République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 novembre 2016 à 18h10
1re législature - 3e année - 10e session - 57e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h10, sous la présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Mauro Poggia et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Anne Emery-Torracinta et M. Luc Barthassat, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Anne Marie von Arx-Vernon, Edouard Cuendet, Lionel Halpérin, Frédéric Hohl, Philippe Morel, Salima Moyard et Pascal Spuhler, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et M. Maria Casares, Christian Decorvet, Nathalie Hardyn, Alexandra Rys, Nathalie Schneuwly et Céline Zuber-Roy.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons la M 2331-A en catégorie II, quarante minutes. Madame le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
Mme Emilie Flamand-Lew (Ve), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette excellente proposition de motion vise à remédier à une injustice, celle de la double peine qui est actuellement infligée aux victimes d'infractions pénales sans statut légal, à savoir la transmission de leurs coordonnées à l'OCPM, ce qui débouche parfois sur leur expulsion, indépendamment de la procédure pénale en cours. La procédure actuelle qui prévoit leur signalement à l'OCPM constitue un véritable obstacle à l'accès à la justice pour ces personnes, qui comptent parmi les plus vulnérables de notre société. Ainsi, majoritairement des femmes, mais parfois aussi des hommes, victimes de violences domestiques, par exemple, ou d'exploitation, n'osent pas dénoncer leur agresseur et demeurent dans une situation insupportable, de peur de se voir renvoyer de Suisse.
Aujourd'hui à Genève, les personnes sans statut légal ont accès à des prestations essentielles, telles que l'éducation ou les soins. La majorité de la commission judiciaire considère que la justice fait aussi partie de ces prestations essentielles, et je vous invite donc, au nom de cette majorité, à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.
M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. On ne peut pas décemment demander aux autorités judiciaires et de la police de ne pas transmettre les coordonnées des victimes et témoins sans statut légal à l'office cantonal de la population et des migrations. Cela va à l'encontre de leur cahier des charges, basé sur le maintien de l'ordre s'agissant du contrôle de la population, et nous ne pouvons pas cautionner l'illégalité. Si la victime sans statut légal est dénoncée par l'auteur de l'infraction ou l'un de ses proches, il faut encore avoir la preuve qu'il n'y a pas faux témoignage ou tentative de corruption. Les institutions publiques officielles ne peuvent pas être de connivence voire complices avec les victimes et témoins sans statut légal, qui sont donc en situation irrégulière, tout en étant actifs pour la plupart dans le secteur privé ou le secteur informel. Il n'y a pas lieu de favoriser et d'encourager les abus à l'encontre de l'ordre public, car les victimes et témoins sans statut légal savent ou devraient savoir qu'ils ne seront pas punis par un renvoi au terme de la procédure pénale ou par une autre sanction. En outre, la durée de la procédure juridique pénale ou civile à leur encontre - puisque les victimes auraient droit à l'accès à la justice - pourrait se prolonger afin que, avec le temps, il leur soit octroyé une autorisation de séjour à plus long terme, voire la régularisation.
Il est évident - et il faut bien l'avouer - que ce sujet est très délicat, car il touche les droits humains, étant donné qu'on se situe souvent dans le cadre de violences domestiques, de problèmes professionnels ou de difficultés de santé. Mais il faut bien admettre aussi que ces victimes sans statut légal ont fait de mauvais choix de vie, qui se sont accumulés avec le temps, choix qui se retournent contre elles. De nombreuses personnes viennent dans notre pays, et plus particulièrement dans notre canton, en sachant qu'elles sont en situation irrégulière, ce que leur entourage ne manquera pas de leur rappeler.
En commission, l'Union démocratique du centre a demandé l'audition du pouvoir judiciaire, ou du moins du département, ou éventuellement de la police, ce qui a été jugé superflu. Par manque d'informations, notre parti refusera donc l'entrée en matière. Merci, Monsieur le président.
M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, le groupe Ensemble à Gauche soutient résolument les conclusions de cette motion interpartis qu'il a signée et qui invite le Conseil d'Etat, tout en conservant une certaine confidentialité, à protéger ces victimes et à mettre en place un système garantissant leur protection. Nous avons parfois pu être témoins de scènes où une personne travaillant au noir a été maltraitée ou battue, une situation qui se produit malheureusement plus souvent qu'on ne pourrait le penser. La presse a parfois même rendu compte de cas dramatiques, qui ont hélas pu déboucher sur des assassinats. Et je n'ai quant à moi pas oublié le drame survenu au sein d'une famille dont les enfants avaient été scolarisés dans mon école. Ces actes se produisent assez souvent dans les beaux quartiers, où des familles au demeurant relativement fortunées emploient des femmes de ménage ou des jeunes filles au pair sous-payées au noir, alors même que rien ne les empêcherait de faire face à leurs obligations légales. Faut-il relever qu'il s'agit là de cas manifestes de dumping salarial ? Nous n'avons pas oublié non plus de terribles photos reproduites dans la presse qui montraient les visages tuméfiés d'esclaves ménagers bien cachés dans les recoins de certains appartements de représentants diplomatiques. Ces victimes sans statut légal, souvent terrifiées et qui n'osent la plupart du temps pas témoigner, doivent être protégées, et c'est la raison pour laquelle le groupe Ensemble à Gauche vous invite, chers collègues, à voter cette motion qui permet de briser un tabou et de faire un pas en faveur de la protection des victimes oubliées de la riche et heureuse Genève internationale.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va adopter cette motion et la renvoyer au Conseil d'Etat. Notre parti, ne l'oublions pas, a permis à de jeunes enfants ainsi qu'à des enfants d'être scolarisés sans statut légal, et on a pu le faire sans que les familles qui étaient là soient expulsées. Ainsi, s'agissant de ce problème qui est réel, qui existe, mais qui est caché, parce que ces personnes ne vont pas aller porter plainte si elles sont maltraitées, nous pensons qu'elles doivent être protégées et que la protection de la personne doit l'emporter sur l'application stricte du droit. J'estime que c'est quelque chose de très important, et on doit pouvoir protéger quelqu'un qui a été violé, on doit pouvoir protéger quelqu'un qui est exploité comme un esclave dans certaines familles, on doit pouvoir protéger quelqu'un qui est exploité financièrement par une personne qui lui sous-loue un appartement à un prix exorbitant.
Il est donc clair que les gens qui viennent à Genève et qui n'ont pas l'autorisation d'y séjourner ont le droit d'être protégés dans le cadre des droits de l'Homme, surtout face à la violence qu'on peut leur faire subir. C'est essentiel. On ne peut pas admettre la violence en disant qu'on doit appliquer la loi, on ne doit pas admettre cette violence, les gens doivent être protégés là contre, et c'est un présupposé pour le parti démocrate-chrétien. Nous l'avons fait pour les enfants, ils ont été scolarisés, on peut donc arriver à le faire, et les invites de la motion offrent une certaine latitude au Conseil d'Etat - puisque ce n'est pas une loi - afin de réfléchir à ce qu'on pourrait faire pour que ces personnes puissent, avec confiance, aller porter plainte dans un poste de police. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je tiens à saluer à la tribune Mme Laurence Fehlmann Rielle et M. Carlo Sommaruga, conseillers nationaux, ainsi que Mme Béatrice Hirsch et M. Eric Bertinat, deux anciens collègues députés. (Applaudissements.) Je passe la parole à Mme Sandra Golay.
Mme Sandra Golay (MCG). Merci, Monsieur le président. Je souhaite apporter une note au niveau fédéral: la Confédération a ratifié la Convention 189 de l'Organisation internationale du travail le 12 novembre 2015, marquant ainsi sa volonté de soutenir des conditions de travail décentes pour les employés de l'économie domestique - 50 millions de personnes sont concernées de par le monde, et 83% sont des femmes. En Suisse, il y aurait plus de 100 000 personnes dans l'économie domestique, dont 40 000 ne possèdent pas de permis de travail. La Convention 189 de l'Organisation internationale du travail contient des prescriptions qui concernent les conditions de vie, de travail et de sécurité aussi au travail. En fait, pour le MCG, cette motion viendrait compléter cet effort fédéral, et nous pensons qu'elle vise à protéger une partie intégrante de la population et de l'économie genevoise, c'est pourquoi nous allons la soutenir.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion aborde une question de société, c'est pourquoi elle a été signée par des députés de plusieurs partis. Nous vivons à Genève, où se trouve le siège du Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies. Le canton de Genève s'est engagé de longue date dans la prévention et la lutte contre les violences domestiques et, de ce fait, nous avons la responsabilité de visiter nos lois, nos règlements ainsi que nos us et coutumes pour faire en sorte que les droits humains soient le plus souvent appliqués dans nos politiques et nos actions publiques. Ici, il s'agit de l'accès à la justice égal pour toutes et tous. Le fait que les autorités de police et de justice pénale soient dans l'obligation de signaler à l'OCPM les victimes et témoins sans statut légal est de plus en plus utilisé par les auteurs d'infractions ou de violences comme moyen de pression et de coercition. Pratiquement, ces individus - pour le moins mal intentionnés - font paraître des petites annonces pour du travail, des collocations, des sous-locations, et lors de l'examen des réponses, les personnes fragilisées de par leur statut sont repérées. Elles sont choisies soit pour travailler, soit pour une collocation ou une sous-location, et bien entendu plus, si possible, en termes de relations. Le piège se referme petit à petit, au point que ces personnes sans statut légal se retrouvent à la merci complète des auteurs de violences. Et si jamais, lorsque les violences sont avérées, elles décident de relever la tête et de porter plainte contre leurs agresseurs, elles se voient pénalisées une nouvelle fois, car elles risquent fort d'être expulsées, même avant la fin de la procédure judiciaire relative à leur plainte.
Cette motion demande que la police et le pouvoir judiciaire ne transmettent pas systématiquement les coordonnées des victimes et témoins sans statut légal à l'OCPM, mais uniquement sur demande motivée. Elle invite donc à dissocier la procédure pénale et la procédure administrative relevant du droit des étrangers. Mesdames et Messieurs, au nom du parti socialiste, je ne peux que vous encourager à soutenir cette motion, qui fera que Genève reste une ville des droits humains. Je vous remercie.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Le PLR a également signé cette motion. Il est évident qu'une victime est une victime, et cela qu'elle soit ou non sans statut légal. Nous ne pouvons donc plus accepter la pratique actuelle qui fait craindre aux victimes de dénoncer ce qu'elles subissent et qui finalement les laisse encore plus à la merci de leurs bourreaux, qu'il s'agisse de bourreaux employeurs ou de bourreaux tels que conjoints ou autres. Genève est le siège des droits de l'Homme, et nous nous devons donc de poursuivre le chemin dans lequel s'était engagé à l'époque Dominique Föllmi, qui avait pris une écolière par la main pour la conduire en classe, écolière dont les parents n'avaient évidemment pas de papiers. Dans ce contexte, nous devons aussi aujourd'hui prendre par la main les victimes qui sont sans statut légal et faire en sorte que la pratique actuelle soit modifiée. Le PLR vous encourage donc à voter en faveur de cette motion. Merci, Monsieur le président.
