République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 mars 2016 à 20h35
1re législature - 3e année - 2e session - 7e séance
IN 155-C et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons notre point fixe, soit l'IN 155-C et le PL 11811-A, que nous traiterons en catégorie I, ce qui signifie qu'il s'agit d'un débat libre. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'économie a eu l'occasion d'étudier l'IN 155 au cours de nombreuses séances durant l'année 2015 et au début de l'année 2016, car notre Grand Conseil, en mars de l'année dernière, a décidé de proposer un contreprojet à cette initiative. Cette proposition de soumettre un contreprojet à l'IN 155 a été essentiellement due à la majorité de droite de notre parlement, laquelle devrait être satisfaite ce soir parce que, à l'issue de travaux complexes, nous avons pu dégager une majorité en faveur d'un contreprojet qui figure dans ce rapport PL 11811-A. Ce contreprojet donne la possibilité, non pas de fermer définitivement les commerces genevois le dimanche, mais d'une part d'ouvrir les magasins le 31 décembre de façon systématique, sans conditions particulières, si ce n'est le respect des usages - c'est-à-dire des pratiques salariales en vigueur dans les secteurs d'activité genevois - et d'autre part d'ouvrir les magasins trois dimanches par année, en respectant comme condition une convention collective de travail étendue, afin que tous les commerces, que tous les commerçants genevois soient soumis aux mêmes règles de conditions salariales et aux mêmes règles de concurrence, de manière à éviter les risques de dérives en matière de sous-enchère salariale et de concurrence déloyale.
Mesdames et Messieurs les députés, ces travaux ont été relativement complexes, comme je l'ai évoqué. En effet, peu de temps avant l'examen de cette initiative, notre Grand Conseil avait traité l'IN 151, qui avait abouti, au terme des travaux qui lui avaient été consacrés, à un compromis entre partenaires sociaux pour créer une inspection cantonale professionnelle des entreprises...
Une voix. Paritaire !
M. Roger Deneys. ...une inspection paritaire des entreprises, ce qui a donc permis d'avoir un accord entre partenaires sociaux pour avancer dans le domaine de la protection des travailleurs et lutter contre la sous-enchère salariale et le travail clandestin. La commission de l'économie a essayé de faire la même chose avec cette IN 155, mais force a été de constater que le travail était bien plus difficile, parce qu'il n'y a pas eu le même état d'esprit entre partenaires sociaux, et les représentants patronaux et syndicaux ne sont pas parvenus à trouver un terrain d'entente commun et donc à proposer un projet de loi conjoint. En effet, on pourrait se dire que le but de notre Grand Conseil, si nous sommes respectueux du partenariat social, consisterait à nouer la gerbe et donc à signer, à voter un projet de loi qui corresponde à l'accord conclu entre partenaires sociaux ! Dans le cadre du présent projet de loi et de la présente initiative, cela n'a pas été le cas, et le département, sous l'égide de M. Maudet, mais aussi de Mmes Stoll et Lance Pasquier, a mené des travaux nourris pour essayer de trouver un accord entre partenaires sociaux. La commission de l'économie, dans sa majorité, a accordé un délai de discussions jusqu'au dernier moment, mais je vous rappelle que notre Grand Conseil doit se prononcer sur cette initiative d'ici au 28 mars ! C'est donc jusqu'à la dernière minute que nous avons tenté de trouver un terrain d'entente et que nous avons laissé la possibilité aux partenaires sociaux de conclure un accord. Cela n'a malheureusement pas été possible, et par conséquent la commission de l'économie a dû faire une pesée d'intérêts, qui a consisté à dire ceci: autorisons l'ouverture des commerces le 31 décembre, sous réserve que les collaboratrices et collaborateurs du secteur de la vente soient soumis aux conditions salariales telles que prévues dans les usages, et autorisons l'ouverture des commerces trois dimanches par année, à partir du moment où une convention collective de travail étendue est en vigueur à Genève. Mesdames et Messieurs les députés, pour la majorité de la commission de l'économie, cette volonté d'avoir une convention collective de travail étendue est une garantie pour permettre une ouverture des commerces dans des conditions de concurrence loyale et sans risques de dérives qui auraient pour effet que certains travailleurs ou certaines travailleuses seraient prétérités par ces ouvertures.
Nous sommes donc passés d'une IN 155 qui demandait en gros l'interdiction des ouvertures le dimanche à un contreprojet qui permet l'ouverture des magasins trois dimanches par année, avec des garanties en matière de protection des travailleuses et travailleurs. Dès lors, je crois qu'il faut se féliciter du travail de cette commission de l'économie et du compromis trouvé, et je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter le PL 11811 qui a valeur de contreprojet tel qu'amendé à l'issue des travaux de la commission de l'économie et tel qu'il figure dans le présent rapport.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je salue à la tribune la présence de Mme Fabienne Gautier, ancienne députée. (Applaudissements.) La parole est au rapporteur de minorité Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ça ne vous étonnera pas si je vous dis que la minorité de la commission de l'économie n'est pas du tout d'accord avec les conclusions de la majorité. On sait que depuis 2011, malheureusement, le commerce genevois souffre et n'arrive pas à remonter la pente, particulièrement touché qu'il est par le tourisme d'achat en France voisine. Pour l'ensemble de la Suisse romande, on parle de 2 milliards qui ont été dépensés sur le territoire français par des résidents suisses romands en 2015. On sait aussi que la baisse du chiffre d'affaires du commerce genevois atteint encore plus de 6% globalement en 2015, avec des pointes à -25% selon le domaine d'activité. De plus, la branche a hélas perdu plus de 300 emplois en une année.
Mesdames et Messieurs, les besoins et les habitudes de consommation ont changé, on ne peut pas le nier, n'en déplaise à certains, et la population souhaite aujourd'hui plus de souplesse dans les horaires d'ouverture. Pour certaines personnes - on peut le déplorer, mais c'est un fait - le shopping est devenu un loisir, et ces dernières sont même prêtes à parcourir plus de 70 kilomètres pour effectuer leurs achats, avec comme raison, pour 20 à 30% d'entre elles, les horaires d'ouverture. Ce sont ces consommateurs-là, Mesdames et Messieurs, qu'il faut faire revenir chez nous, tout en en empêchant d'autres d'aller voir ailleurs. La France - socialiste, pourtant - l'a bien compris, avec l'ouverture des magasins d'alimentation le dimanche matin et, dernièrement, la loi Macron qui autorise l'ouverture douze dimanches par an pour tous les commerces. Certaines communes vaudoises ont elles aussi bien compris la problématique, et elles ont pris conscience des avantages résultant du fait d'avoir des heures d'ouverture plus larges; c'est notamment le cas de Chavannes-Centre, qui ferme le vendredi à 21h et le samedi à 19h, et ce sur simple décision communale. Or il suffit de se rendre sur le parking de ce centre pour constater l'impact de ces horaires élargis. En outre, les chiffres d'affaires des commerces de la gare et de l'aéroport le dimanche montrent aussi à quel point il existe une forte demande des consommateurs pour des ouvertures dominicales. Même l'association des marchés, que nous avons auditionnée en commission, se féliciterait que les commerces, pourtant concurrents, soient ouverts le dimanche. Tout comme les restaurateurs. Pourquoi ? Parce que les gens sortiraient, bougeraient et consommeraient. Un cercle vertueux que certains, ailleurs, ont bien compris.
Avec l'introduction dans la législation de la référence à une convention collective de travail étendue, la minorité de la commission de l'économie estime que le contreprojet issu de ces travaux met gravement en danger le partenariat social à Genève, ce partenariat social même qui a permis la naissance de l'inspection paritaire des entreprises; en effet, alors que sa mise en oeuvre effective ne se fera que le 1er mai, certains veulent déjà remettre en cause cette paix sociale. Mesdames et Messieurs, si vous votez ce projet de loi tel qu'il est sorti de la commission, vous donnerez concrètement un pouvoir privilégié à l'un des acteurs de ce partenariat, et c'est exactement ce qu'il ne faut pas faire. Ce n'est pas le rôle de l'Etat de favoriser l'une ou l'autre des parties; en agissant ainsi, nous mettrions en péril l'équilibre précaire de certaines conventions collectives de travail étendues. C'est le cas dans le domaine du commerce de détail, et ça pourrait être le cas dans d'autres domaines. L'Etat doit se contenter de jouer un rôle d'arbitre et de garantir les conditions-cadres pour le bon fonctionnement de l'économie et de l'emploi. Un point, c'est tout.
Mesdames et Messieurs, la tendance à Genève est à la petite entreprise sans employés: une entreprise flexible, avec moins de contraintes légales, qui peut ouvrir tous les soirs et tous les dimanches sans autorisation, sans convention collective de travail, sans formation d'apprentis, etc. Du food truck à l'épicerie-dépanneur, c'est la solution que privilégient de nombreux entrepreneurs. C'est vers ce modèle que l'excès de normes légales contraignantes pousse l'économie, sans réelle plus-value.
Mesdames et Messieurs, l'ouverture des magasins quatre dimanches par an n'est pas la panacée, et ce n'est pas ce qui va faire remonter le commerce genevois à des niveaux qu'il n'a plus connus depuis longtemps. Le fait de subordonner ces quatre ouvertures à une convention collective de travail étendue résulte d'un amendement qui a été proposé par les syndicats et approuvé par la commission, syndicats dont on se demande s'ils défendent encore les employés qu'ils sont censés représenter, en tenant dans le cas précis des postures extrêmes au lieu de tout faire pour développer et surtout conserver les emplois, dans un environnement qui est très concurrentiel et qui est mis sous pression par le franc fort.
Dès lors, Mesdames et Messieurs, nous allons vous proposer deux amendements. Le premier vise simplement à revenir au projet de loi tel qu'il a été présenté par le Conseil d'Etat. Quant au deuxième, il atténue quelque peu l'effet voulu en commission de la convention collective de travail étendue; il permet ainsi de ne pas donner les pleins pouvoirs aux syndicats, mais de laisser une chance au partenariat social. C'est de cela qu'on parle, de conditions-cadres pour l'économie et pour l'emploi, et je vous invite à accepter avec ferveur ces deux amendements - en tout cas le premier, car il nous paraîtrait nettement préférable de revenir au projet de loi du Conseil d'Etat, ou alors, si ce n'est pas le cas, au moins le deuxième, qui supprime la notion de convention collective de travail étendue et qui garde le principe de la convention collective cadre. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs, on croit rêver ! Je dirai d'abord deux mots sur le fond: sur le fond, sur le principe, il faut bien entendu refuser l'ouverture dominicale des magasins. Le dimanche doit être préservé comme jour de repos... (Commentaires.) ...notamment pour les employés de la vente, et comme journée où l'ensemble de la population peut sortir de cet enfer ultra-commercial, de cet enfer de travail constant, et faire autre chose, en disposant d'un temps de loisirs en commun. Alors l'ouverture le dimanche... Ce n'est pas par hasard que le dimanche a été institué comme jour de repos, et les partisans de la laïcité m'excuseront de... (Rires. Commentaires.) ...me référer à la règle du repos dominical, qui est une règle sensée, élémentaire et humaine ! (Brouhaha.) Il faut un jour par semaine où on laisse tomber les activités ordinaires, où on laisse tomber le commerce, où on laisse tomber l'argent, l'achat, la vente, etc., et où on se livre à d'autres activités. (Brouhaha.) C'est de ce point de vue là, pour protéger notamment les plus de 20 000 personnes qui travaillent dans le secteur de la vente, mais aussi les autres, parce que c'est la gangrène... On déréglemente le secteur du commerce, mais ensuite ça pousse à déréglementer le temps de travail dans d'autres secteurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et c'est bien entendu ce discours-là que tient le rapport de minorité.
L'initiative «Touche pas à mes dimanches !» visait aussi un but très simple: elle ne tendait pas à transformer la situation actuelle ni à interdire l'ouverture des commerces - et ils sont nombreux - qui le sont déjà aujourd'hui le dimanche, mais à éviter une manoeuvre antidémocratique entreprise par le Conseil fédéral et consistant, par voie de modification de l'ordonnance 2 relative à la loi sur le travail, à permettre l'ouverture d'un certain nombre de centres commerciaux en zone touristique. De ce point de vue là, le contreprojet n'est pas vraiment un contreprojet à cette initiative, puisque le contreprojet et l'initiative pourraient coexister; on force donc à opérer un choix entre l'un ou l'autre à travers le statut de contreprojet de la loi qu'on nous propose.
Quoi qu'il en soit, sur le fond, il faut évidemment se battre contre l'extension des ouvertures le dimanche. D'ailleurs, le rapporteur de minorité Jacques Béné - qui ne m'écoute pas, parce qu'il a mieux à faire, mais ce n'est pas grave - indique dans son rapport les intentions qu'il y a derrière la bataille qu'il mène. Et d'abord, bien sûr, il a ce discours insupportablement paternaliste à l'égard des syndicats lorsqu'il dit qu'on peut se demander s'ils défendent encore les employés, etc. Ça ne va pas du tout, Monsieur le président, et vous le ferez remarquer à M. Béné tout à l'heure ! On sait en effet quels intérêts il défend, quels intérêts les représentants des associations patronales défendent dans cette enceinte, alors remettre en cause les syndicats qui sont organisés démocratiquement et qui tiennent des assemblées avec les employés de la branche - il y en a eu d'ailleurs récemment sur ce thème - en se demandant s'ils défendent ou non leurs membres... Eh bien oui, Monsieur Béné, ils défendent leurs membres... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et ils ont raison de le faire, dans le cadre d'une opposition à la généralisation des ouvertures du dimanche.
