République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11646-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle (LIASI) (J 4 04)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 15 et 16 octobre 2015.
Rapport de majorité de M. Jean-Luc Forni (PDC)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Premier débat

Le président. Le point suivant est le PL 11646-A. (Brouhaha.) Il semblerait qu'un grand nombre d'entre vous ne sont pas intéressés par le débat sur les projets de lois connexes. Si vous souhaitez aller à la buvette, je vous en prie, c'est libre. Pour ce projet de loi, nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi modifiant la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle, la LIASI, a pour but de modifier les modalités de prise en charge de la prime d'assurance-maladie obligatoire des soins. L'objectif est d'introduire, comme limite supérieure à la prise en charge des primes d'assurance-maladie des bénéficiaires de l'aide sociale, à savoir les adultes et les jeunes adultes de 18 à 25 ans, une prime cantonale de référence inférieure de 20% à la prime moyenne cantonale ou PMC, soit la prime définie par le Département fédéral de l'intérieur. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ce projet de loi vise donc à inciter les bénéficiaires de l'aide sociale à opter pour des modèles à franchise plus élevée ou pour des modèles alternatifs, HMO, médecin de famille, etc., afin de déduire le montant de leur prime d'assurance-maladie. Une analyse a en effet montré qu'un grand nombre des bénéficiaires de l'aide sociale, à peu près 30% des adultes et environ 50% des jeunes adultes, ne déclare pas de frais médicaux, ou en tout cas pas importants, alors que d'autres déclarent des frais de plus de 3800 F par année. Dans ce cas de figure, il est clair qu'il est important de laisser une franchise à 300 F. Le Conseil d'Etat pourra donc définir les situations qui permettent une prise en charge de la prime d'assurance-maladie selon le système actuel, soit avec une franchise minimale, comme le prévoit la PMC, soit alors opter pour une prime cantonale de référence. Celle-ci sera introduite progressivement, et l'Etat s'engage à prendre en charge tous les éventuels coûts médicaux liés à l'augmentation des franchises. L'Etat fera une réelle économie dans le paiement des primes des bénéficiaires de l'aide sociale, économie estimée prudemment à 1,3 million de francs; les plus optimistes parlent de 3 millions de francs.

Lors de l'examen de ce texte, la commission des affaires sociales a demandé à la direction générale de l'action sociale de s'assurer qu'il n'avait aucune incidence sur l'éligibilité des bénéficiaires de l'aide sociale. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il s'est avéré que pour 45 d'entre eux, soit 45 cas avec revenu sur les 15 000 personnes sans revenu qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, cette prime cantonale de référence se traduisait par une perte de l'aide sociale. Pour remédier à ce constat, une commissaire d'Ensemble à Gauche - la rapporteuse de minorité en face de moi - a proposé un amendement afin que des exceptions durables puissent être incluses dans ce projet de loi et qu'on évite que le nouveau système ainsi établi n'ait des conséquences sur l'éligibilité à l'aide sociale de ses bénéficiaires actuels et futurs. Un autre amendement, présenté, lui...

Le président. Vous entamez le temps de votre groupe.

M. Jean-Luc Forni. Oui, merci. ...par le DEAS a privilégié la sauvegarde dans le giron de l'aide sociale des 45 cas identifiés actuellement, et cela de manière durable. Cela veut dire qu'avec cet amendement, dès l'entrée en vigueur du nouveau système, c'est la prime cantonale de référence qui fera office de barème de référence. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La majorité des commissaires a donc suivi l'avis du DEAS et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. (Brouhaha. Le président attend que le silence se fasse.) Madame la rapporteure de minorité, vous avez la parole.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la commission n'est absolument pas ennemie de mesures d'économies pour autant qu'elles ne lèsent pas les personnes en difficulté, à tel point que dans un premier temps, elle était prête à voter ce projet de loi, avant de se rendre compte que finalement, et contrairement à ce qui avait été affirmé - à savoir qu'il n'aurait aucune incidence négative pour les bénéficiaires de prestations d'aide sociale - il s'avère qu'il y a bel et bien un effet négatif ou préjudiciable. Il nous a été dit qu'il concernait 45 situations: mais ces 45 situations ne constituent qu'une photo au moment où la question a été examinée. Il faut savoir également qu'on ne prend là en considération que les situations d'aide sociale suivies par l'Hospice général et n'intègre pas les personnes bénéficiant de l'aide sociale par le truchement du service des prestations complémentaires à l'AVS-AI ou par celui du service des prestations complémentaires familiales. (Le micro de l'oratrice s'arrête de manière intermittente.) S'agissant de personnes qui ont un revenu...

