République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 juin 2016 à 18h
1re législature - 3e année - 5e session - 25e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Stéphane Florey, Pierre Gauthier, Lionel Halpérin, Frédéric Hohl, Vincent Maitre, Carlos Medeiros, Philippe Morel, Lydia Schneider Hausser et Eric Stauffer, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Christian Decorvet, Patrick Hulliger, Claire Martenot, Charles Selleger, Alexandre de Senarclens et Marion Sobanek.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous abordons la M 2141-A en catégorie II, quarante minutes. La parole est au rapporteur de majorité, M. Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, juste quelques mots pour vous rappeler que cette motion invite le Conseil d'Etat d'une part à négocier avec le GLCT - Groupement local de coopération transfrontalière - et l'UEFA - Union des associations européennes de football - afin que le Stade de Genève puisse bénéficier d'une dérogation de ladite UEFA au principe de territorialité en faveur du club régional français Evian-Thonon-Gaillard, d'autre part à intercéder, dans le cas où cette dérogation serait accordée, auprès des entreprises concernées afin que le Stade de Genève puisse héberger le club Evian-Thonon-Gaillard pour les matches de ligue 1 - quoique... je ne suis même pas sûr qu'il soit encore en ligue 1 ! Cette motion a été examinée par la commission de contrôle de gestion.
L'idée émise par les motionnaires tombe un peu à côté puisque l'UEFA, par la voix de son président de l'époque, M. Platini, avait indiqué que ce n'était de toute manière pas possible, qu'il était exclu de déroger au principe de territorialité. La question suivante s'est donc assez vite posée: finalement, à quoi sert-il d'aller plus loin ? Cela ne relève de la compétence ni de ce Grand Conseil ni de la Suisse, mais bien des instances supérieures du football, quelles que soient les turbulences qu'elles ont pu vivre ces derniers temps, et je ne crois pas que tout cela va faire avancer la problématique abordée dans cette motion, qu'une majorité de cette commission vous recommande de rejeter parce qu'elle n'a pas vraiment de sens.
Il faut quand même se rappeler une chose: qu'est-ce que l'objectif final ? Apporter de nouvelles recettes au fameux stade de la Praille, lequel coûte fort cher à l'Etat par le biais de sa fondation. Sachez que plus il y aura d'activités au stade, plus on l'utilisera - en tout cas avec les équipes auxquelles nous pensons: Evian-Thonon-Gaillard ou même le Servette ne vont pas produire davantage de recettes aujourd'hui - plus ça coûtera de l'argent. En termes financiers, ce ne serait donc pas une bonne opération. Mesdames et Messieurs, cette motion est non seulement dépassée, mais elle n'a pas de sens: le Grand Conseil tout comme le Conseil d'Etat n'ont pas le pouvoir de passer outre les instances européennes du football. Par conséquent, il convient de la rejeter, et c'est ce que la majorité vous demande.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de minorité. Eh bien non, Mesdames et Messieurs les députés, nous refusons quant à nous de croire que cette motion est dépassée. Pourquoi ? Parce qu'elle soulève une réelle problématique à l'échelle régionale et transfrontalière. Aujourd'hui, très clairement, c'est une banalité de dire que les régions comprises entre le Salève et le Jura n'en forment qu'une et nous imposent d'aménager conjointement l'ensemble de ce territoire. Mener une politique de l'aménagement du territoire cohérente, c'est aussi poser la question des équipements. Vous m'avez entendue tout à l'heure défendre un équipement culturel, vous m'entendez désormais défendre un équipement sportif d'importance régionale, et si nous en disposons d'un, il est de notre devoir de le faire fonctionner dans les meilleures conditions possibles.
Nous avons ici la possibilité de demander à l'UEFA de renégocier le principe de territorialité. Quand on habite une région commune, on peut mutualiser les équipements publics, et le stade en fait partie. D'ailleurs, la charte du Grand Genève comprend un volet très clair sur la mutualisation des équipements, et aujourd'hui, alors qu'on négocie le projet d'agglomération 3 qui prévoit de continuer à travailler notamment avec le GLCT sur des thématiques comme la culture et le sport, nous devrions au contraire faire preuve d'anticipation. Si ce n'est pas pour le club mentionné dans le texte de la motion, ce sera pour un autre, mais il s'agit en tout cas de concevoir un équipement de cet intérêt comme un équipement régional, et nous vous demandons donc, Mesdames et Messieurs les députés, de faire preuve d'un peu d'anticipation en renvoyant cette motion au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Monsieur le président, chers collègues, cette motion n'est pas dépassée mais prématurée. Pourquoi ? Parce que pour qu'un stade du Grand Genève soit viable, toute une série de critères, d'atouts, de conditions sont à réunir. J'en ai relevé un certain nombre, que vous me permettrez de vous indiquer.
Tout d'abord, il faut un ancrage identitaire fort dans la région, avec un bassin de supporters le plus large possible - vous me direz qu'à Genève, il y a le Servette FC ! Cette motion a d'ailleurs été déposée parce que le club Evian-Thonon-Gaillard cartonnait en France, donc elle est un peu conjoncturelle. Pour construire le Grand Genève, il faut aussi - et c'est important - une accessibilité facilitée, en particulier en transports en commun. Or en 2019, lorsque le CEVA et le RER Léman Express seront terminés, on aura une réelle possibilité d'organiser le déplacement des populations. Il faut également la présence d'un centre commercial - bon, il s'agit là d'une condition déjà remplie depuis longtemps - des dispositifs de sécurité en cas de débordements et surtout, chers collègues, l'autorisation des instances supérieures du football européen - je ne suis pas un spécialiste mais ce que j'ai compris, c'est qu'on ne les a pas reçues.
Mais avant toute chose, il faut des équipes qui cartonnent sur le plan national, soit français, soit suisse ! Certes, le Servette a fait des progrès, il est monté en Super League... Ah non, en... Comment ça s'appelle déjà ? (Remarque.) Challenge League, en bon français, mais ça ne suffit pas. Voilà donc toutes les conditions à réunir. Je ne sais pas si, parmi vous, certains savent que dans deux jours vont débuter les joutes sportives du Grand Genève; êtes-vous au courant de cela ? Voilà du concret, voilà la construction réelle de la région ! Cette motion est prématurée et fait naître de faux espoirs, et c'est la raison pour laquelle, dans un sens positif, le PLR la refuse.
M. Bertrand Buchs (PDC). Dans un sens positif, le PDC va voter cette motion qui soulève une problématique importante s'agissant du Grand Genève. Je crois qu'il faut permettre l'ouverture de la discussion sur cette idée, parce que ce n'est pas seulement le sport qui est concerné, comme l'a très bien souligné la rapporteuse de minorité, il y a aussi la culture, il y a la santé. A cet égard, on peut se demander à quoi sert notre Hôpital cantonal puisque, quand les gens ont un accident en France à quelques kilomètres de Genève - c'est arrivé dernièrement - ils sont héliportés vers Annecy ou Grenoble. Il y a donc un problème, et quand on se demande à quoi sert notre stade et pourquoi il ne peut pas être utilisé par les équipes françaises limitrophes du canton de Genève, on pose les bonnes questions quant à une mutualisation des équipements de notre canton. Nous faisons voter des crédits pour le Grand Genève, la Confédération nous donne des crédits pour le Grand Genève, il est donc quand même utile de se demander si on ne pourrait pas parvenir un jour à une mutualisation du stade en intégrant des équipes françaises.
Je rappellerai qu'au départ, l'UEFA a fait pression pour que Genève construise un stade plus grand afin d'accueillir le championnat d'Europe de football. Résultat: il y a eu deux matches de l'Euro, et puis il nous est resté ce stade, qui est absolument trop grand pour l'équipe du Servette, il ne faut pas l'oublier. Par ailleurs, l'UEFA avait besoin d'un stade qui ne se trouve pas trop loin de son siège européen de Nyon et qui soit près d'un aéroport; on a promis à Genève de lui confier des matches de prestige; eh bien on n'a rien vu, on n'a strictement rien vu ! Et M. Platini, puisqu'on parle de lui, ne voulait pas qu'Evian-Thonon-Gaillard vienne jouer à Genève tout simplement parce qu'il détestait le propriétaire de ce club ! Enfin, en termes de territorialité, je m'excuse, mais l'AS Monaco joue en ligue française et Vaduz, qui se trouve au Liechtenstein, évolue en Suisse, donc on se déplace à l'étranger pour jouer, ça ne pose aucun problème. Il est ainsi tout à fait possible de rediscuter de ça; ça peut prendre plusieurs années mais il faut marteler que Genève n'est pas seulement un petit canton et qu'il représente une région. Il faut voter cette motion ! Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
M. Alberto Velasco (S). J'ai bien entendu le rapporteur de... minorité ou majorité ? (Remarque.) De majorité, M. Sormanni. Mais qu'en avons-nous à faire que la FIFA nous dise que ce n'est pas possible, en quoi cela nous empêche-t-il de voter cette motion ? Est-ce qu'on doit demander l'autorisation à la FIFA pour la voter ? On peut très bien la voter parce que cela relève d'une volonté politique, non mais c'est vrai ! C'est une volonté politique de notre Grand Conseil de voter ce texte. Parce que sinon, franchement, c'est du pipeau, toute cette politique régionale !
Ensuite, j'ai entendu M. le député Barrillier... (Remarque.) Je vous en prie ! (L'orateur rit.) ...qui parlait des conditions à réunir avant tout, comme le transport. Mais, Monsieur Barrillier, on a réussi...
Le président. Adressez-vous à la présidence, Monsieur le député !
