République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11596-A
Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jean Sanchez, Eric Stauffer, Danièle Magnin, Henry Rappaz, Pascal Spuhler, Francisco Valentin, Christian Flury, Marie-Thérèse Engelberts modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15) (Indemnité d'encadrement progressive)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 15 et 16 octobre 2015.
Rapport de majorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)
Rapport de minorité de M. Sandro Pistis (MCG)
PL 11614-A
Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 15 et 16 octobre 2015.
Rapport de majorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)
Rapport de minorité de M. Serge Hiltpold (PLR)

Premier débat

Le président. Nous abordons à présent les objets liés PL 11596-A et PL 11614-A en catégorie II, quarante minutes. Le rapporteur de minorité pour le premier projet de loi est M. Sandro Pistis, celui pour le second M. Serge Hiltpold. Je donne tout d'abord la parole à la rapporteure de majorité pour les deux textes, Mme Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. D'abord, Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous prier de m'excuser pour n'avoir pas sacrifié au rituel du rappel du nombre de séances durant lesquelles ces objets ont été traités ni procédé aux remerciements d'usage; excusez-moi, cet oubli est sans doute à mettre sur le compte d'une certaine inexpérience en matière de rapports de majorité ! (Exclamations.) Cela étant dit, j'aimerais rappeler que ces deux projets de lois déposés respectivement par le groupe MCG pour le premier et par le Conseil d'Etat pour le second consistent à rétablir partiellement l'indemnité de 8,3% - le mal nommé mais non moins mal aimé quatorzième salaire - pour certaines catégories de personnel. Je laisserai les rapporteurs de minorité expliquer le détail de ces deux objets.

Ce sur quoi je souhaiterais insister, c'est qu'après la séance du 29 janvier 2015 au cours de laquelle ce Grand Conseil avait décidé de supprimer l'indemnité de 8,3% - excepté pour les médecins des HUG, mais cela jusqu'à un terme défini en 2017 - il est venu ces deux projets de lois pour tenter de la récupérer, projets que la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat a refusés en septembre 2015. Or moins d'un mois après cette décision, qui constituait tout de même un signal fort de la part des différents groupes qui siègent dans cette commission, M. Dal Busco réintroduisait cette indemnité pour sept hauts fonctionnaires de l'administration fiscale cantonale. Il nous a expliqué à diverses reprises combien le travail de ces personnes était précieux, utile et rentable pour l'Etat de Genève et qu'il était indispensable de leur octroyer cette indemnité pour éviter qu'ils ne cèdent au chant des sirènes du privé, lequel n'attendait qu'une seule chose: pouvoir bénéficier de leurs compétences.

Ce discours a gêné plusieurs membres de la commission, lesquels estimaient que les compétences de ces personnes étaient certes indispensables mais déjà prises en compte dans la définition de leur taux de rémunération, que la considération qui leur était portée était autant due à l'entier du personnel de la fonction publique et du secteur subventionné et que si ces deux projets visaient finalement à combler le déficit créé par le blocage de SCORE ou l'absence d'un autre système d'évaluation et de classification des fonctions, ce déficit était à déplorer pour l'entier du personnel et non pas uniquement pour les cadres. Chacun des signataires poursuivant l'objectif de faire aboutir son idée, ces deux projets de lois n'ont au final pas remporté l'adhésion de la commission et, aujourd'hui, il vous est proposé de ne pas entrer en matière dessus. Je vous remercie de votre attention.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Le projet de loi 11596 s'inspire de la volonté du Grand Conseil manifestée en 2009, lequel voulait appliquer le principe d'une prime d'encadrement. Or on s'est rendu compte, au fil des années, qu'une dérive s'était installée et que son application s'écartait de l'idée de base, créant ainsi des tensions entre cadres supérieurs dont la responsabilité est purement politique, le Conseil d'Etat n'ayant pas fait les arbitrages nécessaires. De fait, la prime d'encadrement est devenue un quatorzième salaire, principe qui a été rejeté par notre Grand Conseil. Le but recherché par ce projet de loi du MCG est de réintroduire la volonté du Conseil d'Etat, à savoir valoriser la prime d'encadrement afin que tout un chacun puisse aller de l'avant et obtenir ce qui est juste dans ce cadre-là. Mesdames et Messieurs, je vous invite donc à soutenir notre texte et vous en remercie.

