République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1954-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition demandant aux autorités du canton de Genève de garantir aux habitants des communes riveraines de l'aéroport une interdiction de tout trafic aérien commercial entre 23 heures et 6 heures du matin
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 24 et 25 novembre 2016.

Débat

Le président. Nous arrivons à la P 1954-B et je passe la parole à M. Boris Calame.

M. Boris Calame (Ve). Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, la réponse du Conseil d'Etat à la pétition qui nous occupe ne peut être considérée comme satisfaisante. En effet, à la demande de 4800 signataires riverains de l'aéroport quant à la mise en place d'une restriction complète des vols entre 23h et 6h, la réponse du Conseil d'Etat est celle qu'il annonce régulièrement, soit une possible limitation du niveau moyen des émissions de bruit pour ladite période, sans autre restriction particulière. Le minimum aurait été d'envisager une réduction drastique du bruit et des pics sonores à ces heures, soit par exemple de limiter le bruit de chaque événement sonore à un niveau qui puisse éviter les réveils nocturnes des riverains ainsi que les problèmes d'endormissement, et ainsi écarter des atteintes bien réelles à leur santé.

Ces riverains, soit aujourd'hui près de 26 000 personnes, ont en effet droit à un environnement qui respecte leur santé et donc au minimum leurs heures de repos de nuit. Ce problème d'atteinte à la santé est démontré et chiffré, notamment par l'étude récente réalisée sur les coûts sanitaires liés aux activités de l'aéroport. Cette étude a été commanditée par l'Etat et l'association des communes riveraines de l'aéroport et rendue publique le mois passé. Elle chiffre les atteintes actuelles, converties en valeur monétaire, à 52 millions par an. La projection, avec le développement envisagé de l'aéroport, annonce 72 millions à l'horizon 2030. Il faut encore rappeler ici que la restriction demandée par les pétitionnaires, soit entre 23h et 6h, est celle qui est actuellement en vigueur à Zurich.

Nous demandons donc le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat, afin que celui-ci prenne véritablement en considération la demande exprimée, précise les impacts sur l'activité aéroportuaire et, le cas échéant, explore des pistes nouvelles qui puissent tenir compte des besoins des populations concernées. A noter enfin que ce type de réponse du Conseil d'Etat ne démontre pas un grand intérêt pour les doléances formulées, et de là n'est pas de très bon augure pour l'arrivée en 2017 de la consultation du plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique - PSIA. Nous vous remercions donc d'avance de bien vouloir renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai pris note de votre demande, que je mettrai aux voix à la fin du débat sur ce point. La parole est à Mme la députée Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (HP). Merci, Monsieur le président. Je ne reviendrai pas sur les propos de mon préopinant, qui sont extrêmement pertinents, mais je soulignerai toutefois quelques points, tout en remerciant le Conseil d'Etat de maintenir le couvre-feu, qui existe, entre minuit et 6h du matin. Cela dit, je ne peux pas comprendre que ce même Conseil d'Etat n'entre pas en matière sur la demande des pétitionnaires - qui n'est rien de plus que la situation qui prévaut à l'aéroport de Zurich - et nous propose une mesure refusée par la Confédération, à savoir de limiter le volume du bruit en le plafonnant. Or comme ce plafonnement est contesté par la Confédération, eh bien je suis désolée, mais le Conseil d'Etat nous propose une mesure qu'il n'est pas capable, tant que la Confédération ne sera pas entrée en matière ou qu'il n'y aura pas d'autre solution demandée, de mettre en oeuvre. Dès lors, je suggère également de renvoyer au Conseil d'Etat son rapport. Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je remercie tout d'abord le Conseil d'Etat d'avoir pris la peine de répondre par ce rapport aux sollicitations des pétitionnaires. L'intention était louable, puisqu'il est dit à la première ligne que «le Conseil d'Etat partage les préoccupations exprimées par les pétitionnaires qui s'inquiètent des impacts du développement du trafic aérien sur l'environnement et l'aménagement du territoire». Cependant, la suite n'est pas à la hauteur de cette première déclaration d'intention, alors pour toutes les raisons qui ont déjà été évoquées, notamment par le représentant des Verts et par Mme Meissner, le MCG appuiera le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat, avec l'intention de soutenir aussi les acteurs d'une nouvelle initiative populaire pour laquelle une récolte de signatures est actuellement en cours, afin de précisément prendre à bras-le-corps ce problème des nuisances de l'aéroport impliquant la santé des riverains. Je vous encourage donc à en faire de même, c'est-à-dire à renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat pour qu'il revoie sa copie. Je vous remercie. (Exclamation. Quelques applaudissements.)

