République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2331-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Lydia Schneider Hausser, Murat Julian Alder, Anne Marie von Arx-Vernon, Frédérique Perler, Jocelyne Haller, Beatriz de Candolle, Simone de Montmollin, Jean-Charles Rielle, Jean Batou, Nathalie Fontanet, Patrick Saudan, Christian Frey, Roger Deneys, Thomas Wenger, Christian Zaugg, Jacques Béné, Gabriel Barrillier, Nicole Valiquer Grecuccio, Olivier Baud, Irène Buche, Bénédicte Montant, Pierre Ronget : Protection des personnes sans statut légal victimes de violences
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 3 et 4 novembre 2016.
Rapport de majorité de Mme Emilie Flamand-Lew (Ve)
Rapport de minorité de M. Bernhard Riedweg (UDC)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons la M 2331-A en catégorie II, quarante minutes. Madame le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette excellente proposition de motion vise à remédier à une injustice, celle de la double peine qui est actuellement infligée aux victimes d'infractions pénales sans statut légal, à savoir la transmission de leurs coordonnées à l'OCPM, ce qui débouche parfois sur leur expulsion, indépendamment de la procédure pénale en cours. La procédure actuelle qui prévoit leur signalement à l'OCPM constitue un véritable obstacle à l'accès à la justice pour ces personnes, qui comptent parmi les plus vulnérables de notre société. Ainsi, majoritairement des femmes, mais parfois aussi des hommes, victimes de violences domestiques, par exemple, ou d'exploitation, n'osent pas dénoncer leur agresseur et demeurent dans une situation insupportable, de peur de se voir renvoyer de Suisse.

Aujourd'hui à Genève, les personnes sans statut légal ont accès à des prestations essentielles, telles que l'éducation ou les soins. La majorité de la commission judiciaire considère que la justice fait aussi partie de ces prestations essentielles, et je vous invite donc, au nom de cette majorité, à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. On ne peut pas décemment demander aux autorités judiciaires et de la police de ne pas transmettre les coordonnées des victimes et témoins sans statut légal à l'office cantonal de la population et des migrations. Cela va à l'encontre de leur cahier des charges, basé sur le maintien de l'ordre s'agissant du contrôle de la population, et nous ne pouvons pas cautionner l'illégalité. Si la victime sans statut légal est dénoncée par l'auteur de l'infraction ou l'un de ses proches, il faut encore avoir la preuve qu'il n'y a pas faux témoignage ou tentative de corruption. Les institutions publiques officielles ne peuvent pas être de connivence voire complices avec les victimes et témoins sans statut légal, qui sont donc en situation irrégulière, tout en étant actifs pour la plupart dans le secteur privé ou le secteur informel. Il n'y a pas lieu de favoriser et d'encourager les abus à l'encontre de l'ordre public, car les victimes et témoins sans statut légal savent ou devraient savoir qu'ils ne seront pas punis par un renvoi au terme de la procédure pénale ou par une autre sanction. En outre, la durée de la procédure juridique pénale ou civile à leur encontre - puisque les victimes auraient droit à l'accès à la justice - pourrait se prolonger afin que, avec le temps, il leur soit octroyé une autorisation de séjour à plus long terme, voire la régularisation.

Il est évident - et il faut bien l'avouer - que ce sujet est très délicat, car il touche les droits humains, étant donné qu'on se situe souvent dans le cadre de violences domestiques, de problèmes professionnels ou de difficultés de santé. Mais il faut bien admettre aussi que ces victimes sans statut légal ont fait de mauvais choix de vie, qui se sont accumulés avec le temps, choix qui se retournent contre elles. De nombreuses personnes viennent dans notre pays, et plus particulièrement dans notre canton, en sachant qu'elles sont en situation irrégulière, ce que leur entourage ne manquera pas de leur rappeler.

