République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2282-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Jean Romain, Pierre Conne, Georges Vuillod, Bénédicte Montant, Patrick Saudan, Serge Hiltpold, Simone de Montmollin, Gabriel Barrillier, Lionel Halpérin, Michel Ducret, Nathalie Fontanet, Jacques Béné, Beatriz de Candolle, Raymond Wicky, Stéphane Florey pour que les élèves de l'école obligatoire genevoise étudient jusqu'à la fin de l'année scolaire

Débat

Le président. Nous abordons maintenant la M 2282-B, et je passe la parole à M. le député Jean-Michel Bugnion.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, si, à la lecture de ce rapport, on peut accepter la solution pour l'école primaire et saluer la réduction du nombre des EVACOM - les évaluations communes - ainsi qu'une meilleure organisation, il y a tout de même un problème que je tiens à soulever concernant le cycle d'orientation. Le rapport intime de donner des cours jusqu'à la fin de l'avant-dernière semaine, ce qui a toutefois pour conséquence de limiter drastiquement le temps de contact avec les parents tout comme celui dévolu à l'orientation. En effet, les conseils de classe doivent avoir lieu le lundi sur une seule journée, et leur durée va ainsi être limitée à une trentaine de minutes maximum. Dans ce cas, il est évident que les situations individuelles problématiques seront moins bien prises en compte et traitées beaucoup trop rapidement. A mon sens, il reste donc un problème s'agissant uniquement du cycle d'orientation, et je sollicite par conséquent le renvoi de cet objet à la commission de l'enseignement afin que le problème puisse être analysé de fond en comble. Je vous remercie.

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, cette réponse du Conseil d'Etat à la motion 2282 est nouvelle et tout à fait satisfaisante par rapport à sa première réponse à une question écrite urgente datant de 2014 et qui disait grosso modo: «Oui, il y a bien quelque chose, on s'en occupera.» Là, on s'en occupe vraiment, et j'aimerais remercier à cet égard le département d'avoir proposé les quatre éléments dont je vais vous parler. Naturellement, je vais attendre la fin de l'année scolaire, c'est-à-dire le mois de juin 2017 - et peut-être celui de 2018 - pour voir si ce qui est proposé théoriquement a un réel effet pratique car rappelez-vous, chers collègues, ce ne sont pas seulement les députés ou certains députés qui s'étaient alarmés de ce qui se passait en fin de période et particulièrement en fin d'année, de nombreux parents n'étaient pas non plus satisfaits de ce temps perdu alors que tout avait justement été fait par ailleurs pour augmenter le nombre d'heures - je pense au mercredi matin.

La première chose satisfaisante - cela figure à la première page - est que cette sorte de dérive vis-à-vis des exigences d'enseignement observée aussi bien dans les classes primaires qu'au cycle d'orientation est constatée, reconnue, acceptée; nous l'avions mise en évidence et elle a été reconnue, ce qui est déjà un pas tout à fait remarquable.

Venait ensuite le problème des EVACOM au cycle d'orientation avec, vous vous en souvenez, l'effet de démotivation ressenti par les élèves dès lors qu'ils avaient passé ces épreuves: au fond, on sifflait quelque peu la fin de l'année scolaire et il était très difficile pour les professeurs de continuer à les motiver et les faire tenir jusqu'au bout dans un esprit constructif. Ça, c'était le deuxième point.

Le troisième élément que je veux souligner, c'est la planification administrative dont il est question en page 5 et qui concerne les conseils d'orientation des élèves - à ce propos, Jean-Michel Bugnion a eu tout à fait raison de souligner l'importance de l'orientation. Je sais de source sûre qu'une opération est en cours, que des groupes de travail sont en train d'élaborer une solution en concertation avec les professeurs et le syndicat qui respecte à la fois l'exigence de cette motion et celle que Jean-Michel Bugnion a mentionnée, c'est-à-dire l'orientation. Il est extrêmement important de trouver un modus vivendi, et il me semble qu'on est en train de le mettre en place.

