République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 décembre 2015 à 14h
1re législature - 2e année - 12e session - 73e séance
PL 11552-A
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant au débat budgétaire et aux projets de lois connexes, à commencer par le PL 11552-A. Nous sommes en catégorie II - trente minutes - et je passe la parole au rapporteur, M. Christian Frey.
M. Christian Frey (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Malgré le vote assez serré sur ce projet de loi, il n'y a personne vis-à-vis de moi, c'est-à-dire aucun rapporteur de minorité, ce qui montre à l'évidence, selon moi, à quel point ce projet de loi d'économies du Conseil d'Etat a posé problème à de nombreux membres de la commission des affaires sociales.
De quoi s'agit-il ? Eh bien, au moment du passage à l'âge de l'AVS, les bénéficiaires de l'AI - c'est-à-dire ceux qui touchaient déjà l'AI - maintiennent leurs droits à des prestations complémentaires cantonales plus élevées que celles des personnes qui atteignent tout simplement l'âge de la retraite sans avoir été auparavant au bénéfice de l'AI. Et l'enjeu est important ! La différence entre ces deux prestations complémentaires cantonales est en effet de 319 F par mois, ce qui représente une somme de 3828 F par an. Il ne s'agit donc pas d'une pacotille, par exemple 10 F ou 20 F par mois, mais bien de 319 F par mois. De plus, les rentiers AI qui arrivent à l'âge de l'AVS bénéficient d'autres prestations, l'allocation d'impotence, entre autres, et ils peuvent aussi - à des conditions assez drastiques, il est vrai - percevoir la contribution d'assistance. Toutefois, l'allocation d'impotence est essentiellement attribuée sur la base de critères médicaux très stricts - la directrice de l'OCAS, Mme Weideli Bacci, nous l'a confirmé - et elle est très rarement accordée à des personnes qui se trouvent à l'AI pour des raisons psychiques, enfin qui touchent à la psychiatrie. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Par ailleurs, la contribution d'assistance est un montage très compliqué dont bénéficient très peu de personnes, bien que cette prestation existe depuis plusieurs années. Actuellement, selon les informations du DEAS, il s'agirait de 100 cas: Mme Weideli Bacci de l'OCAS nous a parlé de 60 personnes qui en bénéficiaient effectivement et d'une quarantaine de demandes en cours.
La commission des affaires sociales a auditionné beaucoup de services actifs dans ce domaine. Je mentionnerai entre autres la FéGAPH - la Fédération genevoise d'associations de personnes handicapées et de leurs proches - l'AVIVO, la Plate-forme des aînés de Genève, mais aussi Pro Infirmis. Toutes ces associations - à l'exception notable, il est vrai, de Pro Infirmis - nous ont dit à quel point elles pensaient que ce projet de loi était déplacé et touchait une population très fragilisée et bénéficiant de ces prestations depuis de nombreuses années. Effectivement, le canton de Genève attribue ces prestations complémentaires cantonales plus importantes aux rentiers AI qui passent à l'âge de l'AVS depuis quarante ans. Quarante ans !
La question centrale qui tourne autour de cette problématique consiste à savoir si une personne qui atteint l'âge de la retraite en étant bénéficiaire de l'AI - autrement dit qui vit avec un handicap, qui a des incapacités - a besoin de choses particulières, ou si elle est exactement dans la même situation qu'une personne qui parvient à l'âge de l'AVS sans être à l'AI. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je suis probablement particulièrement mal placé pour m'exprimer sur ce sujet, mais je suis bénéficiaire de l'AVS et j'estime que j'ai des besoins tout à fait différents et moindres que ceux d'une personne qui est à l'AI et qui atteint l'âge de la retraite.
En quoi consiste cette situation particulière des personnes qui sont à l'AI ? Eh bien elles n'ont pas pu, avant leur passage...
Le président. Vous parlez désormais sur le temps de votre groupe.
M. Christian Frey. Pardon ?
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe !
M. Christian Frey. Alors je serai très rapide. La situation particulière de ces personnes est due au fait qu'elles n'ont pas pu faire d'économies pendant leur période d'activité professionnelle, puisque justement elles n'ont pas pu ou pas entièrement pu exercer d'activité. Le deuxième élément, c'est qu'elles ont des besoins spéciaux: lors des auditions, nous avons entendu de nombreux exemples qui touchent en particulier à l'accès à la vie culturelle, à la vie sociale et à la pratique de sports divers.