M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a déjà été dit, la réponse du Conseil d'Etat à cette pétition est insatisfaisante. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Effectivement, plafonner le bruit entre 22h et minuit, sans préciser comment, avec quels moyens ni avec quelles mesures, est totalement insatisfaisant, d'autant plus que, comme nous venons de l'apprendre à la commission des pétitions de la bouche du responsable du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants - SABRA - ce ne sont pas des pics qu'on étudie, mais des moyennes. Alors imaginez-vous: si à minuit, voire minuit et demi - parce qu'il y a encore une «grace period», une période de grâce, c'est-à-dire une marge de manoeuvre pour les atterrissages jusqu'à minuit et demi - vous êtes réveillés par le bruit d'un avion, il vous sera extrêmement difficile de vous rendormir, même si la moyenne entre 22h et minuit ainsi que le plafond du bruit sont relativement réduits. De plus, nous venons d'apprendre dans une autre commission, toujours par le responsable du SABRA, que la réflexion du bruit sur les autres bâtiments déjà construits ou qui vont l'être dans la région peut démultiplier, voire décupler le bruit, comme c'est par exemple le cas à l'aéroport de Schiphol aux Pays-Bas. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste demande le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat, pour qu'il puisse approfondir cette problématique et notamment aussi étudier la question de la réflexion du bruit sur les bâtiments existants. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Pour le groupe UDC, il n'y a pas lieu de renvoyer ce rapport où que ce soit, pour la simple et bonne raison - et ceux qui ont lu ce rapport le savent - qu'il est dit précisément à la toute dernière phrase que «l'OFAC devrait lancer une consultation publique dans le courant de l'année 2017». Alors que voulez-vous que le Conseil d'Etat vous réponde de plus ? Rien du tout ! Il le dit: il fait tout son possible pour aller justement dans le sens d'un plafonnement du volume du bruit entre 22h et minuit, mais au-delà de ça il ne peut rien faire d'autre. Il faudra donc bel et bien, de toute façon, quoi qu'il arrive, attendre cette fameuse consultation, dans le cadre de laquelle le Conseil d'Etat aura tout loisir de faire ses remarques, et in fine c'est l'OFAC qui prendra la décision. Alors vous pouvez faire ce que vous voulez, mais vous n'aurez pas d'autre réponse que ce qui est déjà marqué dans ce rapport. Je vous remercie.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche, à l'instar des autres groupes qui se sont exprimés, à l'exception de l'UDC, appuiera également le renvoi de cette réponse au Conseil d'Etat, pour la simple et bonne raison que, grosso modo, le Conseil d'Etat ne tient pas compte de l'avis de la commission des pétitions qui, elle, a effectué son travail et qui a soutenu les pétitionnaires. La pétition demande qu'il n'y ait pas de vols commerciaux entre 23h et 6h du matin, et on doit pouvoir y répondre correctement et non pas avec cette réponse dilatoire, sous prétexte qu'il existe maintenant des avions plus performants, etc. Pourquoi pas des avions électriques ?! Enfin, ce n'est pas sérieux. Il y a une demande urgente en termes de santé pour la population, et le groupe Ensemble à Gauche sollicite donc le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Alexis Barbey (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, la commission des pétitions s'est vraiment penchée avec une grande attention sur cette pétition, et il en est ressorti plusieurs éléments. Tout d'abord, l'impact économique de l'aéroport sur le canton est un élément réellement déterminant à plusieurs titres, au point de vue diplomatique, mais aussi et surtout au point de vue commercial, et c'est un aspect que le canton, ou du moins le PLR ne veut pas mettre en péril.