Une voix. On n'entend rien !

Mme Jocelyne Haller. Oui, j'ai l'impression qu'il y a un problème de micro ! (Commentaires.)

Le président. Poursuivez !

Mme Jocelyne Haller. Vous m'entendez ?

Le président. Je crois que si on ne vous entend pas bien, ce n'est pas le fait du micro ! (Mme Jocelyne Haller rit.)

Mme Jocelyne Haller. Ces situations, chiffrées à 45, peuvent en réalité s'avérer bien plus nombreuses. Cela étant, s'il n'y avait qu'une situation, il s'agirait déjà d'une situation de trop. Ce qui apparaît au travers du mécanisme qui nous est proposé ici, c'est que finalement, l'incidence se porte non pas sur le seuil d'entrée: le département a en effet prévu un mécanisme qui atténue cette difficulté, puisque ne pouvant changer de franchise en cours d'année, les personnes sont obligées d'attendre l'année suivante, et le département a accepté qu'elles puissent continuer en situation de franchise à 300 F. C'est bien sur le barème de sortie que se pose le problème; parce que finalement, celui-ci est abaissé d'un montant de 100 F pour une personne seule, voire de 200 F lorsqu'il s'agit d'un couple. Ce qui veut dire qu'il faudra gagner moins, avoir moins de ressources pour sortir de l'aide sociale. Or, il s'agit pour la minorité de la commission non pas de garder les personnes artificiellement à l'aide sociale: l'objectif de l'aide sociale est d'en faire sortir les personnes le plus rapidement possible à partir du moment où leur situation s'améliore. Or en l'occurrence, elles en sortiraient sans amélioration de leur situation, et simplement avec une diminution de leurs charges. C'est pourquoi un amendement vous a été présenté, qui vise, pour les personnes qui se situent dans cette tranche de revenus qui équivaut à la différence entre la prime moyenne cantonale et la prime cantonale de référence, à ce que la prime moyenne cantonale reste l'élément qui fait référence pour le calcul, de sorte que les personnes ne subissent pas un préjudice du fait de l'introduction de cette nouvelle loi. Je reviendrai peut-être par la suite. Merci de votre attention.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG va soutenir ce projet de loi. Pourquoi ? Parce qu'il propose un modèle gagnant-gagnant et pour les assurés et pour l'Etat, avec le choix du système de franchise; finalement, c'est une économie des deux côtés, au lieu qu'on se fige dans un système. Je n'ai rien d'autre à ajouter, nous soutiendrons cet objet tel que sorti de la commission.

M. Patrick Saudan (PLR). Le PLR va évidemment soutenir ce projet de loi frappé au coin du bon sens, qui remplace la prime cantonale moyenne par cette prime cantonale de référence qui sera basée sur un panel des primes d'assurance les moins chères dans le canton. Ce projet de loi n'est pas sorti de nulle part: un système similaire s'applique dans le canton de Vaud depuis des années; et je ne crois pas que Vaud soit le parangon des cantons en matière d'injustice fiscale et sociale. Ce projet de loi concerne environ 15 000 personnes qui sont à l'aide sociale, mais 99,7% d'entre elles ne seront touchées en rien. Mme la rapporteuse de minorité l'a mentionné, il est vrai que 45 personnes pourraient être touchées à l'heure actuelle et sortir de l'aide sociale. Le département a prévu cette situation en proposant un amendement qui permet une période transitoire.

