République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 décembre 2015 à 17h
1re législature - 2e année - 12e session - 74e séance
RD 1121
Le président. Je vous informe que nous avons reçu la démission de M. Michel Amaudruz de son mandat de député. Je prie M. Lefort de bien vouloir nous lire le courrier 3516. (Applaudissements à l'issue de la lecture.)
Le président. Il est pris acte de cette démission qui sera effective à l'issue de cette séance. Je vous informe que M. André Pfeffer, premier vient-ensuite, prêtera serment ce soir à 20h30.
Elu en 2013 sur la liste de l'UDC, M. Michel Amaudruz a siégé plus de deux ans au Grand Conseil, après avoir eu l'honneur de présider la séance d'ouverture de cette première législature en tant que doyen d'âge. Durant son mandat, il a participé aux travaux de la commission législative, judiciaire, des droits politiques, de l'économie et de la grâce. Ses interventions en plénière, toujours empreintes d'humour, ont porté en particulier sur l'aménagement, la mobilité, les transports, la fiscalité ou l'emploi.
Outre son mandat de député, M. Amaudruz a été conseiller municipal de la Ville de Genève et membre de l'Assemblée constituante.
Nous lui adressons nos meilleurs voeux et lui remettons, fidèles à la tradition, un stylo souvenir. (Le président descend de l'estrade, serre la main de M. Michel Amaudruz et lui remet le stylo souvenir. Applaudissements.)
Je cède le micro à M. Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Cher Michel, «presque toujours, la responsabilité confère à l'homme de la grandeur». La phrase n'est pas de moi, mais de Stefan Zweig, romancier et essayiste autrichien. La citation m'a plu et, en ce jour où vous quittez notre assemblée législative, j'ai eu envie de la prononcer en votre honneur. De la grandeur, oui, vous en fîtes preuve, cher Michel, et chacun se souvient de votre prestation présidentielle lors de l'ouverture de cette législature et de votre discours magistral, non seulement fouillé mais aussi visionnaire ! L'actualité ainsi que deux projets de lois qui nous occuperont sous peu m'imposent la lecture d'un extrait de votre allocution. Je vous cite: «La laïcité: je fis partie de la commission chargée de traiter des droits fondamentaux, et les discussions furent souvent âpres et ardues [...]. Pour exemple, la devise "Post tenebras lux" ne devait-elle pas être bannie en raison de son caractère religieux ? Candide, j'en demeurai pantois. La laïcité ne serait-elle pas devenue une nouvelle religion, encore plus sectaire ou intransigeante que les autres ? C'est ainsi que j'en suis venu à penser que, peut-être, il serait sage de siéger la face voilée, pour s'épargner le reproche d'avoir eu un regard qui aurait pu être ressenti comme faisant appel à Dieu.» Nous avons tous en mémoire votre générosité, votre qualité d'écoute des députés qui venaient vous demander conseils et avis. De la grandeur aussi dans la conception, la mise en oeuvre et la rhétorique utilisée dans l'argumentation en faveur de nos positions politiques, et ce dans toutes vos fonctions électives: conseiller municipal, constituant, député. De la grandeur enfin dans votre comportement de tous les jours empli d'humilité. On sait que souvent, plus les personnes sont compétentes, plus elles ont tendance à être très modestes et sont prêtes à se mettre au niveau de l'un ou de l'autre. Vos compétences et votre vie professionnelle vous ont permis d'accéder à une grande notoriété, reconnue et admirée, mais vous étiez toujours à nos côtés, au sein de notre groupe de députés, quels que soient les circonstances, les difficultés et les beaux moments.