Le quatrième aspect qui me paraît fondamental figure à la dernière page: il s'agit de l'établissement d'un calendrier précis. Certes, on peut plus ou moins s'y tenir mais enfin des dates butoirs sont inscrites et, de ce point de vue là, les motionnaires sont satisfaits. On a reconnu que problème il y avait et on essaie de trouver différentes pistes - une seule piste ne peut en effet pas résoudre le problème, il y en a plusieurs à suivre - et je remercie le département d'avoir effectué ce travail avec sérieux. Je sais que ce n'est pas facile et qu'il y a des résistances, mais je garde quand même l'espoir qu'on arrivera, en 2017 et en 2018, à satisfaire tout le monde et à régler une fois pour toutes ce problème avec les ajustements qui seront nécessaires. J'attends quand même de voir le résultat car, vous le savez, je suis comme saint Thomas: je veux voir pour croire ! Cela dit, j'aimerais déjà y croire et accorder du crédit au département qui a enfin pris la mesure de la difficulté. Je vous remercie.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette réponse du Conseil d'Etat est, une fois encore, un peu étrange, si vous me passez l'expression, parce qu'on peut l'interpréter de manières diverses. Pour ma part, je considère qu'elle certifie en quelque sorte ce que nous avons toujours dit, à savoir qu'il n'y a aucun problème à l'école primaire. M. Bugnion y voit une solution pour le primaire; or il n'y en a aucune à appliquer puisque les 38 semaines et demie d'enseignement sont parfaitement respectées. S'il n'y a aucun problème, il n'y a aucune solution à préconiser !

Cette réponse est étrange parce que le Conseil d'Etat indique - je cite: «Les motionnaires ont relevé que des activités ludiques, sans réelle valeur pédagogique et sans lien avec les objectifs du plan d'études romand (PER), étaient pratiquées, ici ou là, durant les dernières semaines de l'année scolaire.» Ce sont donc les motionnaires qui font un constat tandis que le Conseil d'Etat, lui, n'a rien vu mais accorde tout de même crédit à la parole de ces personnes qui, sauf erreur, n'ont jamais daigné se déplacer dans une école pour vérifier quoi que ce soit et font simplement état de propos dignes du café du commerce. On l'a déjà dit, mais je tiens à le répéter: il n'y a rien d'autre à signaler en ce qui concerne l'école primaire.

Le vrai problème évoqué était cette espèce de confusion régnant parmi les élèves du cycle d'orientation, qui avaient tendance à croire qu'une fois les évaluations cantonales effectuées, la fin des cours était sonnée - effet déplorable, tout le monde est d'accord là-dessus. Il n'y a aucune raison de cesser d'apprendre, d'arrêter les enseignements au prétexte qu'on aurait terminé les épreuves cantonales, et il y a donc là un véritable travail à faire. Je ne vais pas entrer dans tous les détails de la réponse mais ce que je constate, c'est que la fédération des associations des maîtres du cycle d'orientation - la FAMCO - a vivement réagi à cette réponse du Conseil d'Etat, ce qui laisse supposer que le travail de concertation avec les associations professionnelles et syndicales n'a pas vraiment abouti ou n'a du moins pas été très soutenu.

J'entends M. Romain dire que ce travail doit se faire avec les associations professionnelles; je suis entièrement d'accord. En revanche, je ne soutiens pas la demande de renvoi à la commission de l'enseignement, qui ne sert à rien selon moi, mais sollicite plutôt le renvoi de cette réponse au Conseil d'Etat afin qu'un réel travail de concertation avec les associations professionnelles et syndicales soit mené dans l'intervalle. Actuellement, en effet, la concertation est un peu galvaudée, ce que je regrette personnellement: je pense qu'on a tout à gagner à développer un partenariat social sain. M. Julien Nicolet, de la FAMCO, a réagi ainsi: «Nous vivons très mal cet acharnement. Nous avons besoin de temps pour orienter les élèves.» Voilà, cette réponse du Conseil d'Etat ne satisfait pas la FAMCO et je l'invite donc à remanier son rapport de même que le département de l'instruction publique à reprendre langue avec les associations professionnelles et syndicales. Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je remercie tout d'abord M. Baud d'avoir relevé cette phrase sur les motionnaires et leurs observations dans les classes qui ne correspondent absolument pas à la réalité telle que nous la connaissons, et le fait que le Conseil d'Etat reprenne cet élément représente déjà une source d'inquiétude pour moi.