M. Alberto Velasco. Monsieur le président, veuillez transmettre à mon cher collègue M. Barrillier que si on a réussi à mettre en place une mutualisation sur le CEVA, c'est quand même extraordinaire qu'on ne puisse pas en avoir une sur un stade qui se meurt, qui est vide: il y a quelque chose comme 35,3 spectateurs par match !
Une voix. Autant ?
M. Alberto Velasco. Franchement, si on ne peut pas inviter les équipes d'à côté à jouer chez nous... Et puis, parlons de la FIFA...
Une voix. L'UEFA !
M. Alberto Velasco. Ou de l'UEFA, d'accord: dans la situation d'immoralité dans laquelle ces gens-là sont plongés, ils vont venir nous dire que ce n'est pas normal qu'une équipe française vienne jouer dans le Stade de Genève ?! Non mais franchement, où en est-on, là ? Quand on voit ce qui se passe chez eux, quelle immoralité y a-t-il à faire jouer une équipe française chez nous, franchement ? Il faut arrêter, Mesdames et Messieurs. Ici, on fait un acte politique, on doit voter cette motion - je remercie d'ailleurs les Verts de l'avoir déposée parce que c'est une réalité. Le sport, Mesdames et Messieurs, fait partie de la région, commençons par là ! Nous avons un beau stade à Genève, invitons nos amis français à jouer. Je comprends que le MCG y voie un problème, évidemment, ça fait partie de leur business maison. Mais enfin... (Remarque.) Eh oui ! Mais pour nous, ce n'est pas le cas. Arrêtons d'être ridicules, Mesdames et Messieurs, on se fout de ce que dit l'UEFA, c'est une motion politique, on doit la voter et aller de l'avant car le CEVA... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...entrera bientôt en fonction. Voilà, merci.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le déclic qui a mené au dépôt de cette motion ne vient pas du refus de dérogation de l'UEFA à Evian-Thonon-Gaillard en 2013; non, le déclic de cette motion, c'est un projet de stade pharaonique ! (Remarque.) Non, pas à la Praille, nous l'avons déjà. C'est un projet de stade pharaonique à la frontière, à Etrembières, sur des terrains agricoles et des zones naturelles. Et ça, c'est une aberration écologique ! C'est également une aberration économique dans une agglomération de la taille du Grand Genève quand il y a déjà un stade, celui de la Praille. A l'époque, cette motion demandait des actions spécifiques en raison de circonstances particulières qui ont été rappelées par différents intervenants, notamment la mutualisation du Stade de Genève qui représenterait justement - cela ferait d'ailleurs plaisir à M. Sormanni, vous lui transmettrez - une façon d'assurer sa pérennité financière ainsi que le demandait la commission de contrôle de gestion dans sa motion 2279 datant de mars 2015.
Cette mutualisation, c'est la voix de la raison, ce n'est pas quelque chose de visionnaire puisque c'est déjà pratiqué en Suisse et à l'étranger. Prenons comme exemple Zurich, avec deux équipes qui ont un peu plus de succès que la nôtre, ou Milan, avec deux équipes d'envergure européenne. C'est bien sûr pour des raisons économiques qu'on mutualise les stades. Cette mise en commun des infrastructures sportives représente aussi un objectif de la charte du Grand Genève qui accompagne le projet d'agglomération 2, les deux textes ayant été signés en 2012. Voilà donc le sens de cette motion, que nous vous demandons évidemment de soutenir car toutes les actions qui permettront la mutualisation des infrastructures sportives dans la région sont bienvenues, en particulier dans ce domaine. Cette motion n'est pas prématurée, contrairement à ce que disait mon estimé collègue Barrillier; non, elle prépare l'avenir conformément à la charte du Grand Genève, et pour cette raison, Monsieur Barrillier, nous la maintenons et vous recommandons de la voter. Je vous remercie. (Applaudissements et acclamations.)
M. Christo Ivanov (UDC). Je vais faire un effort, vous savez de quoi je parle ! (L'orateur rit.)
Le président. Merci, Monsieur le député !
M. Christo Ivanov. Le groupe UDC a étudié avec intérêt cette motion déposée par les Verts, qui soulève une véritable problématique. En effet, il faut reconnaître que, pour l'instant, il y a une réelle sous-occupation du Stade de Genève, c'est une évidence, et proposer que le club Evian-Thonon-Gaillard puisse jouer à la Praille était une bonne idée. Or il s'avère qu'Evian-Thonon-Gaillard vient d'être relégué en national, soit en troisième division française - je le précise à l'attention de M. Lefort, qui n'a pas vraiment l'air de suivre ce qui se passe en football - tandis que le FC Zurich a été relégué en Challenge League. Cela signifie que nous aurons un duel Servette-Zurich l'an prochain au Stade de Genève, ce qui créera de gros problèmes de sécurité, le FC Zurich étant le club qui rassemble le plus de hooligans en Suisse; il y aura certainement de la casse, et je pense que nous aurons quelques soucis en termes de sécurité.
Le groupe UDC regrette que la portée de cette motion n'ait pas été élargie à d'autres sports. Vous vous souvenez du match de coupe d'Europe de rugby entre Bourgoin-Jallieu et les Irlandais du Munster, qui avait réuni vingt mille personnes à la Praille, et n'êtes pas sans savoir que le Servette Rugby Club joue au Stade de Genève. Il y aurait également la possibilité de faire jouer Oyonnax Rugby pour les matches de coupe d'Europe, Oyonnax étant situé à 60 kilomètres de Genève; certes, ce club vient d'être relégué en deuxième division française, c'est-à-dire en Pro D2, mais il s'agit tout de même d'un niveau très intéressant avec un potentiel important de spectateurs. Enfin, Thonon abrite un club de football américain qui est champion de France ! Une fois encore, il y aurait là l'opportunité de le faire venir jouer au stade de la Praille.
Je profite d'ailleurs d'avoir la parole pour remercier la fondation Hans Wilsdorf, qui vient de financer une nouvelle pelouse pour 4 millions de francs, une somme que le contribuable n'aura pas besoin de sortir de sa poche. Pour conclure, je répète que le groupe UDC regrette que la portée de cette motion n'ait pas été élargie à d'autres sports afin d'optimiser l'utilisation du Stade de Genève. Notre groupe s'est abstenu en commission et, dans le cas présent, préconise la liberté de vote: chacun voudra bien penser ce qu'il veut de cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. François Lefort pour une minute quarante.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Juste pour compléter: ici, on ne parle pas de résultats sportifs mais d'aménagement du Grand Genève, d'économies des ressources financières, de mutualisation des infrastructures. C'est le sens de cette motion que je vous remercie de bien vouloir soutenir.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de minorité. J'ajouterai encore que le CEVA, dont on a parlé, est prévu pour 2019: c'est déjà demain. Si l'on veut donner vie au Grand Genève, les projets qui s'articulent autour de cette infrastructure doivent être pensés aujourd'hui, et si l'on veut effacer la frontière qui se trouve dans la tête de certains, il faut vraiment se donner les moyens de mutualiser les équipements collectifs, qu'ils soient culturels, sportifs, de santé ou autres encore. C'est cela, faire la région ensemble !
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de majorité. Je crois qu'on est vraiment dans la déraison. Si vous voulez que des équipes françaises viennent à Genève et paient le coût de nos infrastructures, il faut des équipes qui cartonnent, comme l'a relevé tout à l'heure le député Barrillier, or on en est loin. Vous savez très bien comment se passe la facturation à la fondation du Stade de Genève: les équipes qui ont de grands moyens paient plus cher, celles qui ont peu de moyens bénéficient de rabais. En conséquence, cette mutualisation va coûter de l'argent à l'Etat de Genève parce qu'on ne pourra pas facturer les frais. Il est donc complètement faux de prétendre qu'il faut mutualiser pour faire des économies, on va au contraire dépenser plus d'argent, voilà l'essentiel.
Je trouve très intéressant de rappeler qu'à l'époque, l'UEFA avait fait un certain nombre de propositions... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et était prête à investir de l'argent. Mais on les a dédaignées, on les a rejetées parce que nous, à Genève, nous sommes les plus forts et nous faisons tout mieux que les autres ! On a vu à quoi ça a abouti: à un gaspillage d'argent public. On a dépensé énormément d'argent dans ce stade, alors je pense que c'est un petit peu trop tard. Mais le comble du comble, c'est que vous êtes tous en train de dire ici: on se fiche de l'UEFA, ils ne sont pas d'accord mais nous sommes plus grands, plus forts, plus beaux, et notre merveilleux Conseil d'Etat va convaincre les instances supérieures du football de faire venir des équipes françaises à Genève. Vous rêvez ! Je rappelle aussi - ça figure dans le rapport que vous auriez dû lire - que le seul groupe qui a accepté l'audition de l'UEFA en commission, qui était prêt à entrer en matière et à entendre l'UEFA pour voir s'ils n'avaient pas par hasard changé d'avis ou s'il y avait une possibilité, c'est le MCG ! Tous les autres l'ont refusée, donc c'est vous qui ne voulez pas mutualiser ce stade, et je vous invite à rejeter cette motion idiote !
Des voix. Bravo ! (Commentaires.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que nous sommes ici tous d'accord pour dire qu'il serait nécessaire que le stade soit utilisé et rentable, et il y a peut-être plusieurs manières de parvenir à cette fin, notamment en permettant à l'équipe d'Evian-Thonon-Gaillard de pouvoir y jouer - la question avait en effet été posée. Au nom du Conseil d'Etat, j'aimerais vous dire que si vous nous renvoyez cette motion, la première chose que nous ferons sera de vérifier si, aujourd'hui encore, le club en question a envie et besoin de jouer au Stade de Genève. En l'occurrence, je crois savoir que les positions à ce niveau ont évolué et que le club ne serait plus aussi intéressé que par le passé, ne serait-ce que pour des raisons financières - il semblerait que les droits en rapport avec la télévision et le sponsoring soient liés à des questions territoriales. La première chose à faire sera donc de vérifier les besoins du club concerné et de déterminer s'il souhaite toujours venir jouer à Genève, ce qui serait en soi, je le conçois bien, tout à fait intéressant.