Le président. Merci, Monsieur. Mesdames et Messieurs les députés, pour votre confort personnel, je vous rappelle à toutes et tous que ce débat est classé en catégorie II, quarante minutes, soit quatre minutes par groupe. La parole va au rapporteur de minorité sur le PL 11614-A, M. Serge Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons traité ce projet de loi que je qualifierai d'épineux, comme tout ce qui touche à la problématique de la fonction publique, à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat, et la minorité de ce parlement que je représente malheureusement va vous faire part de quelques réflexions s'agissant de cette coupe de 8,33% sur le salaire des collaborateurs. Je vous laisse imaginer la réaction sociale et les manifestations si des associations professionnelles patronales entraient en discussion avec les syndicats pour effectuer une coupe de 8,33% sur le salaire de leurs employés. Nous avons assisté à une grève de la fonction publique, appuyée par celle des maçons, avec une forte instrumentalisation, et je peux vous dire que les sujets en différend étaient bien loin d'une baisse de salaire de 8,33%. Il faut réfléchir au fait de vouloir taper sur les cadres, et j'utilise ce terme délibérément parce que nous n'opérons pas de distinction entre les cadres, les cadres supérieurs ou le personnel parmi les collaborateurs. Cette indemnité représente une reconnaissance salariale pour un engagement de la part d'hommes et de femmes assumant certaines fonctions, par exemple un directeur de prison, le sautier du Grand Conseil, le directeur des finances ou encore des gens qui subissent des pressions et gèrent une équipe complète.

S'ensuit une réflexion sur la grille salariale et, entre guillemets, les «petits ou bas salaires», qui sont nettement plus élevés au sein de la fonction publique que dans le secteur privé - je parle en connaissance de cause puisque, dans la construction, on forme des apprentis qui, après deux ou trois ans d'activité dans le privé, terminent leur carrière au sein des collectivités publiques, au SIS, aux SIG, dans les communes ou à l'Etat, et c'est un vrai problème. Mais ce même problème existe aussi à l'Etat pour des fonctions à forte valeur ajoutée ou exigeant des compétences difficiles à trouver, où l'Etat joue son rôle d'employeur et doit être attractif.

Une autre réflexion à mener concerne les exigences vis-à-vis du Conseil d'Etat. Lors de grèves et autres manifestations, on demande au Conseil d'Etat de jouer son rôle d'employeur, de patron, de négocier. Or que fait le Grand Conseil lorsque le Conseil d'Etat joue son rôle de patron, prend en considération certaines remarques de ses collaborateurs, ajuste et adapte des salaires - il en a la possibilité - répond en somme aux requêtes qui lui sont faites ? Le Grand Conseil arrive et parasite - j'utilise un terme peut-être un peu fort - ces discussions. Pour notre part, ce n'est pas comme ça que nous envisageons le partenariat social. Le Conseil d'Etat, qui est l'employeur, le patron, doit pouvoir négocier et disposer d'une certaine latitude, c'est le rôle de l'exécutif, et c'est le bon rôle. Au final...

Le président. Vous parlez sur le temps du groupe, Monsieur le député.

M. Serge Hiltpold. Trois minutes trente-huit sur quatre minutes, Monsieur le président, merci ! Au final, la gauche propose une coupe de 8,33% sur les salaires: c'est le monde à l'envers. Merci, Monsieur le président.

M. Jean Sanchez (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on s'attaque de manière injuste à des fonctionnaires - dont on loue par ailleurs les prestations tout au long de l'année - parce qu'ils ont peut-être eu le malheur de recevoir une promotion, d'avoir atteint un grade de hauts fonctionnaires ou, pour certains, d'être venus du privé, motivés par des aménagements de leur salaire. Il faut se rappeler que notre système d'évaluation de la fonction publique - je ne veux justement pas créer de lutte des classes au sein des fonctionnaires, pour moi ce sont tous des fonctionnaires - date de 1975. Depuis quelques années, on promet à la fonction publique une réévaluation des fonctions, d'abord avec Reper et ensuite SCORE, système qui devait aboutir en 2013 mais a subi du retard - on ne sait d'ailleurs pas s'il va finir par aboutir - et on oublie que le système de primes instauré en 2009 permettait à l'Etat d'économiser sur les salaires. Je m'explique: on pouvait retirer une indemnité pour encadrement à un haut fonctionnaire dès le moment où il changeait d'affectation et n'avait plus de responsabilités d'encadrement.

