République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2261
Proposition de motion de Mmes et MM. Sarah Klopmann, Lisa Mazzone, Emilie Flamand-Lew, Frédérique Perler, Jean-Michel Bugnion, Roger Deneys, Mathias Buschbeck, Jean-Charles Rielle, Yves de Matteis, Salima Moyard, François Lefort, Lydia Schneider Hausser, Boris Calame, Christian Frey, Sophie Forster Carbonnier : Bien naître à Genève ?
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 12, 13 et 19 mars 2015.

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteure de cette proposition de motion, Mme Klopmann.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Je pensais qu'on allait finir... (Rires.) Cette motion a été écrite lorsque l'on apprenait que les HUG mettaient en cause leur collaboration avec l'association Bien Naître. Pour rappel, cette association propose depuis 1998 des suivis de grossesse personnalisés. Une sage-femme accompagne la naissance, sauf s'il y a des complications, de la grossesse au retour à la maison. Il y a aussi des consultations à l'Arcade sages-femmes et au domicile des parents, ainsi que l'accompagnement, ce qui est justement remis en cause, en salle d'accouchement. Dans ce cadre, trois sages-femmes ont été engagées trois heures par semaine par la maternité, mais maintenant, ou du moins à l'époque, la maternité refusait de repourvoir un de ces postes et annonçait qu'elle ne reconduirait peut-être pas les autres.

La maternité a aussi mis en place un suivi qui s'appelle le suivi global. C'est une excellente prestation, et nous sommes ravis de voir que les HUG proposent maintenant des suivis plus personnels et moins médicalisés. Cependant, les deux encadrements sont différents. Ils ne se nuisent pas et peuvent coexister. La prestation Bien Naître est aussi la seule qui accompagne vraiment, de façon complète, le retour à la maison et qui fait l'accompagnement post-partum. Si une femme a été suivie durant toute sa grossesse par une sage-femme, il est aussi normal que celle-ci puisse l'accompagner en salle d'accouchement, car elles ont noué une relation de confiance et ce soutien peut être essentiel. La collaboration fonctionne bien depuis quinze ans. Les parents ont tous été satisfaits de cette prestation. Mais, malgré cela, les HUG prévoient la fin de cette prestation.

Les raisons de cette éviction ne sont pourtant pas financières, puisque le salaire de trois personnes à trois heures par semaine n'est qu'une goutte d'eau dans la masse budgétaire des HUG. Alors pourquoi ? Ce n'est pas non plus parce que ces sages-femmes ne sont pas qualifiées. Elles sont tout aussi professionnelles que les autres et suivent des formations continues comme les autres. On nous explique ensuite que c'est à cause de raisons de sécurité; il y aurait des protocoles qu'elles ne connaîtraient pas bien, puisqu'elles sont extérieures aux HUG. Sauf que le principe d'un protocole c'est justement qu'il doit être facilement transmis et qu'il a une vraie raison d'exister... Donc cela devrait être très facile de l'apprendre aux sages-femmes externes. Cela doit - et peut - se faire très facilement. Ensuite, ce n'est pas très différent des sages-femmes qui sont déjà en interne. S'il y a un problème ou une complication, on nous dit que cela risque d'être dangereux. Mais, finalement, le médecin fait son travail de médecin, le gynécologue, son travail de gynécologue et la sage-femme, son travail de sage-femme, qu'elle soit interne ou externe, cela ne changera pas.

Ce qui est caché là derrière, c'est le principe que, malheureusement, on retrouve beaucoup trop souvent à l'Etat et à la Ville de Genève, c'est que des associations commencent par fournir des prestations, qu'elles travaillent, qu'elles s'investissent, que tout le monde apprécie ces prestations, et puis ensuite, les pouvoirs publics - on ne sait pas pourquoi - décident de reprendre cette prestation à leur compte et d'évincer les personnes qui l'ont mise en place. Cela est vraiment très dommage.