Maintenant, quoi qu'il en soit, la fondation du Stade de Genève a déjà prévu... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de prendre contact avec l'UEFA - et non pas la FIFA - simplement parce que nous estimons nécessaire de recevoir davantage de matches internationaux. Genève a l'avantage de pouvoir offrir... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi de vous interrompre, Madame la conseillère d'Etat, mais je dois demander à l'assemblée de bien vouloir faire silence.
Des voix. Chut ! (Le silence se rétablit.)
Le président. Merci. Vous pouvez poursuivre, Madame.
Mme Anne Emery-Torracinta. Merci, Monsieur le président. Genève a la possibilité d'offrir un territoire neutre, par exemple pour certaines compétitions internationales, et la fondation entend bien prendre contact prochainement avec l'UEFA à ce sujet. Aussi, faites ce que bon vous semble avec cette motion; si vous voulez aller de l'avant, le Conseil d'Etat proposera à la fondation qu'elle discute également de cette question avec l'UEFA, mais je souhaiterais quand même que le club concerné soit consulté auparavant. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je lance le scrutin sur ce texte.
Mise aux voix, la proposition de motion 2141 recueille 41 oui, 41 non et 11 abstentions.
Le président. Je tranche en faveur de l'adoption de la proposition de motion.
La motion 2141 est donc adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 42 oui contre 41 non et 11 abstentions.
Débat
Le président. Nous traitons la M 2194-B, en catégorie III. Monsieur Romain, souhaitez-vous prendre la parole ? (Remarque.) Très bien. Je passe la parole à Mme la députée Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le rapport du Conseil d'Etat sur cette motion est limpide. Réduire la formation des enseignants de quatre à trois ans représenterait non seulement un non-sens financier étant donné que cela n'engendrerait aucune économie pour l'université, mais entraînerait un coup supplémentaire pour le DIP qui devrait assurer davantage de formations continues; ce serait aussi et surtout une détérioration grave de la qualité de la formation des enseignants, et par corollaire, une détérioration de la qualité de l'enseignement dispensé dans les écoles de notre canton. En effet, réduire le temps de formation de quatre à trois ans... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...impliquerait une restriction dans la formation didactique et en ce sens, théorique. Or, il ne suffit pas, comme on a pu l'entendre lors des débats de commission sur cette motion, d'avoir le feu sacré, ni d'avoir la possibilité d'apprendre cette profession sur le tas. Non, Mesdames et Messieurs les députés, les maîtres doivent pouvoir fonder leurs enseignements sur des bases théoriques solides acquises durant leur formation.
De plus, la réduction du temps de formation des enseignants provoquerait des restrictions dans la formation, en particulier pour les compétences transversales, dont notamment l'intégration scolaire et le soutien aux élèves en difficulté. L'école évolue et les caractéristiques des élèves également: on compte un nombre plus important d'élèves allophones ou rencontrant certaines difficultés sociales engendrant des difficultés scolaires. La formation des enseignants doit tenir compte de ces évolutions afin d'armer les futurs maîtres pour faire face à ces situations nouvelles. Renier ces cours - ce qui serait absolument inévitable avec une formation en trois ans - revient à se diriger vers une école élitiste, qui renie son rôle intégratif et qui refuse d'assurer l'égalité des chances. Une formation des enseignants en trois ans, c'est également une formation moindre pour l'école inclusive. Pour qu'une école inclusive réussisse, il faut former les enseignants pour qu'ils acquièrent ces nouvelles compétences et assument leurs nouvelles fonctions intégratives. Enfin, une formation en trois ans signifie aussi moins de polyvalence pour les maîtres, puisqu'ils ne pourront plus enseigner de la première à la huitième primaire, mais uniquement se spécialiser sur l'un des deux cycles, ce qui impliquerait la nécessité de suivre par la suite des formations continues. Tout cela, les autres pays qui nous entourent en Europe l'ont bien compris, puisqu'on constate une nette tendance à la prolongation des études des enseignants du primaire.
Par ailleurs, une majorité de députés voulait plus de pratique dans ce cursus de formation, mais également des compétences accrues en matière linguistique; cela n'est pas demandé directement dans cette motion, mais cela a fait l'objet de très longues discussions en commission et en plénière, lors du traitement de cet objet. Le parti socialiste reconnaît que ces deux points constituent une faiblesse dans la formation des enseignants. Cependant, on ne réglera pas ces problèmes et ces points faibles en réduisant le temps de formation, bien au contraire; de plus, le rapport du Conseil d'Etat répond à ces préoccupations et accède aux demandes de la majorité de ce Grand Conseil...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Caroline Marti. ...puisqu'il demande plus de pratique et des exigences linguistiques renforcées dans la réforme de la formation des enseignants. Mesdames et Messieurs les députés, s'entêter à défendre une formation en trois ans, après les différents arguments détaillés dans le rapport, relève de l'acharnement idéologique en dépit de toute logique, de toute rationalité et de tout bon sens. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la formation des enseignants du primaire est une question qui a déjà été largement débattue dans ce parlement, je serai donc assez bref. Je remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse claire et limpide. Actuellement, à Genève, les maîtres du primaire sont formés en quatre ans - baccalauréat et certificat - pour enseigner, il faut le mentionner, de la première à la huitième primaire: huit degrés, des élèves de quatre à douze ans, ce qui est quand même assez complexe. L'enseignement spécialisé requiert le niveau de la maîtrise, soit cinq ans. Pour le secondaire, il s'agit de six ans, voire six ans et demi. C'est une progression assez logique: quatre ans, cinq ans et six ans et demi. On l'a déjà dit ici, il y a quelque chose de particulièrement aberrant à vouloir demander toujours plus à l'école, à vouloir augmenter la qualité de la formation des élèves, et en même temps, à réclamer que les maîtres aient une formation moindre. Je suis désolé, mais c'est complètement illogique et indéfendable. La scolarité obligatoire dure de quatre à quinze ans, nous avons des maîtres qui sont formés pour cela, et bien formés. Certes, toutes les formations sont perfectibles, et on a toujours raison de demander que le département les améliore. Mais cette réponse du Conseil d'Etat prévoit cela, le département a déjà pris des mesures pour améliorer cette formation. On peut toujours estimer que la théorie, l'articulation entre théorie et pratique n'est pas idéale, etc.: or, j'estime que par définition, une formation n'est jamais parfaite. Nous devons donc travailler à l'améliorer, mais cette réponse du Conseil d'Etat nous convient parfaitement. Il n'y a aucune raison de diminuer la durée de la formation. Si on veut une formation de qualité pour les élèves, Mesdames et Messieurs les députés, ne réduisons pas la formation de nos enseignants. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). Chers collègues, à ce stade du travail en commission, le groupe UDC ne se contentera pas de la réponse fournie actuellement par le département. Le rapport de la Cour des comptes sur l'IUFE, qui critiquait en particulier la formation pour le secondaire, n'épargne pas non plus le primaire. Je dois dire que mon groupe est assez heureux que le parti socialiste reconnaisse quelques faiblesses au système, dès lors que ce rapport est probablement le pire rapport produit par la Cour des comptes. Nous pensons donc que tout cela n'est absolument pas mûr et nous demandons le renvoi en commission.
M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, la réponse du DIP reprend, à l'exception d'un seul, tous les arguments déjà réfutés en commission. C'est comme si on vous disait: nous avions raison, vous n'avez pas bien compris, donc nous allons répéter. Il est inutile de répéter, nous avons bien compris, nous avons compris les particularités cantonales, les immenses difficultés de la population genevoise par rapport aux autres cantons, la polyvalence des maîtres, etc., etc. Il reste pourtant une question: pourquoi les autres cantons peuvent-ils faire mieux en trois ans ce que nous faisons en quatre ? C'est la seule question qui me semble fondamentale.
L'argument que nous n'avions pas entendu, le seul, est celui du coût. Le département, grâce à une gymnastique mathématique, nous affirme que trois ans sont, chez nous, plus chers que quatre ans. J'ai dû lire plusieurs fois le passage, digne de l'acrobatie intellectuelle la plus extravagante. Le raisonnement veut qu'étudiants ou pas, les cours à la FAPSE sont donnés de toute façon et qu'il faut les payer. Alors à Genève, les choses se déroulent de la manière suivante: lorsque vous passez d'une formation de trois ans à quatre ans, cela coûte plus cher. Ce qui est logique ! Ensuite, lorsque vous voulez revenir d'une formation de quatre ans à trois ans, cela coûte encore plus cher. (Rires.) Dans ce jeu de tic-tac, Genève n'a pas intérêt à continuer trop longtemps, vous le comprendrez tous, parce que le jour où quelqu'un voudra supprimer deux années d'un coup, ce sera hors de prix ! Le PLR ne prend pas acte de cette réponse alambiquée. De plus, il est déçu que le DIP ne veuille pas suivre la commission de l'enseignement supérieur. Le PLR ne pourra pas en rester là sur ce dossier, par conséquent, il fera un pas de plus vers l'enseignement en trois ans pour les enseignants du primaire. (Quelques applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). M. Romain a mis le doigt sur le problème qui nous intéresse, à savoir: quelle devrait être la durée d'une formation pour des maîtres ? La création de l'IUFE a été soutenue par le parti démocrate-chrétien, il y a cinq ou six ans; notre parti était entré en matière - j'étais membre de la commission de l'enseignement supérieur à cette époque - parce que nous avions cru ce que l'université et le DIP nous avaient dit, de bonne foi sans doute. Malheureusement, les faits ont montré que cet institut ne fonctionne pas, que les enseignants qui suivaient ces cours étaient profondément insatisfaits - nous les avons reçus à plusieurs reprises. Le rapport de la Cour des comptes le confirme, etc. Je crois que le diagnostic a été fait, il a été reconnu également par le DIP. Dans la réponse que celui-ci nous a envoyée au sujet de cette motion, des progrès ont été constatés, notamment grâce à l'introduction de stages et d'une sorte de raccourcissement, un peu abstrait quand même, du temps de formation. Par conséquent, ce constat d'échec a eu quelques progrès pour conséquence. Mais la réponse qui nous est donnée aujourd'hui ne nous satisfait toujours pas. Pourquoi ? Parce que je pense qu'il est important qu'on revienne à un cursus de formation de trois ans pour les maîtres du primaire, pour des raisons qu'on a déjà évoquées ici.