Ensuite, le Conseil d'Etat explique que cette motion ne concerne pas l'école primaire: «Parce que l'essentiel de l'enseignement hebdomadaire est assuré par un maître généraliste et que les préavis concernant la promotion des élèves d'une année à l'autre n'exigent pas la tenue de conseils réunissant tous les enseignants d'une même classe, il est aisé d'exiger des enseignant-e-s du primaire qu'ils assurent des activités de nature pédagogique ou éducative jusqu'au dernier jour de l'année scolaire.» Cette justification me paraît un peu bizarre. En effet, les conseils de classe existent à l'école primaire, bien évidemment, mais ils se tiennent hors du temps scolaire, et c'est sans doute justement là ce que demandaient les motionnaires pour le cycle d'orientation, à savoir qu'on cesse de libérer les élèves en vue de mesures administratives ou de conseils de classe, lesquels sont effectivement considérés par le département comme des activités chronophages, surtout en fin d'année.

S'agissant de toutes les mesures proposées par la suite, qui seront mises en place à la rentrée 2017-2018 mais qui ont déjà été expérimentées ou seront encore expérimentées au deuxième trimestre de cette année, j'imagine qu'elles répondent au souhait des motionnaires mais aussi à celui de l'ensemble des parents, qui s'étonnaient de voir les enfants du cycle d'orientation vaquer à des occupations de loisirs, parfois même être libérés dans la rue les quinze derniers jours de l'école obligatoire. Nous ne soutiendrons pas le renvoi en commission car nous estimons que le travail y a été fait... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pas plus que nous n'accepterons le renvoi au Conseil d'Etat, mais nous observerons ce qui se passera au cours des prochaines années et, si nécessaire, nous reviendrons avec une motion ou un projet de loi afin de rectifier ces situations, qui sont difficiles à gérer pour les parents. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Une fois n'est pas coutume - c'est suffisamment rare pour être relevé - nous saluons et remercions le DIP pour sa réponse extrêmement détaillée et de grande qualité. Concernant la demande de renvoi en commission, nous la refuserons bien évidemment, tout comme nous rejetterons le renvoi au Conseil d'Etat. En effet, il est indiqué dans le rapport - vous l'avez certainement lu - que la réflexion n'est pas terminée, que des études seront encore menées durant la période 2017-2018. C'est donc au terme du processus, c'est-à-dire fin 2018, qu'il faudra nous montrer attentifs et voir si la situation est convenable ou si, au contraire, il s'agira de revenir avec un objet parlementaire pour modifier la pratique dans le cas où certaines dérives devaient subsister ou que la situation n'était toujours pas satisfaisante. En ce qui concerne le groupe UDC, nous prendrons acte de ce rapport tout en restant attentifs à la suite, et nous vous invitons donc à la fois à refuser les deux demandes de renvoi et à prendre acte de ce rapport. Je vous remercie.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le groupe démocrate-chrétien prendra acte de cette réponse du Conseil d'Etat et refusera bien entendu le renvoi en commission. Comme l'ont indiqué à plusieurs reprises les orateurs qui m'ont précédé, le département a pris en compte les différents éléments de cette motion et fourni un rapport de qualité qui nous satisfait pleinement. Certes, quelques points restent à négocier - on l'a entendu aussi - avec les enseignants et les parents, et il est clair que nous allons continuer à suivre ce dossier, mais nous faisons confiance au département de l'instruction publique pour aller de l'avant et régler les différents points afin d'éviter de nouvelles dérives. Je vous remercie.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons déjà travaillé lors de longues séances de commission sur cette question, aussi je vous invite à refuser la demande de renvoi en commission. Une fois l'année scolaire terminée, ce sera très volontiers que nous ferons le point avec vous afin de déterminer les aspects positifs que le nouveau calendrier aura amenés ainsi que les éventuelles difficultés. Nous aurons l'occasion d'en reparler avec vous, et il n'est donc pas utile, à mon avis, de renvoyer ce texte en commission.