Alors, cette grandeur - sans aucune idée élitiste ou excessive - qui vous caractérise, je vous souhaite de la conserver et maintenant de la transformer en bonheur. Bonheur de profiter désormais un peu plus de vos instants de loisir, de détente et de vos passions. Nous vous exprimons notre langueur de vous voir quitter notre groupe avec cependant la tête et le coeur pleins de souvenirs que nous garderons de vous, en espérant que vous aussi, de votre côté, vous en avez engrangé quelques-uns. Permettez-moi de conclure, cher Michel, par cette citation de M. Jean de La Bruyère: «Il n'y a guère au monde un plus bel excès que celui de la reconnaissance.» Bon vent, Michel ! (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous pouvez vous y attendre, ce n'est pas sur les idées politiques de Michel Amaudruz qu'un Vert va s'exprimer. Laissons donc le fond et attardons-nous plutôt sur la forme ! Pour plagier un commentaire sportif fréquemment entendu: «Il se passe toujours quelque chose quand il a la parole.» Maniant l'humour, la fausse candeur et l'interrogation désarmante au bénéfice d'une rhétorique bien rodée, il s'est montré dans ce parlement tel qu'il est au civil, si j'ose dire: un redoutable avocat. Certaines de ses interventions en plénière sont dignes de figurer dans notre «best of» ou dans le manuel du petit parlementaire en vingt leçons. Mais ce talent oratoire ne sert pas que des causes politiques, commerciales ou juridiques plus ou moins nobles. Il a ainsi prononcé l'éloge funèbre de mon père, éloge remarquable pour lequel je lui serai toujours reconnaissant. Enfin, parce que la forme n'est jamais bien éloignée du fond, il me faut quand même relever que Michel Amaudruz est le premier à avoir obtenu des assurances le paiement du travail domestique de la femme. C'est l'arrêté du Tribunal fédéral du 28 septembre 1982. Chapeau, monsieur l'avocat ! Les Verts vous souhaitent d'exercer encore très longtemps votre art oratoire et vous disent tout de bon, comme on dit dans le canton dont nous sommes tous deux originaires et qui, semble-t-il, fait des jaloux à Genève ces temps-ci ! (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Je tiens aussi à adresser mes remerciements et mes meilleurs voeux pour la suite de ta longue vie, mon cher Michel, puisque j'ai eu l'occasion, avant même que tu ne sièges au sein de ce Grand Conseil, de te connaître au début de la Constituante, ce qui prouve bien qu'elle n'était pas totalement inutile ! En l'occurrence, j'avais pour mission de te faire comprendre les rudiments de l'informatique que bien sûr aujourd'hui tu maîtrises parfaitement ! C'est dire donc que cette république a été tout à fait sage dans la façon dont elle a préparé les constituants pour cette nouvelle constitution. Mon très cher Michel, au sein de ce Grand Conseil, j'ai eu l'occasion de te connaître un peu plus, sous des aspects différents, à la commission de l'économie. A la Constituante, ton sens de l'humour et de la repartie, ton énervement avec les problèmes informatiques faisaient que les moments en question étaient très animés et très sympathiques alors qu'à la commission de l'économie, l'humour était un peu différent, parce que l'UDC est parfois relativement, disons, divisée dans cette commission: quand un UDC dit blanc, l'autre UDC dit noir, ce qui fait des moutons gris, et c'est bien sûr toujours intéressant à observer ! Mon très cher Michel, dans cette commission, je t'ai souvent entendu dire que M. Cuendet avait raison...
Des voix. Ah ! (Commentaires.)
M. Roger Deneys. ...pour au final voir ton collègue très dubitatif vouloir plutôt voter l'inverse de ce que tu venais dire ! C'était toujours très agréable de profiter de ces moments et de ces échanges. Je te souhaite une longue vie en dehors de ce parlement et, après avoir eu l'occasion de connaître Céline dans ce Grand Conseil, je suis aussi ravi d'avoir pu te connaître dans ce même Grand Conseil. Au nom des socialistes, je te souhaite une bonne suite de vie en dehors de ce parlement ! (Applaudissements.)
M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cher Michel, certains diront qu'il y a des départs que l'on regrette davantage que d'autres. D'autres diront qu'il y a des démissions que l'on souhaite secrètement. En l'occurrence, tu vas nous manquer, Michel ! Nous allons te regretter. Tu es une personne qui se distingue davantage par son éloquence, sa pertinence et la finesse de son humour que par son étiquette politique. Au nom du PLR, j'aimerais te remercier pour tes interventions mesurées, tes propositions constructives et tes calembours percutants ! Personnellement, j'ai eu du plaisir à siéger à tes côtés à la commission judiciaire, à la commission des droits politiques et du règlement et à la commission législative. Je sais que mes leçons d'informatique te manqueront autant que les doléances larmoyantes de notre estimé et pénétrant collègue Cyril Mizrahi. (Commentaires.) Avec ta verve joyeuse, tel un professeur, tu as vanté la constitution. Bon vivant, tu aimes dîner en pensant et tu sais qu'il faut être peu pour bien dîner. Michel, tu es rusé comme Columbo; il ne faut jamais basculer sur le terrain de l'enquête, déclarait ce vieux limier qui, comme toi, n'arrêtait pas de fumer. A l'instar de nos collègues Patrick Dimier et Pierre Gauthier, tu n'auras guère besoin de relire le Mémorial pour résoudre mes contrepèteries. Bon vent à toi, cher Michel ! Et puisque les temps y sont favorables, Maître... (L'orateur diffuse dans son micro à l'aide de son téléphone portable le son du «sabre-laser» de «Star Wars».) ...que la force soit avec vous ! (Rires. Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Deux mots pour dire non seulement au nom de mon groupe, mais aussi en mon nom personnel, que je regretterai le départ de Michel Amaudruz, pour la qualité de sa bonne humeur, de son humour, pour son regard lucide sur les controverses qui nous séparent à l'occasion, regard qui prend une certaine distance sur des querelles dont nous débattons. De ce point de vue là, c'était un apport certain à nos travaux en plénière et en commission. Je regrette donc de le voir partir mais, d'un autre côté, je salue le fait qu'il ait décidé de se retirer, au regard des conditions dans lesquelles il a pris cette décision. Je souhaite pour ma part, mais pour nous tous aussi, avoir l'intelligence et le courage d'en faire de même quand le moment sera venu pour nous de nous retirer. (Rires. Commentaires.) Je le dis pour moi en particulier, parce qu'évidemment, je suis accro, comme un certain nombre d'entre nous, à ces controverses et à ces débats politiques voire politiciens, mais il faut aussi savoir renoncer. Alors modestement, j'essaie, je commence ! Vous voyez que j'ai renoncé à ma place aux Services industriels - vous m'avez remplacé tout à l'heure - et j'ai renoncé précédemment à ma place au Conseil municipal de la Ville de Genève où j'ai aussi eu l'occasion de fréquenter Michel Amaudruz; je me prépare donc en effet à suivre le même chemin. Je crois que c'est un exemple auquel, pour les uns et les autres, il faudra savoir se référer le moment venu. Merci, Michel, pour cette contribution aux travaux de notre parlement, et bonne continuation. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. Il est toujours émouvant de voir un collègue quitter notre parlement, certains plus que d'autres, c'est vrai. Dans ce cas-ci, comme on dit volontiers du côté de Marseille, nous sommes plutôt marris, comme on dit au bain ! Michel Amaudruz appartient à cette catégorie de parlementaires au verbe plutôt rare, mais le plus souvent pertinent. C'est d'ailleurs ce qui en fait la valeur. En effet, une majorité de ce parlement le sait bien, ce qui est rare vaut le plus. Ne dit-on pas que le silence est d'or ? Plusieurs dans ce Grand Conseil s'évertuent à réaliser ce précepte, malheureusement trop souvent avec un succès fort limité. D'autres, persuadés de la pertinence de ce principe cardinal de la pacification du débat parlementaire, en profitent; ils profitent de ce que le silence soit d'or pour s'endormir. Ce n'est certainement pas le cas de notre collègue Amaudruz qui est en veille constante pour, selon la pratique bien connue de la barre, placer ses attaques parfois virulentes, pour ne pas dire à mots drus ! Décidément, mon cher Michel, ton départ nous attriste, car c'est celui d'un parlementaire expérimenté et fin tacticien. En termes plus simples, ton départ nous laisse quelque peu en rade ! (Applaudissements.)
M. Vincent Maitre (PDC). Cher Michel, comme le disait Jacques Isorni, l'un de nos confrères les plus éminents: «Si tu veux être heureux pendant une heure, saoule-toi. Si tu veux être heureux pendant une année, marie-toi. Si tu veux être heureux toute ta vie, deviens avocat !» Au regard de ta carrière professionnelle, je ne doute pas une seule seconde que ce proverbe, tu le fais tien. Mais cette même citation de Jacques Isorni t'est également applicable au regard de ta carrière politique, comme conseiller municipal, comme constituant, puis comme député; c'est du moins tout le mal que je te souhaite ! Michel Amaudruz, c'est finalement l'éloquence au service de la pensée, mais pas n'importe laquelle: une pensée toujours originale, toujours teintée d'humour et encore toujours pertinente, parce que Michel Amaudruz fait indéniablement partie de ceux qui aiment confronter les idées, la pensée et qui, au-delà, aiment que l'on puisse leur amener la contradiction sur le terrain des idées. Assurément, Michel Amaudruz fait partie de ces orateurs dont la plupart des parlements pourraient avoir réellement envie. Même si nous nous sommes peu connus, voire pas fréquentés en commission, j'ai en tout cas apprécié cet échange empreint de sagesse et, couleur partisane oblige, certes parfois d'un certain conservatisme, mais dans le bon sens du terme, un conservatisme empreint de traditions que Michel Amaudruz est prêt à défendre. Je regretterai en tout cas pour ces raisons-là cette sagesse qui lui est toute propre, ce verbe et cette éloquence qui ont su plaire et séduire l'écrasante majorité, pour ne pas dire l'unanimité de ce parlement à plus d'une reprise. Merci beaucoup et bon vent pour la suite ! (Applaudissements.)
M. Michel Amaudruz (UDC). Merci à chacune et à chacun et bonne continuation de vos travaux ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.