Maintenant, vous me direz qu'il ne s'agit que du 31 décembre et de trois pauvres dimanches supplémentaires par an... Oui, mais M. Béné nous indique que ce n'est qu'un pas ! C'est un pas, cela figure dans son rapport, or quand on emploie la métaphore du pas, c'est pour montrer que l'on fait d'abord un pas, puis un deuxième, un troisième, un quatrième, un cinquième, etc. L'intérêt des pas - et M. Béné me donne raison - c'est qu'ils permettent de marcher, or la direction dans laquelle vous souhaitez avancer est parfaitement inadéquate et discutable pour les raisons que j'ai énoncées tout à l'heure. (Brouhaha.)
Alors certes, nous avons approuvé ce contreprojet en commission, parce qu'il donne effectivement - et le rapporteur de minorité a eu raison de le souligner - quelques pouvoirs aux employés organisés en syndicats, en vrais syndicats, pas forcément en syndicats maison et en syndicats bidon tel que permettraient de le faire les amendements proposés par le PLR. En effet, il leur donne le pouvoir de négocier, de négocier des contreparties et des compensations, et de décider s'ils veulent ou non, à travers la signature d'une convention collective, accepter cette exception, cette dérogation, qui doit rester non pas un pas vers l'ouverture illimitée des commerces jour et nuit et tous les jours de la semaine, mais une entrée en matière concernant une extension limitée et raisonnable. Et cette extension limitée et raisonnable, malgré notre soutien à l'initiative, nous l'avons acceptée en commission, et une majorité a été trouvée. Or maintenant - mais je reviendrai peut-être ultérieurement, et d'autres aussi, sur ces amendements - le PLR revient à la dernière minute, avec des méthodes de flibustiers, en profitant... (Exclamations.) Parce qu'évidemment nous sommes raisonnablement pris à la gorge pour discuter de ces amendements du PLR, pour savoir ce qu'ils entraînent effectivement... Mais il faudrait entendre des syndicalistes, il faudrait entendre, cas échéant, des représentants des milieux patronaux, il faudrait entendre - mais vous me direz qu'on l'entendra, puisqu'il va s'exprimer - le Conseil d'Etat, et tout ce travail devrait se faire en commission ! Dès lors, Monsieur Béné, si vous aviez l'intention de déposer ces amendements-là...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. Oui, je vais conclure ! ...il aurait fallu le faire en commission ! Mais en l'état nous nous tiendrons fermement aux décisions qui ont été prises par une majorité de la commission, de différents bords, après débat et après avoir entendu toutes les parties, précisément dans un esprit de partenariat social, et nous n'entrerons pas en matière quant à la tentative de sabotage de ce contreprojet entreprise par le PLR ce soir.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député ! Je vous remercie. La parole est à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, mon président.
Une voix. Mon président ! (Exclamations.)
M. André Pfeffer. Le groupe UDC s'abstiendra en votant blanc si les deux avenants annoncés ne sont pas acceptés. Nous trouvons ce contreprojet en l'état très discutable, mais nous ne souhaitons pas nous opposer à l'éventuelle ouverture des magasins quatre dimanches par année. En effet, la branche du commerce de détail genevois est sinistrée et ces quatre dimanches d'ouverture sont un tout petit pas ou une minuscule aide pour ce secteur qui subit une très rude concurrence de la France voisine. L'activité de cette branche est en chute, et en 2015 le chiffre d'affaires a diminué de 4 à 10% selon les commerces. Pour l'ensemble des acteurs genevois, la perte est estimée à 600 millions. L'un des auditionnés parlait d'une situation catastrophique, avec des suppressions de postes massives dans ce secteur où les charges sont essentiellement des coûts liés à la main-d'oeuvre et aux loyers. A Genève, cette branche emploie plus de 16 500 salariés, et plus de 300 personnes ont perdu leur emploi en 2015. Durant la même année, les grandes enseignes ont connu une baisse de leur chiffre d'affaires de 200 millions, ce qui engendre une perte fiscale pour le canton d'environ 10 millions. Ces quatre dimanches sont évidemment nécessaires pour nos commerçants et leur permettent de rivaliser avec les concurrents français. D'autant que ceux-ci bénéficient depuis septembre 2015 de la loi Macron - une loi socialiste - accordant douze dimanches d'ouverture par an, avec des horaires bien plus larges, des heures de fermeture plus tardives et des compensations pour le travail dominical bien inférieures, soit 30% du salaire, alors que notre projet de loi prévoit une compensation de 100%. Les chiffres du groupe Migros montrent l'énorme disparité entre nos deux régions: les magasins situés sur le territoire genevois enregistrent une baisse du chiffre d'affaires de 5 à 10%, tandis que les deux centres en France voisine progressent de l'ordre de 25%.
En revanche, le groupe UDC déplore que le patronat et les syndicats s'opposent à ce contreprojet. Cette branche a un dialogue social tendu et difficile, et il est néfaste, voire dangereux que le législateur impose, contre leur volonté, des conditions et des clauses. Imposer une convention collective de travail étendue pour trois des quatre dimanches au patronat, qui n'en veut pas, peut mettre en péril cet équilibre. D'ailleurs, le contreprojet comprend déjà des concessions patronales importantes, notamment un supplément de salaire de 100% pour le travail dominical, et surtout des sanctions contre les employeurs incorrects, comme la fermeture du commerce, l'interdiction d'ouvrir les dimanches ainsi que des amendes allant jusqu'à 60 000 F, ce que les conventions collectives de travail ne permettraient pas. Subordonner l'ouverture de trois dimanches sur quatre à la convention collective de travail, soit mélanger le droit public et le droit privé, est aussi une éventuelle source de litiges et de recours aux tribunaux. L'UDC relève enfin que tous les cantons suisses autorisant leurs commerçants à ouvrir quatre dimanches par an - tous, à l'exception de quatre cantons romands - n'imposent aucun lien entre le droit et l'établissement de conventions de travail. Je vous remercie de votre attention.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été dit par le rapporteur de minorité, le canton de Genève est particulièrement touché par le tourisme d'achat en France voisine. Les chiffres 2015 sont malheureusement éloquents: durant cette année noire, 300 emplois sont passés à la trappe dans le commerce genevois, et la souplesse affichée par notre grand voisin en matière d'ouverture dominicale ne va guère améliorer cette situation. Les consommateurs sont prêts à se déplacer - ils le font facilement - pour effectuer leurs achats au-delà de la frontière après leurs activités professionnelles, pendant leurs loisirs et particulièrement le dimanche. Les besoins de consommation ont changé ces dernières années et une grande majorité de la population souhaite plus de souplesse dans les horaires d'ouverture. Le phénomène consistant à procéder à des achats de produits les plus variés sur internet se développe de jour en jour et devient même systématique chez les plus jeunes. Bien entendu, nos commerçants doivent s'adapter à ce nouveau phénomène, mais nous devons aussi leur faciliter la tâche pour maintenir ouvertes leurs échoppes dans nos villes. Beaucoup de personnes désirent conserver des commerces de proximité pour maintenir une offre et une vie sociale dans nos quartiers, mais en même temps ces mêmes personnes se rendent en France ou dans des villes européennes, voire dans d'autres continents, pour effectuer des achats, ou alors elles le font en ligne sur internet en restant cloîtrées chez elles. Les consommateurs sont libres de leurs modes d'achat, mais ce comportement tend à la disparition complète du commerce de détail à Genève. Les chiffres d'affaires des commerces de la gare et de l'aéroport le dimanche montrent à quel point il existe une forte demande des consommateurs pour des ouvertures dominicales, et personnellement j'ai honte lorsque je vois des touristes déambuler dans nos rues sans vie le dimanche. Encore dernièrement, j'ai été interpellé un dimanche à Confédération Centre par une touriste qui me demandait où se trouvait le supermarché le plus proche. Je n'ai pu que lui conseiller de se rendre à la gare...
Le texte initial du contreprojet proposé par le Conseil d'Etat représentait une première étape pour donner un peu d'air au commerce genevois, qui en a bien besoin, et nous regrettons que le patronat et les syndicats n'aient pas trouvé un accord satisfaisant les intérêts des deux parties dans ce projet de loi. Avec l'amendement proposé par les syndicats et voté par une majorité de la commission, nous inscririons dans la loi le principe d'une convention collective de travail étendue. L'Etat devient ainsi celui qui impose un accord, alors qu'il doit se contenter d'un rôle d'arbitre, un système qui fonctionne d'ailleurs très bien au sein du conseil de surveillance du marché de l'emploi, où sont présents aussi bien les employeurs que les syndicats. C'est pourquoi la proposition de faire référence aux usages dans le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat a été saluée par la minorité de la commission. Cette proposition avait effectivement le mérite de pouvoir être testée à court terme, sans mettre en péril la convention collective de travail étendue en vigueur, quitte à revenir avec une loi plus contraignante si le système ne fonctionne pas et qu'un partenaire abuse de la situation.
Pour toutes ces raisons, le groupe PDC vous engage à accepter l'amendement proposé par le rapporteur de minorité qui se réfère aux usages ou, à défaut, le deuxième amendement qui supprime la notion de convention étendue et qui fait référence à la convention collective de travail cadre du secteur du commerce de détail, permettant ainsi de laisser une chance au partenariat social. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Le MCG a recherché ce contreprojet parce qu'il est important. En effet, il permet d'ouvrir quatre dimanches par année, mais il permet aussi, autant que possible, de donner des garanties aux travailleurs, or c'est un élément qui est important pour nous. Si on demande à des personnes, à des travailleurs, à des familles de travailler le dimanche, il faut qu'en échange on ne soit pas dans un libéralisme débridé, que la vie des gens ne soit pas complètement perturbée, et qu'il y ait donc un minimum de garanties. C'est pour cela que nous avons suivi, lors des travaux de commission, tout ce qui pouvait aller en direction de ces garanties.
Dans un premier temps, il a été fait état de ce qui s'appelle les «usages», mais malheureusement la garantie est un peu faible au niveau des usages, cela doit donc vraiment être pris avec circonspection. C'est pour cette raison que nous avons été ensuite en faveur de l'inscription dans la loi de la présence d'un contrat de travail qui permet d'avoir des garanties pour les travailleurs, parce qu'on se trouve quand même dans une situation qui est assez inquiétante dans le commerce de détail à Genève. Lors d'une audition, nous avons appris qu'il y avait une enseigne qui engageait plus de 50% de frontaliers - je ne parlerai pas de cette enseigne - ce qui constitue quand même un phénomène assez inquiétant, et encore... (Exclamations. Commentaires.) Dans le même temps, nous avons un certain nombre de membres du MCG qui travaillent dans le domaine de la vente - ou parfois qui ont travaillé et ont été licenciés - et qui touchent des salaires très misérables, avec des conditions de travail qui sont loin d'être bonnes. On se trouve en effet dans un système de surconcurrence qui, pour le MCG, n'est absolument pas acceptable. Essayons donc de trouver tout ce qui peut être une garantie pour ces travailleurs. C'est pour cela que, en commission, nous avons suivi l'amendement déposé par mon collègue Vert, qui a fait un excellent travail et qui a présenté quelque chose de vraiment intéressant.
Et aujourd'hui, le dernier jour, après de très longues discussions, on nous propose un amendement du PLR qui nous semble intéressant sur certains aspects, mais qui peut éventuellement être dangereux, or nous n'avons pas le temps de l'examiner, ce qui nous pose un gros problème. C'est pour cette raison que je voudrais vous dire que l'on va refuser ou accepter l'amendement. Malheureusement, nous sommes encore en train d'examiner la chose au sein de notre groupe, parce qu'il ne s'agit pas d'une question légère, et je mets au défi n'importe qui d'entre vous de pouvoir, de manière précise et complète, nous donner des réponses à ce sujet. Nous avons entendu la directrice de l'OCIRT, qui elle-même a laissé beaucoup beaucoup d'incertitudes sur ces questions juridiques. Mais on fait de la politique, on ne fait pas du juridisme, ce sont donc des choix généraux qui doivent être opérés, et face à ce genre de questions qui nous sont posées aujourd'hui, nous allons vous dire quelle est notre réponse au cours du débat, parce que nous ne pouvons pas nous permettre de jouer avec la vie de ces vendeurs. Nous devons avoir des réponses précises, mais on nous laisse malheureusement peu de temps pour en donner, et je trouve dommage que les partenaires sociaux eux-mêmes n'aient pas pu réussir à dialoguer - je crois que presque tout le monde est d'accord avec cela. Mais nous reviendrons sur le sujet !
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, quand on sait - et le rapporteur de majorité l'a dit - que cela fait des mois que la commission de l'économie travaille sur cet objet, à savoir sur le contreprojet et l'initiative «Touche pas à mes dimanches !», il est un peu cocasse de voir le MCG en pleine discussion, ne sachant pas encore trop ce qu'il va voter au final... C'est un tout petit peu inquiétant, mais on espère bien que le MCG pourra suivre la position qu'il a adoptée en commission de l'économie.