En commission, l'Union démocratique du centre a demandé l'audition du pouvoir judiciaire, ou du moins du département, ou éventuellement de la police, ce qui a été jugé superflu. Par manque d'informations, notre parti refusera donc l'entrée en matière. Merci, Monsieur le président.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, le groupe Ensemble à Gauche soutient résolument les conclusions de cette motion interpartis qu'il a signée et qui invite le Conseil d'Etat, tout en conservant une certaine confidentialité, à protéger ces victimes et à mettre en place un système garantissant leur protection. Nous avons parfois pu être témoins de scènes où une personne travaillant au noir a été maltraitée ou battue, une situation qui se produit malheureusement plus souvent qu'on ne pourrait le penser. La presse a parfois même rendu compte de cas dramatiques, qui ont hélas pu déboucher sur des assassinats. Et je n'ai quant à moi pas oublié le drame survenu au sein d'une famille dont les enfants avaient été scolarisés dans mon école. Ces actes se produisent assez souvent dans les beaux quartiers, où des familles au demeurant relativement fortunées emploient des femmes de ménage ou des jeunes filles au pair sous-payées au noir, alors même que rien ne les empêcherait de faire face à leurs obligations légales. Faut-il relever qu'il s'agit là de cas manifestes de dumping salarial ? Nous n'avons pas oublié non plus de terribles photos reproduites dans la presse qui montraient les visages tuméfiés d'esclaves ménagers bien cachés dans les recoins de certains appartements de représentants diplomatiques. Ces victimes sans statut légal, souvent terrifiées et qui n'osent la plupart du temps pas témoigner, doivent être protégées, et c'est la raison pour laquelle le groupe Ensemble à Gauche vous invite, chers collègues, à voter cette motion qui permet de briser un tabou et de faire un pas en faveur de la protection des victimes oubliées de la riche et heureuse Genève internationale.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va adopter cette motion et la renvoyer au Conseil d'Etat. Notre parti, ne l'oublions pas, a permis à de jeunes enfants ainsi qu'à des enfants d'être scolarisés sans statut légal, et on a pu le faire sans que les familles qui étaient là soient expulsées. Ainsi, s'agissant de ce problème qui est réel, qui existe, mais qui est caché, parce que ces personnes ne vont pas aller porter plainte si elles sont maltraitées, nous pensons qu'elles doivent être protégées et que la protection de la personne doit l'emporter sur l'application stricte du droit. J'estime que c'est quelque chose de très important, et on doit pouvoir protéger quelqu'un qui a été violé, on doit pouvoir protéger quelqu'un qui est exploité comme un esclave dans certaines familles, on doit pouvoir protéger quelqu'un qui est exploité financièrement par une personne qui lui sous-loue un appartement à un prix exorbitant.

Il est donc clair que les gens qui viennent à Genève et qui n'ont pas l'autorisation d'y séjourner ont le droit d'être protégés dans le cadre des droits de l'Homme, surtout face à la violence qu'on peut leur faire subir. C'est essentiel. On ne peut pas admettre la violence en disant qu'on doit appliquer la loi, on ne doit pas admettre cette violence, les gens doivent être protégés là contre, et c'est un présupposé pour le parti démocrate-chrétien. Nous l'avons fait pour les enfants, ils ont été scolarisés, on peut donc arriver à le faire, et les invites de la motion offrent une certaine latitude au Conseil d'Etat - puisque ce n'est pas une loi - afin de réfléchir à ce qu'on pourrait faire pour que ces personnes puissent, avec confiance, aller porter plainte dans un poste de police. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je tiens à saluer à la tribune Mme Laurence Fehlmann Rielle et M. Carlo Sommaruga, conseillers nationaux, ainsi que Mme Béatrice Hirsch et M. Eric Bertinat, deux anciens collègues députés. (Applaudissements.) Je passe la parole à Mme Sandra Golay.

Mme Sandra Golay (MCG). Merci, Monsieur le président. Je souhaite apporter une note au niveau fédéral: la Confédération a ratifié la Convention 189 de l'Organisation internationale du travail le 12 novembre 2015, marquant ainsi sa volonté de soutenir des conditions de travail décentes pour les employés de l'économie domestique - 50 millions de personnes sont concernées de par le monde, et 83% sont des femmes. En Suisse, il y aurait plus de 100 000 personnes dans l'économie domestique, dont 40 000 ne possèdent pas de permis de travail. La Convention 189 de l'Organisation internationale du travail contient des prescriptions qui concernent les conditions de vie, de travail et de sécurité aussi au travail. En fait, pour le MCG, cette motion viendrait compléter cet effort fédéral, et nous pensons qu'elle vise à protéger une partie intégrante de la population et de l'économie genevoise, c'est pourquoi nous allons la soutenir.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion aborde une question de société, c'est pourquoi elle a été signée par des députés de plusieurs partis. Nous vivons à Genève, où se trouve le siège du Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies. Le canton de Genève s'est engagé de longue date dans la prévention et la lutte contre les violences domestiques et, de ce fait, nous avons la responsabilité de visiter nos lois, nos règlements ainsi que nos us et coutumes pour faire en sorte que les droits humains soient le plus souvent appliqués dans nos politiques et nos actions publiques. Ici, il s'agit de l'accès à la justice égal pour toutes et tous. Le fait que les autorités de police et de justice pénale soient dans l'obligation de signaler à l'OCPM les victimes et témoins sans statut légal est de plus en plus utilisé par les auteurs d'infractions ou de violences comme moyen de pression et de coercition. Pratiquement, ces individus - pour le moins mal intentionnés - font paraître des petites annonces pour du travail, des collocations, des sous-locations, et lors de l'examen des réponses, les personnes fragilisées de par leur statut sont repérées. Elles sont choisies soit pour travailler, soit pour une collocation ou une sous-location, et bien entendu plus, si possible, en termes de relations. Le piège se referme petit à petit, au point que ces personnes sans statut légal se retrouvent à la merci complète des auteurs de violences. Et si jamais, lorsque les violences sont avérées, elles décident de relever la tête et de porter plainte contre leurs agresseurs, elles se voient pénalisées une nouvelle fois, car elles risquent fort d'être expulsées, même avant la fin de la procédure judiciaire relative à leur plainte.