Ce que nous constatons à droite, c'est que ce projet de loi est finalement assez symptomatique de l'opposition irréductible entre la gauche et la droite par rapport au diagnostic que nous portons sur l'état très critique de nos finances genevoises. A gauche, on veut maintenir le périmètre de notre Etat social, toutes les prérogatives de l'Etat, toutes les charges salariales, toutes nos prestations, et pour financer cela, on veut simplement augmenter les impôts, comme le rapport de minorité le mentionne. Nous, nous jugeons à juste titre que la charge fiscale sur les classes moyenne et moyenne supérieure est la plus haute en Suisse, que nous sommes déjà lourdement taxés, et que c'est à l'Etat de faire des économies. Ces deux visions sont irréductibles; heureusement pour nous, la population, pour l'instant, nous a soutenus en refusant tous les projets de lois qui tendaient à introduire des hausses d'impôts à Genève. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, comme l'a dit M. Saudan, le Conseil d'Etat a prévu un amendement pour les exceptions, dans le cas où les gens pourraient se retrouver dans une situation où ils perdraient l'aide sociale. C'est un peu de l'optimisation sociale, mais enfin, il a quand même prévu cela. Personne ne risque rien. L'UDC soutiendra bien entendu ce projet de loi.

M. Christian Frey (S). Voilà typiquement un exemple d'idée excellente, de bonne proposition dont on a tout simplement sous-estimé les effets collatéraux. On les a mentionnés, ils sont relativement peu nombreux, c'est vrai; et dans ce parlement, de plus en plus, quand on parle de trente, de quarante-cinq, de moins de cent personnes concernées par une mesure, par rapport à tous les assistés extrêmement nombreux de ce canton, on a tendance à dire que c'est quantité négligeable. Ce n'est pas quantité négligeable ! Et pour m'inscrire en faux contre les propos de M. Saudan - vous lui transmettrez, Monsieur le président - ce n'est pas du tout une mauvaise chose: effectivement, le département a proposé de compenser certains effets collatéraux, et même ceux qui concernent très précisément ces 45 personnes, par des mesures dérogatoires exceptionnelles. Simplement, le problème n'est pas résolu avec ces mesures: tous ceux qui à un moment donné sortiront du droit à l'aide sociale parce qu'on calcule leurs charges à partir de la prime cantonale de référence continueront à être touchés à l'avenir. La seule chose que nous avons demandée, ce ne sont pas des miracles ni des centaines de milliers de francs en plus; c'est simplement que cette clause dérogatoire concernant ces 45 personnes soit étendue dans le temps et s'applique aussi à l'avenir à des personnes qui, en fonction de leurs revenus, à 100 F près, peuvent ou non toucher l'aide sociale. C'était là l'idée; elle est minimaliste, il s'agit d'une dépense qui n'est pas importante, et c'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, il faut absolument accepter l'amendement de la minorité qui complète harmonieusement, pour une fois, Monsieur le président du département, les mesures dérogatoires déjà imaginées et proposées par le département. Je vous remercie.

Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, en effet, voici un projet de loi certes assez subtil dans sa compréhension du problème, mais qui, en théorie, va générer des économies; et pour ces raisons-là, il est le bienvenu. Comme l'ont relevé tant la rapporteuse de minorité que M. Frey, en théorie on peut y souscrire, c'est, comme le disait M. Stauffer, «win-win», moi je dis gagnant-gagnant; mais en pratique et sur le terrain, les Verts ont les plus gros doutes et de vives inquiétudes, malgré les explications qu'on nous a fournies en commission. En effet, comme l'explique le rapport de minorité, un certain nombre d'effets négatifs ne sont pas souhaitables; et pour les Verts, il est discutable de voter une loi qui laisse déjà, malgré un dispositif imaginé par le département, 45 personnes en dehors de ce dispositif; d'autant plus qu'on ne sait pas combien elles seront l'année prochaine ni les années suivantes. J'aimerais aussi attirer votre attention, Mesdames et Messieurs, et celle du Conseil d'Etat, sur un point: ce dispositif va exiger un minimum d'attention et d'accompagnement. Or, quand quelqu'un sort de l'aide sociale, il ne peut s'y représenter que pour redemander l'aide sociale; c'est aussi un des risques. Mais s'il demandait actuellement un renseignement à l'Hospice général, les travailleurs sociaux sont si débordés qu'ils n'auraient pas même le temps de le recevoir et de fournir un renseignement. Dans ces conditions, on n'est pas certain de pouvoir faire le travail - c'est-à-dire veiller à ce que le dispositif généreux prévu par le Conseil d'Etat, prévoyant qu'on continue de prendre en charge les années suivantes les frais médicaux jusqu'à ce que la personne puisse revenir à une franchise minimale - de manière à continuer de générer des économies. Je vous donnerai un seul exemple: pour l'AMIG, c'est-à-dire le service de l'Hospice général qui s'occupe des réfugiés, cette pratique existe déjà. Quand ceux-ci sortent de l'aide sociale...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Frédérique Perler. ...et sont largués dans la nature avec une franchise à 2000 F, ce n'est pas l'Hospice général qui va les aider, ce sont bien les autres services sociaux privés. Ainsi, pour conserver tout de même les bonnes idées du Conseil d'Etat, les Verts voteront l'amendement proposé par la rapporteuse de minorité. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Si je prends la parole, c'est pour remercier exceptionnellement le Conseil d'Etat... (Exclamation.) ...pour son projet de loi - c'est assez rare pour que je le relève - et surtout, pour le remercier d'appliquer les recettes de l'UDC: il y a trois ou quatre ans, j'avais moi-même déposé un texte similaire qui apportait une économie de 3 à 4 millions - ce que demande le présent objet - et la quasi-totalité de ce Grand Conseil l'avait refusé, pour de mauvais prétextes: on avait alors allégué que mon projet de loi allait complètement déstabiliser le système, puisque les gens devraient changer de caisse pour payer moins. Finalement, la proposition du Conseil d'Etat va amener la même chose. Cela ne nous dérange absolument pas, puisque nous le proposions à l'époque. Mais je voulais quand même relever cela: peut-être que cela ne sert à rien d'avoir des conseillers d'Etat qui font des propositions, puisqu'on se fait piquer nos idées même sans avoir de représentant au Conseil d'Etat ! Je vous remercie. (Exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Patrick Saudan pour une minute douze.