Pour conclure rapidement et laisser un peu de temps à mon groupe, Monsieur le président, je dirai que, dans cette situation particulière, pour éviter l'isolement de ces rentiers AI qui atteignent l'âge de l'AVS, favoriser leur maintien à domicile et éviter qu'ils n'aillent en institution - soit dans un EMS, soit dans un EPH - il est capital de refuser ce projet de loi, qui ne représente d'ailleurs aucune économie si on pense au prix que coûte une institutionnalisation, que ce soit en EPH ou en EMS.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, parce que nous partons du principe que le gouvernement... Mais je dois ici d'emblée faire une parenthèse: vous savez que le gouvernement doit être collégial et que lorsqu'un conseiller d'Etat s'exprime, c'est non pas en son nom personnel, mais au nom du gouvernement, c'est-à-dire du collège gouvernemental. Par conséquent, ne préjugez de rien lorsque vous entendrez le conseiller d'Etat Mauro Poggia chanter les louanges de ce projet de loi: il s'exprime non pas en son nom, mais au nom du gouvernement.
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, il faut qu'on soit clair: le groupe MCG n'acceptera pas qu'on vienne prendre dans le porte-monnaie des plus démunis, et a fortiori dans celui des handicapés. L'Etat est capable de faire des économies ailleurs, sans toucher aux prestations allouées à la population ! J'en veux pour preuve, Mesdames et Messieurs, que le projet de budget que nous allons traiter un peu plus tard dans la soirée comporte des lignes budgétaires comme celles des achats de matériel pour l'Etat, c'est-à-dire des ordinateurs, des gommes, des crayons, des bureaux, des fauteuils présidentiels, etc. Eh bien savez-vous que l'Etat dépense 558 millions de francs - soit plus d'un demi-milliard - pour les fournitures de l'Etat dans le budget de fonctionnement ? Alors venir avec un projet de loi pour prendre un million chez les handicapés... Le MCG dit non ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Romain de Sainte Marie pour une minute.
M. Romain de Sainte Marie (S). Une minute ? Merci beaucoup, Monsieur le président. A l'inverse de M. Stauffer, j'aborderai ce projet de loi en une minute, un projet de loi qu'il faut bien évidemment refuser, puisque sous prétexte d'instaurer une égalité de traitement en alignant les prestations complémentaires des rentiers AI sur celles des rentiers AVS, eh bien en réalité on va péjorer la qualité de vie déjà bien mince de personnes qui n'ont pas forcément beaucoup de moyens - on parle ici des rentiers AI. En effet, ces personnes ont des besoins supplémentaires, et la commission des affaires sociales a encore très récemment étudié les coûts de transport des personnes atteintes d'un handicap: ce sont des coûts qui sont particulièrement élevés, des coûts de la vie qui sont particulièrement élevés, et ceux-ci ne diminuent pas une fois l'âge de l'AVS atteint: bien au contraire, ils augmentent encore.
Il faut également préciser que si l'on adoptait ce projet de loi, on inciterait encore un peu plus à placer ces personnes-là dans des EMS, alors que finalement cela coûte encore plus cher que de les maintenir à domicile. Et en allant gratter dans ces prestations complémentaires, on va à l'encontre même du maintien à domicile ! Pour conclure, je dirai que ce projet de loi qui vise à diminuer d'un peu plus de 300 F par mois et par personne ces prestations complémentaires...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Romain de Sainte Marie. ...représente une économie pour le canton de Genève, mais entraîne avant tout une péjoration de la qualité de vie de ces personnes, or on ne peut pas réaliser des économies sur le dos de celles-ci.