Cette motion demande que la police et le pouvoir judiciaire ne transmettent pas systématiquement les coordonnées des victimes et témoins sans statut légal à l'OCPM, mais uniquement sur demande motivée. Elle invite donc à dissocier la procédure pénale et la procédure administrative relevant du droit des étrangers. Mesdames et Messieurs, au nom du parti socialiste, je ne peux que vous encourager à soutenir cette motion, qui fera que Genève reste une ville des droits humains. Je vous remercie.

Mme Nathalie Fontanet (PLR). Le PLR a également signé cette motion. Il est évident qu'une victime est une victime, et cela qu'elle soit ou non sans statut légal. Nous ne pouvons donc plus accepter la pratique actuelle qui fait craindre aux victimes de dénoncer ce qu'elles subissent et qui finalement les laisse encore plus à la merci de leurs bourreaux, qu'il s'agisse de bourreaux employeurs ou de bourreaux tels que conjoints ou autres. Genève est le siège des droits de l'Homme, et nous nous devons donc de poursuivre le chemin dans lequel s'était engagé à l'époque Dominique Föllmi, qui avait pris une écolière par la main pour la conduire en classe, écolière dont les parents n'avaient évidemment pas de papiers. Dans ce contexte, nous devons aussi aujourd'hui prendre par la main les victimes qui sont sans statut légal et faire en sorte que la pratique actuelle soit modifiée. Le PLR vous encourage donc à voter en faveur de cette motion. Merci, Monsieur le président.

M. Stéphane Florey (UDC). L'UDC ne peut tout simplement pas soutenir une telle motion car, sur le fond, si nous sommes tous d'accord qu'une victime de violences a le droit à la protection de la police, nous ne pouvons cautionner le fait d'inciter les gens à rester dans l'illégalité, sous quelque prétexte que ce soit. Et ce qui est d'autant plus surprenant, c'est qu'en acceptant cette motion vous demandez au Conseil d'Etat de contrevenir également à la loi. En effet, il y a une loi sur les étrangers, il y a toute une procédure qui fait qu'il est interdit de venir illégalement en Suisse, il existe des mesures de naturalisation, des demandes pour pouvoir rester dans notre pays de manière légale, et nous sommes donc assez consternés de voir qu'une fois de plus certains groupes déposent des objets qui en fait se résument à quoi ? Eh bien c'est un pas de plus vers la légalisation en masse, cela mène à une potentielle légalisation, et nous ne pouvons l'accepter, d'autant moins que la première invite - je m'excuse du terme - est un peu du foutage de gueule, puisqu'on demande aux autorités compétentes de ne pas transmettre des informations qu'elles sont tenues, selon la loi fédérale, de communiquer, puisqu'il y a quand même une loi fédérale qui les y oblige. De plus, il est écrit ceci: «[...] de ne pas transmettre systématiquement les coordonnées des victimes et témoins sans statut légal à l'OCPM, mais uniquement sur demande motivée;» Mais laissez-moi rire ! Qui va faire une demande motivée si aucune information n'est transmise ? C'est juste de la rigolade ! C'est se foutre de la gueule de la loi et des institutions, et nous ne pouvons clairement pas l'accepter. C'est pour ces motifs-là que l'UDC refusera cette motion. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai le plaisir de saluer à la tribune Mme Christine Sayegh ainsi que MM. Claude Marcet et Albert Rodrik, qui sont tous d'anciens collègues. (Applaudissements.) Je passe maintenant la parole à M. Jean-Michel Bugnion.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste apporter quelques mots de réponse à la vision des députés UDC. Je comprends bien leur vision, selon laquelle les tribunaux et la police se rendent complices de l'illégalité s'ils ne sont plus prévenus. Je comprends bien ce que dit M. Florey: il faut absolument respecter la loi, envers et contre tout. Mais maintenant je propose une autre vision: lorsque des personnes sont victimes de violences, de qui les organes de la justice qui sont incapables de les protéger sont-ils complices ? Ils sont complices de ceux qui commettent les violences, et en réalité ils ne remplissent pas leur fonction qui, déontologiquement, doit être de protéger celles et ceux qui sont des victimes. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin. (Le micro de l'oratrice ne fonctionne pas. Un instant s'écoule. L'oratrice parvient à trouver un micro qui fonctionne.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Ah, magnifique ! Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, dans ma pratique il m'est arrivé un certain nombre de fois de traiter de cas de personnes qui travaillaient pour des missions diplomatiques et qui se trouvaient parfois dans des situations très difficiles: elles n'arrivaient pas à obtenir leur salaire, elles étaient traitées comme des esclaves et avaient des horaires de travail phénoménaux. On n'ose même pas y penser ! Ces personnes ont fini par trouver une protection au travers d'une loi fédérale qui s'impose à toutes les missions diplomatiques de Suisse; les travailleurs doivent avoir une rémunération et ont des moyens d'agir.

