République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 juin 2016 à 16h30
1re législature - 3e année - 6e session - 32e séance
PL 11892-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au point suivant de notre ordre du jour, à savoir les PL 11892-A et 11893-A. Je donne la parole à Mme Lydia Schneider Hausser, rapporteure du premier projet de loi.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les comptes de l'Hospice général sont difficiles, même s'ils sont relativement équilibrés. S'ils sont équilibrés, ils le sont toutefois grâce à la réserve dont l'Hospice général dispose encore pour cette année 2015. Malgré de très bons résultats dans l'immobilier de l'ordre de 92 millions, le résultat d'exploitation et le résultat net sont négatifs dans la gestion, on l'a déjà dit, avec 8% d'augmentation de dossiers à l'aide sociale et il y a toute la problématique de la migration. Cette problématique coûte, parce que les gens qu'on doit placer dans des abris PC, en plus de ce que cela représente en termes humains, représentent un coût non négligeable. De ce fait, il sera important pour la suite que toutes les communes et le canton travaillent à trouver de meilleurs lieux pour ces personnes et qui pèsent moins lourd en termes financiers dans le bilan. Les questions seront à poser pour l'année qui vient. Pour l'instant, nous nous trouvons toujours avec des chiffres équilibrés, les comptes sont en ordre, mais nous sommes à la limite des chiffres rouges partout, en tout cas c'est déjà le cas dans le domaine de l'asile.
Présidence de Mme Christina Meissner, première vice-présidente
M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales a étudié le projet de loi sur le rapport de gestion de l'Hospice général pour l'année 2015 à la fin mai et les faits saillants qui en ressortent ont déjà été brièvement mentionnés par ma préopinante. Le nombre de dossiers à l'action sociale a effectivement augmenté de 8%, alors que le pourcentage d'augmentation était de 3% à 4% dans les années 2013 et 2014. Quant à l'aide aux migrants, on a assisté à une explosion puisqu'il y a eu 75% d'arrivées de migrants en plus par rapport à 2014. Cette augmentation de l'aide a bien entendu fait l'objet de subventions fédérales, mais celles-ci ne couvrent absolument pas tous les frais, puisque le déficit à la charge du canton s'est aggravé durant l'année 2015 de 9,5 millions, ce qui fait s'élever l'ensemble du déficit à 32 millions au total. Cela a nécessité, en plus de taper dans les réserves, une subvention cantonale supplémentaire de 10 millions durant cette année 2015. Evidemment, le corollaire est une augmentation importante du nombre de dossiers à gérer par le personnel de l'Hospice général, qui a exprimé une inquiétude claire quant à cette augmentation de la charge de travail, qui s'est traduite par une pétition. A la demande de la majorité de la commission, le texte a été joint au rapport de ce projet de loi. La commission n'a pas trouvé opportun d'auditionner les représentants du personnel, puisque cette pétition était déjà traitée dans une autre commission du Grand Conseil. Néanmoins, la majorité de la commission est tout à fait consciente de l'effort important fourni par le personnel de l'Hospice général pour essayer de pallier ce surplus de travail lié à cet afflux massif de réfugiés. Quant à la gestion de l'Hospice général, elle a été jugée totalement conforme; la majorité de la commission vous encourage donc à voter ce projet de loi approuvant le rapport de gestion. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, si la minorité de la commission des affaires sociales a refusé ce rapport de gestion, ce n'est pas pour remettre en question la capacité de l'Hospice général à tenir sa comptabilité avec rigueur, de loin pas ! En revanche, considérant qu'approuver un rapport de gestion, c'est apprécier l'entier des éléments qui conduisent une institution, une instance, à gérer et à exécuter une mission, nous avons estimé en l'occurrence que le fait d'avoir des chiffres dans le noir ne suffisait pas à attester d'une bonne gestion. Ce qui est remis en question par le rapport de minorité, c'est le fait que, si les chiffres restent dans le noir, comme cela a été soulevé par le rapporteur de majorité, c'est en effet non seulement au prix d'importants efforts réalisés à la fois par la direction, l'institution, ainsi que par le personnel qui en prend la plus grande part en charge, mais