Maintenant, j'aimerais attirer votre attention sur différents points. Tout d'abord, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il n'y a pas de miracle: bien sûr, il y a une fin légale de l'année scolaire, mais nous savons pertinemment qu'au cycle d'orientation, comme d'ailleurs dans le secondaire II - que M. le député Romain a bien connu pendant de nombreuses années - toute une série d'activités doivent se faire en fin d'année. On ne peut pas, si par hypothèse la fin de l'année scolaire tombait un vendredi 30 juin, terminer les cours et mettre les notes jusqu'au vendredi 30 juin, il faut au minimum une bonne semaine pour organiser tout l'aspect administratif - conseils de classe, remise du matériel par les élèves, rangement, etc. Ce n'est pas du tout la même situation qu'à l'école primaire.

Ce que vous a proposé le département dans ce rapport, c'est le calendrier le plus serré possible, c'est-à-dire que nous allons tenter de poursuivre les enseignements jusqu'au dernier jour de l'avant-dernière semaine, c'est-à-dire bien plus tard que ce qui est pratiqué aujourd'hui dans certains cycles, qui arrêtent le lundi, le mardi, parfois le jeudi; nous allons également tenter de faire en sorte que s'ils sont déjà agendés cette fin de semaine là, les conseils aient lieu hors du temps scolaire, de façon à ce que les cours puissent véritablement se poursuivre le plus tard possible.

Par ailleurs, pour éviter un relâchement des élèves trop important en fin d'année, nous avons avancé les EVACOM, ces fameuses épreuves communes. En effet, il est vrai que dans l'esprit des élèves, quand elles ont lieu fin mai ou début juin, l'école est ensuite finie; le fait qu'elles soient placées plus tôt, peut-être avec d'autres objectifs, et que l'évaluation se poursuive par exemple jusqu'au 23 juin nous permettra d'encourager les élèves à travailler jusqu'à la fin. Voilà ce qui est prévu cette année.

La réflexion porte maintenant, avec la participation des directions d'établissement et des enseignants, sur d'autres thématiques comme les conseils, leur poids, leur importance, leur durée, leurs participants - ils figurent au coeur même de la mission du cycle et il faut pouvoir y réfléchir sereinement, pas seulement sur le moment où ils ont lieu mais sur leur sens même - ou encore les voyages de fin d'études, leur sens, leur calendrier - doivent-ils vraiment se faire en fin de onzième ou peuvent-ils être anticipés ? - et la pédagogie qui leur est liée. Ce sont là des réflexions qui peuvent se faire tranquillement afin que des changements, s'ils doivent avoir lieu, se fassent l'année scolaire suivante.

Cependant, j'attire vraiment l'attention de votre parlement sur le fait qu'on ne pourra pas faire beaucoup plus, que le calendrier est déjà extrêmement serré pour le cycle d'orientation et que si, par hypothèse, vous vouliez aller plus loin en reculant encore les choses, cela ne ferait que retarder la fin de l'année, l'orientation des élèves et, in fine, la préparation de la rentrée suivante, notamment pour le secondaire II, avec un risque de retard de celle-ci. Ces calendriers sont extrêmement justes, et je souhaiterais davantage de confiance de votre part dans le département et pas toujours ce sentiment de défiance, cette idée selon laquelle nous ne ferions pas le maximum; nous essayons de faire notre maximum !

Pour ma part, je vais prochainement rencontrer les directeurs du cycle d'orientation pour discuter avec eux de ces mesures et faire en sorte que tout se passe au mieux. Pour reprendre les mots du député Romain, je veux voir pour croire, mais j'ose espérer, Monsieur le député, que vous-même et votre parlement aurez la même attitude s'agissant d'autres sujets - je pense par exemple à la formation des enseignants du primaire ! Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons été saisis de deux demandes de renvoi, d'une part au Conseil d'Etat, d'autre part à la commission de l'enseignement. Je vais commencer par vous faire voter sur le renvoi au Conseil d'Etat; si celui-ci est refusé, je mettrai aux voix la demande de renvoi en commission et, en cas de rejet de cette proposition, il sera pris acte du rapport du Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2282 est rejeté par 77 non contre 6 oui.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2282 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 73 non contre 8 oui.

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2282.