivent être inscrits au REG A ou au REG B et sont choisis parmi les mandataires proposés par les organisations professionnelles intéressées.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 83 oui contre 1 non.

Mis aux voix, l'art. 9, al. 2, lettres a à f, al. 3 et 4 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 18, al. 1 (nouvelle teneur) et al. 2 (abrogé), est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Commentaires.) Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, sur le fond, ce projet de loi restreint l'accès à une profession, restreint la garantie constitutionnelle de la liberté de commerce et d'industrie, en mettant des exigences non pas pour exercer directement une décision, mais essentiellement pour pouvoir agir vis-à-vis de l'administration, qui, elle, est la responsable, in fine, des autorisations de construire, des plans d'urbanisme délivrés qui valident - ou non - le travail des mandataires, quelle que soit leur formation, quel que soit leur nombre d'années de pratique. Cette restriction à l'accès à la profession et à la liberté de commerce et d'industrie est délicate. La COMCO, la commission fédérale pour la concurrence, a déjà pris position: pour elle, il faudrait carrément supprimer le tableau des MPQ, et par conséquent, adopter une posture plus libérale, où ce n'est pas tant le diplôme qui compte mais la compétence réelle des mandataires qui est évaluée.

Toujours sur le fond, Genève se singularise une nouvelle fois. Les organisations économiques dénoncent très souvent les «Genfereien» en matière de chicaneries administratives et réglementaires, de règles supplémentaires que Genève se fixe, déjà par rapport aux autres cantons romands. En voilà un bel exemple ! Un bel exemple, de par la volonté de la majorité de fixer des règles qui n'existent pas dans les cantons de Vaud, Fribourg ou Neuchâtel. Est-ce que là-bas les constructions souffrent de problèmes supplémentaires ? Est-ce que les prestations des mandataires, des architectes, dans ces cantons romands, sont moins bonnes que celles fournies à Genève ? Absolument pas. Aucune étude ne le prouve. Ce projet de loi est avant tout, Mesdames et Messieurs, un texte corporatiste; il s'agit d'une profession dont les bureaux existants sont organisés à travers un lobby, la FAI, qui agit auprès de certains parlementaires pour restreindre l'accès aux jeunes bureaux.

Je termine par là sur la question de fond: alors que l'accès à l'emploi est si difficile aujourd'hui, alors que des étudiants qui passent des années à étudier pour leur diplôme arrivent sur le marché de l'emploi et se voient à chaque fois opposer des obligations, une exigence d'années d'expérience professionnelle pour ne serait-ce que décrocher un premier emploi, alors qu'aujourd'hui nous peinons à offrir une place aux jeunes, que souhaite faire la majorité parlementaire ? Elle souhaite restreindre légalement cet accès. Mesdames et Messieurs de la droite, soyons libéraux ! Si un jeune bureau qui a trois ans de pratique dépose un projet... (Remarque.) ...une autorisation de construire valable, peu importe sa formation, peu importe si c'est une formation HES ou EPF ! (Commentaires.)

Une voix. Chut ! (Le président agite la cloche.)

M. Antonio Hodgers. Qu'importe ! Evaluons la qualité des gens ! Ne soyons pas attachés au formalisme, n'utilisons pas la loi comme vous le faites aujourd'hui, Mesdames et Messieurs du PLR, pour régler la concurrence saine et naturelle entre mandataires. (Remarque.) Voilà pour le fond.

Sur la forme, ce texte souffre d'un problème majeur que le Conseil d'Etat n'a de cesse de répéter depuis le début des travaux: il n'est pas conforme au droit supérieur. En plus de la restriction d'accès à la pratique de la profession et de la restriction de la garantie constitutionnelle de la liberté de commerce et d'industrie, ce qui forme déjà un problème en soi, ce projet de loi crée une distinction entre la formation HES et la formation EPF alors que la jurisprudence fédérale, dans des cas similaires, a déjà clairement dit que cette distinction n'est pas légale. En vertu de quoi le Conseil d'Etat unanime, après examen juridique de ce projet de loi, a décidé de ne pas demander le troisième débat. Il ne se fera pas complice d'une loi dont on sait d'ores et déjà qu'elle est illégale. Il appartiendra à la majorité parlementaire d'assumer sa position y compris devant les tribunaux. Nous nous reverrons dans une année pour débattre d'un nouveau projet de loi, une fois que les tribunaux auront cassé celui-ci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous en restons là, le troisième débat n'ayant pas été demandé.

Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.