M. Patrick Saudan (PLR). Ce sera suffisant, Monsieur le président, merci. Mesdames et Messieurs les députés, je croyais que le Conseil d'Etat s'était plutôt inspiré de la loi vaudoise sur les prestations complémentaires, mais je laisserai M. Poggia répondre aux déclarations de M. Florey. J'aimerais par ailleurs revenir sur l'amendement proposé par la rapporteuse de minorité: vous pouvez vous référer à l'excellent rapport de majorité de M. Forni, le département indique très clairement que si cet amendement était accepté, cela induirait une telle complexité administrative qu'il préférerait qu'on retire le projet de loi. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). Comme l'ont dit un certain nombre de préopinants, cette loi est vraiment excellente, parce qu'elle permet un progrès, elle permet à certaines personnes qui sont à l'aide sociale d'avoir droit à des modèles d'assurance qu'on ne peut pas avoir autrement, c'est-à-dire les modèles avec médecin de famille, voire les franchises à option ou d'autres choses. C'est tout bénéfice pour les assurés à l'aide sociale et qui peuvent avoir une certaine liberté, avoir ce dont profitent d'autres assurés; c'est aussi tout bénéfice pour le contribuable: c'est vraiment du gagnant-gagnant, et j'ai beaucoup de peine à comprendre que pour certains prétextes, on s'oppose à cela. J'espère qu'un nombre important de députés vont soutenir ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité, qui parle sur le temps de son groupe.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement préciser à l'intention de M. Baertschi - vous voudrez bien transmettre, Monsieur le président - que le régime ne change pas, en l'occurrence; ce sont simplement le montant de la cotisation et celui de la franchise prise en charge qui changent. En ce qui concerne l'accès au médecin et le libre choix de celui-ci, il n'y a aucun changement.

On a beaucoup utilisé l'expression «gagnant-gagnant»: c'est le cas, sauf pour les 45 situations dont il est question et les autres situations qui pourraient survenir, ainsi que toutes celles qui ressortissent aussi à la LIASI, mais à d'autres services sociaux pour lesquels on n'a pas essayé de répertorier le nombre de personnes qui, avec ce nouveau dispositif, sortiraient de l'aide sociale. J'aimerais aussi signaler un des effets pervers de ce projet de loi: finalement, ce qui est prévu, c'est que tant que les personnes sont à l'aide sociale, elles optent pour une franchise à 2500 F; au moment où elles en sortent, on les encourage à reprendre une franchise à 300 F, puisque la modicité de leurs ressources ne leur permettrait pas de faire face à 2500 F de frais médicaux, le cas échéant. Eh bien, avec un système où les personnes sortiraient de l'aide sociale, parlons de ces 45 situations: parce qu'ils seraient dans cette fourchette, les gens concernés en sortiraient; jusqu'à la fin de l'année, ils auraient une franchise à 2500 F; la sagesse voudrait qu'ils optent l'année suivante pour une franchise à 300 F, et du coup, ils devraient à nouveau entrer à l'aide sociale. Il y a là un effet pervers qui n'a pas été anticipé et qui montre non seulement à quel point un certain nombre de personnes y perdent, mais aussi, alors qu'on parlait de complexité administrative, qu'on induit dans ce cas une spirale administrative qui n'a ni queue ni tête.