également parce qu'un certain nombre de prestations ont été mises en question. C'est là tout le point central de la motivation de ce rapport de minorité, car il faut parler des choses telles qu'elles sont: ce n'est pas parce qu'on arrive encore aujourd'hui à gérer les dossiers qu'on les gère comme ils devraient l'être ! Aujourd'hui, l'article 5 de la LIASI n'est pas respecté. Les missions d'information sociale, de prévention et d'accompagnement social ne répondent ni aux exigences de la loi, ni aux exigences déontologiques requises pour effectuer un travail social de qualité. A plusieurs reprises dans ce même parlement, d'aucuns ont relevé que l'accompagnement social n'était pas suffisant. C'est ce qu'aujourd'hui nous mettons en évidence, et nous déplorons le fait que nous n'ayons pas pu entendre le personnel, parce que, contrairement à ce qui a été dit, le personnel ne se plaint pas uniquement d'une détérioration de ses conditions de travail, mais également du fait de ne plus pouvoir assurer à la population à laquelle il doit se dédier les prestations qu'elle est en droit d'attendre. C'est évidemment cet aspect-là qui est le plus dommageable. J'entendais tout à l'heure M. Béné nous dire que les prestations n'ont pas diminué; eh bien, dans toute une série de secteurs, c'est faux, et je vous engage à lire les documents produits par le personnel du monde du social et vous mesurerez à quel point un certain nombre de prestations aujourd'hui sont soit détériorées, soit ont totalement disparu. Je reviendrai plus tard pour d'autres aspects. Je vous remercie.
M. Jean-Charles Rielle (S). Madame la présidente, chères et chers collègues, les socialistes se sont abstenus en commission et s'abstiendront ce jour lors du vote de ce projet de loi approuvant la gestion de l'Hospice général. Les socialistes reconnaissent tout le travail entrepris par l'Hospice général, sa direction, et tiennent à remercier l'ensemble des collaboratrices et collaborateurs. L'abstention signifie que les socialistes sont inquiets quant à l'avenir, aux moyens alloués, notamment en dotation de personnel, et aux choix qui pourraient être faits en matière d'encadrement social. Rien ne remplacera la présence effective sur le terrain auprès des bénéficiaires. Cette présence ne saurait être remplacée par une augmentation de l'administration et de la bureaucratie. L'Hospice général doit y veiller. Notre abstention signifie que les socialistes resteront attentifs à ces développements et à une prise en charge résolument à encadrement social. Je vous remercie.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. L'UDC soutiendra la gestion de l'Hospice général, qui atteint la grande majorité des objectifs du contrat de prestations. Elle déplore l'insuffisance du financement pour son fonctionnement, qui a contraint l'Hospice général à utiliser la réserve conjoncturelle et à hypothéquer des immeubles, notamment pour construire des logements pour les migrants. L'augmentation de 8% des dossiers nous laisse songeurs et remet en cause un certain nombre de paradigmes. En effet, dans une économie qui, jusqu'à présent, a été dynamique et qui a créé des emplois, on se rend compte que le nombre de dossiers gérés par l'Hospice général ne cesse d'augmenter. Le problème n'est pas en soi l'augmentation du nombre de dossiers, mais le poids qu'il fait peser sur l'économie et les travailleurs. J'ai pris deux chiffres: puisque l'Hospice général nous a confirmé que les prestations financières qu'il fournit uniquement pour les résidents, et donc pas pour les migrants, ont augmenté de 70% depuis 2008 et que l'emploi à Genève, lui, n'a augmenté que de 6,8%, cela signifie que, pour servir les 100% de prestations, il fallait 100% de travailleurs et d'entreprises en 2008 et qu'aujourd'hui, ces 100% d'employeurs et d'employés doivent s'occuper de 170% d'assistés à l'aide sociale. Le poids que fait reposer l'aide sociale sur l'économie et les travailleurs devient démesuré. La part de solidarité à charge des employés et des entreprises a crû de manière démesurée. Il faudra que le Conseil d'Etat et le Grand Conseil fixent des priorités et fassent des choix politiques, et pas seulement dans les conditions d'accès à l'aide sociale. Cet après-midi, nous avons vu que ce Grand Conseil était incapable de faire des choix politiques, puisque en tout cas une partie de ce parlement n'a pas arrêté de demander des augmentations de prestations.