M. Stéphane Florey (UDC). L'UDC ne peut tout simplement pas soutenir une telle motion car, sur le fond, si nous sommes tous d'accord qu'une victime de violences a le droit à la protection de la police, nous ne pouvons cautionner le fait d'inciter les gens à rester dans l'illégalité, sous quelque prétexte que ce soit. Et ce qui est d'autant plus surprenant, c'est qu'en acceptant cette motion vous demandez au Conseil d'Etat de contrevenir également à la loi. En effet, il y a une loi sur les étrangers, il y a toute une procédure qui fait qu'il est interdit de venir illégalement en Suisse, il existe des mesures de naturalisation, des demandes pour pouvoir rester dans notre pays de manière légale, et nous sommes donc assez consternés de voir qu'une fois de plus certains groupes déposent des objets qui en fait se résument à quoi ? Eh bien c'est un pas de plus vers la légalisation en masse, cela mène à une potentielle légalisation, et nous ne pouvons l'accepter, d'autant moins que la première invite - je m'excuse du terme - est un peu du foutage de gueule, puisqu'on demande aux autorités compétentes de ne pas transmettre des informations qu'elles sont tenues, selon la loi fédérale, de communiquer, puisqu'il y a quand même une loi fédérale qui les y oblige. De plus, il est écrit ceci: «[...] de ne pas transmettre systématiquement les coordonnées des victimes et témoins sans statut légal à l'OCPM, mais uniquement sur demande motivée;» Mais laissez-moi rire ! Qui va faire une demande motivée si aucune information n'est transmise ? C'est juste de la rigolade ! C'est se foutre de la gueule de la loi et des institutions, et nous ne pouvons clairement pas l'accepter. C'est pour ces motifs-là que l'UDC refusera cette motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai le plaisir de saluer à la tribune Mme Christine Sayegh ainsi que MM. Claude Marcet et Albert Rodrik, qui sont tous d'anciens collègues. (Applaudissements.) Je passe maintenant la parole à M. Jean-Michel Bugnion.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste apporter quelques mots de réponse à la vision des députés UDC. Je comprends bien leur vision, selon laquelle les tribunaux et la police se rendent complices de l'illégalité s'ils ne sont plus prévenus. Je comprends bien ce que dit M. Florey: il faut absolument respecter la loi, envers et contre tout. Mais maintenant je propose une autre vision: lorsque des personnes sont victimes de violences, de qui les organes de la justice qui sont incapables de les protéger sont-ils complices ? Ils sont complices de ceux qui commettent les violences, et en réalité ils ne remplissent pas leur fonction qui, déontologiquement, doit être de protéger celles et ceux qui sont des victimes. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin. (Le micro de l'oratrice ne fonctionne pas. Un instant s'écoule. L'oratrice parvient à trouver un micro qui fonctionne.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Ah, magnifique ! Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, dans ma pratique il m'est arrivé un certain nombre de fois de traiter de cas de personnes qui travaillaient pour des missions diplomatiques et qui se trouvaient parfois dans des situations très difficiles: elles n'arrivaient pas à obtenir leur salaire, elles étaient traitées comme des esclaves et avaient des horaires de travail phénoménaux. On n'ose même pas y penser ! Ces personnes ont fini par trouver une protection au travers d'une loi fédérale qui s'impose à toutes les missions diplomatiques de Suisse; les travailleurs doivent avoir une rémunération et ont des moyens d'agir.
J'ai consulté, pour vous en parler, les différents contrats types que l'on trouve dans la législation genevoise. Les contrats types des jeunes gens au pair - nourris et logés - prévoient un salaire de 800 F pour les personnes majeures et de 650 F pour les mineurs. Quant aux travailleurs de l'économie domestique qui ne sont pas qualifiés, ils ont droit à un salaire minimum de 3756 F par mois, pour une durée de la semaine de travail qui se monte à 45 heures, c'est-à-dire 45 heures de travail. Et vous me direz qu'il n'est quand même pas compliqué de se mettre en ordre lorsqu'on veut ou qu'on a besoin d'aide chez soi: il y a des façons faciles de le faire. Si des individus ne respectent pas ces minima, ils ont à mon avis un comportement tout à fait répréhensible.
J'ai vu moi aussi - comme peut-être d'autres de mes confrères ici - plusieurs personnes porter plainte, faire une demande auprès des prud'hommes et, clac, c'était le départ par le premier avion... Ça m'a profondément choquée, ça m'a affligée, et ça m'a amenée à essayer de négocier autrement. Et je voudrais aussi - je vous prie de transmettre au député Florey, Monsieur le président - vous faire part des dénonciations. Il n'y a pas seulement le fait que, selon la justice, certains seraient tenus de transmettre le nom des personnes en situation irrégulière: il y a aussi tout simplement les dénonciations, Mesdames et Messieurs, et ces dénonciations, on les trouve dans les couples; excusez-moi de le dire ainsi, mais ce sont les couples portugais, et il existe encore un autre Etat où les gens ont tendance à beaucoup se dénoncer... Or ça prive du droit de se défendre tous les gens, toutes les femmes battues, tous ceux qu'on menace d'une façon ou d'une autre. Il y a des gens qui sont esclaves, qui sont l'objet de traites, tout le monde en parle, et je pense que Mme von Arx-Vernon, qui malheureusement n'est pas là ce soir, abonderait dans mon sens. Il faut donc absolument voter cette motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Marc Falquet pour une minute trente.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Il y a également une autre hypocrisie qu'il faut dénoncer, c'est de toujours prétendre que les personnes au noir sont un besoin pour l'économie. C'est totalement faux ! Maintenant il y a des milliers de personnes qui ont perdu leur travail, et même celles qui pourraient travailler comme femmes de ménage, etc., ne trouvent plus de travail dans le domaine parce que le marché est justement pris par ces gens sans papiers, sans autorisation de séjour. Et les principaux fautifs, ce sont évidemment les employeurs... (Exclamations.) Ce sont les employeurs qui se permettent de prendre des personnes sans autorisation, parce qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent avec elles et les sous-payer. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je connais des gens qui sont de grands défenseurs des droits de l'Homme, qui ont employé des personnes en les payant 800 F par mois - j'en connais - et qui après viennent faire de grandes théories sur les droits de l'Homme. Alors ça me fait bien rigoler ! Il faut donc déjà que, à la base, les employeurs respectent la loi et que l'on ne favorise pas ce travail au noir.
Et concernant les dames qui sont victimes d'infractions, il faut effectivement les protéger, et la police le fait déjà ! La police n'est pas stupide: elle les protège et ne les renvoie pas la plupart du temps. Alors il ne faut pas raconter d'histoires ! Merci beaucoup.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. C'est un sujet extrêmement grave que vous traitez à travers cette proposition de motion, un sujet délicat dont je peux d'abord vous assurer, au nom du Conseil d'Etat, qu'il fait l'objet d'une attention soutenue et d'un dialogue constant entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Alors ce soir, à travers votre motion qui touche ce sujet grave, je dirais que vous illustrez un peu ce fameux proverbe qui dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions.
Je comprends tout à fait que le pouvoir législatif s'interroge, s'inquiète, se pose des questions sur les pratiques en cours. Ce que le Conseil d'Etat comprend moins, c'est que celui-ci n'ait pas pris le temps d'auditionner le pouvoir exécutif en commission. Nous serions volontiers venus expliquer quelle est la réalité des pratiques, comment nous fonctionnons et comment - de façon parfois un peu schizophrène, c'est vrai - la dimension administrative et la dimension judiciaire, pénale, travaillent plus ou moins bien ensemble lorsque des cas très concrets se posent. Nous aurions pu avantageusement vous présenter, en écho à la dernière intervention, ce que nous faisons de manière hebdomadaire s'agissant du contrôle du marché du travail - M. Falquet avait raison d'évoquer ici la dimension du travail - au carrefour avec les questions de sécurité et de protection des victimes. Nous aurions bien évidemment rappelé, parce que c'est un point fondamental, que notre première préoccupation est de protéger les victimes, potentielles ou réelles, et que c'est cela qui l'emporte sur toutes les autres considérations. Je tiens à le répéter ici et à l'affirmer haut et fort: en cela, le gouvernement de la République et canton de Genève est fidèle à sa constitution, il protège la bonne foi, il protège les victimes et il met cela au-dessus de certaines considérations d'application rigide, dirais-je, de normes pénales. Mais tout cela, Mesdames et Messieurs, nous aurions eu à coeur de vous l'expliquer dans le secret de la commission, allais-je dire. Il est bien évident que la commission rend un rapport, mais nous aurions pu vous illustrer de façon précise et méticuleuse quelques dossiers sensibles, qui précisément doivent garder une certaine dimension de discrétion.
Alors ce soir le Conseil d'Etat laisse à votre appréciation le soin de soutenir ou pas cette proposition de motion. Il regrette finalement de ne pas avoir pu présenter aux députés, de quelque commission que ce soit, le détail de ce qu'il fait aujourd'hui, parce que nous assumons nos responsabilités, et je peux vous dire qu'il s'agit parfois de cas détaillés extrêmement difficiles que nous réglons, mais nous avons le sentiment de les régler, pour l'essentiel, à satisfaction, dans le sens de la protection des victimes. Et puis nous aurons de toute façon l'occasion de présenter véritablement devant cette assemblée les solutions au problème principal qui se pose aujourd'hui, à savoir le problème du caractère, disons, illégal de la situation de nombreuses personnes qui se trouvent à Genève, ce qui de ce fait représente une hypocrisie, parce que contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure, Monsieur Falquet, ces gens, nous en avons besoin aujourd'hui dans notre marché du travail; ils représentent une réalité. Un grand nombre d'entre eux sont ici depuis plus de cinq, huit ou dix ans, ils assument une fonction économique qui - c'est vrai, l'hypocrisie est d'abord à chercher du côté des employeurs - constitue un enjeu essentiel, notamment dans l'économie domestique, mais ce n'est pas à la faveur de cette proposition de motion et des quelques cas, malheureusement toujours trop nombreux, de personnes violentées que nous réglerons cette problématique. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, nous laissons à votre appréciation le soin de réserver le sort que vous voulez à cette proposition de motion, et nous réaffirmons les principes fondamentaux - dans ce sens-là, la plupart de mes préopinants ont eu raison de le dire - qui figurent au frontispice de notre constitution. Enfin, nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement, j'imagine, sur la question des sans-papiers, parce que votre gouvernement n'est pas inactif dans ce dossier. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ai le plaisir de saluer à la tribune la présence de M. Benoît Genecand, conseiller national... (Exclamations.) ...de Mmes Anne Mahrer et Loly Bolay, anciennes présidentes du Grand Conseil, de MM. Bernard Lusti et Jean-Luc Ducret, anciens présidents du Grand Conseil, et de Mme Esther Alder, conseillère administrative de la Ville de Genève. (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, je vous invite à vous prononcer sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2331 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 79 oui contre 4 non et 3 abstentions.