En ce qui concerne le parti socialiste, nous sommes à la base plutôt opposés philosophiquement aux ouvertures des magasins le dimanche, parce que - et j'y reviendrai plus tard - le dimanche, comme cela a été souligné par mon collègue Vanek, il y a aussi d'autres choses à faire que d'aller faire ses courses dans les magasins... (Commentaires.) ...et on en parlait lors d'une séance précédente avec notre ancien président Antoine Barde. Surtout, c'est le jour où l'on peut soit se reposer, soit passer du temps en famille, par exemple, et où l'on peut effectivement sortir de cette course perpétuelle, du stress, de son travail, etc. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Cela dit, pour entrer dans la discussion, dans le cadre d'un contreprojet, et pour essayer de trouver un compromis, le parti socialiste ne s'est pas opposé sur le principe à l'ouverture des magasins trois dimanches et le 31 décembre. Car on ne parle pas de dix dimanches ni de quinze dimanches, mais bien de trois dimanches et du 31 décembre ! Mais en échange, si je puis dire, de cette ouverture des commerces durant trois dimanches, nous voulions que les compensations en faveur du personnel qui sont prévues pour le travail dominical puissent être «bétonnées», entre guillemets, puissent être garanties, ce qui ne peut se faire que dans le cadre d'une convention collective de travail étendue. En effet, Mesdames et Messieurs, je pense que vous connaissez un peu les salaires qui sont pratiqués aujourd'hui dans le commerce de détail: quand vous gagnez 3500 F ou 3700 F en moyenne, eh bien je peux vous dire que ce n'est pas tous les jours dimanche ! Nous nous sommes donc mis dans un état d'esprit de compromis afin d'essayer de trouver un consensus pour ce contreprojet. Les partenaires sociaux ont continué à discuter... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et on continue à discuter aussi sous l'égide de M. Pierre Maudet et de son département, pour tenter de trouver une solution.
Cela a été relevé, on se trouve effectivement dans une période difficile pour le commerce de détail, en tout cas pour certains de nos commerces genevois, et je reviendrai un peu sur les causes, parce que je pense qu'il est aussi intéressant de pouvoir en débattre. On nous dit que la première cause est le franc fort; alors oui, c'est vrai, le franc fort est une cause, et cela a accentué le tourisme d'achat, notamment en France voisine, mais celui-ci existait déjà avant le franc fort. Et cette accentuation est effectivement inquiétante, parce qu'on se rend compte que les gens vont de plus en plus acheter des choses en France voisine, mais également de plus en plus en Europe, et cela a été dit aussi ! Comment font-ils ? Eh bien ils prennent des vols low cost - notamment easyJet, pour ne pas faire de la pub... En effet, quand on peut payer aujourd'hui 39 F pour faire Genève-Barcelone, Genève-Paris ou Genève-Rome, ce qui se passe, c'est que les gens prennent deux ou trois jours pour passer le week-end à Barcelone et autre, et ils reviennent avec des achats, des achats qui ne sont pas effectués à Genève. Alors il faut aussi se poser la question - mais je sais que ce n'est pas un débat sur l'aéroport, et l'idée n'est pas de dire qu'il faut tuer l'aéroport - parce que quand on parle de 25 millions de passagers en 2030... (Commentaires.) Je vous vois froncer les sourcils, Monsieur Maudet ! ...eh bien une partie de ces passagers vont faire leurs courses ailleurs grâce aux vols low cost et reviennent avec des achats qu'ils ne font pas à Genève, ce qui est aussi inquiétant. (Brouhaha.)
On a parlé des commandes sur internet, phénomène qui devient effectivement un vrai problème, mais il en va aussi de la responsabilité individuelle de se dire qu'on ne va pas profiter du service de nos magasins genevois pour aller ensuite commander sur internet. Or on a auditionné des représentants des milieux du commerce qui nous ont dit qu'ils avaient de plus en plus de clients qui venaient, qui essayaient par exemple des chaussures, des souliers de ski, etc., qui remerciaient les vendeurs en disant qu'ils allaient réfléchir, et qui une fois rentrés chez eux commandaient sur un site internet exactement le même produit à un prix inférieur de 30%. Du coup, c'est le magasin qui fait le travail de service, et internet et les entreprises qui effectuent ensuite la vente.
L'ouverture du dimanche n'est pas la panacée, cela a d'ailleurs été dit aussi par le rapporteur de minorité. Il s'agit de trois dimanches, ce n'est donc pas cela qui va redonner du punch, si je puis dire, au commerce genevois, et de plus cela peut poser un certain nombre de problèmes, dont on ne parle pas assez à mon avis. En effet, les études économiques ne montrent pas encore que l'ouverture du dimanche permet d'accroître fortement son chiffre d'affaires, et si c'est le cas, on peut se demander au détriment de quoi... Eh bien il y a deux éléments qu'il faut prendre en compte: premièrement, quand vous achetez le dimanche, vos achats sont peut-être dilués, c'est-à-dire qu'au lieu d'acheter par exemple un peu le mardi et un peu le jeudi, vous allez acheter un peu le mardi, un peu le jeudi et un peu le dimanche, mais le panier final de vos achats représentera exactement la même chose. Et puis il y a une autre problématique pour les petits commerçants: en effet, les grandes surfaces à Genève auront bien entendu les forces pour ouvrir ces trois dimanches et le 31 décembre, mais que va-t-il se passer pour les petits commerces ? Eh bien ils vont être obligés d'ouvrir également leurs portes, parce qu'autrement ils subiront la concurrence des grandes surfaces et ils perdront de l'argent et des clients.
Le parti socialiste a donc fait un pas dans la direction des commerçants en disant qu'il était d'accord pour l'ouverture de trois dimanches, mais en échange d'une convention collective étendue. Et c'est dommage, parce qu'on a eu l'impression en commission qu'à un moment donné on était à bout touchant s'agissant d'un compromis entre les partis et d'un compromis entre les syndicats et les milieux du commerce, mais cela n'a pas été le cas. Alors nous, nous voulons rappeler notre position qui est claire: pour le parti socialiste, quand on parle de l'ouverture de ces trois dimanches, Mesdames et Messieurs, eh bien ouverture étendue égale CCT étendue. Et si ce n'est pas le cas, le dimanche, au lieu d'aller à la Coop de Chêne-Bourg, nous continuerons à faire l'amour ! (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le PLR a toujours été et est encore très attaché au partenariat social. Il est évidemment aussi tout à fait concerné par la protection des travailleurs. Cependant, pour qu'il y ait des travailleurs à protéger, il faut bien entendu qu'il y ait de l'emploi, et on sait aujourd'hui que le secteur du commerce est très gravement touché par la crise: il y a non seulement des problèmes de chiffres d'affaires, de pertes importantes de chiffres d'affaires, mais celles-ci ont de plus entraîné des pertes d'emplois, or qui dit pertes d'emplois dit plus d'employés à protéger. C'est bien dommage pour certains, dont c'est manifestement le seul but. Nous devons donc trouver aujourd'hui un moyen de concilier les deux: la protection de l'employé et la pérennité de l'emploi, respectivement la possibilité pour nos commerces de continuer à avoir des acheteurs.
Et là, Monsieur le président, vous me permettrez de vous transmettre que j'apprécie les propos de M. Vanek, qui se moque du caractère paternaliste du rapporteur de minorité, alors que lui-même se fait juge de ce qu'il est bon de faire ou pas le dimanche. Est-il bon et honnête d'aller faire des achats le dimanche ? Est-il bon et honnête de vouloir dépenser de l'argent le dimanche ? Est-ce respectable, alors que certains travaillent le dimanche ? Mais, Monsieur le président, certaines des personnes qui travaillent le dimanche sont heureuses de le faire ! (Rires.) Elles sont heureuses de pouvoir gagner de l'argent ! En effet, elles n'ont pas toutes la possibilité de travailler la semaine ! (Brouhaha.) Peut-être parce qu'elles étudient, peut-être parce qu'elles ont d'autres tâches, peut-être parce qu'elles doivent partager la garde des enfants avec un époux et que lui-même est plus présent à ce moment-là... Par conséquent, Monsieur le président, j'apprécie grandement ces leçons de responsabilité. Mais ce que le PLR souhaite aujourd'hui, c'est être responsable face à la problématique de l'emploi. Le PLR ne demande pas que l'ensemble des travailleurs soit tenu de travailler tous les dimanches de l'année, nuit et jour, 24h/24. Le projet de loi qui a été déposé se concentre sur quatre dimanches; ce n'est pas la panacée, mais selon les études qui ont été fournies, eh bien oui, Monsieur le président, cela permettrait de renforcer le commerce, de rehausser le chiffre d'affaires et de s'aligner sur nos voisins. Qu'est-ce qu'ils ont, ces voisins ? Est-ce qu'ils sont plus bêtes que nous ? Pourtant gouvernés par des socialistes ? Et pourtant ouverts beaucoup plus tard ? Monsieur le président, il faut donc revenir à la raison, il faut accepter le projet de loi tel qu'il a été présenté, il faut permettre au commerce genevois de continuer à créer de l'emploi, et il faut permettre à la population et aux touristes de pouvoir faire des achats quand bon leur semble, y compris quatre dimanches par an. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Daniel Sormanni... (Commentaires.) ...qui n'est pas là. Le micro revient donc à M. Boris Calame.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, passer d'une initiative qui souhaite interdire l'ouverture des commerces le dimanche à un contreprojet qui offre la possibilité d'ouvrir quatre dimanches par an n'a pas été un exercice sans risque à la commission de l'économie. On pourrait même dire que la proposition est quelque peu culottée. Pourtant, dans le domaine du commerce, où les partenaires sociaux ont visiblement beaucoup de peine à dialoguer et se mettre d'accord, il fallait trouver une solution qui puisse offrir des avantages aux deux parties, à savoir développer le potentiel de vente par une augmentation des plages horaires tout en assurant le dialogue social et la protection des travailleuses et travailleurs. (Remarque.) Nous avons donc élaboré un contreprojet à l'initiative 155 composé de deux volets indissociables. Cet assemblage voulu par la majorité de la commission est une perche tendue aux partenaires sociaux. C'est un contreprojet qui se veut en faveur de l'économie de ce secteur qui, il faut bien le reconnaître, souffre particulièrement, notamment du tourisme d'achat. C'est notre façon de répondre aux attentes des partenaires sociaux, soit d'assurer le maintien d'activités et d'emplois tout en assurant des conditions de travail qui respectent un cadre clair de protection des employés. Nous avons voulu assurer l'ouverture du 31 décembre qui, rappelons-le, est un jour férié à Genève, mais aussi donner la possibilité aux partenaires sociaux de s'entendre sur l'ouverture de trois dimanches supplémentaires par an, pour autant que le cadre soit négocié et respecté de par l'application de la convention collective de travail étendue pour le commerce de détail. Certains crieront au loup ou annonceront un démantèlement du partenariat social. La majorité de la commission pense au contraire qu'il s'agit ici de le renforcer dans un domaine d'activité où il est un peu plus difficile que dans d'autres. Nous ne pouvons alors qu'espérer que la majorité de notre Grand Conseil suivra les recommandations de notre commission et qu'ensuite les milieux assumeront leurs responsabilités. Celles-ci pourraient se caractériser d'une part par le retrait de l'initiative et, d'autre part, par des négociations constructives autour d'une convention collective de travail étendue pour le commerce de détail. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un moment important qui doit permettre de rassembler. Pour soutenir notre économie locale et les emplois liés, le groupe des Verts vous encourage à soutenir ce contreprojet, en saisissant l'opportunité qui vous est proposée. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, on ne peut pas s'empêcher de penser ce soir au contreprojet à l'initiative 151 des syndicats sur le contrôle des conditions de travail qui a débouché sur un compromis historique entre syndicats et milieux patronaux et sur la création d'une inspection paritaire de l'emploi. (Remarque.) Eh bien, ce soir, nous avons un véritable compromis. C'est vrai qu'il n'est pas partagé par l'ensemble des partenaires sociaux... (Rires.) ...mais c'est pourtant un véritable compromis car d'une initiative qui visait à interdire l'ouverture des magasins le dimanche, on arrive à un contreprojet qui vise, c'est inscrit, à ouvrir trois dimanches par année mais en amenant, c'est certain, une condition.
Une voix. Trois !
M. Romain de Sainte Marie. C'est pourquoi nous avons un contreprojet; cette condition est nécessaire. Elle concerne les conditions de travail et demande une convention collective étendue dans le secteur du commerce de détail. Pourquoi un tel compromis et une telle condition ? (Remarque.) C'est bien normal ! C'est bien normal ! Allez lire par exemple le rapport datant de 2013 de M. Ramirez, professeur à la HEG, sur les risques de sous-enchère salariale. Vous allez vous apercevoir tout de suite qu'il y a bien deux secteurs à Genève qui sont les plus exposés aux risques de sous-enchère salariale: l'hôtellerie-restauration, tout le monde le sait, et également le commerce de détail. (Remarque.) Lisez cette étude et vous constaterez, d'une part, que, parmi les salariés, les femmes sont les principales victimes de la sous-enchère salariale et, d'autre part, que le commerce de détail est principalement composé de femmes. Ce secteur connaît donc aujourd'hui un véritable problème en matière de conditions de travail et de sous-enchère salariale.