J'ai consulté, pour vous en parler, les différents contrats types que l'on trouve dans la législation genevoise. Les contrats types des jeunes gens au pair - nourris et logés - prévoient un salaire de 800 F pour les personnes majeures et de 650 F pour les mineurs. Quant aux travailleurs de l'économie domestique qui ne sont pas qualifiés, ils ont droit à un salaire minimum de 3756 F par mois, pour une durée de la semaine de travail qui se monte à 45 heures, c'est-à-dire 45 heures de travail. Et vous me direz qu'il n'est quand même pas compliqué de se mettre en ordre lorsqu'on veut ou qu'on a besoin d'aide chez soi: il y a des façons faciles de le faire. Si des individus ne respectent pas ces minima, ils ont à mon avis un comportement tout à fait répréhensible.

J'ai vu moi aussi - comme peut-être d'autres de mes confrères ici - plusieurs personnes porter plainte, faire une demande auprès des prud'hommes et, clac, c'était le départ par le premier avion... Ça m'a profondément choquée, ça m'a affligée, et ça m'a amenée à essayer de négocier autrement. Et je voudrais aussi - je vous prie de transmettre au député Florey, Monsieur le président - vous faire part des dénonciations. Il n'y a pas seulement le fait que, selon la justice, certains seraient tenus de transmettre le nom des personnes en situation irrégulière: il y a aussi tout simplement les dénonciations, Mesdames et Messieurs, et ces dénonciations, on les trouve dans les couples; excusez-moi de le dire ainsi, mais ce sont les couples portugais, et il existe encore un autre Etat où les gens ont tendance à beaucoup se dénoncer... Or ça prive du droit de se défendre tous les gens, toutes les femmes battues, tous ceux qu'on menace d'une façon ou d'une autre. Il y a des gens qui sont esclaves, qui sont l'objet de traites, tout le monde en parle, et je pense que Mme von Arx-Vernon, qui malheureusement n'est pas là ce soir, abonderait dans mon sens. Il faut donc absolument voter cette motion. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Marc Falquet pour une minute trente.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Il y a également une autre hypocrisie qu'il faut dénoncer, c'est de toujours prétendre que les personnes au noir sont un besoin pour l'économie. C'est totalement faux ! Maintenant il y a des milliers de personnes qui ont perdu leur travail, et même celles qui pourraient travailler comme femmes de ménage, etc., ne trouvent plus de travail dans le domaine parce que le marché est justement pris par ces gens sans papiers, sans autorisation de séjour. Et les principaux fautifs, ce sont évidemment les employeurs... (Exclamations.) Ce sont les employeurs qui se permettent de prendre des personnes sans autorisation, parce qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent avec elles et les sous-payer. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je connais des gens qui sont de grands défenseurs des droits de l'Homme, qui ont employé des personnes en les payant 800 F par mois - j'en connais - et qui après viennent faire de grandes théories sur les droits de l'Homme. Alors ça me fait bien rigoler ! Il faut donc déjà que, à la base, les employeurs respectent la loi et que l'on ne favorise pas ce travail au noir.

Et concernant les dames qui sont victimes d'infractions, il faut effectivement les protéger, et la police le fait déjà ! La police n'est pas stupide: elle les protège et ne les renvoie pas la plupart du temps. Alors il ne faut pas raconter d'histoires ! Merci beaucoup.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. C'est un sujet extrêmement grave que vous traitez à travers cette proposition de motion, un sujet délicat dont je peux d'abord vous assurer, au nom du Conseil d'Etat, qu'il fait l'objet d'une attention soutenue et d'un dialogue constant entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Alors ce soir, à travers votre motion qui touche ce sujet grave, je dirais que vous illustrez un peu ce fameux proverbe qui dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions.