Le président. Je vous signale que, comme cela a été convenu et communiqué aux chefs de groupe, je vais suspendre la séance jusqu'à 19h, où nous traiterons le RD 1166, soit l'hommage à Mme le sautier. Soyez ponctuels, s'il vous plaît !
La séance est suspendue à 18h38.
La séance est reprise à 19h.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprenons nos travaux et nous abordons le RD 1166, hommage à Mme Maria Anna Hutter, notre sautier. Je vous informe qu'exceptionnellement je donne l'autorisation de prendre des photos dans cette salle et depuis la tribune. Vous pouvez vous asseoir. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président du Conseil d'Etat, Monsieur le procureur général, Messieurs les conseillers d'Etat, Mesdames et Messieurs les conseillers nationaux, Messieurs les magistrats du pouvoir judiciaire, Madame et Monsieur les conseillers administratifs de la Ville de Genève, Monsieur le président du Conseil municipal de la Ville de Genève, Mesdames et Messieurs les anciens présidents du Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les anciens députés, Monsieur l'ancien président du Conseil d'Etat, Madame l'ancienne conseillère d'Etat, Madame l'ancienne présidente du Conseil des Etats, Madame l'ancienne conseillère aux Etats, Mesdames et Messieurs les invités,
Vous comprendrez aisément que, ce soir, je suis partagé, pour ne pas dire déchiré, entre trois sentiments. Un sentiment de fierté, puisque c'est à moi qu'incombe, en tant que 18e président ayant servi avec Maria Anna Hutter, l'honneur de prendre congé de, comme l'a dit la «Tribune de Genève» d'hier, cette grande dame, de cette femme d'exception. Un sentiment de tristesse aussi, car il n'est jamais facile de se séparer de quelqu'un avec qui l'on a travaillé, que l'on apprécie, que l'on admire et que l'on aime. Un sentiment de reconnaissance enfin, pour le dévouement et l'abnégation de notre sautier, qui a vu passer - cela nous rend relativement modestes - 18 présidents, plus de 50 membres du Bureau, 345 députés et 21 conseillers d'Etat.
Une voix. Ephémères ! (Le président rit.)
Le président. Mme Maria Anna Hutter a été la garante de notre Grand Conseil, de son bon fonctionnement et de sa crédibilité. Pas facile tous les jours d'assumer cette tâche, à l'heure où les coups d'éclat et les manoeuvres sont privilégiés. Mais notre sautier a toujours maintenu le cap de la droiture et de la rigueur.
Certes, elle et moi n'avons peut-être pas toujours été d'accord, et ce fut certainement le lot d'un certain nombre de mes prédécesseurs, mais ces quelques divergences se sont toujours conciliées, lorsqu'il s'est agi de faire respecter notre institution en tant que pouvoir. Pour cela aussi, nous devons lui être reconnaissants.
Madame le sautier, j'ai été un vice-président, puis un président fraîchement émoulu, et, avec beaucoup de tact et de sensibilité, vous m'avez accompagné, d'abord avec mon prédécesseur. Vous l'avez fait avec courtoisie, mais aussi, et il faut le préciser, avec fermeté et rigueur, toujours soucieuse de préserver la crédibilité de notre Grand Conseil. De cela, je vous suis très reconnaissant.
Certains ont dit que vous étiez une main de fer dans un gant de velours. J'aime mieux l'expression que j'ai entendue hier et qui vous décrit comme une force tranquille et bienveillante, ce qui est bien illustré d'ailleurs par le parcours professionnel et personnel qui vous a conduite jusqu'à Genève, où vous avez pu vous épanouir.
Par ailleurs, et ce ne sont pas les moindres de vos qualités, vous disposez de deux atouts majeurs: d'abord, vous avez su fédérer et motiver un personnel d'une qualité exceptionnelle, dont nous pouvons tous les jours apprécier la disponibilité et les compétences. De même, vous avez eu le souci de travailler à la recherche d'un successeur qui dispose des mêmes qualités, facilitant ainsi une transition que je pouvais craindre. Ensuite, et c'est important, vous aimez les gens; vous aimez les gens, vous allez vers eux, cela se voit, cela se sent et cela simplifie et fluidifie bien des situations.
Enfin - je me dois d'être bref, parce que l'héroïne du jour, c'est elle, et non pas nous - je sais que votre retraite sera active, bien remplie, consacrée à ce que vous aimez. Je vous la souhaite pleine, entière, harmonieuse et libre. Mes souhaits et mes remerciements, ainsi que la profonde reconnaissance du Bureau et de notre Grand Conseil, vous accompagnent. (Très longs applaudissements. L'assemblée se lève. Le président se lève et embrasse Mme le sautier à qui il remet un bouquet de fleurs.) Vous pouvez vous asseoir. J'ai le plaisir de donner la parole à Mme le sautier, Maria Anna Hutter.
Mme Maria Anna Hutter, sautier. Merci beaucoup, Monsieur le président. Je suis très contente que vous me donniez la parole au début, parce que je ne sais pas dans quel état je serai à la fin de cet hommage ! Là, je crois que ça va encore !
Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec beaucoup d'émotion que je m'adresse à vous aujourd'hui. Je suis très sensible au privilège que vous m'accordez de parler devant vous - vous le savez, d'habitude, je place quelques post-it ou je souffle à l'oreille, mais je ne parle pas à voix haute - ce d'autant plus que je pense, Monsieur le président, que le temps de parole ne m'est pas compté, n'est-ce pas ? (Rires. Mme le sautier rit.)
Le président. Pas du tout !
Mme Maria Anna Hutter. C'est bien, merci ! (Mme le sautier rit.) Ce n'est pas la première fois que je m'exprime dans cette salle. Il y a plus de trente ans, j'y ai pris un engagement: celui d'être une bonne citoyenne et de respecter les traditions de la République et canton de Genève, comme de la Confédération suisse. Cette cérémonie, il y a trente ans, avec nos huissiers en cape, m'avait beaucoup impressionnée. Depuis, j'ai eu la charge d'organiser un grand nombre de prestations de serment pour les autorités, dans cette même salle ou à la cathédrale Saint-Pierre. Chaque fois, c'est un moment fort que notre secrétariat s'efforce d'organiser avec grand soin et dans le grand respect des personnes concernées, qui sont souvent très émues.
Ce soir, j'aimerais tout d'abord saluer les nombreuses personnes qui se trouvent à la tribune du public et - comme il n'y avait pas assez de places à la tribune - ailleurs à l'Hôtel de Ville: à la salle des Fiefs et à la salle des Pas-Perdus. Pour la plupart, ces personnes ont été des acteurs des événements politiques de ce début du XXIe siècle; je vous remercie vraiment d'être venus. Je salue également mes amis qui ont pu venir, ainsi que ma fille Kweku.
N'attendez pas de moi que je parle de politique, ni que je vous dévoile des secrets, car je me tiens à la maxime du sautier qui est représentée sur l'une de ses fameuses masses, celle du XVIIIe siècle, qui porte les symboles de la fonction: une oreille, un oeil ouvert et une main écrivant. Ce soir, je vais évoquer le rôle du sautier, «résistant de la République», comme j'ai pu le lire dans un article du «Temps». «Résistant de la République»: j'aime bien, je trouve cela très sympathique ! Je remercie les auteurs des textes que j'ai consultés, M. Pierre Stoller, 68e sautier - qui est à la tribune - M. Pierre Pittard, chercheur et historien, président du Grand Conseil en 1971, et Mme Hélène Braun-Roth, présidente du Grand Conseil en 1988.
J'ai consulté d'autres sources, notamment les Registres du Conseil, l'Encyclopédie de Genève et bien entendu notre Mémorial, témoin fidèle des évolutions politiques et historiques depuis 1828. Vous le savez, j'ai l'honneur d'être le 70e sautier de la République et la deuxième femme à occuper ce poste. Il s'agit d'une fonction unique en Suisse et de la plus ancienne de notre république, puisqu'elle existe depuis plus de cinq siècles, précisément depuis le 28 janvier 1483, comme on peut le lire dans les Registres du Conseil de la Cité: «Johannes de Passy, guet, est nommé garde et habitant perpétuel de la Maison de commune [...].» Depuis 1920, la question «d'habitant perpétuel» n'est malheureusement plus d'actualité. Par contre, comme lot de consolation, une minuscule ruelle du Sautier existe depuis une trentaine d'années dans la Vieille-Ville.
Le nom de sautier, nom masculin, vient de «salterius», garde forestier à l'origine. A Genève, le sautier est d'abord le chef des guets, autrement dit le chef de la police. Parmi ses tâches, il a celle d'enfermer les ivrognes au «crotton»... (Rires. Remarque.) Vous connaissez ? (Mme le sautier rit.) ...le petit local grillagé qui se trouve en bas de la rampe de l'Hôtel de Ville.
Les appartements du sautier se situaient d'abord dans l'actuel café Papon, puis au deuxième étage de l'Hôtel de Ville, chez M. le président du Conseil d'Etat, qui était à l'époque le salon de musique, où Wolfgang Amadeus Mozart, âgé alors de 10 ans, avait joué en 1766, accompagné de sa soeur de 15 ans, Maria Anna, appelée Nannerl, qui est née dans la même ville que moi, Salzbourg.
Gardien de l'Hôtel de Ville, le sautier se devait d'assurer l'entretien des locaux. La salle du Conseil faisait l'objet de soins particuliers: il la parfumait aux clous de girofle et à la lavande. J'ai dit que je n'allais pas le faire, mais je vais quand même vous confier un secret: alors que je viens de redécouvrir ce fait, je vous avoue qu'il m'est arrivé de pulvériser des essences de géranium et de lavande dans cette salle avant les séances, afin de calmer les esprits et aussi d'éloigner les odeurs de cuisine. (Rires.) C'est l'occasion de saluer Emma, qui est à la maison, et Martine - qui m'a surveillée et qui m'a surprise - qui se trouve à la tribune.
A l'époque, le sautier était «entouré d'un nombreux personnel féminin» pour l'organisation des repas officiels. De nos jours, bien heureusement entourés de personnel féminin et masculin - ils sont presque tous là ! - nous organisons toujours des réceptions officielles, mais vous avez bien fait de ne pas me charger de préparer les repas: je ne suis en effet pas très douée pour la cuisine !
Possesseur du sceau public, le sautier apposait les scellés. Il a toujours la garde du sceau du Grand Conseil. Puis, pour donner le bon exemple au peuple, le sautier, à la tête des guets, accompagnait les syndics au culte du dimanche. Préposé à la garde de l'arsenal, seul le sautier avait le droit d'y laisser pénétrer un étranger. Il détenait aussi la clé de la Chauvinière - la terrasse devant la salle de l'Alabama - qu'il mettait à disposition des conseillers désirant s'y promener.