Pourquoi agir à ce moment-là et proposer un tel compromis ? Je crois, et le groupe socialiste également, que d'amener et de forcer, c'est vrai, cette négociation constitue aujourd'hui une véritable solution. Si les milieux patronaux et le commerce de détail souhaitent ouvrir le dimanche, soit, pourquoi pas ! Mais à ce moment-là ils devront fournir l'effort et garantir une convention collective de travail étendue. Ensuite, il est intéressant d'entendre certains propos relatifs à l'emploi et au chiffre d'affaires; mais lisez le rapport de majorité ! Il contient une étude qui montre quelles sont les causes principales du tourisme d'achat actuellement. On les connaît, regardez ! (L'orateur désigne la page 148 du rapport où figure l'étude mentionnée.) Le principal facteur à 79%, ce ne sont pas les horaires des magasins ! Les horaires des magasins, c'est 22%, soit le dernier facteur explicatif du tourisme d'achat ! Le premier facteur est le franc fort, naturellement ! Et Genève, de par sa situation, souffre de ce franc fort. (Commentaires.) Raison de plus pour ouvrir le dimanche ? Absolument pas ! Ce n'est absolument pas nécessaire ! Quand on parle ici du rôle de l'Etat arbitre, cela m'amuse un peu. J'ai du mal à imaginer notre conseiller d'Etat en charge de l'économie comme un simple arbitre. En général, quand je le vois régulièrement agir, je ne le perçois pas comme un arbitre, notamment s'agissant du contrôle des conditions de travail. Peut-être que le groupe PLR perçoit son conseiller d'Etat comme un arbitre passif qui n'a absolument rien à faire. En réalité, non, c'est bien le rôle de l'Etat que d'agir ! (Commentaires.) Quand un problème survient - il y en a un au niveau du chiffre d'affaires des entreprises - on le voit, les heures d'ouverture des magasins sont un outil quasi insignifiant pour y faire face. (Remarque.) Par contre, on observe et on sait grâce à diverses études qu'il existe un réel problème en matière de conditions de travail et qu'il y a une sous-enchère salariale. (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Romain de Sainte Marie. Maintenant, un autre aspect est intéressant. J'entends parler de l'emploi comme moteur de l'économie et c'est vrai, ce n'est pas moi ou le groupe socialiste qui allons vous contredire ! Par contre, le réel moteur de l'économie et de celle que vous prônez à droite, c'est bien le pouvoir d'achat qui entraîne la consommation. Aujourd'hui, sans cette consommation, sans ce pouvoir d'achat, l'économie n'est rien. Alors ouvrez le dimanche, ouvrez davantage, ouvrez tout ce que vous voulez ! Si la population genevoise n'a pas davantage de pouvoir d'achat, elle ne pourra pas consommer et c'est là le vrai coeur du problème, on le voit. Les 34% de Genevois qui ne paient pas d'impôts, qui n'arrivent pas à payer d'impôts, c'est cela le vrai problème s'agissant du pouvoir d'achat à Genève. C'est donc aujourd'hui, en introduisant des exigences à remplir en termes de conditions de travail au moyen de cette convention collective de travail étendue qu'on va pouvoir augmenter le pouvoir d'achat d'une grande part de la population. Je vous invite donc vraiment à accepter ce soir ce contreprojet qui est un véritable compromis.
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, quand on parle du travail le dimanche, il faut en parler sérieusement, et je crois que le fait que nous soyons saisis d'amendements au tout dernier moment alors que la commission a travaillé pendant un certain temps à chercher un compromis, c'est déjà ne pas prendre très au sérieux la question du travail le dimanche. Je suis un peu nouveau dans ce Grand Conseil, mais je crois que le PLR est vraiment le parti qui ne respecte aucune règle dans le travail collectif. (Protestations. Commentaires.) Je ne suis pas généralement un partisan du compromis à tout prix, mais quand un compromis a pu être trouvé entre les syndicats et...
Des voix. Et qui ?!
Une voix. Et la gauche ?! (Commentaires.)
Une autre voix. Et qui ?!
M. Jean Batou. ...et la majorité d'une commission du Grand Conseil...
Des voix. Non ! (Protestations. Vifs commentaires. Le président agite la cloche.)
M. Jean Batou. ...entre les syndicats et la majorité d'une commission de ce Grand Conseil, c'est-à-dire la majorité du peuple représenté ici par ses élus, je trouve surprenant qu'au dernier moment on vienne présenter des amendements que personne n'a eu le temps de lire et que vous auriez pu présenter au préalable. (Commentaires.) Venons-en maintenant aux questions de fond si vous le permettez.
Une voix. Non !
M. Jean Batou. Les questions de fond sont beaucoup plus importantes que la tactique parlementaire. Or le travail le dimanche - que vous saluez comme un progrès social, un progrès de l'emploi, un progrès de l'économie - est reconnu, s'il se généralisait, comme un problème majeur pour les activités familiales et pour la vie sociale. Les dimanches que vous perdez en termes d'activités familiales, de rapports dans votre couple... (Remarque.) ...de contacts avec vos enfants, vous ne les rattrapez pas au cours de la semaine. (Vifs commentaires.) Prenez l'exemple d'une famille dont le père travaille le dimanche, dont la mère travaille le reste de la semaine et dont les enfants, eux, ont congé le dimanche. (Commentaires.) Comment cette famille peut-elle avoir une vie familiale harmonieuse ? (Remarque.) Parlons maintenant des femmes. Les femmes mères de famille... (Commentaires.) ...ont toujours exprimé clairement dans tous les sondages à l'échelle européenne leur volonté de ne pas travailler le dimanche, et les taux de refus du travail le dimanche sont de l'ordre de 80% dans toutes les enquêtes sérieuses menées à l'échelle européenne. (Remarque.) Donc, ne dites pas que vous défendez les intérêts des femmes et des travailleuses du secteur de la vente ! (Brouhaha.)
Ensuite, parlons de l'incidence psychique du travail le dimanche: du burn-out, des difficultés d'insertion sociale, des difficultés dans les relations avec son entourage, de vie dans la communauté. Voilà... (Commentaires.) Bien sûr, vous vous en moquez sur les bancs du PLR ! ...voilà les problèmes qui assaillent les travailleurs qui sont d'astreinte le dimanche ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Sur le plan somatique, cela ne vous intéresse pas plus de savoir que ceux qui travaillent le dimanche ont un taux d'insomnie de 50% plus élevé que les autres... (Rires.) Cela vous fait rire ! Moi cela ne me fait pas rire ! (Commentaires.) ...qu'ils ont un taux de stress de 64% supérieur, qu'ils ont 50% de plus d'accidents du travail, qu'ils ont 30% de plus de maux de dos et qu'ils ont, pour beaucoup, plus de douleurs musculaires permanentes. C'est un véritable drame sanitaire que la généralisation du travail le dimanche ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Enfin, puisque la plupart d'entre vous êtes des fonctionnaires d'organisations patronales et que vous parlez en leur nom... (Brouhaha.)
Une voix. Ben lui, il est fonctionnaire tout court !
Une autre voix. Il est professeur ! (Commentaires.)
M. Jean Batou. Oui, je préfère être un fonctionnaire au service du public qu'au service des associations patronales ! Et puisque vous êtes dans ce Grand Conseil à ce titre-là, réfléchissez aussi à vos propres intérêts: la motivation du personnel semble baisser considérablement quand on lui impose le travail le dimanche et le taux d'absentéisme augmente. (Commentaires.)
Pour terminer, vous aimez beaucoup Manuel Valls et M. Macron que vous citez constamment; hier soir, je lisais sur Facebook que Manuel Valls s'était présenté comme candidat à la primaire du parti Les Républicains. Je dois vous dire que, pendant un moment, j'ai cru que c'était sérieux ! C'était un canular, mais ici à Genève, ressaisissons-nous ! Les organisations de gauche et les organisations syndicales refusent de mettre le pied dans la direction du travail du dimanche et nous serons avec elles pour refuser vos amendements !
M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, je tiens à vous rassurer, en tant que travailleur du dimanche, je ne suis pas insomniaque, je n'ai pas mal au dos et je suis en bonne santé ! Merci ! (Exclamations. Applaudissements.) Très franchement, quand on parle du travail le dimanche, il faut savoir de quoi il est question. Alors d'abord, je vous pose une question. (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Stéphane Florey. Qui ici travaille le dimanche ?
Plusieurs voix. Moi ! (Commentaires.)
M. Stéphane Florey. Voilà. (L'orateur parcourt la salle du regard.) On voit que ce sont surtout les gens de droite, responsables, qui travaillent le dimanche. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Là, pas trop ! (L'orateur désigne les bancs de la gauche.) On peut se poser la question de ce que vous défendez vraiment. Je tiens à préciser qu'en travaillant le dimanche... (Remarque.) ...je vois quand même mes cinq enfants tous les jours ! D'accord ? (Commentaires.) Non, très franchement, ce combat est un combat d'arrière-garde qui ne correspond plus à aucune réalité. Aujourd'hui, la gauche ne se soucie pas de ceux qui travaillent le dimanche comme les employés... (Brouhaha.)
Des voix. Chut !
M. Stéphane Florey. ...du SIS, des TPG, de la police ou des cinémas...
Une voix. Les médecins !
M. Stéphane Florey. ...parce que ces gens très cultivés aiment bien aller au cinéma et aller manger au restaurant, mais quand est-ce qu'ils le font ? Le dimanche ! (Brouhaha.) Et se faire servir par une mère de famille qui a peut-être dû se soucier de qui allait garder ses enfants ne les dérange absolument pas. Quand vous allez au cinéma le soir, cela ne vous dérange pas qu'il y ait une dame qui vous vend des tickets pour l'entrée ? «Non, non, mais moi je m'en fiche ! Je vais voir un film, le reste ça me passe au-dessus !» Non, très franchement, là vous êtes déconnectés de toute réalité. Aujourd'hui, ouvrir le dimanche est une nécessité pour tous, notamment pour ceux qui travaillent dans le commerce de détail, ce secteur étant totalement dévasté économiquement. Ensuite, il faut offrir la possibilité à chacun de pouvoir faire ses courses le dimanche. Je ne vois pas pourquoi certains pourraient aller faire soigner leurs petits bobos à l'hôpital, aller au cinéma, aller au restaurant alors que ceux qui travaillent la semaine et qui auraient congé le dimanche ne pourraient en revanche pas aller faire leurs commissions, de la même manière que la plupart d'entre vous ayant congé le samedi va majoritairement faire ses courses le samedi. Je suis désolé, c'est clairement une inégalité de traitement ! Finalement, vous ne pensez qu'à vous-mêmes et si ce contreprojet devait être accepté, j'espère qu'il le sera avec les amendements proposés par le PLR parce que c'est une réelle nécessité sociale et économique. Je vous remercie. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous informe que les personnes encore inscrites sont les suivantes: Mme et MM. Hiltpold, Wenger, Lussi, Sormanni, Béné... (Remarque.) ...Deneys, Cerutti, Vanek et de Sainte Marie. Le Bureau, à l'unanimité, a décidé de clore la liste.
Des voix. Ouais ! (Commentaires.)
Le président. Je passe donc la parole à M. Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je vais essayer de recentrer un peu le débat sur la raison pour laquelle nous en sommes là, à élaborer un contreprojet à une initiative qui découle d'une réponse fédérale. Tout d'abord, au niveau fédéral, il y avait l'objectif d'ouvrir les commerces le dimanche. L'Assemblée fédérale était plus libérale en termes d'ouverture mais, à un cheveu près, ce n'est pas passé, parce qu'une prérogative était enlevée aux cantons... (Remarque.) ...et que certains cantons voulaient étendre les horaires et d'autres pas du tout. Le résultat de cette réponse fédérale est que nous avons une initiative cantonale excessive qui ne veut pas ouvrir du tout les dimanches. Ensuite, nous avons un contreprojet qui, il faut le dire, est objectivement une mesurette économique. C'est une mesurette économique ! On parle de l'ouverture des commerces trois dimanches par an en plus du 31 décembre ! Du reste, on ne peut pas attribuer tous les maux à la fermeture des commerces le dimanche. La conjoncture économique est différente, il y a le franc fort, les achats par internet et les habitudes de consommation qui changent. La consommation sur internet, vous la faites le soir, à midi, à 2h du matin; vous consommez quand vous voulez et vous vous donnez bonne conscience, vous cliquez, vous achetez vos chaussures à 23h et elles arrivent par la poste le lendemain, et bien évidemment pendant la journée et pendant les heures de bureau.
Maintenant, j'aimerais simplement revenir sur le fond du travail de commission qui s'est déroulé correctement et qui, à un cheveu près, a failli déboucher sur un accord complet. Le cheveu qui a manqué, c'était simplement le terme de convention collective «étendue». C'est ce que le PLR et, j'espère, une majorité de ce parlement, essaie de rectifier pour trois raisons: la première raison est liée à la question de la représentativité. Il ne s'agit pas que de la représentativité patronale, mais aussi de la représentativité syndicale... (Exclamation.) ...parce que c'est ainsi que nous concevons le partenariat social. De la même manière que si vous n'avez pas assez d'employés, si vous n'avez pas assez d'employeurs, vous ne pouvez pas étendre une convention collective. Donc qu'est-ce qu'il se passe ? Vous ne pouvez pas l'étendre et ce n'est pas le rôle de l'Etat que d'étendre une convention collective. Ce n'est pas sa prérogative. La deuxième raison est liée à la notion d'équité. J'aimerais revenir sur le compromis des partenaires sociaux de M. de Sainte Marie. Ce n'est pas un compromis entre les partenaires sociaux ! Un compromis implique un accord du patronat et du syndicat, or il n'y a pas eu d'accord patronal. Ce n'est donc pas un compromis, c'est un déséquilibre ! Le projet sur l'inspection paritaire des entreprises était un vrai compromis. C'était un compromis entre les partenaires sociaux qui a abouti à compromis politique. Pourquoi ? Parce que les deux côtés de la table étaient d'accord et que nous avons scellé un accord là-dessus. Là, ce n'est pas la même chose. Nous déséquilibrons le partenariat social, or je tiens fortement à ce partenariat. Vous savez que je ne suis pas un fonctionnaire privé. J'aimerais aussi revenir brièvement sur les propos de M. Batou qui me choquent. Dans mon éducation, on m'a toujours appris à ne pas juger les hommes sur leur métier ou leur condition sociale. Nous sommes tous égaux en droit et je trouve fortement déplacé de la part d'un membre de l'Alliance de gauche de me faire des leçons de morale.