J'ai repris le communiqué de presse de l'office cantonal de la statistique, qui est très mesuré et qui nous indique qu'au premier trimestre 2016 nous n'avons perdu que 0,4% d'emplois. Cela ne fait pas beaucoup 0,4%: ce ne sont que 1 000 emplois qui ont disparu, ce n'est pas énorme ! J'ai repris les chiffres depuis 2008, puis les ai cette fois comparés entre le premier trimestre de l'année en cours et le quatrième trimestre de l'année précédente, et jamais, jamais au cours des dix dernières années, nous n'avons eu une différence aussi importante: si vous considérez la perte d'emplois entre le quatrième trimestre 2015 et le premier trimestre 2016, c'est 1,6% ! C'est 5 000 emplois ! L'économie genevoise a rayé de la carte 5 000 emplois ! Ce n'est jamais arrivé ! Au maximum - j'ai regardé sur les dix dernières années - c'est 0,4%; certaines années, au premier trimestre, on crée des emplois par rapport au quatrième trimestre. Donc, les soucis, les désirs que certains ont par rapport à l'aide sociale, on n'arrivera jamais à les financer ! 5 000 suppressions d'emplois, à moins que ce ne soient que des travailleurs frontaliers, cela aura des impacts sur les rentrées fiscales et sur la capacité de l'Hospice général de délivrer des prestations. Ce Grand Conseil doit en prendre conscience et j'ai une question pour le Conseil d'Etat: il n'y aura pas d'impact en 2016, parce qu'on va bénéficier des rentrées fiscales de 2015 où là, on a eu une masse salariale qui a augmenté de 2,9%; comment le Conseil d'Etat fera-t-il en 2017 avec une telle suppression de postes et donc de rentrées fiscales pour financer l'augmentation de l'aide sociale ? Je vous remercie.
Mme Frédérique Perler (Ve). Le groupe des Verts souscrit bien évidemment à ce qui vient d'être dit par la rapporteuse de minorité et souscrit bien évidemment au contenu de son rapport. Beaucoup de choses ont été dites, ce qui me permettra d'aller droit au but, Madame la présidente, c'est-à-dire de rappeler un certain nombre d'éléments au-delà des chiffres qui nous ont été exposés: il convient de se demander quelle est la mission de l'Hospice général et de se demander ce que nous attendons en termes de mission pour cette institution. En effet, actuellement, celle-ci ne peut pas, ne peut plus remplir la mission qui lui est confiée par l'organe de tutelle qu'est le Conseil d'Etat. La LIASI, la loi sur l'aide sociale, n'est pas appliquée correctement. Les prestations financières sont délivrées, mais la manière dont elles sont délivrées est hautement critiquée par l'ensemble du personnel et de la direction de l'Hospice général. Tous les signaux sont au rouge, et ce même de l'aveu de son directeur. Il le dit lui-même: la température monte ! Jusqu'en 2016, l'Hospice général prend sur son patrimoine pour financer des postes de travail. Vous pouvez trouver cela normal, Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez ! Moi, personnellement, je ne trouve pas cela normal. C'est une tâche régalienne que l'Etat se doit de financer en toute cohérence, puisque, comme le commandent notre Constitution fédérale et notre constitution genevoise, personne ne doit rester au bord du chemin. Certes, mais de quelle manière allons-nous les aider ? Finalement, cela revient à dire que des prestations financières, et c'est tout à fait essentiel, doivent absolument s'assortir de prestations d'accompagnement, pour justement donner du sens aux prestations financières délivrées. Sinon, effectivement, nous aurons beaucoup de mal à aider ces personnes à sortir de l'aide sociale. Il s'agit donc de se donner les moyens de mettre en oeuvre une politique cohérente et efficace de lutte contre la pauvreté et la précarité. Mener des politiques d'austérité à ce niveau-là ne va coûter que bien plus cher au final dans plusieurs années et nous le regretterons. Dernier élément, chers collègues, si le groupe des Verts était très en colère et s'est opposé fermement au rapport de gestion en commission, aujourd'hui il s'abstiendra, car à la réflexion, refuser ce rapport de gestion, c'est nier tout le travail fourni par l'ensemble des collaborateurs de l'Hospice général et tous les efforts qu'ils déploient pour essayer de maintenir les prestations qu'ils délivrent et nous souhaitons leur apporter tout notre soutien. En conséquence, nous nous abstiendrons. Je vous remercie. (Remarque.)