Je comprends tout à fait que le pouvoir législatif s'interroge, s'inquiète, se pose des questions sur les pratiques en cours. Ce que le Conseil d'Etat comprend moins, c'est que celui-ci n'ait pas pris le temps d'auditionner le pouvoir exécutif en commission. Nous serions volontiers venus expliquer quelle est la réalité des pratiques, comment nous fonctionnons et comment - de façon parfois un peu schizophrène, c'est vrai - la dimension administrative et la dimension judiciaire, pénale, travaillent plus ou moins bien ensemble lorsque des cas très concrets se posent. Nous aurions pu avantageusement vous présenter, en écho à la dernière intervention, ce que nous faisons de manière hebdomadaire s'agissant du contrôle du marché du travail - M. Falquet avait raison d'évoquer ici la dimension du travail - au carrefour avec les questions de sécurité et de protection des victimes. Nous aurions bien évidemment rappelé, parce que c'est un point fondamental, que notre première préoccupation est de protéger les victimes, potentielles ou réelles, et que c'est cela qui l'emporte sur toutes les autres considérations. Je tiens à le répéter ici et à l'affirmer haut et fort: en cela, le gouvernement de la République et canton de Genève est fidèle à sa constitution, il protège la bonne foi, il protège les victimes et il met cela au-dessus de certaines considérations d'application rigide, dirais-je, de normes pénales. Mais tout cela, Mesdames et Messieurs, nous aurions eu à coeur de vous l'expliquer dans le secret de la commission, allais-je dire. Il est bien évident que la commission rend un rapport, mais nous aurions pu vous illustrer de façon précise et méticuleuse quelques dossiers sensibles, qui précisément doivent garder une certaine dimension de discrétion.

Alors ce soir le Conseil d'Etat laisse à votre appréciation le soin de soutenir ou pas cette proposition de motion. Il regrette finalement de ne pas avoir pu présenter aux députés, de quelque commission que ce soit, le détail de ce qu'il fait aujourd'hui, parce que nous assumons nos responsabilités, et je peux vous dire qu'il s'agit parfois de cas détaillés extrêmement difficiles que nous réglons, mais nous avons le sentiment de les régler, pour l'essentiel, à satisfaction, dans le sens de la protection des victimes. Et puis nous aurons de toute façon l'occasion de présenter véritablement devant cette assemblée les solutions au problème principal qui se pose aujourd'hui, à savoir le problème du caractère, disons, illégal de la situation de nombreuses personnes qui se trouvent à Genève, ce qui de ce fait représente une hypocrisie, parce que contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure, Monsieur Falquet, ces gens, nous en avons besoin aujourd'hui dans notre marché du travail; ils représentent une réalité. Un grand nombre d'entre eux sont ici depuis plus de cinq, huit ou dix ans, ils assument une fonction économique qui - c'est vrai, l'hypocrisie est d'abord à chercher du côté des employeurs - constitue un enjeu essentiel, notamment dans l'économie domestique, mais ce n'est pas à la faveur de cette proposition de motion et des quelques cas, malheureusement toujours trop nombreux, de personnes violentées que nous réglerons cette problématique. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, nous laissons à votre appréciation le soin de réserver le sort que vous voulez à cette proposition de motion, et nous réaffirmons les principes fondamentaux - dans ce sens-là, la plupart de mes préopinants ont eu raison de le dire - qui figurent au frontispice de notre constitution. Enfin, nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement, j'imagine, sur la question des sans-papiers, parce que votre gouvernement n'est pas inactif dans ce dossier. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ai le plaisir de saluer à la tribune la présence de M. Benoît Genecand, conseiller national... (Exclamations.) ...de Mmes Anne Mahrer et Loly Bolay, anciennes présidentes du Grand Conseil, de MM. Bernard Lusti et Jean-Luc Ducret, anciens présidents du Grand Conseil, et de Mme Esther Alder, conseillère administrative de la Ville de Genève. (Applaudissements.)

Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, je vous invite à vous prononcer sur cette proposition de motion.

Mise aux voix, la motion 2331 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 79 oui contre 4 non et 3 abstentions.

Motion 2331

Le président. Je vous signale que, comme cela a été convenu et communiqué aux chefs de groupe, je vais suspendre la séance jusqu'à 19h, où nous traiterons le RD 1166, soit l'hommage à Mme le sautier. Soyez ponctuels, s'il vous plaît !

La séance est suspendue à 18h38.

La séance est reprise à 19h.