Une voix. Bravo !
M. Serge Hiltpold. Enfin, pour étendre une convention collective, vous devez avoir une représentativité et je crois que l'amendement que nous proposons est un amendement d'équilibre, parce que la discussion ne doit pas se tenir dans ce parlement. Vous voyez la tournure qu'elle prend ! Elle doit se tenir dans un lieu prévu à cet effet: cela fait soixante ans qu'il existe et il s'appelle le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, où les deux parties sont représentées et où l'Etat arbitre. Alors, d'accord, vous allez me dire que l'Etat peut être une fois à gauche, une fois à droite. Mais au sein des collaborateurs de l'Etat, il existe une volonté d'agir selon les principes du tripartisme, et je crois que c'est ce qui manque dans ce parlement. Ce qui manque encore dans ce parlement, objectivement, ce sont de vrais syndicalistes à gauche qui comprennent ce qu'est le partenariat social et qui le vivent ! Vous dites que vous voulez améliorer les conditions de travail, mais vous n'améliorez rien du tout ! Parce que ce sont les syndicalistes qui vont négocier avec le patronat ! Ce n'est ni moi ni vous ! C'est cela le partenariat social et je pense que cela mérite d'être recadré.
En conclusion, je vous invite à soutenir l'amendement que nous proposons concernant la représentativité qui, en supprimant un seul terme, va sceller un accord politique pour donner les moyens de fonctionner au partenariat social dans un souci d'équité, de représentativité et dans un seul but: l'emploi.
Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, je dois dire que tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant me fait sourire. Est-ce que par hasard vous pensez que les travailleurs sont des mongoliens ? Des abrutis ? Et qu'ils n'ont pas compris que trois jours de travail supplémentaires, c'est tout simplement le pied dans la porte... (Commentaires.) ...et que probablement on fera - ou on imposera - d'autres propositions ! J'aime bien M. Hiltpold quand il nous parle des travailleurs et des employeurs représentés à égalité ! Non, Messieurs ! Nous ne sommes pas à égalité ! (Remarque.) Là, nous sommes en train de prétendre que les travailleurs et les vendeurs seraient contents de travailler le dimanche ! (Remarque.) Je ne crois pas que s'ils recevaient un salaire décent ils seraient aussi d'accord ! Nous ne parlons donc pas de la même chose. (Remarque.) Par ailleurs, si le commerce genevois a besoin de trois jours supplémentaires d'ouverture, j'ai envie de dire: changez votre mode de fonctionnement, parce que trois jours ne suffisent pas à faire en sorte qu'un commerce fonctionne ! Trois jours par an ! De plus, imaginons que nous soyons d'accord et que nous laissions les magasins ouvrir, même tous les dimanches; il n'y a plus de petits commerces à Genève, c'est-à-dire que les petits commerces sont des franchises, et des franchises de multinationales ! Tout le bas de la ville, tout le centre-ville n'est que ça ! Et nous avons nos deux superpuissances, la Coop et la Migros. Alors quel intérêt y aurait-il pour les petits commerçants à voir ouvrir tous ceux-là ? Aucun ! (Brouhaha.) Pour une simple et unique raison: la différence entre la France et Genève ! Je vous donne un exemple: j'ai acheté un pardessus à mon neveu 25% moins cher en France pour la même marque ! Donc ce n'est pas un problème d'ouverture, c'est un problème de prix. Effectivement, je suis d'accord, les prix, notamment des locations, sont extrêmement élevés, mais ce sont des multinationales ! Vous voulez ouvrir les magasins des grandes marques et toutes les franchises pour quoi faire ? Le citoyen lambda n'ira pas dans ces magasins tout simplement parce que c'est trop cher ! (Remarque.)
J'ai bien entendu tous ceux qui se réclament de la lutte liée au travail des femmes: j'adore ça ! J'adore ça, mais alors encore une fois, s'il vous plaît, Messieurs, laissez-nous au moins cette lutte-là, laissez-nous la possibilité de lutter pour nos propres droits ! (Commentaires.) Effectivement, dans la vente, il y a beaucoup de femmes et effectivement, il y a beaucoup de familles monoparentales dont le parent est une femme. Mais si le problème des familles monoparentales et des femmes vous préoccupait vraiment, vous vous préoccuperiez beaucoup mieux des salaires dispensés aux uns et aux autres et pas seulement dans la vente ! Par ailleurs... (Un instant s'écoule.)
Une voix. Qu'est-ce que tu veux nous dire ? (Rire. Commentaires.)
Mme Salika Wenger. ...je pourrais vous dire que je connais un corps de métier qui ne travaille que le dimanche: les prêtres ! (L'oratrice rit.) Mais nous ne sommes pas là pour plaisanter, n'est-ce pas ?
M. Pierre Vanek. Oh ben si quand même un peu ! (Commentaires.)
Mme Salika Wenger. Vous savez que je suis un rat de béton, que je n'ai vécu que dans des mégapoles ou des métropoles et que je vis à Genève avec beaucoup de plaisir, avec l'impression d'être retraitée depuis un certain temps. Néanmoins, pour avoir vécu dans ces mégapoles, je peux vous dire que - je vous donne un seul exemple - à Rio de Janeiro, 10 millions d'habitants, les commerces, tout est fermé dès le samedi à midi ! (Commentaires.) Cela fonctionne et on n'a jamais demandé le travail du dimanche. Alors vous me direz que c'est parce que, dans un pays catholique, on ne travaille pas le dimanche. Non ! Cela ne fonctionne pas ainsi: ils ne travaillent que jusqu'au samedi midi ! Vous n'allez donc pas me dire qu'une petite ville comme la nôtre, qui est à peine aussi grande que... (Remarque.) ...Angoulême... (Exclamation. L'oratrice rit.) ...a un tel besoin d'ouverture des magasins que nous devons travailler comme des forcenés, que les vendeurs doivent travailler comme des forcenés le dimanche ! Alors vous êtes bien gentils, on a entendu dire que les heures seront payées à 100%. J'ai envie de dire «Merci, mon Seigneur !» Non mais attendez ! C'est le minimum ! 100%, ce n'est rien ! (Commentaires.) 100% c'est pour les heures supplémentaires ! Et normalement, elles devraient être mieux payées que cela. Mais il n'en reste pas moins que, ouverts ou fermés, le problème des petits, des grands ou des moyens commerces de Genève, ce n'est pas l'ouverture mais les prix pratiqués et, comme l'a relevé tout à l'heure M. de Sainte Marie, le pouvoir d'achat des gens qui traversent la frontière pour payer moins cher des produits aussi bons que les nôtres ! Alors arrêtez de nous faire croire que trois jours par an plus le 31 décembre vont changer la situation des commerces ! Arrêtez de prendre les citoyens, les consommateurs, les vendeurs et nous pour des crétins ! (Rire.)
Une voix. Joli !
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, dans mon caucus, j'avais presque décidé de ne pas prendre la parole parce que, vous savez, quand vous êtes président d'une commission et que vous travaillez sur ce sujet pendant de longs mois, vous avez au moins l'insigne honneur ou le privilège de devoir écouter tout ce qui est dit et d'en tirer... De prime abord, je dirais que nous sommes en train de discuter d'un quiproquo intellectuel dramatique. Je ne jette pas la pierre à Ensemble à Gauche, mais cette initiative a été lancée pour combattre une possibilité que Genève soit déclarée zone touristique et que, dans ce cas-là, les commerces soient ouverts tous les dimanches. On s'est aperçu que ce n'était pas le cas. Puis nous avons commencé à dévier avec tout ce que l'on entend ce soir. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais relever deux ou trois points. Certes, je connais la gouaille de Mme Wenger. Bien sûr que nous traversons tous la frontière et je partage son avis s'agissant de certains produits coûtant 25% moins cher en France. J'aimerais simplement qu'elle ait le courage de dire aussi combien sont payés les employés qui vendent ces produits 25% moins cher de l'autre côté de la frontière. (Remarque de Mme Salika Wenger.) On sait que les salaires ne sont pas les mêmes, donc il y a un peu de machiavélisme dans le débat ce soir. (Remarque de Mme Salika Wenger.)
Le président. Madame Wenger ! (Remarque de Mme Salika Wenger.) Madame Wenger, s'il vous plaît ! (Nouvelle remarque de Mme Salika Wenger.)
Une voix. Chut !
Le président. Madame Wenger ! (Remarque de Mme Salika Wenger. Commentaires.)
M. Patrick Lussi. Je voulais simplement expliquer que les salaires ne sont pas les mêmes de l'autre côté de la frontière. D'ailleurs, comme mon préopinant UDC l'a clairement exprimé, la Migros a très bien vu où se situait son avantage, puisque le chiffre d'affaires est en baisse à Genève et que le chiffre d'affaires de leurs deux grandes enseignes de l'autre côté de la frontière augmente. Par contre, je doute qu'Ensemble à Gauche et les syndicats aillent voir de quelle manière sont réellement traités les employés de l'autre côté de la frontière, même à la Migros.
Ensuite, on entend certains propos concernant le franc fort, notamment je crois de la part de M. de Sainte Marie. Certes le franc fort est une chose; mais, Monsieur de Sainte Marie, vous étiez avec nous à la commission et vous avez constaté deux faits. Le premier qui m'a franchement frappé... (Remarque.) Non, ce ne sont pas les statistiques ! ...ce sont les auditions des gens des marchés, entre autres du marché de Plainpalais. Ils ne sont certes pas visés, mais ils nous ont dit que, si nous avions quelque part la velléité de leur interdire de travailler le dimanche, ils seraient tous morts ! Ils nous ont expliqué qu'ils aimaient et qu'ils devaient travailler le dimanche, et que leur chiffre d'affaires... La deuxième chose qui a été soulevée concerne les places de parking. Monsieur de Sainte Marie, vous savez très bien que la fréquentation des commerces est aussi liée aux places de parking. On nous a bien dit que de l'autre côté de la frontière, il y a des parkings immenses où l'on peut se garer. C'est aussi une chose que nous devons peut-être prendre en considération. Les habitudes de consommation ont changé. Il est vrai que ce n'est plus l'époque, comme dirait Mme Wenger, où les femmes étaient au foyer et où il fallait faire les courses trois fois par jour: une fois à la boulangerie, une fois à la boucherie, une fois pour les légumes. C'est vrai qu'on y va une fois par semaine, ce qui veut dire que c'est un ou deux caddies remplis et qu'on a besoin d'un véhicule. (Commentaires.)
Enfin, j'aimerais aussi dire que, par rapport à tout ce que l'on voit chez nous et de l'autre côté, je suis toujours frappé de voir que quand on fait ses achats de l'autre côté de la frontière en raison de la situation économique on ne parle plus de prix. On vous indique combien de mensualités vous allez avoir à payer pour ce que vous voulez vous procurer et cela, Mesdames et Messieurs, c'est peut-être une chose à laquelle nous devons faire attention parce que chez nous, pour le moment, la situation est différente.
Je terminerai, si vous me permettez, peut-être par un petit peu d'humour, notamment pour M. Batou, il ne m'en voudra pas. (Remarque.) J'étais inspecteur de police et j'ai passé près de vingt ans de ma vie à travailler un dimanche sur trois et un dimanche sur deux l'été - juin, juillet, août. Alors, à entendre vos arguments - c'est là que je ferai de l'humour - je veux bien croire que cela a dû un peu altérer mon caractère, j'en veux pour preuve le vote que vous avez eu à mon égard il y a quelque temps ! Cela étant dit, je pense très sincèrement que nous devons voter les amendements et que nous devons respecter... Parce que c'est très bien, tout le monde parle de compromis, simplement dans la notion de «compromis», il y a un mot qu'on oublie toujours. Il faut promettre ! (Commentaires.) Or le commerce de détail et les patrons n'ont plus grand-chose à promettre et le jour où ils ne seront plus là, qu'allons-nous faire ? Mesdames et Messieurs les députés, essayons une fois d'être sages, de comprendre et peut-être d'aider un secteur qui en a grandement besoin et où il ne s'agit pas forcément des employés dans ce cas-là, malgré qu'ils soient bien... Quand on regarde toutes les conditions que le patronat a acceptées, s'il y avait des fautes, etc., je pense que vouloir lier ces dimanches à une convention collective étendue est une erreur, raison pour laquelle le groupe UDC vous demande d'accepter les amendements proposés par la minorité.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous voilà à un débat intéressant en un sens, parce qu'il démontre qu'en fonction de quel côté on se trouve, on n'a pas la même vision du partenariat social, on n'a pas la même approche et évidemment pas la même note finale. Je crois que c'est bien cela le problème. Nous sommes en Suisse, à Genève. C'est extrêmement cher; Genève est un îlot de cherté, la presse en parlait encore il y a quelques jours. On ne peut pas ne pas agir sur les prix - parce que personne n'agit sur les prix ! Alors évidemment, ce n'est pas facile. En conséquence, un certain nombre de salaires sont largement plus élevés qu'ailleurs. Comment voulez-vous comparer les prix et les salaires pratiqués respectivement à Genève et en France voisine ?! (Exclamation.) C'est un autre monde ! Effectivement, le chiffre d'affaires de la Migros et la Coop a baissé et, semble-t-il, le chiffre d'affaires de la Migros d'Etrembières a augmenté de 30%. Bon, eh bien tant mieux pour eux ! Je m'en fiche, moi je ne vais pas en France, ni pour la viande, ni pour l'essence - parce que maintenant même l'essence est moins chère en France - ni pour rien du tout ! (Remarque.) Je n'achète qu'à Genève. Je pense donc que je suis conséquent avec moi-même.