En ce qui concerne la complexité administrative: lorsque nous parlons de la LIASI, beaucoup de gens disent que c'est très technique. Oh, pas plus que bien d'autres questions très complexes que nous traitons ici ! Mais la complexité intrinsèque de l'aide sociale ou de la pratique de celle-ci, en effet, se verrait augmentée d'une toute petite part, mais qui n'a rien de mortel ni de destructeur, et qui ne justifierait en rien que le projet de loi soit complètement refusé. Il s'agit simplement, à l'image de ce que le Conseil d'Etat propose pour les 45 actuelles situations, de maintenir ce système pour toutes les personnes qui seraient susceptibles de se retrouver dans cette situation, et cette situation uniquement. Quant à la comparaison avec le canton de Vaud - puisque d'aucuns ici ont souvent recours à cette comparaison...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Jocelyne Haller. Je vous remercie. ...si cela marche bien là-bas, il faut préciser que M. Pierre-Yves Maillard a prévu un dispositif de correction, puisque le subside d'assurance-maladie est augmenté de 100 F pour les personnes qui retournent en emploi. Il y a donc là une compensation. Si vous voulez regarder le système vaudois, faites-le jusqu'au bout et augmentez les subsides d'assurance-maladie en conséquence ! Je vous encourage donc à voter l'amendement présenté par la minorité.

Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure. La parole est au rapporteur de majorité, M. Jean-Luc Forni, qui dispose de deux minutes sur le temps de son groupe.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je serai relativement bref. Je voulais simplement rappeler que la finalité de ce projet de loi est de faire des économies sur les primes de caisse maladie, de faire en sorte que l'argent de l'aide sociale ne soit pas dépensé pour entrer dans l'escarcelle des caisses maladie via les primes, mais bien au contraire, reste dans le giron de l'aide sociale. Concernant l'amendement, je pense qu'on ne peut pas avoir un système qui évolue en fonction de la photographie du moment; soit on passe au nouveau système, soit on reste à l'ancien. Ce serait très complexe de faire des analyses de chaque cas pour savoir s'il faut l'un ou l'autre système. C'est tout ce que j'avais à dire à ce sujet; je vous invite à refuser l'amendement.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, les bonnes idées ne sont pas bonnes par essence, mais parce qu'elles arrivent au bon moment, parce que peut-être elles sont portées par la bonne personne - non pas que je sois celle-là, mais peut-être que si certaines bonnes idées viennent d'une partie de l'échiquier politique, systématiquement, l'autre partie y verra un traquenard et aura plutôt tendance à s'en méfier. Dans ce cas, il s'agit d'appliquer ce que l'on applique ailleurs, et qui est le résultat du simple bon sens: il faut dans ce domaine aussi appliquer un principe général du droit, celui selon lequel chacun doit essayer de diminuer son dommage. Quand on est à l'aide sociale, le dommage, ce sont les besoins que l'on a et que l'Etat solidaire doit prendre en charge. A l'exclusion des enfants - puisque ce projet de loi ne concerne les assurés qu'à partir de 18 ans, adultes et jeunes adultes - les personnes qui bénéficient d'un subside total d'assurance-maladie ont l'obligation, ou on peut leur demander - ils sont libres ensuite de ne pas le faire, et supportent les conséquences de leurs choix, car nous sommes dans un Etat qui respecte l'avis de chacun, on ne change pas l'assurance des personnes soutenues à l'encontre de leur volonté, mais les prestations sont adaptées en conséquence; je disais donc qu'on demande aux personnes qui ont des frais médicaux modestes de choisir une forme d'assurance avec une prime inférieure à la prime moyenne cantonale, soit, en 2016, je le rappelle, 525 F, ce qui est extrêmement lourd; il y a tout de même une bonne partie de la population qui la supporte elle-même, peut-être pourrait-on aussi penser à cette partie-là de la population. A celles et ceux qui compte tenu de leur parcours de vie sont amenés à devoir solliciter la solidarité de la communauté, nous sommes en droit de demander un effort, sans dommage pour leur part - je parlerai ensuite de vos effets collatéraux, comme vous les avez nommés - en choisissant un système d'assurance qui permette d'aller en dessous de cette prime moyenne cantonale, étant précisé encore une fois qu'ils n'en supporteront pas de dommage, puisque les frais médicaux sont pris en charge jusqu'à concurrence de 25 000 F pour une personne seule - je parle de la part à charge de l'assuré, non des frais médicaux en tant que tels, il s'agit d'un chiffre une fois déduite la part de la LAMal. Vous imaginez l'importance des frais médicaux en ambulatoire pour qu'il y ait une part à charge de l'assuré de 25 000 F, ou 50 000 F pour un couple; et tout cela, c'est la collectivité qui l'assume et qui continuera à le faire. C'est donc un effort que nous considérons pouvoir demander aux personnes qui bénéficient d'un subside total d'assurance-maladie.