Mme Frédérique Perler (Ve). Sans surprise, les Verts refuseront également ce projet de loi et souscrivent bien sûr totalement à ce que le rapporteur a exprimé lors de sa déclaration. Il faut tout de même rappeler que cette différence émane d'une volonté politique du Conseil d'Etat - qui date d'il y a bien des années, c'est vrai - et qu'aujourd'hui ce même Conseil d'Etat considère qu'il s'agit là d'une inégalité de traitement concernant des personnes ayant des besoins vitaux minimaux. Eh bien nous regrettons que le Conseil d'Etat prenne goût aux économies s'agissant des personnes les plus fragilisées, en particulier celles qui vivent avec un handicap et qui sont à l'assurance-invalidité, puisque c'est d'elles qu'il s'agit. Je crois - et cela a été évoqué - qu'il y a un risque d'isolement avéré si on supprime ce plus qui ne se fait pas ailleurs, c'est-à-dire dans d'autres cantons, et une péjoration de l'indépendance de ces personnes qui pourraient à terme les conduire à vivre dans des institutions, ce qui coûterait beaucoup plus cher au canton. Et pour celles qui ne se retrouveraient pas dans l'obligation d'aller dans une institution ou un EMS, eh bien il y aurait un report de charges certain auprès d'autres institutions privées, telles que Pro Infirmis, par exemple. Alors ce qui émanait d'une volonté politique genevoise dans sa tradition sociale - et c'est très bien ainsi - doit être maintenu, et nous, les Verts, déplorons que chaque économie se fasse toujours au détriment des plus précarisés.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je salue à la tribune une classe d'apprentis ébénistes et menuisiers du Centre de formation professionnelle construction au Petit-Lancy qui vient assister à notre session dans le cadre du cours relatif aux acteurs de l'Etat de droit. Ils sont accompagnés par leurs enseignants, Mme Karine Schmed et M. Marc Lehmann. (Applaudissements.)
Je passe la parole à M. Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur l'a dit, il y a eu un certain malaise au sein de cette commission des affaires sociales et ce n'est donc pas de gaieté de coeur que je prends la parole pour dire que le PDC va accepter d'entrer en matière sur ce projet de loi et va même le voter.
On l'a rappelé, cela fait environ quarante ans que les prestations complémentaires cantonales - PCC - pour les personnes en état d'invalidité sont supérieures, parce que leurs besoins sont précisément supérieurs. Mais cela, c'était avant que la législation fédérale soit modifiée, avant qu'on attribue l'allocation d'impotence et la contribution d'assistance. Alors c'est vrai que ces personnes ont des besoins supplémentaires et que celles qui atteignent l'âge de l'AVS sans avoir été en état d'invalidité auparavant ont peut-être des moyens plus importants, mais malheureusement il y a quand même une inégalité de traitement - et on ne l'a peut-être pas forcément mentionné - dans le sens où une personne qui deviendrait invalide après l'âge de l'AVS ne toucherait pas autant de prestations qu'une personne qui a hélas été invalide avant l'âge de la retraite; je pense donc qu'il faut quand même aussi tenir compte de cet élément.
Encore une fois, il est clair que nous aurions préféré pousser tout le monde vers le haut et accorder des prestations complémentaires maximales à chacun, mais malheureusement, dans le cadre du budget, et si nous voulons maintenir les prestations sociales de niveau élevé que nous avons dans le canton de Genève, eh bien il n'est pas possible d'accepter cette disparité.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il faut rappeler que lorsque ces prestations complémentaires... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ont été instaurées il y a une quarantaine d'années, il n'y avait pas d'autres prestations complémentaires comme l'allocation d'impotence et l'autre contribution qui a été mentionnée. Ces prestations ont justement été introduites par la suite, pour compenser cet état de fait. En outre, il ne faut pas oublier que Genève est le seul canton suisse qui dispose encore de prestations complémentaires cantonales pour les rentiers AI qui atteignent l'âge de l'AVS. Tous les autres cantons ne le font pas. Or est-ce que dans les autres cantons tout le monde se retrouve en EMS ? Je ne crois pas ! Il faut donc admettre qu'une fois que les bénéficiaires de l'AI passent à l'AVS, ils perçoivent de toute façon l'allocation d'impotence, en fonction du degré de leur handicap - la somme varie entre 450 F et près de 2000 F par mois - et qu'ils ont également la possibilité d'avoir des gardes de nuit, ainsi qu'une allocation de jour, qui est payée à l'heure. On ne voit donc pas pourquoi Genève garderait cet «avantage», entre guillemets.