Mesdames et Messieurs, nous au MCG, nous voulons que le partenariat social fonctionne. Nous voulons que ce partenariat social puisse se renforcer, et dans ce secteur c'est très difficile ! Pendant longtemps, il n'y avait plus de convention collective, cadre ou pas cadre, étendue ou pas étendue, il n'y avait plus rien du tout et c'était extrêmement difficile - ça l'est toujours aujourd'hui - d'arriver à mettre d'accord les représentants des employés et les patrons du secteur. C'est très très difficile ! Aujourd'hui, il y a une convention collective valable jusqu'en 2018 qui a été étendue par le Conseil d'Etat. Nous, ce que nous souhaitons évidemment, c'est que tout cela perdure dans le temps, c'est-à-dire que les partenaires sociaux parviennent à se mettre d'accord au-delà de 2018 pour un nouveau partenariat renouvelé et, nous l'espérons, encore meilleur que ce qui existe aujourd'hui, dans la mesure du possible. Nous, nous voulons parier sur le renforcement du partenariat social... (Remarque.) ...et nous constatons qu'une initiative a été lancée pour dire: «Non, c'est exclu, nous voulons verrouiller la possibilité de l'ouverture les dimanches, il n'y aura pas de dimanche où les commerces seront ouverts à Genève !» Puis on revient ici devant ce parlement avec un projet qui, d'une certaine façon, va dans le sens inverse et où les partenaires disent qu'ils acceptent, en plus du 31 décembre, trois dimanches d'ouverture des commerces. Donc si ce projet passe, j'espère qu'on nous confirmera que l'initiative sera retirée et qu'on se trouve dans une autre dynamique qui consiste à essayer de donner un coup de pouce et de permettre à certains commerces de détail d'ouvrir le dimanche. Je ne crois pas que cela va révolutionner le monde; je ne crois pas que les gens vont se précipiter. L'ouverture retardée du jeudi soir dans les magasins est un bide total ! Un bide total ! (Commentaires.) Même à la Coop et à la Migros, il y a trois ou quatre pelés et un tondu ! (Remarque.) Et encore ! On est gentil ! Quand ce n'est pas deux et demi. A un moment donné, il faut donc se demander ce qu'on peut faire pour dynamiser et protéger ce secteur qui est difficile, et quand je parle de ce secteur, je parle aussi des travailleurs. Ce ne sont pas des salaires mirobolants, vous le savez bien. Ils sont mirobolants par rapport à l'autre côté de la frontière, mais par rapport à Genève, îlot de cherté, des salaires commençant à 3700 F ou 3800 F par mois - bruts, bien entendu - ce n'est pas le nirvana ! (Commentaires.) Mais il y a un cadre et il y a eu une progression avec cette convention collective et on espère qu'il y en aura une autre raisonnable... (Remarque.) ...en fonction de ce que les commerçants pourront faire lors du prochain renouvellement. Donc finalement, nous parions sur l'avenir et sur le renforcement du partenariat social. Nous voterons comme nos commissaires ont voté à la commission des affaires sociales et comme notre groupe qui, après une bonne discussion dans nos caucus, a décidé sans opposition de voter ce que les commissaires de la commission des affaires sociales ont voté...
Une voix. De l'économie !
M. Daniel Sormanni. De la commission de l'économie, pardon ! (Brouhaha.) Alors évidemment, il y a certaines hypothèses; on peut parler de la convention collective ou de la collection collective étendue et de ceux qui vont essayer de s'y soustraire; il y a toujours dans ce monde des gens qui essaient de passer à côté et de tricher ! Eh bien nous, nous parions sur un renforcement et si, lors du renouvellement de cette convention collective, on s'aperçoit qu'il y a des difficultés, qu'est-ce qui nous empêchera de revenir ici, de légiférer et de donner un coup de main aux partenaires sociaux pour sortir de l'impasse dans laquelle ils se seraient mis eux-mêmes probablement ?! Par ailleurs, je mets en garde tant le côté patronal que le côté syndical: il ne faudra pas faire de la surenchère exagérée pour faire échouer l'ouverture des commerces le dimanche, parce que ce ne serait pas loyal non plus ! Et je les mets en garde aussi à travers ceci. Donc, Mesdames et Messieurs, nous voterons le projet, tel que sorti de la commission de l'économie et je vous en remercie. (Brouhaha.)
Une voix. Bravo !
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, au-delà de nos dogmatismes, gardons raison ! Madame Wenger - vous transmettrez, Monsieur le président - quand vous vous emportez...
Une voix. Elle est pas là !
M. Olivier Cerutti. Vous n'êtes pas là maintenant, mais malgré tout quand vous vous emportez et que vous commencez à dire ceci ou cela d'un employé ou d'un employeur, cela revient effectivement à ne pas garder raison et c'est un manque de respect que je dénonce fortement, Monsieur le président, car il est choquant. Notre économie a besoin de conditions-cadres, de conditions motivantes pas seulement pour l'employeur, mais aussi pour nos employés. Sachons, Mesdames et Messieurs, garder raison car il est nécessaire que le commerce puisse se diversifier et trouver certaines alternatives, notamment dans ces conditions-cadres. Qui décidera de travailler le dimanche ? Ce sont bien les commerçants avec leurs employés, pour autant, Mesdames et Messieurs, que l'activité s'y prête ! S'il n'y a pas de clients, on ne va pas ouvrir le dimanche ! Bien sûr ! Donc, gardons raison et donnons ces conditions-cadres à notre économie qui en a tant besoin.
Un amendement a été présenté. Il porte sur la notion de convention collective de travail étendue. Comme cela a été rappelé tout à l'heure par le député Hiltpold, il est très important de supprimer ce mot «étendue». Nous ne serons pas les arbitres qui détermineront si une convention collective négociée par les partenaires sociaux doit être étendue ou pas. C'est le SECO qui décidera si la représentativité des partenaires sociaux est suffisante pour que la convention collective de travail soit étendue. Mesdames et Messieurs, ne mettons pas cela dans la loi ! Nous n'allons pas élargir les conditions-cadres de travail, nous allons au contraire les restreindre ! Non, il est important de revenir sur ce point au moyen de cet amendement. Le parti démocrate-chrétien y est très attaché et vous invite à le voter. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs, quelques mots pour plaider la sagesse consistant à suivre la décision prise, le compromis élaboré par la commission, c'est-à-dire qu'il ne faut pas se lancer dans l'aventure de modifier cette disposition aujourd'hui. Le reproche essentiel qui est fait à cette disposition - Jacques Béné l'a indiqué dans son discours liminaire - est que ça donne un pouvoir extraordinaire et extrême aux syndicats, Mesdames et Messieurs, celui de négocier pour avoir quelques contreparties à cette ouverture du dimanche dont mon collègue Jean Batou a dit tout le mal qu'il fallait en penser, que les citoyennes et les citoyens ont refusée à juste titre un certain nombre de fois et que le personnel de vente refuse également.
Pour comprendre, il faut avoir récolté des signatures pour cette initiative; je l'ai fait pour ma part devant des Migros, Coop et autres magasins, j'ai récolté les signatures qui ont permis le débat de ce soir et j'ai pu voir la réaction du personnel, j'ai vu le nombre de vendeuses et de vendeurs qui ont pris les feuilles et sont revenus avec des signatures supplémentaires. C'est réellement une volonté du personnel qui est exprimée aujourd'hui à travers les organisations syndicales, ces salariés qui ne sont déjà pas particulièrement privilégiés; au contraire, ce sont des gens qui sont déjà soumis au travail régulier et constant le samedi, qui travaillent dans des conditions... Aujourd'hui, à Genève, les magasins ouvrent, quoi, 80 heures par semaine ? Ce sont des horaires atypiques par rapport à toute une série de professions, des horaires qui, en eux-mêmes déjà, péjorent la vie de famille pour des raisons que Daniel Sormanni a reconnues à l'instant. L'extension des jeudis soir, par exemple, ces ouvertures nocturnes qui étaient indispensables pour les mêmes raisons qu'on nous prêche aujourd'hui s'agissant du dimanche, eh bien elles sont un bide !
Je crois qu'il faut raisonnablement considérer que, sur cette affaire-là, la messe est dite. Il faut voter contre les amendements proposés par le PLR en dernière minute dans une volonté déraisonnable de saboter le travail de la commission et la majorité qui s'y est exceptionnellement dégagée, il faut voter le contreprojet tel que sorti de commission, il faut, en la matière, donner la parole aux citoyennes et aux citoyens. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je voulais juste revenir en quelques mots sur un élément dont on a beaucoup parlé en commission de l'économie, à savoir les temps difficiles pour les commerces genevois. Nous pouvons tous convenir que depuis la suppression du taux plancher, c'est-à-dire depuis une année, les temps sont durs pour les commerces - on a évoqué les différents facteurs lors de nos interventions. Mais je voudrais quand même ajouter une chose que j'ai dite à plusieurs reprises en commission, à savoir qu'on parle de 2015 comme d'une année noire pour le commerce genevois - ça, on peut le comprendre - mais sans jamais donner de chiffres, on évoque seulement 10% de chiffre d'affaires en moins selon les magasins.
En effet, si on nous parle souvent du chiffre d'affaires, on nous parle en revanche moins du résultat final - même si j'imagine que le bénéfice n'a certainement pas dû être grand en 2015, voire qu'il s'agissait plutôt d'un déficit - et pratiquement jamais de ces quinze dernières années, des vaches grasses des années 2000 où la plupart des magasins de Genève ont fait de juteux bénéfices; ceci dit, heureusement qu'ils en ont fait parce que ça signifie qu'ils ont ensuite payé des impôts - là, j'adhère tout à fait à ce discours.
Du coup, si une seule année est un peu moins bonne pour le commerce genevois, il ne faut pas non plus tout remettre en cause. Parce que quand tout allait bien pour le commerce de détail, qui se souciait des conditions de travail des employées et des employés ? Pas grand monde ! Les syndicats, évidemment, avec leur fameuse initiative, ainsi que les partis de gauche qui ont soutenu le revenu minimum de 4000 F; mais autrement, qui parlait de ces gens qui touchent 3700 F ou 3800 F bruts au début d'une carrière dans le commerce de détail ? Imaginez-vous vivre à Genève aujourd'hui avec 3800 F bruts ? C'est quasiment impossible ! Il faut donc remettre un peu les pendules à l'heure quand on parle d'une année noire pour le commerce, il faut aussi souligner que des années noires s'accumulaient et s'accumulent toujours pour certains employés du commerce de détail.
Ceci étant, dans notre travail en commission, nous avons essayé de trouver un compromis. Aujourd'hui, ce compromis est simple: l'ouverture des magasins le 31 décembre ainsi que trois dimanches par an contre des conditions de travail et des compensations garanties dans une convention collective de travail étendue. C'est là, c'est sur la table, c'est simple. Les syndicats ont fait un pas, parce qu'ils sont à la base contre le travail dominical, les partis de gauche en ont fait un également puisque, comme je l'ai dit et l'a répété mon collègue Vanek, la gauche n'est philosophiquement pas pour l'ouverture des commerces le dimanche. Aussi, des pas ont été faits, et c'est maintenant aux représentants des milieux du commerce de détail d'en faire un. Etant donné qu'ils n'y sont pas arrivés, malgré l'insistance de Pierre Maudet et de son département, il se trouve qu'il ne s'agit pas d'un véritable compromis - il n'y a en effet pas de partenariat social si l'un des deux partenaires n'est pas d'accord. On était à deux doigts d'obtenir un compromis avec les partenaires sociaux, mais ça n'a pas été le cas. Maintenant, c'est à nous, partis politiques dans cette enceinte, de faire de la politique, de prendre nos responsabilités et de chercher ce compromis que les partenaires sociaux n'ont pas réussi à trouver. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne m'attarderai pas très longtemps mais je pense qu'il est important de revenir sur l'amendement proposé par le PLR qui, s'il peut passer pour un détail, change en réalité complètement le projet de loi tel que sorti de commission. Dans celui-ci, en effet, la condition est une convention collective de travail étendue dans le commerce de détail. Ce n'est pas négligeable puisque - je n'y reviendrai pas car je me suis déjà exprimé auparavant à ce sujet - les conditions de travail et salariales, particulièrement dans ce secteur-là, sont précarisées et nécessitent une véritable attention de notre part, de la part de l'Etat, afin de respecter certains minimums. Ce qui est proposé ici par le PLR n'est pas un détail car ça conduirait à avoir une simple convention collective de travail dont bien moins de la moitié des entreprises pourraient être signataires, c'est-à-dire quelque chose de particulièrement infime, qui n'aurait qu'une portée extrêmement minime sur l'ensemble du secteur. Au contraire, il est nécessaire d'avoir une portée étendue, la plus large possible, ce qui nécessite bien sûr des conditions car pour pouvoir étendre une convention collective de travail, au moins 50% des entreprises doivent en être signataires. (Commentaires.)