On arrive aujourd'hui à une absurdité: avec la suppression de cette prime, quelqu'un qui encadre du personnel - je prends comme exemple le directeur de la prison de Champ-Dollon - va gagner le même salaire qu'un secrétaire général adjoint qui travaille très bien mais n'encadre peut-être que sept secrétaires, voilà où on en est maintenant. Cette indemnité avait une raison d'être tout à fait objective tout en permettant de faire patienter les fonctionnaires jusqu'à l'arrivée de SCORE et à la réévaluation de leur fonction. La pondération consistant à évaluer le nombre de fonctionnaires qu'on encadre fait partie des opérations qu'on retrouve dans le privé mais aussi dans le public. Pour ces raisons, je vous engage à revenir sur le refus de délivrer une indemnité à ces fonctionnaires, qui sont de hauts cadres et la méritent largement.

Une voix. Très bien, bravo !

M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, Monsieur le président, le rapporteur de minorité indique que nous, la gauche, mettons le monde à l'envers; mais non, nous essayons justement de le remettre à l'endroit en revenant à une situation où n'existaient pas ces 8% d'augmentation qui ont été donnés par ce Grand Conseil, par vous-mêmes, Mesdames et Messieurs, ceci alors que les hauts fonctionnaires ne les avaient jamais demandés. Ils n'avaient jamais demandé ça ! C'est vous qui, un soir d'hiver, en fin de plénière - paf, un amendement ! - leur avez octroyé ce privilège. Voilà ce qui s'est passé, Mesdames et Messieurs ! Les hauts fonctionnaires n'avaient jamais demandé ça.

Maintenant, quand je vous vois pleurnicher comme ça, mon coeur se serre - vous savez que je suis sensible - et je me dis: quand la fonction publique était dehors, vous ne pleuriez pas autant, vous ne pleurnichiez pas pour les infirmières, ces dames qui travaillent le week-end, la nuit...

Une voix. Et ces messieurs !

M. Alberto Velasco. Oui, c'est vrai, ces messieurs aussi; mais malheureusement, ce sont surtout des dames, Madame, je n'y peux rien ! (Remarque.) Dans ce cas, Madame, votez avec nous maintenant, votez avec nous et on verra si vous défendez les infirmières ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je parle aussi des personnes qui travaillent à l'IMAD, qui demandent des postes supplémentaires parce qu'elles se retrouvent dans des situations extrêmes s'agissant de leurs heures de travail, et on les leur refuse. Là, vous ne pleurnichez pas, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas une larme, aucune larme ! Vous devriez commencer par revaloriser ces salaires-là avant de rehausser des rémunérations de 150 000 F à 220 000 F, Mesdames et Messieurs. Ce qui se passe ici, c'est que vous augmentez de 8% des salaires allant déjà de 150 000 F à 220 000 F, c'est-à-dire que ces gens reçoivent un cadeau de Noël de 14 000 F par année ! Mais c'est de l'indécence pure quand on pense que lors du dépôt et du vote du budget, on nous dit que la dette est énorme, qu'il faudra faire des économies et qu'on effectue des coupes linéaires de 1% dans des entités subventionnées qui disposent déjà de ressources minimales pour essayer de délivrer leurs prestations... (Remarque.) De même que les prestations de maladie, oui. Mais comment peut-on justifier de tels salaires ?