J'ai aussi découvert que le Conseil d'Etat, par arrêté du 19 août 1859, vu la nécessité de prendre toutes les mesures propres à prévenir les cas d'incendie, a interdit de fumer dans les cours et les bâtiments de l'Hôtel de Ville et a chargé le chancelier, le sautier, le concierge et les huissiers de veiller à l'exécution de cet arrêté, qui fut abrogé en 1905, ce qui permit plus tard d'installer des cendriers que vous trouvez à vos places !
Je vais maintenant vous citer un ordre, exécuté par le sautier, extrait des Registres du Conseil et daté du 23 avril 1538: «Monsieur le sautier est allé faire commandement à Maître Guillaume Farel et à Calvin de ne plus prêcher dans la ville et de la quitter d'ici les trois prochains jours, comme il a été décidé en Conseil général. Sur quoi lesdits prédicants ont répondu: "Eh bien, à la bonne heure ! Si nous avions servi les hommes, nous serions mal récompensés, mais nous servons un plus grand maître qui nous récompensera."» Comme vous le constatez, la fonction de sautier n'a jamais été facile !
Un autre aspect peut nous intéresser particulièrement, vous, Mesdames et Messieurs les députés, et moi-même: il s'agit d'un aspect financier - je vois le ministre des finances qui me regarde ! Dans une ordonnance du 11 février 1533, on peut lire: «que les sous...» - c'est-à-dire les jetons de présence du Conseil - «...des absents seront partagés entre les autres, et que ceux qui sortiront avant la fin n'auront rien, mais que leur sou appartiendra au sautier». (Rires. Applaudissements.)
Si cet usage s'est perdu - malheureusement, peut-être ! - d'autres traditions se sont bien maintenues. Tout d'abord, le port de la masse du sautier, symbole de la République. (Mme le sautier prend la masse en question et la présente à l'assistance.) J'ai eu le privilège et l'honneur de porter cette masse lors des cérémonies importantes. Introduit en 1568, le bâton symbolise la charge de sautier. En 1842, le port de la masse par le sautier est supprimé, mais Gustave Ador, alors conseiller d'Etat, le rétablit en 1891. Il offre à cette occasion une masse qui se trouve actuellement dans la salle du Conseil d'Etat. J'ai eu le plaisir de porter cette nouvelle masse - heureusement plus légère - offerte par le bijoutier Gilbert Albert en 1999. (Mme le sautier repose la masse. Remarque.) Elle est belle ? Oui, enfin... Elle brille ! (Rires.)
Parmi les symboles qui accompagnent la fonction, il y a aussi le lion du sautier, une sellette qui servait de siège au sautier qui y attendait les ordres des Conseils pour en assurer l'exécution. (Mme le sautier désigne le siège du sautier qui se trouve au pied du perchoir.) Comme vous le voyez, ce siège du sautier, bizarre et peu confortable, a une tête de lion aux yeux grands ouverts. Selon la symbolique issue du Moyen Age, le lion était l'emblème de la vigilance. On croyait que cet animal ne dormait jamais que d'un oeil, et veillait de l'autre. De nos jours, je pense que le sautier a toujours un peu cette fonction de «veille permanente» - ce qui n'est pas toujours évident !
En dernier, le symbole le plus connu et le plus populaire: la fameuse feuille du marronnier. Pour la découvrir, ce n'est pas un oeil de lion qu'il faut, mais un oeil de lynx, disent certains de mes collaborateurs. Chaque année depuis 1818, le sautier annonce l'arrivée du printemps. J'ai donc observé scrupuleusement le marronnier officiel, à tel point que c'était devenu comme un ami et que je lui parlais. La première feuille sortie, je communiquais la bonne nouvelle et inscrivais la date de l'éclosion sur cette tablette, qui est ici mais qui se trouve normalement dans la salle du Conseil d'Etat. (Mme le sautier désigne la tablette en question qui se trouve à côté du siège du sautier.) Le moment où j'inscris la date de l'éclosion de la première feuille est à peu près le seul où j'ai le droit d'entrer dans la salle du Conseil d'Etat !
Enfin, une petite statistique de longévité: parmi les septante sautiers de la République, cinq ont fait preuve de persévérance; j'en fais partie: M. Pétroman Falquet, de 1527 à 1546, dix-neuf ans; M. Henri Fromont, de 1830 à 1857, vingt-sept ans; M. John-Pierre Isaac Ruff, de 1858 à 1904, quarante-six ans... (Commentaires.) ...M. Pierre Stoller, de 1978 à 1996, dix-huit ans, et moi, dix-sept ans. Cette longévité ne tient pas à une volonté de «rester en place» mais, Mesdames et Messieurs les députés, à votre inventivité, car avec vous, on ne s'ennuie jamais ! (Rires.) Cette durée tient aussi et surtout à une équipe formidable, expérimentée, motivée et surtout, très sympathique. J'exprime ici ma reconnaissance immense aux membres de l'équipe du secrétariat général du Grand Conseil: sans eux, le sautier n'est rien; c'est grâce à eux que l'appui au parlement fonctionne, que chaque député est traité avec professionnalisme et respect, car nous devons adapter nos services à vos besoins spécifiques, parlementaires de milice. Ma reconnaissance va également aux présidents et aux Bureaux successifs qui m'ont donné les moyens d'atteindre la bonne vitesse de croisière pour assurer l'autonomie du secrétariat général du Grand Conseil.
Dans les textes, j'ai trouvé la citation suivante: «le sautier aide en toutes circonstances.» Je dois dire que ces «circonstances» nous réservent aussi très souvent des surprises, mais je suis persuadée que votre futur sautier, Laurent Koelliker - qui se trouve juste à l'entrée - et son équipe performante sauront remplir la fonction «en toutes circonstances».
Vous allez me manquer. Ce qui me manquera aussi, c'est l'appel de «l'Accord», la sonnerie de la cloche de la cathédrale, qui annonce la première séance du Grand Conseil du jeudi, deux heures à l'avance, et ce depuis 1536.
Mesdames et Messieurs les députés, mon mot de la fin: j'ai beaucoup aimé cette fonction. Je vous remercie. (Longs et chaleureux applaudissements. L'assemblée se lève en continuant d'applaudir. Les députés se mettent à applaudir en rythme.) Merci !
Le président. Merci, Madame le sautier. Vous nous avez donné l'occasion de constater que, certainement pour la première fois, l'ensemble des députés, les cent députés présents, arrivent à travailler au même rythme, et cela fait toujours plaisir de le voir ! (Rires.) Je vous remercie également du rappel historique que vous nous avez fait, qui nous a permis de découvrir la fonction du sautier ou de comprendre cette fonction typiquement genevoise. J'ai retenu aussi de votre intervention - cela peut éventuellement nous donner quelques idées - la destination des jetons de présence des absents, qui pourrait être revue ! (Rires.) Je vais maintenant donner la parole aux différentes personnes qui se sont annoncées pour les groupes; en premier lieu, à M. Eric Leyvraz, pour l'UDC.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Mme le sautier nous rend la masse, ce bâton symbole de la République depuis 1568, après dix-sept années de très très bons et très très loyaux services. Rarement au sein de l'administration, une personne a rassemblé autant d'approbation et de louanges pour son travail, et c'est bien mérité ! La direction du secrétariat général du Grand Conseil, le soutien au Bureau et aux présidents semblent rouler tout seuls, et quand le travail paraît simple, c'est qu'il est maîtrisé à la perfection. Donner l'apparence de la facilité quand tout est compliqué, du grand art !
Ce qui caractérise Mme Hutter, à côté d'innombrables qualités, c'est une extraordinaire force de persuasion, dissimulée, camouflée sous la plus exquise des politesses, le plus charmant sourire du Grand Conseil. Qui lui a dit non, quand elle est venue avec trois solutions à un problème, en suggérant que la troisième était sûrement la meilleure ? «Euh, oui, Madame Hutter, sans doute, ça paraît évident. Il me semble que c'est la bonne réponse.» Vous savez enfin qui a dirigé la République ces dernières années ! (Rires.) Oui, une habileté ficelée de simplicité et d'indulgence, redoutable Maria Anna ! Pour couronner tout cela, Mme Hutter est en plus une magicienne: plus forte que les chamanes, supérieure aux druides, ses pouvoirs sont mondialement reconnus, même la télévision japonaise est venue la consulter. Car, grande prêtresse de l'aesculus hippocastanum - le marronnier, en langue vulgaire - elle décide quand commence le printemps.
Merci, Madame Hutter, de la tranquillité que vous avez apportée aux différents présidentes et présidents, qui se sont toujours sentis appuyés, rassurés par vos connaissances et votre bon sens. Merci d'avoir formé une magnifique équipe de collaborateurs à votre image: efficaces et aimables. Vous avez su aussi assurer que la transition se fera sans à-coups avec votre estimé successeur, M. Koelliker. Nous sommes tous partagés entre la tristesse de vous voir partir et l'assurance que vous allez passer des jours heureux, remplis de découvertes, de voyages, de satisfaction et de participation aux repas des Présid'antan.
L'UDC est heureuse de vous offrir trois cartons de vin médaillé d'or au dernier concours genevois... (Rires.) ...et cette fois-ci, pas besoin d'être magicienne pour deviner de quelle cave ils proviennent ! (Rires.) C'est avec une réelle et sincère émotion que nous vous disons: bonne route, Maria Anna ! (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Vous savez que j'ai à coeur de respecter avec rigueur le règlement en tout temps et en toutes circonstances, mais vous me permettrez d'y déroger un tant soit peu en ne m'adressant ni à l'assemblée, ni à son président, mais directement à Mme Hutter, exceptionnellement, pour lui dire, au nom des députés titulaires et suppléants d'Ensemble à Gauche, combien nous sommes reconnaissants de son travail, combien nous sommes reconnaissants de votre travail et de votre engagement au cours des longues années de votre carrière à la tête du secrétariat général du Grand Conseil, et comme sautier de notre république. Ce message, je vous prie de le recevoir, non seulement au nom des députés actuels d'Ensemble à Gauche, mais aussi au nom de ceux qui ont fait partie du groupe au cours de la législature, ainsi qu'au nom de toute l'équipe des députés encore plus nombreux de l'Alliance de gauche, qui ont eu l'occasion de travailler avec vous déjà au siècle dernier... (Commentaires.) ...et dont j'ai eu le plaisir de faire partie.
Nous sommes reconnaissants, Madame Hutter, de votre rigueur, de votre compétence tant professionnelle que juridique, de votre expérience, chaque année accrue - mais que vous nous avez déjà apportées d'emblée en quantité considérable par votre travail et votre temps au service des Chambres fédérales - de votre engagement, je crois l'avoir déjà dit, mais aussi de votre impartialité, de votre humanité et de votre gentillesse, à laquelle le président a fait référence avec d'autres mots. Ce sont tous les éléments qui contribuent à établir l'autorité indéniable et la stature réelle considérable qui ont fait de vous, je l'avais écrit avant, mais la «Tribune de Genève» m'a gâché la chose... (Rires. Commentaires.) ...une grande dame, et vous ont permis d'exercer votre charge avec succès pendant toutes ces années parfois turbulentes et difficiles qu'ont connues notre république en général et notre parlement genevois en particulier. Nous vous sommes, Madame Hutter, reconnaissants surtout d'avoir incarné la haute, très haute image que nous nous faisons de la fonction publique, et du sacerdoce qu'elle représente, au service du bon fonctionnement de nos collectivités publiques, dans le sens des intérêts et du bien commun des citoyens et des habitants de Genève.