J'aimerais en rappeler une qu'on laisse trop souvent tomber, à mon avis: dans la formation des apprentis, dans la formation des enseignants - c'est pour cela que je m'intéresse à la formation du primaire - dans le cursus de formation en général, qui va du primaire au postobligatoire, et qui va des apprentis, avec le système qu'on met en place, aux universitaires, on assiste à une espèce d'académisation forcenée. De ce fait, l'ensemble de notre système fabrique des gens surdiplômés pour des postes qui n'existent pas dans l'économie, qui ne sont pas offerts par les entreprises. On est donc en train de fabriquer des chômeurs, et ceci à tous les niveaux de formation: à l'université, où des personnes accumulent des formations, des masters, des bachelors, etc., restent jusqu'à trente ans à étudier et ne trouvent pas de travail; ou au niveau des apprentis qui ont vu leur formation académisée pour ensuite soit la rater, soit se faire exclure du système. On est en train de fabriquer des jeunes chômeurs, car ces formations excluent plutôt que d'intégrer. Quelle en est la cause ? C'est que dans cette course à l'académisation, tous ceux qui décident des critères de formation, par exemple dans le domaine des ressources humaines, sont eux-mêmes passés par l'université et surestiment les critères académiques au détriment des critères pratiques. Or, je m'excuse, mais pour de nombreuses tâches, comme servir dans un restaurant ou balayer nos rues, on n'a pas besoin d'un niveau de bachelor; maintenant, c'est à peu près ce qu'on demande aux apprentis. Ça commence par quoi ? Par la formation des maîtres...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Guy Mettan. ...et c'est pourquoi je pense que pour l'école primaire, on n'a pas besoin d'un master, d'une formation quasiment de cinq ans - en l'occurrence quatre - mais que trois ans suffisent amplement. C'est la raison pour laquelle nous serions disposés à renvoyer cet objet au Conseil d'Etat, afin de remettre l'ouvrage sur le métier, jusqu'à ce que le message passe.
Le président. Merci, Monsieur le député. S'agit-il d'une demande formelle de votre part de renvoi au Conseil d'Etat ?
M. Guy Mettan. Oui.
Le président. Très bien, merci. Je passe la parole à M. le député Jean-François Girardet.
M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. Le MCG n'est, bien sûr, pas satisfait par la réponse du département. Pour ma part, trois ans de formation me paraissent amplement suffisants pour former un enseignant. Un bon maître le devient au cours de ses années d'expérience. Mieux vaut donc un enseignant formé en partie peut-être à l'université, mais surtout sur le terrain, pour qu'il puisse se perfectionner par la suite et ainsi obtenir soit des certificats complémentaires, soit une licence, après avoir obtenu en trois ans un bachelor. Par conséquent, nous serions favorables à un examen de ce rapport en commission, comme il a été proposé par l'UDC; je ne vois pas ce que peut amener de plus dans la réflexion un renvoi au Conseil d'Etat, alors que nous aurions aimé faire un pas supplémentaire dans la direction demandée par cette motion. Nous soutiendrons en tout cas le renvoi au Conseil d'Etat pour ce faire. Nous nous passerons de l'étude de la motion à la commission de l'enseignement supérieur, pour autant que l'objet soit renvoyé au Conseil d'Etat. Par la suite, nous préparerons certainement un projet de loi pour aller vers ces trois ans de formation. En outre, des formations complémentaires viendraient dans un second temps rendre plus performants encore des enseignants qui ne seraient pas moins bien formés à Genève, Vaud ou Fribourg, en comparaison de la situation actuelle des étudiants sortant de l'IUFE après quatre ans de formation. Je vous remercie.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Nous sommes tous d'accord pour dire que l'IUFE présente de graves dysfonctionnements, cela a été constaté. Toutefois, cela a été constaté essentiellement dans son secteur secondaire de formation des maîtres, et non pas primaire: ce secteur-ci n'allait plutôt pas mal, on peut le dire, il fonctionnait en tout cas à satisfaction de ses usagers. Cette motion est en train de dégoupiller une grenade qui risque de faire pas mal de dégâts. Le premier que je vois est l'obligation de recommencer entièrement le processus d'accréditation par la CDIP. Si vous voulez modifier la formation primaire pour qu'elle soit réduite de quatre à trois ans, il faut complètement la réorganiser, donc redemander l'accréditation auprès de la CDIP. Ce seront des années de travail avant de pouvoir y arriver.
Deuxièmement, cette motion est une grenade aussi parce qu'elle touche les intérêts des enseignants. L'enseignant en primaire, comme ceux du secondaire I et du secondaire II, bénéficie, à Genève, d'une forme de privilège, on peut le dire: celui de la mobilité. Dans le secondaire, il est possible aussi bien d'enseigner au cycle d'orientation qu'au collège ou à l'ECG; dans le primaire, on peut aussi bien enseigner dans le cycle élémentaire que dans le cycle moyen. La formation actuelle sur quatre ans permet cette mobilité.
Enfin, c'est une grenade quant aux besoins des élèves. Deux points: d'abord, vous savez que maintenant l'allemand et l'anglais sont enseignés à l'école primaire. Vous vous rendez compte de ce que cela présuppose, dans la formation des maîtres du primaire - qui sont des généralistes - pour qu'ils l'enseignent correctement. Deuxième point, vous avez vu qu'à Genève, on prend en compte ce qu'on appelle les besoins spécifiques. Il y a de plus en plus d'élèves dyslexiques, dyspraxiques, etc. C'est toute une formation qu'il faut donner au maître pour qu'il les prenne correctement en charge; sans parler de l'école inclusive. Je pense que cette motion est dangereuse, particulièrement à l'heure actuelle, et le groupe des Verts n'y donnera pas suite.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Marie-Thérèse Engelberts pour une minute et trente secondes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Je suis très déçue qu'à Genève, on soit sans arrêt en train d'essayer de diminuer le temps de formation. On l'a déjà fait pour les infirmières, très bien. Vous savez que la moyenne de durée dans la profession n'augmente pas forcément, et je pense que c'est un très mauvais calcul. Finalement, on ne donne aux jeunes que ce qui leur est directement utile. Or, dans une vie professionnelle et dans une carrière, on a besoin de voir un petit peu plus loin que ce qu'il y a dans sa classe. Je citerai Piaget, puisqu'il doit quand même se retourner dans sa tombe - ses mots ont été réinscrits dans le rapport: «Les ressources investies devraient être inversement proportionnelles à l'âge des élèves: "Plus l'écolier est jeune et plus l'enseignement est difficile ainsi que gros de conséquences pour l'avenir."» Je crois que c'est toujours d'actualité. En outre, avec l'école inclusive, nous avons la prétention de vouloir - et c'est vraiment juste - travailler sur de nouvelles compétences. De nouvelles compétences représentent du temps de formation. C'est très important ! On ne peut pas apprendre ça simplement...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...sur le tas, de cette manière-là. D'autre part, M. Bugnion a parlé de la reconnaissance par la CDIP. Si nous mettons en place une nouvelle formation, cela prendra à nouveau cinq à six ans pour qu'elle soit reconnue, alors que l'actuelle ne nous coûte pas et qu'il y a une faculté de psychologie et de pédagogie qui a fait ses preuves et dont il est bien dommage de ne pas profiter.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. François Baertschi pour une minute.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. On traite de l'IUFE, qui est un problème central actuellement, en raison de l'afflux scandaleux d'enseignants frontaliers...
Des voix. Rooh !
M. François Baertschi. ...dans les divers secteurs de l'enseignement, en particulier, les 10% de permis G qui travaillent au cycle d'orientation. C'est proprement scandaleux. On a des «automaticités» de reconnaissance de diplômes, avec des gens qui ont des diplômes français, des CAPES, qui viennent directement enseigner à Genève, alors que nous n'avons pas l'équivalence du côté français, nous, avec nos pauvres petits diplômes suisses. Nous nous trouvons dans une situation de scandale gigantesque où on favorise l'emploi frontalier, alors qu'il y a de nombreux jeunes qui seraient tout à fait compétents pour assumer ces postes d'enseignement potentiels...
Le président. Il vous reste quinze secondes.
M. François Baertschi. Monsieur le président, permettez-moi d'exprimer ce dépit, parce que je crois qu'on est dans un point central, on est en train de détruire l'école genevoise, on détruit notre culture genevoise et c'est un SOS que je lance. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Thomas Bläsi pour une minute et vingt secondes.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. C'est pour une petite précision, je n'aurai pas besoin d'autant de temps. J'aimerais juste dire à mon collègue M. Bugnion - vous lui transmettrez, Monsieur le président - que le secondaire est touché de manière catastrophique selon le rapport de la Cour des comptes. Mais si le primaire semble aller mieux, c'est grâce à un effet de creux, car en réalité, il n'est pas du tout épargné par ce rapport. Le groupe UDC - petite correction - demandera donc le renvoi au Conseil d'Etat et non pas en commission, comme je l'avais annoncé. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Jean Romain pour une minute.