Nous souhaitons donc évidemment que cette motion soit renvoyée à la commission de la santé, déjà pour que l'on connaisse quelle est la situation de Bien Naître aujourd'hui, mais surtout pour étudier, de façon plus générale, de quelle manière encourager les HUG à collaborer davantage avec les associations et les intervenants externes, toujours dans l'intérêt des patients évidemment. L'accompagnement et les soins prodigués par les sages-femmes de Bien Naître ne péjorent en rien la maternité. Ils créent un environnement favorable à l'accouchement, à la naissance... C'est un plus, et nous vous demandons de maintenir cette prestation.

Mme Salima Moyard (S). La maternité peut se vivre de manières fort diverses, évidemment suivant le développement médical de la grossesse, suivant les envies et besoins des parents et suivant les possibilités offertes dans le lieu de résidence. A Genève, nous avons du choix. Il y a bien sûr la maternité des HUG - le mammouth, la baleine dont on a parlé avant - les maternités des très nombreuses cliniques privées de ce canton mais aussi, de manière beaucoup plus modeste, pour un suivi global et non médicalisé, les maisons de naissance qui oeuvrent dans ce canton, et finalement, comme un train d'union entre ces deux choix, il y a, depuis dix-sept ans, l'association Bien Naître qui est l'objet de cette motion et qui propose, comme l'a dit Mme Klopmann, un suivi global.

Par suivi global, nous entendons une sage-femme unique qui suit une femme enceinte depuis presque le début de sa grossesse jusqu'au post-partum et surtout pendant l'accouchement. C'est ça la spécialité de cette association. C'est un peu l'idée des maisons de naissance, tout en ayant le cadre médicalisé des HUG pour l'accouchement, puisque l'Hôpital, et c'est à relever, laissait - j'ai envie d'utiliser le présent, mais je ne sais pas jusqu'à quand - entrer à la maternité des sages-femmes indépendantes. Cette prestation est aujourd'hui en danger. En tout cas, elle l'était il y a un an, et on espère que la situation a changé depuis, puisqu'il semblerait que M. Poggia, conseiller d'Etat chargé du dossier, n'ait pas été insensible au problème soulevé ici.

Alors, effectivement, pourquoi supprimer quelque chose qui fonctionnait très bien depuis dix-sept ans ? Ce n'est pas par manque d'argent. Trois fois 8% de temps de travail de sage-femme, cela ne doit pas peser très lourd dans le budget global de la baleine en question. Ce n'est pas non plus le manque de succès, puisque les statistiques montrent un taux de satisfaction important. Ce n'est pas non plus le manque de compétences, ces sages-femmes étant aussi compétentes que celles qui oeuvrent au sein des HUG. Il n'y a pas non plus de défiance dans la démarche, puisque les HUG, comme l'a dit Mme Klopmann, ont repris à leur compte, de manière interne, ce suivi global qu'ils mettent en oeuvre si les femmes le souhaitent depuis quelque temps. Alors pourquoi ? Est-ce, éventuellement, parce que cela serait...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Salima Moyard. Je termine, Monsieur le président. ...que les HUG ont décidé de copier la prestation puis d'éliminer ensuite les auteurs initiaux de cette prestation ? On ne peut quand même pas croire que c'est cela...

Donc le PS est favorable à un renvoi direct au Conseil d'Etat de manière que M. Poggia puisse se saisir de cette question. Et si tel n'était pas le bon vouloir du Grand Conseil, il se satisferait également d'un renvoi à la commission de la santé pour procéder aux auditions adéquates des différents intervenants sur la question. Nous vous remercions d'avance de faire bon accueil à cette motion.

M. Marc Falquet (UDC). C'est vrai que cette association Bien Naître dispensait des prestations globales, de qualité et personnalisées. C'est donc dans cette voie qu'il faut aller, car cela coûte certainement moins cher que l'éventuelle prise en charge par les HUG. Il faudrait donc tirer au clair cette affaire, et l'UDC vous propose également de renvoyer cet objet à la commission de la santé.

M. Olivier Cerutti (PDC). Le groupe démocrate-chrétien souhaite aussi renvoyer cette question des sages-femmes à la commission de la santé. Nous défendons toujours les principes de subsidiarité, donc c'est un principe de subsidiarité qui défend une profession libérale. Aujourd'hui, on nous dit d'un côté que les problèmes ne sont pas réglés et, d'un autre côté, qu'ils le sont ! Je crois donc que la meilleure solution est de procéder à des auditions à la commission de la santé et de savoir ce qui se passe dans ce service et pour ces sages-femmes indépendantes dont nous avons effectivement besoin.