Nous tenons aussi à vous remercier de deux choses: d'abord, de l'esprit, des méthodes, des processus, voire des traditions que vous avez non seulement maintenues, mais réussi à enrichir et à mettre en oeuvre au service du Grand Conseil. Et, en ce qui concerne le travail de celui-ci, vous vous êtes entourée de collaborateurs et collaboratrices compétents, et qui le sont devenus encore plus à votre contact, formant - mais vous l'avez dit vous-même et le président l'a relevé également - une équipe efficace dont le travail nous rend service au quotidien, comme députés, dans tous les rôles que cela comporte.
A titre personnel, après dix ans d'absence des bancs de ce Grand Conseil, de 2003 à 2013, j'ai été très heureux de vous retrouver, bien sûr, Madame Hutter, et aussi de vous retrouver entourée pour l'essentiel d'une même équipe - bon, un peu plus mûre, un peu vieillie, mais encore plus expérimentée... (Rire. Commentaires.) Mais moi aussi ! Enfin, ce n'est pas... ! ...mais encore plus expérimentée et compétente et dont chacun et chacune était resté fidèle au poste, fidèle à notre service et donc à leur cheffe de service, et vous n'y êtes évidemment pas pour rien, bien au contraire.
Cela m'amène au deuxième point...
Une voix. Deux mille !
M. Pierre Vanek. Non, non, il y en a deux ! J'ai dit deux; on ne m'écoute pas ! (Rires.) On ne m'écoute pas assez dans cette assemblée. J'ai presque fini ! Cela m'amène au deuxième point. Il s'agit de votre départ, mais aussi de votre succession, que vous avez su préparer de manière admirable. Vous aurez sans doute réussi la gageure de démontrer que, tout en étant évidemment irremplaçable, vous n'êtes pas irremplaçable et, en effet, avec l'accession de Laurent Koelliker à votre charge, c'est un gage de compétence, de continuité et de stabilité que vous avez offert à notre parlement. Vous savez que je suis un conservateur ! (Rires.)
Pour tout cela, et pour le reste, je vous dis, Madame Hutter, merci, avec bien sûr, bien sûr, tous nos souhaits pour une très longue, très heureuse, très riche et productive retraite. Et puis, au-delà de ces éléments, pour finir - je profite des quelques instants d'intimité qu'il nous reste avant que Léman Bleu ne retransmette à nouveau nos débats - au-delà des sentiments d'estime et de respect dont j'ai tenté d'expliquer les motivations dans ce discours, à titre personnel, je vous exprime toute mon affection et - vous savez, on devient sentimental avec l'âge... (Rires.) Donc voilà, je voulais le dire ! Merci ! (Applaudissements. M. Pierre Vanek porte un bouquet de fleurs à Mme le sautier et l'embrasse.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Eric Stauffer, indépendant... Pour deux minutes ! (Rires.)
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. Je me demandais si vous alliez oser parler de minutes, mais bon ! (Rires. L'orateur rit.) Maria Anna, je ne vais pas répéter ce que mes collègues ont dit, je fais leur parole mienne. Mais j'aimerais aborder une autre facette de votre personnalité, qui n'a pas encore été évoquée. (Commentaires. Rires.) Oui, je vous vois inquiète, je sais, mais... ! Nonobstant ce qu'on pourrait croire, Mme le sautier me connaît très bien - elle a appris à me connaître - depuis 2005, et je pense, sans trop m'avancer, qu'un respect mutuel s'est installé. Ce dont je veux parler, c'est de l'amour que vous portez en vous: vous êtes la seule personne dans ce Grand Conseil avec qui on ne peut pas se fâcher ! Parce que vous aimez les gens, et cela se ressent. Je crois que chacun d'entre nous l'a ressenti: même quand dans certaines séances, des députés - toute coïncidence avec ma personne est fortuite ! - sont très agités, vous arrivez, par l'amour que vous portez aux gens, à calmer tout le monde. On ne peut pas vous dire non, et cela a toujours été ainsi. Ce fut un plaisir pour moi et une fierté, d'abord, modestement d'apprendre à vous connaître, de vous respecter, et ensuite, surtout, de constater votre impartialité totale ! Peu importe si c'était un député MCG, de gauche, de droite, du moment où il avait raison, vous avez fait plier tous les présidents ! J'en ai un devant moi qui se souviendra de quelques épisodes, un autre qui n'est plus là, qui se souviendra aussi de quelques épisodes, mais du moment où un député avait raison... C'est vraiment tout à votre honneur, et c'est cela la grandeur d'une institution: vous n'avez jamais pris parti pour une faction ou pour un côté ou l'autre de l'échiquier.
C'est de cette manière-là que je voulais vous rendre hommage ce soir, et vous dire combien j'ai eu de plaisir à travailler avec vous depuis 2005, quand nous sommes arrivés dans ce parlement; et c'est vrai que - je représentais un parti à l'époque - nous étions les bleus... (Rires.) ...nous avons reçu chacun une caisse de documents, qui contenaient toutes les explications, et comme nous n'avions pas de passé parlementaire, j'ai dû me taper des kilomètres de projets de lois pour juste savoir de quoi on parlait dans cet hémicycle et commencer à comprendre comment fonctionnait le parlement, parce que nous n'en avions aucune idée ! Et votre aide, encore une fois, empreinte d'impartialité, pour le respect des institutions, vous fait honneur. Je tenais à vous le dire personnellement et je vous souhaite une merveilleuse continuation et plein de bonheur dans votre vie. Merci, Maria Anna ! (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Si vous me le permettez, Monsieur le président, je m'adresserai également directement à Mme le sautier, Mme Hutter. Chère Madame Hutter, il est vrai que je suis chef de groupe depuis peu de temps, député depuis trois ans, soit seulement trois ans sur ces dix-sept ans que vous exercez cette fonction, mais ma foi ces trois dernières années, j'ai pu apprendre à vous connaître. Il est néanmoins certain que, quelque part, je vous connaissais d'une façon indirecte depuis plus longtemps, puisque j'étais président du parti socialiste avant d'être député, et que je voyais très souvent passer ces e-mails de députés du groupe disant: «Je vais demander l'avis de Maria Anna.», «Je vais voir avec Maria Anna.», «Je vais voir avec Maria Anna si on peut faire ça.» Je me demandais: «Mais qui est cette Maria Anna, dont le sort du canton de Genève visiblement dépend et dont la politique du parti socialiste également ?!» (Rires.) Finalement, j'ai appris que cette «Maria Anna» était Mme Hutter, le sautier de ce Grand Conseil. Dans un premier temps, j'ai donc appris à vous connaître de cette façon indirecte, comme une sorte de confessionnal pour les députés du groupe socialiste, il faut l'admettre et, je le vois, pour l'ensemble des députés dans ce parlement.
Puis, étant donné que je ne siège ici que depuis trois ans, j'ai posé la question à quelques-uns de mes camarades qui siègent depuis un peu plus longtemps, notamment à Lydia Schneider Hausser, pour qui il a été marquant de voir vraiment mis en oeuvre un management participatif, de voir la marge de participation que vous avez laissée à vos collaborateurs et collaboratrices. Vous les avez remerciés, et je crois que je peux également les remercier au nom du groupe socialiste pour l'excellent travail fourni, et saluer cette méthode qui, vous le savez, est chère au parti socialiste, puisque le management participatif est bien évidemment l'une de nos valeurs. Par ailleurs, vous allez voir, nous en partageons plus d'une, et je suis certain qu'une fois cette fonction passée, pour votre retraite, je pourrai vous donner un formulaire, et que vous pourrez vous engager au parti socialiste ! (Rires. Commentaires.)
Une deuxième valeur est l'indépendance du secrétariat vis-à-vis de la chancellerie - c'est mon camarade Alberto Velasco qui me soufflait cela - ce qui, il y a quelques années, n'était visiblement pas acquis et que vous avez vraiment réussi à mettre en place, pour obtenir une véritable séparation des pouvoirs - encore une fois, une valeur proche des socialistes.
De plus, je suis obligé de le dire, mon camarade Roger Deneys qui, vous le savez, est très attaché en particulier aux questions fiscales et financières avant tout, m'a fait part de votre capacité - je vous prie de m'excuser - à serrer les bourses des présidents... (Rires.) ...serrer les bourses des présidents plus particulièrement concernant les voyages des commissions, les demandes de certaines commissions, les demandes de certains présidents, voulant dépenser - c'est vrai - peut-être parfois de façon un peu excessive cet argent, ainsi que de votre capacité à faire preuve de rigueur - on en parlait, et ce sera plus élégant que le terme employé avant - cette rigueur permettant de garder en effet un certain équilibre. Or cette rigueur est, on le sait également, encore une valeur socialiste, la rigueur budgétaire, je crois qu'il est inutile de le rappeler dans cette salle ! (Rires.)
Maintenant, vous vous dirigez vers un nouveau cap: votre retraite. Je suis certain, en plus de l'adhésion au parti socialiste... Et vous l'avez dit, vous avez cette volonté d'entrer dans des associations et de militer d'une autre manière, dans un engagement différent. Pour votre retraite, je ne peux que vous conseiller de vous engager dans des activités parascolaires. Certains l'ont évoqué plus tôt, vous avez développé pendant toutes ces années des compétences que l'on retrouve dans les activités parascolaires: des compétences de pédagogie, la compétence de gérer des situations affectives délicates avec des individus qui pourraient être agités à certains moments et agir de façon peut-être pas toujours rationnelle et, enfin, des compétences d'empathie, il faut le préciser. Dès lors, vous avez un avenir proche qui est à mon avis tout tracé, puisque vous avez acquis toutes ces compétences, et votre CV ne peut qu'être enrichi dans ces domaines-là.
Plus sérieusement, je conclurai avec tous les remerciements que le groupe socialiste souhaite vous adresser et que j'ai l'immense honneur de vous transmettre ce soir, et sur un point qui nous touche et nous tient à coeur, j'ai pu en parler avant, à savoir cette trajectoire, ce parcours de vie que je ne connaissais pas. Aujourd'hui, à l'heure où nous parlons beaucoup d'immigration, ce parcours de vie, ce si bel exemple d'immigration et de la richesse qu'elle peut apporter à Genève, à notre canton, à notre pays, est un symbole particulièrement fort. C'est un enrichissement pour notre canton, je l'ai dit, et il est intéressant et nécessaire de le faire connaître un maximum.