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président
M. Jean-Luc Forni (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va accepter le rapport de gestion de l'Hospice général ainsi que ses états financiers. Il tient toutefois à relever que l'explosion des demandes à l'aide sociale reste préoccupante, comme je l'avais déjà mentionné hier. Il tient aussi à relever l'excellent travail que doivent réaliser, souvent sous pression, les collaboratrices et collaborateurs de l'Hospice général, dans des conditions parfois difficiles, que ce soit dans le domaine de l'aide sociale ou de l'asile, comme l'a relevé le rapporteur de la commission des affaires sociales. Toutefois, il faut quand même bien voir que certains indicateurs qui nous ont été transmis par ce rapport sont au rouge, notamment l'augmentation de la durée de la prise en charge, qui peut être soit due à l'augmentation du nombre de dossiers, soit peut-être aussi au fait que les collaborateurs surchargés, comme on l'a entendu aussi dans cette salle, ne peuvent pas être entièrement disponibles pour chaque personne.
Par ailleurs, comme je l'ai aussi mentionné brièvement hier, un indicateur nous préoccupe, à savoir celui de l'évaluation de la LIASI dans le cadre du SRP qui, bien que rattaché à l'office cantonal de l'emploi, fait quand même partie des indicateurs de la réinsertion de la LIASI. Les évaluateurs disent carrément que la LIASI révèle l'incapacité de répondre de manière satisfaisante aux objectifs fixés par le législateur dans le domaine de la réinsertion. La réponse du Conseil d'Etat, qui consiste en quelques retouches du règlement d'application, ne nous paraît pas suffisamment adéquate, et la question du parti démocrate-chrétien est la suivante: le Conseil d'Etat entend-il prendre d'autres mesures plus à même de régler cette problématique du retour à l'emploi qui, certes, est difficile, mais qui mérite quand même toute notre attention ? C'est notre question au Conseil d'Etat. Pour l'heure, nous vous invitons malgré tout à accepter ce rapport de gestion et les états financiers de l'Hospice général.
M. François Baertschi (MCG). Il est certain que la situation actuelle de l'Hospice général est loin d'être évidente, en raison du nombre de migrants qui affluent et en raison d'une paupérisation qui se développe dans notre canton, mais il faut s'attaquer aux causes ! Et les causes sont très simples ! (Commentaires.) Elles sont très simples: elles se trouvent à Berne, au Conseil fédéral. C'est lui qui ouvre ou qui ferme les vannes, c'est lui qui, au final, prend des décisions pour attribuer plus ou moins de migrants à tel canton ou tel autre. C'est donc au niveau fédéral qu'il faut agir. J'entends beaucoup de partis fédéraux qui critiquent la politique de l'Hospice général, la politique genevoise, souvent d'ailleurs dans des sens un peu contradictoires, mais il faut d'abord que vos relais à Berne travaillent, qu'ils travaillent efficacement, qu'ils travaillent pour Genève et cela, on ne l'a pas vu ! On ne l'a pas vu dans ce parlement, étant donné qu'on ne soutient pas toutes les positions qui demandent une défense des intérêts de Genève pour qu'on puisse recevoir décemment les migrants à Genève. Cela, on ne l'entend pas ! Je pense donc que les critiques de certains groupes sont tout à fait malvenues, et il faut le voir. Il y a d'autres critiques qui sont tout à fait malvenues, comme le fait de se plaindre de la gestion de l'aide sociale alors que, dans le même temps, on fait tout pour s'opposer aux politiques dites de préférence cantonale ou aux politiques qui veulent favoriser les chômeurs genevois. Parce que si on veut continuer à mener cette politique où on défavorise les chômeurs genevois et où on crée de toutes pièces une paupérisation parce qu'on ne veut pas défendre les habitants de notre canton, cela ira de plus en plus mal ! Soit on va dépenser des sommes encore plus gigantesques que celles qu'on dépense déjà, soit on va encore moins bien traiter les allocataires qu'ils ne le sont actuellement ! Il y a des choix à faire; il faut s'attaquer aux causes et non pas aux conséquences ! Aussi longtemps qu'on ne s'attaquera qu'aux conséquences, on va aller droit dans le mur. Il faut mener un travail de fond, ce travail doit être effectué et j'ai l'impression que beaucoup dans ce parlement jouent aux pompiers pyromanes ! Il faut arrêter cette hypocrisie... (Commentaires.) ...il faut vraiment, vraiment trouver des solutions pour notre canton.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité Jocelyne Haller pour quarante secondes.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Je prends sur le temps du groupe. Je ne l'ai pas encore entamé, si ? (Un instant s'écoule.) C'est bon ?