M. Sanchez a fait une comparaison extraordinaire, je dirais presque moyenâgeuse, en expliquant qu'un directeur de prison dirige beaucoup de personnes alors que d'autres cadres qui en dirigent moins peuvent gagner plus. Mais, Monsieur Sanchez, la responsabilité ne se détermine pas en fonction du nombre d'employés qu'on encadre, pas du tout ! Parce qu'à ce moment-là, pour reprendre votre comparaison, les secrétaires généraux devraient gagner un salaire de 5000 F dans la mesure où ils n'ont parfois personne sous leurs ordres. Eh bien non, ce n'est pas une comparaison valable, la responsabilité se calcule en fonction des classes de fonction qu'on a établies, c'est ça la question. Prétendre, Mesdames et Messieurs, que le seul intérêt des fonctionnaires pour leur travail au sein de la fonction publique est l'argent illustre le type de société que vous préconisez, à savoir que l'individu ne s'intéresse à son travail que s'il gagne beaucoup. Pour ma part, je n'en suis pas convaincu, Mesdames et Messieurs; je suis convaincu que les gens dont le but est de gagner beaucoup d'argent se dirigent vers le privé - oui, comme je l'ai fait dans ma vie - et que ceux qui se vouent à une mission publique savent très bien qu'ils ne gagneront pas autant. Mais c'est très honorable, Mesdames et Messieurs, et ils bénéficient aussi de conditions de travail différentes...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Trente secondes, c'est toute une vie, Monsieur ! (L'orateur rit. Commentaires.) Toute une vie ! Voilà, Mesdames et Messieurs, je considère qu'on intente un faux procès aux hauts fonctionnaires et je ne suis pas d'accord de dire qu'ils sont choqués parce qu'on leur a enlevé leur quatorzième salaire; non, on leur a donné quelque chose qu'ils n'avaient pas demandé, et il est vrai que c'est difficile de le leur enlever, mais ce n'est pas nous qui avons commis cette erreur, c'est la majorité de ce Grand Conseil de l'époque...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Alberto Velasco. Mesdames et Messieurs, je vous enjoins vraiment de voter l'entrée en matière de ce projet de loi puis de le voter...

Le président. C'est terminé.

M. Alberto Velasco. ...dans son entier à la fin. (Exclamations.) Merci.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Monsieur le président, chers collègues, on est en plein poker menteur dans cette problématique du salaire des hauts cadres ! Il faut quand même rappeler que ces deux projets de lois nourrissent ou prolongent la saga qui a suivi, au départ, la suppression de l'indemnité de 8,3% allouée aux cadres. Le premier projet de loi est une tentative du MCG de recoller les pots cassés, je crois qu'on peut le dire ainsi, et le second une tentative du Conseil d'Etat de revenir en arrière afin de mieux rémunérer ses cadres. En effet, l'efficacité de l'Etat en dépend beaucoup ! Si on ne rémunère pas suffisamment les hauts fonctionnaires, en comparaison avec le marché de l'emploi privé, on assistera à un départ des meilleures forces qui rendra impossible la conduite efficace de l'Etat par notre gouvernement.

Je vous indique encore - on n'a pas beaucoup parlé de salaires, peut-être le chef du département pourra-t-il nous donner quelques précisions à ce sujet - que le salaire moyen des cadres de la fonction publique n'est pas si élevé que ça si on le compare à celui des autres cantons suisses alors que, en revanche, le salaire moyen des classes inférieures et moyennes est plus important: on connaît bien les différences de rémunération des infirmières et des enseignants, par exemple, entre le canton de Vaud et celui de Genève.

Notre groupe a toujours été opposé à cette politique anti-cadres, que j'appellerai une politique de partageux. Pourquoi ? Parce que nous sommes convaincus que l'Etat doit s'entourer des meilleures collaboratrices et des meilleurs collaborateurs. Nous nous sommes abstenus sur le projet de loi du MCG; certes, nous aurions pu l'accepter, mais il se trouve que nous sommes contre le bricolage, et c'est bien du bricolage que vous nous proposez pour tenter de vous refaire... (Un instant s'écoule.)

Une voix. Une santé !