Le deuxième point, c'est qu'il est vrai que la qualité de vie des habitants des communes bordant l'aéroport ou en tout cas sujettes aux atterrissages et aux décollages des avions est péjorée par la présence de cet aéroport. Toutefois, les limites horaires imposées à l'aéroport de 23h à 6h sont extrêmement bien respectées, à l'exclusion de deux sortes de vols: les vols sanitaires, dont il n'y a pas de possibilité de refuser l'atterrissage à Genève, et les vols diplomatiques, à propos desquels la situation particulière de Genève ainsi que la présence de l'ONU et de nombreuses délégations dans notre ville font effectivement qu'on ne peut pas toujours moduler les transports comme on le voudrait. Mais il faut voir aussi que, en contrepartie, Genève garde une place de plaque tournante des négociations internationales que beaucoup de villes lui envient et qui vaut certains sacrifices.

Ce qui est en train de se passer est tout à fait contrôlé, et le Conseil d'Etat en a pris la mesure. Par ailleurs, des bâtiments vont être construits le long d'une rue bordant l'aéroport de Cointrin, avec comme objectif de limiter les répercussions sonores. D'aucuns disent que ce n'est pas le cas, et on a eu de longs débats relevant de l'ingénierie civile à la commission des pétitions, mais comme je ne suis pas du tout qualifié pour valider ou invalider les peurs de certains, je ne me permettrai pas d'entrer en matière sur ce sujet. En revanche, il est totalement exclu de mettre des bâtons dans les roues de l'aéroport de Cointrin et d'entraîner une perte économique et de visibilité pour la Ville de Genève, laquelle péjorerait énormément les résultats du canton ainsi que la possibilité de délivrer des prestations sociales à ses habitants et de la valeur ajoutée à ses travailleurs. Nous vous proposons donc de prendre acte de ce rapport, comme le PLR le fera, car nous faisons confiance au Conseil d'Etat, qui de toute façon a l'aéroport dans sa ligne de mire et qui ne le lâchera pas des yeux, dans un objectif non pas uniquement de défendre une partie des citoyens, mais de favoriser les conditions globales du canton. Je vous remercie.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Encore une fois, on peut constater que les intérêts économiques d'une région et la santé de sa population ne vont pas forcément de pair et qu'économie et santé ne font pas forcément bon ménage. En effet, l'étude qui a été citée tout à l'heure concernant les impacts sur la santé des riverains de l'aéroport peut paraître préoccupante, au regard aussi du poumon économique que constitue l'aéroport de Genève. Comme le dit le rapport du Conseil d'Etat, ce dernier est conscient de toute cette problématique du bruit et essaie d'y veiller, notamment en tentant d'adapter l'infrastructure aéronautique et ses abords de telle sorte que le bruit soit limité au maximum, ce qui n'est pas toujours bien entendu par la Confédération, laquelle juge qu'une extension du couvre-feu, si j'ose dire, nuirait à l'Aéroport international de Genève. Actuellement, la fiche PSIA, sur laquelle devrait porter en finalité une consultation populaire, est en cours d'élaboration, et comme l'ont déjà indiqué certains groupes avant moi, il est illusoire pour l'instant d'en attendre plus du Conseil d'Etat. Il faut donc patienter jusqu'à ce que la Confédération se détermine. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC vous propose de prendre acte de ce rapport.

Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Il n'y a qu'une seule prise de parole par groupe, Monsieur Calame, je suis désolé ! Mesdames et Messieurs, je vais vous faire voter sur le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 1954 est adopté par 41 oui contre 33 non et 3 abstentions.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1954 est donc refusé.