Le président. Oui !
Mme Jocelyne Haller. J'ajouterai juste quelques précisions. Sur la question de l'asile, je rappellerai tout d'abord la notion de devoir d'hospitalité, mais aussi d'obligation de l'Etat. A partir du moment où, au sens de la solidarité confédérale, nous devons accueillir des requérants d'asile, nous devons bien le faire. Maintenant, j'aimerais rassurer ceux qui pensent que c'est cela qui plombe les comptes de l'Hospice général en leur rappelant que le nombre de dossiers pour les résidents a augmenté de 62% en cinq ans et que rien que cela suffirait déjà à rendre la situation extrêmement difficile ! (Brouhaha.) Alors certes, les coûts de l'aide sociale ont augmenté, mais ces coûts sont pris en charge, notamment par la garantie constitutionnelle. Ce qui n'est pas couvert en revanche et qui stagne depuis une dizaine d'années, ce sont les frais de fonctionnement et notamment le blocage de la subvention de fonctionnement. Je vous rappelle que c'est la deuxième année consécutive que l'Hospice général vient nous alerter à ce propos et c'est notamment un des éléments qui justifiait la pétition du personnel, parce qu'il met en question non seulement les conditions de travail, mais également, je l'ai dit tout à l'heure, les prestations aux populations censées être aidées.
J'aimerais relever un autre aspect, parce que tout ce qui ne peut plus être fait en raison de ce qui vient d'être décrit... Eh bien, il faut bien que les gens aillent quelque part, qu'ils puissent s'adresser ailleurs ! Alors que se passe-t-il ? Simplement, un report sur les services sociaux privés, sur les services sociaux communaux. Si vous voulez vérifier ce qui vous est dit aujourd'hui, allez interroger les services sociaux privés, et je pense que certains sont déjà venus nous l'expliquer, allez interroger les services sociaux communaux et vous mesurerez à quel point une grande partie de cette charge d'information sociale, de prévention, d'accompagnement social, a été simplement reportée sur les services sociaux privés qui, eux-mêmes, du coup, sont entravés dans l'action de leur propre mission et qui voient leur propre budget mis à l'épreuve par cette charge supplémentaire ! C'est cela que vous êtes en train d'opérer, en ne donnant pas les moyens à l'Hospice général d'exécuter la mission que lui confère la loi ! D'une part, vous détériorez les prestations et, d'autre part, vous opérez des transferts de charges et des transferts de compétences sur des organes qui ne sont pas en mesure d'y faire face, et c'est cela dont on doit être aujourd'hui conscient, car on ne peut pas simplement dire que l'Hospice est dans les chiffres noirs, que pour le moment il se débrouille encore et que ce ne sera qu'en 2018 qu'il connaîtra de grandes difficultés et que des postes risqueront d'être mis en péril ! C'est d'ores et déjà aujourd'hui le cas que la qualité et la nature des prestations sont mises en péril ! Cela, vous ne pouvez pas l'accepter, non seulement car la loi garantit aux populations qui sont dans le besoin que ces prestations doivent leur être assurées - ce n'est pas une possibilité, c'est impératif ! - mais aussi parce que, si vous voulez véritablement préserver la cohésion sociale, c'est le prix que vous devrez mettre ! A défaut, vous monterez les gens les uns contre les autres et, très certainement, vous péjorerez la situation de ceux qui sont déjà aujourd'hui en difficulté. Je vous engage vraiment à prendre conscience de ce fait. Vous ferez ce que vous voudrez avec ce rapport de gestion - pour notre part, nous le refuserons - mais en revanche, au moment où vous devrez examiner le budget pour l'Hospice général, repensez à ce qui vient de vous être dit et dites-vous qu'il faudra véritablement donner à l'Hospice général les moyens d'accomplir la mission que la loi que vous avez votée lui a confiée. Je vous remercie de votre attention. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité Patrick Saudan pour quarante secondes.