M. Gabriel Barrillier. Oui, une santé ! (L'orateur rit.) Je ne trouvais plus le terme ! En revanche, nous soutiendrons et voterons le projet de loi du Conseil d'Etat visant à rétablir des niveaux de rémunération suffisants pour les cadres, ce qui lui permettra de poursuivre une politique efficace. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, la prime d'encadrement a été remplacée, comme vous le savez, par un quatorzième salaire, que ce Grand Conseil a décidé de supprimer en abolissant l'indemnité de 8,33% allouée aux cadres de l'Etat, excepté s'agissant des hauts fonctionnaires de l'Hôpital cantonal. A peine le Grand Conseil a-t-il voté que le Conseil d'Etat et le MCG reviennent à la charge avec deux projets de lois; mais de qui se moque-t-on ? Le vrai débat doit porter sur un quatorzième salaire, nous en sommes conscients, mais dans le cadre des discussions sur le système SCORE. Depuis bientôt trois ans, l'UDC attend avec impatience et de pied ferme ce projet de loi sur le rééchelonnement des fonctions et des salaires. Aussi vous demande-t-il de refuser l'entrée en matière sur ces deux objets.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Il a été prétendu que les conditions de travail et salariales des fonctionnaires se sont particulièrement détériorées ces dernières années, avis que l'Union démocratique du centre ne partage que très partiellement. Suite à la baisse des recettes fiscales prévue pour le canton de Genève, le Conseil d'Etat a annoncé un gel des engagements et peut-être celui des salaires de la fonction publique et du secteur subventionné. La troisième réforme de l'imposition des entreprises va être introduite dans quelques années, ce qui engendrera une diminution des rentrées fiscales pour le canton estimée entre 350 et 650 millions. Pour ces différentes raisons, il n'est pas opportun de prévoir des indemnités qui correspondent à un quatorzième salaire pour une certaine catégorie de fonctionnaires. Il faut ajouter à cela que dans la période de déflation que nous vivons actuellement - déflation de 0,9% pour l'année 2015 selon l'OCSTAT - le pouvoir d'achat des salariés augmente vu la baisse des prix due à diverses évolutions économiques, notamment ceux des produits pétroliers.

Les fonctionnaires semblent croire qu'ils sont les seuls à faire des efforts dans le canton alors qu'ils bénéficient de la sécurité de l'emploi, ce qui représente un atout non négligeable, et c'est méconnaître ce qui se passe dans le secteur privé, où la compétitivité oblige la plupart des sociétés à faire preuve de génie et à inventer de nouveaux processus de travail... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...afin d'augmenter la rentabilité, notamment pour remédier à la diminution des marges due à la renonciation du taux plancher. L'Union démocratique du centre vous propose de refuser les deux projets de lois qui nous sont soumis car nous estimons que, d'une part, ils visent plutôt à créer une fonction publique à deux vitesses et, d'autre part, ils parasitent le travail sur SCORE, lequel devrait trouver son aboutissement dans un futur proche. Merci, Monsieur le président.

Mme Frédérique Perler (Ve). Pour le groupe des Verts, la question de la rémunération des cadres est très sérieuse, tout autant que celle de la rémunération de l'ensemble de la fonction publique, et ces questions-là doivent être examinées dans le cadre du processus de travail sur SCORE. La rapporteuse de majorité l'a très bien rappelé: le déficit que nous avons, qui a sans doute motivé le dépôt de ces deux projets de lois, est à considérer pour l'ensemble de la fonction publique, pas seulement pour une partie de celle-ci. Les Verts sont pour une équité de traitement de l'ensemble des fonctionnaires; il n'est pas envisageable pour nous de revenir avec des projets de lois dans un objectif de réparation au coup par coup. Nous souhaitons obtenir une vision d'ensemble sur ce qu'il adviendra des salaires à l'Etat après l'aboutissement du projet SCORE, ainsi que cela a été souligné ici.

Une autre chose a été dite, mais pas assez fermement de mon point de vue, c'est qu'il s'agit aussi de déterminer ce que cela signifie que de travailler pour une collectivité publique. En effet, ce n'est pas exactement pareil de s'engager pour un service public que d'opter pour un revenu très élevé dans le privé. Nous comprenons certes que cette mesure de suppression de l'indemnité de 8,33%, dite quatorzième salaire, ait dû être assez désagréable pour les cadres concernés, mais, cela a été mentionné par M. Velasco, le reste de la fonction publique a également subi des diminutions et il n'y a pas de raison, à ce stade, de créer des clivages au sein des fonctionnaires. Vous l'aurez compris, les Verts vous invitent, Mesdames et Messieurs, chers collègues, à refuser ces deux projets de lois et se réjouissent de l'aboutissement du projet SCORE. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, j'ai le plaisir de saluer à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève et son responsable de formation, M. Claude Gerber, qui nous rendent visite dans le cadre d'un cours sur le système politique suisse. Je leur souhaite en votre nom à tous une cordiale bienvenue ! (Applaudissements.) Madame Béatrice Hirsch, vous avez la parole.