C'est vrai qu'on s'attaque aux personnes handicapées, mais il faut aussi s'attaquer au vrai problème ! Alors pour pérenniser le système - car là on met franchement en danger le système, dans la mesure où il y aura toujours plus de gens qui se retrouveront à l'AI et à l'AVS - nous vous suggérons malgré tout de voter ce projet de loi, qui est quand même un projet courageux du Conseil d'Etat. Enfin, il faut également préciser que Pro Infirmis a indiqué que ce projet de loi ne posait pas de problème. En effet, des représentants de Pro Infirmis - qui est la plus grande association de Suisse active dans le domaine du handicap - ont dit qu'ils reconnaissaient qu'il y avait là une différence qui ne se justifiait plus, au vu de l'allocation d'impotence notamment. Nous vous proposons donc d'accepter ce projet de loi.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral-radical soutiendra cette mesure du Conseil d'Etat, une mesure qui n'est certes pas très populaire, mais qui a été étudiée avec circonspection et une certaine humanité en commission. Il n'y a pas eu de rapport de minorité de la part de notre groupe, car dans l'esprit de ce projet de loi nous souhaitions, en tout cas au niveau du groupe libéral-radical, étendre la période transitoire de trois à cinq ans, afin de pouvoir lisser ces prestations. Cependant, l'entrée en matière a été refusée, et nous n'avons donc pas pu formuler cette proposition.
Maintenant, il y a un positionnement que je veux bien admettre: on a beaucoup parlé d'inégalité de traitement, et en l'occurrence la question fondamentale est de savoir - excusez-moi cette mauvaise comparaison - qu'on a finalement meilleur temps d'être handicapé avant l'âge de l'AVS qu'après. En réalité, c'est ça: il existe une inégalité de traitement parce qu'on reçoit davantage si l'on est handicapé avant l'âge de la retraite que si l'on devient invalide après cet âge. On aurait pu raisonner en se demandant finalement pourquoi on n'harmoniserait pas la prestation vers le haut, en compensant l'inégalité de traitement avec des rentes complémentaires, mais ça n'a pas été le cas. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Ce qu'il faut quand même comprendre dans l'analyse globale... Dans ce brouhaha, en fait, parce que c'est le salon de thé ! C'est bon, Monsieur Medeiros, je peux continuer ?
Le président. Un instant ! Est-ce qu'on peut avoir un peu de silence ? Poursuivez, Monsieur le député !
M. Serge Hiltpold. Merci ! Lors de l'audition d'Albert Rodrik, qui était fort intéressante, ce dernier nous a expliqué en quelque sorte la genèse des prestations complémentaires. A Genève, il y avait depuis quarante-quatre ans certaines mesures mises en place, et le relais a été pris sur le plan fédéral, notamment avec la sixième révision de l'AI qui vise à maintenir les personnes invalides à domicile et surtout à pouvoir déplafonner les loyers. Il y a eu de plus l'allocation d'impotence, et il nous apparaissait dès lors juste et judicieux d'accepter ce projet de loi. Nous continuons donc sur cette même ligne, qui prend en compte l'inégalité de traitement, et nous vous recommandons de soutenir cette mesure du Conseil d'Etat.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs, le fait d'aborder la question de l'égalité de traitement ne garantit en tout cas pas qu'on puisse effectivement parler d'égalité de traitement, l'exemple qui nous occupe aujourd'hui le démontre amplement. En effet, on essaie finalement d'instaurer une égalité financière là où il y a une inégalité de situation, car le handicap ne disparaît pas lorsqu'on atteint l'âge de l'AVS, pas plus d'ailleurs que, pour les personnes à la retraite - puisque vous vouliez comparer - il n'apparaît systématiquement au moment de l'arrivée à l'âge de l'AVS. Ce sont donc des situations qui ne sont pas comparables, et il n'est finalement pas question de choisir si l'on sera en situation de handicap avant ou après la retraite: le handicap, on le subit, on ne le choisit pas.