M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce sera très court. Je remercie Mme Haller de prendre la défense de ses anciennes collègues de travail, ce que je trouve tout à fait normal... (Commentaires.) ...et je la remercie également d'avoir mentionné que la mission principale de l'Hospice général est bien la distribution de prestations d'aide sociale, qui est garantie par la Constitution et c'est tout à l'honneur de notre Etat social. (Remarque.) Quant aux postes qui seraient diminués, M. Girod s'est engagé à ce qu'il n'y ait aucune suppression de poste à l'Hospice général jusqu'en 2018. D'ici là, je pense que nous disposerons des résultats de l'enquête menée par la Haute école de travail social et je suis sûr que, si les besoins pour l'Hospice général doivent être évalués à la hausse, tous les partis de ce parlement en tiendront compte.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vous ai fait prendre un peu sur le temps du groupe. Je passe la parole à Mme la députée Frédérique Perler.
Mme Frédérique Perler (Ve). Merci, Monsieur le président. Je dirai juste deux mots. J'ai écouté très attentivement le rapporteur de majorité. Travaillant dans un service social privé, je sais ce que le report de charges signifie. S'il s'agit de procrastiner en disant qu'on va attendre le rapport d'enquête de la Haute école de travail social, je lui suggère de prendre connaissance des témoignages du manifeste du social rédigé par plusieurs travailleurs sociaux, en éducation, en service social, qui est disponible et qui date de mai 2016... (Brouhaha.) S'il veut bien m'écouter, je lui en donne volontiers une copie ! Je vous remercie. (Remarque.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia pour trois minutes. (Commentaires.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'entends vos préoccupations, vos craintes, et je les partage. Néanmoins, je vous rassure, un moment de préoccupation est vite passé: bientôt, dans l'euphorie de l'approche des prochaines élections, vous aurez de très beaux projets de lois qui vous permettront de voter allégrement des dépenses supplémentaires et, dans l'euphorie que je sens déjà se dessiner, tout le monde va dire: «Plus encore ! Plus encore ! Il n'y a qu'à trouver l'argent !» Et ceux qui se retrouveront avec vos préoccupations d'aujourd'hui, c'est le Conseil d'Etat, que vous fustigerez année après année pour ne pas avoir trouvé les moyens nécessaires pour répondre aux besoins toujours accrus que vous inventez jour après jour. (Commentaires.)
Voilà, Mesdames et Messieurs. Aujourd'hui, nous nous trouvons effectivement dans une situation préoccupante et nous allons revenir avec des propositions raisonnables - il faut en effet qu'elles soient raisonnables, parce que notre cohésion sociale en dépend. Je vous demanderai de les écouter, de les analyser avec la même raison que vous exprimez aujourd'hui en faisant part de vos craintes, ainsi que d'aider le Conseil d'Etat dans la volonté qui est la sienne et qui est déterminée à maîtriser les comptes de l'Etat, de l'aider à faire en sorte que nous puissions avoir une juste mesure entre l'aide sociale et le revenu du travail et à ce qu'il y ait une différence suffisante entre le produit de l'aide sociale, c'est-à-dire ce que reçoit une personne à l'aide sociale, et ce que gagne une personne avec les revenus les plus bas, sans formation. Il faut qu'il y ait une incitation au travail. La Suisse l'a dit et l'a répété encore récemment, le travail est facteur d'intégration, de cohésion sociale et nous devons travailler en amont, avant que les personnes n'arrivent à l'aide sociale, pour faire en sorte en premier lieu que nos formations soient adaptées aux besoins futurs de notre économie. Nous devons travailler aussi pour faire en sorte que nos candidats locaux à l'emploi puissent trouver du travail, pour ne pas arriver à l'aide sociale et, sur ce point, j'attends encore et toujours une détermination ferme et claire non seulement des partis de gauche, qui répugnent à parler de soutien à nos demandeurs d'emploi, au nom d'une internationale qui ne sera bientôt plus qu'une internationale du chômage... (Commentaires.) ...et j'attends aussi une détermination ferme de la part des milieux patronaux, pour qu'ils prennent l'engagement de travailler désormais avec l'efficacité que propose l'office cantonal de l'emploi. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'est plus demandée et je vous invite donc à vous prononcer sur les deux projets de lois 11892 et 11893.
Mis aux voix, le projet de loi 11892 est adopté en premier débat par 59 oui contre 2 non et 4 abstentions.
La loi 11892 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11892 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 63 oui contre 3 non et 4 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 11893 est adopté en premier débat par 46 oui contre 8 non et 20 abstentions.
La loi 11893 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11893 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 7 non et 24 abstentions.