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Comme les Verts, le parti démocrate-chrétien estime que la rémunération des cadres est une question primordiale, au même titre que la rémunération de tous les fonctionnaires, et c'est la raison pour laquelle il ne faut pas y toucher ! Nous y avons touché et nous devons réparer cela, oui, jusqu'à ce que le système SCORE entre en vigueur et réévalue l'ensemble des salaires de la fonction publique.

Pourquoi avoir voulu péjorer uniquement une certaine catégorie de fonctionnaires ? En fait, pour la majorité de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat, le fait d'être cadre supérieur et d'encaisser un salaire confortable justifie à lui seul une coupe de plus de 8% dans la rémunération, alors que c'est inimaginable pour l'immense majorité des autres fonctionnaires. Pourquoi traiter différemment ces cadres ? Quel dénigrement du travail pourtant admirable, tout le monde l'a reconnu au sein de cette enceinte, fourni par ces hauts fonctionnaires ! Pourquoi les traiter différemment des autres, eux qui perçoivent par ailleurs un salaire inférieur à ce qu'ils pourraient toucher dans le privé ? Ils n'ont pas besoin qu'on leur enlève cette indemnité de 8%.

Mesdames et Messieurs, soyons honnêtes, soyons corrects, respectons tous les fonctionnaires indépendamment de leur rémunération et entrons en matière sur le projet de loi du Conseil d'Etat, lequel est plus large et va plus loin que celui du MCG. Le PDC vous encourage ainsi à entrer en matière sur le PL 11614 mais s'abstiendra en revanche sur le PL 11596. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Exceptionnellement et parce qu'il s'agit d'une rectification, je passe brièvement la parole à M. Alberto Velasco.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. J'ai commis un crime de lèse-majesté tout à l'heure en invitant mes collègues à voter l'entrée en matière. Non, mon groupe demande évidemment le refus de l'entrée en matière... (Exclamations.) ...c'est clair ! J'ai vu que vous aviez souri et ça m'a titillé, c'est la raison pour laquelle je souhaitais préciser que j'ai commis une erreur, et je la rectifie.

Le président. J'avais parlé d'une courte intervention, Monsieur le député ! La parole revient à M. le député Jean Sanchez.

M. Jean Sanchez (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, j'ai bien entendu les arguments de nos collègues Velasco et Barrillier. J'informe M. Velasco - vous transmettrez, Monsieur le président - que le service d'évaluation des fonctions refuse d'entrer en matière sur des réévaluations, ce qui a justement conduit, depuis 2009, au blocage de la progression salariale de certaines catégories de cadres supérieurs, et cette indemnité représentait une compensation en attendant l'application du système SCORE - lequel a tout d'une arlésienne ! Quant au bricolage, je n'en revendique pas la paternité puisque les règlements d'application des services de ressources humaines, que ce soit dans le privé ou dans le public, tiennent compte du nombre de collaborateurs qu'on encadre.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Que de choses n'a-t-on pas entendues qu'on aurait souhaité entendre en d'autres circonstances ! Le problème de toute l'estime qu'on porte au travail des hauts fonctionnaires comme à celui des autres collaborateurs, c'est qu'on a concédé aux premiers une indemnité de 8,3% en 2009 alors qu'on imposait aux seconds, en 2009 déjà aussi, une cure d'austérité - il y a là véritablement une inégalité de traitement. La question de l'évaluation et de la classification des fonctions est un réel problème, on le voit bien et M. Sanchez s'en rend compte également puisqu'il avait annoncé en commission que l'entier de la fonction publique était handicapée par ce déficit. Aujourd'hui, on nous propose une mesurette qui viserait finalement à rétablir des privilèges. Il ne s'agit pas d'une coupe ou d'une diminution de salaire, il s'agit d'une part de rectifier ce qui a été octroyé peut-être avec légèreté en 2009, d'autre part de revenir sur une décision de ce même parlement en 2015; franchement, on ne comprend plus très bien dans quelle direction ce parlement veut aller.