Aujourd'hui, le compromis est bien là puisque, pour reprendre les termes de M. Béné, les partis de gauche ont fait un premier pas vers l'ouverture des magasins le dimanche; ce soir, c'est aux milieux patronaux de faire un pas que, d'une certaine manière, ils n'ont pas souhaité faire lors des différentes auditions en commission. J'espère que ce soir, une majorité du parlement va nous obliger à parvenir à ce compromis consistant à signer une convention collective de travail étendue, afin qu'une majorité des entreprises puissent la signer; si nous n'avons pas cette majorité-là, alors les commerces qui souhaiteraient tant ouvrir le dimanche ne pourront pas le faire. Honnêtement, je pense que c'est un véritable compromis en matière d'idée, pas en matière de partenariat social; mais, pour employer encore une fois la terminologie de M. Béné, il s'agit ici que chaque partie fasse un pas vers l'autre afin d'arriver à une situation qui puisse satisfaire au mieux les milieux à la fois patronaux et syndicaux. Je vous remercie.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité. Ce soir, je suis un peu amer, non pas seulement parce que je sens bien ce qu'il va advenir des quelques votes auxquels nous allons procéder, mais surtout à cause du débat, du manque voire plutôt de l'absence de raison de ce parlement. Mesdames et Messieurs, ce parlement est très clairement à l'extrême gauche, on l'a bien compris... (Exclamations. Rires.) ...et je vais vous expliquer pourquoi. Initialement, le projet de loi déposé par le PLR consistait en l'ouverture des commerces quatre dimanches par an, sans aucune condition: on ouvre quatre dimanches, point final. Or qu'est-ce qu'on a fait ? On est allé complètement à l'opposé, avec une convention collective de travail étendue. Mesdames et Messieurs, au-delà de la convention collective de travail étendue, il n'y a plus rien, c'est l'extrême ! Ce qu'on vous propose aujourd'hui, c'est de revenir à une convention-cadre permettant justement aux partenaires sociaux de négocier. Ainsi que ça a été dit, la négociation porte sur la convention-cadre, pas sur l'extension; l'extension n'est plus une négociation, c'est une présentation, une situation, une comptabilisation, c'est davantage administratif.
Ce soir, Mesdames et Messieurs, vous mettez en péril le partenariat social car en laissant penser qu'il suffit dorénavant de convaincre des députés, d'un bord comme de l'autre, d'avoir des postures extrêmes, vous prenez le risque que les conventions collectives actuellement en vigueur tombent. Qu'est-ce qui se passe dans ce cas-là, qu'est-ce qui s'applique ? Certes, il y a les usages: pendant quelque temps s'appliqueront des usages qui correspondent à peu près à ce qui est prévu dans la convention collective, d'accord. Mais par la suite, que va-t-il se passer, et ça a été relevé en commission, que pourrait-il se passer ? Tout simplement qu'on applique la loi sur le travail ! Si la loi sur le travail est appliquée, alors il n'y a plus besoin de conventions collectives puisque celles-ci sont, par principe, plus favorables aux employés que celle-là - autrement, il n'y aurait aucun intérêt à négocier quelque chose dans une CCT.
Mme Wenger nous tient de grandes théories sur les pays étrangers; mais, Mesdames et Messieurs, le marché est toujours le plus fort, quoi qu'on fasse, le marché est toujours le plus fort ! Si la population veut un jour avoir les commerces ouverts le dimanche, eh bien les commerces seront ouverts le dimanche. Ça viendra avec la pression de la France. Il y a quelques dizaines d'années, on ne connaissait pas les congés payés; pourquoi y a-t-il des congés payés aujourd'hui ? Parce que la population les a voulus ! S'agissant de l'ouverture le jeudi jusqu'à 21h, on constate en effet que de nombreux magasins n'ouvrent pas le jeudi jusqu'à 21h, et pourquoi ? Parce que ça ne marche pas. Mais tant qu'on n'avait pas essayé, on ne pouvait pas savoir si ça allait marcher ou pas ! Ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est qu'il faut essayer l'ouverture le dimanche... (Brouhaha.) ...mais sans donner trop de poids à l'un ou l'autre des partenaires, pour la simple et bonne raison que quand on est partenaires, il n'y en a pas un qui doit prendre le dessus sur l'autre.
Si je suis ce que vous dites, Monsieur Vanek, alors il faut que vous déposiez demain un projet de loi pour fermer les restaurants, les TPG, les boulangeries, les églises, les fleuristes et les HUG puisque tous ces établissements, Monsieur Vanek, sont ouverts le dimanche ! Malheureusement, certains aimeraient pouvoir ouvrir le dimanche. Qui ne s'est jamais promené à Genève un dimanche en pestant parce que le restaurant où il avait envie de manger était fermé ? Mais pourquoi le restaurant est fermé ? Parce que Genève est une ville triste et qu'il ne s'y passe rien ! Le meilleur exemple pour cela nous a été donné lors de l'audition concernant les marchés: le seul marché qui fonctionne encore à Genève, Mesdames et Messieurs, est celui de Plainpalais parce qu'il a lieu un dimanche... (Remarque.) Il a lieu un dimanche ! La réaction des commerçants sur les marchés est digne d'être relevée: ils nous ont dit qu'ils sont en directe concurrence avec tous les magasins autour de la plaine de Plainpalais mais qu'il faut ouvrir le dimanche parce qu'il y aura au moins des gens qui passeront dans la rue, qui viendront flâner, qui consommeront, qui communiqueront !
Je pense que les syndicats et la gauche seront très satisfaits aujourd'hui - on le serait pour le moins - car ils ont réussi à obtenir le maximum; en l'occurrence, on ne peut pas obtenir plus, c'est impossible, on ne peut pas mettre plus de contraintes dans une loi que ce qu'on est en train de faire ce soir. Mais je vous garantis que vous êtes en train de mettre le pied dans un engrenage qui peut coûter très cher aux employés que vous-mêmes souhaitez défendre. Je vous invite encore une fois - et pour la dernière fois, car je ne reviendrai pas sur les amendements en deuxième débat - à voter au moins le deuxième amendement proposé. Le projet de loi sur l'ouverture le dimanche sans conditions, qui se trouve encore aujourd'hui en commission, n'est pas ce que nous souhaitions, il s'agissait juste d'ouvrir la discussion. Vous parlez de compromis quand vous obtenez le maximum, mais ce n'est pas un compromis. Ce qui est en train de se passer aujourd'hui est, à mon avis, très grave pour le partenariat social. On comptera les points dans quelque temps mais, pour ma part, je me fais franchement beaucoup de souci. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, après avoir suivi le débat de ce soir et entendu les arguments exposés par les députés PLR notamment, je crois qu'il y a un énorme malentendu. Nous ne parlons pas d'autoriser ou, au contraire, d'interdire totalement le travail le dimanche, comme l'initiative 155 le proposait, nous parlons des conditions dans lesquelles les commerces seront ouverts le dimanche à Genève. Ces trois dimanches ainsi que le 31 décembre seront ouverts selon les souhaits des représentants patronaux dans les meilleurs délais, Mesdames et Messieurs, si nous votons le PL 11811 ce soir. Si vous êtes sensibles aux conditions de travail, aux conditions économiques et à l'emploi dans le secteur du commerce à Genève, alors il faut voter ce projet de loi sans tarder. En effet, nous disposons actuellement d'une convention collective de travail étendue en vigueur jusqu'en 2018; ça signifie qu'en votant dès ce soir les commerces pourront ouvrir certains dimanches cette année encore... (Remarque.) ...le 31 décembre sera ouvert sans aucun problème cette année. Les réponses pour l'économie genevoise, ce n'est pas dans deux ans qu'il faut les amener, c'est maintenant, c'est cette année ! Nous avons entendu les doléances raisonnables des milieux économiques et, pour répondre à leurs inquiétudes, nous devons offrir une solution opérationnelle tout de suite. Or la solution la plus opérationnelle, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de voter le projet de loi tel que sorti des travaux de commission !
Ceci dit, il ne faut pas se tromper de cible; nous savons que le risque de recours existe - parce que les usages sont aussi contestés ou en tout cas interprétables comme étant éventuellement non conformes au droit supérieur - et donc que le risque de retard dans la mise en oeuvre de la solution trouvée existe, tant avec le projet de loi du Conseil d'Etat qu'avec la convention collective étendue. Dans les deux cas, on peut avoir affaire à des recours. Mais je vous rappelle que la convention collective étendue est en vigueur aujourd'hui; si nous votons ce soir avec cette condition, il relèvera de la responsabilité des milieux patronaux et des représentants économiques du commerce de dire qu'ils veulent ouvrir cette année déjà. Sans recours, les commerces ouvriront le dimanche à Genève en 2016 - pas en 2017 ni en 2018 mais bien en 2016 pour la première fois. Nous devons offrir cette réponse rapide. Mesdames et Messieurs les députés, ça a été évoqué au cours du débat: ce soir, nous avons des conditions pour l'ouverture du dimanche qui sont intéressantes pour les commerçants.
Mais il ne faut pas non plus raconter des sornettes: nous savons très bien que le principal facteur d'attractivité de l'étranger, qu'on aille en France voisine ou plus loin avec des vols bon marché, c'est les prix, et certainement pas la généralisation des ouvertures étendues, laquelle répond en réalité aux besoins d'un seul type de clientèle, soit la clientèle touristique qui serait par hasard présente le week-end et pourrait consommer davantage si les commerces étaient ouverts le dimanche. Mesdames et Messieurs les députés, les exemples évoqués de l'aéroport et de la gare sont évidemment des effets d'aubaine qui disparaissent une fois que vous généralisez les ouvertures des commerces le dimanche. Je pense donc qu'il ne faut pas non plus raconter des sornettes. Les milieux économiques souhaitent pouvoir ouvrir quatre dimanches par année parce que c'est une réponse à l'opportunité d'achat, et je pense qu'il faut raisonnablement répondre à leur demande, et ce compromis permet d'atteindre cet objectif. Je crois que ce soir, il nous faut clairement dire que oui, nous voulons permettre l'ouverture des commerces le dimanche dès 2016 et que oui, nous voulons protéger les travailleurs du secteur de la vente avec un instrument, lequel n'est pas un instrument d'extrême gauche mais s'appelle la convention collective de travail - le fameux partenariat social que le monde entier nous envie ! Mesdames et Messieurs les députés, nous ne permettrions pas l'ouverture si la convention n'existait pas, mais il se trouve qu'elle existe, donc les ouvertures auront lieu le dimanche si nous votons le projet de loi tel que sorti des travaux de commission, et je vous invite à l'accepter.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens d'abord à vous remercier pour la qualité de vos interventions ainsi que du travail effectué en commission... J'en vois certains rire, mais il n'y a aucune ironie dans mon propos. (Remarque.) D'accord, mais on aurait pu le croire ! J'estime, puisque c'était le choix du parlement de demander il y a un an à la commission de l'économie d'élaborer un contreprojet, que ce travail a réellement été fait dans les moindres recoins. Concernant les amendements proposés ce soir, on ne peut pas vraiment parler de surprise de dernière minute. Ce sont des amendements à la marge, de l'épaisseur du trait, et qui ont fait l'objet d'une étude minutieuse en commission avec, c'est vrai, des conséquences importantes qui peuvent découler de choix délicats.
Au nom du gouvernement, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, j'aimerais souligner à quel point le débat de ce soir est important, tout comme l'a été le travail en commission, parce qu'on parle ici d'un secteur économique dont on entend peu parler mais qui est l'un de ceux qui souffrent le plus de la situation économique difficile que connaît notre pays aujourd'hui, celui du commerce de détail. Ce secteur, soyons extrêmement clairs, on le voit notamment en matière de licenciements, vit actuellement en mode survie, en tout cas depuis un an, c'est-à-dire depuis la décision de la Banque nationale suisse s'agissant du franc fort, voire depuis avant en raison du phénomène de tourisme d'achat qui, et c'est documenté, représente plus de 11 milliards de francs par année pour l'ensemble de notre pays. C'est une vraie catastrophe que cette situation, qui péjore gravement nos conditions-cadres, dans ce secteur en particulier.