De ce point de vue là, il faut qu'on soit clair sur ces questions. En réalité, il s'agit d'une mesure d'économies, et je rappelle quand même qu'elle fait partie d'un bouquet de trois mesures qui était prévu au budget 2015 et qui visait à diminuer les prestations complémentaires AVS-AI. Deux de ces projets de lois, qui ont été votés par ce parlement, ont fait l'objet d'un référendum, et nous devrons nous prononcer le 28 février. Quant au troisième élément, c'est-à-dire ce projet de loi, la majorité de la commission a refusé d'entrer en matière, et c'est une bonne chose, parce que vouloir réduire les prestations et finalement les ressources des personnes en situation de handicap sous prétexte qu'elles arriveraient à l'âge de l'AVS et qu'on voudrait comparer leur situation avec celle de personnes qui ne sont pas dans la même situation est un non-sens. Au moment où le législateur a défini que ces personnes devaient bénéficier de prestations plus importantes, c'était en lien avec des besoins, des besoins particuliers, et pas ceux qui sont couverts aujourd'hui par l'allocation d'impotence ou la contribution d'assistance, qui constituent pour leur part des prestations affectées répondant à des besoins très spécifiques. Ce dont il s'agit là, c'est d'un budget d'intégration sociale, ce que généralement vous appelez «l'inclusion sociale». Eh bien puisque vous vous rengorgez de faire de l'inclusion sociale, arrêtons d'en parler, faisons-le, et garantissons aux personnes qui en ont besoin les moyens de vivre dignement. C'est pourquoi notre groupe refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. Marc Falquet pour une minute.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, j'aimerais encore dire un mot sur les allocations d'impotence et parler des personnes qui atteignent l'âge de l'AVS sans être impotentes et qui se retrouvent quelques années plus tard dans une situation de handicap identique à celle de rentiers AI qui passent à l'AVS: eh bien il y a là effectivement une injustice, puisque les personnes en âge AVS qui deviennent impotentes reçoivent une allocation d'impotence qui est inférieure de moitié par rapport à celle que touchent les personnes qui étaient auparavant à l'AI. On favorise donc encore les personnes qui étaient à l'AI avant d'atteindre l'âge de la retraite puisque, pour le même handicap, la rente d'impotence est deux fois plus importante. Voilà, je voulais préciser ce point, car il s'agit quand même d'une situation très favorable pour les bénéficiaires de l'AI qui atteignent l'âge de l'AVS.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je constate qu'une communauté d'images semble se dessiner dans ce parlement, à défaut d'une communauté de réflexions. Je regrette évidemment que celles et ceux qui d'habitude reprochent au gouvernement son manque de courage lorsqu'il s'agit de proposer des pistes nouvelles pour mettre de l'ordre dans notre législation et pour transformer les aberrations qu'elle contient n'aient pas eu le courage en l'occurrence de soutenir un rapport de minorité, sachant que ce projet de loi a été rejeté par sept députés contre six. Nous étions donc pratiquement à égalité, et celles et ceux qui ont voté en faveur de ce projet de loi ne sont pas, contrairement à ce qu'on laisse entendre ici, des députés qui souhaitent s'en prendre à des personnes invalides, mais des députés qui comprennent qu'à un moment donné il faut traiter de manière égale deux situations égales. Et je ne peux pas laisser dire ici, comme une partie de la gauche l'a entendu, que l'on est en train de priver une partie des personnes handicapées de prestations, alors même que leurs besoins sont accrus et ne seraient de ce seul fait pas pris en charge.
M. le rapporteur nous a indiqué qu'il était à l'AVS et que bien sûr il ne se comparait pas à une personne invalide - nous imaginons tous l'invalidité, peut-être la plus frappante, d'une personne qui se trouve en fauteuil roulant. Il est évident que la situation n'est pas comparable, mais vous êtes en train de nous faire croire que ce projet de loi viserait à placer cette personne en chaise roulante dans la même situation que la vôtre, ce qui n'est évidemment pas le cas. Je rappelle que les personnes handicapées, reconnues invalides par la législation fédérale traitant de l'invalidité, qui l'étaient avant l'âge de la retraite conservent la totalité de leurs prestations en passant à l'âge de la retraite; la totalité des prestations, qui ne sont absolument pas prises en compte au niveau cantonal dans le cadre des prestations complémentaires cantonales, alors même qu'elles sont supérieures à celles qu'une personne à l'âge de la retraite avec une impotence égale - je dis bien, et je le répète: une impotence égale - recevrait. Pourquoi cette différence de traitement ? Tout simplement parce que notre législation date d'une quarantaine d'années, lorsque l'espérance de vie des personnes handicapées - il faut aussi le dire - n'était pas celle que nous avons le plaisir de connaître aujourd'hui, puisque les personnes handicapées vieillissent, ce dont nous nous réjouissons tous. Le problème était donc évidemment différent et ces personnes bénéficiaient de prestations d'invalidité sous la forme d'une rente d'invalidité.