M. Jean Romain (PLR). C'est Byzance, Monsieur le président ! Je vous remercie. Je ne peux pas laisser M. Bugnion dire que le rapport de la Cour des comptes a été catastrophique pour l'enseignement secondaire et supérieur mais n'a pas touché le primaire, ce n'est pas vrai du tout. Il y a des problèmes dans tout cet Institut universitaire de formation des enseignants. Nous avons bien entendu, notamment à la commission de contrôle de gestion et à celle de l'enseignement supérieur, que le problème était lié à la gestion bicéphale, qui féconde continuellement un déséquilibre. Concernant la reconnaissance par la CDIP, j'écoute Mme Marie-Thérèse Engelberts pleurnicher à ce sujet et dire que ça prendra quatre ou cinq ans. Mais c'est complètement faux ! C'est complètement faux ! Nous n'avons pas la reconnaissance pour l'enseignement supérieur de l'IUFE, et fort de cela, on pourrait finalement faire quelque chose qui soit acceptable pour les professeurs, pour les politiques et pour les étudiants. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Cela dit, je réitère ce que j'ai dit auparavant, la réponse ne nous satisfait pas et nous irons plus loin.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Caroline Marti pour dix secondes.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. C'était simplement pour vous dire que tout est bien explicité dans ce rapport, mais nous vous proposons le renvoi en commission, pour que la magistrate puisse venir nous apporter des compléments d'informations sur les différents points détaillés dans le texte. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. J'en ai pris acte. Je passe la parole à Mme Anne Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord remercier les motionnaires. En effet, si l'IUFE, pour la formation secondaire, a suscité les titres de la presse, a provoqué la colère des uns et des autres - je n'ai jamais reçu autant de lettres que celles à propos de la formation pour le secondaire - je dois dire qu'à peu près personne ne parlait de la formation du primaire, et cette motion a au moins eu l'avantage de nous obliger à nous mettre au travail, après celui qui a été fait en commission. Un groupe de travail au sein du département a permis d'analyser en long, en large et en travers les avantages et les inconvénients de cette formation... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour éventuellement pouvoir vous proposer des améliorations. Cela dit, la proposition des motionnaires de revenir à une formation à trois ans est une fausse bonne idée. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi en quelques points.
Premièrement, je crois que tout le monde, aujourd'hui, s'accorde sur la nécessité d'une formation des enseignants de qualité. M. Bugnion a très justement parlé, par exemple, des élèves dyslexiques. La commission de l'enseignement supérieur a reçu il y a quelques jours copie d'un courrier qui m'a été envoyé par des parents dont l'enfant a un haut potentiel. Cette lettre mettait en évidence que les enseignants et les directions d'établissements sont encore peu formés sur ces questions-là. Eh bien nous avons de plus en plus d'élèves dyslexiques, d'élèves qui ont des besoins particuliers, d'élèves à haut potentiel, et nous avons besoin que ces personnes soient formées. L'un des objectifs auxquels j'aimerais tendre est une formation initiale qui donnerait les outils aux enseignants pour faire face à ces difficultés.
En outre, la tendance internationale - je parle des pays développés, des pays de l'OCDE, des pays qui nous entourent - est à l'augmentation du temps de formation des maîtres vers quatre, voire cinq ans pour des enseignants du primaire. La Suisse fait exception - mis à part Genève - et si elle fait encore exception, c'est que la plupart des cantons ont des projets d'allongement de la formation pour le primaire, qu'au vu de leurs difficultés financières actuelles ils ont dû stopper et reporter. Par conséquent, nous naviguerions un peu à contre-courant. C'est quand même dommage par rapport à tout ce que l'on sait en matière de pédagogie.
Nous nous sommes rendu compte qu'avec une formation de trois ans - et nous avons véritablement essayé de faire ce travail au département, j'avais demandé à mes services de préparer un modèle en trois ans afin de voir le résultat - on irait à l'encontre d'un des objectifs des motionnaires, celui d'augmenter la pratique, car les stages diminueraient. C'est un peu absurde. D'autre part, on serait obligé de supprimer une des particularités de la formation genevoise, particularité très intéressante en termes de ressources humaines pour le département, celle qui veut que les enseignants soient formés aussi bien pour le cycle élémentaire - les quatre premières années - que pour le cycle moyen. Que se passe-t-il dans les autres cantons ? Prenons nos voisins vaudois: les enseignants sont formés dans un seul cycle. S'ils veulent enseigner dans l'autre cycle, ils doivent passer par de la formation continue, ce qui, en réalité, ajoute une année. Or, il est intéressant pour le département à Genève de pouvoir déplacer éventuellement certains enseignants en fonction des besoins. Un exemple récent, très concret: le mercredi matin. Votre parlement, la population genevoise, ont décidé d'ajouter une demi-journée d'école au primaire. Nous avons dû engager beaucoup d'enseignants pour la rentrée 2014. Grâce au fait que tous nos nouveaux enseignants ont été formés pour les deux cycles, élémentaire et moyen, on a pu les engager en les obligeant à travailler dans le cycle moyen. Le système offre donc de la souplesse pour les ressources humaines, et ce serait un peu dommage de perdre cet élément-là.
Troisième élément, et non des moindres, qui peut paraître paradoxal - je vous l'expliquerai volontiers en détail en commission: supprimer une année ne coûtera rien en moins, voire quelques centaines de milliers de francs en plus. Pourquoi ? C'est très simple: lors de la première année, donnée actuellement à l'université - l'année sûrement la plus théorique, même s'il y a des stages en accompagnement - sont dispensés des cours de didactique, d'histoire de l'éducation, etc., obligatoires selon les exigences de la CDIP, c'est-à-dire que le canton de Genève ne peut pas décider de ne pas les dispenser; de plus, ces cours sont ouverts non seulement aux étudiants qui suivent la formation d'enseignant primaire, mais aussi à des étudiants inscrits dans d'autres types de formations offertes par la FAPSE, par exemple en psychologie. Par conséquent, ces cours ne nous coûtent rien. Nous avons établi des listes - que je ne pouvais pas faire figurer dans le rapport sur la motion - qui donnent par exemple le détail, pour chaque cours, du nombre d'étudiants actuellement en formation en psychologie, en formation d'enseignement primaire, etc., dans le but d'évaluer l'effet qu'aurait la suppression des cours pour les futurs maîtres du primaire. Nous nous sommes rendu compte que cette première année ne nous coûte en réalité presque rien; je simplifie un peu, mais je vous montrerai volontiers les détails en commission. La petite économie faite sur un ou deux cours serait compensée par l'absence de formation unique - cycle élémentaire et cycle moyen - qui entraînerait la nécessité de proposer des cours spécifiques, soit pour un cycle, soit pour l'autre, cours actuellement suivis par les mêmes groupes d'étudiants. C'est donc une fausse bonne idée.
De surcroît, la formation est aujourd'hui dispensée à l'université; si on devait organiser désormais des formations continues - comme l'a suggéré M. Girardet en disant: «Mais au fond, qu'on les mette à enseigner et ils compléteront par des certificats complémentaires !» - ces certificats-là coûteront au département, car la formation initiale se trouve actuellement dispensée par l'université et est payée par elle; en revanche, ce n'est pas le cas de la formation continue, et la commission de contrôle de gestion le sait bien, nous avons un objet en traitement à ce propos. Cela occasionnerait probablement des coûts supplémentaires - même si cela dépend du nombre de personnes qui suivraient ces formations - et donc n'engendrerait aucune économie. Fausse bonne idée encore. Enfin, il est vrai qu'il faudrait recommencer tout le processus de reconnaissance par la CDIP; de fait, nous perdrions notre reconnaissance.
Face à cette situation, qu'est-ce que le département a choisi de vous proposer ? Il a choisi de vous proposer de maintenir un modèle en quatre ans, mais de l'améliorer pour aller dans le sens des motionnaires. D'une part, il s'agit de prévoir plus de pratique, puisque c'était votre souhait, notamment une pratique mieux ancrée dans les besoins du terrain. Actuellement, les stages sont peut-être trop perlés, on a pu voir cela grâce au travail du groupe d'étude; notre souhait est d'augmenter le nombre d'heures de stage et surtout de les organiser dès la première année, dans la même école. Cela permettra à l'enseignant de se retrouver vraiment ancré dans le travail d'une année dans une école, sans qu'il passe trois mois ici, trois mois là, ou qu'il parte ailleurs. Des stages moins morcelés, donc, et plus proches des besoins du terrain. Deuxièmement, nous allons demander aux enseignants en formation d'assumer des groupes d'études surveillées. Bien entendu, ils seront cadrés et suivis par des formateurs, car nous avons constaté que c'était nécessaire, que c'était un besoin - soit dit en passant, cela permettrait aussi de dégager de sérieuses économies pour l'Etat, car cette prestation coûte au canton près d'un million par année actuellement. Troisièmement, les plus jeunes d'entre vous, qui ont eu de l'allemand à l'école primaire, ont sans doute des souvenirs de leurs enseignants d'allemand - sans parler de l'anglais, introduit seulement récemment. Vous avez souvent dû vous dire: mais mon Dieu, les enseignants primaires n'ont pas un niveau suffisant d'allemand ou d'anglais ! De ce fait, dans le cadre de la formation améliorée, nous demandons des stages linguistiques, qui peuvent avoir lieu soit avant, soit pendant la formation.
Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais que vous fassiez confiance au gouvernement, et j'aimerais pouvoir vous expliquer tout cela en détail. Il y a des éléments que je ne peux pas donner dans une réponse à une motion, notamment les coûts. Par conséquent, je rejoins la demande déjà formulée: je souhaiterais que cet objet soit renvoyé à la commission de l'enseignement supérieur, afin de vous exposer tous les éléments. Vous pourrez ainsi par la suite juger en votre âme et conscience, sur pièces et non sur des a priori, et nous accorder un tout petit peu de confiance. Merci de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis de deux demandes de renvoi: l'une à la commission de l'enseignement supérieur, l'autre au Conseil d'Etat. Nous allons d'abord nous prononcer sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2194 à la commission de l'enseignement supérieur est adopté par 56 oui contre 17 non et 22 abstentions.
Débat
Le président. Nous passons à la R 778-A en catégorie II, quarante minutes, et je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Jean Romain.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. De quoi parle-t-on ? D'une augmentation des taxes académiques de l'IHEID pour la rentrée 2015. Cet institut n'est ni une université ni une école polytechnique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) En réalité, cette hausse est assez modeste: pour les étudiants autochtones, l'écolage passe de 3000 F à 5000 F par année, et pour les étudiants étrangers, c'est-à-dire l'immense majorité des inscrits, il passe de 5000 F à 8000 F. Il s'agit d'une augmentation, certes, mais supportable lorsqu'on sait que dans d'autres pays, un institut de cette qualité exige des taxes d'inscription pouvant aller de 40 000 F à 50 000 F. L'IHEID est une institution autonome, ses statuts prévoient que le conseil de fondation a la responsabilité de décider des taxes d'écolage, ce qu'il a fait pour la rentrée 2015 déjà.
Cette école a une double vocation: d'une part, la production d'expertise pour la Genève internationale et, d'autre part, la formation des futurs acteurs internationaux. Certes, l'excellence est recherchée, mais ceux qui n'ont pas suffisamment d'argent pour s'acquitter des taxes peuvent bénéficier de deux sources financières: les bourses qui proviennent de leur pays d'origine et celles instaurées par l'institut lui-même. Nous avons obtenu tous les détails quant à la manière dont l'institution attribue ses bourses, ce qui nous permet de penser que les choses se passent en toute transparence et selon le principe d'équité. Ce qui limite l'accès à l'IHEID, ce ne sont donc pas des taxes prétendument trop élevées. De plus, l'institut a mis au point un système afin que ceux qui ont le plus de moyens financiers paient un peu plus cher, de sorte que ce surplus de recettes soit redistribué à ceux qui ont moins de moyens. Peut-on imaginer procédé plus équitable ? Non.
Le bon sens consiste à refuser cette résolution et à laisser l'IHEID augmenter raisonnablement ses taxes d'écolage. Je ne vois pas pourquoi il reviendrait aux Genevois de payer au-delà de ce qu'ils paient déjà pour cet institut en augmentant sa subvention parce qu'une résolution demanderait de maintenir l'écolage à un taux bien trop bas au motif fallacieux qu'il opérerait une sélection. Refusons, chers collègues, cette résolution malvenue, comme l'a raisonnablement fait la majorité en commission.
Présidence de Mme Christina Meissner, première vice-présidente
M. Christian Frey (S), rapporteur de minorité. Déterminer s'il s'agit d'une augmentation substantielle ou au contraire raisonnable et modeste est une question d'appréciation. Chacun, selon ses moyens, peut avoir un avis là-dessus. Comme l'a souligné le rapporteur de majorité, l'IHEID est une institution spéciale avec un statut spécifique: elle fait partie du domaine des hautes écoles subventionnées à la fois par la Confédération et l'Etat de Genève, à hauteur respectivement de 17 millions pour celle-là et de 15 millions pour celui-ci. Ensemble, cela représente tout de même 50% du financement total, ce qui est considérable. La décision d'augmenter de manière substantielle les écolages pour la rentrée 2015 n'a fait l'objet d'aucune consultation ni information préalable, que ce soit auprès du canton de Genève, du collège des enseignants de l'IHEID ou de l'association des étudiants. Lors de son audition, le directeur général a reconnu que cette absence de consultation était regrettable et a admis avoir commis une erreur.
Quelles sont les conséquences de cette augmentation brutale de la taxe pour les étudiants de l'IHEID ? Lentement mais sûrement, ce lieu de formation déjà prestigieux devient quelque chose de réservé à une élite. Il ne s'agit pas de comparer les 8000 F d'inscription pour les étudiants étrangers avec les 50 000 F qu'on paierait par exemple dans une université américaine, ce n'est pas le même contexte ni la même catégorie. Nous pensons en particulier aux étudiants qui viennent à Genève avec une bourse modeste de leur pays, par exemple d'Afrique: cette bourse ne sera pas augmentée en conséquence de la hausse de l'écolage, et ils seront directement touchés. En fait, ce sont les gens de la classe moyenne, ceux qui possèdent juste un peu trop pour ne pas avoir accès aux aides de l'IHEID, qui sont les premiers concernés. Ensuite, les critères d'attribution des aides financières de l'IHEID sont très particuliers. Le rapporteur de majorité estime qu'ils nous ont été très clairement explicités; pour ma part, je dirais plutôt - et cela a été reconnu au sein de la commission - qu'ils sont d'une opacité crasse: il y a quinze ou vingt critères différents avec des croisements dans tous les sens, c'est compliqué et, par ailleurs, ils ne sont pas du tout coordonnés avec les critères de l'Université de Genève. Il s'agit d'une véritable usine à gaz !
Enfin, mentionnons encore un point important. On relève qu'entre 2012 et 2014, le montant total des aides financières accordées par l'institut aux étudiants a diminué de manière spectaculaire de plus de 1,5 million parce que la DDC, qui subventionnait ce genre de bourses, s'est retirée. Il est complètement aberrant de constater que l'IHEID fait payer aux étudiants le retrait de la DDC, c'est tout simplement inadmissible. Quand on veut être autonome et ne consulter personne, on se finance tout seul. La direction se targue d'avoir réuni 100 millions de fonds privés au cours des six dernières années. Ainsi, il aurait été tout à fait possible de consacrer 1,5 million pour remédier au retrait de la DDC au lieu de répercuter cette économie sur les étudiants. Or la direction campe sur ses positions et fait même preuve d'une certaine arrogance. En effet, les termes de la résolution ont été qualifiés d'injurieux par le directeur de l'institution. Il s'est avéré nécessaire de rappeler à ces messieurs, c'est-à-dire au directeur et au président du conseil de fondation, que lors d'une audition dans une commission du Grand Conseil...
La présidente. Vous parlez sur le temps de votre groupe, Monsieur.
M. Christian Frey. ...on peut éventuellement rectifier des affirmations jugées inexactes mais en aucun cas porter de jugement sur la qualité de ce qui est écrit. La minorité vous invite donc à renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat afin qu'il prenne contact avec la direction de l'IHEID et lui demande d'abord de réintroduire, dans la mesure du possible, les anciens écolages dès la rentrée scolaire 2015, ensuite d'intégrer dès 2017 dans la nouvelle convention d'objectifs l'obligation de consulter le canton de Genève s'agissant de tout changement d'importance comme celui-ci, et enfin de procéder régulièrement, comme cela est en partie déjà fait, à une évaluation du respect de la convention d'objectifs. Je vous remercie.
Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président
M. Bernhard Riedweg (UDC). L'Etat de Genève contribue à hauteur de 15 millions au fonctionnement de l'Institut de hautes études internationales et du développement appelé IHEID, qui est une fondation privée au bénéfice d'une reconnaissance d'utilité publique, et la Confédération, elle aussi, lui accorde une subvention de 18 millions - cela a été mentionné tout à l'heure. Il s'agit de contributions du canton de Genève et de la Suisse à la bonne marche du système international. L'institut n'a pas demandé d'augmentation de la subvention publique pour ces prochaines années, ceci afin de développer sa liberté d'action. Il compte 86% d'étudiants qui viennent du monde entier; ni eux ni leurs parents ne paient un centime d'impôt à Genève et, de ce fait, ils ne participent pas à l'effort financier pour la formation.
En 2014, l'IHEID a offert 3,8 millions d'aide financière alors que les écolages s'élevaient à 2,4 millions. Cela signifie que l'école rend davantage d'argent aux étudiants que ce qu'ils versent comme taxe. L'IHEID a décidé de remonter vers les 5 millions l'aide financière aux étudiants, ce qui est une forme de redistribution de l'augmentation récente des frais d'écolage. En guise de comparaison avec des instituts concurrents anglo-saxons de même niveau, leurs frais sont de l'ordre de 20 000 F à 50 000 F tandis que ceux de l'IHEID sont de 8000 F pour les étudiants étrangers, lesquels n'ont jusqu'ici pas été rebutés par la hausse de l'écolage ni par le franc fort. Parmi les candidats aux études dans cette institution, 61% d'entre eux font une demande d'aide financière, et de nombreux étudiants sélectionnés sont au bénéfice d'une bourse de leurs pays ou de l'IHEID. Cette institution, qui semble être une référence mondiale dans le domaine de la formation internationale, est en fait une haute école qualifiée de bon marché en ce qui concerne les frais d'écolage. Il est à relever qu'il ne s'agit pas d'une école obligatoire ou destinée à tout le monde. Faut-il encore préciser que les taxes d'écolage ne représentent que 5% du budget de l'institut ?