Vous parlez d'effets collatéraux. Il y a 45 situations pour lesquelles, je peux vous le dire, nous trouverons des solutions raisonnables. Je ne vais pas mettre dans la loi une exception pour 45 situations ! D'ailleurs, vous ne cessez de répéter à longueur d'année qu'on ne fait pas de lois pour des cas particuliers. Ici, vous voudriez que l'on amende la loi pour quelques cas particuliers. Trouvez-moi une loi qui permet d'atteindre un but quelconque d'intérêt public sans aucun effet collatéral ! Bien, c'est une loi inutile dont tout le monde peut se passer, qui peut rester dans nos tiroirs. Evidemment, il y a dans le cas de la présente loi quelques effets, puisque c'est le propre d'une loi que d'avoir des effets. Vous les appelez collatéraux: écoutez, nous ferons en sorte que ceux qui verront leur situation se détériorer suite à la modification de la loi n'aient pas à souffrir davantage de la nouvelle situation, étant précisé que nous avons prévu une période transitoire. Il est vrai qu'il peut y avoir des situations dans lesquelles une personne qui sort de l'aide sociale en cours d'année et qui a choisi un système d'assurance avec une prime moindre se retrouve ensuite avec des frais médicaux qui dépassent ce qu'on a estimé et qui aurait à sa charge, à ce moment-là, une partie qui serait supérieure. Je relève néanmoins que cette personne étant sortie de l'aide sociale, on part de l'idée qu'elle ne sera plus au minimum vital et qu'elle pourra, le cas échéant, supporter ces quelques frais supplémentaires; si ce n'est pas le cas, mes services sont toujours à disposition pour examiner les situations particulières, puisque nous avons décidé d'appliquer une justice sociale, ce qui implique la justesse sociale: c'est ce vers quoi nous essayons de tendre, même si certains, dans ce parlement, considèrent qu'il ne faudrait toucher à rien. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais voter l'assemblée sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11646 est adopté en premier débat par 89 oui et 3 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 21, al. 2, lettre c (nouvelle teneur).

Le président. A l'article 21A, nous sommes saisis d'un amendement de la minorité, que voici:

«Art. 21A, al. 4

Pour les personnes qui sont au bénéfice de l'aide sociale et qui perdraient leur droit à ces prestations en raison de la prise en compte de la prime cantonale de référence, les besoins de base au sens de l'article 21, alinéa 2, de la loi continuent à être calculés selon l'ancien droit, soit avec la prise en compte de la prime d'assurance-maladie obligatoire des soins, à concurrence de la prime moyenne cantonale fixée par le département fédéral de l'intérieur, et cela aussi longtemps qu'elles remplissent les autres conditions pour être bénéficiaires de prestations d'aide sociale.

Art. 21A, al. 4 devient l'alinéa 5.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 30 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'art. 21A (nouveau) est adopté, de même que les art. 21B (nouveau) et 60, al. 13 et 14 (nouveaux).

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Troisième débat

La loi 11646 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11646 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 29 non et 2 abstentions.

Loi 11646