Aujourd'hui, la législation fédérale a évolué: il existe des allocations pour impotence - impotence faible, moyenne ou grave - de même que des contributions d'assistance pour celles et ceux qui ont besoin d'une aide à domicile, puisque nous parlons ici exclusivement des personnes à domicile. Ces contributions d'assistance se montent à 49,5 F par heure, ce qui constitue, vous l'admettrez, une prestation importante, qui permet précisément aux personnes souffrant d'un handicap, et par là même d'une perte de leur autonomie, de rester, comme les personnes âgées, le plus longtemps possible à domicile.
Et lorsque les personnes invalides, comme les personnes âgées, doivent aller dans une institution, eh bien le 100% des prestations est pris en charge, au-delà de ce que peut verser la personne elle-même. Je le rappelle, les prestations complémentaires fédérales sont déplafonnées pour les personnes en institution: cela coûte évidemment extrêmement cher à la collectivité, mais c'est un devoir que nous assumons, car il s'agit d'un droit pour les personnes qui ne peuvent plus être autonomes à domicile, même si nous faisons tout pour que cette période à domicile soit la plus longue possible, puisqu'elle correspond aussi à un souhait des personnes concernées. Nous prenons donc en charge ces sommes qui sont extrêmement importantes et qui ne cessent d'augmenter avec le vieillissement de la population.
Nous parlons ici des prestations complémentaires cantonales, que seuls trois cantons en Suisse versent, Mesdames et Messieurs. Trois cantons: Genève, Zurich et Bâle-Ville. Et parmi les trois cantons qui versent ces prestations complémentaires cantonales, un seul - devinez lequel ! - ne met pas dans la même situation les personnes handicapées et les personnes âgées à degré d'impotence égal. Eh bien c'est Genève ! Parce qu'il y a toujours le «Geneva finish» ! Mais combien de temps allons-nous avoir les moyens de donner ce «Geneva finish» et de faire systématiquement plus qu'ailleurs ? Mesdames et Messieurs, nous allons parler tout à l'heure du budget: c'est le destin de Genève que nous avons dans nos mains, que vous avez dans vos mains. Si vous ne voulez pas le comprendre, eh bien ce destin se rappellera à vous tout seul ! C'est vrai que les économies dans ce projet de loi sont modestes, je vous le concède, mais elles s'inscrivent dans le cadre d'un éventail de mesures que le Conseil d'Etat a mis en oeuvre. Et puisqu'on nous dit qu'on touche toujours les plus défavorisés, je rappelle que le Conseil d'Etat avait également émis des pistes sous la forme de projets pour essayer de regarder comment rendre notre administration publique plus agile. Or une partie de ce parlement a dit: «On ne touche pas la fonction publique !» Alors on ne touche pas la fonction publique, on ne touche pas les personnes handicapées, on ne touche pas les personnes invalides... Mesdames et Messieurs, dites-moi quels sont les uns ou les autres de vos électeurs que nous pourrions toucher pour essayer d'équilibrer les comptes de ce canton ?! J'attends vos suggestions ! Le Conseil d'Etat attend volontiers vos suggestions !
Revenons-en à ce projet de loi, Mesdames et Messieurs. L'économie est modeste, mais il s'agit simplement de rétablir une égalité de traitement, car cette inégalité de traitement n'a plus aucune raison d'être. En quarante ans, la situation des invalides s'est fondamentalement modifiée sur le plan financier et matériel, ce dont nous nous réjouissons. Il convient aujourd'hui d'en tirer les conséquences et d'admettre que, à impotence égale, il n'y a aucune raison que des prestations soient plus élevées pour des personnes invalides que pour des personnes qui perdent leur autonomie avec l'avancement de l'âge. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.
Une voix. Vote nominal ! (Commentaires.)
Mis aux voix, le projet de loi 11552 est rejeté en premier débat par 51 non contre 44 oui.