De nombreux étudiants fréquentant ce lieu de formation sont des professionnels d'une trentaine d'années qui n'ont plus nécessairement besoin du soutien financier de leurs parents; pour la plupart, ils sont déjà en mesure de subvenir à leurs besoins financiers en travaillant à côté de leurs études. Si l'augmentation des frais d'écolage était refusée, ce serait aux institutions étatiques, dont notre canton, de combler le manque à gagner. Etant donné que seuls 14% des étudiants sont des résidents suisses, ce sera aux habitants de notre canton, qui paient docilement des impôts, de supporter la subvention supplémentaire que ne manquerait pas d'exiger cet institut pour pallier le manque à gagner. L'Union démocratique du centre vous demande de refuser cette résolution. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ?
Le président. Trois minutes.
Mme Caroline Marti. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, sur la forme d'abord, l'annonce de l'augmentation des taxes par l'IHEID a été faite sans aucune consultation préalable, ni du Conseil d'Etat ni de la Confédération, quand bien même cet institut dépend pour 45% de subventions publiques, avec 15 millions de la part du canton et 17 millions de la Confédération. Aucune consultation n'a non plus été menée avec les premiers concernés, à savoir les étudiants et les enseignants.
Sur le fond maintenant, cette hausse de l'écolage - Monsieur le président, vous le transmettrez à M. Romain - ne peut être considérée comme anecdotique ou modeste, elle est au contraire extrêmement conséquente puisque la taxe passe de 3000 F à 5000 F par année pour les étudiants suisses, ce qui représente une hausse de 66%, et de 5000 F à 8000 F pour les étudiants étrangers, c'est-à-dire une hausse de 60%. Au passage, cela fait de l'IHEID l'université la plus chère de Suisse ! Les conséquences sont graves pour les étudiants puisque bon nombre d'entre eux n'auront tout simplement plus les moyens de payer l'écolage et devront renoncer à leur formation.
L'argumentation avancée par l'IHEID, c'est une augmentation des bourses. Or, comme l'a dit de façon très complète avant moi le rapporteur de minorité, le système de bourses comporte toute une série de failles: non seulement les nouvelles recettes engendrées par la hausse des taxes ne sont pas réallouées en totalité aux bourses d'études, et on assiste ainsi à une augmentation globale des frais d'écolage à l'IHEID, mais les critères de l'attribution des bourses sont extrêmement opaques. Elles peuvent être supprimées d'une année à l'autre ou en cas d'échec à un examen et, de ce fait, les étudiants se retrouvent dans une situation extrêmement instable et précaire. Mesdames et Messieurs les députés, la précarisation des étudiants, notamment ceux de l'IHEID, est réelle, on a pu le constater à la commission de l'enseignement supérieur...
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.
Mme Caroline Marti. Merci. Les étudiants ont témoigné que 60% d'entre eux avaient dû faire une demande d'aide financière, qu'ils faisaient face à de nombreuses privations, notamment de nourriture, et se retrouvaient pour bon nombre d'entre eux face à un problème d'endettement qui prétéritera leur intégration future dans le domaine professionnel.
Le président. Il faut conclure.
Mme Caroline Marti. Je conclurai, Monsieur le président, en disant que le parti socialiste refuse un système universitaire dont certains étudiants seraient...
Le président. C'est terminé, Madame !
Mme Caroline Marti. ...purement et simplement exclus en raison de leur situation financière, et nous vous proposons donc de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Olivier Baud. (Un instant s'écoule.) Monsieur Baud, c'est à vous !
M. Olivier Baud (EAG). Excusez-moi, il y avait trop d'applaudissements, je n'ai pas entendu. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, augmenter les taxes d'écolage à l'IHEID respectivement de 2000 F et de 3000 F est loin d'être anodin, comme on essaie de nous le faire croire. On passe quand même de 3000 F à 5000 F et de 5000 F à 8000 F, c'est très clairement la démocratisation des études qui est mise à mal par cet acte. Mais ce qui dérange particulièrement, une fois de plus, c'est l'absence totale de consultation. Il y a une association des étudiants qui existe, qui est contre et qui doit être consultée, il y a un département - enfin bref, tout a été dit sur la contribution, et quand on est subventionné à pareille hauteur, la moindre des choses est de consulter avant de changer brutalement et de manière aussi importante des taxes d'écolage.
Mesdames et Messieurs, cette résolution - il faut bien la lire - est somme toute assez modeste. Elle demande simplement que la direction et le conseil de fondation daignent redescendre un peu de leur piédestal et veuillent bien discuter avec le département et le Conseil d'Etat des taxes d'écolage; voilà, c'est tout: une aimable discussion. On ne pourrait donc plus, dans notre démocratie, entamer des discussions sur un sujet aussi sensible ? Tout le panel de la formation, qu'elle soit privée, subventionnée ou publique, a lieu sur le territoire de Genève et mérite d'être étudié attentivement. Mesdames et Messieurs, ces hausses sont trop importantes, elles doivent au moins être discutées au préalable avec les acteurs concernés, notamment les étudiants et le Conseil d'Etat. Ensemble à Gauche vous invite donc à accepter cette proposition de résolution bien modeste.
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, deux idées sous-tendent cette proposition de résolution de nos collègues socialistes. La première, c'est que le nouveau système de taxes va créer une inégalité sociale dans le recrutement des nouveaux étudiants, et la deuxième, c'est que l'IHEID doit discuter préalablement avec le Conseil d'Etat avant la mise en place d'une telle augmentation. Le PLR s'inscrit en faux contre ces deux idées. Tout d'abord, vous avez parlé des chiffres. Oui, l'IHEID est subventionné à 46% par des fonds publics, la moitié par la Berne fédérale et 15 millions, comme vous l'avez déjà dit, par Genève. Il s'agit de 15 millions sur un budget global de 70 millions ! Pour rappel, l'Etat finance l'université à hauteur de 350 millions sur un budget total de 700 millions, ce n'est pas le même ordre de grandeur. Je précise que l'IHEID est une fondation privée et que si elle doit rendre des comptes, c'est sur sa mission, à savoir apporter de l'expertise et de la formation continue à tout ce qui touche aux relations internationales. Je crois que l'institut remplit parfaitement cette mission, et c'est là-dessus qu'il doit être jugé.
Ensuite, augmente-t-on les inégalités sociales dans le recrutement des étudiants ? Ainsi que mes préopinants l'ont dit, l'IHEID redistribue davantage en bourses - à peu près 4 millions - qu'elle ne touche en écolages - 2,5 millions. Et à qui sont attribuées ces bourses ? Sur 150 bourses, seules 20% d'entre elles ont été attribuées à des Suisses ou à des ressortissants de l'Union européenne; la plupart ont été obtenues par des gens venant principalement d'Afrique, d'Amérique du Sud ou d'Asie. Le problème de l'IHEID - mais ce n'est en fait pas un problème - c'est qu'il s'agit d'une école sélective, où l'on est jugé sur son mérite pour y entrer, et M. Burrin a été très clair à ce sujet: du moment qu'une personne est acceptée à l'IHEID, on essaie de trouver une solution en lui accordant une bourse plus élevée pour qu'elle puisse commencer ou poursuivre sa formation dans cet établissement.
Ces deux idées sont donc fausses, et c'est la raison pour laquelle le PLR vous recommande de rejeter cette proposition de résolution. Pour terminer, j'ajouterai juste une chose, puisqu'on compare sans cesse nos universités aux universités anglo-saxonnes - ce qui prouve d'ailleurs une méconnaissance de la façon dont elles fonctionnent. Là-bas, c'est vrai, les frais d'écolage peuvent s'élever jusqu'à 50 000 dollars, par exemple à Harvard, mais on oublie souvent que 50% des étudiants bénéficient de bourses de l'ordre de ce montant et qu'il y a un système de prêt. L'IHEID est un institut de niche qui offre des formations très spécialisées au niveau du master et du doctorat, et autant au PLR nous sommes attachés à des taxes relativement bon marché au niveau du bachelor, autant nous trouvons tout à fait normal qu'un institut de formation postgraduée comme l'IHEID ait le droit de déterminer le montant de ses taxes. Je vous remercie.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Mon préopinant, M. le député Saudan, l'a dit: l'IHEID est un institut faisant partie des hautes écoles internationales qui forment les diplomates de demain, c'est une niche de formation. Il est vrai aussi, qu'on le veuille ou non et contrairement à ce que pense le rapporteur de minorité, que dans ce type de hautes écoles, les écolages sont extrêmement élevés, bien plus élevés d'ailleurs que ce qui se pratique à Genève, même avec 8000 F. Pour en avoir discuté avec certains étudiants du bachelor - le fameux BARI - je crois que ce qui les frustre le plus, ce ne sont pas tant les taxes - même si, évidemment, ceux qui étudient déjà au sein de l'institution sont fâchés par cette augmentation - c'est plutôt que seuls 14% des étudiants genevois du BARI sont retenus pour poursuivre un master en relations internationales. On l'a entendu, l'IHEID est extrêmement sélectif et choisit ses candidats sur dossier. Ceux qui doivent changer de cap, c'est-à-dire effectuer leur master dans une autre discipline ou, s'ils persistent dans les relations internationales, aller étudier dans d'autres universités, que ce soit à Paris ou ailleurs, comprennent vite la différence parce qu'on en revient à nouveau au problème du coût de ces hautes études, qui se chiffre par dizaines de milliers de francs.