Sincèrement, au nom du groupe socialiste, nous vous remercions pour ce que vous avez fait pour ce parlement, pour le canton de Genève. Un très grand merci, Madame Hutter ! (Applaudissements. Mmes et M. Caroline Marti, Romain de Sainte Marie et Nicole Valiquer Grecuccio se lèvent et embrassent Mme le sautier à qui ils remettent un cadeau et un bouquet de fleurs.)
M. Guy Mettan (PDC). Chère Maria Anna, j'aimerais tout d'abord préciser que ce texte est un texte collectif et qu'il a notamment été écrit par Anne Penet, que vous connaissez bien. Ce soir, nous prenons congé de quelqu'un de rare, une personne qui laissera une trace discrète, mais infiniment durable pour toutes celles et tous ceux qu'elle aura côtoyés toutes ces années dans les travées du Grand Conseil. A une autre époque, on l'aurait décrite comme une magicienne. C'est vrai que, comme Viviane, Morgane et Mélusine, elle possède un pouvoir magique sur les choses comme sur les personnes, grâce à son lien avec la nature. Dès lors, rien d'étonnant que Mme le sautier ait vécu pendant dix-sept ans une liaison suivie avec un arbre, à qui elle donnait fidèlement rendez-vous, printemps après printemps. Les druides du temps jadis avaient leur gui; Mme le sautier, elle, n'aura eu son Guy avec un «y» que pendant une année ! (Rires.) Mais elle aura eu, encore mieux, son marronnier pendant dix-sept ans ! Un arbre protecteur et bienfaisant, résistant au froid comme au chaud, un arbre par ailleurs tout à fait destiné à s'installer sur la Treille. Aux yeux du groupe démocrate-chrétien, qui compte d'éminents spécialistes de la pharmacie et de la médecine, cet arbre possède en effet des vertus particulièrement utiles à proximité du Grand Conseil: il est anti-inflammatoire, donc radical contre les ego surdimensionnés; il est anticoagulant, donc idéal contre les idées sclérosées; enfin, il est fébrifuge, donc parfait pour lutter contre les brusques montées de température lors des débats sur des sujets sensibles.
Plaisanterie mise à part, la sensibilité et la finesse sont sans conteste au premier rang des qualités de Mme le sautier, que je m'honore de tutoyer depuis 2009. Chère Maria Anna, au nom du groupe démocrate-chrétien actuel, mais aussi de tous nos collègues qui ont eu le privilège de travailler avec toi depuis dix-sept ans, je voudrais te dire tout simplement merci. Merci d'abord d'avoir été l'alchimiste qui, à force de patience et de professionnalisme, aura trouvé une pierre philosophale toute particulière. Celle du Grand Conseil n'aura pas permis de transformer le plomb en or, mais on aura tout de même réussi à faire de ce parlement un laboratoire où les expériences et les alliages les plus originaux auront vu le jour. Merci ensuite d'avoir, comme tous les alchimistes, cherché la formule universelle permettant d'avoir des débats à peu près sereins. Cette panacée n'existe évidemment pas ! Mais, grâce à ta maîtrise des sujets, tu auras réussi à limiter les dégâts collatéraux, tels que les explosions de colère souvent, ou parfois les jets de projectiles plus ou moins liquides. N'est-ce pas, Eric ? (L'orateur rit.) Merci enfin d'avoir trouvé le parfait dosage entre humour et fermeté, pour permettre au parlement de faire son travail, ou à peu près. Grâce à toi, tes dix-sept présidents successifs auront évité de se transformer en apprentis sorciers, en réinterprétant le règlement du Grand Conseil.
En conclusion, j'aimerais rappeler qu'il n'y a pas de départ sans cadeau. Ce cadeau nous l'avons choisi avec soin. Nous y avons même pensé ensemble dès 2009, puisque je veux parler de la rénovation de la salle du Grand Conseil et qu'on peut le dire, c'est Maria Anna qui m'a, lors du discours de Saint-Pierre de 2009, inspiré l'idée de lancer ce projet de rénovation de salle. Donc, grâce à vous, Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons ce soir offrir un cadeau de départ à Maria Anna, digne de ce qu'elle a fait pour la République.
Au nom du groupe démocrate-chrétien, j'aimerais juste dire: merci pour tout, Maria Anna, et chapeau bas ! (Applaudissements.)
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Ce soir, nous fêtons une dame et une femme. En relisant des passages sur l'histoire du féminisme, je relis en même temps votre parcours de vie sur le plan de votre carrière, qui dénote de l'indépendance et une très très grande vision. Vous faites preuve de découverte, vous vivez d'un rêve, l'attachement à Genève par exemple, avec votre volonté de vous dépasser tout en vous assumant. Finalement, la licence en droit vous permet d'assouvir votre curiosité et met en évidence votre capacité d'adaptation, vous avez pu vous dépasser et ne pas regarder les a priori et les tabous, vous avez gagné la liberté. C'est l'histoire d'une personnalité bien trempée qu'adoucissent des yeux bienveillants. (La voix de l'oratrice tremble d'émotion.) Excusez-moi, je suis assez émue ! C'est donc l'histoire d'une personnalité bien trempée qu'adoucissent des yeux bienveillants, d'une personne à l'écoute active, qui nous a traités à égalité, avec un mélange de douceur et de fermeté, dans l'enthousiasme et la recherche de solutions aux différentes situations qui se présentent à vous. A votre chère équipe et à nous, les députés, vous avez donné confiance, vous nous avez fait confiance. L'humour est une constante chez vous. L'harmonie semble aussi influencer votre mode de fonctionnement. Toujours aller de l'avant, persévérer, négocier pour de meilleurs résultats et pour l'ensemble de nos concitoyens. Tout en vous: la douceur, le chatoiement des couleurs, le ton de votre voix, vos yeux interrogateurs et malicieux entre autres, caractérisent la femme qui est en vous. L'ensemble de ce que vous nous avez donné fait de vous une dame que je remercie du fond du coeur et avec émotion. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Beaucoup de choses ont déjà été dites. J'ai préparé quelques lignes... (L'orateur déploie un très long papier affectant la forme d'un parchemin, au dos duquel il est écrit à la verticale «S-A-U-T-I-E-R». Rires.) Je vais essayer d'être très bref ! Chère Maria Anna, Madame le sautier, relater la qualité de votre travail en peu de temps est une mission impossible, comme l'était d'ailleurs la mission que vous avez acceptée en répondant à l'offre d'emploi publiée par le Bureau du Grand Conseil il y a quelque temps. Je cite: «Vous assumerez une des plus importantes fonctions de la République et canton de Genève.» 1999 ! 1999, c'est l'année de mon mariage - je n'oublie pas, chérie, je te rassure ! - mais c'est aussi l'année de l'entrée en vigueur de la monnaie unique européenne, l'euro. 1999, l'année enfin de la nomination de deux personnalités féminines à des postes importants, à savoir Mme Carla Del Ponte, nommée procureure au Tribunal pénal international, et Mme Maria Anna Hutter, nommée sautier au Grand Conseil de la République et canton de Genève.
En effectuant quelques recherches sur la fonction que vous avez accepté d'exercer, j'ai constaté que 666 - oui, oui, le chiffre du diable ! - 666 années auparavant, donc en 1333, votre fonction était celle de garde forestier ou garde champêtre. Voilà ! Comme indiqué sur le site du Grand Conseil, en 1883, votre rôle était celui de chef des guets: nous aurions pu être collègues ! Vos tâches diverses étaient alors les suivantes: transmettre des ordres ou messages des autorités, convoquer les habitants appelés par le Conseil, garder les prisonniers - vous l'avez mentionné tout à l'heure - procéder à des saisies, estimer des objets donnés comme gages, gérer le chauffage, ce qui est toujours d'actualité... (Rires.) ...et le stock de bois, ainsi qu'assister aux séances du Conseil. Heureusement, le cahier des charges a été modifié depuis et vous avez assuré pleinement le fonctionnement de tous les rouages de notre parlement.
J'ai lu dernièrement un article de presse, tout comme M. Pierre Vanek, où il était mentionné que «soutenir les députés du Grand Conseil est une autre des tâches [de Mme le sautier]». Et vous répondez: «Ce sont des élus du peuple qui prennent énormément de temps privé pour leur engagement politique. Nous leur devons du respect.» A notre tour, Maria Anna ! Nous vous devons un respect que vous avez largement mérité au fil de ces années. Vous avez veillé avec doigté et habileté, sachant faire preuve d'une redoutable efficacité qui s'est révélée particulièrement utile au bon fonctionnement de notre parlement, aux rouages essentiels de nos institutions.
En plus de votre rôle institutionnel, vous avez, pour quelques jours encore, la charge d'un service qui permet aux députés d'effectuer un travail pratiquement exemplaire et qui assure aux citoyens un pouvoir législatif de haute qualité. Vous avez assisté, cela a été relevé également, à moult débats, calmes parfois, agités trop souvent, ce qui est aussi le signe d'une démocratie vivante et à l'écoute de la société. Vos conseils avisés ont souvent été un précieux appui aux présidents et aux Bureaux du Grand Conseil successifs, qui devaient prendre les décisions finales. Vous étiez, Maria Anna, la 70e personne à porter le titre de sautier. Vous avez rempli votre devoir avec discrétion, gentillesse, rigueur, disponibilité, et il en a fallu certaines fois !
Le personnel du secrétariat général du Grand Conseil a d'ailleurs pris, comme on le dit vulgairement, votre pli et nous tenons ici à le remercier également. Nous nous réjouissons de travailler avec votre successeur, M. Koelliker, pour les années à venir. Notre mouvement vous souhaite, chère Maria Anna, une longue et agréable retraite. Merci. (Applaudissements. M. Jean-Marie Voumard embrasse Mme le sautier et lui remet un bouquet de fleurs.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez reçu sur votre pupitre un texte pour lequel je vous donnerai des explications sur la façon dont nous allons l'utiliser, mais ce n'est pas un amendement supplémentaire. Je vais maintenant donner la parole, et c'est une première dans cette salle, à un duo, certes du même parti, mais à un duo quand même: je cède le micro à MM. les députés Gabriel Barrillier et Antoine Barde.
M. Antoine Barde (PLR). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-nous de commencer l'hommage de notre groupe par une devinette que je pose à mon collègue Gabriel: deux personnalités d'origine autrichienne ont marqué l'Histoire - avec un grand «H» - de notre république à plusieurs siècles d'intervalle. Quelles sont-elles ?
M. Gabriel Barrillier (PLR). Mon cher Antoine, facile, votre question ! Je songe en premier lieu au comte Ferdinand von Bubna und Littitz, général, commandant d'un corps d'armée de la coalition contre Napoléon après Waterloo. Il délivra Genève de l'occupation française le 30 décembre 1813, avant de poursuivre sa campagne de France. Il est vrai que la présence de ce général fut très éphémère, mais il n'en fut pas moins fait bourgeois d'honneur par les autorités de l'époque.
M. Antoine Barde (PLR). Bon, très intéressant... Je pense que vous allez nous servir maintenant le souvenir de l'impératrice Sissi pour la seconde célébrité !