Cela étant, lors de son audition, M. Dal Busco nous a indiqué que les cadres qui ont vécu à la fois cette augmentation sans l'avoir demandée puis cette diminution encore moins souhaitée se sentaient en quelque sorte remis en cause dans leurs compétences; on peut le comprendre, au même titre que les employés à qui on a proposé d'augmenter leur horaire hebdomadaire de deux heures, ce qui engendrait une perte de salaire de 5%, ont dû trouver cela saumâtre, comme l'ont prouvé les 12 000 personnes qui sont sorties dans la rue cet hiver.

Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe, Madame la députée.

Mme Jocelyne Haller. Oui, volontiers, merci. Par ailleurs, j'aimerais rappeler que l'Union des cadres de l'administration, que nous avons auditionnée lors des travaux de la commission, est d'avis que cette démarche, à savoir la proposition de ces deux projets de lois, n'est pas la bonne voie; elle se positionne plutôt en faveur d'une vision plus large qui intégrerait une égalité de traitement pour l'ensemble des cadres supérieurs, voire pour l'ensemble des collaborateurs de la fonction publique, notamment par le truchement de SCORE. Il ne s'agit ici ni de maltraiter ni de disqualifier les cadres, mais peut-être de décider de hâter les travaux afin de mettre en place un système d'évaluation et de classification des fonctions qui ait du sens et non de réintroduire des inégalités de traitement préjudiciables à l'ensemble des fonctionnaires. N'oubliez pas que si le travail des cadres est indispensable, on ne peut pas imaginer une fonction publique sans personnel de terrain: mesurez à quel point le personnel de terrain est tout aussi indispensable et a tout autant besoin de votre considération. Je vous remercie de votre attention.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, laissez-moi vous rappeler quelques réalités. Premièrement, les fonctionnaires de l'Etat de Genève travaillent toujours 40 heures par semaine, Madame la rapporteuse de majorité, et non pas 42 heures. (Brouhaha.) Ensuite, aucun d'entre eux n'a vu sa rémunération baisser, à l'exception de ceux qui étaient au bénéfice de cette prime, suite à une décision parfaitement démocratique et légitime de ce Grand Conseil prise un soir de janvier 2015, voilà la réalité. Cette diminution de salaire est bien réelle, elle est importante et a notablement marqué les esprits... (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, ça ne va pas ! Je souhaite que le silence soit de mise pendant les interventions du conseiller d'Etat et que vous évitiez les conciliabules au fond de la salle, merci.

M. Serge Dal Busco. Merci, Monsieur le président. Cette décision du Grand Conseil a été ressentie de manière extrêmement forte par les personnes touchées, ce d'autant plus que lors du fameux débat de janvier 2015, un amendement déposé en pleine séance avait permis de préserver les médecins de l'hôpital, dans une logique qui avait échappé à tout le monde, en limitant la baisse de rétribution uniquement aux cadres supérieurs du petit Etat. Je m'étonne, Mesdames et Messieurs des bancs de gauche, vous qui formulez si souvent des arguments en faveur de l'égalité de traitement et de la justice sociale, qui doivent finalement être indépendantes du niveau de salaire, qu'une telle inégalité ait été appliquée, c'est tout bonnement incroyable ! Cela a été mal vécu par nos cadres, ceux-là même avec lesquels le Conseil d'Etat travaille en étroite collaboration pour tenter de mettre en oeuvre les politiques publiques et de faire fonctionner un Etat performant, agile, inventif et créatif. Je peux vous garantir qu'il est très difficile, en tant qu'employeur, en tant que patron, d'être confronté à longueur de journée à ces personnes qui ne ménagent pas leur énergie.