La hausse des taxes contribue par ailleurs à financer des bourses pour tout type d'étudiants qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, suivent cette formation dans le but de devenir diplomates. Ils viennent du monde entier et contribuent par là même au renom et à la réputation de cette institution. Il me semble que c'est le président de la Confédération, M. Johann Schneider-Ammann, qui disait que l'étudiant doit pouvoir se financer à raison de 30% par ses parents - je vous rappelle que ce sont les parents qui doivent si possible assumer la formation de leurs enfants jusqu'à 25 ans - de 30% par un travail et de 30% par des sources de financement telles que les bourses. Pour en avoir discuté également avec des étudiants en médecine, je pense qu'ils considèrent qu'il est toujours possible d'obtenir un petit job, par exemple le soir ou les dimanches - je ne vais pas faire de publicité pour certaines enseignes qui emploient des jeunes entre midi et deux heures, le soir ou le week-end, permettant ainsi aux étudiants de financer leurs études, de prendre en compte les réalités de la vie de demain, du monde professionnel. Je pense que tous les grands diplomates, pour en avoir entendu dans le cadre d'interviews, ont eu un petit job à côté de leurs études. Quoique louable, cette résolution n'est pas réaliste et ne retiendra pas notre attention. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien ne la soutiendra pas.
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Chers collègues, l'IHEID nous dit: «Vous n'avez rien à objecter contre la hausse des taxes, nous sommes un institut privé et indépendant qui fait rayonner la Genève internationale et la Suisse dans le monde entier. Notre excellence nous dicte d'ajuster les taxes en fonction de notre image, de la concurrence internationale et de façon à aider 60% des étudiants avec l'apport des 40% restants, qui peuvent d'ailleurs payer bien plus.» Ceci selon une logique typiquement anglo-saxonne de la formation - vous noterez tout de même que les universités d'excellence des Etats-Unis ne sont pas subventionnées par l'Etat. Bon, on ne peut rien dire, on ne dira rien; mais vous n'empêcherez pas les Verts de questionner politiquement la subvention de 15 millions attribuée à cet institut. Est-ce que, dans de telles conditions, pour avoir le droit de ne rien dire, nous en avons pour notre argent ? Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Jean Batou, qui dispose encore de deux minutes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais dire que le passage des écolages à 5000 F ou 8000 F ne représente qu'une partie du problème pour les étudiants qui veulent s'inscrire à cet institut. En effet, je vous rappelle que pour vivre et se loger à Genève, il faut débourser beaucoup plus d'argent. A l'Université de Lausanne, certains de mes étudiants hésitent à s'inscrire à l'Institut universitaire d'études du développement... pardon, c'est un lapsus puisque l'Institut universitaire d'études du développement a fusionné avec l'Institut universitaire de hautes études internationales pour devenir l'IHEID à une époque où on formait non pas de futurs diplomates mais des gens qui menaient une réflexion critique sur le développement du tiers monde. Je pense qu'aujourd'hui, l'institut est en train d'expulser la sensibilité à l'étude du développement, qui n'y trouvera plus sa place, avec des arguments du type de ceux que j'entends sur les bancs du PLR ou du PDC, lesquels nous expliquent que les universités américaines, ce n'est finalement pas si mal car les étudiants reçoivent des bourses. Peut-être reçoivent-ils des bourses, mais la plupart d'entre eux terminent avec des dettes énormes, et l'un des problèmes sociaux massifs que connaissent les Etats-Unis aujourd'hui...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Jean Batou. ...c'est la dette héritée du passage à l'université des étudiants américains. Pour ma part, j'estime que c'est vraiment la moindre des décences dans ce Grand Conseil que d'inviter l'IHEID à reconsidérer la hausse des taxes et je soutiens à cent pour cent les arguments de mes collègues socialistes.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, j'ai le plaisir de saluer à la tribune M. Sylvain Leutwyler, président du Parlement des jeunes genevois, accompagné des membres de son comité. Souhaitons-leur la bienvenue ! (Applaudissements.) Monsieur le rapporteur de minorité, voulez-vous encore vous exprimer ? (Remarque.) Ah, excusez-moi, vous n'avez plus de temps de parole. Alors le micro revient au rapporteur de majorité, M. Jean Romain, pour une minute et dix-sept secondes.
M. Jean Romain (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. L'inscription à l'IHEID - on a interverti deux lettres dans le rapport - se fait sur dossier, et ne sont acceptés qu'au compte-gouttes les étudiants qui voudraient suivre ces cours postgrades. C'est un «gremium» de professeurs qui décide. En suivant le raisonnement de M. Bugnion, on pourrait imaginer que pour 15 millions, l'Etat puisse placer un de ses représentants au sein de ce «gremium» pour participer à la décision, parce qu'en définitive, sur quels critères se fait la sélection, à partir de quelle transparence pouvons-nous dire qu'il y a égalité des chances et démocratisation des études ? On peut aller très loin. On pourrait aussi se plaindre du fait qu'une majorité d'étudiants sont d'origine étrangère, on pourrait se demander pourquoi nous, à Genève, devrions payer pour l'Union européenne ou d'autres continents, que sais-je ?
Or ces gens-là vont par la suite transmettre ailleurs un peu de cette rigueur qui est la nôtre, un peu de cette démocratie qui est la nôtre, un peu de cette ouverture d'esprit qui est la nôtre et peut-être même un peu des lumières qui sont les nôtres ! C'est une vitrine pour Genève, et cette vitrine a un coût, elle n'est pas gratuite. On pourrait dire que 15 millions, c'est beaucoup, c'est évidemment une part extrêmement importante de l'Etat, mais à chaque fois que vous voudrez raboter ces 8000 F pour les étrangers ou 5000 F pour les autochtones, eh bien c'est le contribuable genevois qui devra payer l'augmentation de la subvention. Passerons-nous à 17, 18 ou 19 millions ? Je déplore certes cette augmentation, mais enfin elle est ce qu'elle est, elle est raisonnable, et je crois que nous n'avons pas à donner plus d'argent par cette résolution. Je vous propose donc, comme la majorité de la commission, de la refuser. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde reconnaît la qualité de l'IHEID et des formations qui y sont dispensées, lesquelles sont en effet ouvertes sur dossier à des jeunes ou moins jeunes qui doivent avoir eu d'excellentes notes lors de leur formation précédente en plus d'un parcours complémentaire éventuel puisque, vous le savez, l'IHEID n'est ouvert que pour le master ou le doctorat. Concernant la question plus particulière des taxes, je dois vous avouer que j'ai trouvé un peu saumâtre la façon dont les choses se sont passées puisque c'est par courrier que j'ai appris leur augmentation. J'ai d'ailleurs écrit à la direction de l'école, non pas forcément pour parler du fond mais pour dire que j'aurais aimé au moins pouvoir en discuter, et j'ai demandé impérativement que le différentiel qui sera récolté de cette manière - puisque ça va commencer en 2016 - soit exclusivement affecté à des bourses supplémentaires.
Cela dit, malheureusement, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'a guère de pouvoir dans ce domaine. En effet, lorsque l'institut a été refondu - il est né de la fusion entre l'ex-IUHEI et l'ex-IUED - et que ses statuts ont été acceptés tant par la Confédération que par le canton en 2007, il a été décidé que le conseil de fondation serait uniquement composé de personnalités indépendantes, il n'y a donc pas de représentant du canton qui pourrait éventuellement faire valoir notre point de vue. On peut disserter longtemps sur les taxes: doivent-elles être plus élevées, moins élevées ? Mon seul regret est que je n'aie pas pu en parler avec la direction et le conseil de fondation. Tout ce que j'ai pu faire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...a été de communiquer mon opinion.
Nous envisagerons peut-être, dans un prochain contrat de prestations, de demander à être consultés sur les points importants, parce que, dans le cas présent, si je peux entendre qu'on augmente les taxes pour les étudiants qui ne sont pas des résidents fiscaux sachant qu'il y a des bourses et qu'elles sont accordées essentiellement, vous l'avez entendu, à des jeunes originaires des pays du Sud, je trouve en revanche un peu particulier que les écolages soient si élevés pour les étudiants qui sont des résidents fiscaux par comparaison avec ceux qui suivent les cours de l'Université de Genève. Faites donc ce que vous souhaitez de cette résolution; de mon côté, j'ai déjà dit à l'institut ce que je pensais de cette façon de procéder.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat, et prie les députés de bien vouloir se prononcer sur cet objet.
Mise aux voix, la proposition de résolution 778 est rejetée par 62 non contre 32 oui.
Premier débat
Le président. Nous nous penchons sur le PL 10961-A, dont le débat est classé en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je prendrai la parole à la fin du débat si nécessaire.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes vendredi, rassurez-vous: nous n'allons pas faire durer le débat ou vous ennuyer plus longtemps. Confucius disait: «L'expérience est une lanterne que l'on porte sur le dos et qui n'éclaire jamais que le chemin parcouru.» Je remercie le rapporteur de majorité qui, dans son rapport, a vraiment éclairé les choses. Que s'est-il passé ? Rappelons-le en deux mots: lors de la précédente législature, il avait été décidé de renvoyer dans leur pays, contre monnaie sonnante et trébuchante, des multirécidivistes; donc ceux qui n'avaient pas commis de crime restaient là. Vous vous souvenez du «plan Maghreb», nous n'allons pas épiloguer.
Ce projet de loi visait surtout à décortiquer l'origine de cet argent, et on s'est aperçu - c'est d'ailleurs très bien relevé aussi par le rapporteur de majorité - que les saisies qui sont faites sur la drogue ont deux buts principaux: lutter contre la toxicomanie et aider des organismes publics. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été déposé le 12 avril 2012, nous sommes fin juin 2016 et tout a changé; puisqu'il était un peu bizarre, ce projet a été abandonné car nous avons d'autres textes à traiter. C'est la raison pour laquelle je vous informe officiellement, en tant que premier signataire et rapporteur de minorité, qu'après en avoir discuté en caucus, le groupe UDC a décidé de retirer le projet de loi 10961.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.
Le projet de loi 10961 est retiré par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons bien travaillé: il ne nous reste plus que 49 points à l'ordre du jour. Je vous libère et vous souhaite un excellent week-end !
La séance est levée à 19h35.