M. Gabriel Barrillier (PLR). Vous n'y êtes pas du tout, cher ami ! Une impératrice assassinée sur les quais ne suffit de loin pas à faire la fierté et la renommée de notre cité. Non ! Je songeais à ce 15 juin 1999, qui vit notre Grand Conseil, d'une main particulièrement heureuse, nommer une certaine Maria Anna Hutter, Suissesse d'origine autrichienne, au poste de sautier de la République.
M. Antoine Barde (PLR). Ah oui, le poste de sautier ! Typiquement genevois, celui-là ! Depuis 1483, tout à la fois chef des guets et gardien de la Maison de ville. En fait, le sautier tient la baraque: 70e dans l'ordre de succession et deuxième femme à occuper ce poste stratégique, Maria Anna a incontestablement contribué à libérer le Grand Conseil du joug, supposé ou parfois avéré, des deux autres pouvoirs; un combat incessant, vous en conviendrez, pour affirmer l'indépendance du premier pouvoir que nous envient bien des autres Grands Conseils de Suisse.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Entre nous, Antoine, une véritable patronne, cette Maria Anna: intraitable, incorruptible gardienne du temple, qui a assisté, soutenu, materné ou piloté - c'est selon - les dix-huit présidentes et présidents qui se sont succédé durant son règne... pardon, durant son mandat ! La langue m'a fourché ! Dix-huit couples différents, dont l'un des partenaires n'a jamais changé ! (Rires.) Situation intéressante, il est vrai, mais pour lequel des deux partenaires: le président ou le sautier ?
M. Antoine Barde (PLR). Bah, ça dépend des présidents et du degré de confiance et de complicité qui s'instaurait dans ce couple éphémère, témoins privilégiés, depuis le bureau porte close du dernier étage, des bruissements provenant de l'assemblée, d'idylles naissantes, parfois, de ruptures, d'ébauches de coups de Jarnac, de trahisons, enfin quoi, tout ce qui fait le quotidien de la vie d'un parlement !
M. Gabriel Barrillier (PLR). J'imagine que la présidente et les sept présidents radicaux et libéraux ayant occupé le perchoir, dont deux nous ont malheureusement déjà quittés, ont connu ces petites satisfactions que procurent secrets d'alcôve et rumeurs et qui donnent un peu de piment à cette fonction, somme toute assez modeste et pas toujours reconnue à sa pleine valeur. Nous voulons aussi ce soir les associer à l'hommage de notre groupe.
M. Antoine Barde (PLR). Daniel Ducommun.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Bernard Annen.
M. Antoine Barde (PLR). Bernard Lescaze.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Marie-Françoise de Tassigny.
M. Antoine Barde (PLR). Michel Halpérin.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Renaud Gautier.
M. Antoine Barde (PLR). Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Antoine Barde. (Rires.)
M. Antoine Barde (PLR) et M. Gabriel Barrillier (PLR). (En choeur.) Madame le sautier, chère Maria Anna, nous vous exprimons notre reconnaissance pour avoir assuré, dans la discrétion et la constance, avec humour, bonne humeur, patience et efficacité, le bon fonctionnement du Grand Conseil, en défendant inlassablement et sans rien laisser passer les prérogatives du parlement, tout en veillant à la bonne tenue générale, gage de la crédibilité de notre institution. Mme le sautier s'en va, vive Mme le sautier ! (Applaudissements. MM. Antoine Barde et Gabriel Barrillier embrassent Mme le sautier et lui remettent un cadeau.)
M. François Lefort (Ve). Chère Maria Anna - vous transmettrez, Monsieur le président - tous les peuples qui ont eu une histoire avant nous nous ont légué un peu de leurs croyances. Si les Grecs anciens vénéraient Mnémosyne, la Titanide de la mémoire, la gardienne des secrets et des souvenirs du monde, les Romains avaient Moneta, la déesse de la mémoire, qui, comme son nom ne l'indique pas, n'est pourtant pas une déesse PLR ! (Rires.) Chez les Vikings, Mimir était le plus réputé des dieux pour sa grande sagesse, le gardien de la fontaine sacrée de la mémoire et de la connaissance. Et parmi les dix puissances de la kabbale, Hod est le réceptacle de la connaissance et la gardienne des secrets. Quant à l'archiviste de tous les souvenirs, gardienne de la mémoire des pierres et protectrice des traditions, c'était la mère de clan du deuxième cycle lunaire chez les Indiens d'Amérique. D'ailleurs, de tous ces illustres prédécesseurs, c'est peut-être elle la parente la plus proche de notre sautier, Mme Maria Anna Hutter, 70e sautier de la République, dont le rôle essentiel et méconnu est justement en fait de garder la mémoire des pierres de l'Hôtel de Ville et de protéger certaines des traditions de la République, au doux nom de «loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève».
Madame le sautier, chère Maria Anna, c'est donc avec une prière indienne à l'envers que je vais vous saluer. Vous qui nous aimez, nous vous relâchons, nous vous laissons partir, car vous avez tant de choses à faire et à voir encore, loin de nous. Ne pleurez pas en pensant à nous, qui vous sommes reconnaissants pour toutes ces belles années, vous qui nous avez donné votre amitié, vous serez toujours le froissement des pages du Mémorial, vous serez toujours les feuilles de votre marronnier, vous serez le sourcil amical mais réprobateur de nos facéties du Bureau, vous serez bien sûr un rappel à la sagesse, c'est-à-dire un rappel à la LRGC.
Nous vous laissons partir, puisque vous l'avez voulu, mais nous savons que vous êtes déjà l'inspiratrice de votre successeur, le sautier désigné, et bientôt 71e sautier, un sautier tout neuf, que nous nous réjouissons d'éprouver dès le mois prochain. (Rires.)
Les Verts, chère Maria Anna, tiennent à vous remettre un petit quelque chose, afin de rendre cette séparation plus douce, en vous permettant d'exercer, encore, une de vos fonctions essentielles, certainement celle que vous préférez, à domicile. Au revoir, Maria Anna ! (Applaudissements. L'assemblée rit, alors que Mmes Sarah Klopmann et Frédérique Perler transportent un cadeau très volumineux qu'elles déposent au pied du perchoir. Mme le sautier déballe le cadeau et découvre un marronnier décoré. Elle embrasse Mmes et M. Sarah Klopmann, François Lefort et Frédérique Perler.)
Mme Christina Meissner (HP). Chère Maria Anna, Madame le sautier, vous en avez vu, des conseillers d'Etat ! Vous en avez materné, des présidents ! Vous en avez aidé, des députés, et je puis en témoigner moi-même, comme tant d'autres ce soir dans la salle. Merci !
L'animal qui orne le siège du sautier est un lion, mais c'est bel et bien une lionne qui l'occupe, et je ne le dis pas simplement du fait de la fière crinière - d'ailleurs, votre successeur, Laurent Koelliker, aura un peu de peine à vous faire de l'ombre de ce côté-là ! (Rires.) - mais parce que vous êtes discrète et en même temps toujours attentive: vous voyez tout, vous entendez tout, et vous êtes toujours prête à bondir pour rappeler le règlement, les salutations d'usage, les hommages. Vous veillez sur notre parlement, mais aussi sur tout votre secrétariat, que vous avez si bien, je n'ose pas dire dressé, mais habitué à effectuer un travail de qualité. Vous veillez aussi sur le marronnier, à tel point que vous avez assuré sa descendance et aussi votre succession ! Du fait de cette sagesse, de cette justesse, de cette compétence, personne ne vous résiste, et c'est tant mieux !
Pour toutes ces raisons, pour toutes ces années que vous nous avez données, merci ! Maintenant, quoi que vous entrepreniez, profitez, vous le méritez ! Et puisque notre logorrhée ne vous a, semble-t-il, pas lassée des langues étranges et étrangères, je terminerai par un «hakuna matata» bien mérité, bien approprié, et on t'aime, Maria Anna ! (Applaudissements. Mme Christina Meissner embrasse Mme le sautier avant de reprendre sa place au perchoir.)
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, j'ai à présent l'honneur et le plaisir de donner la parole à Mme Christine Sayegh, ancienne présidente du Grand Conseil et présidente des Présid'antan, qui sont tous les anciens présidents de ce Conseil. Madame Sayegh, vous avez la parole.
Mme Christine Sayegh. Merci, Monsieur le président. Monsieur le président du Grand Conseil, Mesdames et Messieurs les députés, au nom des Présid'antan, dénomination du groupe réunissant les anciens présidents du Grand Conseil, j'ai l'honneur et le plaisir de prendre la parole ce soir pour rendre à notre tour un bel hommage à Maria Anna Hutter, le sautier du Grand Conseil, qui aura marqué son temps avec un savoir-faire et une intelligence remarquables.
Rappelons que le Grand Conseil, dont une partie était encore dévolue à l'époque à la chancellerie, a voté son autonomie organisationnelle complète en 1997. Par là même, notre parlement a procédé à l'élaboration des conditions de son propre fonctionnement. Le cahier des charges du sautier a pris de l'ampleur et Maria Anna Hutter a su le magnifier de manière très appropriée. Elle a su affermir la présence et la visibilité du parlement, conformément à l'esprit de Montesquieu et la séparation des pouvoirs.
La personnalité de Maria Anna Hutter n'est pas étrangère à ce succès. Doté d'une autorité naturelle, d'une vision d'avenir, d'un pouvoir d'anticipation, le tout associé à un sourire à toute épreuve, notre sautier a mené sa mission avec conviction, objectivité et clairvoyance. Le résultat est tout simplement parfait.
Les Présid'antan sont également bénéficiaires de l'organisation mise en place par Maria Anna Hutter, qui a intégré dans ses tâches le règlement non écrit du fonctionnement de notre groupe et l'a pérennisé dans le cahier des charges du sautier. Merci, Maria Anna ! L'une des règles va d'ailleurs nous permettre d'accueillir avec joie Maria Anna Hutter comme nouvelle membre des Présid'antan, et rester en contact avec les événements majeurs du Grand Conseil.
Madame le sautier, chère Maria Anna, les Présid'antan vous félicitent et vous remercient très sincèrement de votre mission pour le rayonnement de notre parlement et se réjouissent de vous retrouver aux déjeuners annuels qui les réunissent.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie chaleureusement d'avoir donné l'occasion aux Présid'antan de se joindre à vous pour honorer Maria Anna Hutter à la veille de quitter ses fonctions au service de notre parlement. Bravo ! Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la présidente. J'ai le plaisir et l'honneur de passer maintenant la parole à M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Madame le sautier, il y a quelque chose de papal à m'exprimer, Madame le sautier, de dos devant vous, comme il y aura dans quelques instants quelque chose de christique dans l'idée que Jean Romain sera agenouillé devant moi pour me photographier ! (Rires. Applaudissements.) Je suis chargé, au nom du gouvernement, et je le fais avec un immense plaisir, de vous exprimer ma gratitude. Le gouvernement s'associe aux remerciements et aux éloges qui ont été prononcés tout à l'heure. J'aimerais y ajouter deux points particuliers.