Il est important de rappeler, contrairement à ce qu'on a pu entendre, que des clients perdus dans ce domaine, ce sont des clients perdus pour longtemps, et la réversibilité de la situation économique, qui ne s'annonce pas pour les prochains mois ou années, est évidemment problématique. Il s'agit, et je salue le propos socialiste de tout à l'heure, de changements d'habitudes de consommation, et il est difficile de lutter là contre. C'est une réalité, d'où l'importance de travailler - je répète que cela a été fait en commission - sur les conditions-cadres plus générales, sur le climat de notre centre-ville qui est, qui devrait en tout cas être, un grand centre commercial en plein air, avec une animation, une vie, ceci précisément afin qu'on évite de fuir dans la périphérie - c'est également un élément important du débat, même si l'initiative et le contreprojet n'ont évidemment pas la prétention de régler cette question-là, qu'il faut tout de même souligner. Enfin, dans le domaine du commerce de détail, et je m'inscris là en faux contre les propos du préopinant socialiste, des dispositions ont été prises par le Conseil d'Etat et le conseil de surveillance du marché de l'emploi s'agissant de la sous-enchère salariale constatée dans ce domaine ! Des mesures ont été prises, et la LHOM n'y réglerait rien. Lorsqu'on constate des abus ou du dumping, le Conseil d'Etat intervient avec des contrôles à la clé, ainsi qu'il en a d'ailleurs fait la démonstration.
Je voudrais ensuite, Mesdames et Messieurs, attirer votre attention sur les propos des uns et des autres s'agissant de la perception du pouvoir d'achat car c'est symptomatique du débat de ce soir. Vous évoquiez tout à l'heure, Monsieur le député, le taux de 34% de personnes qui ne paient pas d'impôts à Genève et qui, de par leur pouvoir d'achat réduit, concluiez-vous, ne vont de toute façon pas pouvoir consommer; mais qui pense aux 66% de gens qui paient des impôts et dont on aimerait également qu'ils puissent conserver un pouvoir d'achat et le concrétiser ? Voilà aussi l'enjeu du contreprojet, il s'agit de créer des conditions pour les garder sur notre territoire. Mais surtout, à travers le débat de ce soir sur l'initiative et le contreprojet, et je me félicite du retour de mon collègue Mauro Poggia, c'est la question centrale de l'emploi qui est mise en lumière. En effet, comme cela vous a été documenté en commission - on ne peut pas dire le contraire ! - la réalité, c'est des licenciements, même s'ils sont perlés - il ne s'agit pas de gros licenciements qui font l'objet d'annonces tonitruantes dans la presse - c'est du reste beaucoup de frontaliers, qui servent de premier amortisseur conjoncturel, mais également des Genevoises, des Genevois, des résidents qui vivent extrêmement mal les conditions qui se péjorent dans la branche. Notre enjeu de ce soir, Mesdames et Messieurs, c'est de nous retrouver autour du thème de l'emploi qui, dans ce domaine-là en particulier, est en mode survie.
Maintenant, il me faut vous rappeler sur quoi l'on va se prononcer. Le premier objet, c'est l'initiative 155: un poison, un pur scandale du point de vue du Conseil d'Etat, disons-le franchement, puisqu'il s'agit, par anticipation, de renoncer à l'éventualité de voir entrer en vigueur des dispositions fédérales qui pourraient peut-être nous permettre, à la faveur d'un changement législatif, d'ouvrir des commerces le dimanche. On a rarement vu une initiative plus pernicieuse puisqu'on veut s'interdire, par anticipation, d'ouvrir la possibilité de changer la loi pour que les commerces ouvrent le dimanche. Bien évidemment, cette initiative n'a strictement aucune chance devant le peuple, mais il faut souligner l'effet pervers de ce type d'initiative, qui amène votre parlement et vos commissions à devoir imaginer des solutions totalement emberlificotées, absolument illisibles ! En effet, je mets au défi la plupart des députés présents dans cette salle d'expliquer de façon claire la distinction entre les différents amendements, le caractère extensible de la convention et les impacts qu'il aura. Je vous prouverai tout à l'heure que ce sont précisément les effets attendus qui ne se produiront pas, à l'inverse de ce que d'aucuns souhaitent s'agissant de l'application des amendements votés en commission. Cette initiative est perverse, et le Conseil d'Etat vous invite à la rejeter.
Mais, au passage, et je m'adresse là au rapporteur de majorité, dont le propos contient quelque chose d'implicite: qui dans cette salle a annoncé le retrait de l'initiative ? A la limite, on pourrait se dire que le contreprojet sorti de commission est intéressant. Mais a-t-on entendu les syndicats s'engager quant au retrait de l'initiative par le vote du contreprojet ? Non, jamais ! Et vous prétendez ce soir, Monsieur le rapporteur de majorité, que ce contreprojet, par effet magique, s'appliquera directement ? Mais bien sûr que non: il faudra d'abord voter sur l'initiative et le contreprojet à l'horizon du mois de septembre dans le meilleur des cas, de novembre dans le pire, la convention collective s'interrompra le 31 décembre 2017 et on se retrouvera, comme on le dit dans un jeu bien connu dans nos contrées, pomme avec le buur, parce qu'on aura réellement cru libérer le travail mais qu'on sera en réalité tombé dans un jeu de dupes. Le premier message du Conseil d'Etat est de rejeter catégoriquement cette initiative et de signaler à ceux qui déposent ce genre de texte que nous ne voulons pas de ce mode de prise d'otage du parlement et du gouvernement. Cette initiative est un poison parce qu'elle empêche le consensus, elle empêche le partenariat, elle empêche une solution rapide. Evidemment, puisqu'il n'y a pas d'engagement pour la retirer, vous devrez attendre qu'on vote pour savoir; eh oui, c'est un effet suspensif ou résolutoire qui nous obligera, là aussi, à poireauter jusqu'à la fin de l'année.
J'en viens à présent au contreprojet qui, quel qu'il soit, peu importe les amendements que l'on vote ce soir, présente un risque juridique - tous l'ont dit - parce qu'on introduit des notions de droit privé dans du droit public cantonal, des notions dont on peut imaginer qu'elles ressortissent à la protection du travailleur; or la protection du travailleur relève du droit fédéral, pas du droit cantonal, donc quel que soit le vote du parlement, il y a un risque. Le gouvernement s'est attaché, sur injonction de la commission de l'économie, à essayer de trouver un consensus. Plusieurs parmi vous ont reconnu, et je les en remercie, que nous nous sommes vraiment cassé la tête à tenter de rassembler les partenaires sociaux et trouver une position équilibrée. (Brouhaha.) Qu'est-ce qu'une position équilibrée, Mesdames et Messieurs ? C'est une position dans laquelle chacun peut... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sauver la face avec le sentiment qu'il va pouvoir contribuer à un compromis permettant une certaine stabilité. Ce dont ce secteur a besoin, c'est de stabilité, ce n'est pas d'être dans l'incertitude juridique en raison de recours, ce n'est pas d'être dans l'humiliation d'une partie ou de l'autre, c'est de pouvoir véritablement travailler à long terme, engager du personnel non pas pour des contrats à durée déterminée mais pour des contrats longue durée. Or, de toute évidence, la solution sortie de commission ne le permet pas car elle crée un déséquilibre. D'aucuns dans cette partie de la salle exagèrent peut-être en disant que le déséquilibre est massif; mais, et c'est là que le gouvernement a de la peine à vous suivre, d'un côté, Mesdames et Messieurs les représentants de la majorité, vous acceptez le principe des magasins ouverts trois dimanches par an et, dans le même temps, vous instaurez une clause qui aura pour effet d'empêcher cela par le déséquilibre qu'elle induit. En effet, la CCT étendue est un préalable, et c'est là que votre raisonnement ne joue pas au niveau du partenariat social. A l'inverse, le contreprojet que proposait le gouvernement consacrait l'idée de l'ouverture quatre dimanches par an, 31 décembre inclus, conformément au droit fédéral, avec des compensations spéciales, je le rappelle.
Je fais un aparté: je pense souvent à mon collègue ministre de l'économie et de la sécurité en Argovie, socialiste, qui s'est battu contre les dispositions fédérales parce qu'elles n'étaient pas assez libérales. En Argovie, il n'y a aucune loi sur les heures d'ouverture des magasins, c'est la liberté totale ! (Remarque.) Il est socialiste, absolument, c'est Urs Hofmann, ancien conseiller national - vous pouvez vérifier - qui est en charge de ce dossier et s'est battu à Berne, lui le socialiste, pour demander que les Chambres fédérales ne légifèrent pas pour qu'on respecte le fédéralisme et que, dans son canton, ils puissent poursuivre avec la libéralisation totale des commerces. Ici, on va dans le sens inverse, et c'est un PLR qui vous le dit: on se bat pour que des compensations soient consacrées en vertu des usages - ces compensations ne sont pas contestées aujourd'hui - pour qu'on protège les travailleurs, pour qu'on donne ces fameuses garanties qu'évoquait M. Baertschi tout à l'heure, avec, et j'insiste là-dessus parce que peu d'entre vous en ont parlé, un dispositif de sanction. Il n'est pas anodin d'introduire dans la loi tout un dispositif de sanction ! Monsieur de Sainte Marie, vous me qualifiez d'arbitre tout à l'heure; mais non: ici, je suis le juge, l'Etat et le juge, et le juge sanctionne, ce qui est une nouveauté que vous avez validée, que ces bancs-ci ont aussi validée, il faut le souligner. C'est un dispositif nouveau à la faveur du contreprojet: on donne les moyens à l'Etat de sanctionner, et de sanctionner lourdement, pas forcément de façon pécuniaire mais également par les fermetures de magasins, ce qui n'est pas anodin - il s'agit du reste d'un principe que vous avez consacré dans la LRDBHD.
J'en arrive à la conclusion, Mesdames et Messieurs: à la faveur de ce dispositif de sanction, avec la proposition équilibrée du Conseil d'Etat, en l'absence de garanties de la part des syndicats quant au retrait de l'initiative et donc avec la prorogation du système actuel et la difficulté de consacrer la solution qu'évoquait M. Deneys tout à l'heure, nous, le gouvernement, voudrions - et j'y associe pleinement mon collègue Mauro Poggia en charge de l'emploi, qui est soucieux que l'emploi puisse se perpétuer à Genève afin de ne pas alimenter davantage encore les cohortes de personnes qui, chaque jour, doivent rejoindre l'office cantonal de l'emploi - que vous souteniez le consensus que nous proposons avec notre contreprojet ou, a minima, que vous votiez l'amendement PLR qui a le mérite de ne pas ajouter le caractère étendu de la convention collective. Mais surtout, ne vous livrez pas à une forme de flibuste syndicale qui consisterait à soutenir le contreprojet tel que sorti de commission. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11811 est adopté en premier débat par 95 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de minorité présenté par M. Béné qui porte sur les articles 18, 18A et 32, alinéa 2, que je vous lis:
«Art. 18 Exceptions (nouvelle teneur)
1 En application de l'article 19, alinéa 6, de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964, le département autorise l'ouverture des commerces le 31 décembre et 3 dimanches par an jusqu'à 17 h.
2 Le département fixe les dimanches concernés après consultation des partenaires sociaux.
3 Les commerces sont tenus d'accorder au personnel occupé les compensations prévues par les usages de leur secteur d'activité pour le travail dominical exceptionnel, respectivement pour le travail du 31 décembre.
Art. 18A (biffé)
Art. 32, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Lorsque l'infraction porte sur l'article 18, alinéa 3, le département ordonne l'interdiction d'ouvrir le jour férié, le ou les dimanches suivants.»
La parole n'étant pas demandée, je lance la procédure...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 44 oui (vote nominal).
Mis aux voix, l'art. 18 (nouvelle teneur) est adopté.
Le président. M. Béné, au nom de la minorité, a déposé un second amendement à l'article 18A, dont voici la teneur:
«Art. 18A Exceptions: 3 dimanches (nouveau)
1 En application de l'article 19, alinéa 6, de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 13 mars 1964, le personnel peut être employé sans autorisation et les commerces peuvent ouvrir au public 3 dimanches par an jusqu'à 17 h lorsqu'il existe une convention collective de travail cadre du secteur du commerce de détail.
2 Les commerces sont tenus d'accorder au personnel occupé les compensations prévues par les usages de leur secteur d'activité pour le travail dominical exceptionnel.
3 Après consultation des partenaires sociaux, le département fixe les dimanches concernés de l'année.»
Je donne la parole à M. Christian Grobet... (Remarque.) C'est une erreur, merci. Mesdames et Messieurs, je soumets cette demande d'amendement à vos votes.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 44 oui.
Le président. Toujours à l'article 18A, nous sommes saisis de deux amendements. Le premier émane de MM. Calame, Deneys et Vanek, et consiste à ajouter la nouvelle phrase suivante à l'alinéa 2: «Ceux-ci sont annoncés dans les meilleurs délais, mais au moins trois mois à l'avance.» Le second est proposé par M. Baertschi et reprend cette deuxième phrase mais en en biffant le dernier segment, à savoir: «mais au moins trois mois à l'avance». En premier lieu, nous allons voter l'amendement de M. Baertschi.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 37 non. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Je vous prie à présent, Mesdames et Messieurs, de vous exprimer sur l'amendement de MM. Calame, Deneys et Vanek.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 33 oui et 1 abstention. (Commentaires.)
Le président. Il s'agit maintenant de voter l'article 18A dans son ensemble, tel qu'amendé.
Mis aux voix, l'art. 18A (nouveau) ainsi amendé est adopté par 60 oui contre 34 non et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 32 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les art. 33 (nouveau) et 34 (abrogé).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 11811 est adoptée article par article en troisième débat.
Le président. Nous passons au vote final...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, alors nous procédons au vote nominal.
Mise aux voix, la loi 11811 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 43 non et 1 abstention (vote nominal).
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 155-C.