M. Pierre Conne (PLR). J'ai un peu l'impression que le débat porte sur un malentendu, parce que les HUG, et cela figure dans la motion, n'ont pas remis en question leur collaboration avec l'association Bien Naître qui offre du début à la fin de la grossesse un suivi personnalisé aux personnes qui le souhaitent. L'année dernière, effectivement, une des trois sages-femmes de l'association Bien Naître, qui, je vous le rappelle, ont chacune un taux d'activité de 8%, a pris une année sabbatique et n'a pas été remplacée durant cette période. Cela a été un problème ponctuel. Mais la collaboration avec l'association Bien Naître n'a pas été remise en question. Par ailleurs, Mme Klopmann l'a dit, les HUG ont développé, dans le cadre de la maternité, des suivis personnalisés offerts par les sages-femmes des HUG. Je vous fais donc une proposition de deux ordres. Soit vous doutez de ce que je dis et vous renvoyez la motion au Conseil d'Etat qui vous répondra en quelques mots, soit vous la refusez, car, selon les informations que nous avons, le problème est aujourd'hui réglé. Je vous remercie.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Si ! Malheureusement les HUG ont bel et bien remis en cause cette prestation, puisqu'ils ont décidé, en tout cas ils ont tenté - et je me réjouis de savoir où la situation en est maintenant - de ne plus laisser les sages-femmes de Bien Naître aller en salle d'accouchement, jugeant que c'était trop dangereux, parce qu'elles ne connaissaient pas, soi-disant, les protocoles. Pour moi, il s'agit d'une vraie remise en question de la prestation de Bien Naître, parce que, si on juge que la prestation de Bien Naître ne peut pas aller jusqu'en salle d'accouchement et que par conséquent la femme qui est suivie par une sage-femme de Bien Naître ne peut pas être accompagnée en salle d'accouchement par sa sage-femme, c'est bien une remise en question de la prestation, et nous nous y opposons.

M. Daniel Sormanni (MCG). Nous sommes persuadés, dans cette affaire, que notre conseiller d'Etat a fait son travail, mais je pense que l'on peut renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat. Dans le cas contraire, nous la refuserons. Je vous invite donc à la renvoyer au Conseil d'Etat qui nous répondra avec un rapport sur ce qui a été fait et sur ce qui est en cours. Je crois que c'est la meilleure façon d'avoir un rapport. Vous aurez toujours le loisir, si vous n'êtes pas satisfaits par le rapport du Conseil d'Etat, de relancer le débat. Je vous invite donc à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole au conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande effectivement de me renvoyer cette motion, car les invites qu'elle contient me conviennent parfaitement. Il faut savoir que, lorsque j'ai été alerté de la problématique, j'ai rencontré l'association Bien Naître ainsi que l'Arcade sages-femmes et les HUG pour trouver une solution. Je pense que, juridiquement, elle a été trouvée. C'est vrai qu'aujourd'hui tout cela est presque anecdotique, puisqu'il n'y a qu'une seule sage-femme qui travaille à 8%. Mais, néanmoins, les femmes qui souhaitent accoucher avec une sage-femme de leur choix doivent pouvoir le faire dans un lieu sécurisé comme les HUG, et nous allons mettre en place une structure juridique qui fasse en sorte que les HUG ne soient pas eux-mêmes responsables de la formation et du suivi de ces sages-femmes, parce qu'il est vrai qu'engager quelqu'un à 8% et assumer une responsabilité, une surveillance sur une personne avec un taux de travail aussi faible était problématique. Toutefois, je suis sensible à ce type de qualité de l'accouchement qui est recherchée par certaines parturientes, et je ferai en sorte de vous donner les réponses que vous méritez. Merci !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons tout d'abord voter sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2261 à la commission de la santé est rejeté par 70 non contre 2 oui et 13 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2261 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 81 oui et 4 abstentions.

Motion 2261