Vous avez, Madame le sautier, dirigé un service qui fonctionne, et c'est important pour les différentes... (Rires. L'orateur s'interrompt. M. Jean Romain, qui tout au long de la séance a pris des photos de l'assemblée - en s'agenouillant - amène, au pied du perchoir, une chaise sur laquelle il s'assied pour prendre M. François Longchamp en photo.) ...les différentes institutions... (M. François Longchamp fait le signe de bénédiction à M. Jean Romain. Rires.) ...les différentes institutions... Je n'ai jamais pensé qu'un jour je ferais le signe de croix en tant que président du Conseil d'Etat ! Radical canal historique dans cette salle ! (Rires.) Reprenons de manière sérieuse ce discours. J'aimerais, Madame le sautier, vous dire que le Conseil d'Etat éprouve de la gratitude, parce que vous dirigez un service qui fonctionne, et la République a besoin d'un service de parlement qui fonctionne, d'un Mémorial qui est mis à jour, de procès-verbaux qui sont tenus dans les délais, d'une organisation de séances qui est celle que vous avez menée à bien durant ces dernières années.
J'aimerais vous dire aussi que le Conseil d'Etat vous doit une reconnaissance, parce que vous avez toujours veillé au bon fonctionnement des institutions, et vous avez su rappeler, dans des moments clés, que nous étions une institution et que vous étiez dans une institution qui faisait partie d'un tout. Vous avez rappelé, et vos origines bernoises - professionnelles - vous y amenaient probablement, que nous sommes un canton suisse et que nous devons respecter le droit fédéral ainsi qu'un certain nombre de préséances fédérales. Vous avez toujours su rappeler, lorsque ce Grand Conseil se mêlait d'affaires internationales, que nous n'étions qu'un canton suisse et qu'il y avait des règles internationales, des règles diplomatiques à respecter devant les organisations internationales, devant les ambassades, devant les pays étrangers, devant les pays voisins. Vous avez aussi su rappeler - je salue la présence du procureur ici - qu'il ne suffisait pas de faire la loi pour s'affranchir du devoir de la respecter et vous avez toujours su indiquer que le respect des prérogatives judiciaires était une tâche essentielle d'un parlement. Vous avez aussi eu, chose rare, une autorité sur ce parlement - vous êtes d'ailleurs bien la seule ! (Rires.)
Cela étant dit, face à toutes ces louanges qui viennent d'être faites, je me dois de rompre une lance pour vous dire, Madame le sautier, que quelques reproches doivent néanmoins vous être adressés; je ne pensais pas que vous puissiez partir sans que, malheureusement, nous vous fassions quelques modestes reproches. Dans les cahiers des charges de vos prédécesseurs, il y avait certains devoirs auxquels vous ne vous êtes pas soumise. Vous étiez, ou plus exactement, vos prédécesseurs étaient chargés de tous les services dont la Seigneurie pouvait avoir besoin - chacun aura compris que la Seigneurie était une façon habituelle de désigner le Conseil d'Etat à l'époque ! (Rires.) Vos prédécesseurs étaient donc chargés de «tous les services dont la Seigneurie pouvait avoir besoin et de faire accompagner le festin de nos seigneurs, lorsqu'ils voulaient régaler quelques personnes d'importance». C'est ainsi, par exemple, qu'en 1549, votre prédécesseur, Aymé des Arts, avait été chargé par le Conseil d'Etat de l'époque d'organiser une réception en l'honneur de Jean Calvin. Alors même que la commission des finances n'existait pas, pas plus que la Cour des comptes, il avait fixé pour condition de ne pas dépasser le budget de 33 florins par personne. Pour ce prix, le sautier de l'époque avait réussi à nourrir sept personnes en leur offrant huit pâtés, une truite, douze volailles et un demi-mouton... (Rires.) ...ce qui démontre bien le sens de la maîtrise des dépenses, qui a été souligné tout à l'heure également vous concernant. Vous étiez aussi chargée, visiblement dans mon bureau, la salle Mozart - on y faisait beaucoup de choses - «de préparer les salles pour la danse et ordonner les violons, ainsi que la belle collation d'épicerie fine, confitures sèches, orangeades et malvoisies, dans ces grands jours où les femmes et les filles viennent s'essayer au menuet». Madame le sautier, vous n'avez jamais organisé de bal pour le compte du Conseil d'Etat ! (Rires.) Et c'est là le deuxième reproche que nous entendons vous faire.
Vous n'avez, il est vrai, pas commis quelques-unes des bourdes de vos prédécesseurs, notamment celui qui a été remercié pour s'être changé à la hâte dans un petit bureau et qui avait oublié de remettre son pantalon sur son caleçon molletonné; il en a perdu ses emplois. (Rires.) Vous n'avez pas non plus - et là, je ne sais pas si c'est à la fois un reproche ou un compliment qu'on pourrait vous adresser - connu le sort de l'un de vos prédécesseurs, dont vous citiez d'ailleurs le nom il y a quelque temps dans la «Tribune de Genève», à savoir Alphonse Wiedmer; c'est l'homme qui avait choisi en 1929 le marronnier qui a rendu l'âme il y a une année. Simplement, occupé au choix des marronniers, cet homme avait également commis quelques petites escroqueries: il avait détourné de l'argent à l'Union des fonctionnaires de l'Etat. (Rires.) Madame le sautier, si vous caressez l'idée de vous attaquer au trésor de guerre du Cartel intersyndical... (Rires.) ...il se pourrait que le Conseil d'Etat vous en sache gré ! (Rires. Applaudissements.) Ce brave homme a été licencié après que la «Tribune de Genève» - j'en salue des éminents représentants à la tribune justement - a commis un article pour annoncer les détournements opérés par le sautier, qui à l'époque était le sautier du Conseil d'Etat, et cette phrase de l'article du 6 août 1930 m'amène à penser que la presse aussi a évolué. Relatant les faits de cet homme peu scrupuleux et narrant cette aventure, qui visiblement était connue dans la République depuis un certain temps, la «Tribune de Genève» écrit: «Si nous n'avons pas saisi plus tôt le public de cette affaire, c'est que nous ne voulions pas qu'on pût nous reprocher d'avoir empêché M. Wiedmer de trouver les fonds nécessaires pour boucher le trou qu'il a creusé.» (Rires.) Cette précaution de la presse de l'époque tranche à vrai dire assez somptueusement avec l'incident qui m'est arrivé hier, lorsque j'ai découvert sur le site de la «Tribune de Genève» une interview que je n'avais jamais donnée ! (Rires.)
Madame le sautier, il a été relevé tout à l'heure que vous étiez la deuxième femme à avoir exercé cette fonction. La première a épousé le président du Conseil d'Etat... (Rires.) ...et je crois, Madame le sautier, qu'il est maintenant temps de rendre publique la promesse que nous nous sommes faite il y a dix jours, vous et moi: nous nous sommes promis... ce soir... de vous annoncer... (L'orateur s'exprime de manière à créer le suspense.) ...que pour la première fois... à l'occasion de son départ... nous allions... nous faire la bise ! Bonne soirée à vous ! (Rires. Vifs applaudissements. M. François Longchamp embrasse Mme le sautier et lui remet une boîte de chocolats.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Madame le sautier, chère Maria Anna, nous sommes bientôt arrivés au terme de cette séance d'hommages, mais pas tout à fait, car j'ai encore le plaisir de vous remettre un petit présent de la part de certains de nos collègues, qui ont souhaité faire une démarche individuelle pour vous permettre d'acquérir un souvenir durable de votre activité au Grand Conseil. (Le président se lève et embrasse Mme le sautier à qui il remet une enveloppe. Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs qui êtes à la tribune et qui n'êtes pas d'anciens députés, ni d'anciens conseillers d'Etat, ne vous faites aucune illusion: ce n'est pas tous les jours que les séances se passent de cette façon... (Rires.) ...dans l'humour, la bonne humeur et le silence !
Avant de lever cette séance, nous avons encore une surprise à vous faire, chère Maria Anna, pour marquer une transition plus naturelle vers la partie plus festive qui nous attend tout à l'heure. Je laisse la chorale du secrétariat général prendre place et j'invite le choeur des députés du Grand Conseil - qui, cette fois-ci, chanteront de façon harmonieuse - à l'accompagner. Vous trouvez à vos places les paroles du chant. Comme vous pouvez le lire, elles se chantent sur l'air du «Cé qu'è lainô». Je ne sais pas qui donne le départ... ? (Le secrétariat général du Grand Conseil se place au pied du perchoir. L'assemblée se lève. Le secrétariat entonne le chant, accompagné par les députés.)
Chanson en hommage à Maria Anna Hutter
Cell' qui là-haut veille sur les députés
Que l' président ne s' mett' pas à berlurer
L'institution qu'ell' met au-d'ssus de tout
N'y touchez pas, ou alors gar' à vous
Du haut d' sa plac', brandit la LRGC
Fac' aux malins qu'essayent de la contourner
Ell' sort alors son petit classeur bleu
Et vous balanc' direct l'article deux
De gauch' à droit', rien n'échapp' à son regard
Les rallong' qui transform' la sall' en hangar
L'obsolescenc' navrant' du matériel
Ell' rêv' d'un lieu digne du Grand Conseil
D' la République dont ell' est le sautier
Et de la Treill' dont ell' chérit l' marronnier
Les trois pouvoirs d' l'Etat envient sa place
Parc' que c'est elle qui détient la masse
Cell' qui là-haut va transmettre le flambeau
Sur internet ell' va suivre nos travaux
Et bien au chaud chez ell' trouver normal
D' collectionner fièr'ment le Mémorial
(Longs applaudissements.)
Le président. Vous pouvez vous asseoir. J'aimerais que la chorale reste ici.
Mme Maria Anna Hutter, sautier. Monsieur le président, je suis désolée: ce sont des chameaux ! Ils ne m'ont rien dit ! (Le président rit.)
Le président. J'aimerais féliciter les collaborateurs du secrétariat. Vous avez tous entendu ce soir que toutes les personnes qui se sont exprimées ont remarqué et souligné les compétences et l'efficacité de cette équipe que Maria Anna Hutter a formée. J'aimerais vous féliciter de cette initiative pour deux raisons: d'abord, parce qu'elle est sympathique, ainsi que patriotique, mais aussi parce que vous n'en avez rien dit à Maria Anna et que, pour une fois, vous avez pu lui résister ! (Rires.)
Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les invités, je vous remercie de votre participation à cette belle séance. J'ai le plaisir de tous vous inviter à la réception donnée maintenant d'une part à la salle des Pas-Perdus, d'autre part à la salle des Fiefs, et enfin également dans la cour de l'Hôtel de Ville, puisque la température est relativement clémente. Une soupe chaude et du risotto vous attendent en particulier dans la cour de l'Hôtel de Ville. Merci de votre participation, de votre bonne humeur et de votre humour !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
La séance est levée à 20h30.