Vous avez raison, le Conseil d'Etat a rapidement proposé à ce parlement un correctif, soit le rétablissement si ce n'est complet, du moins partiel de cette inégalité que vous avez introduite, en présentant un projet de loi dont il a été abondamment discuté en commission et qui rétablit, de façon sélective, un certain nombre de choses: nous avons restreint les critères, notamment en rehaussant le niveau hiérarchique, c'est-à-dire que nous exigeons deux niveaux de hiérarchie en dessous des fonctionnaires concernés, mais également instauré la possibilité d'octroyer l'indemnité à des personnes sans fonction d'encadrement mais qui sont des spécialistes de haut niveau - il y en a en particulier dans une administration à laquelle vous avez fait référence tout à l'heure. Ces spécialistes de haut niveau nous sont absolument indispensables, et je préfère les avoir dans mon administration plutôt qu'en dehors, c'est quelque chose qu'il faut bien comprendre, c'est très important. En effet, l'Etat doit disposer de personnel performant à tous les niveaux hiérarchiques et en particulier à celui de l'encadrement. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat a un peu insisté, ce qui a été relativement mal pris par certains d'entre vous, mais c'est précisément parce que nous sommes convaincus d'être dans le juste.

Par ailleurs, je voudrais signifier encore une chose: le projet de loi du Conseil d'Etat est limité à l'entrée en vigueur du système SCORE, il est limité à ça ! Celui-ci n'est pas nommément cité mais nous parlons d'un délai relatif à l'introduction d'une nouvelle échelle de traitement. Lorsque SCORE sera mis en place - et je peux vous garantir que nous y travaillons, nous espérons pouvoir présenter un projet de loi devant ce parlement à l'automne prochain, comme nous nous y sommes engagés - tout rentrera dans l'ordre. Cependant, il faut bien comprendre que cette période transitoire est source de grands problèmes. Le projet SCORE n'est certainement pas une arlésienne, il deviendra une réalité très prochainement, et ce que nous vous demandons dans l'intervalle, par l'acceptation de ce projet de loi, c'est de rétablir l'inégalité crasse qui a été introduite par votre même parlement, lequel n'avait peut-être pas tous les paramètres en tête pour prendre une bonne décision.

Enfin, s'agissant du projet de loi déposé par le MCG, il va dans le même sens que celui du Conseil d'Etat et, de ce point de vue là, est tout à fait souhaitable; malheureusement, il ne permet pas d'appréhender toutes les possibilités au sein de l'Etat de Genève, notamment parce qu'il fixe comme critères la hiérarchie et le fait d'avoir des collaborateurs sous sa responsabilité. C'est certes le cas pour la plupart de nos cadres, mais ce n'est pas le cas pour un certain nombre de spécialistes, ceux auxquels je faisais allusion il y a quelques instants. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à entrer en matière sur le projet de loi du Conseil d'Etat et à lui donner votre préférence car il s'agit d'un projet équilibré, qui déploiera son effet sur un nombre restreint de mois, c'est-à-dire ceux qui nous séparent de l'entrée en vigueur de SCORE, cette nouvelle évaluation des fonctions que tout le monde attend avec une certaine impatience, ce dont je me réjouis. Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous prie de bien vouloir donner une suite favorable au projet de loi que le Conseil d'Etat vous propose, et vous en remercie.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je salue à la tribune une classe d'étudiants de la «Volkshochschule» de Stäfa, dans le canton de Zurich, accompagnés par M. Richard Diethelm, ancien correspondant du «Tages-Anzeiger» pour la Suisse romande. Ils sont en visite à Genève pour découvrir les institutions internationales et cantonales: après l'ONU et le CICR, les voici donc au Grand Conseil, où je leur souhaite la bienvenue ! (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, vous allez vous prononcer successivement sur ces deux textes, en commençant par le PL 11596.

Mis aux voix, le projet de loi 11596 est rejeté en premier débat par 53 non contre 16 oui et 20 abstentions.

Le président. Je lance maintenant le scrutin sur le PL 11614...

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, ce sera donc un vote nominal.

Mis aux voix, le projet de loi 11614 est rejeté en premier débat par 47 non contre 31 oui et 11 abstentions (vote nominal).

Vote nominal